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Université Médicale Virtuelle Francophone Polycopié national de cancérologie

Cancers de l’enfant : particularités


épidémiologiques, diagnostiques et
thérapeutiques (144)
M. Poirée, N. Sirvent (Service de Pédiatrie, Unité d’onco-hématologie, CHU Nice)
Février 2006 (mise à jour février 2006)

1. Epidémiologie
Les cancers de l’enfant de moins de 15 ans sont des maladies rares qui ne représentent que
1% de l’ensemble des cancers. Leur incidence est en moyenne de 120/million d’enfants par
an, soit un risque de survenue d’environ 1/700, correspondant à près de 2 000 nouveaux
cas/an en France, où ils représentent la deuxième cause de mortalité au-delà de l’âge de 1 an,
après les accidents. Leur pronostic est bien meilleur que celui des cancers de l’adulte puisque
le taux de guérison, tous cancers confondus, est de l’ordre de 75 à 80 %. Ainsi, on estime
qu’en l’an 2010, plus d’1 adulte sur 1000 aura été guéri d’un cancer traité dans l’enfance.

La répartition des principaux cancers de l’enfant est la suivante :

Leucémies et lymphomes 40%


Tumeurs cérébrales 25%
Neuroblastomes 6%
Tumeurs des tissus mous 6%
Néphroblastomes 6%
Tumeurs osseuses 5%
Rétinoblastomes 2%

Près de la moitié des cancers surviennent avant l’âge de 5 ans. Il s’agit principalement de
leucémies aigues, de tumeurs cérébrales, et de tumeurs embryonnaires spécifiques de l’enfant
(néphroblastomes, neuroblastomes). Après l’âge de 10 ans, lymphomes, tumeurs cérébrales et
tumeurs osseuses prédominent.

Il existe globalement une prédominance masculine, avec un sexe ratio évalué à 1,2/1.
L’incidence et la répartition des cancers de l’enfant varient selon l’origine ethnique et
géographique de l’enfant.

2. Facteurs étiologiques
L’étiologie de la plupart des cancers de l’enfant reste encore mal connue.

2.1. Rôle de l’environnement

A la différence de l’adulte, le rôle des facteurs d’environnement apparaît minime dans la


genèse des cancers de l’enfant. On peut citer cependant :
- le rôle des radiations ionisantes (augmentation du risque de cancer chez l’enfant après
irradiation prénatale lors d’examens radiologiques pratiqués chez la femme enceinte,
par exemple ; augmentation du risque de second cancer radio-induit après traitement
par radiothérapie).

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- le rôle de certains agents chimiques (l’exposition in utero au di-éthylstilbestrol


entraine un risque important d’adénocarcinome à cellules claires du vagin)
- le rôle de certains agents infectieux en particulier viraux (Epstein-Barr virus et
lymphome de Burkitt africain, Epstein-Barr virus et carcinome indifférencié du
nasopharynx, virus de l’hépatite B et hépatocarcinome, virus HIV et lymphomes).

2.2. Facteurs génétiques

Dans la majorité des cas, les cancers de l’enfant surviennent de façon sporadique sans histoire
familiale de cancer, ni maladie génétique associée. De ce fait, le risque de cancer chez les
apparentés n’est que peu différent de celui de la population générale. Cependant, un faible
pourcentage des cancers de l’enfant est associé à une prédisposition génétique:
- syndrome de Li-Fraumeini (prédisposition héréditaire au cancer transmise sur un
mode autosomique dominant, lié dans la majorité des cas à une mutation germinale du
gène p53, à l’origine d’un risque accru de sarcomes des tissus mous, ostéosarcomes,
cancers du sein, tumeurs cérébrales, corticosurrénalomes, leucémies ; le risque de
développer un cancer chez les individus porteurs d’une telle prédisposition est
d’environ 50% à l’âge de 30 ans…)
- syndrome de Wiedeman-Beckwith (risque accru de néphroblastome et
hépatoblastome)
- formes héréditaires de rétinoblastome, transmises selon un mode autosomique
dominant
- neurofibromatoses (maladie de Recklinghausen, risque accru de tumeurs originaires
du système nerveux ou de la crête neurale : gliomes, neurofibromes ;
neurofibromatose de type 2 : risque accru de neurinomes, de schwannomes…)

De même, la constatation de certaines malformations congénitales doit alerter sur le risque


accru de cancer spécifique :
- aniridie congénitale et risque de néphroblastome
- cryptorchidie et risque de tumeurs germinales
- hémi-hypertrophie corporelle et risque de néphroblastome…

3. Particularités diagnostiques des cancers de l’enfant

3.1. La clinique

Deux particularités fréquentes propres aux tumeurs de l’enfant, en particulier celles de type
embryonnaire, doivent être soulignées :
- la rapidité souvent extrême de leur croissance, parfois en quelques jours, rapidité qui
n’est pas synonyme de gravité et qui peut laisser présager au contraire d’une grande
sensibilité à la chimiothérapie.
- la conservation d’un bon état général apparent, en dehors du cas des leucémies et de
certains cancers à l’origine d’une atteinte de la moelle osseuse.

Les signes d’appel dépendent de la taille de la tumeur et de sa localisation.


Il peut s’agir de signes directs:
- palpation d’une masse lorsque la tumeur est périphérique (membres, cou), même de
petite taille ; ou profonde, et alors souvent volumineuse (abdomen, pelvis)
- présence d’adénopathies persistantes en dehors d’un contexte infectieux loco-régional
- reflet blanc pupillaire imposant la réalisation d’un fond d’œil.

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Il peut s’agir de signes indirects :


- douleurs persistantes, en particulier osseuses, dont le caractère insomniant doit être
particulièrement alarmant, et dont il faut savoir déceler la traduction chez le nourrisson
(diminution de l’activité, atonie psycho-motrice…)
- signes neurologiques dont la nature dépend de la localisation des lésions (hypertension
intracrânienne, céphalées, nausées, vomissements, déficits moteurs et/ou sensitifs…)
- symptomatologie compressive (voies respiratoires par une masse médiastinale et/ou
une tumeur ORL, axe digestif par une masse abdomino-pelvienne, …).
- syndromes paranéoplasiques qui sont exceptionnels dans les cancers de l’enfant
(syndrome opso-myoclonique des neuroblastomes…)

3.2. Les examens complémentaires

Les progrès de l’imagerie, du diagnostic cytologique et/ou anatomopathologique, et de la


caractérisation biologique de ces cancers permettent habituellement d’arriver rapidement au
diagnostic. Cependant, en raison de la rareté de ces tumeurs, l’enfant doit être impérativement
adressé dès la suspicion diagnostique dans un centre agréé spécialisé en cancérologie
pédiatrique.

3.2.1. Imagerie

Le choix de l’examen le plus judicieux va dépendre de la localisation tumorale : à titre


d’exemple, l’échographie abdominale est l’examen le plus utile et le moins invasif chez
l’enfant porteur d’une tumeur abdomino-pelvienne. Des radiographies osseuses simples
peuvent permettre d’étayer le diagnostic de tumeur osseuse. L’imagerie par résonance
magnétique est indispensable dans l’exploration des tumeurs cérébrales et osseuses. Le
scanner reste irremplaçable dans la recherche de localisations secondaires pulmonaires...
Certaines explorations isotopiques permettent d’affirmer le diagnostic et/ou de participer au
bilan d’extension : scintigraphie à la méthyliodobenzylguanidine spécifique des tumeurs
sympathiques et carcinoïdes, scintigraphie osseuse au technetium permettant le dépistage de
métastases osseuses.

La place de la tomographie par émission de positons (ou PET-Scan) est en cours d’évaluation.
Cet examen scintigraphique, réalisé après l’injection intraveineuse d’un traceur faiblement
radioactif (généralement le 18F-fluorodéoxyglucose, analogue du glucose) permet d’obtenir
des renseignements sur le fonctionnement et l’activité des organes. Le PET-scan sera
certainement un élément important dans le bilan d’extension et la surveillance de certains
cancers de l’enfant (lymphomes en particulier…).

3.2.2. Examens biologiques

Dans certains cancers de l’enfant, l’identification d’un marqueur tumoral spécifique permet
d’affirmer le diagnostic, d’évaluer l’efficacité du traitement, et de surveiller l’enfant une fois
la rémission obtenue :
- Catécholamines urinaires et leurs métabolites : neuroblastomes
- Alfa-foetoprotéine : hépatoblastomes et certaines tumeurs germinales malignes
(tumeurs du sac vitellin)
- Beta hCG : certaines tumeurs germinales malignes (choriocarcinome)

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Certaines molécules, non spécifiques, représentent un indice de volume et/ou d’activité


tumorale, parfois corrélées au pronostic :
- LDH (lactates déshydrogénases) : neuroblastomes, lymphomes,
- NSE (neurone spécific enolase) : neuroblastomes…

Une place particulière revient actuellement à l’analyse du génome des cellules cancéreuses,
réalisée au moyen de techniques variées : cytogénétique conventionnelle et/ou moléculaire
(hybridation fluorescente in situ), biologie moléculaire… Historiquement développée au cours
des proliférations hématologiques malignes, où cette analyse est essentielle dans le diagnostic
et l’élaboration de la stratégie thérapeutique (pronostic favorable des hyperdiploïdies,
pronostic défavorable des hypodiploïdies, valeur pronostique de certaines anomalies de
structure et/ou du réarrangement de certains gènes impliqués dans l’oncogénèse), son intérêt
s’affirme également dans le prise en charge des tumeurs solides (valeur diagnostique de la
translocation t(11,22)(q24 ;q12) dans les tumeurs neuroectodermiques, valeur pronostique de
l’amplification de l’oncogène n-myc dans les neuroblastomes…). De plus la caractérisation
des anomalies génomiques tumorales permet d’envisager la mise au point de traitements plus
spécifiques de la prolifération maligne, ciblés sur l’anomalie moléculaire identifiée.

3.2.3. Examen anatomopathologique

Il permet avant tout d’affirmer le diagnostic, mais également dans certains cas d’établir un
histopronostic à partir de certains critères propres à chaque tumeur (histopronostic
défavorable de certains néphroblastomes comportant des territoires anaplasiques…), et
d’évaluer pour certaines tumeurs la réponse au traitement, élément fondamental du pronostic
(pourcentage de nécrose de la tumeur après traitement par chimiothérapie dans les
ostéosarcomes, les sarcomes d’Ewing…).

De manière très schématique, on peut distinguer chez l’enfant 6 grands groupes de


proliférations malignes :
- les proliférations d’origine hématologique
- les proliférations originaires du système nerveux central
- les tumeurs de blastème d’organe, dont la cellule tumorale apparaît caractéristique des
tumeurs pédiatriques : cellule de taille petite ou moyenne, au cytoplasme basophile
avec un noyau rond et une chromatine souvent très fine ou délavée ; selon l’organe
d’origine , on parlera de : néphroblastome (tumeur rénale), hépatoblastome (tumeur du
foie), pneumoblastome (tumeur du poumon), rétinoblastome…Le tissu construit par la
tumeur possède, exprimées ou non, les potentialités de différenciation de l’ébauche
embryonnaire de l’organe considéré. De ce fait, la morphologie de la tumeur peut être
très variable et déroutante, allant d’une tumeur très indifférenciée, pratiquement
méconnaissable (comme certains neuroblastomes), à des tumeurs très différenciées,
reproduisant des structures presque normales (cellules nerveuses des
ganglioneuromes).
- les tumeurs malignes conjonctives, pricipalement représentées par les
rhabdomyosarcomes, développées à partir des cellules mésenchymateuses primitives.
Proliférations cellulaires composées généralement de petites cellules rondes, elles sont
considérées par certains comme apparentées aux tumeurs de blastème, car capables
d’élaborer dans près de la moitié des cas des fibres musculaires striées.
- les tumeurs germinales malignes, gonadiques ou extra-gonadiques, développées à
partir des cellules germinales primitives qui migrent entre la quatrième et la sixième
semaine de la vie intra-utérine depuis l’endoderme du sac vitellin vers la crête génitale
de l’embryon. Les sites extragonadiques de ces tumeurs (région sacrococcygienne,
rétropéritonéale, médiastinale, intracrânienne) s’expliquent par une migration
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anormale de ces cellules à proximité de la ligne médiane. Leur classification est très
complexe, et les formes mixtes fréquentes. On peut citer les tumeurs du sac vitellin,
les plus fréquentes, caractérisées par une positivité pour l’alpha foetoprotéine ; les
choriocarcinomes, marqués par la présence de la sous-unité beta de l’hCG ; les
tératomes, matures ou immatures, dont l’aspect histologique et le pronostic varient
avec le degré de différenciation ; les séminomes…
- les tumeurs neuroectodermiques, ou tumeurs de la famille du sarcome d’Ewing. Elles
appartiennent au groupe morphologique des tumeurs à petites cellules rondes,
caractérisées par l’existence d’un marqueur génétique pathognomonique sous la forme
d’une translocation spécifique t(11,22)(q24 ;q12) responsable de la formation d’un
transcrit de fusion chimérique.

4. Particularités thérapeutiques des cancers de l’enfant


La prise en charge des cancers de l’enfant fait appel aux mêmes moyens thérapeutiques que
chez l’adulte (chimiothérapie, chirurgie, radiothérapie…). Après analyse soigneuse des
facteurs pronostiques, la stratégie thérapeutique est élaborée, de façon pluridisciplinaire, au
sein d’équipes spécialisées en cancérologie pédiatrique. Il faut insister chez l’enfant sur le rôle
majeur de la chimiothérapie, particulièrement efficace sur les tumeurs embryonnaires, et dont
les avancées ont complètement modifié la place des autres modalités thérapeutiques.
L’amélioration des résultats, liée en grande partie à la pratique d’essais cliniques contrôlés
satisfaisant aux exigences de l’éthique médicale, permet d’obtenir globalement des taux de
guérison de l’ordre de 75 à 80%.

4.1. La chimiothérapie

La chimiothérapie est adaptée au poids et à l’âge de l’enfant (posologies réduites chez le


nourrisson de moins de 1 an, en particulier).

Il s’agit souvent, chez l’enfant, dans les tumeurs solides, d’une chimiothérapie néo-adjuvante
dont l’objectif principal reste la réduction du volume tumoral permettant un traitement local
ultérieur moins dangereux et carcinologiquement satisfaisant (neuroblastome,
néphroblastome…). La chimiothérapie première permet également d’apprécier la réponse
tumorale au traitement, dont l’importance pronostique va conditionner la stratégie
thérapeutique ultérieure (sarcomes d’Ewing, ostéosarcomes). La chimiothérapie adjuvante,
délivrée chez un enfant sans maladie résiduelle apparente après un traitement local ou
locorégional, a pour but de prévenir la survenue et/ou de traiter d’éventuelles localisations
secondaires. Dans certains cas, le chimiothérapie résumera le traitement : leucémies,
lymphomes.

Basé sur le concept de dose-intensité (corrélation entre l’efficacité de la chimiothérapie et la


quantité de drogue administrée), le traitement de certaines tumeurs malignes à très haut risque
pourra comporter des chimiothérapies à hautes doses, sous couvert d’autotransfusion de
cellules souches hématopoiétiques.

Chez l’enfant, les effets secondaires précoces de la chimiothérapie (complications


hématologiques : aplasie, anémie thrombopénie, complications digestives : vomissements,
dénutrition, mucite, complications infectieuses : bactériennes, fongiques parasitaires ou
virales…), et leur prise en charge, répondent aux mêmes principes que chez l’adulte et
doivent être surveillés d’autant plus attentivement que l’enfant est jeune.

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4.2. Radiothérapie

Même si ses indications régressent, la radiothérapie s’intègrera dans la stratégie thérapeutique


des cancers de l’enfant dans près d’1/3 des cas, et dans 80% des tumeurs cérébrales. La
radiothérapie pédiatrique se caractérise d’emblée par l’importance de la mise en condition
psychologique afin d’obtenir une bonne coopération de l’enfant, coopération indispensable au
bon déroulement du traitement et au respect d’une stricte immobilité. Les méthodes
d’irradiation comportent comme chez l’adulte, la radiothérapie externe, la plus utilisée, et de
façon beaucoup plus exceptionnelle, l’irradiation interne ou curiethérapie. Si la détermination
du volume tumoral se fait de la même façon que chez l’adulte, la détermination du volume à
irradier va différer de l’adulte en fonction de l’âge de l’enfant, du type de tumeur et de la dose
à délivrer. En effet, certaines complications de la radiothérapie sont particulières à l’enfant.

Ainsi faut-il citer :


- Le ralentissement de la croissance lié à l’irradiation des cartilages de conjugaison à
l’origine de troubles de la statique vertébrale (irradiation du rachis) et/ou d’un
raccourcissement des os longs, inesthétique et responsable d’un handicap fonctionnel.
- L’existence de séquelles intellectuelles, après irradiation cérébrale. D’apparition
retardée et progressive, doses dépendantes, elles sont d’autant plus sévères que
l’irradiation survient tôt (particulièrement avant l’âge de 4 ans). Elles se traduisent par
un retard du QI, un ralentissement des acquisitions scolaires…
- Les séquelles endocriniennes : insuffisance hypophysaire, à l’origine d’une cassure de
la courbe staturale, insuffisance thyroïdienne, insuffisance gonadique.
- Les seconds cancers dont, hors les proliférations malignes hématologiques, plus de
60% se développent en territoire antérieurement irradié.

4.3. La chirurgie

L’expertise chirurgicale, qui doit être partie intégrante du projet multidisciplinaire, peut
intervenir à différentes étapes de ce projet : au diagnostic, lors du traitement local et/ou
locorégional, après le traitement pour vérifier l’existence d’un résidu tumoral… En aucun cas,
le geste chirurgical ne peut être un geste technique ou thérapeutique isolé.

Initialement, pour déterminer la nature d’une tumeur solide, une biopsie chirurgicale est sauf
exception, indispensable. Elle peut parfois être avantageusement remplacée par une aspiration
biopsie à l’aiguille fine, réalisée sous repérage radiologique, moins invasive. Le matériel
prélevé doit être cependant suffisant pour permettre, en sus de l’examen anatomopathologique
qui affirmera le diagnostic, une analyse complète de la biologie tumorale (cytogénétique
conventionnelle, analyses de biologie moléculaire…) qui peut constituer un facteur
pronostique déterminant dans le choix du protocole thérapeutique (neuroblastome…).

Lors de l’éxérèse tumorale, le geste chirurgical intervient après concertation entre le


radiologue et l’opérateur, concertation qui doit : conditionner le moment de la chirurgie au
sein du protocole de traitement, et permettre de décider de l’opérabilité de la tumeur et de
prévoir les complications post opératoires et/ou les séquelles fonctionnelles. L’exérèse
tumorale doit être au mieux complète et conservatrice, et en aucun cas mutilante ou
délabrante.

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5. Les conséquences à long terme


Une préoccupation majeure des équipes spécialisées en cancérologie pédiatrique a été très
rapidement l’évaluation des conséquences à long terme des traitements, principalement chez
les patients guéris (75 à 80% actuellement). La totalité des stratégies thérapeutiques proposées
chez les enfants sont ainsi marquées par le double souci de « guérir plus », et guérir
« mieux », à un « prix » acceptable obérant le moins possible le développement et
l’épanouissement ultérieur de l’être en devenir qu’est l’enfant. Les remarquables résultats
obtenus dans certaines maladies par les traitements combinés actuels permettent dès à présent
d’envisager dans ces maladies (certaines leucémies et certains lymphomes en particulier) des
stratégies de désescalade thérapeutique.

La toxicité à long terme peut toucher tous les organes et toutes les fonctions : cardiaque
pulmonaire, rénale, endocrinienne, audition, système nerveux central, fertilité...Dans certains
cas, cette toxicité sera d’autant plus délétère que les traitements auront été administrés chez un
enfant jeune : toxicité cardiaque des anthracyclines, séquelles neuro-psychiques après
irradiation cérébrale, troubles de croissance segmentaire après irradiation des cartilages de
croissance…

La survenue de deuxièmes cancers, par définition différents d’une récidive ou d’une métastase
du cancer primitif, représente un réel problème avec un risque cumulatif évalué entre 3,7 et
12% 25 ans après le traitement de la maladie initiale. Le type histologique de ces seconds
cancers apparaît comme la résultante de plusieurs facteurs :
- les modalités de traitement utilisées initialement (sarcomes survenant en territoire
irradié, carcinome de la thyroïde après irradiation même à faibles doses, leucémies
après chimiothérapies incluant alkylants et/ou épipodophyllotoxines…)
- le type du cancer primitif (cancers du sein et maladie de Hodgkin…)
- l’existence d’un terrain prédisposant : syndrome de Li Fraumeini, rétinoblastome
héréditaire…

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Tumeurs de la cavité buccale et des voies aéro-


digestives supérieures (145)
Professeur J. BOURHIS, Professeur F. ESCHWEGE - Institut Gustave Roussy, Villejuif,
France
Janvier 2006 (mise à jour janvier 2006)

1. Introduction

Les cancers des voies aéro-digestives supérieures (cavité buccale, nasopharynx, oropharynx,
hypopharynx, larynx) représentent le 6ème cancer le plus fréquent au monde avec environ
42000 nouveaux cas par an en Europe dont 17000 en France. Parmi ces cancers, celui du
nasopharynx est très rare en France mais représente dans le monde le cancer des VADS le
plus fréquent en raison d’une forte incidence dans des régions à forte densité de population
(Asie du Sud Est).

Ces cancers présentent un certain nombre de caractéristiques communes :


- Ils sont plus fréquents chez l’homme
- Ils sont pour la grande majorité d’origine épithéliale (carcinomes)
- Leur survenue est liée essentiellement à l’exposition à certains agents carcinogènes
externes: alcool et tabac (cavité buccale, oro-, hypo-pharynx, larynx) et Virus
d’Epstein Barr, nitrosamines volatiles (nasopharynx).
- Ils présentent avant tout une extension locale et ganglionnaire. Les métastases à
distance sont possibles et plus fréquentes dans certaines localisations (hypo- et naso-
pharynx).
- Le bilan pré-thérapeutique est basé sur la panendoscopie sous anesthésie générale avec
biopsie pour analyse histologique et sur le scanner et/ou l’IRM.
- Leur traitement fait appel à une approche multidisciplinaire associant de façon
variable selon le siège et l’extension tumorale la chirurgie, la radiothérapie et la
chimiothérapie

Ces cancers présentent aussi des caractéristiques propres à chaque localisation tumorale que
nous allons détailler en débutant par le cancer du nasopharynx.

2. Cancer du nasopharynx

Les tumeurs malignes du nasopharynx (cavum, ou rhinopharynx) sont surtout représentées par
le carcinome du nasopharynx (NPC) qui est une tumeur d’origine épithéliale rendant compte
de près de 95% des cancers survenant au niveau du cavum. L’entité histo-clinique la plus
fréquente est le carcinome indifférencié de type nasopharyngé (Undifferentiated Carcinoma
of Nasopharyngeal Type, UCNT).

L’UCNT diffère des autres carcinomes épidermoïdes de la tête et du cou par son histologie
caractéristique, son épidémiologie généralement sans rapport avec l’alcool et le tabac, et sa
relation avec le virus d’Epstein-Barr (EBV). Sa distribution est endémique dans certaines
régions du monde et son étiologie multifactorielle implique des facteurs génétiques viraux et
environnementaux. Ce cancer présente un taux élevé de métastases ganglionnaires et
viscérales qui explique une partie des échecs thérapeutiques malgré une radiosensibilité
marquée qui permet de contrôler avec une fréquence relativement élevée la tumeur primitive.

1
Parmi les patients présentant une maladie localement avancée, la chimiothérapie a permis
d’améliorer la survie sans récidive.

2.1. Anatomie et extension tumorale

Le nasopharynx est une cavité aérienne située en arrière des choanes, sous le corps du
sphénoide, en avant de l’apophyse basilaire de l’occipital et de l’axis. Les parois latérales et
postérieures sont limités par un fascia qui descend depuis son insertion au niveau de la base
du crâne. Les carcinomes du nasopharynx naissent le plus souvent au niveau de la fossette de
Rosenmüller, qui est un recessus localisé au niveau de la paroi latérale du nasopharynx,
immédiatement en haut et en arrière de l’orifice de la trompe de d’Eustache.

