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Anesth - Sie-R - Animation Pour L - Sions de L - Oesophage Apr - S Ingestion de Produit Caustique
Anesth - Sie-R - Animation Pour L - Sions de L - Oesophage Apr - S Ingestion de Produit Caustique
36-726-A-10
Résumé. – L’ingestion de produit caustique est une urgence médicochirurgicale. Il n’existe pas de conduite
spécifique à adopter en urgence, ni d’antidote. La priorité est la réalisation d’une endoscopie œso-gastro-
duodénale qui dicte la stratégie et détermine le pronostic. L’existence de lésions caustiques
trachéobronchiques est un facteur important de mortalité. La prise en charge est longue et complexe, surtout
dans les cas graves. Elle est au mieux réalisée dans un centre spécialisé pluridisciplinaire. Le traitement va de
l’abstention avec simple repos digestif à l’eosogastrectomie en urgence. Chez ces patients, les suites
opératoires sont marquées par des complications fréquentes, surtout respiratoires. Le suivi psychiatrique du
patient et sa participation active au traitement conditionnent les possibilités de traitement des séquelles.
© 2003 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Landru J et Jacob L. Anesthésie-réanimation pour lésions de l’œsophage après ingestion d’un produit caustique. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS,
Paris, tous droits réservés), Anesthésie-Réanimation, 36-726-A-10, 2003, 7 p.
COMPLICATIONS POSTOPÉRATOIRES
Ces patients sont surveillés en service de chirurgie. L’alimentation
orale suspendue initialement est reprise lors de la disparition de la
¶ Complications respiratoires symptomatologie douloureuse [40, 43]. La sortie est autorisée après une
consultation psychiatrique si l’ingestion est volontaire.
Les atélectasies et les pneumopathies infectieuses sont fréquentes et
L’hospitalisation est de courte durée et l’évolution est en règle
nécessitent kinésithérapie respiratoire intensive, fibroaspiration et
favorable [43]. Il s’agit d’environ 37 % des patients (enquête de l’AFC,
antibiothérapie adaptée en cas de pneumopathie. L’absence de
1995) [12].
communication entre le tractus digestif et les voies respiratoires ne
semble pas influencer l’incidence de ces pneumopathies [39]. Les
épanchements pleuraux sont fréquents [37]. Ils peuvent être aériens STADES 2 OU 3 LOCALISÉS SANS CRITÈRE DE GRAVITÉ
par effraction pleurale lors du stripping [25], ou liquidiens, secondaires La prise en charge se fait en milieu chirurgical afin de permettre une
à l’inflammation du médiastin ou à une pneumopathie. Le surveillance quotidienne. Pendant une période de 3 semaines, les
retentissement ventilatoire, surtout en cas d’épanchements phénomènes évolutifs et de cicatrisation sont à leur maximum et les
abondants, peut rendre le drainage nécessaire, en particulier risques de complications chirurgicales sont les plus importants [27]. Il
pendant la période de sevrage de la ventilation mécanique. Chez les s’agit de perforations gastriques secondaires, d’hémorragies, de
patients les plus sévèrement atteints, une incompétence du réflexe fistules gastrocoliques et de sténoses antropyloriques. Durant ces 3
de protection trachéale peut entraîner des inhalations répétées de semaines, l’alimentation orale est totalement suspendue, tant que la
salive, sources d’encombrement et d’atélectasies ; cette incompétence fibroscopie de contrôle n’a pas affirmé la guérison [27, 35, 40, 43]. Les
est favorisée par un traitement psychiatrique majeur, volontiers traitements anti-H2 n’ont pas fait la preuve de leur efficacité à ces
sédatif (neuroleptiques à fortes doses, anxiolytiques). stades de la pathologie [34].
Il est intéressant de noter que l’œsophagostomie cervicale a tendance
à se sténoser assez rapidement en postopératoire. Cette obstruction ¶ Problèmes respiratoires
de l’œsophagostomie gêne le drainage salivaire spontané. Il n’a Les lésions pharyngées peuvent évoluer vers une sténose [4, 46],
cependant pas été observé de complication médiastinale liée à cet parfois responsable d’une détresse respiratoire nécessitant une
obstacle à l’écoulement salivaire. trachéotomie. La situation est similaire à celle des patients
œsophagectomisés (cf supra). Le recours à la kinésithérapie
¶ Complications infectieuses
respiratoire ainsi qu’à la fibroscopie bronchique doit être large pour
La péritonite est toujours possible, que ce soit par continuation du lever les atélectasies rebelles et réaliser des prélèvements
processus caustique ou par fuite au niveau des sutures digestives bactériologiques.
(moignon duodénal) [25]. Un syndrome inflammatoire généralisé
(SIRS) clinique et biologique est souvent observé [37], mais il est ¶ Problèmes nutritionnels
fondamental de rechercher une origine infectieuse, notamment
pulmonaire. Les examens habituels d’imagerie (radiographies Dans l’attente de la fibroscopie œsogastrique de contrôle à 3
standards et tomodensitométries) sont d’une aide modeste car semaines, l’arrêt de l’alimentation orale rend nécessaire le recours à
d’interprétation difficile dans ce contexte de profond remaniement une nutrition artificielle. Dans ce cas, il existe également un
anatomique du médiastin postérieur. Aucun foyer septique n’est hypercatabolisme dont il faut tenir compte dans la ration calorique
découvert et, par élimination, le diagnostic de médiastinite quotidienne, avec un apport azoté suffisant (cf supra). La voie
inflammatoire est donc retenu. d’administration varie d’une équipe à l’autre : soit la voie entérale
par jéjunostomie, soit parentérale par voie veineuse centrale.
¶ Problèmes nutritionnels
¶ Problèmes psychiatriques
Privés de leur continuité digestive pendant un minimum de 3 mois,
ces patients agressés requièrent une nutrition artificielle [3]. La La plupart des patients sont psychotiques ou dépressifs graves. La
chirurgie lourde est associée à un hypercatabolisme, et la dénutrition prise en charge médicale et chirurgicale ne peut se concevoir que si
rapide altère la cicatrisation et augmente le risque infectieux [2]. La la pathologie psychiatrique est traitée. Ceci est important pour
dépense énergétique de base évaluée (règle de Harris et Benedict l’observance du traitement, nutritionnel en particulier. Il est de plus
par exemple) est corrigée par un facteur de 1 à 2 en fonction de essentiel de prévenir toute nouvelle tentative d’autolyse, par ce
l’agression (sévérité des lésions, pneumopathies, SIRS) [2]. Une mode ou par un autre, ce qui n’est pas exceptionnel.
proportion de 70 % de glucides et 30 % de lipides est admise par la
majorité des auteurs [2]. Des apports azotés de 0,2 à 0,25 g.kg-1.j-1 sont
suffisants. Les patients œsophagectomisés bénéficient en règle d’une Prise en charge des séquelles
jéjunostomie. Une nutrition entérale précoce est ainsi possible bien
que parfois difficile chez les grands psychotiques. Les patients sont Son principe est identique, que les patients soient œsophagectomisés
cependant souvent dénutris lors de la chirurgie de reconstruction. ou non.
On peut proposer une nutrition parentérale par cathéter veineux Même lorsque la chirurgie n’est pas nécessaire en urgence, la
central chez les patients les moins sévèrement atteints (stade 2) qui survenue de séquelles, tant au niveau digestif (œsophage et
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