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Semestre 5

Parcours économie et gestion


Section 3 – 4

MODULE : HISTOIRE DE LA
PENSÉE ÉCONOMIQUE

Pr. Rachid EZ ZOUAQ

Année universitaire 2022 / 2023


Objectifs du module

A quoi sert l’étude de l’histoire de la pensée


économique ?

« L’historien projette dans l’histoire les intérêts et


l’échelle de valeurs de son temps et c’est d’après
les idées de son temps qu’il entreprend sa
reconstruction ; c’est pour cela justement que
l’histoire se renouvelle et que rien ne change plus
vite que l’immuable passé ».
Gallimard

2
Objectifs du module

A quoi sert l’étude de l’histoire de la pensée


économique ?

« Il serait illusoire d'espérer que l'on comprendra


quoi que ce soit aux phénomènes économiques
[...] sans maîtriser suffisamment les données
historiques. Il est de fait, que les erreurs
fondamentales qu'on commet aujourd'hui en
analyse économique sont plus souvent dues à un
manque d'expérience historique qu'à toute autre
lacune dans la formation des économistes ».
Joseph Schumpeter
3
Objectifs du module

J. Schumpeter se demande pourquoi étudier l’histoire de


la pensée économique et il répond par une très courte
liste de raisons qui lui paraissent suffisantes : « des
avantages pédagogiques, des idées nouvelles et des
éclaircissements sur les démarches de l’esprit humain ».
Sur le plan pédagogique : c’est un module qui doit :
⚫ Vous inciter à faire beaucoup de lectures.

⚫ Vous permettre d’avoir un esprit de synthèse

⚫ Vous permettre d’apprendre à faire des dissertations

⚫ Vous permettre de remonter aux sources (à l’histoire)

pour comprendre l’importance des problèmes et la


validité des méthodes utilisées par les économistes.
4
Objectifs du module

 L’étude de l’HPE permet de faire surgir des idées


nouvelles et il est toujours possible de glaner des leçons
utiles pour le présent à partir des différentes explorations
tentées par les auteurs du passé. Personne ne peut
prévoir l’avenir, mais c’est à partir de nos idées sur le
passé qu’on peut construire un avenir.
 Enfin, l’étude de l’histoire de toute science nous
dévoile les démarches de l’esprit humain (comment
les théories qu’on étudie en sciences économiques ont
été formé).

5
Contenu du module

Pré-classiques :
⚫ Mercantilistes
⚫ Physiocrates
Classiques :
⚫ Adam Smith
⚫ David Ricardo
⚫ Thomas Malthus
⚫ Jean-Baptiste Say
⚫ Karl Marx
Néo-classiques / marginalistes
⚫ Jevons
⚫ Walras 6
Quelques références bibliographiques

7
Quel point de départ pour l’HPE ?

⚫ Une approche plus globale de l'histoire de la pensée


économique doit aussi prendre en compte les
premières réflexions sur la vie économique
développées depuis l'Antiquité.
⚫ Au sens strict, une histoire de la théorie économique
qui entend privilégier l'élaboration des concepts, des
instruments d'analyse débute par des auteurs souvent
qualifiés de « pré-classiques ».

8
PREMIÈRE PARTIE :
LES PRÉCLASSIQUES

9
CHAPITRE 1 :
LES MERCANTILISTES

10
ASPECTS INTRODUCTIFS

⚫ Le mercantilisme est à la fois une doctrine et une


politique économique mise en place entre le 16ème et le
18ème siècle (de 1450 à 1750).
⚫ Il s’agit de la pensée économique ou la réflexion des
auteurs européens, ou au moins de la plupart d'entre
eux durant la période de transition entre le féodalisme
et le capitalisme.
⚫ Il s’agit souvent d’hommes politiques ou de grands
marchands dotés d’une influence pratiques.
⚫ Selon ces auteurs, l'État seul incarne l'intérêt national
et il doit le défendre contre les agissements des autres
nations ; d'où des politiques autoritaires et
protectionnistes.
11
Les principales idées développées par les
mercantilistes

⚫ Le souci principal des mercantilistes est de chercher les


moyens pratiques pour enrichir la nation. Ils ont proposé
des « recommandations » susceptibles d’accroitre la
puissance politique de l’Etat à travers le développement de
sa puissance économique.
⚫ L’enrichissement est une fin louable.
⚫ L’économie fonctionne comme un jeu à somme nulle.
⚫ Ce sont les métaux précieux (or et argent) qui expriment
la richesse et la puissance des nations ; pour accroître la
richesse, il faut rapatrier et collecter le maximum de métaux
précieux.
⚫ L’agent économique le plus important c’est le commerçant
et l’activité la plus enrichissante pour la nation est le
commerce, ainsi le Roi (le pouvoir public) doit encourager
le commerce en leur offrant la protection militaire. 12
Les méthodes d’enrichissement

Trois réponses ont été avancées pour permettre


l’enrichissement de la nation :
⚫ La réponse des mercantilistes Espagnoles (le bullionisme)
⚫ La réponse des mercantilistes Anglais (Le
commercialisme)
⚫ La réponse des mercantilistes Français (l'industrialisme)

13
Les méthodes d’enrichissement

Les mercantilistes Espagnoles : le bullionisme

Conseillent de développer plus la colonisation des


régions riches en métaux (le nouveau monde :
l'Amérique) afin de développer les exportations et
réaliser une balance commerciale excédentaire :
commerce inégal.

 La richesse de l'Etat réside dans l'importance de son


stock de métaux précieux et la puissance de son
souverain repose sur une large disponibilité de ces
métaux.
14
Les méthodes d’enrichissement

Les mercantilistes Espagnoles : le bullionisme

Ils recommandent :
⚫ d'interdire la sortie des métaux précieux du royaume

et encouragent leur afflux sur le territoire national.


⚫ d’interdire l'importation des articles manufacturés,
d’encourager la production nationale et d’interdire
l'exportation des produits de l'agriculture et de
l'élevage.
⚫ d’exploiter au maximum les mines de métaux précieux

en conquérant avec force des territoires nouveaux.


Les guerres et les conquêtes des colonies peuvent
apporter des ressources nouvelles. 15
Les méthodes d’enrichissement

Les mercantilistes Français : l’industrialisme (le


Colbertisme)
Préconisent l’intervention de l’Etat en matière de réglementation des
manufactures, de la construction de l’infrastructure, notamment la flotte
commerciale et militaire afin de conquérir d’autres marchés pour
développer les exportations.
 La richesse d'un pays se mesure désormais par le niveau de son
activité productive et commerciale et non par son stock d'or et d'argent
thésaurisé.
 Pour s'enrichir, il faut nécessairement faire venir l'or et l'argent de
l'étranger par des excédents de la balance du commerce.
 L’agriculture, l’industrie et le commerce sont des activités importantes
et interdépendantes.
 L'Etat doit aider les manufactures en intervenant directement dans
l'industrie en protégeant les inventions, en accordant des subventions et
des protections douanières et en créant des monopoles par l'octroi des
privilèges. 16
Les méthodes d’enrichissement

Les mercantilistes Anglais : Le commercialisme


Voient que l’accroissement du stock de métaux nécessite un certain
protectionnisme. Ainsi, il faut limiter les importations (et
n’importer qu’aux prix les plus faibles) et encourager les
exportations. Ce qui permet d'obtenir une balance commerciale
excédentaire.
 Pour atteindre cet objectif il convient donc d'encourager l'activité
des marchands du royaume (le négoce) et favoriser les grandes
compagnies maritimes de commerce.
 Le négoce est encouragé par la sauvegarde des intérêts des
marchands, par une paix civile assurée et par la garantie de la
propriété individuelle.
 L’Etat (le roi) promulgue des textes réglementaires qui
préconisent le monopole du transport (essentiellement maritime) afin
d'assurer le maximum de commerce extérieur aux navires anglais.17
Les méthodes d’enrichissement

Au-delà des spécificités de chacune de ces trois formes


de mercantilismes, les mercantilistes s'accordent sur au
moins deux points :
 Les intérêts des marchands rejoignent ceux du
souverain : l'enrichissement des premiers contribue à
celui des rois.
 L'Etat doit intervenir dans l’économie : le
protectionnisme freine les importations (sauf celles
qu'exige la production nationale) et favorise le
développement d'industries nationales; l'Etat doit
également limiter les exportations des matières
premières nécessaires à la production nationale
subventionner l'exportation des autres produits et
encourager la colonisation.
18
Le fonctionnement du mercantilime

Le fonctionnement du mercantilisme répond à neuf


principes fondamentaux (les neuf règles de Von Hornick),
qui ont été mis en œuvre de manière différente et
individuelle dans chacun des États-nations européens,
selon leurs besoins et leurs particularités.
⚫ L’utilisation de tout le territoire national pour
l’agriculture, l’exploitation minière et l’ industrie .
⚫ Consacrez toutes les matières premières du pays
aux industries nationales , car les produits
manufacturés valent plus que les matières premières au
niveau international.
⚫ Favoriser une population abondante et laborieuse.

⚫ Interdire les exportations de métaux précieux et


maintenir la circulation de la monnaie nationale.
⚫ Empêcher l’importation de marchandises étrangères. 19
Le fonctionnement du mercantilime

⚫ Importez les biens nécessaires en échange d’autres


biens rares et non contre le paiement d’or et d’argent.
⚫ Limiter les importations aux matières premières rares
dans le pays.
⚫ Vendre le surplus de la production manufacturée à
l’étranger, en paiements d’or et d’argent.
⚫ Ne pas autoriser les importations de biens produits et
disponibles dans le pays.

