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L’information et le consentement du patient

Abstention fautive
Implications éthiques et juridiques

PR. HICHAM BENYAICH


Objectifs éducationnels
+ Connaître les fondements éthiques, déontologiques et légaux des notions étudiés

+ Adapter le contenu de l’information et les modalités de son administration selon les situations
cliniques et la personnalité du patient

+ Prendre conscience des situations limitant la délivrance de l’information et des conséquences


juridiques en cas de défaut d’information

+ Distinguer les critères d’un consentement valide

+ Connaître les exigences de forme du consentement dans certains champs de la pratique médicale

+ Reconnaître au patient le droit de refus les soins proposés

+ Identifier les situations pouvant être qualifiées d’abstention fautive


Fondement éthique de
l’information
Information du patient :
+ Marque le respect pour la personne humaine

+ Traduit le principe de l’autonomie de sa volonté

+ Consacre la dignité humaine

+ Tranche avec la conception paternaliste traditionnelle de l’activité médicale au


profit d’une démarche partenariale

+ Elément central dans la relation de confiance Médecin/Malade

+ Contribue à la participation active du patient aux soins


Fondement légal de l’information

+ Conséquence de la reconnaissance de la nature contractuelle des


obligations du médecins
+ En effet,
* Le consentement des parties est l’une des quatre conditions
de validité de tout contrat
* Or, tout consentement, pour qu’il soit valable, doit être libre
et éclairé
« Est annulable le consentement donné par erreur, surpris par
dol ou extorqué par violence » Art. 39 du DOC
+ Ainsi, l’information du patient est une obligation contractuelle
Fondement légal de l’information
Article 2 de la loi 131-13 :
« …Tout médecin, quel que soit le secteur dont il relève ou le mode de son
exercice, est tenu de respecter les droits de l'Homme universellement reconnus et
d'observer les principes suivants :
….
- Le droit du patient ou, le cas échéant, de son tuteur ou représentant légal, à
l'information relative au diagnostic de sa maladie, sur les options des
thérapeutiques possibles ainsi que le traitement prescrit et ses effets éventuels
prévisibles et les conséquences du refus de soins, sous réserve que les
informations précitées soient enregistrées dans le dossier médical du patient dont
une copie peut être obtenue par ce dernier, par son représentant légal ou par ses
ayants droit s'il décède... »
Fondement légal de l’information

Information a priori du patient :


+ Droit du patient d'être informée sur son état de santé

+ Devoir de tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences

Information a posteriori :
+ Droit du patient d’accéder aux informations collectées sur lui dans le dossier
médical

+ Droit des ayants droits d’obtenir une copie du dossier médical


Fondement déontologique de
l’information
Information du patient :
+ Dans l’actuel code de déontologie marocain : Absence de référence explicite à
l’obligation d’information

+ Dans le code de déontologie français (Art. 35) : « Le médecin doit à la personne


qu'il examine, qu'il soigne ou qu'il conseille une information loyale, claire et
appropriée sur son état, les investigations et les soins qu'il lui propose …»

+ La déclaration de Lisbonne de l’AMM sur les Droits du Patient :

« Le patient a le droit de recevoir l’information le concernant contenue dans le


dossier médical et d’être pleinement informé sur son état de santé, y compris des
données médicales se rapportant à son état ».
Contenu de l’information
L’information doit porter sur l’état du patient et son évolution prévisible, ce qui nécessite des
explications sur :

1°- la maladie ou l’état pathologique, et son évolution habituelle avec et sans traitement ;

2°- la description et le déroulement des examens, des investigations, des soins, des
thérapeutiques, des interventions envisagés et de leurs alternatives ;

3°- leur objectif, leur utilité, leur coût et les bénéfices escomptés ;

4°- leurs conséquences et leurs inconvénients ;

5°- leurs complications et leurs risques éventuels fréquents ou graves

6°- les précautions générales et particulières recommandées aux patients.


Qualité de l’information
L’information doit être claire, loyale et appropriée :

1°- Claire : délivré dans un langage compréhensible par le patient.

2°- Loyale : sans coercition, sans tromperie

3°- Appropriée : tenant compte de la situation personnelle du patient, de son


psychisme, du contexte culturel et social…
Modalités de l’information
Primauté de l’information orale, car :
- Nécessité d’un dialogue
- Possibilité de l’adapter au cas de chaque personne.
- Doit être inscrite dans un climat relationnel alliant écoute et prise en
compte des attentes du patient.
- Peut être délivrée de manière progressive.
- Permet de s’assurer de sa bonne compréhension par le patient
Modalités de l’information
L’information écrite : un complément possible à l’information orale, à condition d’être :

- Hiérarchisée, reposant sur des données validées,

- Synthétique et claire, compréhensible pour le plus grand nombre de patients, ce qui


implique de les évaluer et de les tester avant diffusion

- Validée, par exemple par les sociétés savantes, selon des critères de qualité reconnus

- Les documents écrits doivent porter l’indication que le patient est invité à formuler toute
question qu’il souhaite poser.