La tumeur peut envahir la muqueuse et s’étendre dans la sous muqueuse, puis envahir les
régions adjacentes telles que la(es) cavité(s) nasale(s) (15%) et les parois latérales ou
postérieures de l’oropharynx (20%). L’extension directe vers l’espace parapharyngé est très
fréquemment observée (80%).

L’érosion osseuse des structures osseuses de la base du crâne est présente au diagnostic dans
environ 30% des cas, et peut être associée à un envahissement des nerfs crâniens IX, X, XI, et
éventuellement du XII, que l’on rencontre dans 10 à 15% des cas au diagnostic, tandis que
l’extension intracrânienne peut aussi être observée (< 10%). Parmi les autres nerfs crâniens
qui peuvent aussi être envahis on retrouve aussi le V3, tandis le III, le IV ou le VI peuvent
être concernés lors de l’envahissement d’un sinus caverneux.

Le nasopharynx présente un riche réseau lymphatique sous muqueux à l’origine d’un


envahissement ganglionnaire particulièrement fréquent (75-90%), qui peut survenir très tôt
dans la maladie et constituer une circonstance de découverte assez fréquente. Compte tenu de
la situation médiane du cavum, ces adénopathies sont souvent bilatérales, quelle que soit la
taille de la tumeur primitive (ganglions sous digastriques, rétropharyngés, sous mastoïdiens).

L’incidence des métastases à distance est plus élevée pour les carcinomes du nasopharynx,
que pour les autres carcinomes des voies aérodigestives supérieures. La survenue de
métastases viscérales est fortement corrélée avec l’envahissement ganglionnaire. Les sites
métastatiques les plus fréquents sont osseux (70%), pulmonaire et hépatique.

2.2. Histopathologie

La plupart des auteurs utilisent la classification de l’OMS qui est basée sur le degré de
différenciation :
- OMS-type-1, carcinomes épidermoïdes kératinisant, tout à fait comparable à ceux
retrouvés dans les autres localisations des voies aérodigestives supérieures. Ce type
histologique rend compte de 30 à 40% des carcinomes du nasopharynx survenant en
France et moins de 0.5% en zone d’endémie (Asie du sud Est).
- OMS-type-2 : carcinomes épidermoïdes non kératinisant (15 à 20% des cas ).
- OMS-type-3 : carcinome indifférencié (UCNT) qui représente la grande majorité des
cas dans les zones d’endémie. Un diagnostic différentiel possible est le lymphome.

2
2.3. Epidémiologie

La distribution géographique des carcinomes du nasopharynx à travers le monde est


caractéristique: Elle est endémique dans le sud est de la Chine, en particulier dans la
population d’origine cantonnaise au sein de la quelle l’incidence peut atteindre 80/100 000
par an, tandis que l’incidence est élevée mais plus faible dans le reste de l’Asie et en Afrique
du nord. En Europe de l’ouest et aux Etats Unis, le cancer du nasopharynx est très rare.

Ce carcinome se rencontre à tous les âges, avec un pic d’incidence entre 40 et 50 ans et est
plus fréquent chez l’homme (sexe ratio : entre 2 et 3 hommes pour une femme).

2.4. Etiologie

L’étiologie du cancer du nasopharynx est multifactorielle et non encore totalement élucidée.


Les données actuellement disponibles suggèrent l’interaction complexe de facteurs
génétiques, environnementaux, diététiques, et viraux dans l’étiologie de la maladie.
L’étude des populations de migrants illustre la complexité de ce processus multifactoriel.

Ainsi l’incidence du cancer du nasopharynx dans la population chinoise née en Chine mais
vivant aux USA est 118 fois l’incidence trouvée chez les Américains blancs tandis que pour
les descendants directs des chinois nés aux USA, l’incidence n’est augmentée que par un
facteur 7.

2.4.1. Facteurs viraux

Le virus d’Epstein Barr (EBV) est membre de la famille herpesviridae humains et représente
l’agent causal de la mononucléose infectieuse. L’infection par l’EBV est un co-facteur associé
au cancer du nasopharynx qui contribue à l’oncogénèse de ce cancer, bien que son interaction
avec les facteurs génétiques et environnementaux ne soit totalement élucidée.

La présence de l’EBV dans les cellules épithéliale provoque une réponse immune humorale
avec apparition d’anticorps dirigés contre plusieurs protéines virales latentes ou du cycle
réplicatif. Le profil sérologique typique anti-EBV consiste en une augmentation des IgG et
IgA contre l’antigène de capside (VCA) et contre l’antigène précoce (EA) ainsi que
l’augmentation des IgG antinucléaires (EBNA). Les réponses anti-EBNA et anti-VCA n’ont
pas d’effet protecteur antitumoral.

2.4.2. Facteurs génétiques

Plusieurs observations de cas familiaux d’UCNT, couplé au fait que des populations chinoises
d’ethnies distinctes mais par ailleurs exposées aux mêmes facteurs environnementaux, sont
préférentiellement atteintes dans les zones d‘endémie, suggèrent une prédisposition génétique
pour ce cancer.

3
2.4.3. Facteurs environnementaux et diététiques

On dispose actuellement de données épidémiologiques et expérimentales qui suggèrent


fortement l’implication de facteurs diététiques comme agent causal de l’UCNT. Les
nitrosamines volatiles sont des carcinogènes présents dans les salaisons et fumaisons qui ont
été impliqués dans le développement du cancer nasopharyngé. L’exposition très tôt dans
l’enfance à ces carcinogènes alimentaires semble constituer un facteur aggravant.

2.5. Diagnostic

La topographie profonde, sous la base du crâne explique la symptomatologie riche mais


souvent tardive liée à l’envahissement de structures de voisinage.

Selon l’extension tumorale, le patient peut présenter au diagnostic, un ou plusieurs


symptômes, dont aucun n’est spécifique : hypoacousie, obstruction nasale, anosmie, épistaxis,
trismus (envahissement de l’espace masticateur, trouble de déglutition dû à un envahissement
du XII ou dysphonie (X), diplopie (VIème nerf crânien) ou une masse cervicale, qui est
souvent bilatérale et volumineuse. L’évaluation clinique initiale des patients atteints d’un
carcinome du nasopharynx consiste donc en un examen précis du nasopharynx par fibroscope
souple associé à un bilan cervical et des nerfs crâniens.

Dans certains cas le diagnostic de carcinome du nasopharynx est porté devant une
adénopathie sans porte d’entrée apparente.

L’imagerie constitue un élément clé dans la prise en charge diagnostique et thérapeutique des
cancers du nasopharynx. Le scanner et l’imagerie par résonance magnétique sont essentiels
pour déterminer avec précision le point de départ, l’extension tumorale.

L’importance du scanner dans la détermination de l’extension du cancer du nasopharynx a été


largement démontrée. Il procure une bonne discrimination entre l’os, l’air et les tissus mous
(muscle, muqueuse et graisse). La détection des cancers du nasopharynx se base sur le
déplacement ou l’effacement de l’anatomie normale, et la prise plus ou moins hétérogène de
produit de contraste.

Le scanner et de l’IRM sont équivalents pour détecter l’envahissement osseux et l’extension


ganglionnaire, bien que l’extension au niveau de la corticale osseuse soit mieux visualisée au
scanner tandis que l’extension osseuse médullaire est à l’inverse mieux visualisée en IRM.
L’IRM est probablement supérieure au scanner pour déterminer le volume tumoral car elle
permet de différencier la tumeur du tissu inflammatoire et permet de détecter avec précision
l’envahissement musculaire, péri-nerveux et intracrânienne.

2.6. Classification TNM

La classification TNM de l’UICC est présentée dans le tableau 1. Les tumeurs dont
l’extension ne dépasse pas le nasopharynx sont classées T1. Parmi les tumeurs classées T2, on
distingue les tumeurs T2a et T2b selon l’absence ou non d’extension parapharyngée. Les
tumeurs s’accompagnant d’une lyse osseuse sont classées T3 et celles qui sont classées T4
présentent une extension aux nerfs crâniens et/ou intracrânienne et/ou à l’hypopharynx.

4
3. Cancer de la cavité buccale

Les cancers de la cavité buccale représentent environ 25 à 30% des cancers des VADS

3.1. Anatomie et extension tumorale

La cavité buccale est délimitée en avant par la jonction du versant muqueux et cutané des
lèvres en arrière par la jonction palais osseux et palais mou, par le V lingual et latéralement
par les faces interne des joues et les piliers antérieurs de l’amygdale.

Les voies de drainage lymphatique se font essentiellement vers les ganglions sous mentaux,
sous maxillaires et sous digastriques. Une voie directe vers la région jugulo-carotidienne
inférieure est possible.

La tumeur peut envahir la muqueuse, puis les régions adjacentes telles que, en profondeur, la
musculature extrinsèque de la langue. A un stade évolué, l’érosion des structures osseuses
peut être observée (palais osseux, mandibule).

Les métastases à distance sont rares et plus fréquentes en cas d’envahissement ganglionnaire.
Leur siège est généralement pulmonaire, et osseux.

3.2. Histopathologie

La plupart (> 95%) des cancers sont des carcinomes épidermoïdes plus ou moins différenciés
et kératinisants.

3.3. Etiologie

La survenue des cancers de la cavité buccale est liée à l’exposition chronique au tabac et / ou
à l’alcool. Dans certaines régions du monde (Inde) l’exposition à la noix de bétel est associée
à la genèse de ces cancers qui sont particulièrement fréquent (1er cancer de l’homme en Inde).

3.4. Diagnostic

Selon l’extension tumorale, le patient peut présenter au diagnostic, un ou plusieurs


symptômes, dont aucun n’est spécifique : simple gène, sensation douloureuse, saignement,
instabilité dentaire. Les sites les plus fréquemment atteints sont la langue mobile et le
plancher de la bouche. L’évaluation clinique initiale des patients atteints d’un carcinome de la
cavité buccale consiste donc en un examen précis de la cavité buccale avec lumière frontale et
abaisse langue. Dans certains cas le diagnostic de carcinome de la cavité buccale est porté
devant une adénopathie cervicale.

Le bilan comporte une panendoscopie sous anesthésie générale avec un examen de la cavité
buccale et de l’ensemble des VADS permettant de préciser l’extension tumorale et de
rechercher une éventuelle deuxième localisation tumorale au niveau des VADS.

5
L’imagerie constitue le deuxième élément clé dans la prise en charge diagnostique des cancers
de la cavité buccale. Le scanner surtout et l’imagerie par résonance magnétique sont essentiels
pour déterminer avec précision l’extension tumorale.

Le reste du bilan comporte une radiographie thoracique, un bilan stomatologique complet


(panoramique dentaire) et un bilan pré anesthésique.

3.5. Classification TNM

La classification TNM de l’UICC est présentée dans le tableau 1. Les tumeurs sont classées
selon leur plus grande dimension et selon l’envahissement des structures adjacentes. Les
tumeurs s’accompagnant d’une lyse osseuse ou d’un envahissement profond des muscles de la
langue sont classées T4.

6
4. Cancer de l’oropharynx

Les cancers de l’oropharynx représentent environ 30% des cancers des VADS

4.1. Anatomie et extension tumorale

L’oropharynx se situe entre le palais mou et l’os hyoïde. Il communique avec le nasopharynx
en haut, la cavité buccale en avant, et l’hypopharynx et la partie sus glottique du larynx en
bas. On distingue plusieurs régions anatomiques avec le palais mou, les loges amygdaliennes
et les parois latérales du pharynx et enfin la base de langue et le sillon glosso-épiglottique
(vallécule).

Les voies de drainage lymphatique se font essentiellement vers les ganglions sous
digastriques. La tumeur peut envahir la muqueuse, puis les régions adjacentes telles qu’en
profondeur, la musculature extrinsèque de la langue et la région parapharyngée. A un stade
évolué, l’érosion des structures osseuses peut être observée (mandibule, os hyoïde).
Les métastases à distance sont rares et plus fréquentes en cas d’envahissement ganglionnaire.
Leur siège est généralement pulmonaire, et osseux.

4.2. Histopathologie

La plupart (> 95%) de ces cancers sont des carcinomes épidermoïdes plus ou moins
différenciés et kératinisants.

4.3. Etiologie

La survenue des carcinomes de l’oropharynx est généralement liée à l’exposition chronique


au tabac et / ou à l’alcool. Dans quelques cas certains virus du papillome humain (HPV) ont
été identifiés comme des co-facteurs.

4.4. Diagnostic

Selon l’extension tumorale, le patient peut présenter au diagnostic, un ou plusieurs


symptômes, dont aucun n’est spécifique : simple gène, sensation douloureuse avec en
particulier otalgie, ou saignement. Les sites les plus fréquemment atteints sont la base de
langue et les régions vélo-amygdaliennes. L’évaluation clinique initiale des patients atteints
d’un carcinome de l’oropharynx consiste en un examen précis de l’oropharynx avec lumière
frontale et 2 abaisse-langues. Dans certains cas le diagnostic de carcinome de l’oropharynx est
porté devant une ou plusieurs adénopathies cervicales.

Le bilan comporte une panendoscopie sous anesthésie générale avec un examen de l’ensemble
des VADS permettant d’effectuer une biopsie tumorale et de préciser l’extension tumorale au
niveau de l’oropharynx et enfin de rechercher une éventuelle deuxième localisation tumorale
au niveau des VADS.

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L’imagerie constitue le deuxième élément clé dans la prise en charge diagnostique et
thérapeutique des cancers de l’oropharynx. Le scanner surtout et l’imagerie par résonance
magnétique sont essentiels pour déterminer avec précision l’extension tumorale.
Le reste du bilan comporte une radiographie thoracique (ou scanner thoracique en cas de
doute), un bilan stomatologique complet (panoramique dentaire) et un bilan pré anesthésique.

4.5. Classification TNM

La classification TNM de l’UICC est présentée dans le tableau 1. Les tumeurs sont classées
selon leur plus grande dimension et selon l’envahissement des structures adjacentes. Les
tumeurs s’accompagnant d’une lyse osseuse ou d’un envahissement profond des muscles de la
langue sont classées T4.

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5. Cancer de l’hypopharynx

5.1. Anatomie et extension tumorale

L’hypopharynx est la région pharyngée en continuité avec en haut avec l’oropharynx et en bas
avec la partie supérieure de l’œsophage cervical dont la projection se situe entre l’os hyoïde et
la partie basse du cartilage cricoïde. Il se situe derrière et latéralement par rapport au larynx et
comporte 3 régions anatomiques la paroi pharyngée postérieure en arrière, les sinus
piriformes latéralement et la région rétro-cricoïde en avant.

Les voies de drainage lymphatique se font essentiellement vers les ganglions


jugulocarotidiens. La tumeur peut envahir la muqueuse, puis les régions adjacentes telles que
les structures laryngées, la région parapharyngée. A un stade évolué, l’érosion des structures
cartilagineuses peut être observée (cartilage thyroïde, cricoïde).

Les métastases à distance sont relativement fréquentes en particulier en cas d’envahissement


ganglionnaire. Leur siège est le plus souvent pulmonaire ou osseux.

5.2. Histopathologie

La plupart (> 95%) de ces cancers sont des carcinomes épidermoïdes plus ou moins
différentiés éventuellement kératinisants.

5.3. Etiologie

La survenue des carcinomes de l’hypopharynx est généralement liée à l’exposition chronique


au tabac et / ou à l’alcool.

5.4. Diagnostic

Selon l’extension tumorale, le patient peut présenter au diagnostic, un ou plusieurs


symptômes, dont aucun n’est spécifique : gène à la déglutition, sensation douloureuse
pharyngée, otalgie réflexe, ou dysphonie. Les sites les plus fréquemment atteints sont les
sinus piriformes. L’évaluation clinique initiale consiste en un examen précis de
l’hypopharynx avec examen au miroir, mais surtout au nasofibroscope. Dans certains cas le
diagnostic de carcinome de l’hypopharynx est porté devant une ou plusieurs adénopathies
cervicales.

Comme pour les autres cancers des VADS, le bilan comporte une pan endoscopie sous
anesthésie générale avec un examen de l’ensemble des VADS permettant d’effectuer une
biopsie tumorale et de préciser l’extension tumorale au niveau de l’hypopharynx et de
rechercher une éventuelle deuxième localisation tumorale.

L’imagerie et surtout le scanner constitue le deuxième élément clé dans la prise en charge
diagnostique et thérapeutique de ces cancers de l’hypopharynx.

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Le reste du bilan comporte une radiographie thoracique (ou scanner thoracique en cas de
doute), un bilan stomatologique complet (panoramique dentaire) et un bilan pré anesthésique.
Une scintigraphie osseuse peut être réalisée en cas de doute clinique sur une dissémination
métastatique.

5.5. Classification TNM

La classification TNM de l’UICC est présentée dans le tableau 1. Les tumeurs sont classées
selon leur plus grande dimension et selon l’envahissement des structures adjacentes. Les
tumeurs fixant le larynx sont classées T3 et celles s’accompagnant d’une lyse cartilagineuse
sont classées T4.

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6. Cancer du larynx

6.1. Anatomie et extension tumorale

Le larynx est la région en avant de l’hypopharynx continuité avec en haut avec l’oropharynx
et en bas avec la partie supérieure de la trachée. Il comporte 3 étages avec un étage sus
glottique, un étage glottique comportant les cordes vocales et un étage sous glottique.

Les voies de drainage lymphatique se font essentiellement vers les ganglions


jugulocarotidiens prélaryngés et récurentiels. La tumeur peut envahir la muqueuse, puis les
régions adjacentes telles que les structures paralaryngées. A un stade évolué, le larynx peut
être fixé par l’infiltration tumorale et un envahissement des structures cartilagineuses peut être
observé (cartilage thyroïde, ou cricoïde).

Les métastases à distance sont relativement rare mais plus fréquent en cas d’envahissement
ganglionnaire. Leur siège est le plus souvent pulmonaire ou osseux.

6.2. Histopathologie

La plupart (> 95%) de ces cancers sont des carcinomes épidermoides plus ou moins
différentiés éventuellement kératinisants.

6.3. Etiologie

La survenue des carcinomes du larynx est généralement liée à l’exposition chronique au


tabac.

6.4. Diagnostic

Selon l’extension tumorale, le patient peut présenter au diagnostic, un ou plusieurs


symptômes, dont aucun n’est spécifique : dysphonie, gène laryngée, sensation douloureuse.
Les sites les plus fréquemment atteints sont les régions glottiques et sus glottiques.
L’évaluation clinique initiale consiste en un examen précis du larynx avec examen au miroir,
mais surtout au nasofibroscope. Rarement le carcinome du larynx est porté devant une ou
plusieurs adénopathies cervicales.

Comme pour les autres cancers des VADS, le bilan comporte une panendoscopie sous
anesthésie générale avec un examen de l’ensemble des VADS permettant d’effectuer une
biopsie tumorale et de préciser l’extension tumorale au niveau du larynx et de rechercher une
éventuelle deuxième localisation tumorale.

L’imagerie et notamment le scanner constitue le deuxième élément clé dans la prise en charge
diagnostique et thérapeutique de ces cancers.

Le reste du bilan comporte une radiographie thoracique (ou scanner thoracique en cas de
doute), un bilan stomatologique complet (panoramique dentaire) et un bilan pré anesthésique,
voir un bilan respiratoire avec EFR (surtout si une chirurgie partielle est envisagée).

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6.5. Classification TNM

La classification TNM de l’UICC est présentée dans le tableau 1. Les tumeurs sont classées
selon leur plus grande dimension et selon l’envahissement des structures adjacentes. Les
tumeurs fixant le larynx sont classées T3 et celles s’accompagnant d’une lyse cartilagineuse
sont classées T4.

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Les tumeurs intracrâniennes (146)


Dr Xavier Durando, Pr Jean Jacques Lemaire, Pr Hervé Curé, Pr Jean-Jacques Mazeron
Juin 2006 (mise à jour juin 2006)

1. Diagnostic des tumeurs intracraniennes

1.1. Sémiologie clinique

Les signes cliniques recueillis lors de l’examen sont variables en fonction du siège et de la taille
de la tumeur. Les tumeurs cérébrales se révèlent le plus souvent dans trois circonstances : les
crises d’épilepsie, l’hypertension intracrânienne et les signes déficitaires focaux. Ces symptômes
neurologiques ont une valeur d’orientation évidente et doivent conduire sans retard à un bilan
radiologique, ils sont étudié en détail ci-dessous.

D’autres symptômes sont moins évocateurs : céphalées isolées, déficit moteur minime et/ou
régressif, changement d’humeur …

Une découverte fortuite plus exceptionnelle est également possible. Du fait d’une topographie
(frontale) ou d’une croissance très lente (méningiomes) ou enfin en raison d’un petit
volume.(miliaire métastatique cérébrale).

Leurs découvertes se produit lors d’examens systématiques par imagerie effectué lors de bilan
d’extension ou pour des affections non nécessairement tumorales de la tété et du cou.

L’interrogatoire systématique est important puisque la recherche d’altérations diverses peut


conduire à la suspicion de lésions secondaires (métastases cérébrales). Par ailleurs le
regroupement d’anomalies et leur apparition successive dans le temps ont une grande valeur
diagnostic.

1.1.1. L’hypertension intracrânienne (HIC)

Elle est le reflet du volume, de la localisation et de la vitesse de croissance de la tumeur. Les


tumeurs malignes à grande vitesse de croissance sont plus souvent à l’origine d’une hypertension
intracrânienne.

Une hypertension intracrânienne (HIC) est évoquée devant des céphalées. Typiquement elles
réveillent le malade en deuxième partie de nuit. Elles n’ont pas de caractère localisateur (une
tumeur droite peut être associée à des céphalées prédominantes à gauche). Elles sont souvent
soulagées par des vomissements. Progressivement elles deviennent permanentes et de moins en
moins sensibles aux antalgiques. Les céphalées peuvent être associées à des vomissements.
Classiquement ils se manifestent le matin au réveil et soulagent souvent les céphalées. Ils peuvent
être d’horaires aléatoires pendant l’évolution de l’HIC.

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Un syndrome d’HIC peut se présenter sous la forme de troubles de la vision qui ont trois origines.
• la diplopie par atteinte de nerfs occulo-moteurs, le plus souvent le VI, rarement le III. Le
déficit n’a pas de caractère localisateur ;
• l’œdème papillaire
• et la baisse d’acuité visuelle (BAV) qui évolue tardivement vers la cécité secondaire à
l’atrophie optique, forme évoluée de l’œdème papillaire.

Des épisodes brutaux de BAV peuvent annoncer la cécité.

D’autres symptômes peuvent être présents : des troubles de l’équilibre non systématisés, des
troubles du comportement, acouphènes et crise d’épilepsie.

L’HIC peut évoluer et décompenser. Il s’agit d’une situation où la tolérance biomécanique de


l’enceinte crânienne est dépassée. Il y a risque de souffrance cérébrale irréversible, pouvant
aboutir rapidement au décès, en particulier par baisse de la perfusion sanguine. Les signes sont
les ondes de pression, les signes d’engagement et les troubles de la conscience qui peuvent être
associés. La décompensation est d’autant plus rapide que la lésion est volumineuse, qu’elle est
apparue vite et qu’elle est située dans un espace réduit (fosse postérieure).

L’HIC peut spontanément osciller sous la forme d’onde dont la durée varie le plus souvent de 5 à
30 minutes. Les symptômes cliniques peuvent se résoudre spontanément à la fin de l’onde. Enfin
l’HIC peut évoluer vers un engagement. Il s’agit de hernies cérébrales par les orifices ostéo-
duraux intracrâniens. Les quatre plus connus sont :
• les engagements temporaux, déplacement de la région temporale interne contre le
mésencéphale qui se traduit par une mydriase homo-latérale et une hémiplégie
controlatérale puis des troubles de la vigilance,
• les engagement centraux, déplacement « vertical » de l’axe nerveux mésencéphalo-
diencéphalique par l’incisure tentorielle vers la fosse postérieure qui cliniquement donne
des troubles, de la vigilance, oculo-moteur, du tonus et neuro-végétatif,
• l’engagement des amygdales cérébelleuses dans le foramen magnum caractérisé par des
troubles neuro-végétatifs et une hypertonie axiale (rachis et en particulier les muscles du
cou qui donne un port de tête dit « guindé »
• et l’engagement du culmen vermien par l’incisure tentorielle vers l’étage sus-tentoriel
traduit cliniquement par des troubles, de la vigilance, oculo-moteur, du tonus et neuro-
végétatif

1.1.2. Une crise comitiale,

Elle peut être partielle ou généralisée, motrice, sensitive ou autre, peut révéler une tumeur
cérébrale. Les crises partielles ont une valeur localisatrice clinique.