20
Les thèmes abordés par les mercantilistes :

La monnaie est au centre des réflexions mercantilistes :


L'interrogation sur la nature de la monnaie occupe une
place essentielle dans la littérature mercantiliste. Cette
interrogation correspond à plusieurs questions précises,
plus ou moins mises en avant selon l'actualité, mais
traitées dans un même esprit.
On se demandait, en particulier au16ème siècle, comment
expliquer la hausse des prix et pourquoi un
accroissement de la quantité de monnaie était désirable
dans un pays.
On va voire les relations :
⚫ monnaie et prix
⚫ monnaie et richesse
⚫ monnaie, taux d'intérêt et activité économique.
⚫ Monnaie et balance du commerce
⚫ Et puis on va examiner la relation entre population
21
et travail
Les thèmes abordés par les mercantilistes :

1-Monnaie et prix
Dans un rapport intitulé : « paradoxes sur le fait des
monnaies touchant l'enchérissement de toutes choses »
publié en 1566, le Sieur de Malestroit :
⚫ D'abord selon Malestroit, il n'y a pas eu, en réalité, de
hausse des prix. « La Cherté » dont se plaint le pays serait
une illusion ».
⚫ L'inflation selon lui entièrement, imputable à la dépréciation
des monnaies, c’est-à-dire à la baisse du contenu
métallique de l'unité de compte. C'est l'évolution de la
quantité de métal précieux à payer contre des
marchandises, qui constituent à ses yeux, le critère
permettant d'apprécier la hausse des prix.
• Les prix relatifs sont restés constants, puisqu’avec une
même quantité d'or et d'argent on achète une même
quantité de bien, mais avec plus de pièces métalliques.
• Il y a, conclut Malestroit, dépréciation du signe
monétaire, mais il n'y a pas de vie chère, D'où22 le
paradoxe de la monnaie.
Les thèmes abordés par les mercantilistes :

Dans ses « Réponses aux paradoxes du Sieur De Malestroit »


(1568), J. Bodin réfute l’analyse de Malestroit concernant
l’explication de la hausse des prix.
⚫ Il conteste tout d'abord le choix de la marchandise
représentative prise en compte (le velours) qu'il considère
comme un produit de luxe, car déjà très cher et qui a
tendance à connaitre une faible hausse comparativement
aux autres biens.
⚫ Il raisonne ensuite sur un panier de biens représentatif «
les blés », principal bien de consommation courante, et les
terres, principal bien de production, et montre que la
hausse des prix de ces biens essentiels est bien supérieure
à la dépréciation des monnaies.
⚫ L'inflation n'est donc pas seulement « nominale » (inflation
des unités de compte), mais « réelle » (hausse des prix en
termes d'or et d'argent), conclut-il. 23
Les thèmes abordés par les mercantilistes :
Après cette mise au point concernant les hypothèses de départ, J.
Bodin en vient à présenter les causes de la hausse des prix.
⚫ La principale cause (si ce n’est pas la seule d’après ses termes)
c’est l'abondance d'or et d'argent. L'accroissement de l'offre des
métaux précieux comparativement à l'offre des autres biens fait
baisser les prix relatifs de l'or et de l'argent par rapport aux biens.
Ainsi, le niveau général des prix se trouve directement relié à la
quantité d'or et d'argent. Cette explication reliant l'accroissement
des métaux précieux (la masse monétaire) et le niveau général
des prix est considérée par certains auteurs comme l'un des
premiers énoncés de la « théorie quantitative de la monnaie ».
⚫ La 2ème cause de la hausse des prix vient en partie des
monopoles.
⚫ Une 3ème cause susceptible de faire hausser les prix, selon, J.
Bodin est l'exportation qui raréfie les ressources disponibles à
l'intérieur du pays. Mais, d’après lui, seul le blé mérite
véritablement un contrôle des exportations dans le souci d'éviter
toute famine.
24
Les thèmes abordés par les mercantilistes :

2- Monnaie et richesse
⚫ les mercantilistes espagnols et portugais assimilent la monnaie et
la richesse. La raison est simple. L'or et l'argent sont des biens
durables qui ne disparaissent pas après usage, donc faciles à
stocker. La valeur intrinsèque et de l'or et de l'argent et leur
caractère impérissable leur semblent l'essence même de la
richesse.
⚫ D'autres auteurs mercantilistes ont fait remarquer que la monnaie
est richesse, non pas parce que c'est un bien impérissable,
mais parce que c'est un pouvoir d'achat. Parce qu'ils permettent
aux hommes d'acquérir les marchandises dont ils ont besoin.
⚫ A. de Montchrestien, quant à lui, considère que ce qui fait les Etats
riches et opulents, ce sont les « choses nécessaires à la vie et
propres aux vêtements », la monnaie n'est que l'instrument pour
se les procurer.
⚫ Très tôt apparait donc la reconnaissance explicite des trois
fonctions attachées à la monnaie : unité de compte, instrument
d'échange et réserve de valeur. Les deux dernières permettent 25
le rapprochement monnaie/richesse.
Les thèmes abordés par les mercantilistes :

3-monnaie, taux d'intérêt et activité économique.


L'abondance monétaire a pour les mercantilistes un avantage
essentiel : elle permet la baisse du taux d'intérêt. Un taux
d'intérêt bas encourage les affaires et stimule l'activité
économique.
⚫ La prospérité d'une nation exige un taux d'intérêt aussi
bas que possible et des salaires élevés. Un bas taux
d'intérêt facilite le commerce, décourage les oisifs désireux
de jouir de leur fortune acquise et permet la création
d'affaires nouvelles.
⚫ Si l'abondance des hommes permet de maintenir à un bas
niveau les salaires, l'abondance monétaire permet de
maintenir à un bas niveau le taux d'intérêt. De même que le
bas niveau des salaires agit favorablement sur les coûts de
production des manufactures, le bas niveau du taux
d'intérêt permet de financer à cout réduit les
investissements industriels et commerciaux 26
Les thèmes abordés par les mercantilistes :

4- Monnaie et balance du commerce


⚫ d’après les mercantilistes, l'un des moyens permettant

de faire entrer l'or et l'argent dans le royaume est


d'avoir une balance de commerce excédentaire c'est-à-
dire de faire en sorte que la valeur des exportations
dépasse celle des importations. L'excédent de la
balance commerciale doit donc se traduire
automatiquement par l'afflux des métaux précieux.
⚫ Ce sont surtout les mercantilistes commercialistes
anglais qui ont établi une véritable politique du
commerce extérieur. Ils ont d'abord recommandé à
l'Etat de construire une flotte puissante et garantir dès
la sécurité des navires marchands. 27
Les thèmes abordés par les mercantilistes :

5- population et travail
⚫ Les mercantilistes sont populationnistes c'est-à-dire
favorables à l'augmentation de la population d'un pays.
⚫ Selon eux une population nombreuse est un signe tangible
de la puissance de l'Etats = armée nombreuse) et une
ressource essentielle pour l'activité productive.
⚫ Une population nombreuse est donc perçue comme un
facteur de puissance et de prospérité.
⚫ Mais cette population ne doit pas rester inemployée, sinon
elle est une charge et un danger. Car le chômage est
considéré par de nombreux mercantilistes non seulement
comme une perte de production potentielle, mais également
comme la source d'habitude d’oisiveté, de relâchement et
de décadence de la nation. Il faut donc obliger les gens à
travailler. 28
Les thèmes abordés par les mercantilistes :

6- la politique interventionniste de l’Etat :


⚫ Les mercantilistes étaient des interventionnistes, c’est-

à-dire que l’initiative privée devrait se conformer à la


politique économique tracée par l’Etat et s’exercer
dans un cadre bien délimité.
⚫ Ils ont mis sur pied tout un arsenal de mesures,

d’interventions, de restrictions et d’encouragement…,


la concurrence n’était pas encouragée.
⚫ Tout ce qui pouvait limiter le champ et les possibilités

de l’action de l’Etat devait être supprimé.

Protectionnisme maitrise des mers (Cromwell-Act)


29
Critiques adressées à ce courant de pensée :

⚫ La pensée mercantiliste est différemment appréciée


mais généralement elle est peu étudiée et très
critiquée. Le plus grand spécialiste et en même critique
de ce courant de pensée est incontestablement Elie
Heckescher. Son important ouvrage « mercantilism »
demeure l’unique référence importante en la matière.
⚫ Un autre économiste, adversaire de l’interventionnisme
de l’Etat et de la protection, Jacob Viner consacrera à
l’analyse de ce courant de pensée une place importante
dans son monumental traité « pure theory of trade ».
⚫ Ces deux auteurs prolongent ainsi l’appréciation
négative portée sur le mercantilisme par la grande
majorité des économistes libéraux du 19ème et du début
du 20ème siècle.
30
Critiques adressées à ce courant de pensée :

Le mercantilisme a eu de nombreux critiques, qui


l’ont accusé de ne pas comprendre les avantages
du commerce et de l’avantage comparatif . Des
théoriciens comme David Hume dénonçaient
l’impossibilité du mercantilisme de maintenir en
permanence une balance commerciale favorable
(exportations supérieures aux importations) et
l’intérêt excessif pour les métaux précieux comme l’or
et l’argent qui, monopolisés par l’État, perdaient leur
valeur commerciale et devait plutôt être traité comme
n’importe quel autre bien rare.
Enfin, le mercantilisme a été remplacé au XIXe
siècle par les théories du libéralisme et du
laissez-faire
31
CHAPITRE 2 :
LES PHYSIOCRATES

32
Quelques limites du mercantilisme :

⚫ Le commerce entre Etats est un jeu à somme positif


affirme Smith contrairement aux mercantilistes qui pensent
que le commerce entre Etats est un jeu à somme nulle.
⚫ L’objectif c’est d’enrichir l’Etat, peu importe par quel moyen
⚫ Ils négligent les activités de production et ne valorisent que
le commerce
⚫ La richesse est mal partagée : ce sont les marchands qui
profitent de l’accumulation de la richesse.
⚫ Multiplication et abus de la réglementation (pour favoriser
l’enrichissement de la nation).
⚫ En pratiquant une politique protectionniste, l'Espagne s'est
ruinée économiquement, car elle n'a pas pu empêcher la
fuite des métaux précieux.
33
Présentation de l’école :

La physiocratie (étymologiquement : le pouvoir de la nature


ou le gouvernement de la nature) est un courant de pensée
spécifiquement français, très délimitée dans le temps (1750-
1770). C'est la première véritable école de pensée
cohérente et systématique rencontrée en économie dans la
mesure où elle s'est dotée :
⚫ D'un programme de recherche : l'analyse de la
circulation de la richesse ;
⚫ D'un livre de référence exprimant ce programme : le
tableau économique,
⚫ D’un chef de fil F. Quesnay et de nombreux disciples.

Un courant dont la doctrine se fonde sur l’idée d’une


supériorité de la nature - source principale de richesses - et
d’un projet : celui de remettre l’agriculture au centre des
politiques économiques. 34
Le contexte historique de la Physiocratie :

⚫ Située autour de F. Quesnay (1694-1774), l'école


physiocratique dominera la réflexion économique
française pendant une vingtaine année (1756-1776).
⚫ Développée essentiellement en France elle réagit
contre l'immoralisme des mercantilistes et
surtout contre le colbertisme, responsable de
l'abandon de l'agriculture et du retard de son
développement.
⚫ La Physiocratie naît dans une époque où plus des ¾
du revenu national proviennent de l’agriculture mais
où celle-ci connaît cependant les prémices d’un déclin.

