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Cas Ad Astra
Cas LIVI
Promotion 2023/2024
Droit des sociétés
Cessions de droits sociaux
Le terme de « droits sociaux » désigne de manière générique les droits incorporels de nature
mobilière qui sont reconnus aux associés en contrepartie de leurs apports concourant au
capital social. Autrement dit, il s’agit soit de parts sociales (SARL notamment), soit d’actions
pour les sociétés par actions (SA, SAS, SCA…).
Les droits sociaux présentent un double intérêt pour celui qui les détient :
- sous l’angle du droit des sociétés, ils confèrent à leur propriétaire la qualité d’associé
et les droits politiques (de vote, d’information...) et financiers (dividendes, boni…) qui
s’y attachent.
- sous l’angle patrimonial, les droits sociaux sont un élément du patrimoine de l’associé.
Ils ont une valeur propre et peuvent être saisis par les créanciers de l’associé ; ils
peuvent aussi être nantis, loués ou encore mis en crédit-bail.
La question des cessions de droits sociaux est au cœur de ces deux dimensions. Vendre et
acquérir des droits sociaux peut juste se résumer à une opération financière, à un placement :
c’est alors la dimension patrimoniale qui domine. Mais la cession de droits sociaux peut aussi
consister à entrer dans une entreprise afin d’y prendre une part active, voire pour en prendre le
contrôle. La logique est alors politique, stratégique et économique.
L’entrelacement de ces aspects explique que les cessions de droits sociaux donnent lieu à un
important contentieux. Ainsi, de nombreuses clauses, soit dans les statuts de la société, soit
dans des actes extrastatutaires, visent à contrôler les cessions de droits sociaux pour différents
motifs. Différents instruments juridiques sont utilisés à cette fin. Il s’agit, le plus souvent, soit
de filtrer les entrées et les sorties dans la société, notamment pour éviter les indésirables ou
les concurrents, soit de maintenir l’équilibre des participations.
Les enjeux de pouvoir dans l’entreprise et les intérêts financiers surplombent la question des
cessions de droits sociaux. Nous allons le voir au travers de deux cas pratiques relatifs à
différentes facettes de ce thème, « nid à contentieux » permanent.
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Composition du dossier :
• Cas « AD ASTRA »
• Cas « LIVI »
• Document n° 3 : arrêt Cour de cassation, 1ère ch. civ., 3 mai 2000, Baldus, n° 98-
11381.
• Document n° 5 : arrêt Cour de cassation, Ch. com., 10 juillet 2012, Parsys, n° 11-
21954.
• Document n° 8 : arrêt Cour de cassation, Ch. com., 27 juin 1989, Barilla, n° 88-
17654.
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CAS « AD ASTRA »
Par acte du 28 décembre de l’année dernière, M. Barré a cédé à la société Ad Astra, pour le
prix unitaire de 550 euros, ses 3000 actions de la société Mach Tech. Le même jour, M.
Aubert a cédé à M. Mauduit ses 2600 actions de la société Mach Tech au même prix unitaire.
Par acte du 31 décembre de l’année dernière, la société Pearson a acquis de M. Mauduit les
2600 actions de Mach Tech, acquises de M. Aubert, au prix unitaire de 1492 euros. Puis, le 3
janvier dernier, Pearson a acquis la quasi-totalité des actions de la société Ad Astra,
également au prix unitaire de 1492 euros.
MM. Barré et Aubert ont appris l’existence et les modalités de ces deux dernières cessions,
gardées secrètes jusque là, par un communiqué de Pearson paru dans la presse économique le
22 mars dernier. Après réflexion, MM. Barré et Aubert estiment avoir été « floués » par ces
différents agissements et sont résolus à agir en justice.
M. Barré vous indique d’abord qu’il n’aurait jamais cédé ses actions Mach Tech à Ad Astra
s’il avait su que cette dernière société allait être rachetée par Pearson. En effet, M. Barré
déteste les dirigeants de Pearson avec lesquels il avait eu, autrefois, un différend sur une
question de brevet.
MM. Barré et Aubert entendent, par ailleurs, faire valoir qu’au début de septembre de l’année
dernière, ils avaient l’un et l’autre reçu de la société concurrente Delaunay SAS des offres
écrites et fermes pour céder leurs actions Mach Tech en échange d’actions de Delaunay SAS :
1 action Mach Tech contre une action Delaunay SAS d’une valeur, à l’époque, de 950 euros.
Ils avaient cependant jugé plus sûr de décliner ces offres car ils préféraient recevoir le prix de
cession en numéraire plutôt qu’en actions dont la valeur est, par nature, fluctuante. Toutefois,
la valeur de l’action Delaunay n’a cessé de monter et côte, à ce jour, 1400 euros.
