Vous êtes sur la page 1sur 4

Lomé, le 24 décembre 2023

AVIS JURIDIQUE
A
Madame le Président du Conseil
D’Administration de l’Hôpital Dokta Lafiè,

Madame le Président,

Je fais suite à nos divers échanges en émettant un avis circonstancié pour vous permettre d’avoir
une vue globale sur les conditions de révocabilité du Directeur Général de l’Hôpital Dokta Lafiè.

Les faits se résument en ce que Monsieur SALI Tondore a été engagé par la Société de gestion
de l’hôpital par un contrat de travail n° 02/2020/SOGEPH en qualité du Directeur Général pour
une durée indéterminée, ainsi qu’il ressort de l’article 3 dudit contrat.

Par un procès-verbal de délibération en date du 27 décembre 2022, le Conseil d’Administration


de la société de gestion hospitalière (SOGEHP) a pris acte de l’expiration du mandat du
Directeur Général et l’a reconduit dans ses fonctions de mandataire social.

Très tôt après cette reconduction, plusieurs insuffisances et écarts de conduite ont été constatés
dans la gestion du Directeur Général. Malgré la lettre d’avertissement avec période de sursis à lui
adressée par le Conseil d’Administration, il n’a pas réussi à redresser la situation.

C’est pourquoi, il est envisagé sa révocation et mon avis est sollicité à cet effet.

J’émets l’avis ci-après qui est circonscrit aux faits dont j’ai connaissance à la date du 24
décembre 2023.

Pour la mise en place des organes provisoires de l’Hopital Dokta Lafiè, vous avez signé pour le
compte de la société, un contrat de travail avec Dr. SALI Tondore. Suivant ce contrat, il assure
les fonctions de Directeur Général. Après une période de stabilisation, le Conseil
d’Administration a régularisé la situation en constatant l’expiration du mandat découlant du
contrat de travail et a décidé de la reconduction de Dr SALI Tondore dans ses fonctions pour une
période de 3 ans.

La question de droit qui se pose à ce niveau est de savoir si Dr SALI Tondore cumule les
fonctions de mandataire social avec un contrat de travail.

Juridiquement, il est possible qu’un mandataire social cumule ses attributions de mandataire
social avec un contrat de travail.

1
Mais à la lecture des dispositions combinées des articles 489, 426 et 438 de l’Acte uniforme
relatif au droit des sociétés et du groupement d’intérêt économique, il apparait que le Directeur
Général d’une société anonyme est lié à la société par un contrat de mandat et que le contrat de
travail n’est envisagé que lorsqu’il correspond à un emploi effectif, distinct du travail
accompli par ce directeur dans le cadre de ses attributs de dirigeant (CCJA, 2e ch.,
27 avr. 2023, n° 108/2023. La CCJA réaffirme ainsi sa position constante sur les conditions
de validité du cumul d’un mandat social avec un contrat de travail (CCJA, 8 mars 2012,
n° 013/2012 ; CCJA, 12 févr. 2015, n° 003/2015 ; CCJA, 29 févr. 2016, n° 033/2016 ; CCJA,
9 avr. 2020, n° 098/2020).

En l’espèce, il est constant que Docteur SALI Tondore, occupe le poste de Directeur Général de
la société de Gestion hospitalière suivant procès-verbal de délibération du Conseil
d’Administration daté du 22 décembre 2022 qui a constaté l’expiration de son contrat
préalablement signé,

Il ne ressort d’aucun élément du dossier que Dr. SALI Tondore, exerce, en sus de son mandat de
Directeur Général, un autre emploi effectif correspondant à un contrat de travail. En effet, pour
déterminer l’effectivité de l’emploi, plusieurs conditions doivent être réunies. Le dirigeant (Dr.
SALI Tondore) doit exercer des fonctions différentes de celles exercées dans le cadre du mandat
social. Les attributs entre les deux fonctions doivent donc être clairement distinctes. Cette
condition du salariat n’est satisfaite que lorsque les tâches confiées au dirigeant sont accomplies
par lui non seulement de manière effective et personnelle, mais aussi à titre professionnel et pour
le compte de la société. Le dirigeant doit aussi avoir une rémunération distincte pour caractériser
le cumul.

Le dirigeant doit ainsi recevoir une contrepartie pour chacune des fonctions exercées même s’il
reçoit une rémunération unique. Enfin, le dirigeant doit être placé dans un état de subordination à
l’égard de la société. Il doit ainsi être sous l’autorité et sous le contrôle de celle-ci par rapport au
travail qu’il effectue. Ce qui n’est pas le cas dans l’espèce.