35
Le contexte historique de la Physiocratie :

⚫ C’est donc d’abord une réaction contre le déclin de


l’agriculture.
⚫ La physiocratie arrive aussi après plus de deux siècles
de mercantilisme, qui ont vu la multiplication et les
abus de la réglementation.
⚫ Les physiocrates affirment que la richesse provient
uniquement de la terre et que le développement de la
société et le bonheur des hommes ne peuvent se
réaliser que dans « le royaume de l'agriculture ».
Persuadés que la prospérité du royaume repose sur
celle de l'agriculture, ils opposent à l’industrialisme de
M. Colbert.
36
Les grands auteurs de l’école:

⚫ Secte des économistes : François Quesnay, Marquis


de Mirabeau, Dupont de Nemours, Le Mercier de la
Rivière, L'abbé Nicolas Baudeau et Guillaume François
Le Trosne.
⚫ François Quesnay : Fils de paysan, François Quesnay
(1694-1774) devint médecin. Ces deux
caractéristiques expliquent à coup sûr l’attachement
qu’il a pour l’agriculture et sa conception de l’économie
comme un corps, dont la vie est assurée par la
circulation des richesses. De fait, quand il commence à
s’intéresser à l’économie, vers l’âge de 60 ans, il
propose une représentation de l’économie dite du «
circuit », où tout est à l‘image du fonctionnement du
corps humain. 37
Les grands auteurs de l’école:

François Quesnay : Issu d'une famille modeste, son


père est un petit propriétaire terrien. Il a onze frères et
sœurs. À 11 ans, il ne sait toujours pas lire. Il va alors
apprendre avec son jardinier, ce qui va développer chez
lui un goût pour la médecine et l'« administration
rurale ». Dès 1711, il apprend le latin et le grec avec le
curé de son village. À 13 ans, il se retrouve orphelin de
père et décide de se consacrer à la chirurgie. Il étudie
la médecine.
Chirurgien, médecin, philosophe et démographe,
Quesnay ne commença à s’intéresser vraiment à
l’économie qu’à l'âge de 60 ans.

38
Les grands auteurs de l’école:

L'œuvre de F. Quesnay, le fondateur de l'école est


abondant. Elle comprend
- Fermiers (1756),
- Impôts (1757),
- Grains (1757),
- Hommes (1757).
- Le Tableau économique publié par Quesnay, en 1758
constitue incontestablement l'œuvre majeure des
physiocrates.

39
Les idées principales des physiocrates :

Il y a trois principes fondamentaux : L'ordre naturel, le


libéralisme économique et la primauté de l'agriculture.
a- L’ordre naturel :
les physiocrates énoncent que la société est régie par
un ordre providentiel et essentiel, voulu par Dieu pour
le bonheur des hommes. Cet ordre naturel exprime les
conditions de réalisation d’un monde ordonné et
heureux. Cet ordre naturel contient des lois
fondamentales et immuables de toute société.
Dupont de Nemours écrira que « les lois naturelles sont
irrévocables, elles tiennent à l’essence des hommes et
des choses ».

40
Les idées principales des physiocrates :

⚫ Ces lois, qui doivent être enseignées aux hommes,


légitimes tout d’abord la propriété privé (en
particulier celle de la terre)
⚫ La liberté du commerce et d’industrie est nécessaire
puisqu’elle conduit à la rationalité c’est-à-dire à un
meilleur ordre possible. L’ordre naturel se réalisera si
on laisse faire les hommes.
⚫ La 3ème loi est l’autorité qui permet le respect de la
propriété et de la liberté. C’est au souverain, au
«despote éclairé » connaissant les lois naturelles que
revient le devoir d'assurer la réalisation de cet ordre
naturel.
41
Les idées principales des physiocrates :

b- Le libéralisme économique :
Le libéralisme des physiocrates est étroitement lié à
l'ordre naturel. Puisque l'ordre naturel est rationnel et
bienfaisant, toute intervention de l'Etat est donc jugée
superflue voire inutile. Le libéralisme économique des
physiocrates part de l'idée selon laquelle les individus
doivent pouvoir exercer librement leur activité
économique comme agriculteurs, commerçants ou
manufacturiers sans entraves ni interdictions.

42
Les idées principales des physiocrates :

Leur devise est « laisser faire, laisser passer », car la


libre circulation des biens, et le libre choix des citoyens
de dépenser leurs revenus, stimulent la production et
accroît la richesse du royaume.
Le rôle de l’Etat a clairement été définie par Quesnay
dans son article « Grains » de 1757 : « Il suffit au
gouvernement de veiller à l'accroissement des revenus
des biens du royaume, de ne point gêner l'industrie de
laisser aux citoyens la facilité et le choix de leurs
dépenses ».

43
Les idées principales des physiocrates :

c- La primauté de l'agriculture :
L'agriculture est, la seule activité capable de fournir à
l'homme plus de richesse que n'en ont représenté les
semences et le travail d’agriculteur. « Tout vient de la
terre ». Elle est la seule productive puisqu'elle multiplie la
matière (on plante un grain de blé et on récolte un épi) et
dégage un surplus -le produit net- qui est l'expression de
la richesse même. « La terre est l'unique source de
richesses et...C'est l'agriculture qui les multiplie », dira
Quesnay.

44
Les idées principales des physiocrates :

Dupont de Nemours écrit : « Que le souverain et la


nation ne perdent jamais de vue que la terre est
l’unique source de richesse et que c’est l’agriculture
qui les multiplie. »
Et le Mercier de la Rivière : « L’industrie n’est pas plus
créatrice de la valeur qu’elle n’est créatrice de la hauteur
et de la longueur d’un mur. ».
Les physiocrates avancent un autre argument pour
justifier la productivité de l'agriculture, qui est celui du «
don gratuit de la nature ».

45
Le concept du tableau économique :

⚫ Le Tableau Economique est la première représentation


schématique du circuit économique. Il va permettre de
révéler le fonctionnement d'une économie qui respecte
l'ordre naturel. La première version du Tableau
Economique est éditée en 1758.
⚫ Quesnay explique le circuit économique à travers un
exemple tiré de son article "Analyse de la formule
arithmétique du Tableau Economique de la distribution
des dépenses annuelles d'une Nation agricole", publié
en 1766 dans le Journal de l'agriculture, du commerce
et des finances.

46
Le concept du tableau économique :

a- Les principaux concepts du TE.


⚫ La richesse : elle est définie par Le Mercier de La

Rivière comme « la masse des valeurs qu'on peut


consommer au gré de ses désirs sans altérer le
principe qui les reproduit sans cesse ». Cette définition
a conduit les physiocrates à distinguer entre le produit
brut et le produit net. Le produit brut regroupe la
récolte et l'ensemble des dépenses engagées dans le
processus productif, alors que le produit net est la
partie des recettes qui vient en surplus des frais
engagés dans la production. Le produit net est
l'expression même de la richesse.
47
Le concept du tableau économique :

⚫ les « richesses véritables » ou « vraies richesses »


ou encore « richesses réelles ou naturelles » sont
celles tirées directement de la nature. Il s'agit des
fruits de la terre, des matières premières, des produits
du sol ou du sous-sol, etc.
⚫ les « richesses stériles », sont celles produites dans
les autres activités industrielles et commerciales. Elles
résultent des transformations des richesses réelles et
ne sont réalisables qu'en raison du fait que
l'agriculture dégage un surplus.

48
Le concept du tableau économique :

La production : Elle est conçue comme le supplément


d'output obtenu par rapport aux inputs utilisés ; il n'y a
pour les physiocrates qu'une seule activité qui puisse
engendrer un tel excédent : c'est l'agriculture. Cette
production est le résultat de l'association de trois
facteurs de production : la terre (la nature), le travail et
le capital.
La productivité : Ce n'est pas la terre qui est, à
proprement parler productive, mais le travail appliqué à
la terre. Le travail sera donc qualifié de « productif » s'il
s'exerce dans l'agriculture. Le travail qui transforme et
déplace les produits de la nature est « stérile »; il ne
crée pas de la « matière »c'est-à-dire de la richesse
49
Le concept du tableau économique :

b- La théorie de la production
La théorie de la production développée par Quesnay est
une véritable analyse socioéconomique qui fait appel à
des concepts originaux : avances, reprises, produit net,
que l'on considère comme les véritables sources de la
croissance de la production et de l'amélioration du
niveau de vie de la nation.
 Les avances : Pour produire, il faut au préalable «
avancer » des ressources matérielles nécessaires à la
réalisation du processus de production. Il distingue trois
catégories d'avances : les avances foncières, les avances
primitives et les avances annuelles.
50
Le concept du tableau économique :

⚫ Les avances foncières représentent les dépenses initiales


que font les propriétaires fonciers pour préparer et aménager
la terre afin de la rendre apte à la production agricole
(travaux de bonification, de défrichement, d'assainissement,
d'irrigation, de clôture, etc.) C'est la classe des propriétaires
fonciers qui doit, donc, réunir les conditions rendant possible
l'activité agricole. Elles ne sont pas prises en compte au sein
du tableau économique.
⚫ Les avances primitives : Réalisées par la classe productive,
elles se composent de moyens de production durables
(équipement agricole, bétail...). Les avances primitives
peuvent être assimilées au capital fixe des classiques. Ce
capital fixe subit une usure progressive, et il faut donc
prévoir son amortissement, que Quesnay appellera « intérêts
des avances primitives ». 51
Le concept du tableau économique :

⚫ Les avances annuelles. Assumées par la classe


productive, les avances annuelles représentent les
dépenses en biens qui disparaissent dans le processus
de production. Elles correspondent aux matières
premières nécessaires à la production (semences,
engrais) et aux subsistances nécessaires au travail des
fermiers et des ouvriers agricoles (salaire de la main
d'ouvre et dépenses de consommation des
agriculteurs).
La classification des avances opérée par Quesnay
constitue l'une des premières typologies des éléments
constituant le capital productif et préfigure la distinction
entre le capital fixe et le capital circulant

52
Le concept du tableau économique :

 Les reprises : Pour que le processus de production


puisse continuer, il faudrait chaque année prélever sur
la récolte une fraction du produit global pour renouveler
les avances annuelles et entretenir les avances
primitives. C'est ce que Quesnay appellera les «
reprises ». « Elles sont constituées par l'ensemble des
éléments distraits de la reproduction pour reconstituer
la fécondité du sol, sa faculté de production ».
Intervenant ex-post, les reprises couvrent à la fois le
renouvellement des avances annuelles (ou capital
circulant) et l'amortissement des avances primitives (ou
capital fixe), que Quesnay baptisera « intérêts des
avances primitives ».
53
Le concept du tableau économique :

 Le produit net : Le produit net est l'excédent que produit


l'agriculture. Il résulte de la différence entre la production
totale et les dépenses totales engagées dans la production.
Autrement dit, ces dépenses totales ou coûts de production
représentent les « reprises ». En écriture comptable le produit
net peut être présenté sous la forme suivante :
Production totale - (reprises des AA + intérêts des AP)
= produit net
Il représente trois caractéristiques essentielles :
⚫ C’est une création ou régénération de substance (grains de
blé).
⚫ Il se renouvelle périodiquement, et, il est versé (en argent)
aux propriétaires fonciers.
⚫ Il est à l'origine de tous les revenus du royaume.
54
Le concept du tableau économique :

c- La théorie de la circulation
 La stratification sociale : A la théorie de
production correspond une division de la société en trois
classes qui représentent des agents entre lesquels
circule le produit net. Trois classes sociales doivent être
distinguées : « la classe productive, la classe des
propriétaires et la classe stérile ».

