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Bon usage des antibiotiques

Une autre prescription des antibiotiques pour une meilleure


prévention de l’émergence des bactéries résistantes

G. Beaucaire
Pôle « Gestion du risque infectieux - CHU de Pointe à Pitre
Université des Antilles et de la Guyane
Antibiotiques

Classe thérapeutique qui a


 Le plus de prescripteurs
 Le plus grand nombre de prescriptions
 Le plus grand nombre de patients traités
 Le plus grand nombre de molécules ou de combinaisons
Particularité: les résistances bactériennes
 Pour une même cible (la bactérie), l’efficacité sera variable selon:
 l'époque
 le site infecté
 la localisation géographique
Choix et conséquences complexes
 Multiplicité des situations cliniques/micro-organismes /molécules
 Attentes de qualité des soins des patients
 Évolution rapide des connaissances: impose mise à jour permanente
Facteurs intervenants dans la
prescription antibiotique
 Mauvais diagnostic
 Méconnaissance des pathologies
 Méconnaissance des recommandations et des conséquences écologiques
 Promotion et éducation par l’industrie lors de l’utilisation des antibiotiques
pharmaceutique  Sévérité perçue de la maladie

+ +
Prescription Demande du patient

- -
 Éducation médicale  Éducation de la population
 Utilisation des tests rapides de diagnostic  Régulation des remboursements
 Facilitation à l’accès des recommandations  Régulation de la promotion à la
 Régulation de la promotion par l’industrie population

Monnet D. Clin Microbiol Infect. 2001;7:27-30


Les objectifs du bon usage des antibiotiques
 Les objectifs individuels et collectifs sont indissociables.
 La maîtrise de l’antibiothérapie, associée aux mesures d’hygiène, doit
induire une diminution de la prévalence de la résistance et de l’impact de la
transmission croisée.
 6 objectifs principaux:
un diagnostic précis et précoce
une bonne indication thérapeutique, un traitement adapté, réévalué
cliniquement et microbiologiquement, de durée appropriée.
le meilleur rapport bénéfice/risque individuel et collectif par le choix du
traitement (effets indésirables les plus faibles à efficacité égale; impact
écologique le plus faible).
une décision médicale fondée sur les meilleures preuves scientifiques
disponibles.
la maîtrise de l’émergence des bactéries multirésistantes
D’après P. Choutet, 2002
Objectif individuel

GUERIR
Impact pronostique d’une
antibiothérapie inadaptée
Bactériémies : Infections sévères en réanimation:
analyse multivariée des facteurs pronostiques conséquences d’une antibiothérapie inadéquate

843 épisodes de bactériémies et de fongémies, 17,5% de mortalité


mortalité globale Étude prospective, 2000 patients dont 655 avec une antibiothérapie
antibiothérapie

Facteurs significatifs Risque  Mortalité liée à l’infection


Relatif  patients avec ATB adéquate = 17.7%
Age > 70 ans 1.80  patients avec ATB inadéquate = 42.0% (RR = 2.37; p<0.001)
Agents fongiques ou Entérobactéries autres qu’E.coli 2.27
Origine inconnue, respiratoire, péritonéale ou colique 2.86  Morbidité
Néoplasie, SIDA ou insuffisance rénale sous-jacents 1.98  Défaillances viscérales: 2.5 vs 0.9 (p<0.0001)
Etat de choc 2.29  Durée de séjour en réa: 10.2 vs 7.1 (p<0.0001)
Absence de réaction fébrile (< 37.9°C) 2.04  Durée de ventilation: 11.1 vs 7.6 (p<0.0001)
Antibiothérapie inadéquate à au moins 2 évaluations 2.72
(probabiliste initiale, résultat des HC, données antibiogramme)

Weinstein, Clin. Infect. Dis 1997;24:584-602 Kollef, Chest 1999;115:462-74

Impact clinique d’un retard à la mise en route d’une


antibiothérapie adéquate Péritonites post-opératoires
(pneumonie acquise sous ventilation)
________________________________________________________________ 100 patients
Facteurs prédictifs indépendants de mortalité
________________________________________________________________ 26 HC+
variables OR IC95% p Documentation bactériologique: 250 espèces bactériennes
________________________________________________________________  BGN = 53%, Cocci à Gram + 32%
AAIR* 7.68 4.5-13.09 <0.001  100/250 bactéries = résistances non naturelles
Cancer sous jacent 3.20 1.79-
1.79-5.71 0.044
ATB probabiliste
Score APACHE II 1.13 1.09-
1.09-1.18 0.001
 adéquate n = 46: 12 DC (26%)
__________________________________________________________
 inadéquate n = 54: 27 DC (50%)
* Antibiothérapie adéquate initiale retardée