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1.1.3. Les signes neurologiques déficitaires

Ils sont également fréquents au moment du diagnostic (déficit moteur, sensitif, atteinte des paires
crâniennes, etc.). Ils peuvent présenter une évolution en tache d’huile, traduisant la croissance de
la tumeur et sont plus fréquemment associés aux formes malignes.

L’étape diagnostique suivante comporte un bilan paraclinique nécessaire à l’obtention de la


preuve de l’existence d’une lésion cérébrale.

1.2. Sémiologie paraclinique

Les examens paracliniques à réaliser devant de tels tableaux sont la scanographie et/ou l’IRM
cérébrales. Un fond d’œil peut être utile à la recherche d’un œdème papillaire évocateur
d’hypertension artérielle.

1.2.1. La scanographie

Elle est réalisée sans injection puis avec injection. Les clichés sans injection apprécient la densité
du tissu cérébral, la présence d’un effet de masse, d’une hydrocéphalie, de calcifications
(oligodendrogliome) ou d’un saignement intratumoral (image spontanément hyperdense).
L’injection de produit de contraste iodé permet de détecter une rupture de la barrière hémato-
encéphalique. Infiltration et œdème se traduisent par une hypodensité. La captation du produit de
contraste se manifeste par une plage hyperdense et témoigne en règle d’une tumeur maligne. Les
images des tumeurs de bas grade et de l’œdème ne sont en effet pas modifiées par l’injection. Il y
a une corrélation entre le degré de malignité de la tumeur et l’importance et la régularité de la
prise de contraste. Un glioblastome se présente typiquement comme une image en cocarde avec
une prise de contraste en couronne circonscrivant un noyau hypodense (nécrose) et entourée
d’une plage hypo-dense.

1.2.2. L’IRM

Elle est réalisée avec des séquences pondérées en T1 avant et après injection de gadolinium et en
T2, avec des coupes dans les trois plans de l’espace. La sensibilité de l’IRM est supérieure à celle
de la scanographie et permet d’approcher les relations de la tumeur avec les zones fonctionnelles.
Elle est donc aujourd’hui indispensable en dehors d’un contexte d’urgence. Œdème et gliome de
bas grade se traduisent par un hyposignal en T1 et un hypersignal en T2, non modifiés par
l’injection de gadolinium, gliome malin par un hyposignal en T1 avant l’injection, un hyper
signal en T1 après l’injection de gadolinium, un hypersignal en T2.

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2. Diagnostic différentiel

Les symptômes révélant une lésion tumorale ne sont pas spécifiques de la malignité d’une
tumeur. De même en imagerie des lésions cérébrales non-malignes peuvent présenter des
caractéristiques morphologiques identiques. Ainsi les abcès cérébraux en particulier chez
l’immunodéprimé, des foyers d’encéphalites, des malformations vasculaires peuvent présenter
une clinique et une paraclinique trompeuse. Même si parfois les données cliniques et l’imagerie
peuvent contribuer à orienter le diagnostic. Le diagnostic de certitude repose sur l’examen
histologique.

3. Diagnostic histologique

Il existe plusieurs techniques visant à l’obtention de tissu tumoral. Aujourd’hui les biopsies
cérébrales sont réalisées en condition stéréotaxique. Cette méthode permet l’accès à des lésions
profondes ou pas et de réaliser des biopsies simples ou étagées qui permettent de minimiser le
risque des complications. Parfois les biopsies sont réaliser à crâne ouvert et enfin une histologie
peut être obtenu après exérèse complète d’une lésion. L’histologie permet de classer les lésions
cérébrales pour proposer des traitements adaptés.

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4. Prise en charge initiale des tumeurs cérébrales

La planification de la prise en charge d’une tumeur cérébrale nécessite d’avoir réalisé le bilan
radiologique car cette prise en charge initiale varie en fonction de la localisation de la tumeur. La
plupart du temps l’aspect en imagerie est évocateur d’une orientation «histologique».
On distinguera ainsi :
- Les tumeurs cérébrales uniques subdivisée en :
o Tumeurs sus-tentorielles
 tumeurs intraparenchymateuses
 tumeurs extrapenchymateuses
 tumeurs ventriculaires
 tumeurs de la ligne médiane
o Tumeurs sous-tentorielles
 tumeurs intraparenchymateuses
 tumeurs extrapenchymateuses
- Les tumeurs cérébrales multiples

4.1. Tumeur unique sus-tentorielle intra-parenchymateuse

Une prise de contraste heterogéne à l’IRM et/ou au scanner souvent associé à de la nécrose, de
l’œdème, un effet des masse et une tendance à l’extension contro-latérale chez un sujet de plus de
40 ans orientera vers une tumeur de type glioblastome, ou oligodendrogliome B.

Une lésion limitée sous-corticale ou cortico-souscorticale éventuellement associée à des


calcifications évoquera :
• un oligodendrogliome A si il n’y a pas de prise de contraste ;
• un oligodendrogliome de type A en transformation en B s’il existe une prise de contraste
• un astrocytome pilocytique. si la lésion est kystique et présente une prise de contraste
limitées à la zone charnue chez une personne de moins de 20 ans.

Un aspect polylobé plus ou moins infiltrant associé à une prise de contraste homogène au niveau
des structures profondes péri-ventriculaire chez une personne de 30 ans ou de 60 ans fera évoquer
un lymphome cérébral primitif.

Après le bilan radiologique réalisé en urgence un bilan biologique sera réalisé (numération
formule sanguine, crase, ionogramme sanguin, fonction rénale et hépatique, groupage) avant
transfert en urgence vers une structure neurochirurgicale pour réaliser dés que possible une
biopsie ou une exérèse. Sauf en cas de suspicion de lymphome cérébrale primitif ou seule une
biopsie sera réalisée.
Un traitement systématique par anti-épileptique et corticoïde pourra être discuter.
La décision d’une biopsie ou d’une exérèse plus ou moins complète sera prise en fonction de la
localisation, de l’effet de masse et de la taille de la tumeur mais aussi en fonction de l’age, de
l’état général, des co-morbidités éventuelles.
La décision d’un traitement complémentaire se fera ultérieurement en fonction de l’histologie
définitive.

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4.2. Tumeur unique sus-tentorielle extra-parenchymateuse

Une lésion bien limitée sous-arachnoïdienne avec un signal liquidien proche du LCR sans prise
de contraste évoquera :
• S’il existe des calcifications un kyste epidermoïde si non un kyste dermoïde.
• Un kyste arachnoïdien.
La prise en charge de ces lésions bénignes sera à discuter au cas par cas en fonction de la
localisation de l’effet de masse, de l’hydrocéphalie associé et de la clinique.

Une lésion limitée au contact de la dure mère épaissie homogène en iso ou hyper-signal au
parenchyme en T1 associée à des calcification, une prise de contraste intense et à une
ostéocondensation en regard évoquera un méningiome bénin s’il n’y a pas de nécrose et si la
nécrose est importante un méningiomes malin.
La prise en charge devra tenir compte d’un éventuel envahissement des sinus veineux et d’une
éventuelle thrombophlébite dont la présence fera discuter une anticoagulation.
La chirurgie ou la radiothérapie seront discutées au cas par cas en fonction de la localisation, de
l’age, de l’état général, des co-morbidités éventuelles.

4.3. Tumeur unique sus-tentorielle ventriculaire

Une localisation ventriculaire latérale, au niveau du troisième ventricule ou parenchymateuse


juxta-ventriculaire en contact avec la paroi épendymaire hypo T1, hyper T2 hétérogène, kystique,
avec prise de contraste et éventuellement des calcifications évoquera un épendymomes.
La prise en charge nécessitera une IRM médullaire, un bilan biologique (numération formule
sanguine, crase, ionogramme sanguin, fonction rénale et hépatique, groupage). S’il existe une
hydrocéphalie il est nécessaire de prévoir en urgence un transfert en neurochirurgie pour exérèse.

Une localisation au contact des plexus choroïdes iso T1, hyper T2 associée à une prise de
contraste évoquera si la prise de contraste est homogène un papillome et si elle est hétérogène
associé a des kystes, des hémorragies, une extension dans le parenchyme et de l’œdème elle
évoquera plutôt un carcinome des plexus choroïdes
La prise en charge est une urgence neurochirurgicale puisque ces lésions sont presque toujours
associées à une importante hydrocéphalie. Il conviendra de réaliser en urgence un bilan
biologique pré-opératoire (numération formule sanguine, crase, ionogramme sanguin, fonction
rénale et hépatique, groupage).

Si la lésion est arrondie dans le IIIieme ventricule hyper T1 et hypo T2, elle évoque un kyste
colloide.
La prise en charge est une urgence s’il existe une hydrocéphalie.

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4.4. Tumeur unique sus-tentorielle de la ligne médiane

Une lésion de la loge hypophysaire avec ou sans extension extrasellaire en hypo T1 et hyper T2
sans prise de contraste évoque un adénome hypophysaire.
S’il existe une hémianopsie bitemporale ou une hémorragie intra-tumorale il est nécessaire de
prévoir un transfert en unité neurochirurgicale pour chirurgie décompressive en urgence. Un bilan
biologie préopératoire sera réaliser (numération formule sanguine, crase, ionogramme sanguin,
fonction rénale et hépatique, groupage)
En dehors d’un contexte d’urgence il sera associé un bilan endocrinien (T4, TSH, FSH, LH, PRL,
GH, IGF1, cortisolémie, cortisol urinaire sur 24H et éventuellement test dynamique. Puis au cas
par cas en fonction du type d’adénome : micro/macro , sécrétant ou pas, envahissement du sinus
caverneux et/ou carotidien il sera décidé un traitement médical et/ou chirurgical.

Une lésion supra-sellaire kystique à contenu plus dense que le LCR avec une partie charnue iso
T1 et hyper T2 prenant le contraste sans œdème avec des calcifications évoquera un
craniopharyngiome.
S’il existe des signes cliniques neurologiques un transfert en urgence en unité neurochirurgicale
est nécessaire. Après réalisation d’un bilan biologie préopératoire (numération formule sanguine,
crase, ionogramme sanguin, fonction rénale et hépatique, groupage).
Si non au cas par cas après recherche d’un diabète insipide il peut être proposé une surveillance
une chirurgie une radiothérapie ou un traitement local intrakystique.

4.5. Tumeur unique sous-tentorielle intra-parenchymateuse

Si la lésion est latéralisé, kystique de signal identique au LCR et T1 et hyper T2 associée à une
masse charnue iso T1 et T2 au cortex prenant le contraste, sans œdème il peut s’agir d’un
médulloblastome.
La prise en charge neurochirurgicale sera réalisée en urgence s’il existe des signes d’HIC pour
chirurgie décompressive après bilan biologique pré-opératoire.
En dehors d’un contexte d’urgence sera réalisé une IRM médullaire puis sera prise la décision de
traitement complémentaire (radiothérapie) après résultats histologique définitif.

Si la lésion est médiane ou dans le IVieme ventricule kystique avec un bourgeon charnu prenant
le contraste elle évoquera un hémangioblastome.
La prise en charge comprendra un bilan biologique standard et la recherche d’un Von-Hippel-
Lindau (gène VHL, fond d’œil, dérivés méthoxylés, scanner thoraco-abdomino-pelvien et IRM
médullaire) en dehors d’un contexte d’urgence imposant un transfert en unité neurochirurgicale.

Une lésion intra-parenchymateuse peut également évoquer une tumeur gliale du tronc cf. «
tumeur sus-tentorielle intra-Parenchymateuse » ou un épendymomes du IV ventricule cf. «
Tumeur sus-tentorielle ventriculaires ».

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4.6. Tumeur unique sous-tentorielle extra-prenchymateuse

Une lésion latéralisée par rapport au tronc iso T1 et hyper T2 associée à une prise de contraste
massive, à une lyse osseuse, limitée et sans œdème évoque un neurinome.
La prise en charge neurochirurgicale est à discuter au cas par cas s’il existe des signes
neurologiques déficitaires et/ou une hydrocéphalie symptomatique une prise en charge
neurochirurgicale est urgente.

D’autres lésions sous-tentorielles sont retrouvées non-spécifiquement :


• Méningiomes cf. « tumeur sus-tentorielle extraparenchymateuse »
• Kyste épidermoïdes cf. « tumeur sus-tentorielle extraparenchymateuse »

4.7. Tumeur cérébrale multiple

Les lésions cérébrales multiples évoquent avant tout des lésions secondaires. Il convient donc de
réaliser un bilan exhaustif à la recherche d’un primitif. Ce bilan peut être orienté par les donnés
de l’interrogatoire et de l’examen clinique. Il comprendra au minimum un bilan biologique, une
radiographie pulmonaire, un scanner thoraco-abdomino-pelvien, une échographie abdomino-
pelvienne une scintigraphie osseuse et une mammographie chez la femme.
Cependant environ 5% des glioblastomes plus de 30 % des lymphomes cérébraux peuvent être
multifocaux.

La chirurgie n'a que peu de place dans leur traitement. Une biopsie stéréotaxique peut être
réalisée en l’absence de primitif retrouvé. Le diagnostic est "évident" chez un patient porteur
d’une néoplasie évolutive.
La radiothérapie seule est donc souvent effectuée en fonction du contexte tumoral.
La corticothérapie est instituée dès le diagnostic en cas de symptômes neurologiques et / ou pour
assurer un meilleur confort de l'irradiation.
La chimiothérapie est souvent utilisée. Elle est choisie en fonction de l’histologie, du primitif et
des chimiothérapiques préalables.

5. Conclusion

Les progrès réalisés par l'imagerie ont permis une prise en charge ciblée dés le bilan radiologique
réalisé. Mais le diagnostic de certitude reste histologique.

Le pronostic des tumeurs cérébrales malignes reste défavorable. La durée de survie est cependant
plus longue, si le grade est bas, le sujet est jeune, la tumeur est opérable, l’indice de Karnovski
est haut et s’il s’agit d’un oligodendrogliome. La médiane de survie est d’environ un an après la
découverte d’un glioblastome, de deux ans s’il s’agit d’un gliome anaplasique et de cinq ans et
plus en cas de gliome de bas grade.

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Cancer du col utérin (147a)


Philippe MAINGON, Isabelle BARILLOT, Gilles HOUVENAEGHEL
Novembre 2005 (mise à jour novembre 2005)

1. Epidémiologie

Dans la plupart des pays industrialisés, l’incidence du cancer invasif du cancer du col utérin
ne cesse de diminuer depuis 30 ans. Il représente 2 % des décès annuels aux USA en 1995,
3.8% des décès par cancer chez la femme en Europe pour un taux identique de 2 % de décès
annuel.

En France, son incidence en 1995 est de 3300 nouveaux cas. Son incidence est passée de 22.4
pour 100000 en 1975 à 10.3 pour 100000 en 1995. Il représente par contre la 2e cause de
mortalité par cancer chez la femme dans les pays en voie de développement. L’incidence
augmente progressivement à partir de l’âge de 30 ans. Son âge moyen de découverte est de 55
ans ; il est considéré comme une maladie sexuellement transmissible avec un risque augmenté
chez les prostituées, des patientes avec des partenaires sexuels multiples et/ou des premiers
rapports sexuels précoces.

L’infection de la muqueuse du col utérin par le papillomavirus humain constitue un facteur de


risque majeur. L’infection par HPV 16 et 18 est le plus souvent trouvé corrélé au cancer du
col utérin. La fréquence d’association avec HPV est plus basse dans les dysplasies de bas
grade (30% des lésions) que dans les dysplasies de haut grade où l’association est retrouvée
dans 80% des cas, fréquence similaire à celle observée dans les cancers infiltrants.

Le virus HIV représente également un facteur de risque de carcinome invasif du col utérin.
Les patientes HIV positives présentent un cancer plus agressif et de moins bon pronostic avec
une présentation clinique plus avancée lors du diagnostic. D’autres facteurs de risque ont été
évoqués tels que le tabac avec une relation dose-dépendante.

2. Histo-pathologie

Les cancers du col utérin naissent de la zone de transition entre l’épithélium cylindrique et
l’épithélium malpighien. Quatre vingt pour cent sont des carcinomes épidermoïdes. Les autres
variétés sont dominées par les adénocarcinomes.

3. Sémiologie clinique

L’évolution peut être longtemps loco-régionale avec une extension cervicale de proche en
proche. Le franchissement de la membrane basale défini le cancer invasif avec un risque non
nul d’extension vasculaire sanguine et lymphatique et d’une évolution vers l’espace para-
cervical et les paramètres.

Le maître symptôme est constitué par les métrorragies, provoquées par les rapports et par des
leucorrhées devant des formes infectées. Devant des formes avancées, il faut rechercher des
signes d’extension pelvienne, un retentissement urinaire ou plus rarement digestif et des
signes de compression vasculo-nerveuse.

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L’examen clinique initial doit comporter un examen général complet à la recherche d’une
hépatomégalie et d’un ganglion de Troisier.

Un examen gynécologique doit être effectué dans un deuxième temps sous anesthésie générale
et en concertation entre un chirurgien connaissant la chirurgie carcinologique gynécologique
et un radiothérapeute. Le toucher vaginal permet d’évaluer l’extension à la muqueuse et à la
paroi vaginale. Le toucher rectal permet d’apprécier les dimensions du col utérin, sa mobilité,
son extension aux paramètres. L’examen doit être réalisé par un toucher bi-manuel et bi-
digital.

L’examen sous anesthésie générale doit être complété par une cystoscopie.

La rectoscopie n’est effectuée que devant une symptomatologie évocatrice.

Les constatations cliniques d’examen sont consignées sur un schéma daté et signé.

4. Bilan para-clinique

Le bilan biologique doit comporter une numération formule sanguine pour apprécier le
retentissement sur la crase sanguine.

L’anémie a une valeur péjorative établie. Il doit comporter un bilan métabolique et notamment
rénal complet.

Les marqueurs tumoraux n’ont pas d’intérêt dans cette pathologie. Le dosage du Squamous
Cell Carcinoma (SCC), lorsqu’il est élevé, permet de disposer d’un élément d’appréciation de
l’efficacité du traitement et peut constituer un argument de surveillance.

5. Méthodes de diagnostic

Il est apporté par la biopsie dirigée au cours d’un examen local qui doit comporter, dans un
contexte clinique particulier, la réalisation d’une colposcopie. Cette loupe éclairante permet
grâce à un grossissement de 5 à 15 fois, de localiser le siège et le degré d’une transformation
atypique, de localiser la zone de jonction col-exocol point de départ des transformations et des
lésions les plus évolutives, de diriger les biopsies. Elle peut être effectuée à l’aide de colorant
(acide acétique ou lugol) pour établir une cartographie des lésions.

6. Bilan d’extension

L’imagerie doit comporter une radiographie pulmonaire, une exploration échographique


abdomino-pelvienne transpariétale à la recherche d’une localisation métastatique lombo-
aortique ou d’une dilatation des cavités pyélo-calicielles faisant suspecter un envahissement
paramètrial et urétéral.

Les échographies endo-cavitaires sont peu performantes. Les échographies endo-cavitaires


sont plus performantes que les échographies trans-pariétales. L’échographie endo-rectale

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permet une bonne visualisation du col utérin, des paramètres et de la paroi postérieure de la
vessie.

Le scanner pelvien permet également des mensurations et une exploration des ganglions
pelviens et lombo-aortiques. L’IRM permet d’apprécier l’invasion de la graisse péri-cervicale
et le volume tumoral. Toutefois, le volume tumoral est surestimé dans 15 à 20 % des cas en
raison des phénomènes d’œdème péri-tumoraux.

7. Classification

La classification la plus utilisée fait référence à la classification TNM – UICC (1992) et à la


classification FIGO qui est peu différente.
Tx : tumeur primitive inclassable
T0 : pas de signe de tumeur primitive
Tis : carcinome in-situ
T1 : carcinome limité au col
• T1A : invasif pré-clinique
o T1A1 : invasion du stroma < 3mm en profondeur et < 7 mm horizontalement,
o T1A2 : invasion du stroma > 3 mm et < 5 mm en profondeur et < 7 mm
horizontalement
• T1B : tumeur limitée au col
o T1B1 : lésion < 4 cm
o T1B2 : lésion > 4 cm
T2 : tumeur s’étendant au-delà de l’utérus mais sans atteindre les parois ni le tiers inférieur du
vagin.
• T2A : sans envahissement du paramètre,
• T2B : avec envahissement du paramètre
T3 : tumeur s’étendant jusqu’au tiers inférieur du vagin sans extension à la paroi (T3A),
s’étendant à la paroi pelvienne et/ou hydronéphrose ou rein muet (T3B)
T4 : atteinte de la muqueuse vésicale ou rectal (T4A) ou métastases à distance (T4B)

8. Diagnostic différentiel

La biopsie permet d’éliminer une ulcération traumatique ou métritique, un chancre


syphilitique ou une dysplasie non transformée.

9. Traitement

9.1. Prévention-Dépistage

Il n’existe pas de mesures de prévention du cancer du col utérin ayant fait la preuve de leur
efficacité. Le dépistage est par contre particulièrement efficace grâce à la pratique du frottis
cervico-vaginal. Il permet le diagnostic précoce des étapes initiales de la transformation
cellulaire, de la dysplasie puis vers la néoplasie in-situ avant les formes invasives et leurs
risques de diffusion ganglionnaire et à distance. Il autorise un traitement efficace et sans
complication à long terme des stades localisés.

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9.2. Moyens thérapeutiques

9.2.1.La chirurgie

La chirurgie a été la première méthode thérapeutique appliquée aux cancers du col utérin.
Cette chirurgie doit être une chirurgie radicale qui traite tout le volume concerné par la
maladie et ses prolongements infra-cliniques éventuels. En fonction du stade l’exérèse sera
donc plus ou moins élargie aux tissus peri-utérin.

On distingue les hystérectomies des gestes d’exérèse localisés que sont les conisations, les
amputations intravaginales du col et les trachélectomies élargies. Les exérèses localisées
peuvent être réalisées à visée diagnostique ou à visée thérapeutique en fonction du stade de la
lésion. Toute hystérectomie devra débuter par un temps d’exploration, l’exérèse utérine par
voie abdominale demeurant un standard. Les techniques d’hystérectomies particulières par
voie basse ou par coeliochirurgie ne doivent être réalisées que par des équipes entraînées. Les
exentérations pelviennes font également parties de l’arsenal thérapeutique des tumeurs centro-
pelviennes atteignant la vessie ou le rectum.

Les lymphadénectomies sont généralement associées au geste d’exérèse. Ce sont des


lymphadénectomies ilio-pelviennes qui permettent de disposer d’un élément pronostique de
première importance, leur valeur thérapeutique étant, en revanche, très controversée. Certaines
équipes étendent le curage aux ganglions lombo-aortiques. Le développement des techniques
de coeliochirurgie a conduit à proposer de plus en plus souvent la lymphadénectomie à visée
pronostique dès le bilan pré-thérapeutique afin d’orienter au mieux la stratégie thérapeutique.

9.2.2.La radiothérapie

Elle associe en général une irradiation externe première de 40 à 50 Gy traitant de façon


homogène la tumeur macroscopique et ses extensions infra-cliniques, et un ou deux temps de
curiethérapies endocavitaires permettant de délivrer ensuite une dose plus élevée à la tumeur
centro-pelvienne. Certaines extensions para-vaginales ou paramétriales, difficilement incluses
dans le volume couvert par la curiethérapie endocavitaire, requièrent parfois une curiethérapie
interstitielle.