55
Le concept du tableau économique :

⚫La classe des propriétaires fonciers : comprend le


souverain, les possesseurs de terres et les décimateurs
(ceux qui avaient le droit de lever la dîme dans les
paroisses). Cette classe subsiste par le revenu ou le
produit net de la culture, qui lui est payé annuellement
par la classe productive. Pour les physiocrates la classe
des propriétaires fonciers représente la classe
fondamentale en raison du rôle essentiel qu'elle remplit :
- Elle est le promoteur de la richesse nationale par sa
réalisation des avances foncières c'est à dire ses
investissements initiaux dans l'exploitation de la terre.
- Elle est à l'origine de la circulation du produit net que
lui paie les fermiers. Elle anime toute l'activité
économique par la circulation de son revenu. 56
Le concept du tableau économique :

⚫ La classe productive est « celle qui fait naître par la


culture du territoire, les richesses annuelles de la
nation, qui fait les avances des dépenses des travaux
de l'agriculture, et qui paye annuellement les revenus
des propriétaires des terres ». Cette classe comprend
les fermiers et les autres agents (ouvriers agricoles,
métayers) dont l'activité s'exerce dans l'agriculture.
⚫ La classe stérile est « composée de tous les citoyens
occupés à d'autres services et à d'autres travaux que
ceux de l'agriculture, et dont les dépenses sont payées
par la clase productive et par la classe des
propriétaires qui eux-mêmes tirent leurs revenus de la
classe productive. ». 57
Le concept du tableau économique :

 Présentation du Tableau Economique

⚫ Le circuit économique décrit par Quesnay dans le


Tableau économique, qui fait abstraction du
commerce extérieur, présente la circulation du
produit net dans une économie stationnaire. Il est
représenté comme un jeu d’interactions entre trois
classes : la classe des propriétaires, la classe
productive et la classe stérile.

58
Le concept du tableau économique :

⚫ Le TE décrit le fonctionnement d'un système


stationnaire : les recettes des agriculteurs, une fois
payé le revenu, permettent tout juste de
reconstituer les avances pour pouvoir démarrer une
nouvelle production l'année suivante. Il se présente
comme un schéma de reproduction simple où la
production se reproduit à l'identique d'année en
année. Quesnay ne prétend nullement que cet état
stationnaire correspond à la réalité. Son modèle est
théorique et a été construit à des fins
essentiellement pédagogiques.

59
Le concept du tableau économique :

Reproduction totale : 5 milliards

Avances annuelles de la Revenu des propriétaires Avances de la classe


classe productive fonciers stérile

2 milliards 2 milliards 1 milliard

1 milliard

Somme qui sert à payer la Total : 2 milliards dont


rente et les intérêts des 1 milliard la moitié est retenue
AP par cette classe pour
les avances de l’année
1 milliard suivante

Dépenses des avances


2 milliards
annuelles 60
Le concept du tableau économique :

⚫ Pour Quesnay, le mécanisme de fonctionnement du


tableau économique se présente comme suit :
1- la production annuelle atteint de façon permanente
5 MM / an.
2- pour produire ces 5 MM de produits, il faut un
capital d’exploitation de 2 MM. Ainsi en début de
période d’exploitation le capital circulant de la classe
productive est de 2MM.
3- le capital fixe est représenté par un investissement
de 10MM amortissable sur 10 ans. D’où 1 MM
d’amortissement tous les ans.

61
Le concept du tableau économique :

62
Les limites du modèle de Quesnay :

Le tableau économique construit par Quesnay synthétise


une véritable théorie du fonctionnement du « royaume
agricole ».
Il fournit le premier raisonnement macroéconomique
général portant sur des flux réels et monétaires. Ce
raisonnement préfigure les analyses systémiques de
l'économie (c'est-à-dire d'organisation de la société) qui
vont se développer, par la suite, et connaître un intérêt
considérable : les « schémas de reproduction » de Marx,
le modèle de l'équilibre générale de Walras, les systèmes
de comptabilité nationale d'après-guerre, le tableau
d'entrées-sorties ou matrice « input output » de W.
Leontief s'inspirent directement du tableau économique.
63
Les limites du modèle de Quesnay :

Il reste que, si le modèle de Quesnay constitue une


construction intellectuelle considérable, a cependant des limites
et pose de nombreux problèmes d'interprétation.
⚫ Il n'y a aucun revenu affecté à la rémunération du
travail des fermiers et aux avances qu'ils engagent
dans la production. En effet la classe productive qui
travaille la terre, engage des dépenses sous forme d'avances
et réalise un surplus, ne perçoit aucun revenu. Dans le
tableau économique, n'apparaît ni revenu rémunérant le
travail des fermiers, ni profit correspondant aux avances
primitives ou annuelles utilisées dans la production.
⚫ Ceux qui cultivent la terre et qui font les avances (les
fermiers) ne sont pas ceux qui récupèrent le revenu
(les propriétaires fonciers). A ce sujet, le tableau
économique fait apparaître clairement « un surproduit non
compensée (le produit net) c'est-à-dire approprié par une
classe qui ne fournit rien en échange ». Le revenu que
perçoit les propriétaires est en réalité une rente foncière et
non pas un profit, ce qui n'est du tout la même chose. 64
Les limites du modèle de Quesnay :

⚫ La conception du capital est imprécise et


lacunaire :
 Quesnay incorpore dans les avances annuelles non

seulement la masse des salaires (ou capital variable)


et les matières premières mais aussi les subsistances
des travailleurs et le fourrage des animaux ce qui rend
difficile la distinction entre consommation
intermédiaire et consommation finale.
 Quesnay confond aussi la notion d'amortissement

du capital fixe (avances primitives) et celle de


l'intérêt alors que les deux concepts traduisent des
réalités bien différentes.

65
Les limites du modèle de Quesnay :

 Si Quesnay fait sans ambages la distinction entre


capital fixe et capital circulant dans le secteur
agricole, il confond les deux dans le secteur
manufacturier où travaille la classe stérile.
 Alors que Quesnay a beaucoup insisté sur l'importance
du capital fixe dans l'agriculture et son indispensable
reconstitution à l'aide des intérêts des avances
primitives, il n'y prête aucune attention lors de la
description des activités économique de la classe stérile.
L'autoconsommation de cette classe étant nulle, il faut
supposer la transformation des matières premières
qu'elle effectue s'opère sans capital fixe, ce qui
constitue une autre faiblesse incontestable du Tableau.
66
Les limites du modèle de Quesnay :

 Les avances annuelles et primitives qui correspondent


respectivement au capital circulant et au capital fixe
doivent être reconstituées à l'identique ce qui
traduit une reproduction économique simple et partant
exclut toute accumulation initiale (foncière et primitive)
permettant la croissance économique. De plus le TE est
fondé sur l'hypothèse que le produit net est
intégralement dépensé et exclut donc toute
thésaurisation ce qui rend impossible toute création des
conditions permettant la croissance du produit net. En
effet, l'épargne étant conçue comme une « fuite » du
circuit économique, comme une dépense non réalisée
Dés lors la conception du capital ne peut-être que
limitée : Stratégique pour la production, on ne sait ni
comment il naît ni comment il croit.
67
Les limites du modèle de Quesnay :

⚫ Au niveau de la stratification sociale, Quesnay ne


distingue pas entre employeurs (les fermiers) et les
salariés (les ouvriers agricoles) puisqu'il les range dans
la même classe, la classe productive. La typologie des
classes qu'il propose est liée à la nature de l'activité
économique et non à la place qu'occupe chaque classe
dans la production. Elle est fondée sur la conception de
la production et non sur la distinction des facteurs de
production que sont le capital et le travail. Il s'agit
d'une classification sociale fonctionnelle et non
distinctive.

68
Les limites du modèle de Quesnay :

⚫ L’école des physiocrates dont le règne fut limité dans le


temps et surtout dans l’espace, représente un intérêt
bien plus grand que celui qui lui est accordée dans la
plupart des ouvrages d’histoire de la pensée
économique , qui semble avoir gêné la plupart des
économistes, elle a permis à l’économie politique de
dépasser le stade de l’observation empirique dans
lequel l’avaient enfermée les auteurs mercantilistes
pour entrer dans celui de l’analyse de l’origine des
phénomènes économiques.

69
Les limites du modèle de Quesnay :

⚫ Avec les physiocrates, la science économique est née


véritablement, elle se développera avec Smith et
Ricardo avant de faire l’objet de successive remises en
cause.

70
Semestre 5
Parcours économie et gestion
Section 3 – 4

MODULE : HISTOIRE DE LA
PENSÉE ÉCONOMIQUE

Pr. Rachid EZ ZOUAQ

Année universitaire 2022 / 2023


DEUXIÈME PARTIE :
LES CLASSIQUES

2
Introduction

⚫ L’expression « économie politique classique » est très


vague, elle ne renferme pas un véritable contenu
précis. Son utilisation et sa signification vont ainsi
différer d’un auteur à l’autre. Pour quelques auteurs,
seuls deux ou, à la limite, trois écrivains méritent de
porter le qualificatif de classique. Mais pour la majorité
des auteurs, les économistes classiques sont tous les
écrivains qui ont publié des écrits d’économie politique,
durant la période s’étalant de la fin du 18ème jusqu’en
1870.

3
Introduction

⚫ K. Marx est vraisemblablement le premier auteur à


avoir utilisé cette expression : « J’entends par économie
classique, toute économie qui, à partir de W. Petty,
cherche à pénétrer l’ensemble réel et ultime des
rapports de production de la société bourgeoise par
opposition à l’économie vulgaire qui se contente des
apparences ».
⚫ L’économie politique classique est scientifique parce
qu’elle va au fond des choses, elle ne se limite pas aux
apparences, alors que l’économie mercantiliste est
vulgaire (les mercantilistes se contentent d’observations
empirique touchant le domaine de la circulation des
marchandises…).
4
Introduction

⚫ Parmi les traits communs de cette école, l’évacuation de


l’Etat en tant qu’agent économique, la poursuite de
l’intérêt individuel et la sacralisation de la concurrence
et de la liberté du commerce extérieur méritent d’être
signalés.
⚫ Comparé à l’école physiocrate, le courant classique
parait moins uni. C’est ce qui, dans une certaine
mesure, justifie la présentation adoptée qui s’appuie sur
une analyse individuelle de chaque auteur plus que sur
une étude d’ensemble.

5
Introduction

⚫ Les différences ne manquent pas : Ricardo, le


successeur de Smith a développé son économie
politique par opposition à ce dernier, et il a controversé
avec pratiquement tous les économistes ses
contemporains notamment Malthus et Sismondi.