MM. Barré et Aubert vous consultent sur les possibilités d’agir, et sur quels fondements,
à l’encontre, respectivement, de la société Ad Astra et de M. Mauduit, ainsi que sur les
suites envisageables de ces actions.
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CAS « LIVI »
La société LIVI souhaite acquérir l’immeuble qui abrite son siège social (18 000 m2 dans le
cœur de Paris). Ce bien est la propriété de la société SODIAL, dont les sociétés LAMAR et
FONSI sont uniques actionnaires, respectivement à 40 % et 60 %. La société LAMAR est
contrôlée par plusieurs sociétés du groupe YARD alors que la société FONSI, quant à elle, est
contrôlée par les sociétés SFO et LAX.
SODIAL
SFO
Groupe
LAMAR FONSI
YARD
LAX
Parties au protocole d’accord
LIVI
Les sociétés LAMAR et FONSI ont conclu entre elles il y a 5 ans et pour une durée de 10 ans
un « protocole d’accord » comprenant un article 2 selon lequel : « chacune des parties
contractantes prend l’engagement réciproque de ne pas aliéner tout ou partie des titres de
Sodial qui lui appartiennent à des tiers, avant de les avoir préalablement offerts à l’autre
partie qui disposera d'un droit de préemption pour les acquérir ».
L’article 3 précise : « le présent protocole s'applique à toutes les actions composant le capital
social de Sodial et à tous titres ou toutes autres valeurs mobilières qui viendraient à être
émises par Sodial et, en cas de transformation de cette dernière en société d'une autre forme,
à tous les titres qui seront émis en représentation du capital social, que détiennent ou
détiendront les soussignées ou qui pourraient leur être attribuées pour quelque cause que ce
soit, ainsi qu'à tous les droits de souscription attachés auxdits titres. Le droit de préemption
s'appliquera à toutes les aliénations par quelque mode que ce soit, par transfert direct ou
indirect, cession, apport, donation, échange, fusion, prêt de consommation, nantissement,
transfert universel de patrimoine, ou autrement ».
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Par acte du 17 septembre dernier, les sociétés SFO et LAX ont vendu à LIVI la totalité des
actions FONSI.
La société LAMAR, furieuse, a notifié à LIVI, SFO, LAX et FONSI qu’elle allait saisir la
justice pour contester « l’opération illicite réalisée de mauvaise foi réalisée par LIVI qui
connaissait l’existence du pacte et l’intention de LAMAR de s’en prévaloir ». LAMAR
indique demander sa substitution à LIVI dans le contrat conclu, ainsi que l’attribution de
dommages-intérêts au titre du préjudice causé.
Très inquiet, le Directeur général de LIVI vous demande votre analyse sur les
arguments susceptibles d’être invoqués par LAMAR et leur risque de succès.
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Document n° 1 :
extrait de « Droit des sociétés », 2023
relatif au vice du consentement
que constitue le dol
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Document n° 2 : art. 1137 du Code civil (modifié par LOI n°2018-287 du 20 avril 2018)
« Le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des
manœuvres ou des mensonges.
Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une
information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.
Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son
cocontractant son estimation de la valeur de la prestation ».
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Document n° 4 : Com., 27 février 1996, Vilgrain.
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 janvier 1994), que le 27 septembre 1989, Mme X... a vendu à
M. Bernard Vilgrain, président de la société Compagnie française commerciale et financière (société
CFCF), et, par l'intermédiaire de celui-ci, à qui elle avait demandé de rechercher un acquéreur, à MM.
Francis Z..., Pierre Z... et Guy Y... (les consorts Z...), pour qui il s'est porté fort, 3 321 actions de ladite
société pour le prix de 3 000 francs par action, étant stipulé que, dans l'hypothèse où les consorts Z...
céderaient l'ensemble des actions de la société CFCF dont ils étaient propriétaires avant le 31
décembre 1991, 50 % du montant excédant le prix unitaire de 3 500 francs lui serait reversé ; que 4
jours plus tard les consorts Z... ont cédé leur participation dans la société CFCF à la société Bouygues
pour le prix de 8 800 francs par action ; que prétendant son consentement vicié par un dol, Mme X... a
assigné les consorts Z... en réparation de son préjudice ;
Sur le premier moyen pris en ses cinq branches :
Attendu que M. Bernard Vilgrain fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné, à raison d'une réticence
dolosive, à payer à Mme X..., une somme de 10 461 151 francs avec intérêts au taux légal à compter
du 1er octobre 1989 alors, selon le pourvoi (…)
Mais attendu que l'arrêt relève qu'au cours des entretiens que Mme X... a eu avec M. Bernard Vilgrain,
celui-ci lui a caché avoir confié, le 19 septembre 1989, à la société Lazard, mission d'assister les
membres de sa famille détenteurs du contrôle de la société CFCF dans la recherche d'un acquéreur de
leurs titres et ne lui a pas soumis le mandat de vente, au prix minimum de 7 000 francs l'action, qu'en
vue de cette cession il avait établi à l'intention de certains actionnaires minoritaires de la société, d'où
il résulte qu'en intervenant dans la cession par Mme X... de ses actions de la société CFCF au prix, fixé
après révision, de 5 650 francs et en les acquérant lui-même à ce prix, tout en s'abstenant d'informer le
cédant des négociations qu'il avait engagées pour la vente des mêmes actions au prix minimum de 7
000 francs, M. Bernard Vilgrain a manqué au devoir de loyauté qui s'impose au dirigeant d'une société
à l'égard de tout associé, en particulier lorsqu'il en est intermédiaire pour le reclassement de sa
participation ; que par ces seuls motifs, procédant à la recherche prétendument omise, la cour d'appel a
pu retenir l'existence d'une réticence dolosive à l'encontre de M. Bernard Vilgrain ; d'où il suit que le
moyen ne peut être accueilli ;
(…)
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Document n° 5 : Com., 10 juillet 2012, Parsys.
Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 25 mars 2010, pourvoi n° 09-
12.895), que la société Gestion location service (la société GLS) a cédé à la société Parsys, le 16
septembre 1999, la totalité des actions représentant le capital de la société EFSI qu'elle détenait et qui
avait pour activité la location longue durée de matériel informatique ; que soutenant que la société
GLS avait dissimulé, lors de la négociation, l'existence de contre-lettres consenties par la société EFSI
à certains de ses locataires afin de leur permettre d'acquérir le matériel loué à un prix résiduel
avantageux en fin de contrat, la société Parsys et le commissaire à l'exécution de son plan de
continuation ont mis en oeuvre la procédure arbitrale prévue au contrat ; que la cour d'appel a
confirmé la sentence arbitrale en ce qu'elle avait retenu, au visa des articles 1116 et 1382 du code civil,
l'existence d'une réticence dolosive pré-contractuelle et, l'infirmant sur le montant du préjudice
indemnisable, a condamné la société GLS à payer à ce titre certaines sommes à la société Parsys ; que
devant la cour d'appel de renvoi, la société Parsys a demandé que la société GLS soit condamnée au
paiement de dommages-intérêts en réparation de la perte de chance d'avoir pu réaliser un autre
investissement; que la société GLS a soulevé l'irrecevabilité de cette demande et, subsidiairement, a
contesté son bien-fondé en soutenant que la société Parsys pouvait seulement prétendre à la réparation
de la perte de chance d'avoir pu mieux négocier le prix d'acquisition de la société EFSI ;
Sur le deuxième moyen, pris en ses deux branches :
Vu les articles 1116 et 1382 du code civil ;
Attendu que, pour statuer comme il fait, l'arrêt retient que la société Parsys peut obtenir réparation de
la perte de chance de conclure un contrat plus avantageux sans avoir demandé la nullité du contrat
affecté de dol ; qu'il ajoute que la perte de chance pour la société Parsys de réaliser une meilleure
opération si elle avait été complètement informée est sans lien avec la conservation des actions de la
société EFSI dans son patrimoine, le préjudice résultant de cette perte de chance s'étant produit au
moment de la réalisation de l'opération ; qu'il retient encore que la décision de la société Parsys de
maintenir le contrat n'a pas rompu le lien de causalité entre la faute pré-contractuelle et le préjudice
dont il est demandé réparation ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la société Parsys ayant fait le choix de ne pas demander
l'annulation du contrat, son préjudice réparable correspondait uniquement à la perte d'une chance
d'avoir pu contracter à des conditions plus avantageuses, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : CASSE ET ANNULE (…)
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Document n° 6 :
extrait de « Droit des sociétés », 2023
relatif aux clauses de préférence
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Document n° 7 : Article 1123 du Code civil (Modifié par ordonnance du 10 février 2016)
Le pacte de préférence est le contrat par lequel une partie s'engage à proposer prioritairement à son
bénéficiaire de traiter avec lui pour le cas où elle déciderait de contracter.
Lorsqu'un contrat est conclu avec un tiers en violation d'un pacte de préférence, le bénéficiaire peut
obtenir la réparation du préjudice subi. Lorsque le tiers connaissait l'existence du pacte et l'intention du
bénéficiaire de s'en prévaloir, ce dernier peut également agir en nullité ou demander au juge de le
substituer au tiers dans le contrat conclu.
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dans les statuts de la société holding, obligation qui était connue par les consorts X... A... et par la
société Barilla ; que de ces constatations, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à la recherche
inopérante invoquée par la seconde branche, a pu déduire que les conventions passées entre les
consorts X... A... et la société Barilla étaient entachées de fraude ; que le moyen n'est fondé en aucune
de ses branches ; PAR CES MOTIFS : REJETTE les pourvois tant principal que provoqué
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