La radiothérapie externe utilise les photons de haute énergie des accélérateurs linéaires de
particule. La technique à 4 champs « en boîte » avec protection plombées personnalisées (ou
par collimateur multilames) des organes critiques est la technique de référence.

La curiethérapie joue un rôle important dans le traitement des cancers du col utérin.
L’anatomie vaginale et utérine constitue une situation idéale puisqu’elle va permettre la mise
en place in situ des sources radioactives. Les techniques de curiethérapie varient en fonction
des équipes. Certaines utilisent des systèmes standardisées et d’autres des applicateurs adaptés
à l’anatomie de chaque patiente. Dans tous les cas il est recommandé de maintenir l’étalement
total du traitement à 8 semaines maximum. L’expérience française de curiethérapie ainsi que
celle des centres américains de référence repose sur la curiethérapie bas débit de dose avec un
débit moyen de 0.5 Gy/heure. Les projecteurs de sources de curiethérapie à haut débit de dose
sont utilisés depuis les années 60 surtout dans les pays en voie de développement. Les années

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80 ont été marquées par une extension du marché vers les USA et les pays européen. La
possibilité offerte par la curiethérapie à haut débit de délivrer le traitement entièrement sur un
mode ambulatoire ou au cours d’hospitalisations courtes, a contribué à modifier les attitudes
thérapeutiques dans certains pays. Les développements de la curiethérapie à débit pulsée
permettent de reproduire les résultats obtenus avec les traitements délivrés à bas débit de dose
en autorisant une optimisation de la distribution de dose. Ses développements sont en cours.

9.2.3.Les associations radio-chirurgicales

Les associations radio-chirurgicales regroupent essentiellement les séquences curiethérapie-


chirurgie, irradiation externe–curiethérapie -chirurgie et chirurgie-irradiation externe. Les
deux premières sont généralement des stratégies planifiées alors que l’irradiation post-
opératoire n’est délivrée qu’en cas de chirurgie marginale ou d’envahissement ganglionnaire.
La séquence curiethérapie-chirurgie est de plus en plus souvent précédée d’une
lymphadénectomie per coelioscopie. La coelioscopie permet également de réaliser une
transposition ovarienne afin de préserver la fonction hormonale chez la femme jeune.

9.2.4.La chimiothérapie

Les stratégies de chimiothérapie néoajuvantes et adjuvantes ayant fait la preuve de leur


inefficacité et s’étant montrées plus toxiques que le traitement standard, les recherches se sont
orientées vers les associations concomitantes où la chimiothérapie est surtout administrée à
visée radiosensibilisante. De nombreux essais de phase II ont testé la plupart des drogues de
chimiothérapie, mais ce sont la mitomycine C, le 5 FU , l’hydroxyurée ainsi que le cisplatine
et ses dérivés qui ont été les plus étudiés. La toxicité inacceptable de la mitomycine C a été
très vite démontrée.

10. Stratégie thérapeutique

On considère actuellement que la chirurgie première, l’association radio-chirurgicale et


l’irradiation exclusive sont équivalentes pour le traitement des cancers de stades précoces de
bon pronostic, alors que l’association de radiothérapie et de chimiothérapie concomitante est
récemment devenue un standard pour les cancers de stades précoces de mauvais pronostic.
Son impact paraît moindre pour les cancers localement avancés.

10.1. CIS

La conisation in sano constitue le traitement de référence. L’hystérectomie pourra être


discutée au cas par cas en fonction de l’âge de la patiente.

10.2. Stade Ia

La chirurgie est le traitement standard des stades Ia. La conisation est toujours nécessaire pour
le diagnostic et l’appréciation des facteurs histo-pronostiques (profondeur d’invasion et
embolies vasculaires)

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• Les stades Ia1 avec invasion inférieure à 1 mm sont traités de la même façon que les
carcinomes in situ.
• Les stades Ia1 avec invasion de 1 à 3 mm relèvent d’une conisation in sano pour les
patientes sans embolies vasculaires et désireuses de grossesses. L’hystérectomie
simple est le proposée dans les autres cas. La lymphadénectomie est recommandée en
cas d’embolies vasculaires.
• Les stades Ia2 avec invasion de 3 à 5 mm doivent être traités par hystérectomie +
lymphadénectomie en cas d’embolies vasculaires

10.3. Stades I et II

10.3.1. Stades Ib, IIa et IIb proximaux de bon pronostic.

Ils correspondent aux lésions sans envahissement ganglionnaire dont le volume tumoral est
inférieur 4 centimètres. La chirurgie seule ou l’association radio-chirurgicale ou la
radiothérapie exclusive sont des schémas de traitement équivalents.

La chirurgie première à visée exclusive consiste en une hystérectomie avec lymphadénectomie


pelvienne. La lymphadénectomie lombo-aortique est possible.

Une irradiation post-opératoire est indiquée en cas de métastase ganglionnaire ou d’exérèse


incomplète. La radiothérapie comporte une irradiation externe suivie de un ou deux temps de
curiethérapie. La dose totale et l’étalement total de l’irradiation ne devront pas être modifié du
fait de l’administration de la chimiothérapie.

Il n’existe pas de schéma ni de mode d’administration standard de la chimiothérapie. On


considère que l’association à la radiothérapie externe de Cisplatine 40 mg/m2 hebdomadaire
ou de Cisplatine 50-75 mg/m2 J1 + 5 FU 1g/m2 J1-J4 toutes les 3 à 4 semaines sont possibles
car elles ont été retenues dans les essais nord-américains. L’administration de la
chimiothérapie pendant la curiethérapie n’a pas été évaluée de manière satisfaisante.

En cas d’association radio-chirurgicale , il est conseillé de maintenir un délai de 4 à 6


semaines entre la fin de la curiethérapie et la chirurgie.

10.3.2. Stades Ib, IIa, IIb proximaux de pronostic défavorable

Taille ≥ 4 cm et/ou N+ pelvien , pas d’envahissement lombo-aortique


Le traitement standard doit comporter une association radio-chimiothérapie +/- curiethérapie.

La chirurgie ne sera envisagée qu’en cas de mauvaise réponse au traitement. Les patientes ne
pouvant pas recevoir de chimiothérapie seront traitées par radiothérapie exclusive.

L’irradiation prophylactique de la barre lombo-aortique en cas d’envahissement ganglionnaire


pelvien donne des résultats discordants en terme de contrôle local et de survie avec un risque
de complications majoré.

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10.3.3. Stades Ib, IIa, IIb proximaux avec envahissement lombo-


aortique.

Le traitement local pelvien est identique que dans le cas précédent. En l’absence de métastases
par ailleurs, le traitement doit comporter une irradiation lombo-aortique. L’association de la
chimiothérapie à cette irradiation étendue est réalisable, mais conduit à des taux de
complications digestives de l’ordre de 20%.

10.4. Stades IIb distaux, III et Iva

Chez les patientes ne présentant pas d’envahissement ganglionnaire lombo-aortique, les


données de la littérature montrent que l’association radio-chimiothérapie avec un sel de
platine conduit à une amélioration de la survie par rapport à une radiothérapie exclusive seule.

Toutefois ce bénéfice est moins important pour les stades III et IVa et doit être confirmé par
de nouveaux essais thérapeutiques. L’association de radio-chimiothérapie concomitante reste
malgré tout recommandée pour ces stades avancés.

La réalisation d’une chirurgie pour les stades IIb et III n’apporte pas de bénéfice. Elle ne peut
être recommandée en dehors d’un essai thérapeutique prospectif. En revanche, la chirurgie
sous forme d’éxentération peut contribuer à contrôler la maladie locale chez les patientes
jeunes en bon état général porteuses de stades IVa sans envahissement paramétrial fixé à la
paroi ni envahissement ganglionnaire lombo-aortique.

Comme pour les stades précoces, les patientes porteuses de stades IIb, III et IVa avec
envahissement lombo-aortique relèvent de plus d’une irradiation étendue à ce territoire.

11. Les complications

Les complications aiguës surviennent au cours ou au décours immédiat du traitement et leur


durée d’observation est inférieure à 6 mois. Les complications tardives sont observées au delà
de 6 mois et constituent les véritables séquelles du traitement.

11.1. La chirurgie seule

Les complications aiguës et tardives sont essentiellement des complications thrombo-


emboliques et vésicales. Les séries rapportent 2,5% de plaies vésicales et 0,8% de plaies
digestives comme complications péri-opératoires les plus fréquentes. Les complications
urinaires sont observées dans environ 2% des cas lors des hystérectomies, dans 14% des cas
pour les hystérectomies voie basse, et les troubles de la vidange vésicale peuvent atteindre
40% pour les hystérectomies.

Les complications digestives à type de syndrome occlusif, ainsi que les troubles thrombo-
emboliques et les lymphocèles sont de l’ordre de 5%. Les complications de la coeliochirurgie
semblent peu fréquentes lorsque cette technique est réalisée par des équipes spécifiquement
formées.

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11.2. Les associations radio-chirurgicales

Les séries de curiethérapie pré-opératoire sont des séries françaises toutes basées sur
l’utilisation de la curiethérapie bas débit de dose. Elles rapportent des taux de complications
légères de 10 à 44%, de complications modérées de 9 à 27%, et de complications sévères ou
létales de 3 à 5%. Les complications sévères sont majoritairement des complications urinaires,
les complications vasculaires (lymphocèles et lymphoedèmes) de grades élevés variant de 0.5
à 2%.

La stratégie chirurgie suivie de radiothérapie est responsable d’une morbidité plus importante
que celle décrite après réalisation de stratégies d’irradiation pré-opératoire. Les séries
dénombrent près de 9% à 12% de complications urinaires sévères, de 4% à 15% de
complications digestives sévères et des taux de lymphoedèmes et de lymphocèles post
thérapeutiques supérieurs à 10%.

11.3. La radiothérapie exclusive

Le taux actuariel à 5 ans des complications sévères, tous stades confondus, varie entre 10% et
15% pour les stratégies utilisant la curiethérapie à bas débit de dose. En fonction des séries,
les complications digestives sévères varient de 2% à 4% pour les stades I et II et atteignent
jusqu’à 35% pour les stades localement avancés. Le taux des complications urinaires sévères
(4% en moyenne) est tout à fait comparable à celui observé après chirurgie ou association
radio-chirurgicale. En revanche, les complications vaginales sévères sont typiquement liées à
la stratégie de radiothérapie exclusive : elles sont de l’ordre de 1% pour les stades IB et
peuvent atteindre plus de 20% pour les stades localement avancés. Le taux global de
complications sévères varie de 2% à 7,6% suivant les séries, avec une morbidité urinaire
quasiment nulle.

11.3.1. Complications des associations radio-chimiothérapie

L’association d’une chimiothérapie au traitement radio-chirurgical des cancers du col peut


majorer le risque des complications loco-régionales en raison de l’effet délétère potentiel
propre à chaque agent cytotoxique utilisé. La toxicité aiguë et les effets précoces (survenant 1
à 2 ans après le traitement) des associations de la radiothérapie avec le platine, le 5 FU et
l’hydroxyurée comprennent une toxicité digestive sévère survenant dans 10% à 15% des cas et
toxicité urinaire de l’ordre de 4%.

12. Surveillance

Elle doit permettre de détecter précocement les complications du traitement, les rechutes de la
maladie et rassurer les malades dont l’examen est normal. L’examen doit comporter une
consultation avec interrogatoire et examen clinique, tous les 3 à 4 mois les 2 premières
années, puis tous les 6 mois pendant 3 ans et une fois pas an. L’intérêt d’examen d’imagerie
ou de l’utilisation des marqueurs n’est pas démontré. L’absence de relation hormonale
impliquée dans la croissance cellulaire du cancer du col utérin permet de proposer aux
malades un traitement hormonal substitutif de la castration induite par le traitement.

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Les tumeurs de l’endomètre (147b)


E. BUSSIERES (Institut Bergonié, Bordeaux), D. PEIFFERT (Centre Alexis Vautrin, Nancy)
Novembre 2005 (mise à jour Novembre 2005)

1. Introduction

Les tumeurs de l’endomètre associent


- les adénocarcinomes de l’endomètre, de loin les plus fréquentes des tumeurs malignes
du corps de l’utérus,
- les autres cancers du corps de l’utérus,
- les hyperplasies de l’endomètre qui ont un potentiel de dégénérescence variable selon
leur nature,
- les polypes de l’endomètre.

Les cancers de l’endomètre sont découverts 8 fois sur 10 devant des métrorragies péri- ou
post-ménopausiques, à un stade où la tumeur reste confinée à l’utérus.

La connaissance des principaux facteurs pronostiques (envahissement ganglionnaire,


pénétration dans le myomètre, et grade histologique) guide la stratégie thérapeutique, basée
sur la chirurgie et la radiothérapie.

2. Epidémiologie

2.1. Le cancer de l’endomètre

Il est au 3ème rang des sites tumoraux chez la femme (4, 4 % des nouveaux cas) après le cancer
du sein et les cancers colorectaux et devant les cancers du col utérin. Le taux d’incidence
standardisé est évalué entre 14 et 20 pour 100 000, ce qui représentait en France en 1995
environ 4500 cas responsables d’environ 1200 décès (2, 3 % des décès féminins par cancer).

Il survient classiquement chez la femme âgée, ménopausée, avec un pic de fréquence entre 60
et 70 ans, l’incidence augmentant avec l’âge. L'incidence est stable depuis 1975. Mais on
l'observe actuellement plus fréquemment chez la femme plus jeune avant la ménopause.

2.2. Les facteurs de risque

2.2.1. L’obésité

Elle domine les facteurs généraux :


• Elle existe dans plus d’un cas sur deux,
• Le risque de survenue du cancer de l’endomètre augmente avec son importance .
• Une augmentation du taux de l’oestradiol liée à l’obésité peut être en cause.
• Sur ce même terrain, diabète, hypertension artérielle, varices des membres inférieurs,
ou artérite, augmentent le risque de morbidité postopératoire.

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2.2.2. Des facteurs hormonaux

Des facteurs favorisants sont incriminés :


• nulliparité,
• ménopause tardive,
• puberté précoce,
• hyperœstrogénie endogène : syndrome de Stein-Leventhal, tumeurs de l’ovaire
sécrétant des œstrogènes (tumeurs de la thèque, tumeurs de la granulosa) ;
• hyperœstrogénie exogène.

Les contraceptifs séquentiels et le traitement hormonal substitutif de la ménopause par


œstrogènes seuls, aujourd’hui abandonnés, s’accompagnaient d’une augmentation du risque.
Les contraceptifs actuels combinés, associant œstrogènes et progestatifs entraînent une
diminution du risque et le traitement hormonal substitutif actuel, associant œstrogènes et
progestatifs n’entraîne pas d’augmentation du risque.

Le point commun pour ces facteurs est un déséquilibre hormonal avec hyperœstrogénie
prédominante. Ainsi la réduction de la durée totale de la période ovulatoire (âge de la
ménopause moins âge de la puberté moins nombre de mois de grossesse moins nombre de
mois sous contraception orale) s’accompagne d’une diminution du risque de cancer de
l’endomètre.

2.2.3. Anomalies de l’endomètre,


Certaines anomalies considérées comme précancéreuses apparaissent sur un même terrain
• l’hyperplasie adénomateuse avec un risque de dégénérescence de 10 à 15 %,
• l’hyperplasie atypique ou le carcinome in situ, avec un risque important de survenue
de cancers infiltrants

2.2.4. Autres causes

D’autres causes ont été évoquées : la prise de tamoxifène augmente le risque relatif de
survenue d’une hyperplasie de l’endomètre et d’un cancer de l’endomètre, et rend souhaitable
de maintenir un suivi clinique rigoureux avec la nécessité d’examens complémentaires en cas
de signe d’appel, saignement notamment.

3. Histologie

3.1. L'adénocarcinome endométrioïde

L'adénocarcinome endométrioïde est le plus fréquemment observé (environ 80 % des cas). La


tumeur reproduit plus ou moins fidèlement l'endomètre normal.

Le grading se calcule par la somme du grade architectural et du grade nucléaire, qui donne le
grade dit « FIGO » de grade I à III.

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3.2. Formes histologiques particulières

Les formes histologiques particulières sont rares :


- Le cancer épidermoïde : très rare, il doit être distingué des extensions endométriales
d'un cancer du col
- Le cancer mucineux
- Le carcinome à cellules claires
- Le carcinome séro-papillaire
- Le carcinome indifférencié.

4. Sémiologie clinique

4.1. Les circonstances de découverte

Toute métrorragie après la ménopause impose la recherche d’un cancer de l’endomètre.

C’est le signe de découverte 9 fois sur 10, hémorragie de sang noir ou rosé, souvent
spontanée, parfois post-coïtale, peu abondante. Une ménométrorragie est moins évocatrice
dans la période d’installation de la ménopause, mais une enquête diagnostique doit être
entreprise.

Des leucorrhées peuvent amener au diagnostic, rarement une hydroleucorrhée rosée et fétide,
tout à fait évocatrice.

Les douleurs pelviennes traduisent souvent une lésion évoluée avec surinfection et rétention
utérine, voire un envahissement au-delà de l’utérus. Ces douleurs peuvent être limitées à une
vague sensation de pesanteur pelvienne, s’accompagnant de quelques troubles urinaires ou
rectaux.

Le diagnostic est rarement orienté par un frottis cervical de dépistage.

La recherche d'un cancer de l'endomètre peut faire partie du bilan étiologique d'une anémie
chronique de déperdition.

4.2. L’examen clinique

L’interrogatoire recherche des facteurs de risque et précise les antécédents personnels et


familiaux.
L’examen général est systématique, appréciant l’état général et cherchant les insuffisances
viscérales associées.
L’examen gynécologique est souvent difficile chez ces patientes âgées et obèses et apporte
peu de renseignements.
• au spéculum, le col est le plus souvent sain, le saignement s’il persiste provient de la
cavité utérine. Il est exceptionnel de constater un envahissement tumoral du col.
• on recherche une lésion à distance vaginale antérieure basse périméatique.
• au toucher vaginal et au toucher rectal, on retrouve rarement une anomalie, parfois
l’utérus apparaît comme gros et mou.

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5. Sémiologie paraclinique

L’hystérographie n’est plus guère pratiquée, en raison de difficultés à la réaliser chez


certaines patientes, de risques infectieux, et de l’émergence d’autres procédés diagnostiques.

L’échographie endovaginale recherche une formation intra-utérine, et précise l’épaisseur de


l’endomètre. Avec une mesure seuil à 5 mm, la sensibilité est de 90 à 100 %, mais la
spécificité n’est que de 50 % environ.

L’hystérosonographie (échographie en injectant du sérum dans la cavité utérine), plus sensible


et spécifique, n’est pas encore de pratique courante.

L'IRM permet une étude de l’utérus et des organes pelviens dans tous les plans de l’espace.

La lésion se manifeste par un épaississement de l’endomètre, plus ou moins hétérogène, le


plus souvent hypointense en T2, mais il n’y a pas de spécificité de nature. La lésion peut ne
pas être visible en IRM.

6. Méthodes de diagnostic

Le diagnostic positif repose sur l'étude histologique d'une biopsie endométriale ou du produit
de curetage.

Le frottis cervico-vaginal (examen de dépistage du cancer du col utérin) est le plus souvent
négatif. Il peut être positif dans les formes étendues mais n'apporte pas de certitude
diagnostique.

La cytologie endo-utérine par aspiration ou avec un endocyte n’est pas toujours réalisable.
Elle n’a de valeur que positive et une confirmation histologique reste indispensable.

La biopsie d’endomètre en ambulatoire, à l’aveugle, avec une canule de Novak ou une pipelle
de Cornier, n’a de valeur que positive. La précision du prélèvement est améliorée en
effectuant la biopsie au cours d’une échographie.

L’hystéroscopie, en l’absence d’infection cervicovaginale, est l’examen essentiel qui permet


de visualiser les lésions endométriales, de préciser leur topographie, leur extension vers
l’isthme et l’endocol, de guider les biopsies réalisées. La sensibilité et la spécificité sont de
plus de 95 %.

On complète ensuite par un curetage biopsique. Il faut au mieux faire un curetage étagé de
l’endocol, puis de la cavité utérine.

Il existe un risque faible de perforation et de complications infectieuses, et un risque


exceptionnel (moins de 1 %) d’embolie gazeuse. Il est possible de pratiquer une hystéroscopie
en ambulatoire avec des appareils d’un diamètre inférieur à 4 mm, souples ou rigides.

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7. Bilan

Le bilan a pour but d’apprécier l’extension tumorale et le terrain (opérabilité) dont la


connaissance est nécessaire au choix du traitement initial. L’organisation de ce bilan nécessite
une concertation entre le chirurgien, le radiothérapeute, le radiologue, et l’anesthésiste.

7.1. Bilan loco-régional

L’examen clinique est souvent négatif. Au mieux, il est réalisé sous anesthésie générale lors
de l’hystéroscopie et du curetage. Examen au spéculum, toucher vaginal et toucher rectal
confirment l’aspect du col et des cul-de-sac vaginaux, le volume de l’utérus, sa mobilité, l’état
des paramètres.

L’échographie endo-vaginale a un rôle pour localiser la tumeur, préciser l’épaisseur de


l’endomètre, l’extension vers l’isthme et évaluer l’infiltration du myomètre.

L’hystéroscopie apprécie l’extension vers l’isthme et le col.

La tomodensitométrie abdomino-pelvienne évalue le degré de pénétration dans le myomètre


et recherche un envahissement ganglionnaire iliaque et lombo-aortique.

L’IRM avec injection de gadolinium apprécie la profondeur dans le myomètre, l’atteinte de


l’isthme et du col, l’existence d’adénopathies pelviennes. L’IRM serait l’examen le plus
performant pour préciser l’infiltration du myomètre.

Cystoscopie et rectoscopie ne sont pratiquées qu’en cas de suspicion d’envahissement par des
tumeurs à extension loco-régionale très avancée.

7.2. Bilan à distance

La recherche de métastases à distance (foie, poumon, os, cerveau) n'est pas systématique. Elle
n'est réalisée qu'un présence de signes de suspicion clinique.

7.3. Bilan d’opérabilité

Le bilan préopératoire est essentiel. Après la consultation d’anesthésie, il faut se concerter


pour décider d’une possible voie abdominale ou à défaut d’une chirurgie par voie basse. La
contre-indication absolue à la chirurgie est exceptionnelle.

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8. Classifications

Au terme du bilan préthérapeutique, le cancer de l’endomètre peut être classé selon la


classification FIGO ou dans la classification TNM détaillées dans le tableau 1. La
classification de la FIGO de 1988 est la plus utilisée actuellement. Au terme du bilan clinique
et paraclinique préopératoire, il n'est souvent possible que de distinguer les tumeurs selon une
ancienne classification FIGO 1971 :
• Stade I : tumeur limitée au corps
• Stade II : tumeur étendue au col
• Stade III : tumeur étendue au delà de l'utérus mais intrapelvienne (paroi vaginale et/ou
paramètres
• Stade IV : tumeur étendue à la vessie et/ou au rectum ou au delà du pelvis.

L'importance des facteurs pronostiques issus de l'analyse anatomo-pathologique de la pièce


opératoire dans la décision d'un traitement complémentaire a fait évoluer vers la nouvelle
classification FIGO 1988.

Le grade histologique doit également être ajouté à la classification, selon la différenciation et


les anomalies nucléaires, noté de G1 à G3.

TNM-UICC FIGO 1988

Tis In situ 0
T1 Limité au corps utérin I
T1a Tumeur limitée à l’endomètre IA
T1b Ne dépassant pas la moitié du myomètre IB
T1c Dépassant la moitié du myomètre IC
T2 Extension au col II
T2a Endocol glandulaire seulement IIA
T2b Stroma cervical IIB
T3 et/ou N1 Extensions locales et/ou régionales comme suivant : III
T3a Séreuse/annexes/cytologie péritonéale positive IIIA
T3b Envahissement vaginal IIIB
N1 Atteinte des ganglions lymphatiques régionaux IIIC
T4 Extension à la muqueuse vésicale/intestinale IVA
M1 Métastase à distance IVB

Tableau 1. Classifications anatomo-cliniques des cancers du corps utérin

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9. Pronostic

9.1. Evolution spontanée – Histoire naturelle

Les cancers de l'endomètre naissent au sein de l'épithélium glandulaire qui tapisse la cavité
utérine. Le myomètre utérin représente la première barrière à l’extension tumorale.
L’envahissement se fait en superficie, vers l’isthme et le col, et en profondeur, infiltrant
progressivement le myomètre.