⚫ L'école classique étend son règne sur un peu plus d'un


demi-siècle. Si l'on veut l'encadrer par des dates on
peut dire qu'elle apparaît en 1776, date de la
publication des « Recherches sur la nature et les causes
de la richesse des nations », œuvre maîtresse d’A.
Smith ; et amorce son déclin en 1848, date de la
parution des « Principes de l'économie politique » de
John Stuart Mill.
6
Introduction

⚫ A. Smith, Considéré comme «le Père fondateur de


l'économie politique », va exercer une influence
considérable sur ceux qui lui succèdent et qui se
référent tous à son œuvre.
⚫ D. Ricardo, figure emblématique de l'école classique
est sans conteste l'auteur majeur de cette école. Avec
lui la pensée classique se confirme et va dominer la
réflexion économique près d'un siècle.
⚫ Parmi les classiques incontournables figurent aussi T-
R. Malthus, auteur influent de son temps, et le
français, J-B. Say vulgarisateur des thèses de Smith,
mais qui s'en démarque, cependant, sur un certain
nombre de points.
7
CHAPITRE 3 :
ADAM SMITH
1723  1790

8
L’auteur

⚫ Moraliste, philosophe et économiste écossais, A. Smith


est né le 5 juin 1723 à Kirkcaldy en Ecosse.
⚫ Il est le fils d’un douanier écossais, qui décède cinq
mois avant la naissance de son fils.
⚫ A 14 ans il entre au collège de Glasgow, puis à 17 ans
à Oxford, où il étudie la philosophie et la littérature.
⚫ Après des études brillantes, il obtient en 1751 à
l’université de Glasgow la chaire de logique, puis celle
de philosophie morale ; il enseigne également
l’économie politique.
⚫ Fort apprécié de ses étudiants, il devient une célébrité
locale et publie en 1759 un recueil de ses cours sous
le titre « Théorie des sentiments moraux ». 9
L’auteur

⚫ Avec « La Richesse des nations », à laquelle tous les


penseurs font référence depuis deux siècles, Adam
Smith fonde l’école libérale classique. Les théoriciens
du libéralisme économique, Malthus, Ricardo ou Mill,
reprennent le texte, le commentent et le complètent.
Même Marx s’en sert pour bâtir ses propres notions
sur la plus-value ou l’exploitation.
⚫ Dans ce gros ouvrage, Smith aborde cinq thèmes
majeurs (la division du travail, le capital, le progrès de
l’opulence, le marché et le commerce, l’action de
l’Etat), mais en les croisant systématiquement pour
souligner les interdépendances entre les faits et les
concepts.
10
L’auteur

ADULÉ DE SON VIVANT, ENTERRÉ SANS FLEURS NI


COURONNE
⚫ 1737 Le jeune Adam quitte son village natal de Kirkcaldy
pour étudier à Glasgow. Il a 14 ans et de belles dispositions
intellectuelles, malgré son étourderie.
⚫ 1751 Il décroche à 28 ans une chaire de logique, puis très
rapidement une chaire de philosophie morale. On vient de
toute l’Angleterre pour assister à ses cours.
⚫ 1759 Son premier livre, « Théorie des sentiments moraux »,
rencontre un vif succès qui le positionne comme l’un des
grands penseurs du pays.
⚫ 1776 Son œuvre maîtresse, « La Richesse des nations »,
révèle son autre talent : l’économie politique.
⚫ 1790 Il meurt seul, sans hommages : la flambée
révolutionnaire française qui menace l’Angleterre occupe trop
les esprits. 11
Contexte historique

⚫ Le courant classique a vu le jour en Angleterre à la fin


du 18ème siècle (avec la publication de l’ouvrage de
Smith en 1776). A cette époque certains parlaient d’une
triple révolution (siècle des lumières) :
- Révolution démographique
- Révolution agricole
- Révolution industrielle
⚫ On assiste aussi à un développement important des
moyens de transport (commerce triangulaire) et des
changements dans les mentalités (surtout au regard du
travail).

12
Contexte historique

Pendant cette période les classiques ont distingué trois


classes sociales :
⚫ Les propriétaires fonciers : louent leurs terres et

perçoivent une rente versée par les fermiers.


⚫ Les travailleurs : offrent leur travail et perçoivent un

salaire des capitalistes.


⚫ Les capitalistes : avancent le capital matériel et

financier pour effectuer des opérations de production et


percevoir un profit.

13
Principes généraux

1- Liberté économique : se base sur les principes


suivants :
La liberté individuelle : liberté du choix de la profession,
liberté d’échanger les produits, liberté du déplacement et
droit à la propriété privé.
Etat gendarme : la non intervention de l’Etat dans la vie
économique : l’Etat doit assurer la sécurité, la justice,
l’ordre publique et la défense nationale.
2- Si l’Etat n’intervient pas et si les individus sont libres,
comment peut-on réaliser la prospérité ? la réponse de
Smith : la notion de l’ordre naturel créée par les
physiocrates était justifiée par Smith en introduisant la
notion de la main invisible.
14
Principes généraux

3- La pensée classique se préoccupait essentiellement des


fondements moraux de l’action humaine qui est au cœur
de l’activité économique.
Chaque individu cherche à maximiser son propre intérêt
 laisser les individus s’enrichir  ils contribuent
involontairement (main invisible)  à la réalisation de
l’intérêt général et à l’enrichissement de la nation.
4- L’importance de la division du travail : le travail
est la source de la richesse (contrairement aux
mercantilistes et aux physiocrates). La valeur d’un bien
repose sur la quantité de travail direct et indirect
incorporé dans sa production.
15
Principes généraux

5- La monnaie est une voile : intermédiaire d’échange


6- Par rapport aux mercantilistes et aux physiocrates, les
classiques ont le mérite d’élaborer des apports théoriques,
presque dans toutes les analyses économiques :
Formule un problème général  explique les causes de ce
problème  formule la solution pour le problème 
donne une justification de la solution.

16
Le thème de la division du travail

A- La division du travail fondement de la richesse :


La richesse de la nation est constituée par « l'ensemble
des choses nécessaires et commodes à la vie » que
permet d'obtenir le travail annuel. Plus précisément, elle
est formée par les biens utiles et agréables produits
annuellement, qui peuvent être consommées par les
habitants et qui assurent la vie du peuple. L'origine de
cette richesse provient de la production matérielle, et la
production est elle-même issue du travail.
Pour augmenter la production afin d'enrichir la nation, il
faut accroître les quantités de travail mises en œuvre et
améliorer la puissance productive du travail, c'est à dire la
productivité (la quantité de biens par unité de travail).
17
Le thème de la division du travail

Pour montrer que la division du travail est un


moyen essentiel pour accroître la productivité du
travail, Smith reprend l'exemple célèbre de la
manufacture d'épingles. Le processus de production
d'épingles et divisé en 18 opérations successives et
distinctes. Chaque ouvrier est affecté à une opération ou
à quelques-unes. Dans cette organisation où les ouvriers
sont spécialisés, on obtient une production beaucoup plus
importante que si chacun effectue toutes les opérations.
La division du travail conduit à une amélioration
spectaculaire de la productivité du travail, grâce à
l'habilité accrue des travailleurs et à leur spécialisation
dans une tâche donnée, aux gains de temps et à
l'amélioration des techniques et l'utilisation des machines.
18
Le thème de la division du travail

B- Division du travail et échange :


⚫ Pour Smith, c'est l'échange qui est la cause de la division du
travail et de la spécialisation. « C'est l'échange, qui
entraîne la division du travail en extension ». Dans
cette perspective la division du travail est conçue comme une
conséquence de l'échange.
⚫ La division du travail peut toutefois être limitée par
l'étendue du marché : si le marché est étroit la division du
travail est limitée et la productivité du travail faible, par
contre si le marché est vaste la division du travail sera plus
approfondie et la productivité du travail plus importante.
⚫ Chercher l’intérêt personnel conduit à réaliser l’intérêt
général grâce à la main invisible dans le cadre de la liberté
économique.
19
Valeur et prix des M/ses : Théorie de la valeur

L’échange est indispensable pour la prospérité : se pose la


question de la valeur d’échange ?
Smith remarque tout d'abord que le mot valeur a deux
significations différentes : la valeur d'usage (qui est
l'utilité de l'objet) et la valeur d'échange (la capacité
d'un bien à acquérir un autre bien). Ces deux valeurs
peuvent s'opposer comme le montre le paradoxe de l'eau
et du diamant. Il conclut que l'utilité (la valeur d'usage)
ne peut servir à expliquer les prix des marchandises.

20
Valeur et prix des M/ses : Théorie de la valeur

Dans ses analyses relatives à la valeur, Smith dresse un


programme en trois étapes :
A- Identifier la mesure réelle de la valeur : une
mesure invariable de la valeur (une unité de compte qui
ne varie pas dans le temps). « L'or et l'argent, comme
toute autre marchandise, varient dans leur valeur, ils sont
tantôt chers tantôt meilleur marché ». Pour Smith seul le
travail remplit ce rôle : la valeur d'une marchandise doit
être mesurée par la quantité de travail qu'elle «
commande » ou achète.
«...Ainsi la valeur d'une denrée quelconque pour celui qui
la possède et qui n'entend pas en user ou la conserver
pour lui-même, mais qui a l'intention de l'échanger pour
autre chose équivaut à la quantité de travail que cette
dernière le met en état d'acheter ou de commander ». 21
Valeur et prix des M/ses : Théorie de la valeur

B- Isoler ses parties constituantes du prix des


marchandises : Pour expliquer comment se détermine
la valeur d'échange d'une marchandise, Smith raisonne
d'abord dans le cadre d'une société primitive et ensuite
dans celui d'une société évoluée.
- Dans une société primitive : l'accumulation du capital
n'existe pas et la terre n'est pas appropriée
privativement. On produit donc avec du travail
uniquement. La valeur d'échange d'une marchandise (la
quantité de travail qu'elle commande) est égale à la
quantité de travail qu'il faut pour la produire.

22
Valeur et prix des M/ses : Théorie de la valeur

- Dans une société évoluée où l'appropriation privée du


sol et l'accumulation du capital ont été introduites, trois
facteurs de production concourent à la production : le
travail, le capital et la terre. Prix réel = salaire + profit
+ rente. Ce sont les trois sources primitives de tout
revenu, comme de toute valeur échangeable. La théorie
de la valeur-travail de Smith se transforme ainsi en
théorie de coût de production, car le prix réel d'une
marchandise est expliqué par les revenus occasionnés par
la production de celle-ci.