Kollef, Chest 2002;122:262-8 Montravers, Clin Infect Dis 1996;23:486-94


Conséquence immédiate

Prescription d’antibiothérapies à large spectre


 non réévaluées rapidement
 sélectionnantes
Relation causale entre
antibiotiques & resistances
Relation complexe
Parallélisme entre consommation d’antibiotiques et fréquence des infections
à BMR
Fréquence plus grande de résistance parmi les souches isolées d’infections
nosocomiales / infections communautaires
Lors d’épidémies d’infections à BMR, les cas ont reçu habituellement
significativement plus d’antibiotiques
Les services qui consomment le plus d’antibiotiques ont la plus forte
prévalence d’isolement de BMR (relation bidirectionnelle)
Relation entre la durée d’administration d’antibiotique et le risque de
colonisation et/ou d’infection par des BMR

IDSA/SHEA Antimicrobial Stewardship Guideline 2007 CID


Bactériémies à Enterobacter sp multirésistant
après traitement par céphalosporines
129 épisodes de bactériémies à Enterobacter sp
Multirésistance aux bêtalactamines: 37/129 (29%)
Association à un traitement préalable

Traitement antérieur oui non P

Tous antibiotiques 36/103 1/26 0.002


35% 4%
C3G 22/32 14/71 0.001
69% 20%

Chow et al, Ann Intern Med 1991; 115: 585-90


Résistance à la ciprofloxacine et usage de fluoroquinolones
Étude cas – témoins: 65 patients avec infection/colonisation par BGN FQ-R,
vs 50 témoins avec même espèce BGN FQ-S

 Association isolat FQ-R avec


Présence d'escarres (P=0.035)
Administration d'antibiotique (P=0.03)
Administration de FQ [ciprofloxacine, norfloxacine] (P=0.0001)
En long séjour (n=37):
Présence d'escarre (49% vs 23%, P=0.001)
Infection (84% vs 52%, P=0.014)
Administration de FQ (81% vs 32%, P=0.0001)
En secteur aigu (n=28):
Administration de FQ (29% vs 0%, P=0.015)
Muder et al, AAC 1991; 35: 256-58
Prescription d’une antibiothérapie
de qualité
Pour une antibiothérapie de qualité, il faut
Répondre aux 9 questions
1. Faut - il prescrire une antibiothérapie ? (bon diagnostic)
2. Faut - il faire un prélèvement bactériologique préalable ? Si oui a-t-il été fait ?
3. Quel antibiotique choisir ? (site infectieux, bactérie, terrain)
4. Faut - il utiliser un seul antibiotique ou une association?
5. Le recours à la chirurgie, à un drainage est - il nécessaire ?
6. Quelle posologie prescrire ?
7. Quelle voie d’administration choisir ? respect du PK/PD
8. Quel rythme d’administration choisir ?
9. Quelle durée de traitement ?

Réévaluer l’antibiothérapie à 48-72h, puis tous les jours


Le mauvais usage des antibiotiques, c’est
Traitement inutile
 absence d’indication
 associations injustifiées
Absence de prélèvement avant traitement
Non prise en compte de l'écologie locale
Choix de molécule inapproprié
 spectre insuffisant (non-anticipation de résistance ou épidémiologie)
 alternative de traitement par spectre plus étroit (moins coûteux)
Traitement mal conduit
 doses insuffisantes / trop élevées
 intervalles trop courts / trop longs non respect du PK/PD
 voie d’administration inadaptée
Risques toxiques non pris en compte
Pas d'adaptation aux résultats bactériologiques
Durée de traitement incorrecte
Conséquences du mauvais usage

 Sélection/émergence de résistance
 Risque accru de transmission croisée et diffusion de la résistance
 Risque accru d’infection ultérieure, de traitement plus complexe, à
plus haut risque d’échec
 Risque accru de mortalité par inadéquation de l’antibiothérapie initiale
chez les patients fragilisés
 Accroissement de la morbidité, de la durée de séjour, de la charge de
soins, des coûts d’hospitalisation
Le respect du PK/PD
Exemple des aminosides et glycopeptides
Les aminosides, des antibiotique
concentration –dépendants par excellence
Paramètres pharmacodynamiques d’efficacité
des aminosides

Cmax/CMI
accessoirement ASC
24h/CMI
concentrations
Cmax (1ère +++)
C max

ASC

CMI

temps

24 h
Relation entre le rapport C max/CMI
et le risque relatif de guérison clinique

Risque relatif de 9
guérison clinique 8
(%) 7

0
<2

>10
2 à <4

4 à <6

6 à <8

8 à <10
C max/CMI

D’après Moore et al, JID, 1987, 155, 93 -99


Objectif de concentration sérique maximale

• Données in vitro
– Rapport C/CMI > 8-10 prévient la recroissance de mutants résistants
– Bactéricidie et effet post-antibiotique concentration - dépendant
• Essais cliniques
– Risque relatif de guérison clinique > 80% pour un rapport C/CMI > 10
• En pratique
– Les concentrations sériques maximales devraient être pour
 gentamicine, nétilmicine, tobramycine: > 30 (40) mg/l (Cci = 4 mg/l)
 amikacine: > 60 (80) mg/l (Cci = 8 mg/l)