Certaines présentations tumorales vont disséminer au delà du col vers les paramètres ou la
muqueuse vaginale supérieure ou inférieure (péri-méatique). Les ganglions iliaques internes
et primitifs et les ganglions lombo-aortiques peuvent être envahis lorsqu'il y a une infiltration
du myomètre, de façon proportionnelle à celle-ci. Un essaimage tubaire peut entraîner une
dissémination ovarienne et péritonéale. Les métastases à distance sont plus rares.

L’évolution générale est en règle lente, avec hémorragies, anémie, surinfection, douleurs
pelviennes et signes d’envahissement de voisinage.

9.2. Facteur pronostiques

9.2.1. L’âge

L’âge est un facteur de mauvais pronostic pour l’opérabilité, l’association d’insuffisances


viscérales, le retard au diagnostic amenant à la découverte de stades évolués et, avec une plus
grande fréquence, de variétés indifférenciées.

9.2.2. L’opérabilité

L’opérabilité est un facteur pronostique important, mais près de 90 % des patientes


sontaccessibles à une chirurgie, si nécessaire par voie basse, dès lors que le statut tumoral y
incite.

9.2.3. La classification anatomoclinique

La classification anatomoclinique selon la classification de la FIGO 1988 conditionne le


pronostic :
- Stade I : survie à 5 ans de 80 à 90 %,
- Stade II : survie à 5 ans de 50 à 70 %,
- Stades III et IV : survie à 5 ans de 10 à 40 %.

9.2.4. Les facteurs anatomo-pathologiques

Les facteurs anatomo-pathologiques sont essentiels à la définition du pronostic et à


l’indication de traitement complémentaire après chirurgie.

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Ils sont étroitement inter-corrélés et conditionnent survie et récidives. Trois éléments sont
importants :
• grade histologique : pronostic d’autant moins bon que la tumeur est moins
différenciée ;
• degré de pénétration dans le myomètre : de mauvais pronostic croissant sont
l’absence d’infiltration, l’infiltration de la moitié interne ou de la moitié externe,
l’infiltration de la séreuse ;
• envahissement ganglionnaire : il est corrélé au grade et à l’infiltration du myomètre ;
le pronostic est d’autant plus mauvais que les ganglions pelviens, voire lombo-
aortiques sont envahis.

9.2.5. Autres éléments pronostiques

D’autres éléments pronostiques sont de moindre importance :


• cytologie péritonéale : une cytologie péritonéale positive est de mauvais pronostic ;
• atteinte ovarienne
• type histologique : adénocarcinomes et adénocanthomes ont un pronostic plus
favorable ;
• taux de récepteurs hormonaux : son intérêt pronostique est discuté.
• élévation du Ca 125 (sans intérêt diagnostique) semble corrélée à l’extension
tumorale.

10. Traitement

10.1. Prévention et dépistage

La prévention des cancers de l’endomètre nécessite de ne pas prescrire de traitements


œstrogéniques au long cours sans équilibration parallèle en progestatifs.

Les patientes sous tamoxifène doivent être suivies attentivement. Il n’y a pas d’accord sur les
modalités de cette surveillance qui repose sur l'interrogatoire et la recherche de symptômes
déclenchant une démarche diagnostique. Le dépistage des anomalies par échographie
systématique n’est pas nécessaire. Par contre, en cas de métrorragies sous tamoxifène, le bilan
diagnostique comporte une échographie et une hystéroscopie avec des prélèvements et / ou un
curetage biopsique. Si le prélèvement montre une hyperplasie glandulo-kystique, le
Tamoxifène doit être interrompu ou, si son maintien paraît bénéfique, une résection
endométriale ou une hystérectomie doivent être envisagées.

10.2. Traitement des hyperplasies et des polypes

Le traitement des hyperplasies exerce un effet préventif sur la survenue de cancers de


l’endomètre et permet également le diagnostic précoce.

Les polypes de l’endomètre visualisés en échographie ou en hystéroscopie diagnostique


nécessitent une résection par hystéroscopie opératoire. Il reste classique de pratiquer l’exérèse
des polypes en voie d’accouchement par le col.

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L’hyperplasie glandulo-kystique nécessite biopsie, hystéroscopie ± résection endométriale,


associée à la correction de l’hyperœstrogénie.

L’hyperplasie atypique, si elle récidive, doit amener à l’hystérectomie simple.

10.3. Traitement des cancers de l’endomètre

Dans 80 % des cas, le cancer de l’endomètre est reconnu à un stade où la tumeur reste
confinée à l’utérus (stades I et II). Si la patiente est opérable, le geste principal initial est
l’hystérectomie. On peut ainsi collecter les principaux facteurs pronostiques qui vont indiquer
la mise en œuvre d’un traitement complémentaire par curiethérapie et/ou irradiation externe.

10.3.1. Méthodes

10.3.1.1.La chirurgie est la base du traitement

Le but du traitement chirurgical est :


• exploration complète de la cavité péritonéale avec cytologie péritonéale
• ablation de l’utérus, ensuite des annexes, des paramètres, d’une collerette de vagin,
• enfin de lymphadénetomie pelvienne retirant les ganglions iliopelviens, parfois
étendue à des prélèvements lomboaortiques.

Différents types d’opérations peuvent être pratiquées, en fonction de l’extension de la tumeur


et de l’état de la patiente :
• une hystérectomie totale extra-fasciale avec annexectomie bilatérale par voie
abdominale et prélèvement ganglionnaire sous-veineux iliaque ; c’est l’intervention de
base ;
• une colpo-hystérectomie élargie aux paramètres (type II de Piver) avec éventuellement
une lymphadénectomie pelvienne;
• une hystérectomie vaginale associée à une annexectomie si possible, menée par voie
basse, chez les patientes obèses ou dont l’opérabilité n’autorise pas raisonnablement
une chirurgie par voie abdominale ;
• une hystérectomie en coeliochirurgie, avec une éventuelle lymphadénectomie
pelvienne .

La chirurgie sur ces terrains a une mortalité qui n’est pas nulle (complications respiratoires et
thrombo-emboliques) et une morbidité essentiellement urinaire et lymphatique.

10.3.1.2.La radiothérapie

La radiothérapie intervient souvent en complément de la chirurgie. Elle est parfois


exclusive, soit chez les patientes inopérables, soit pour des tumeurs de stades avancés.
Elle a pour objectif d'éviter l'apparition d'une récidive tumorale, et est adaptée aux facteurs
pronostiques.

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10.3.1.2.1. La curiethérapie

La curiethérapie est la plus utilisée.

Son but et d'éviter les récidives dans la cicatrice vaginale et le 1/3 supérieur du vagin. Il s'agit
alors d'une curiethérapie endocavitaire vaginale, réalisée préférentiellement en ambulatoire
avec 2 à 4 fractions de quelques minutes (5 à 7 Gy par fraction), délivrées à 1 semaine
d'intervalle, évitant l'hospitalisation et l'alitement chez ces patientes à risque général.

En cas de tumeur avec envahissement cervical (stade II) ou paramétrial (stade III)
diagnostiqués lors du bilan initial, la curiethérapie utéro-vaginale est délivrée en préopératoire
(comme dans les cancers épidermoïdes du col utérin).

Chez les patientes inopérables, elle est également utéro-vaginale, après un premier temps de
radiothérapie externe

10.3.1.2.2. La radiothérapie externe

La radiothérapie externe pelvienne est plus rarement indiquée.

Son but est d'éviter les récidives pelviennes profondes en cas d'envahissement pariétal ou
ganglionnaire. Elle délivre en postopératoire 40 à 50 Gy (en 20 à 25 fractions) en association
avec la curiethérapie vaginale. Chez les patientes inopérables, elle est suivie d'une
curiethérapie utéro-vaginale.

Les complications de la radiothérapie sont essentiellement digestives (rectite) et urinaires


(cystite). Elles sont rares en postopératoire, mais fréquentes après radiothérapie exclusive, et
dans ce cas présente un risque de grêle radique.

10.3.1.3.Autres traitements

Il n’y a pas d’indication d'hormonothérapie ni de chimiothérapie adjuvante.

À titre palliatif, on peut avoir recours aux progestatifs (acétate de médroxyprogestérone per os
ou 1g IM/semaine) avec un risque thrombo-embolique, au tamoxifène, et aux inhibiteurs de
l'aromatase. Des protocoles de chimiothérapie sont proposés, associant diversement fluoro-
uracile, doxorubicine, cyclophosphamide, cisplatine avec un taux de réponse d’environ 20%.

10.3.1.4.Indications

On peut schématiser les indications. Elles doivent être discutées en concertation


pluridisciplinaire, et proposées à la patiente en prenant en compte l’âge et l’état général après
avis des anesthésistes-réanimateurs.

10.3.1.5.Stades I et II opérables

Hystérectomie totale extra-fasciale par voie abdominale avec prélèvement ganglionnaire en


cas de stade I, même chose ou colpo-hystérectomie élargie en cas de stade II. En cas de

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patiente opérable mais à haut risque, on peut proposer une hystérectomie par voie basse pour
les stades I.

Le traitement postopératoire est adapté aux facteurs pronostiques :


• curiethérapie de la cicatrice vaginale et du 1/3 supérieur du vagin s’il existe un
envahissement de l’isthme, pour atteinte du col ou un cancer diffus de la cavité
utérine, voire de principe surtout quand la chirurgie n’a pas emporté une collerette
vaginale. Pour certains, la curiethérapie peut précéder la chirurgie pour les stades II,
avec une approche voisine de celle adoptée dans les cancers du col.
• radiothérapie externe pelvienne s’il existe un envahissement ganglionnaire clinique ou
histologique, ou en l'absence de curage ganglionnaire, si des facteurs de mauvais
pronostic sont présents : grade histologique 3, ou infiltration de plus de la moitié du
myomètre.

10.3.1.6.Stades III non fixés à la paroi, stades IV A

Ils relèvent de plus en plus souvent d’une prise en charge chirurgicale première, suivie d’une
irradiation pelvienne, pelvienne et lomboaortique, ou abdominopelvienne, éventuellement
d’une curiethérapie, en fonction des constatations et des résultats de la chirurgie et du niveau
de l’atteinte ganglionnaire.

10.3.1.7.Patientes inopérables, stades III fixés à la paroi,


stades IV B

Par nécessité, on envisage une radiothérapie exclusive associant diversement irradiation


externe et curiethérapie endo-utérine et vaginale.

10.3.1.8.Récidives loco-régionales et évolutions métastatiques

Une récidive vaginale isolée peut être traitée, soit par colpectomie, soit par curiethérapie s’il
n’y en avait pas eu. En cas de récidive centro-pelvienne, il faut discuter d’une pelvectomie de
rattrapage, en tenant compte des facteurs pronostiques, du délai écoulé, des traitements
antérieurement pratiqués. De façon plus générale, chez ces patientes âgées déjà traitées,
récidives et métastases relèvent d’un traitement palliatif.

11. Surveillance

La surveillance adaptée à l’état général de ces patientes souvent âgées, est avant tout clinique,
tous les 6 mois pendant 3 ans, puis tous les ans. Son objectif est de mettre en évidence des
récidives tumorales locales (vaginales), ou des séquelles, curables.

Les examens complémentaires ne seront envisagés qu’en cas de signes cliniques d’appel. Du
fait de la fréquence de l’association sein-endomètre, et surtout de l'âge des patientes. un
dépistage clinique et mammographique s’impose.

Il faut aussi rechercher et, éventuellement corriger, les séquelles du traitement (urinaires,
digestifs, post-phlébitiques, dyspareunie, incontinence urinaire, éventration).

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Cancer colorectal (148)


J.F. BOSSET, P. ROUANET
Décembre 2005 (mise à jour décembre 2005)

1. Epidémiologie

L’incidence du cancer colorectal (CCR) varie dans un rapport de 1 à 25 dans le monde. Elle
est la plus élevée en Amérique du Nord et Nouvelle-Zélande et la plus faible en Inde, Asie,
Afrique du Sud. En Europe, elle est plus élevée au Nord qu’au Sud et à l’Ouest qu’à l’Est. En
France, le CCR représente 13 % de l’ensemble des cancers. Il vient en 3è position après les
cancers du sein et de la prostate, les deux sexes réunis (39/100 000 chez l’homme et 24/100
000 chez la femme).

On compte par an environ 18 000 cancers du côlon et 8 000 cancers du rectum. Il apparaît
après 45 ans et la fréquence augmente avec l’âge. L’âge moyen de survenue est 68 ans. Trente
à 40 % des cas surviennent après 75 ans.

2. Génétique du CCR

On estime que 10 % des CCR surviennent sur une prédisposition génétique.

2.1. Syndromes héréditaires prédisposant au CCR

Les gènes responsables ont été identifiés.

2.1.1. La polypose adénomateuse familiale (FAP


syndrome)

Transmise sur le mode autosomique dominant. Responsable de 0,5 % des CCR, caractérisée
par l’apparition de centaines, voire de milliers d’adénomes colorectaux après la puberté.
Transformation cancéreuse des adénomes dans 100 % des cas après 50 ans si pénétrance
complète (forme la plus fréquente).

Peut s’associer à des lésions extracoliques :


• dans le syndrome de Gardner : kystes épidermoïdes, tumeurs desmoïdes, ostéomes
mandibulaires.
• dans le syndrome de Turcot : tumeur nerveuse ou cérébrale associée
(médulloblastome).

Le gène muté (gène APC est un gène suppresseur localisé sur le bras long du chromosome 5,
5q.

(Le gène APC intervient à l’état normal dans la dégradation intracellulaire des caténines. Sa
mutation entraîne l’accumulation de caténines dans le cytoplasme et le noyau des cellules.
Dans le noyau, elles forment un complexe avec le facteur de transcription Tcf qui va activer
des gènes de croissance et de prolifération cellulaire, c-Myc par exemple).

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2.1.2. Le cancer héréditaire sans polypose (HNPCC


syndrome)

Représente 2 à 4 % des CCR, transmis sur le mode autosomique dominant.

On suspecte la possibilité d’une maladie familiale HNPCC sur les critères d’Amsterdam :
• le FAP doit être exclu ;
• au moins 3 membres de la famille ont (ou ont eu) un CCR dont 2 sont liés au premier
degré ;
• les individus touchés appartiennent à au moins deux générations successives ;
• au moins un des cas touche un individu affecté avant l’âge de 50 ans.
D’autres cancers peuvent être associés : endomètre, ovaires, estomac, hépatobiliaire, urinaire.

Plusieurs gènes dits « gènes de réparation » sont concernés : MSH2 qui siège sur 2p ; MLH1
sur 3p21.

Lors de la réplication normale du DNA, une erreur (mismatch) peut survenir. Les gènes de
réparation corrigent l’erreur. La mutation des gènes de réparation faisant défaut, l’anomalie
peut s’immortaliser. Les gènes cibles sont K-ras (oncogènes) ou APC ou P53.). Le phénotype
correspondant à cette anomalie peut être reconnu, il est dit RER+ (erreur de replication
positive).

2.2. Le CCR sporadique

La cancérogénèse est due à l’accumulation de mutations successives dans le temps


apparaissant dans les cellules intestinales (mutation somatique), selon le schéma suivant (cf.
figure 1). Les mutations intéressent à la fois des oncogènes et des gènes suppresseurs.

Figure 1 – Les mutations génétiques à l’origine du CCR

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2.3. Conséquences pratiques : les groupes à risque

On peut distinguer trois grands groupes d’individus :

• Un groupe à risque très élevé : FAP, HNPCC


• Un groupe à risque élevé :
o antécédent personnel de CCR ou d’adénome, risque de cancer 2 % à 5 ans
o apparenté au 1er degré avec individu porteur de CCR : 2 à 3 fois plus à risque
que la population générale
o cancer du sein antérieur (à titre personnel) augmentation du risque mais non
chiffrée
• Groupe à risque moyen : tout individu n’appartenant pas aux deux groupes précédents,
homme ou femme, d’âge supérieur à 45 ans.

3. Anatomie pathologique et histoire naturelle

Dans 95 % des cas, la tumeur primitive est un adénocarcinome né des glandes intestinales, et
dans 80 % des cas, l’adénocarcinome survient sur un polype pré-existant (adénome).

3.1. De l’adénome vers le cancer

3.1.1. L’adénome

C’est une tumeur épithéliale bénigne dysplasique. Le risque de transformation cancéreuse de


l’adénome augmente avec sa taille : 0,5 % si inférieure à 1 cm ; 5 % entre 1 et 2 cm ; 30 % si
supérieure à 2 cm. 25 à 30 % des adénomes se transforment en cancer.

3.1.2. Le cancer in situ

Lorsque la prolifération cellulaire dépasse la membrane basale et envahit la muqueuse, le


cancer est dit in situ (par opposition aux autres épithéliums dans l’organisme humain), car il
n’y a pas de lymphatiques dans la muqueuse donc pas de risque métastatique.

3.1.3. Le cancer invasif

Lorsque les cellules tumorales dépassent la musculaire muqueuse et envahissent la sous-


muqueuse (présence de canaux lymphatiques), le cancer est dit invasif.

3.2. Histoire naturelle du cancer invasif

3.2.1. Evolution morphologique intraluminale

Le cancer est d’abord de type végétant puis en grossissant et du fait des traumatismes répétés,
il perd sa partie centrale et devient ulcéré, enfin, il progresse en profondeur et devient
infiltrant.

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3.2.2. L’extension tumorale locale

Extension circonférentielle : par épithéliotropisme (en surface) et par voie lymphatique, à


cheminement circulaire, le cancer s’étend circonférentiellement pour réaliser à l’extrême une
forme sténosante dont la complication clinique est l’occlusion.

Extension en profondeur : depuis la surface épithéliale, le cancer infiltre progressivement la


paroi digestive puis la séreuse (sauf au niveau du rectum où il n’y en a pas), puis l’atmosphère
péricolique ou périrectale et les organes adjacents. Cette extension suit la direction d’un rayon
(le centre de la roue étant le centre de la lumière digestive), elle est dite extension radiaire.

Extension longitudinale :
Dans la paroi digestive, l’extension microscopique déborde rarement de plus de 1 cm la
tumeur macroscopique en amont et en aval
A l’extérieur de la paroi digestive, en particulier dans la graisse péri-rectale, elle peut dépasser
2 cm en aval et plus surtout en cas de cancer peu différencié.

Extension extradigestive peut être continue ou discontinue de façon embolique dans la


graisse péri-digestive, en empruntant les lymphatiques, les veines ou les espaces périnerveux.

3.2.3. L’extension ganglionnaire

Elle est ordonnée. Dans moins de 3 % des cas, les cellules sautent un relais ganglionnaire. Le
risque d’extension ganglionnaire augmente avec le degré d’infiltration tumorale en
profondeur et avec le grade tumoral (cf. tableau 1).

Invasion Bas grade Haut grade


Sous-muqueuse 3 17
Musculeuse 20 40
Séreuse 26 80

Tableau 1. Risque d’extension ganglionnaire (%)

3.2.4. L’extension à distance ou métastatique

• péritonéale : les tumeurs coliques ou rectales suspéritonéales peuvent métastaser au


péritoine lorsqu’elles ont franchi la séreuse péritonéale, soit de façon contiguë, soit de
façon discontiguë, à distance dans la grande cavité abdominale.
• hépatique : les cellules tumorales empruntent les veines de drainage qui pour
l’essentiel draînent dans la veine porte. Elles peuvent s’arrêter, se développer dans le
foie et donner des métastases.
• pulmonaire : les cellules y arrivent en empruntant les veines iliaques puis la veine cave
inférieure, cas du bas rectum, ou après avoir franchi le filtre hépatique.

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3.3. Types histologiques et grading pour les


adénocarcinomes seuls

Ils suivent les recommandations de l’OMS (cf. tableau 2).


Les tumeurs G1 sont bien différenciées, les G2 modérément, les G3 peu et les G4 sont
indifférenciées.

Type histologique Grade


Adénocarcinome 1à3
Adénocarcinome mucineux (mucine > 50 % extracellulaire) 1 à 3
Carcinome à cellules en bague à chaton 3
Carcinome indifférencié 4

Tableau 2. Types histologiques et grades

4. Les signes cliniques

4.1. Au niveau du côlon

• 10 % des patients ont un seul symptôme, la plupart ont des symptômes multiples
• 30 % ont des signes d’obstruction chronique : constipation alternant avec diarrhée de
vidange surtout lorsque la tumeur est située au niveau du côlon gauche
• 30 % ont des signes d’anémie chronique surtout lorsque la tumeur est située au niveau
du côlon droit
• 40 % ont des douleurs abdominales ou pelviennes : pesanteur, douleurs à type de
colique, souvent calmées par l’émission de matières ou de gaz
• 15 % ont une altération de l’état général : dénutrition, perte de poids, fatigue
• 8 % ont une complication aiguë inaugurale : péritonite par perforation, tableau
d’abcèdation, occlusion

4.2. Au niveau du rectum

Le syndrome rectal associe faux besoins, douleurs pelviennes postérieures éventuellement


déclenchées par la position assise, émission de mucus mélangé aux selles et à du sang
(rectorragies). Le nombre de tentatives de défécation augmente assez rapidement pour passer
de 2 à 3 par jour à 10 voire plus. Ce syndrome est fatigant et s’associe souvent à une perte de
poids.
Les rectorragies isolées, indolores, sans caractère spécifique, sont trop souvent attribuées à
des hémorroïdes. Elles peuvent être le premier signe d’un cancer du rectum et doivent faire
pratiquer toucher rectal et rectoscopie.

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5. Le diagnostic

5.1. De la tumeur primitive

Repose sur l’examen microscopique d’un prélèvement de tumeur : la biopsie. Elle est
effectuée au cours de la rectoscopie (tumeur rectale) ou de la coloscopie. L’examen
microscopique de la biopsie doit indiquer : le type histologique, le degré de différenciation.
Le diagnostic est parfois réalisé par un lavement baryté à double contraste s’il y a une contre-
indication à la coloscopie ou une difficulté endoscopique.

5.2. De métastases

Lorsque le cancer est antérieurement connu, on peut avoir besoin d’une confirmation
cytologique de l’existence de métastases : ponction cytologique du foie, du poumon, d’un
ganglion. Dans ce cas, le diagnostic repose sur l’analyse de l’étalement cellulaire.
Exceptionnellement est découverte une maladie métastatique à l’échographie abdominale par
exemple avec métastase hépatique ou des ganglions sus-claviculaires. La cytologie évoque
l’adénocarcinome, la clinique recherchera des troubles digestifs et orientera éventuellement
vers le côlon ou le rectum.

6. Le bilan d’extension

Il vise à répondre aux questions suivantes :


• la tumeur est-elle résécable ou non ?
• le patient est-il en état de recevoir le traitement le plus approprié à sa maladie ?
• la maladie a-t-elle déjà diffusé à distance ?
• y-a-t-il justification à délivrer un traitement préopératoire ?

6.1. La résécabilité

La chirurgie est le plus souvent le premier traitement curatif. Avant de la pratiquer, il faut
évaluer les possibilités de réséquer complètement la tumeur primaire avec les chances
maximales d’avoir une résection de type R0.

La résection de type R0 est compromise lorsque :


• la tumeur est fixée : au niveau du côlon droit, un gros cancer peut être fixé dans la
fosse iliaque droite, voire envahir (exceptionnellement) la paroi abdominale antérieure
et la peau.
• au niveau du rectum, le toucher rectal apprécie la mobilité tumorale par rapport aux
organes pelviens, à la prostate, au sacrum. Le doigt, quand il palpe le pôle inférieur de
la tumeur, apprécie la topographie de la lésion par rapport au sphincter et renseigne
sur le risque de colostomie définitive.