23
Valeur et prix des M/ses : Théorie de la valeur

C- distinguer entre prix naturel et prix de marché et


analyser les facteurs qui peuvent expliquer leurs écarts.
Dans l'économie de chaque société, il existe à un moment
et en un lieu donné un « taux moyen ou ordinaire »
(appelé par Smith le taux naturel) qui est celui-auquel on
rémunère habituellement le travail, le capital et la
propriété foncière. Lorsque le prix d'une marchandise est
la somme du salaire, du profit et de la rente payée à leurs
taux naturels Smith parlera alors de prix naturel.
A son prix naturel, une marchandise est vendue «
précisément ce qu'elle vaut ou ce qu'elle coûte réellement
à celui qui la porte au marché ». Il est tel que le
producteur puisse couvrir les frais normaux de sa
production et renouveler son activité. 24
Valeur et prix des M/ses : Théorie de la valeur

Le prix de marché ou prix courant est le prix auquel une


marchandise est effectivement vendue. Il n'est pas
forcement égal au prix naturel. Ce prix est déterminé par
la confrontation entre l'offre disponible (donnée à court
terme) et la demande qui se manifeste au prix naturel,
que Smith qualifie de demande effective (la demande
effective peut être définie comme la quantité de
marchandises que les demandeurs sont prêts à acheter à
des prix naturels c'est-à-dire comme la demande
d'équilibre qui attire effectivement la marchandise sur le
marché puisqu'elle assure aux facteurs de production leur
rémunération naturelle.)
Le prix de marché peut être inférieur, supérieur ou égal
au prix naturel. Cela dépend de la proportion qui existe
entre la quantité offerte et la demande effective. 25
Valeur et prix des M/ses : Théorie de la valeur

Trois situations peuvent être présentées :


⚫ Si O<D : La concurrence entre les acheteurs établira le

prix de marche au-dessus du prix naturel. L'afflux de


capitaux et de main d'œuvre engendre un
accroissement de l'offre, ce qui ramènera le prix de
marché au prix - naturel.
⚫ Si O>D : La concurrence entre les vendeurs fera tomber

le prix de marché au-dessous du prix naturel. Dans


cette situation, les facteurs de production sont
rémunérés à un taux inférieur au taux naturel
(désinvestissement).
⚫ Si O=D, le prix de marché est égal au prix naturel. Cela

signifie que la quantité mise sur le marché est juste


suffisante à remplir la demande effective. 26
La théorie de la répartition

Le prix ou la valeur d'échange d'une marchandise se


décompose en salaires, profits et rente. Pour chacune
de ces catégories de revenus, Smith tentera de
déterminer le taux naturel et le taux courant.
A- Les salaires : Comme toute autre marchandise le
travail a un taux naturel et un taux courant.
 Le taux naturel ou prix naturel du travail est le salaire
de subsistance (SMIG). C'est le salaire qui permet à un
ouvrier non seulement de survivre, mais aussi d'élever
une famille. On peut le mesurer par la valeur des
subsistances nécessaires à l'entretien des travailleurs et
de leur famille. Pour Smith, le salaire de subsistance est
plutôt historique que physiologique. 27
La théorie de la répartition

 Le taux courant ou prix courant du travail est celui que


perçoit effectivement un ouvrier. C'est ce qu'il est convenu
d'appeler salaire réel ou pouvoir d'achat. Sa
détermination peut être présentée en distinguant le court
terme du long terme.
 Dans le court terme, le taux courant est déterminé
sur le marché par la confrontation de l'offre et la
demande de travail. Si O<D le taux de salaire
augmente (afflux de MO  équilibre entre prix
courant et prix naturel) et inversement.
 Dans le long terme deux raisons expliquent la
détermination du taux courant ou salaire réel : la
nature du marché de travail et les mécanismes
démographiques. 28
La théorie de la répartition

- Le marché de travail se caractérise par l'existence des


intérêts antagonistes des ouvriers et des employeurs, et
des rapports de forces inégaux. Les ouvriers désirent
gagner autant que possible, les employeurs cherchent à
payer le moins possible. Mais sur le marché, les choses ne
sont pas égales. Les « maîtres », moins nombreux se
concertent facilement et s'entendent pour que les salaires
ne montent pas. La législation est aussi de leur côté
puisqu'elle reste très discrète quand il s'agit d'ententes
entre les employeurs, alors qu'elle est très vigilante contre
les concentrations des ouvriers.

29
La théorie de la répartition

Dans ce rapport de force, les ouvriers sont beaucoup plus


faibles, ne peuvent imposer des salaires élevés. Ils cèdent
pour avoir de quoi gagner leur subsistance ; ce qui
entraîne une tendance à la baisse des salaires. Mais
cette baisse ne peut cependant tomber au-dessous du
minimum de subsistances, un minimum nécessaire à la
survie de l'ouvrier et de sa famille.
- Les mécanismes démographiques ou plus
précisément la fécondité des ouvriers, expliquent en partie
la détermination du salaire réel ou taux courant. Smith
part ici, de l'idée selon laquelle l'accroissement des
salaires se traduit automatiquement par un accroissement
du nombre d’ouvriers (plus tard. Systématisée par
Malthus. 1798). 30
La théorie de la répartition

B -Les profits et les intérêts : Le profit est la


rémunération du capital employé dans la production. C'est
un revenu lié à l'avance du capital et non celui du travail.
Profit = intérêt pur + prime de risque
Le profit peut se définir comme la rémunération du capital
immobilisé et le risque pris par « L'entrepreneur qui
hasarde ses capitaux » dans une affaire. Le profit se
proportionne naturellement avec le capital employé. Cette
proportion ramenée à l'unité de temps est appelée taux
de profit ; c'est-à-dire le rapport du profit total à la valeur
du capital. Smith considère que les taux de profit ont
tendance à s'égaliser en raison de la concurrence des
capitaux. Etant mobile le capital se dirige là où les
emplois sont plus rentables, ce qui égalise les taux de
profit dans l'ensemble de l'économie. La concurrence des
capitalistes conduit, ainsi à l'égalisation des taux de
profits. 31
La théorie de la répartition

Certains capitalistes, au lieu d'employer eux-mêmes


leurs capitaux dans les affaires, préfèrent les prêter à
d'autres individus qui se chargent de les employer
productivement. Le revenu qu'ils perçoivent en contre
partie s'appelle l'intérêt de l'argent. C'est la part
du profit que les entrepreneurs versent aux
capitalistes, propriétaires du capital qui avancent
l'argent nécessaire au financement de l'accumulation.
Il dépend de l'offre et de la demande des fonds
prêtables, et varie en fonction de l'abondance et de la
rareté des capitaux. Le taux d'intérêt est inférieur au
taux de profit, car le risque des placements est moins
grand que celui des investissements dans les
affaires...
32
La théorie de la répartition

Smith n'a pas réussi à déterminer de façon


satisfaisante, comme il l'a fait pour les salaires, le
taux naturel et le taux moyen des profits. Il a
montré cependant que le taux d'intérêt peut
constituer un bon indicateur ou une valeur
approchée, pour avoir une idée sur l'évolution du
profit : Là où les perspectives de profits sont
élevées, les intérêts payés pour les fonds prêtés
sont élevés et inversement si ces perspectives
sont faibles.

33
La théorie de la répartition

C- la rente : La rente « est le prix payé pour


l'usage de la terre par le fermier ». Elle
représente ce qu'il faut. Payer au propriétaire de
la terre pour avoir le droit d'exploiter. La rente
est aussi un prix de monopole, car elle est liée à
l'exercice d'un pouvoir. Elle n'est nullement en
proportion des améliorations apportées à la terre
par le propriétaire foncier.
La rente rémunère une ressource non produite et
un facteur de production non reproductible, la
terre, qui, appropriée privativement confère un
revenu de monopole qui revient aux propriétaires
fonciers. 34
La théorie de la répartition

Concernant la détermination de la rente, Smith


explique qu'elle est déterminée par les prix des
produits agricoles. Sur les prix agricoles, le
fermier paie les salaires, achète et entretient les
instruments de labourage et les bestiaux, amortit
le capital et prélève un profit. Le reste qui
subsiste constitue la rente. Elle résulte de la
différence entre le prix de la récolte d'une part, et
d'autre part de la somme des charges
occasionnées par cette récolte et les profits
ordinaires qui rémunèrent le capital engagé dans
la production. La rente a donc la nature d'un
surplus différentiel : C'est ce qui reste une fois
rémunérés le travail et le capital.
35
La théorie de la répartition

Quant au rôle de la rente dans la valeur, elle n'a


pas le même statut que le salaire et le profit :
Alors que les niveaux des salaires et des profits
déterminent le niveau du prix, le niveau de la
rente dépend du niveau du prix. La rente entre,
selon Smith, dans la composition des prix des
marchandises de façon différente des salaires et
des profits. « Le taux élevé des salaires et des
profits est la cause du prix élevé ou bas des
marchandises, le taux élevé ou bas de la rente
est l'effet du prix. ».
36
La théorie de la répartition

Ce passage pose un problème de cohérence si on


replace la théorie de la rente dans le contexte de
la théorie de la valeur. En effet dans la théorie de
la valeur Smith explique le prix d'une
marchandise par les parties constituantes, c'est
dire les revenus occasionnés par sa production,
alors qu'en cherchant la détermination de la
rente, il explique que ce revenu est déterminé par
le prix de la marchandise !

37
Le thème de l’échange international

La théorie des avantages absolus de Smith dit


qu’un pays a intérêt à se spécialiser dans la
production des biens pour lesquels il est plus
efficace que les autres, et échanger les surplus de
ces biens contre d’autres biens dont il aurait
besoin. Ce faisant, Smith montre que le libre-
échange est plus efficace que le protectionnisme,
doctrine alors largement répandue.

38
Le thème de l’échange international

L’avantage absolu
On essaie de répondre à la question : « Pourquoi les
pays pratiquent le commerce international ?« c’est-à-
dire qu’on essaie de comprendre pourquoi ils
s’échangent des biens et des services entre eux.
Smith apporte une réponse à cette question avec la
théorie des avantages absolus.
Avant Smith, les Mercantilistes (16ème -17ème) voient
dans le commerce international un moyen
d’augmenter l’entrée de métaux précieux dans le
Royaume. Pour eux, le but de l’échange est
d’accumuler or et argent, car la richesse de la nation
se mesure par les métaux précieux : ceux-ci
permettant de financer l’armée du Roi, ils reflètent
39

donc la puissance du pays.


Le thème de l’échange international

Dans la vision mercantiliste, pour que le pays


s’enrichisse il doit avoir une balance commerciale
favorable, c’est-à-dire exporter plus qu’il
n’importe. Pour ce faire, chacun essaie de mettre
des barrières à l’importation (protectionnisme) et
de favoriser les exportations. Dans ce système,
les intérêts des pays sont donc opposés : si un
pays acquiert de la richesse, c’est au détriment
d’un autre pays, ce que l’un gagne l’autre le perd.
C’est ce que l’on appelle un jeu à somme nulle.

40
Le thème de l’échange international

Dans « La richesse des Nations « Smith se


positionne contre la vision mercantiliste. En
suivant l’argument du jeu à somme nulle, il ne
serait pas possible pour toutes les nations de
s’enrichir simultanément. Smith pense que, au
contraire, l’enrichissement de tous est possible, à
condition de se spécialiser dans la production du
bien que l’on produit mieux que les autres. Cette
réflexion découle de sa théorie de la division du
travail : c’est l’idée qu’on peut être plus efficace
dans la production d’un bien si on se répartit les
tâches. 41
Le thème de l’échange international

Le raisonnement est similaire au niveau des pays,


chaque pays a intérêt à se spécialiser dans la
production du bien qu’il produit le mieux, et à
échanger le surplus contre d’autres produits.
C’est la division internationale du travail (DIT).
Smith, explique qu’un pays possède un avantage
absolu dans la production d’un certain bien quand
la productivité (la production par heure de travail)
de ce bien est plus élevée que dans les autres
pays. Prenons un exemple avec deux pays et
deux biens, en situation d’autarcie (ils ne
pratiquent pas l’échange) : 42
Le thème de l’échange international

Tableau 1 : Heures de travail nécessaires pour produire une


unité de bien (avant spécialisation):

Portugal Angleterre

1L de vin 10h 20h

1m de drap 20h 10h


30h pour 1m de drap et 30h pour 1m de drap et
Heures et production 1L de vin 1L de vin
totales
60h pour 2m de drap et 2L de vin
43
Le thème de l’échange international

⚫ Au Portugal, un travailleur a besoin de 10h de


travail pour produire 1 litre de vin, tandis qu’en
Angleterre, le soleil étant moins généreux, il
nécessite 20h. Pour le drap par contre, pour en
produire 1 mètre, il faut moins de temps au
travailleur anglais.
⚫ L’Angleterre possède donc un avantage absolu
dans la production de drap, tandis que le
Portugal possède un avantage absolu dans la
production de vin.