Nilsson, JAC, 1987; Blaser, AAC, 1987; Moore, JID, 1987


Posologie d’aminoside
Attention au volume de distribution !
• La concentration sérique est inversement proportionnel au volume de distribution
(Vd) de l’aminoside
• Situations cliniques habituellement associées à une augmentation du Vd

 ascites, épanchements pleuraux  mucoviscidose


 polytraumatisme  hémopathies malignes
 choc septique ou hémorragique  insuffisance cardiaque
 ventilation assistée  brûlures étendues
 SDRA  consommation IV de drogue
 défaillance multiviscérale  malnutrition
…
Monitoring des concentrations sériques *
DUJ; fonction rénale normale
DUJ C max** C résiduelle***
(mg/kg) (mg/L) (mg/L)

amikacine 15 - 25 > 40 (60) < 2.5

gentamicine 4.5 - 7 > 20 (30) < 0.5


netilmicine 6-8 > 20 (30) <1

* mg/L
** 30 min après la fin d’une perfusion de 30 min
*** immédiatement avant l’administration suivante ou fonction de nomogrammes
Bien prescrire les glycopeptides,
c’est respecter leurs propriétés
pharmacodynamiques et pharmacocinétiques
Prescription des glycopeptides selon des modalités
adaptées au PK/PD

• Activité bactéricide temps-dépendante sur les staphylocoques et les


streptocoques
• Efficacité maximale
Si concentration en permanence au dessus de la CMB de la bactérie.
• Paramètre pharmacodynamique corrélé à efficacité
 temps de contact / 24h à C > 4-5 CMI (valeur ?)
• Intérêt de l’administration continue
– Concentration efficace permanente dans le site infecté

Greenwood et al,JAC,1987;20:155-64
Prescription des glycopeptides selon des modalités adaptées au PK/PD

Administration fractionnée
T faible
T= temps de contact à C > 4-5CMI
concentrations T= t1 + t2 + t3 (%24h) > 4-5 CMI

4-5 CMI Administration continue


T optimisé

concentrations
T= temps de contact à C > 4-5CMI
CMI T= optimisé à 100%
temps

t1>4-5 CMI t2>4-5 CMI t3>4-5 CMI 24 h

4-5 CMI

CMI
temps

T > 4-5 CMI 24 h


Concentrations tissulaires de vancomycine 1
Vancomycin, 15 mg/kg IV
30
33 patients (14 patients2)

25  0 - 2 h après adm.
 5 - 6 h après adm.
20

C. sérique/C. tissulaire = 6
15
Mean concen tration

Pour le LCR = 10
µg /ml ou /mg

10

0
2

Os
Serum

Muscle
cardiaque

Sous cutané
Valve

1 Daschner EJCMID,1995;14:S12-7
2 Graziani AAC,1988;32:1320-2
Bien prescrire les glycopeptides:
exemple de la vancomycine (1)
D’abord se fixer un objectif de concentration tissulaire:
 4 à 5 fois la CMI de la bactérie responsable

Ensuite définir l’objectif de concentration sérique correspondant:


 6 à 10 fois l’objectif de concentration tissulaire

Puis tenir compte du volume de distribution


 au moment de la prescription

 Enfin définir la posologie


Bien prescrire les glycopeptides:
exemple de la vancomycine (2)

CMI C. tissulaire C. sérique Posologie


minimale minimale mg/kg/j
mg/L mg/L
0.5 mg/L 2 12-20 30-40 (2.5 g)

1 mg/L 4 24-40 50-60 (3 g)

2 mg/L 8 48-80 60-70 (4 –5 g)


difficile
4 mg/L 16 > 100 impossible
Objectif collectif

Prévenir l’émergence des BMR


Réduire les coûts pharmaceutiques

Quelles mesures mettre en place ?


Stratégie coordonnée dans les établissements de santé
Organiser les compétences humaines assorties d’un système d’information
performant
Promouvoir une stratégie d’amélioration de l’utilisation des antibiotiques définie
et appliquée en étroite collaboration avec les prescripteurs
Cinq propositions
 Une organisation fonctionnelle: commission des antibiotiques, clinicien référent en
antibiothérapie, médecins correspondants
 Une aide à la prescription: recommandations locales et consensuelles pour
l’antibiothérapie
 Un encadrement de la prescription: liste des antibiotiques disponibles et mise en
place d’un système de dispensation contrôlée
 Une politique d’évaluation de la qualité, et de surveillance de la consommation
 Une formation à tous les niveaux

14ème Conférence de Consensus de la SPILF (6 mars 2002); arrêté du 29 mars 2002; circulaire DHOS/E2
– DGS/SD5A – N° 272 du 2 mai 2002
Antibactériens en 2006: 1 milliard d’€

Ville
8ème en coût
3ème en quantité
763 M€

Hôpital

207 M€
 Antiviraux:  Antifongiques
 6,7 vs 7,6% (hôpital: N°3)  2,8 vs 1,2% (hôpital: N°11)
 3% vs 0,5% (ville: N°11)

Source: AFSSAPS

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