- L’utilisation de supports par vidéo ou multimédia peut compléter utilement l’information


orale et écrite.
Limites de l’information
- Art. 31 du CDM : « Un pronostic grave peut légitimement être dissimulé au
malade.
Un pronostic fatal ne doit lui être révélé qu’avec la plus grande circonspection,
mais il doit l’être généralement à la famille.
Le patient peut interdire cette révélation ou désigner les tiers auxquels elle doit être
faite »
- Toutefois, avec une maîtrise des techniques d’annonce des maladies graves, ce «
privilège thérapeutique » doit rester exceptionnel
- La volonté du patient de ne pas être informé sur son état de santé doit être
respectée
- Si l’affection expose les tiers à un risque de contamination, le patient doit être
informé.
- En cas d’urgence (détresse vitale) ou d’impossibilité (état de coma), le médecin est
relevé de l’obligation de l’information
Limites de l’information
- Droit des mineurs et des majeurs incapables de recevoir l’information d'une
manière adaptée soit à leur degré de maturité s'agissant des mineurs, soit à leurs
facultés de discernement s'agissant des majeurs sous tutelle
- Même droit pour les titulaires de l’autorité parentale et les tuteurs.
- Dans certains pays, possibilité pour le mineur d’exiger la non consultation de
ses parents sur les décisions concernant sa santé (ex. IVG ou prescription de la
contraception chez une mineure en France)
Charge de la Preuve de la
délivrance de l’information
Jurisprudence française en cas de litige :
- Jusqu’en 1997, la preuve du défaut d’information incombait au
demandeur, c.à.d. le patient preuve négative difficile à établir
- Depuis 1997, la preuve que l’information a été donnée incombe au
médecin.
- La preuve peut être apportée par tout moyen (et pas nécessairement
par écrit) : délai entre la 1ère consultation et l’intervention, nombre de
consultations, avis d’autres confrères….
- Valeur de l’écrit : existence connue de fiches d’information destinée
aux patients et utilisée dans le service
Sanctions pour défaut d’information
Indemnisation d’un préjudice psychologique : perte de chance
- Les juges évaluent les chances qu’avait le patient de se soustraire par
un choix éclairé, au risque qui s’est réalisé
- Le préjudice indemnisable est distinct du préjudice résultant du
dommage engendré par l’acte médical
- Plus l’intervention sera jugée indispensable, plus la réparation sera
limitée
- Indemnisation accordée même en l’absence d’une autre alternative
thérapeutique : préjudice d’impréparation
- Si défaut d’information dans le secteur public : responsabilité
administrative
Consentement
- Consentement libre et éclairé : condition de la légitimité de l’acte médical et traduction du principe de
l’inviolabilité et l’intangibilité du corps humain

* Libre : donné sans pression anormale ou suite à une information déloyale

* Eclairé : par une information claire et appropriée

- Doit être sollicité à toutes les étapes de la prise en charge

- Généralement, pas de formalisme en matière de recueil du consentement : pas d’exigence d'un écrit

- Ecrit : protection relative du médecin en cas d’intervention mutilante, en cas de balance bénéfice/risque
limite…

- Consentement écrit nécessaire pour des actions ne relevant pas strictement de soins (consentement à la
collecte de données de santé à caractère personnel, à la prise de photographies, à leur utilisation dans les
publications et dans l’enseignement..)
Consentement dans certaines
situations cliniques
Un certain formalisme est exigé dans les cas suivants :
- En matière de don d’organes :
* Consentement du donneur vivant au prélèvement formulé au Tribunal de Première Instance
* Attestation de non opposition au don signé par la famille d’un donneur décédé
- En matière de procréation médicalement assistée (PMA):
* Consentement écrit du couple pour toute technique de PMA, avant un diagnostic pré
implantatoire, pour la conservation d’embryons non utilisés,
* Consentement écrit pour la conservation des gamètes avant de subir un traitement affectant
la fécondation ou si la fertilité risque d’être prématurément altérée
- En matière de recherche biomédicale sur une personne humaine
Limites du consentement
+ Dans certaines situations cliniques :
- Consentement non exigé en cas d’urgence ou d’impossibilité, mais les proches, sauf exception,
doivent être consultés.

- Consentement du mineur, du majeur incapable ou des personnes atteints de troubles


psychiatriques : à rechercher dans les limites de sa maturité pour le premier et de leur degré de
discernement pour les deux autres.