44
Le thème de l’échange international

Selon Smith, le Portugal a donc intérêt à se


spécialiser dans la production de vin et
l’Angleterre dans celle de drap. Si chacun cesse
de produire le produit pour lequel il est moins
efficace, et se consacre au produit pour lequel il a
un avantage absolu, on arrive à la situation
suivante : le Portugal affecte 30h de travail à la
production de vin, et l’Angleterre 30h à celle de
drap. Chacun pourra ensuite échanger le surplus
de sa production avec l’autre pays.

45
Le thème de l’échange international

Tableau 2 : Situation après spécialisation :

Portugal Angleterre

30h pour 0m de drap et 30h pour 3m de drap et


Heures et production 3L de vin 0L de vin
totales
60h pour 3m de drap et 3L de vin

46
Le thème de l’échange international

Dans ce second tableau, on constate que chaque pays


s’étant spécialisé dans le bien pour lequel il est le
plus productif, la production totale a été augmentée :
pour un même temps (60h de travail), on a produit
au total 3m de drap et 3L de vin, contre 1m et 1L
avant spécialisation.
En conclusion, chaque pays a intérêt à se spécialiser
dans la production du bien pour lequel il a un
avantage absolu et laisser la production des autres
biens à d’autres pays : « La maxime de tout chef de
famille prudent est de ne jamais essayer de faire chez
soi la chose qui lui coûtera moins à acheter qu’à faire
» (Smith). Ceci n’a de sens que si l’on peut
s’échanger facilement les biens (situation de libre-
47
échange).
Le thème de l’échange international

Un problème apparait toutefois dans cette théorie


si l’un des deux pays possède un avantage absolu
pour les deux produits. Si l’on suit Smith, c’est un
cas où il n’y aurait pas d’échange. David Ricardo
va apporter une autre réponse avec sa théorie
des avantages comparatifs.

48
CHAPITRE 4 :
David RICARDO
1772  1823

49
L’auteur

⚫ Économiste anglais d’origine juive portugaise, Ricardo


est un autodidacte de la pensée économique né en
1772 à Londres quelques 50 ans après la naissance de
Smith.
⚫ Ricardo suivra une voie différente durant sa jeunesse,
de celle empruntée par Smith. Au lieu de s’initier à la
philosophie et à la morale, il s’initiera, sur les conseils
de son père, à la finance, et au lieu de devenir
professeur, il deviendra banquier.
⚫ Ricardo ramassa, en spéculant à la bourse, une fortune
impressionnante, estimée à la fin de sa vie, à plusieurs
millions de livres sterling.

50
L’auteur

⚫ Il a développé une conception nouvelle de l'économie


politique qui tranche avec celle de ses prédécesseurs et
notamment Smith en considérant que le problème
essentiel de l'économie politique est d'expliquer
comment se répartit le produit entre le salaire, le profit
et la rente.
⚫ Ricardo est l’initiateur d’une approche spéculative,
abstraite et hautement théorique des phénomènes
économiques : « son type de raisonnement qui, partant
d’hypothèses simplificatrices censées retenir les traits
essentiels de la réalité à étudier, qui se déroule avec
une cohérence interne inéluctable, a ouvert une voie
qui reste toujours en vigueur aujourd’hui.
51
L’auteur

⚫ Ricardo est un formidable théoricien, mais il s’intéresse


en priorité aux débats intellectuels et politiques de son
temps. Pragmatique, sobre et avisé, Ricardo cesse ses
réflexions et ses analyses une fois qu’il estime avoir
démontré ce qu’il cherchait effectivement à démontrer.

⚫ Les interventions publiques de David Ricardo occupent


une place centrale dans ces différents débats
intellectuels et politiques. La force de son
argumentation tient dans la logique (apparemment)
implacable de son diagnostic

52
L’auteur
Né à Londres 3ème des 17 enfants d'une famille bourgeoise de
18 avril
financiers juifs (d'origine portugaise), ayant émigré des Pays-Bas vers
1772
l'Angleterre juste avant sa naissance.
A 14 ans Ricardo rejoint son père à la bourse de Londes où il
1786
commence à apprendre le fonctionnement de la finance.
lors de vacances particulièrement ennuyeuses passées dans le lieu de
villégiature anglais de Bath, il s'intéresse à l'économie en lisant
1799
Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations
(1776) d'Adam Smith.
Ses premiers écrits, sur les problèmes monétaires des guerres
1809 -
napoléoniennes, paraissent sous forme de trois articles publiés dans le
1810
Morning Chronicle
Il publie un an plus tard Essai sur le haut prix du lingot : preuve de la
dépréciation des billets de banque, où il développe une thèse
1811
quantitativiste selon laquelle l'excès d'émission de billets a contribué à
53
déprécier la devise anglaise lors des guerres napoléoniennes.
L’auteur

Son travail d'agent de change le rend suffisamment riche pour prendre


1814
sa retraite, à l'âge de 42 ans.
Publie Essai sur l'influence des bas prix du blé sur les profits du
1815
capital
Est publiée son œuvre maîtresse, « Des principes de l'économie
1817
politique et de l'impôt »
Entré au parlement britannique après avoir acheté un siège de pair
1819 représentant de Portarlington, une pairie d'Irlande, il siège jusqu'en
1823, l'année de sa mort
Écrit à Malthus quelques années avant sa mort :
« L'économie politique est selon vous une enquête sur la nature et les
causes de la richesse. J'estime au contraire qu'elle doit être définie :
1820
une enquête sur la distribution... De jour en jour, je suis plus convaincu
que la première étude est vaine et décevante et que la seconde
constitue l'objet propre de la science. »
54
1823 Décède à l’âge de 51 ans
La théorie de la Valeur-travail

La place de la valeur-travail occupe une place centrale


dans l’analyse de Ricardo. La théorie de la valeur travail
est une des pierres angulaires de l’analyse Ricardienne.
Pour lui, la valeur des biens reproductibles, à la
différence des biens non reproductibles (c’est-à-dire
les objets dont l'offre est fixe et la quantité est limitée),
est déterminée non pas par leur utilité mais par le volume
de travail direct et indirect nécessaire pour les produire.
La quantité de travail incorporé dans une marchandise
doit être comprise comme celle qui entre directement,
mais aussi indirectement, dans sa production. Il s'agit du
travail direct effectué par le travailleur dans la période sur
une marchandise produite, et du travail indirect, celui qui
a été nécessaire pour produire les moyens de production. 55
La théorie de la Valeur-travail

Ensuite, il détruit lui-même, en grande partie, la théorie


qu'il vient de construire et de généraliser : II annonce
que « l'emploi des machines et des capitaux fixes
modifie considérablement le principe, qui veut que la
quantité de travail consacrée à la production des
marchandises détermine leur valeur relative. »
Ricardo montre ici que la structure des capitaux utilisés
dans la production influe sur les prix relatifs des
marchandises, contrairement à ce qu'il a écrit juste
avant. La prise en compte de la répartition, a aussi, des
effets sur la théorie de la valeur travail.

56
La théorie de la Valeur-travail

Le travail est donc à l’origine de la richesse produite


grâce à ces biens reproductibles qui peuvent à la fois
servir à la satisfaction des besoins de
consommation des agents mais aussi comme biens
intermédiaires dans la production.
Dans son analyse Ricardo, va s’interroger sur ce qui
permet au système de production de fonctionner. Le
fonctionnement du système de production repose pour
lui sur la nécessaire supériorité entre la valeur des biens
reproductibles obtenus par le travail et la valeur des
biens utilisés pour produire. Cette différence est la
source des profits nécessaires au processus
d’accumulation du capital.
57
La théorie de la répartition

La théorie de la répartition des revenus joue un


rôle très important dans la pensée de Ricardo,
car celui-ci cherche à déterminer les règles qui
président au partage de la valeur totale du
produit : Pour expliquer comment s'effectue ce
partage, Ricardo commence d'abord à présenter
sa conception de la rente et exposer ensuite
l'antagonisme entre les salaires et les profits.

58
La théorie de la répartition

 La rente foncière
« La rente est cette portion du produit de la terre que
l'on paie au propriétaire foncier pour avoir le droit
d'exploiter les facultés productives et impérissables du
sol ». La rente est le prix que les fermiers versent aux
propriétaires fonciers pour l’utilisation des terres.
L’origine de la rente :
⚫ La force productive c'est-à-dire le rendement des
terres et leur rareté caractérisent l'agriculture intensive
et donnent lieu à la forme intensive de rente. Cette
conception de la rente suppose l'utilisation de doses de
capital et de travail supplémentaires pour accroître les
rendements des terres décroissants.
59
La théorie de la répartition

 La rente foncière

⚫ La qualité des terres (fertilité) et leur localisation


caractérisent l'agriculture extensive et sont à l'origine
de la rente extensive. Dans le cadre de cette
agriculture, différentes terres sont mises en culture par
ordre décroissant de fertilité et en fonction de leur
localisation, car la croissance de la population oblige à
cultiver des terres de moins en moins fertiles et de
moins en moins bien situées.