Lorsque la tumeur paraît fixée ou paraît envahir un organe adjacent, un scanner peut être utile
pour apprécier la résécabilité ou la nécessité d’étendre le geste chirurgical au-delà du côlon ou
du rectum. L’IRM rectale commence à prendre une place importante, en particulier pour
guider les indications de conservation sphinctérienne dans les cancers du bas rectum.

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6.2. Le patient est-il en état de recevoir le traitement


approprié ?

Il est inutile de conduire un bilan complexe et coûteux si le patient n’est pas opérable

L’opérabilité est jugée sur l’état général (status OMS), l’ASA, l’existence ou non de troubles
viscéraux graves

En cas de doute, une consultation anesthésique peut être utile avant de déclencher un bilan
sophistiqué.

6.3. La maladie a-t-elle diffusé à distance ?

L’extension de la maladie à des territoires ganglionnaires distants des ganglions de drainage


direct ou à des organes cibles peut rendre discutable la chirurgie première sur la tumeur
initiale. Les sites métastatiques les plus fréquemment atteints à explorer sont :
- le foie par l’échographie, voire le scanner
- le poumon (surtout pour le rectum), par la radio pulmonaire de face et de profil ; en
cas de doute, on complète par le scanner
- les ganglions sus-claviculaires gauches faciles à examiner cliniquement

La recherche de métastases osseuses (par scintigraphie), cérébrales (par scanner /IRM) est
inutile en l’absence de signes cliniques d’orientation.

A l’issue de ces examens, le patient doit être considéré porteur ou non de métastases
macroscopiques (M0 ou M1).

6.4. Un traitement préopératoire est-il utile ?

La tumeur est a priori résécable, le patient est opérable, mais un traitement préopératoire est
indispensable.

Cette situation est rencontrée dans les cancers rectaux qui envahissent et dépassent la paroi
rectale pour envahir la graisse péri-rectale ou les ganglions péri-rectaux.

Dans ce cas, la chirurgie seule fait courir un risque de récidive locale (dans le pelvis
postérieur) de l’ordre de 20 à 30 %, la radiothérapie préopératoire divise ce risque par 3.

L’examen de choix qui montre l’extension extra-rectale du cancer rectal est l’écho-
endoscopie.

Le bilan utile est conduit en effectuant tous les examens dans un temps court, mais l’idéal est
de hiérarchiser selon le modèle suivant :
• Le patient est opérable ou non. Si non opérable, on est en situation palliative. Les
examens complémentaires ne sont pas justifiés.

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• Il est opérable, mais il est métastatique. S’il est métastatique, le bilan local (écho
endo-rectale, scanner) ne se justifie pas sauf si on espère réséquer en même temps la
tumeur et les métastases, cas assez rare.
• La tumeur n’est pas métastatique, mais elle n’est pas a priori résécable par une
chirurgie de type R0. Un traitement préopératoire doit être discuté.
• La tumeur n’est pas métastatique, elle est résécable et la chirurgie sera probablement
de type R0, on discute néanmoins l’opportunité d’un traitement néoadjuvant dans les
cancers qui siègent dans le bas ou le moyen rectum et qui envahissent la graisse péri-
rectale.

7. La stadification

7.1. La classification TNM

Elle repose sur la détermination de l’extension en profondeur de la tumeur dans et au-delà de


la paroi digestive. Elle n’est en fait applicable que pour les cancers rectaux avec l’aide de
l’écho-endoscopie. On parle alors de classification UTN pour tumeurs et ganglions. Pour les
cancers coliques, seul l’examen de la pièce de résection permet l’application de la
classification pTN.

Remarque : la radiothérapie préopératoire d’un cancer rectal peut faire régresser une tumeur
qui passe par exemple du stade UT3N0 au stade pT2 N0 .

T tumeur
Tx ne peut être classée
T0 pas de tumeur primaire retrouvée (en cas de traitement préopératoire par exemple)
T1 envahit la sous muqueuse
T2 envahit la musculeuse
T3 envahit la séreuse (côlon et rectum peritonisé) la graisse péri-rectale (rectum sous
péritonéal)
T4 envahit organes ou structures adjacents/ou tumeur perforée dans le péritoine
Nx ne peut être classé
N0 pas de ganglion envahi
N1 1 à 3 ganglions envahis
N2 4 ou plus ganglions envahis
Mx ne peut être classé
M1 pas de métastase
M2 métastases

Tableau 3. Classification TNM (UICC 1997)

La stadification M tient compte de l’existence ou non de métastases dans les sites


préferentiellement atteints : foie, poumon.

NB : les catégories pT, pN et pM correspondent à celles du TNM

Avec la classification TNM, on utilise habituellement un regroupement en stades qui vont de I


à IV.

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7.2. La classification R0, R1, R2

Le pathologiste aidé du chirurgien assure encore la qualité de la résection :


• R2 : résection macroscopique incomplète, l’idéal est de confirmer par une biopsie
positive sur le tissu supposé tumoral laissé en place
• R1 : la section chirurgicale passe au ras de la tumeur. Il n’y a pas de marge de tissu
sain entre l’extension microscopique du cancer (radiaire ou distal) et la section
chirurgicale
• R0 : la section chirurgicale passe à distance de la tumeur en laissant une marge plus ou
moins épaisse de tissu sain

Les classifications TNM, pTNM, R0 R1 R2 servent à définir une stratégie thérapeutique, à


l’établissement du pronostic et à comparer les résultats.

8. Le pronostic

La démarche consiste à regrouper des éléments cliniques et paracliniques qui permettent


d’approcher non seulement le risque évolutif mais aussi les modalités évolutives pour un
patient donné. Cette démarche précède la réflexion sur les stratégies thérapeutiques.

8.1. Avant traitement, sont défavorables :

• l’inopérabilité
• l’existence de métastases
• la révélation par une complication : perforation, occlusion….
• la fixité tumorale (rectum)

8.2. Après traitement, sont défavorables :

• l’inextirpabilité
• l’extirpabilité de caractère R2 ou R1 = présence d’un reliquat tumoral
• la découverte de métastases en peropératoire (foie, péritoine)
• sur l’examen anatomopathologique :
• un envahissement important de la paroi digestive,
• une extension aux ganglions de drainage,
• la présence d’embols vasculaires veineux ou lymphatiques et les signes d’engainement
périnerveux,
• un nombre élevé de ganglions envahis, avec un seuil net entre 0 ganglion envahi et des
ganglions envahis et un autre seuil inférieur ou égal à 3 ganglions envahis et supérieur
à 4.
• cancers histologiquement ayant un aspect en bague à chaton
• cancers de grade élevé ou indifférenciés

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9. Le traitement du CCR non métastatique

9.1. La chirurgie
9.1.1. Au niveau du côlon

La chirurgie est le traitement de référence du cancer du côlon.

La préparation digestive est indispensable pour lutter contre l’infection bactérienne (3 litres,
solution hypertonique : PEG, prise en 4 heures).

L’intervention débute par une exploration abdomino-pelvienne complète, elle permet la


stadification complète de la tumeur (carcinose, métastases ganglionnaires ou
parenchymateuses, deuxième localisation).

L’exérèse de la tumeur primitive respecte des principes standardisés :

Marge de côlon sain: 5 cm minimum

Ligature des vaisseaux à leur origine

Importance de l’exérèse fonction de la topographie (colectomie droite, transverse, gauche)

La lymphadénectomie est radicale dans le territoire de drainage, guidée hors de


ce territoire (biopsie systématique de toute masse suspecte). Le nombre de
ganglions examinés doit être supérieur à 8.

L’anastomose digestive est soit manuelle, soit mécanique, de première intention.

Les cancers du côlon compliqués :


• occlusion :
o résection du côlon dilaté en amont de la sténose
o lavage colique per opératoire pour une anastomose en 1 temps
• perforation : résection et stomie de protection, lavage péritonéal
• invasion d’un organe de voisinage (T4) : exérèse monobloc de la tumeur et de l’organe
atteint.

9.1.2. Au niveau du rectum

La qualité de l'exérèse chirurgicale est un facteur primordial du pronostic

Les différentes interventions :


- Exérèse trans anale :
o ablation de la tumeur après dilatation anale, par les voies naturelles
- Résection antérieure :
o exérèse de la tumeur par voie abdominale
o anastomose colo-rectale manuelle ou mécanique
- Proctectomie et anastomose colo-anale :
o exérèse de la totalité de l’ampoule rectale

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o section au niveau du canal anal en conservant l’appareil sphinctérien


o anastomose colo-anale par voie trans anale après confection d’un
o réservoir colique
- Amputation abdomino-périnéale :
o exérèse de la totalité du rectum et de l’appareil sphinctérien
o double voie d’abord abdominale et périnéale
o impose une colostomie iliaque gauche définitive

Toute chirurgie à visée curative obéit aux règles d'exérèse carcinologique :


- lymphadénectomie mésentérique inférieure
- marge rectale distale de 2 cm minimum mesurée sur pièce fraîche
- excision de tout le méso latérorectal jusqu'a la paroi pelvienne
- excision de la totalité du mésorectum postérieur (TME)
- respect des nerfs pelviens si pas de contre indication carcinologique

La prise en charge multidisciplinaire des cancers du bas rectum associée aux


nouvelles techniques de dissection du sphincter (résection inter-sphinctérienne) a transformé
les indications de conservation sphinctérienne de ces tumeurs.

9.2. La chimiothérapie adjuvante

9.2.1. Dans le cancer du côlon

L’association de 5-Fluorouracil (5-FU) et d’acide folinique (agent potentialisant le 5-


Fluorouracil) :FUFOL augmente la survie des patients qui ont un envahissement
ganglionnaire sur la pièce d’exérèse. Le bénéfice est de 5 % de gain de survie en plus. Cette
chimiothérapie est délivrée en ambulatoire par cure de 5 jours consécutifs toutes les 3
semaines pendant 6 mois. C’est un traitement obligatoire, un standard. L’oxaliplatine a
actuellement une AMM dans cette situation, associé au FUFOL et permet encore une
réduction des récidives.

9.2.2. Dans le cancer du rectum

La chimiothérapie postopératoire seule n’a pas d’efficacité.

9.3. La radiothérapie plus ou moins chimiothérapie associée

9.3.1. Dans le cancer du côlon

Les cancers à extension postérieure, antimésentérique survenant sur le côlon fixé (côlon droit,
côlon gauche) ont un risque de récidive locale voisin de 10 %. La radiothérapie n’a pas fait
l’objet d’étude comparative, elle est discutée au cas par cas.

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9.3.2. Dans le cancer du rectum

• Avant l’intervention. La radiothérapie préopératoire réduit de 2/3 le risque de récidive


locale (30 % à 10 %), c’est un traitement standard lorsque la tumeur franchit la paroi
digestive ou envahit les ganglions à l’écho-endoscopie.
• Après l’intervention, les patients porteurs de cancers pT3 ou pTxN+ peuvent
bénéficier d’une radiochimiothérapie postopératoire associée à une chimiothérapie
additionnelle de 4 cures de 5-FU et acide folinique.
• La morbidité du traitement postopératoire et ses conséquences sur la continence
doivent lui faire préférer le traitement préopératoire.

10. Le traitement du CCR métastatique

10.1. La chirurgie

10.1.1. Côlon et rectum

• Métastases hépatiques synchrones de la tumeur primitive :


o chirurgie de la tumeur et chirurgie hépatique si l’état général du patient le
permet ou si le geste peut être carcinologique et non morbide.
o Dans les autres cas, une chirurgie en deux temps apparaît plus sûre : chirurgie
de la tumeur primaire, chimiothérapie puis chirurgie des métastases.
• Métastases métachrones :
o la chirurgie est le seul traitement curatif des métastases hépatiques ou
pulmonaires des CCR, elle assure 25% de guérison.
o La mortalité opératoire est inférieure à 5 %
o Les facteurs pronostiques des métastases hépatiques des CCR sont :
 L’envahissement ganglionnaire du pédicule hépatique
 Le nombre de métastases (> 4)
 La taille des métastases (> 5 cm)
 Un intervalle libre de moins de 12 mois
 Une résection incomplète (< 1 cm)
 ACE préopératoire > 200

10.1.2. Rectum

Il ne faut pas sous estimer le contrôle loco-régional car ce sont des tumeurs qui peuvent
évoluer lentement et dont les métastases, surtout hépatiques, sont susceptibles de bénéficier
d’un traitement à visée curative. Dans ce dernier cas, le traitement de la tumeur primaire est
réalisé de la même façon que pour une tumeur non métastatique.
En cas de métastases inextirpables, l'objectif du traitement est d'améliorer le confort par une
exérèse tumorale non mutilante, ou à défaut par des traitements locaux palliatifs.

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10.2. La chimiothérapie

10.2.1. Après résection chirurgicale de métastases

Elle n’a pas fait la preuve de son bénéfice sur la survie. Elle peut être discutée car certaines
études récentes ont évoqué sont intérêt.

10.2.2. Sur les métastases non chirurgicales

Les acquis sont les suivants :


• la chimiothérapie allonge la survie quand elle est comparée à l’absence de traitement
spécifique
• l’association 5-FU et acide folinique augmente la médiane de survie de 5 mois avec 5-
FU seul, à 12 mois avec association 5-FU et acide folinique
• l’irinotecan ou l’oxaliplatine ajouté au 5-FU et acide folinique augmentent la médiane
de survie à 20 mois. Récemment, les substances anti angiogéniques comme le
Bevacizumab se sont révélées très actives et l’on attend une médiane de survie de 24-
25 mois.
Il convient donc de ne pas exclure de la chimiothérapie des patients métastatiques non
chirurgicaux car elle allonge leur survie et d’autre part, chez quelques uns, elle permet, par la
réduction tumorale, d’envisager une chirurgie d’exérèse secondaire des métastases.

11. La surveillance

Elle vise à dépister une récidive pour laquelle l’efficacité du traitement est telle qu’elle est
susceptible d’augmenter la survie des patients surveillés. Il est à noter que 75 % des rechutes
surviennent dans les 3 premières années.

11.1. Les moyens

• la clinique : symptômes, toucher rectal, recherche de gros foie, de ganglions sus-


claviculaires
• la biologie : dans 80 % des cas de CCR, la cellule cancéreuse secrète une protéine à un
taux anormal, l’ACE. L’augmentation de l’ACE peut constituer un élément de
surveillance. Mais les récidives métastatiques pulmonaires ou ganglionnaires
n’élèvent que rarement l’ACE.
• les examens radiologiques visant à dépister les métastases : échographie abdominale,
radiographie pulmonaire
• la coloscopie vise à rechercher un deuxième primitif dans le côlon (jusqu’à 4 %)

11.2. Les résultats

Il n’est pas prouvé en terme de bénéfice en survie que la surveillance soit utile. Si elle est
proposée à tout le moins, la faire chez les patients opérables et la faire simple. Par exemple,
tous les 6 mois : ACE, radio pulmonaire, échographie pendant 2 ans puis une fois par an
jusqu’à la 5ème année.

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Seule la coloscopie doit être faite un an après la chirurgie ou immédiatement après la


chirurgie si elle n’est pas été faite en totalité avant l’intervention, elle est refaite tous les 5 ans
si la précédente est normale.

12. Le dépistage de masse

12.1. Les moyens

l’Hemoccult met en évidence la présence de sang dans les selles. Il est positif chez 2 % des
sujets de plus de 45 ans
La sigmoïdoscopie ou la coloscopie, moyen idéal mais très cher, non adapté à un dépistage de
masse

12.2. Chez qui ?

Chez tout homme ou femme appartenant au groupe à risque moyen (voir chapitre 2), à partir
de 45 ans et jusqu’à 65-70 ans.

12.3. Les résultats

Dans trois études, la mise en place d’un dépistage par Hemoccult répété tous les 2 ans a
montré une réduction significative des décès par CCR.
Dans ces trois études, il a été montré que pour être efficace, le dépistage doit entraîner
l’adhésion d’au moins 60 % de la population cible.
L’implication des médecins généralistes est très importante dans la réalisation des campagnes
de dépistage du cancer colorectal.

13. Le dépistage dans les groupes à risque élevé ou très


élevé

13.1. Apparentés au premier degré d’un malade atteint de


cancer avant 60 ans

- coloscopie à partir de 45 ans ou 5 ans avant l’âge du cas index. A répéter tous les 10
ans ?

13.2. Suspicion d’appartenance à un groupe à risque très


élevé

- prendre l’avis d’un spécialiste d’oncogénétique, pour deux raisons majeures :


- l’affirmation de cancer familial est complexe
- la prise en charge et l’information sont délicates

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Tumeurs cutanées, épithéliales et mélaniques


(149)
E. Cabarrot
Mai 2006 (Mise à jour mai 2006)

Objectifs :

Diagnostiquer une tumeur cutanée, épithéliale ou mélanique


Argumenter l’attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient

1. Tumeurs cutanées épithéliales

Les cancers épithéliaux de la peau se développent à partir des kératinocytes de l’épiderme, ce


qui exclut les tumeurs des annexes pilo-sébacées et tumeurs rares (dermatofibrome, tumeur de
Merckel, métastases cutanées). Ce sont les cancers les plus fréquents dans les deux sexes. Ils
surviennent préférentiellement, chez les sujets de plus de 60 ans et sur les zones exposées au
soleil, qui est le principal facteur étiologique. Le traitement des cancers infiltrants est local par
la chirurgie et/ou par radiothérapie. Les métastases sont exceptionnelles et le pronostic est
excellent.

1.1. Diagnostic

1.1.1. Les aspects cliniques

Les tumeurs cutanées ont un aspect polymorphe, selon qu’il s’agit de lésions pré-cancéreuses
(kératoses), de cancers intra-épidermiques (maladie de Bowen), ou infiltrants.

1.1.1.1. Kératoses actiniques

L’aspect des kératoses est variable: ce sont de plaques mal limitées, parfois grises, jaunes et
kératinisé, parfois érythémateuses et micro-ulcérées, recouvertes de squames ou de croûtes.
Les kératoses évoluent lentement sur les zones photo-exposées, le front, les tempes, le crâne
des chauves, le pavillon des oreilles, le dos des mains et des bras.

10 à 25 % des kératoses actiniques se transforment en cancer in situ, puis en cancer infiltrant.


Les signes de malignisation sont l’apparition d’un bourrelet induré, d’une ulcération, d’une
rougeur excessive, ou d’une kératinisation en corne. Toute modification d’une kératose
actinique impose une biopsie ou l’exérèse chirurgicale.

Les cornes cutanées sont des formations de kératine dures, plus ou moins surélevées, brunes et
reposant sur une base érythémateuse. L’exérèse de ces cornes est toujours indiquée, car
l’examen histologique montre une fois sur deux, un épithélioma spinocellulaire sous-jacent.

1.1.1.2. Maladie de Bowen

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La maladie de Bowen est un cancer intra-épidermique (in situ). L’aspect est une plaque rouge,
irrégulière, recouverte de fines squames. La lésion s’élargit lentement. Les localisations sont
multiples dans un tiers des cas. Le risque de transformation en cancer spinocellulaire infiltrant
est de 3 à 5 %.

La maladie de Bowen survient le plus souvent au-delà de 60 ans. Les causes favorisantes sont
l’irradiation solaire, l’intoxication aux composés de l’arsenic, le virus du papillome humain
(HPV) dans un contexte d’immunodépression (greffés rénaux). Des localisations muqueuses
sont possibles (vulve et gland). Pour certains, la maladie de Bowen serait le marqueur d’un
cancer profond abdominal ou uro-génital ; mais ce fait est contesté.

1.1.1.3. Cancer basocellulaire

Le cancer basocellulaire de la peau est la tumeur humaine la plus fréquente dans les deux
sexes. L’évolution est très lente, le pronostic excellent.

L’aspect clinique est très variable :


• la lésion typique est un nodule cutané surélevé siégeant sur la face, le cou, le décolleté.
En relief par rapport à la peau avoisinante, le nodule a un aspect translucide imitant
une perle avec de fines télangiectasies. Souvent, une fine croûte recouvre l’ulcération
néoplasique, qui saigne après son ablation. Dans cette forme ulcéro-bourgeonnante, on
trouve sur le bourrelet périphérique, l’aspect perlé caractéristique.
• les variantes cliniques sont multiples :
o le cancer basocellulaire tatoué se présente comme une papule pigmentée par
points,
o un cancer sclérodermiforme a un aspect de cicatrice fibreuse indurée.
L’extension profonde est plus importante que la partie visible ;
o l’ulcus rodens est une ulcération maligne, térébrante, creusant la peau du nez,
du front, des oreilles, des sillons péri-auriculaires.

Devant toute lésion atypique et persistante de la peau, il faut penser à un cancer cutané,
rechercher les signes caractéristiques (aspect perlé, télangiectasies, siège en zone découverte,
association à des kératoses), et en cas de doute proposer une biopsie.

1.1.1.4. Cancer spinocellulaire

Les cancers spinocellulaires sont quatre fois moins fréquents que les basocellulaires.
L’évolution est plus rapide et agressive. Des métastases ganglionnaires sont possibles, mais
rares. Les cancers spinocellulaires surviennent après 40 ans, sur des lésions de kératoses
actiniques, plus rarement en peau saine. Le siège est dans 85% la tête, le cou, le dos des mains
et des bras. L’aspect est celui d’une tumeur bourgeonnante, indurée, saignant facilement, avec
un centre ulcéré recouvert de croûtes.

Lorsqu’il se développe sur une kératose ou une maladie de Bowen, les cancers
spinocellulaires sont détectés devant une ulcération, une surélévation, une induration ou un
saignement.

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1.1.2. Méthodes de diagnostic

1.1.2.1. Examen clinique

L’anamnèse recherche les facteurs de risque des tumeurs cutanées :

1.1.2.1.1. Irradiation solaire

L’irradiation solaire est le facteur essentiel, qui explique la fréquence dans certaines
professions (marins, agriculteurs, maçons) et chez les personnes vivant en montagne, ou près
de l’équateur. Les phototypes sensibles sont les sujets à peau claire aux yeux bleus ou verts,
ceux ayant des phanères blonds, roux, des éphélides et au maximum les albinos. Le degré de
pigmentation et la fréquence des coups de soleil déterminent le phototype, dont il faut tenir
compte pour la prévention (tableau1)

Phototype Caractéristiques

I Brûle toujours et ne se pigmente jamais


II Brûle toujours, mais se pigmente légèrement
III Brûle de temps en temps et se pigmente toujours
IV Ne se brûle jamais et se pigmente toujours
V Peau basanée (asiatiques, indiens)
VI Noirs

Tableau 1 – Description des phototypes humains

Les méditerranéens sont protégés par la pigmentation naturelle de la peau. Les cancers
épithéliaux sont exceptionnels chez les noirs, rares chez les Asiatiques.

1.1.2.1.2. Age.
L’incidence des cancers de la peau augmente avec l’âge, car le risque est cumulatif et
proportionnel au nombre des expositions et à leur intensité. L’exposition intense des enfants et
les coups de soleil expliquent l’augmentation de la survenue chez les sujets plus jeunes.

1.1.2.1.3. Autres étiologies

• l’exposition aux hydrocarbures aromatiques et aux goudrons de houille. Les


professions exposées sont les travailleurs de l’industrie du pétrole, du charbon et les
mécaniciens.
• l’exposition à l’arsenic et aux dérivés arsenicaux organiques, retrouvés dans les
pesticides, les désherbants, les produits de tannage.
• l’exposition aux rayons X professionnels ou thérapeutiques. Les cancers surviennent
après un intervalle libre de 10 à 15 ans, et sont précédés de lésions de radiodermite
chronique, ou la peau irradiée a pris un aspect scléreux blanchâtre, ou érythémateux
avec des télangiectasies.

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• les plaies chroniques et les cicatrices de brûlures, qui peuvent dégénérer tardivement
en cancer spinocellulaire.
• l’immunodépresion après greffes d’organes et les patients HIV positifs. Les cancers
cutanés se développent de manière plus agressive et atypique, avec parfois des
métastases.
• certaines géno-dermatoses constituent des risques majeurs tels l’albinisme, le
syndrome des nævi basocellulaires, le xéroderma pigmentosum. Le xéroderma
pigmentosum est une maladie génétique rare, liée à un déficit des enzymes de
réparation de lésions solaires de l’ADN. Les patients sont atteints dès le jeune âge par
des cancers multiples, souvent graves et récidivants.