- Il peut être passé outre le consentement du patient atteint de troubles psychiatriques rendant
impossible le consentement aux soins ou s’il y a un péril pour lui ou pour la sûreté des autres :
hospitalisation sous contrainte

- Consentement des titulaires de l’autorité parentale en cas de mineur ou du tuteur en cas de majeur
incapable. Mais si impossibilité ou urgence, le médecin dispense les soins indispensables
Droit au refus des soins
- Droit au refus est le corollaire de la liberté du consentement du patient même au
péril de sa vie
- Droit de retrait d’un consentement préalable
- Pour un patient en état d’exprimer sa volonté :
◦ Essayer de comprendre le motif du refus, tenter de convaincre en apportant les
précisions nécessaires et en informant sur les conséquences du refus.
◦ S’incliner devant un refus persistant, en le faisant consigner par le patient par écrit.
- Si refus du titulaire de l’autorité parentale avec risque de conséquences graves
sur la santé du mineur : passer outre ce refus et dispenser les soins indispensables
Droit au refus des soins
- Refus de soins en situation d’exception sanitaire : inopérant car possibilité d’ordonnance d’un
confinement obligatoire par les autorités publiques ou sanitaires
- Refus de s’alimenter d’un gréviste de faim :
◦ Médecin tiraillé entre le principe de respect de l’autonomie du patient et le devoir d’assistance et de
sauvegarde de la vie humaine.
◦ S’assurer de l’absence de contrainte (notamment de codétenus ou d’autres) et de l’implication de graves
troubles mentaux dans la décision de grève
◦ Informer sans coercition et sans faire pression sur les conséquences sur la santé de la poursuite de la
grève de faim et les moyens pour les atténuer (perfusion de solution saline, sucre et vitamine B1…)
◦ Documenter les volontés du gréviste quant à la poursuite ou l’arrêt de la grève quand il ne sera plus en
mesure de communiquer.
◦ Dans tous les cas : pas d’alimentation forcée d’un gréviste conscient qui s’y refuse
◦ Déclaration de Malte de l’AMM : « est conforme à l’éthique de laisser mourir un gréviste déterminé
dans la dignité que de le soumettre à des interventions forcées conte sa volonté ».
Abstention fautive

- Fondement légal :
* Article 431 du CP : « Quiconque s’abstient volontairement de porter à une
personne en péril l’assistance que sans risque pour lui ni pour les tiers, il
pouvait lui prêter, par son action personnelle, soit en provoquant un secours, est
puni de l’emprisonnement de trois mois à cinq ans et d’une amende de 120 à
1000 dirhams ou de l’une de ces deux peines seulement ».
* Texte de portée générale, mais concerne plus les médecins en raison de leurs
devoirs moraux et professionnels.
Abstention fautive
- Fondement légal :
* Elément matériel de l’infraction :
◦ L’état de péril : état de danger imminent, situation critique qui fait craindre de graves
conséquences pour la personne qui y est exposée et qui risque de perdre la vie ou de
subir des atteintes corporelles graves
◦ Délit formel qui ne nécessite pas pour être punissable un résultat dommageable à la
victime. Il est punissable même si tout recours thérapeutique était voué à l’échec
◦ Modalités d’assistance : soit personnelle tout en tenant compte des moyens physiques
et intellectuels de chacun, soit en provoquant des secours. Le choix du médecin sera
évalué à l’aune de sa pertinence par rapport à la situation du patient
Abstention fautive
- Fondement légal :
* Elément moral de l’infraction :
o La connaissance du péril :
- Evident si le médecin est témoin direct de l’état du patient
- Plus problématique si le médecin est interrogé par téléphone et qu’il doit à distance apprécier si
son intervention immédiate est nécessaire
o La volonté de ne pas secourir :
- Intention délibérée de laisser s’accomplir le danger encouru par la victime
- Pas d’empêchement par une force majeure
o L’absence de risque pour le médecin :
- Critère à considérer avec beaucoup de rigueur du fait de la condition même du médecin
- Une certaine abnégation est requise de la part du médecin (article 7 du code de déontologie
médicale : un médecin ne peut abandonner ses malades en cas de danger public, sauf sur l’ordre formel et
donné par écrit des autorités publiques)
Abstention fautive
- Fondement déontologique :
* Article 3 du code de déontologie marocain : « Quelque soit sa fonction et sa
spécialité, hors le seul cas de force majeure, tout médecin doit porter secours
d’extrême urgence à un malade en danger immédiat si d’autres soins médicaux
ne peuvent pas lui être assurés »

* L’abstention est également fautive :

◦ Si le refus de soin est motivé par des considérations de discrimination,

◦ En cas de non signalement de sévices sur enfants ou sur une personne de


vulnérabilité extrême (sujet âgé, femme, détenu…)
CONCLUSION

- Aujourd’hui, il y a un changement de paradigme. L’information du patient n’est


plus juste un devoir déontologique, mais il a été consacré par la loi comme un droit
pour le patient.

- L’information ne doit pas être réduite « à un rôle défensif » visant à se prémunir


d’une mise en cause

- Il faudra la considérer dans son aspect positif, permettant au patient d’arrêter les
choix concernant sa santé en toute connaissance de cause

- Un patient correctement informé est plus enclin à assumer les conséquences de sa


décision que si c’était le médecin qui avait décidé à sa place.
Gandhi et Mandela avaient l’habitude de dire : « Tout ce qui est fait pour moi, sans
moi, est fait contre moi »
Bibliographie

- Code de Déontologie Médicale Marocain


https://cutt.ly/QtTiNCY

- Loi 131-13 relative à l’exercice de la médecine


https://cutt.ly/NtTopp5

- Histoire et évolution du droit des patients à l’information et du


devoir des médecins en la matière
https://cutt.ly/TtTp0uw

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