60
La théorie de la répartition

 La rente foncière
Ricardo développe une conception différentielle de la rente.
Lorsque la terre fertile est abondante il n’y a aucune raison
pour que la rente apparaisse.
Mais, avec l’augmentation de la population, on utilise les
terres les moins fertiles
 d’où l’apparition progressive de la rente. D’abord elle
apparait sur les terrains de première qualité dès que l’on
utilise les terrains de seconde qualité. Ensuite, sur les terrains
de seconde qualité dès que l’on commence à cultiver les
terrains de 3ème qualité et ainsi de suite.
La rente étant toujours la différence entre les produits
obtenus par l’emploi de deux quantités égales de capital et de
travail.
La mise en culture des terrains de moins en moins fertiles
requièrent des quantités additionnelles de travail pour récolter
la même quantité que sur les terres fertiles.
61
La théorie de la répartition

 La rente foncière
La loi des rendements décroissants découle du besoin de
cultiver de plus en plus de terres en raison de la croissance
des besoins de la population, sachant que chaque unité de
terre supplémentaire qui est cultivée à un rendement moindre
par rapport à la précédente.
Les terres sont en effet de moins en moins fertiles.
Les prix des biens alimentaires augmentent en rythme
inverse des rendements qui décroissent pour chaque nouvelle
terre mise en culture.
Ricardo va ainsi fournir aux économistes le principe du
calcul à la marge.
La rente foncière dépend de la productivité de la dernière
terre cultivée (productivité marginale) par rapport à
la productivité moyenne de toutes les terres cultivées.
62
La théorie de la répartition

 La rente foncière

La forme théorique de la rente foncière développe ici, est de la


rente intensive. Là aussi, la rente à la nature d'un surplus
différentiel. D'où la conclusion de Ricardo : « la rente a
toujours la différence entre les produits obtenus par l'emploi
de deux quantités égales de capital et de travail »
Ricardo déduit de cette conception que c'est la cherté
croissante du prix du blé qui fait monter la rente, et non
l'accroissement de la rente qui fait monter le prix du blé. « Le
blé ne renchérit pas parce qu'on paie une rente ; mais, au
contraire, c'est parce que le blé est cher qu'on paie une
rente».
A la différence de Smith qui affirme que c'est la hausse de la
rente qui conduit à la hausse du prix naturel, Ricardo, lui,
63
conclut que « la rente n'est pas une composante du prix. »
La théorie de la répartition

 Les salaires

Pour Ricardo le travail est une marchandise. Et comme toute


marchandise qui se vend et s'achète, il a un prix naturel et un
prix courant.
⚫ Le prix naturel est « celui qui fournit aux ouvriers les
moyens de subsister et de perpétuer leur espèce sans
accroissement ni diminution » Il s'agit donc simplement du
salaire de subsistance. Le prix naturel du travail ou salaire
naturel n'est pas fixe. Il dépend du prix des biens qui
entrent dans la consommation dans la consommation
ouvrière et varie selon l'époque, les pays et en fonction des
habitudes et des progrès de la société.
⚫ Le prix courant de travail ou salaire de marché est celui que
perçoit réellement l'ouvrier. Il est déterminé par l'offre et la
64
demande de travail.
La théorie de la répartition

 Les salaires

Pour expliquer les fluctuations du prix courant autour du prix


naturel, Ricardo utilise le principe de population de Malthus.
Deux situations peuvent être distinguées :
⚫ Si le prix courant est supérieur au prix naturel, les ouvriers
connaissent une aisance et voient leurs conditions de vie
s'améliorer, ce qui les encourage à augmenter le nombre de
leurs enfants, ce qui se traduira par l'accroissement de la
population. Mais l'augmentation de la population
travailleuse ramènera le prix courant au prix naturel
⚫ Si, inversement, le prix courant est inférieur au prix naturel,
il y aura un appauvrissement de la population et les
ouvriers endurent des privations qui finissent par voir le
nombre de leurs enfants se réduire par des restrictions de
65
naissances ou une forte mortalité infantile.
La théorie de la répartition

 Les profits

Ricardo, à l'instar des autres classiques, considère que la


mobilité du capital conduit à une égalisation des taux de
profit dans les différentes activités où le capital est
engagé. Du fait de l'égalisation du taux de profit,
l'observation de l'évolution dans un secteur permet de
connaître, par extrapolation, cette évolution pour
l'ensemble de l'économie.
Le secteur qui se prête particulièrement à l'analyse est le
secteur agricole. Ricardo définit les lois de l'évolution du
produit total, analyse les salaires et les rentes et montre
que les profits apparaissent comme un résidu.
66
La théorie de la répartition

 Les profits
Le profit du fermier est présenté comme étant « le surplus du
produit de la terre, après que le propriétaire et les travailleurs
sont payés ». Le profit est conçu comme un résidu, c'est-à-
dire, ce qui reste, une fois que les salaires et les autres frais
que nécessite la production ont été payés. Or sachant que la
rente est nulle sur la terre marginale et inexistante dans
l'activité industrielle, la valeur ne se partage qu'entre salaires
et profits, pour le blé de la terre marginale et pour les
produits industriels.
En conséquence, si les salaires restent les mêmes, les profits
ne changeront pas. Par contre les profits seront en hausse ou
en baisse selon la baisse ou la hausse des salaires. Tout ce qui
est susceptible d'accroître les salaires réduit donc les profits. «
Le salaire ne peut augmenter qu'au dépens du profit et vice
versa » affirme Ricardo. 67
La théorie de la répartition

 Les profits
L’accumulation productive dépend quant à elle, de la capacité
de l’économie à générer des profits qui seront investis dans
l’appareil productif. Or ces profits sont déterminés par
possibilité pour le capitaliste de vendre les biens
reproductibles à un prix plus élevés que les salaires de
subsistance. Avec la loi des rendements décroissants qui
rendent plus chers les biens alimentaires, ces salaires ont
tendance à augmenter plus rapidement que les profits, ce qui
correspond à une hausse des salaires réels. La crainte
de l’état stationnaire se manifeste alors par l’impossibilité
d’accumuler du capital.
Pour Ricardo, les rendements décroissants et l’augmentation
plus que proportionnelle de la population ne peuvent que
conduire vers un ralentissement de l’accumulation du capital
en raison de la diminution des profits. 68
La théorie de la répartition

 Les profits

L'arrêt de l'accumulation signifie non seulement l'arrêt de la


croissance économique, mais encore celui de la croissance
démographique car l'accroissement de la population est limité à
long terme par le volume de subsistances disponibles et le
volume constant de la production. Le système ne pourra plus
poursuivre dans la voie du progrès et de l'accumulation, et se
stabilisera. Ce sera une situation stable dans laquelle les
différentes variables économiques et sociales (production,
consommation, revenus, population...) se reproduiront à
l'identique.
La stagnation et l'état stationnaire qui menacent peuvent être
retardés par le progrès technique qui perfectionne les
machines, l'innovation dans le domaine agronomique et
l'ouverture des frontières pour importer du blé moins cher.
69
La théorie du commerce international

 Généralisant le modèle d'Adam Smith, D. Ricardo


propose une justification du libre-échange reposant sur
la théorie des avantages comparatifs.
 Selon cette théorie, même si un pays est moins
performant que les autres dans tous les secteurs, il a
intérêt à se spécialiser dans les produits pour lesquels
il est le plus avantagé ou le moins désavantagé.
 Même en l'absence davantage absolu, un pays, précise
Ricardo, peut se spécialiser dans la production d'un
bien dès lors qu'il possède un avantage comparatif.
 C'est ce qu'il explique en prenant l'exemple devenu
célèbre de la production de drap et de vin par deux
pays, le Portugal et l'Angleterre.
70
La théorie du commerce international

 Généralisant le modèle d'Adam Smith, D. Ricardo


propose une justification du libre-échange reposant sur
la théorie des avantages comparatifs.
 Selon cette théorie, même si un pays est moins
performant que les autres dans tous les secteurs, il a
intérêt à se spécialiser dans les produits pour lesquels
il est le plus avantagé ou le moins désavantagé.
 Même en l'absence davantage absolu, un pays, précise
Ricardo, peut se spécialiser dans la production d'un
bien dès lors qu'il possède un avantage comparatif.
 C'est ce qu'il explique en prenant l'exemple devenu
célèbre de la production de drap et de vin par deux
pays, le Portugal et l'Angleterre.
71
La théorie du commerce international

⚫ A partir de 1819, dans la cadre de son activité de


parlementaire, David Ricardo va militer pour l’abolition
des lois sur les blés, les corn laws, qui étaient des
taxes destinées à dissuader voir à interdire les
importations de blé étranger à plus bas prix, et donc
plus compétitif, que le blé britannique.
⚫ L’analyse de Ricardo complète l’analyse de Smith. En
effet, il ne nie pas le fait que si un pays a un avantage
absolu dans la production d’un bien ou d’un service il
doit concentrer ses ressources dans la fabrication et
l’exportation de ce produit. Mais il rajoute que, même
en l’absence d’avantage absolu, un pays a quand
même intérêt à échanger en se spécialisant en fonction
de ses avantages relatifs. 72
La théorie du commerce international

⚫ La démonstration de Ricardo met en présence deux pays,


l’Angleterre et le Portugal, et deux produits, le drap et le
vin.
⚫ Les coûts de production sont déterminés par la quantité de
facteur de production nécessaire à la production d’un bien.
La valeur d’une marchandise se mesure par la quantité de
travail qu’elle contient (= théorie de la valeur travail). Deux
biens s’échangent en proportion de la quantité de travail
que requière leur production.
⚫ Le Portugal dispose dans l’exemple de Ricardo d’un
avantage absolu pour la production du vin et du drap. Dans
la logique de Smith, l’Angleterre serait gagnante à importer
les deux productions du Portugal, fabriquées à un coût
inférieur. Mais le coût social d’un tel choix pour l’Angleterre
serait inacceptable : terres en friches, fermetures d’usines
textiles, augmentation du chômage, etc.
73
La théorie du commerce international

Le principe de l’avantage relatif ou avantage comparatif


peut s’exposer de la manière suivante : Chaque pays tire
un gain à l’échange en exportant les biens pour lesquels
il dispose du plus grand avantage comparatif en termes
de coût de production (ou de productivité) et en
important ceux pour lesquels il dispose de l’avantage
comparatif le plus faible.
⚫ ou encore

Les pays ont intérêt à se spécialiser dans la fabrication


de produits pour lesquels ils sont les plus avantagés ou
les moins désavantagés.
⚫ ou encore

Lorsque les coûts de production diffèrent d’un pays à


l’autre, chaque pays gagne à l’échange international en
se spécialisant dans la production du bien où 74sa
productivité du travail est la plus forte.
La théorie du commerce international

⚫ Pour déterminer qui a intérêt à échanger quoi, il faut


comparer le coût relatif du drap par rapport au vin en
Angleterre puis au Portugal.

Portugal Angleterre

Travail pour une unité de Vin 80 120

Travail pour une unité de drap 90 100


Coût relatif ou coût comparatif
1,125 (90/80) 0,83 (100/120)
(Drap/Vin)

75
La théorie du commerce international

⚫ D’un point de vue interne, il coûte donc relativement


moins cher à l’Angleterre de produire du drap que du
vin car quand l’Angleterre utilise 1 travailleur pour la
production du vin, elle n’en utilise que 0,83 pour la
fabrication du drap. L’Angleterre a donc un avantage
comparatif en termes de coûts de production pour le
drap (= elle est relativement plus efficace, plus
productive dans la production du drap).
⚫ D’un point de vue interne, il coûte relativement moins
cher au Portugal de produire du vin que du drap car
quand le Portugal utilise 1 travailleur pour produire du
vin, elle en utilise 1,125 pour fabriquer le drap. Le
Portugal a un avantage comparatif en termes de coûts
de production pour le vin (= il est relativement plus
efficace, plus productif dans la production du vin).
76
La théorie du commerce international

Le Portugal est avantagé dans les deux productions (il


dispose d’un avantage absolu pour la production du drap
et du vin car il est capable de les produire à des coûts
inférieurs à ceux de l’Angleterre). Pourtant, selon
Ricardo, l’Angleterre a quand même intérêt à l’échange.
Elle a intérêt à se spécialiser dans la production du drap
car son désavantage comparatif y est le plus faible. Le
Portugal, quant à lui, devra se spécialiser dans la
production de vin car son avantage comparatif y est le
plus élevé.
Angleterre Portugal

(1+1.125) unité de vin (80 + 90) Travail


77
(1 +1.2) unité de drap (100 + 120) Travail

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