1.1.2.2. Le diagnostic est suspecté par l’aspect clinique :

• évolution chronique lentement progressive,


• lésion en général indolore,
• résistance à l’application de topiques locaux
• modification d’une kératose actinique devenue ulcérée ou indurée.
• aspect perlé d’un basocellulaire,
• lésion ulcéro-bourgeonnante d’un spinocellulaire.
• saignement spontané ou après grattage

Les petites lésions doivent être examinées avec une loupe et un bon éclairage à la recherche
d’un aspect perlé, d’une micro-ulcération.

1.1.2.3. Le diagnostic est affirmé par l’examen histologique


après biopsie

La biopsie excisionnelle est l’ablation totale d’une lésion de petite taille et lorsque la laxité
cutanée permet une suture immédiate. L’exérèse est effectuée sous anesthésie locale, au
bistouri à lame, au-delà des limites macroscopiques. La plaie est suturée par approximation.
La biopsie excisionnelle est à la fois une méthode de diagnostic et de traitement.

La biopsie incisionnelle est proposée pour les tumeurs trop larges pour être enlevée par une
biopsie excisionnelle. Elle s’effectue avec une pince à biopsie, ou un bistouri, sur la berge de
l’ulcération ou du bourgeonnement.

La biopsie au trocart est adaptée à des lésions planes, étendues et aux kératoses. Le trocart a
une extrémité tranchante qui découpe une mince rondelle de 3 à 4 mm de peau jusqu’au
derme.

L’examen histologique confirme la malignité, définit le type histologique, et précise la qualité


de la chirurgie.

1.1.3. Diagnostics à éliminer

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L’anamnèse et l’aspect clinique identifient assez facilement les lésions inflammatoires


(bourgeon charnu), les tumeurs bénignes (molluscums, adénomes), les verrues vulgaires et
séborrhéiques, les nævi.

Le kérato acanthome est un nodule cutané surélevé, en forme de cratère, avec un bourrelet
périphérique entourant une dépression, remplie d’un bouchon de kératine filamenteuse brune.
La lésion se développe rapidement en 1 à 3 mois, sur des zones exposées au soleil, et régresse
spontanément. L’exérèse chirurgicale est recommandée, dans les diagnostics difficiles avec un
carcinome spinocellulaire.

Les mélanomes achromiques peuvent en imposer pour un carcinome spinocellulaire


bourgeonnant, et à l’inverse certains cancers basocellulaires sont tatoués. Il ne faut pas
confondre un basocellulaire sclérodermiforme et une cicatrice hypertrophique ou chéloïde.
Dans tous les cas douteux, une consultation spécialisée et/ou une biopsie établissent le
diagnostic définitif.

1.2. Traitement

1.2.1. Prévention

La prévention primaire passe par l’éducation du public sur les risques d’une exposition solaire
excessive. Les recommandations sont les suivantes :
• la protection solaire de la peau pour l’ensemble de la population et plus fortement pour
les personnes ayant un phototype à risque,
• l’exposition progressive au soleil en début de vacances,
• le port de vêtements légers et de chapeaux,
• l’application renouvelée de crèmes de protection solaire avec un coefficient de
filtration des rayons UV en fonction du phototype,
• la limitation de l’exposition des enfants, plus particulièrement en milieu de journée et
en surface réverbérante (plage, navigation, randonnée et ski de montagne).

La prévention secondaire est un aspect essentiel de la prise en charge des cancers cutanés. Il
est recommandé au patient traité pour un premier cancer, une auto surveillance et un examen
médical périodique de tout le revêtement cutané. Des photographies permettent de surveiller
les personnes ayant des kératoses ou des lésions cutanées multiples. Les kératoses doivent être
traitées avant leur transformation en cancers invasifs.

1.2.2. Méthodes

1.2.2.1. La cryothérapie et la cryochirurgie


Ces méthodes dermatologiques utilisent le froid (produit par l’azote liquide) pour la
destruction des tumeurs cutanées superficielles. Le contrôle histologique n’étant pas possible,
la surveillance post-thérapeutique doit être stricte.

1.2.2.2. La chirurgie

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L’exérèse de la lésion doit se faire en limites saines, avec une marge suffisante (minimum 5
mm). La perte de substance cutanée est réparée par suture, et pour les vastes tumeurs par
greffe, par lambeau local ou à distance. La qualité de l’exérèse est contrôlée par l’examen
histologique de la pièce opératoire, ou en extemporané. Si elle se révèle insuffisante, une
reprise chirurgicale ou plus rarement une radiothérapie, est justifié
Pour un cancer de type sclérodermiforme, ou pour une récidive, l’exérèse chirurgicale est
contrôlée par de multiples prélèvements, analysés en extemporané (chirurgie micrographique
de Mohs).
Les traitements par électrocoagulation, ou par vaporisation laser, peuvent être utilisés dans les
kératoses et les carcinomes in situ, mais sauf cas particuliers, ils ne sont pas recommandés
dans les cancers infiltrants, par absence de contrôle histologique de la destruction tumorale.

1.2.2.3. La curiethérapie interstitielle


La curiethérapie (ou brachythérapie) est une technique de traitement, par implantation dans la
tumeur de fils radioactifs d’iridium 192. Ce traitement nécessite une hospitalisation de
quelques jours en chambre protégée.

1.2.2.4. La radiothérapie
L’électron thérapie utilise les électrons émis par un accélérateur de particules, dont la
propriété est d’être rapidement absorbés par les tissus et de réduire l’irradiation des tissus
sous-jacents.. L’électron thérapie est indiquée dans les cancers largement étendus en surface.
La dose est de 60 à 70 Gy en 6 à 8 semaines.
La radiothérapie superficielle (de contact) est moins utilisée depuis l’avènement de la
curiethérapie.
Les tumeurs négligées ou récidivantes ou les loges de curages ganglionnaires sont des
indications de traitement avec les hautes énergies (accélérateur linéaire ou cobaltothérapie).

1.2.2.5. La chimiothérapie

en application locale (pommade à base de 5-fluorouracil), peut être utilisée sur les kératoses
actiniques, sans effets secondaires systémiques.

1.2.3. Indications
Le traitement des kératoses est basé sur la cryothérapie à l’azote liquide. La protection solaire
(chapeau à large bord, crème filtrante), de même que la surveillance par le patient lui-même,
par son médecin, ou un dermatologue, sont des mesures de prévention recommandées.

Les cancers basocelllulaires ont une évolution purement locale, toujours lente. Les atteintes
ganglionnaire ou viscérales sont exceptionnelles. L’exérèse chirurgicale est le traitement le
plus simple et le plus souvent choisi. La curiethérapie est indiquée dans le traitement des
cancers péri-orificiels, les paupières, l’angle interne de l’œil, le nez chez les personnes âgées
ou en cas de récidive après chirurgie. Le traitement des formes infiltrantes ou étendues, tels
que l’ulcus rodens, des cancers sclérodermiformes, relèvent d’une chirurgie large avec
reconstruction, si nécessaire et parfois avec radiothérapie post-opératoire.

Les cancers spinocellulaires évoluent plus rapidement que les basocellulaires. Les rares
métastases ganglionnaires se développent à partir des cancers siégeant sur les narines, le

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pavillon de l’oreille, le conduit auditif externe, les lèvres. Le risque ganglionnaire ou de


métastases pulmonaires devient réel, s’il se produit plusieurs récidives locales. Les options
thérapeutiques des cancers spinocellulaires sont la chirurgie (tumeurs de toute taille et de
toutes localisations avec ou sans adénopathie), la radiothérapie (tumeurs très invasives ou
récidivantes après chirurgie ou si l’option chirurgicale est trop mutilante) ou les 2 méthodes
associées. Un curage ganglionnaire est indiqué en cas d’adénopathie pathologique.

1.2.4. Suivi des patients

1.2.4.1. Pronostic

Les résultats sont excellents avec plus de 95 % de contrôle définitif. Les récidives après un
traitement correct sont inférieures à 5%. Les cancers spinocellulaires, les tumeurs étendues (>
2 cm), et certains sites (nez, sillon rétro-auriculaire, commissure labiale), ont un potentiel
plus élevé de récidive locale, qui impose de renforcer la surveillance post-thérapeutique.

La fréquence des récidives ganglionnaires est faible, environ 1O%, et seulement dans les
cancers spinocellulaires, mais altérant gravement les chances de guérison (taux de survie :
25%).

La moitié des patients traités pour un cancer de la peau présenteront un second cancer primitif,
ce qui impose une longue surveillance. Il en est de même des patients présentant des kératoses
actiniques.

1.2.4.2. Surveillance

L’examen médical comprend :


• l’inspection de la totalité du revêtement cutané et des muqueuses, de la cavité buccale
chez le fumeur et l’alcoolique,
• l’examen des kératoses à la loupe et avec un bon éclairage,
• la palpation des ganglions régionaux dans le suivi d’un cancer spinocellulaire.

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2. Mélanomes malins

Les mélanomes représentent 5 à 10 % des cancers de la peau. Leur incidence en France,


comme dans la plupart des pays occidentaux, a doublé dans les 20 dernières années. Le
diagnostic précoce par l’information de la population, la sensibilisation des médecins, et la
prévention par la protection solaire, sont des actions essentielles dans l’amélioration du
pronostic.

Le mélanome est un cancer développé à partir des cellules pigmentées de la peau, ou


mélanocytes.

Il existe 4 types de mélanomes cutanés :


• le mélanome à extension superficielle (Superficial Spreading Melanoma, SSM). Le
SSM (70 %) présente dans un premier temps une lente extension horizontale et
superficielle, puis une extension verticale avec une infiltration vers le derme.
• le mélanome nodulaire ( Nodular Melanoma, ou NM). Le NM (10 à 15% ) est une
tumeur agressive, envahissant verticalement le derme et les ganglions lymphatiques
• le mélanome sur mélanose de Dubreuilh (Lentigo Malignant Melanoma, LMM). Cette
tumeur (10 à 15 %) survient chez les personnes âgées à partir d’une mélanose, le plus
souvent située sur la pommette ou la tempe.
• le mélanome lentigineux des extrémités (Acral Lentiginous Melanoma, ALM). Cette
tumeur se développe sur la plante et plus rarement sur la paume. Elle présente un
potentiel d’agressivité et d’infiltration des structures sous jacentes.

2.1. Diagnostic

Les patients consultent pour une lésion pigmentée de la peau d’apparition récente ou pour une
modification d’un nævus ancien, qu’il s’agisse d’un prurit, d’un saignement, d’une
excoriation, de l’extension de la lésion ou d’un halo inflammatoire. Plus rarement, le
mélanome est découvert devant une adénopathie cervicale axillaire ou inguinale, ou d’une
métastase, dont le mélanome primitif n’est pas constamment retrouvé.

Le diagnostic de mélanome est évoqué par l’aspect clinique et confirmé par un examen
pathologique

2.1.1. Les aspects cliniques

Les mélanomes sont à différencier des lésions bénignes pigmentées de la peau, nævus bénins,
nævus dysplasiques, nævus dermique, nævus juvéniles, angiomes, cancers basocellulaires
tatoués, etc...

L’examen à la loupe avec une bonne lumière est essentiel pour dépister un mélanome, voire à
l’aide d’un dermatoscope.

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2.1.1.1. Les signes évocateurs de mélanome sont résumés


dans l’ABCDaire :

• A pour Asymétrie
• B pour Bords irréguliers. Un nævus est arrondi ou ovalaire, à bords nets.
• C pour Couleur hétérogène marron clair et foncé, bleu noir ou rose bordé de noir. Les
nævi sont en principe monochrome.
• D pour Diamètre supérieur à 6 mm. Les nævi sont de taille le plus souvent inférieure.

Aucun de ces signes n’est pathognomonique. Le diagnostic est parfois difficile avec les nævi
atypiques, qui peuvent être polychromes et irréguliers. En cas de doute, une biopsie-exérèse
est recommandée, de même pour toute modification d’un nævus, prurit, saignement,
ulcération, changement de couleur ou de taille.

2.1.1.2. Signes des mélanomes à extension superficielle( SSM)

Les SSM surviennent le plus souvent sur un nævus pré-existant, congénital ou non,
récemment modifié. Le SSM s’observe à tout âge, mais il est exceptionnel avant la puberté.
C’est une lésion irrégulière, plane, de couleur beige à brun, avec parfois des zones
dépigmentées, rosées, appelées« zones de régression ». La surface devient nodulaire lorsque la
tumeur est en phase verticale.

2.1.1.3. Signes des mélanomes nodulaires (NM)

Le NM se développe rapidement le plus souvent en peau saine et en zones non exposées,


particulièrement le tronc. Le NM est une lésion saillante, de couleur noire ou brune foncée,
parfois ulcérée en surface et saignante, parfois entourée d’un halo inflammatoire.

2.1.1.4. Signes de la mélanose de Dubreuilh (LMN)

La mélanose survient chez des personnes âgées, de plus de 50 ans, sur la face et précède de 5 à
15 ans l’apparition du mélanome. Il s’agit d’une plaque polychrome, beige ou brune, mince,
s’étalant progressivement sur la pommette, ou la tempe. Le mélanome se traduit par un
épaississement ou un bourgeonnement.

2.1.1.5. Signes du mélanome lentigineux acral (ALM)

L’ALM survient sur la plante des pieds, ou la paume des mains. Le diagnostic est souvent
tardif, devant une pigmentation irrégulière de la peau, une induration, un bourgeonnement ou
une ulcération.

Le mélanome péri-unguéal est à différencier d’un hématome sous-unguéal ou d’un panaris. Il


se présente comme une tâche débordant le lit de l’ongle, vers la matrice où se produit un
bourgeon charnu, rosé ou rouge. Un reflet grisâtre et un débord matriciel brunâtre (signe de
Hutchinson) doivent alerter.

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2.1.2. Méthodes de diagnostic

L’anamnèse doit rechercher les facteurs de risque.


• l’exposition solaire est la cause principale, dont les paramètres ont été confirmés par
de multiples études épidémiologiques.
o un facteur racial (tableau 1) : le mélanome atteint plus souvent les sujets de
race blanche, ayant les cheveux blonds ou roux, les yeux clairs, des éphélides
(phototypes 2 et 3). Les phototypes 4 (méditerranéen), 5 et 6 (métis ou noirs)
développent rarement des mélanomes, sauf au niveau des paumes et des
plantes.
o un facteur géographique : les mélanomes sont plus fréquents dans les pays
proches de l’équateur, en particulier l’Australie. L’étude des migrations de
population a confirmé un risque accru pour les gens de race blanche ayant
migré sous l’équateur.
o un risque cumulatif augmenté par l’intensité de l’exposition, le nombre de
coups de soleil, et une exposition excessive dans l’enfance. Les mélanomes
surviennent sur les zones exposées, particulièrement le dos chez les hommes,
les membres chez les femmes.
• les nævus dysplasiques (jonctionnels) : Les mélanomes peuvent se développer sur un
nævus pré-existant et apparaissent comme un modèle de cancérisation par étapes.
• le nævus pigmentaire géant congénital.
• le mélanome familial a été identifié, mais le risque génétique est rare (4%). Le
syndrome des nævi dysplasiques est une maladie héréditaire à transmission dominante,
ou les personnes présentent des nævi multiples, plats, irréguliers et minces, de
coloration variable.

2.1.3. Le diagnostic est obtenu par une biopsie et un examen


pathologique.

2.1.3.1. Biopsie excisionnelle

La biopsie excisionnelle est l’exérèse de la lésion entière avec une marge minimale de 5 mm
au-delà des limites apparentes de la lésion. La laxité cutanée doit permettre une suture
immédiate.

2.1.3.2. Biopsie incisionnelle

Elle est indiquée pour les lésions pigmentées trop large pour être enlevé par une biopsie
excisionnelle, au scalpel sur la berge de la lésion, ou par trocart (punch-biopsie).

L’examen histologique donne le diagnostic, précise le type histologique, définit les critères du
pronostic.

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2.1.4. Bilan d’extension

Le bilan local comporte des mesures de la tumeur et recherche une ulcération, un aspect
inflammatoire, des métastases en transit (nodules de perméation sur le trajet des voies
lymphatiques) et une adénopathie régionale.

Le bilan d’extension comprend la palpation du foie et des creux sus-claviculaire, un bilan


biologique (FNS, BES, bilan hépatique) et une radiographie pulmonaire. Dans les stades
évolués, le bilan est complété en fonction des troubles, une échographie abdominale, un TDM
du crane et/ou une scintigraphie osseuse. Il n’y a pas en routine de marqueur sérique utile.

2.1.5. Classification

Le mélanome s’étend en surface et en profondeur. Le pronostic est d’autant plus mauvais que
le niveau d’infiltration est élevé. Le meilleur facteur pronostique, l’index de Breslow, est la
mesure au micromètre (exprimée en millimètres) de l’épaisseur maximale de la tumeur.

Les ganglions lymphatiques sont envahis dans environ 20 % des mélanomes. Le risque
d’atteinte lymphatique, corrélé avec l’index de Breslow, débute pour des tumeurs d’épaisseur
supérieure à 0,75 mm et devient important au-delà de 4 mm. Les nodules en transit sont
développés à partir de cellules migrant dans les voies lymphatiques et se présentent comme
des nodules enchâssés dans le derme. Les métastases se localisent dans le poumon, le
cerveau, le foie et plus rarement le squelette, le péritoine ou la plèvre. Le pronostic des
métastases est grave. La médiane de survie est de 7 mois, le taux de survie à un an des patients
métastatiques étant de 25 %.

La classification de l’AJCC (American Joint Committee on Cancer) est la plus utilisée :


• Stade I A : mélanome localisé d’épaisseur inférieure ou égale à 0,75 mm
• Stade I B : mélanome localisé épaisseur comprise entre 0,76 et 1,5 mm
• Stade II A : mélanome localisé épaisseur comprise entre 1,6 et 4 mm
• Stade II B : mélanome localisé épaisseur supérieure à 4mm
• Stade III : métastase(s) ganglionnaire(s) dans le territoire de drainage ou moins de 5
métastases en transit.
• Stade IV :métastase(s) ganglionnaire(s) volumineuse(s), ou fixée(s) à la peau, ou
métastases à distance.

2.1.6. Facteurs pronostiques

Il est essentiel de connaître les facteurs de risque de métastases afin de choisir le traitement
optimal. Les facteurs permettant de définir une maladie de mauvais pronostic sont :
• un indice de Breslow élevé,
• le siège du mélanome primitif sur le tronc ou la tête,
• l’âge supérieur à 40 ans,
• le sexe masculin,
• un index mitotique élevé.
• au stade métastatique, un nombre élevé de sites métastatiques.

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2.2. Traitement

2.2.1. Prévention – Dépistage

La prévention primaire passe par la protection solaire, en évitant les expositions prolongées ou
le bronzage artificiel par les lampes à UV, en protégeant de la peau par des vêtements, un
chapeau, une crème solaire.
Le dépistage précoce, par l’inspection de tout le revêtement cutané, améliore le pronostic qui
est d’autant meilleur dans les formes localisées et superficielles.

2.2.2. Principes du traitement des mélanomes stade I et II A :

2.2.2.1. Exérèse chirurgicale de la tumeur primitive

C’est le traitement de base. Depuis la conférence de consensus de 1995, les marges de sécurité
autour du mélanome sont définies selon le stade :
- marge de 1 cm pour les tumeurs d’épaisseur inférieure ou égale à 1 mm
- marge de 2 cm pour les tumeurs entre 1 et 2 mm
- marge de 3 cm pour les tumeurs d’épaisseur supérieure à 3 mm.

La fermeture cutanée est obtenue par suture directe chaque fois que possible, sinon par une
greffe de peau. ou un lambeau local, myo-cutané ou libre.

2.2.2.2. Curage ganglionnaire :

Pour les patients de stade I et II, (absence de ganglions pathologiques ou N0), le curage de
principe est contre indiqué, car le risque ganglionnaire est faible dans cette situation, et un
essai randomisé (Véronesi) n’a pas démontré d’effets sur la survie.

Le groupe de patients ayant des mélanomes de stade IIA (épaisseur entre 1,5 et 4 mm) est
selon la même étude, celui qui peut bénéficier d’un curage ganglionnaire de principe. La
technique du « ganglion sentinelle » a pour objectif de réduire les séquelles par le repérage du
premier ganglion susceptible d’être envahi, par son prélèvement et son analyse en
extemporané. Si le ganglion sentinelle est indemne, il n’y a pas d’indication à un curage, s’il
est atteint le curage et un traitement adjuvant sont proposés. (Voir thème 141: traitement
chirurgical). Le repérage est effectué par injection de colorant, ou de substance radioactive
résorbée par voie lymphatique.

2.2.3. Principes du traitement des patients de stade II B et


III.

En cas d’adénopathie régionale, un curage ganglionnaire complet est justifié. Le pronostic des
patients avec envahissement ganglionnaire est médiocre, entre 30 et 40 % de survie globale à
5 ans.

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Les options des traitements adjuvants sont les suivantes :


- pas de traitement adjuvant,
- radiothérapie post-opératoire sur le lit de curage ganglionnaire,
- immunothérapie par Interféron (IFN-apha2b),
- mono ou poly chimiothérapie comportant le DTIC.

Une étude randomisée récente (ECOG, 2000) a montré un avantage en termes de survie
globale et sans récidives, pour un groupe de patients de stade IIB N+ et de stade III, traités par
immunothérapie (interféron alpha –2b à hautes doses pendant 1 an). Ces résultats sont à
confirmer. Par ailleurs, il faut tenir compte des effets secondaires de l’Interféron: asthénie,
myélo-toxicité, hépato-toxicité. D’autres études testent des doses faibles d’interféron, en
traitement adjuvant après chirurgie, avec des résultats encourageants.

2.2.3.1. Principes du traitement des patients de stade IV.

Le traitement a une visée palliative avec plusieurs options. Le pronostic reste sombre malgré
des progrès thérapeutiques.

2.2.3.1.1. La chimiothérapie

Le mélanome malin est modérément chimio-sensible. Le médicament le plus actif est la


dacarbazine (Déticène*) avec des taux de réponse de l’ordre de 20%. Les rémissions
complètes sont rares. La fotémustine est une nouvelle drogue (nitroso-urée) pouvant constituer
une alternative au Déticène*.

Les poly chimiothérapies combinent la dacarbazine et d’autres drogues, comme les sels de
platine, la Vincristine*, ou la fotémustine, avec des taux de réponse objective de 40 à 50 %,
sans qu’il soit prouvé en terme de survie globale, une nette supériorité des poly-
chimiothérapies sur les mono-chimiothérapies.

2.2.3.1.2. L’immunothérapie

Deux agents biologiques, l’Interleukine (IL2) et l’Interféron alpha (IFN-alpha), ont montré
une certaine efficacité, avec des taux de réponse en mono thérapie, d’environ 20 %. Ces
médicaments sont utilisés seuls, ou associés à une chimiothérapie. Leur toxicité est
importante. Parmi les nombreux protocoles, la chimio-immunothérapie (IL2/CDDP) semble
montrer de meilleurs taux de réponses objectives et davantage de réponses complètes et
prolongées (10 %) que l’immunothérapie seule.

2.2.3.1.3. La chirurgie des métastases

La résection chirurgicale de métastases du foie, ou du cerveau, ou du poumon, est indiquée


devant une localisation unique, de croissance lente et survenant après un intervalle long.

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2.2.3.1.4. Place de la radiothérapie

La radiothérapie a un rôle essentiellement palliatif pour le traitement de récidive locale, de


métastases en transit, ou de métastases non opérables (cerveau).

2.2.4. Suivi des patients

2.2.4.1. Résultats
Les taux de survie à 5 ans sont corrélés aux stades de la classification AJCC :
- Stade I, entre 95 et 100 %.
- Stade II, entre 70 et 80 %.
- Stade III, entre 30 et 40 %.
- Stade IV, inférieurs à 5 %.

Pour une majorité de patients atteints de mélanomes localisés (stade I et II), et à un degré
moindre pour ceux en évolution ganglionnaire (stade III), la chirurgie et un traitement
adjuvant approprié peuvent garantir une survie sans rechute acceptable.