Par conséquent, il ne serait pas lié à la SOGEHP par un contrat de travail, mais plutôt son contrat
de mandat social a fortiori aucun cumul n’existe en l’espèce.

Par ailleurs, le principe de révocabilité ad nutum du Directeur Général d’une Société Anonyme,
édicté par l’article 492 de l’AUSCGIE est un principe d’ordre public ;

En signant un contrat de travail en 2020, vous étiez entrain de garantir la stabilité d’un mandat
que Dr. SALI exercera. Ce pacte qui n’avait pour finalité ou pour effet que de restreindre ou
d’entraver la révocation ad nutum du Directeur Général SALI Tondore et lui ménager ainsi un
préavis contraire au principe de la révocabilité ad nutum ;

Un tel contrat, qui ne correspondait pas à aucun emploi effectif exercé cumulativement avec la
fonction de Directeur Général, distinct du mandat de Directeur Général de Société Anonyme au

2
sens de l’article 426 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du
Groupement d’intérêt économique, ne revêt aucune valeur juridique ;

Heureusement que vous avez régularisé la situation par le procès-verbal de délibération en date
du 27 décembre 2022 ;

Au demeurant, Dr. SALI Tondore ne peut se prévaloir sans se contredire d’un contrat de travail à
durée indéterminée signé entre la Société de gestion hospitalière et lui pour s’exonérer de
l’application à son probable litige avec la SOGEHP de l’Acte Uniforme dans la mesure où étant
lié à la SOGEHP actuellement par le seul mandat de Directeur Général, seule une procédure de
révocation ad nutum ou pour juste motif est envisageable pour mettre un terme à vos relations ;

C’est le sens des dispositions de l’article 492 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés
commerciales et du GIE, « Le directeur général peut être révoqué à tout moment par le Conseil
d'Administration.

Si la révocation est décidée sans juste motif, elle peut donner lieu à dommages et intérêts. »

Il ressort de ces dispositions que le directeur général d’une société anonyme est un mandataire
social, révocable à tout moment. Deux situations se présentent donc : le DG peut être révoqué ad
nutum (c’est-à-dire sans qu’il soit utile d’indiquer le motif de sa révocation.) ou pour justice
motif. Dans la première hypothèse, la société peut être tenue de lui payer des dommages et
intérêts (s’agissant de la demande en paiement de l’indemnité de rupture, si les parties ont
convenu que cela sera ainsi en cas de rupture de la relation : CCJA, 2e Ch., Arrêt No81/2021, 29
avril 2021 ; CCJA, 1ère Ch., Arrêt No375/2020, 31 décembre 2020). Dans la seconde hypothèse
(révocation pour juste motif : Les hypothèses dans lesquelles pourraient exister des
comportements fautifs, actes ostensibles et objectivement préjudiciables à la société, commis par
le directeur général sont certainement assez rares), le dirigeant écarté n’a pas droit aux
dommages et intérêts.

De l’analyse du cas, il ressort de la pièce intitulée « Lettre d’avertissement avec période de


sursis » en date du 23 juin 2023 » dûment communiquée au DG que sur ce dernier reposent les
griefs d’insuffisance de productivité, déficit communicationnel, indisponibilité et non-réponse
aux appels, rencontre avec les fournisseurs et soupçons de concussion ; faits suffisamment graves
et susceptibles d’être qualifiés de fautes constitutives de juste motif de révocation n’ouvrant pas
droit aux dommages et intérêts ;

En synthèse, la solution envisageable est la procédure de révocation par délibération du


conseil d’administration légalement convoquée. Le motif de la révocation devra être le
juste motif avec à l’appui des faits suffisamment et objectivement établis. Cela implique le
respect du principe du contradictoire qui veut que le DG puisse être entendu, ou en tout cas
mis en position de faire valoir ses arguments. (Le principe du contradictoire est réputé
respecté lorsqu'il ressort du procès-verbal de l'assemblée générale que des questions ont été
posées au Directeur général et que celui-ci y a apporté des réponses).

3
la procédure de licenciement serait surabondante en raison de l’inexistence d’un contrat de
travail effectif entre Dr. SALI Tondore et la SOGEHP.
Cet avis est strictement circonstancié. Il est susceptible d’être différent en raison de la
survenance de faits non connus.
En espérant que vous trouverez dans cet avis la réponse à votre préoccupation, je vous prie,
Madame le Président du Conseil d’Administration, de croire à l’assurance de mes sentiments
respectueux et dévoués.

Me Edah. A. N’DJELLE

Vous aimerez peut-être aussi