Au stade métastatique, le mélanome malin reste une maladie grave, 90 % des malades sont
décédés à 3 ans.

2.2.4.2. Objectifs de la surveillance

Dépister une récidive locale ou ganglionnaire accessible à un traitement chirurgical.


Dépister un second mélanome malin.

Eduquer les membres de la famille du patient atteint, en vue d’une prévention primaire et de
la protection solaire.

Traiter les effets iatrogènes, en particulier le lymphoedème des membres inférieurs fréquents
après curage inguinal.

Le dépistage précoce des métastases est décevant en l’absence de traitement efficace.

2.2.4.3. Modalités de la surveillance

- Patients de stade I : surveillance clinique locale, ganglionnaire, et de l’ensemble du


revêtement cutané tous les 6 mois pendant 2 ans; puis tous les ans et à vie (récidives
tardives).
- Patients de stade II et III : surveillance clinique trimestrielle pendant un an,
semestrielle pendant deux ans, puis annuelle.
- Les examens complémentaires ne sont prescrits qu’en fonction des signes d’appel
(conférence de consensus)

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Tumeurs de l’estomac (150)


F.Guillemin (Nancy), R.Bugat (Toulouse)
Mai 2006 (mise à jour mai 2006)

1. Introduction

La symptomatologie du cancer de l’estomac ne devient suggestive que lorsque la lésion est


déjà évoluée. Il convient donc de prescrire une endoscopie même pour des symptômes vagues
et relativement banals.

2. Epidémiologie

Dans certains pays comme le Japon, la fréquence élevée de la maladie justifie un dépistage de
masse (transit baryté, puis endoscopie). En France, le cancer de l’estomac a vu son incidence
décroître ces dernières décennies, probablement en rapport avec le mode de conservation des
aliments par le froid et une alimentation plus riche en légumes et fruits frais. Les cancers de
l’estomac représentent 6 à 7% des causes de décès par cancer. Il n’y a pas de dépistage de
masse ; on devra donc porter un diagnostic précoce.
Au début du XXe siècle, la localisation distale était prédominante, actuellement, c’est la
localisation proximale qui est le plus souvent rencontrée.
Le cancer de l’estomac touche deux fois plus souvent les hommes que les femmes. L’âge
moyen de survenue se situe entre 45 et 65 ans.

3. Facteurs de risque

Les facteurs prédisposant connus sont l’Anémie de Biermer, la gastrite atrophique, la


métaplasie intestinale, la maladie de Ménétrier, la gastrectomie sub-totale, les polypes
gastriques. L’ulcère gastrique, longtemps considéré comme faisant le lit du cancer, est
probablement une éventualité rare.
La dysplasie est un état précancéreux de découverte fortuite, précédant la forme superficielle
du cancer. L’infection à hélicobacter pylori, associée à un ulcère, est une cause reconnue de
cancer de l’estomac et justifie un traitement antibiotique qui peut être remarquablement
efficace.

4. Clinique

Le développement du cancer de l’estomac se fait de manière insidieuse. Le diagnostic n’est


cliniquement évoqué que devant des signes non spécifiques témoignant d’une maladie
avancée : anorexie, dégoûts des viandes, amaigrissement, asthénie, pâleur et teint paille,
tumeur palpable, ascite.

Pour porter un diagnostic précoce, on attachera une grande importance à une dyspepsie
d’apparition récente et qui a tendance à s’accentuer. Des symptômes fonctionnels comme une
pesanteur épigastrique, un inconfort prandial ou post-prandial, une baisse de l’appétit, une

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tendance aux éructations avec parfois pyrosis, une digestion lente, devront être pris en
compte. Les phénomènes douloureux à type de crampes épigastriques post-prandiales dont on
ne retrouve pas la périodicité classique de la maladie ulcéreuse doivent alerter autant qu’une
symptomatologie typique d’ulcère.

Le siège du cancer peut avoir une traduction particulière.


• Une dysphagie progressive avec régurgitations et hoquet évoque une localisation oeso-
cardiale.
• Un syndrome de sténose pylorique évoque une localisation antro-pylorique (50% des cas).

Le cancer peut se révéler par une complication :


• Hémorragique, révélée par une anémie hypochrome ou plus rarement par une hématémèse
ou un melæna.
• Péritonite par perforation en péritoine libre ou cloisonné.

Le cancer peut se révéler par son extension régionale ou métastatique :


• Hépatomégalie (foie marronné)
• Ascite, nodule de carcinose péritonéale perçu dans le cul-de-sac de Douglas, au TR
• Tumeur de Krükenberg (métastase ovarienne)
• Tumeur épigastrique, ganglion de Troisier, ganglion axillaire gauche

Les syndromes paranéoplasiques sont rares. On citera l’Acanthosis nigricans et les syndromes
ichtyosiformes, la diarrhée ou le syndrome carcinoïde des tumeurs neuro-endocrines.

5. Diagnostic positif

L’examen clef du diagnostic est l’endoscopie. L’aspect macroscopique peut être ulcéreux,
végétant, le plus souvent ulcéro-végétant. Le caractère irrégulier de la lésion, le saignement
spontané ou au contact sont des signes très évocateurs. Une infiltration donne une rigidité plus
ou moins étendue de la paroi, une muqueuse irrégulière aux plis épais. En pratique, tout
aspect anormal de la muqueuse doit être biopsié. Les biopsies doivent être nombreuses,
profondes, dirigées sur l’anomalie principale et à distance.

L’anatomie pathologique décrira le plus fréquemment un adénocarcinome (95% des cas), on


en précisera le type et le grade. Le stade dans la classification TNM constitue le principal
facteur pronostique. Certains paramètres susceptibles d’affecter le pronostic peuvent être
enregistrés : l’ACE, l’expression de p53, la ploïdie, la phase S.

Les lymphomes sont rares, mais ils sont devenus relativement plus fréquents et ont un
traitement chimiothérapique. Les lymphomes MALT (mucosa-associated lymphoid tissue)
guérissent par antibiothérapie dirigée contre H. Pylori.

Des biopsies négatives ne doivent pas être prises en compte dès que l’on suspecte un cancer ;
l’examen doit être recommencé.

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6. Bilan d’extension

Une fois posé le diagnostic de cancer de l’estomac, l’écho-endoscopie permet d’apprécier :


• l’infiltration pariétale : épithélium, lamina propria, sous-muqueuse, musculeuse, sous-
séreuse, séreuse
• l’extension par contiguïté : mésos, épiploon, côlon, pancréas, rate, voies biliaires...
• l’atteinte ganglionnaire proximale et à distance (coeliaque, para-aortique, pédicule
hépatique).

Au cours de cet examen, on peut pratiquer une cytoponction sur une adénomégalie.

Cependant, le scanner est plus performant pour l’imagerie des ganglions distaux.

La tomodensitométrie abdomino-pelvienne apporte des informations sur l’extension


locorégionale et métastatique. L’échographie hépatique et la radiographie pulmonaire
recherchent systématiquement des métastases. Les autres localisations métastatiques ne sont
recherchées que sur signe d’appel. Le transit baryté peut donner une information
topographique utile au chirurgien.

L’ascite très évocatrice d’une atteinte péritonéale est souvent absente. Quand elle existe une
paracentèse permet une étude cytopathologique.

La laparoscopie permet une exploration précise de la cavité abdominale pour identifier des
nodules tumoraux et faire un lavage péritonéal pour une étude cytopathologique. Une atteinte
péritonéale contrindique l’exérèse chirurgicale. De petites métastases hépatiques superficielles
passées inaperçues au scanner peuvent être visualisées.

Le dosage du marqueur CA-19.9 n’est pas utile au diagnostic. Il permet seulement de suivre
l’efficacité du traitement s’il était élevé avant traitement.

Les prélèvements bactériologiques à la recherche d’Hélicobacter pylori seront systématiques.


Il n’y a plus de place pour l’épreuve thérapeutique antiulcéreuse. En tout état de cause, les
traitements symptomatiques doivent être courts et en cas d’efficacité incomplète doivent
inciter à réaliser une endoscopie.

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Diagnostiquer une tumeur de foie primitive et


secondaire (151)
Michel RIVOIRE (Département de Chirurgie, Centre Léon Bérard, Lyon)
Décembre 2005 (mise à jour décembre 2005)

1. Diagnostic d’une tumeur primitive du foie

Le Carcinome hépatocellulaire (CHC) est la tumeur solide la plus fréquente dans le monde. Il
est responsable de plus d’un million de morts par an. Son traitement est difficile, les résultats
sont décevants. Il survient le plus souvent sur une cirrhose qui limite les options
thérapeutiques et est responsable d’une forte morbidité.

Le CHC est trop souvent découvert à un stade tardif quand il devient symptomatique. Il
échappe donc en règle générale à tout traitement à visée curative, et très souvent aucun
traitement ne pourra être proposé.

1.1. Epidémiologie et étiologie

Le nombre de nouveaux cas annuels mondiaux de CHC est supérieur à un million.


L’incidence augmente avec l’âge et est 4 à 8 fois supérieur chez l’homme par rapport à la
femme. Ce cancer est associé de manière certaine avec les maladies hépatiques chroniques. Sa
répartition mondiale calque celle de l’hépatique virale B c’est à dire l’Asie du sud-est et
l’Afrique tropicale. Les pays où il existe une infection endémique par le virus de l’hépatite C,
comme le Japon et l’Italie, présentent également un fort taux de CHC. Les études
épidémiologiques ont clairement démontré le lien étiologique entre les infections par le virus
de l’hépatite B ou de l’hépatite C et le CHC.

Des facteurs chimiques ont aussi été associés à la survenue du CHC au premier rang desquels
l’alcool, mais aussi les nitrites, les hydrocarbures, les pesticides… Parmi les autres facteurs
étiologiques, il faut noter l’aflatoxine qui est produite par des champignons contaminant les
arachides et autres graines, et des causes congénitales comme l’hémochromatose, le déficit
congénital en alpha 1 antitrypsine, les glycogénoses de type 1…

1.2. Anatomie pathologique

Sur le plan macroscopique, en fonction des rapports avec le parenchyme hépatique de


voisinage, on distingue des CHC à développement extra hépatique appendus à la surface du
foie par un pied vasculaire, des CHC encapsulés qui repoussent en périphérie les structures
vasculaires du foie de voisinage et les CHC infiltrants qui envahissent rapidement les
structures vasculaires de voisinage. Cette classification à des implications sur le plan de
l’aspect radiologique et sur le plan thérapeutique. Sur le plan microscopique, en fonction du
degré de différentiation on distingue des CHC bien, moyennement ou peu différencié. Cette
classification n’a pas de valeur pronostique. Il faut individualiser le CHC fibrolamellaire qui
est toujours encapsulé. Il est de meilleur pronostic et survient chez des adultes jeunes ne
présentant pas de cirrhose et ayant un taux d’alpha foetoprotéïne (AFP) normal.

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1.3. Circonstances de découvertes

Le foie est masqué par le rebord chondro-costal, seuls les CHC de taille importante peuvent
être découverts à l’examen clinique. Par ailleurs, la réserve fonctionnelle hépatique est
suffisante pour masquer pendant longtemps les perturbations biologiques produites par le
CHC. Le plus souvent les CHC de petites tailles sont asymptomatiques. Ils peuvent être
découverts lors d’examen de dépistage ou par hasard lors d’une échographie ou d’une
tomodensitométrie abdominale.

La plupart des CHC découverts sur des signes cliniques sont de taille très importante. Le
patient peut présenter des douleurs de l’hypochondre droit avec une irradiation dans l’épaule.
L’examen clinique peut percevoir le bord antérieur du foie dur et irrégulier en raison de la
tumeur et de la cirrhose associée.

Le patient peut présenter des signes généraux d’une affection cancéreuse évoluée à type
d’asthénie, d’anorexie, et d’amaigrissement et de nausée. La fièvre est un symptôme fréquent.
Elle est expliquée par la nécrose centrale survenant dans une tumeur de taille importante.

Très souvent la première manifestation du CHC est une décompensation de la cirrhose sous
jacente. Il peut s’agir d’un ictère, d’une ascite, ou d’une encéphalopathie. Elle est expliquée
par l’augmentation de taille de la tumeur qui remplace le parenchyme cirrhotique ou
l’obstruction d’une branche de la veine porte par un thrombus tumoral.

Le CHC peut également être diagnostiqué à l’occasion d’une hémorragie par rupture de
varices oesophagiennes ou en rapport avec une cause gastrique (ulcère, gastrite hémorragique,
envahissement direct par la tumeur).

La complication la plus brutale et la plus grave est la survenue d’une hémorragie intra
péritonéale par rupture tumorale. C’est une circonstance révélatrice du CHC chez 2 à 5% des
patients. Le diagnostic est habituellement fait lors de l’intervention chirurgicale réalisée en
urgence.

Un ictère survient chez plus de 50% des patients. Il est le reflet d’une insuffisance hépatique
souvent gravissime et au delà de toute possibilité thérapeutique. Dans 10% des cas, il peut
être du à une obstruction biliaire par compression tumorale, une hémobilie, ou d’un bourgeon
tumoral endo-biliaire. Ces situations doivent être reconnues car elles permettent de proposer
au patient un traitement à visée palliative.

Dans 5% des cas le CHC est responsable d’un syndrome paranéoplasique du type
hypoglycémie, hypercalcémie, hypercholestérolémie…

1.4. Examen complémentaires à visée diagnostique

Chez les patients suspects d’être porteurs d’un CHC les examens complémentaires ont pour
objectifs : la confirmation du diagnostic, le bilan d’extension de la maladie et l’évaluation de
la valeur fonctionnelle hépatique résiduelle.

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1.4.1. Confirmation du diagnostic :

Le diagnostic de CHC peut être fait sur l’histoire clinique, l’examen, l’imagerie et la biologie.
L’association d’une masse hépatique évoquant un CHC au scanner ou à l’IRM et d’un taux
d’AFP supérieur à 500 nanogrammes par litre suffit pour poser le diagnostic de CHC et pour
mettre en route un traitement. La présence d’une cirrhose ou d’antécédents d’hépatite virale
documentés par des sérologies virales positives sont des éléments importants.

Si une tumeur hépatique suspecte sur une échographie ou une tomodensitométrie est associée
à un AFP sérique normal ou élevé de manière insuffisante pour pouvoir affirmer le diagnostic,
il faut discuter de l’intérêt d’une biopsie à l’aiguille ou d’une ponction cytologique. La
biopsie à l’aiguille permet de faire le diagnostic de CHC mais elle peut être responsable
d’hémorragie, de rupture tumorale ou rarement de dissémination tumorale sur le trajet de
ponction.

La biopsie à l’aiguille est recommandée en cas de doute diagnostic important pour une lésion
qui serait opérable s’il s’agissait d’un CHC. Dans ce cas, il faut réaliser dans le même temps
une biopsie du foie non tumoral pour diagnostiquer une éventuelle cirrhose et préciser sa
gravité.

Si le patient n’est pas candidat à un geste chirurgical, mais pourrait bénéficier d’un traitement
palliatif, on peut réaliser une ponction de la tumeur pour examen cytologique. Cet examen à
une sensibilité égale à celle de la biopsie à l’aiguille pour le diagnostic de CHC.

Si aucun traitement palliatif n’est envisageable, la biopsie ou la ponction pour examen


cytologique ne présentent pas d’intérêt pour le patient.

1.4.2. Détermination de l’extension de la maladie

Il faut répondre à 2 questions :


• la tumeur est-elle limitée au foie ?
• l’extension intra-hépatique de la tumeur permet-elle d’envisager une résection
chirurgicale ?

1.4.2.1. Les sites métastatiques

Les plus fréquents sont les poumons, le péritoine, les glandes surrénales, et les os. Il convient
donc de réaliser de manière systématique une radiographie pulmonaire et un scanner
thoracique et abdomino-pelvien. Si une intervention chirurgicale est envisagée ou s’il existe
des douleurs osseuses il convient également de réaliser une scintigraphie osseuse. La
découverte d’une extension extra-hépatique aggrave sévèrement le pronostic du patient et
contre-indique tout geste de résection chirurgicale.

1.4.2.2. L’étendue de l’atteinte hépatique

Elle est habituellement déterminée par le scanner hépatique tri-phasique : images sans
contraste, à la phase artérielle et à la phase portale. Le CHC apparaît généralement comme
une tumeur hyper-vasculaire qui devient isodense au parenchyme de voisinage lors de la

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phase portale. Parfois, il n’est visible que sur les images sans produit de contraste. Il faut
déterminer le nombre et la localisation des tumeurs, rechercher une atteinte vasculaire et la
présence d’un thrombus tumoral intra-porte. Si un tel envahissement est suspecté, on peut
réaliser un écho-doppler couleur ou une imagerie par résonance magnétique nucléaire (IRM).
Dans certains cas, on peut avoir recours à une artériographie avec injection de Lipiodol et
TDM 10 à 15 jours plus tard. C’est un examen très sensible pour la détection des petits CHC,
il est cependant de moins en moins pratiqué du fait de l’augmentation de la qualité des images
TDM ou d’IRM.

1.4.3. Evaluation du patient

Evaluation de la valeur fonctionnelle hépatique résiduelle et de l’état général du patient

1.4.3.1. L’état cardiaque et pulmonaire

Elle doit être soigneusement évaluée si une résection hépatique est envisagée, car il s’agit
d’une chirurgie majeure.
1.4.3.2. L’évaluation de la fonction hépatique

et des éventuelles complications de la cirrhose sont de première importance pour déterminer


le traitement optimal pour chaque patient. Les suites d’une chirurgie de résection hépatique
sont dépendantes de la capacité de régénération du foie. Cette capacité est fortement altérée en
cas de cirrhose. Par ailleurs, la cirrhose et l’hypertension portale qui en résulte
s’accompagnent d’une forte altération de la production des facteurs de coagulation et d’une
fréquente thrombopénie. Ces éléments augmentent le risque d’hémorragie et d’insuffisance
hépatique grave après une résection hépatique.

Le risque opératoire est proportionnel au degré de l’atteinte fonctionnelle hépatique. Celle–ci


peut être appréciée en fonction de paramètres cliniques et biologiques qui sont regroupés pour
calculer le score de Child-Pugh.

Paramètres 1 Point 2 Points 3 Points


Bilirubine (µmol/l) <35 35-50 >50
Taux de prothrombine %) 100-55 54-45 <45
Albumine (g/l) >35 28-35 <28
Ascite 0 + ++
Encéphalopathie 0 + ++

Child-Pugh grade A: 5-6 points, cirrhose fonctionnellement bien compensée


Child-Pugh grade B: 7-9 points, cirrhose en voie de décompensation
Child-Pugh grade C, 10-15 points, cirrhose décompensée

1.5. Dépistage du CHC.


La taille de la tumeur est un facteur pronostic important. Les patients ayant un CHC de moins
de 5 centimètre ont un risque d’autres localisations intra hépatiques et de thrombose portale
faible. Par ailleurs, le pronostic et les traitements varient selon la taille de la tumeur.

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Ces éléments justifient donc tout à fait la réalisation d’un dépistage. Dans les pays
occidentaux où la prévalence de l’hépatite virale est faible, le dépistage doit être réservé aux
patients connus porteurs d’une hépatite virale B ou C au stade chronique et à tous les patients
cirrhotiques. Il peut être basé sur la réalisation d’une biologie hépatique et d’un dosage d’AFP
tous les 3 mois, associés à une échographie hépatique tous les 6 mois.

2. Diagnostic d’une tumeur secondaire du foie

2.1. Epidémiologie- Anatomie pathologique

Des métastases hépatiques peuvent survenir lors de l’évolution de la plupart des tumeurs
solides. Elles représentent parfois le seul site métastatique ou la seule cause menaçant la
survie du patient. Cette situation peut se rencontrer pour tous les types histologiques, elle est
cependant plus fréquente pour les cancers colorectaux, les mélanomes de la choroïde et les
tumeurs neuro-endocrines.

Le foie est le site métastatique de prédilection des tumeurs du tube digestif. Cela s’explique
par le drainage veineux portal prédominant des organes digestifs.

Pour d’autres tumeurs, comme par exemple les mélanomes de la choroïde, l’atteinte
métastatique hépatique quasi-exclusive se fait par voie artérielle. Les facteurs prédisposants
cette atteinte hépatique sont encore inconnus.

Le pronostic des métastases hépatiques déclarées est en général très sombre, même en cas de
traitement agressif. La médiane de survie des métastases hépatiques des mélanomes de la
choroïde est de 2 à 7 mois, celle des métastases hépatiques des cancers colorectaux est de 12 à
24 mois.

2.2. Histoire naturelle des métastases hépatiques

L’histoire naturelle des métastases hépatiques est connue pour de nombreux types
histologiques. Elle est dérivée d’études rétrospectives faites chez des patients n’ayant pas
bénéficié des techniques d’imagerie moderne. La durée de survie est meilleure quand le
diagnostic des métastases hépatiques résulte de l’utilisation d’examens modernes de bonne
qualité comme la tomodensitomètrie (TDM) tri-phasique, l’imagerie par résonance
magnétique nucléaire (IRM) avec produit de contraste ou, pour les patients atteints de tumeurs
neuro-endocrines, la scintigraphie aux analogues de la somatostatine. Elle dépend du nombre
de métastases, de l’importance de l’atteinte hépatique (pourcentage de remplacement
hépatique par le tissu tumoral) et du taux de progression tumorale propre à chaque tumeur.
Ceci explique, qu’en l’absence de traitement, la survie des patients porteurs de métastases
hépatiques de cancers colorectaux peut varier de 2 à 58 mois avec une médiane aux alentours
de 16 mois. Les résultats sont encore plus variables pour les métastases hépatiques des
tumeurs neuro-endrocrines où des survies de 5 voire 10 ans sont possibles.

2.3. Circonstances de découverte

Il est rare que la découverte des métastases hépatiques soit le premier signe de la maladie
cancéreuse. Dans ce cas le signe d’appel clinique peut être par ordre de fréquence

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décroissante une douleur de l’hypochondre droit associée à une hépatomégalie, une baisse de
l’état général avec amaigrissement et asthénie, une augmentation de volume de l’abdomen
avec ascite, un ictère par rétention, une insuffisance hépatique d’apparition progressive…

Plus souvent il s’agit de la découverte fortuite d’une altération biologique


hépatique (élévation des phosphatases alcalines, des gamma GT, des transaminases ou
altération de la coagulation…) ou d’une image hépatique anormale lors d’une échographie
hépatique.

En fait dans la majorité des cas, la maladie métastatique hépatique est asymptomatique et elle
est découverte lors du bilan d’extension initial d’une affection cancéreuse (métastases
hépatiques synchrones) ou lors d’un examen réalisé dans le cadre du bilan de suivi
systématique d’un cancer traité préalablement (métastases métachrones).

2.4. Diagnostic des métastases hépatiques

Devant l’une de ces circonstances de découvertes, les examens biologiques (enzymes


hépatiques, bilan de coagulation, marqueurs tumoraux) n’ont aucune valeur diagnostic
directe. Il convient donc de réaliser un bilan morphologique hépatique.

Le test diagnostique idéal pour une prise en charge optimale des patients suspects de
métastases hépatiques devrait être capable de répondre aux questions suivantes :
- Y a t-il des lésions hépatiques ?
- S’agit-il vraiment de métastases hépatiques ?
- Toutes les métastases hépatiques présentes sont-elles détectées ?
- Les métastases détectées sont-elles résécables ?

Les questions 1 et 3 correspondent aux capacités de détection du test diagnostique utilisé c’est
à dire sa sensibilité. Pour répondre à la deuxième question le test devra être capable de
distinguer les lésions hépatiques bénignes (kystes, angiomes, hyperplasie focale) des
métastases hépatiques et de ne pas décrire à tort des lésions en réalité inexistantes, c’est sa
spécificité.

2.5. L'imagerie

2.5.1. L’échographie trans-pariétale

L’échographie est la technique d’exploration morphologique la plus accessible pour


rechercher les métastases hépatiques. Sa spécificité pour le diagnostic des métastases est
excellente, comprise entre 85 et 95%. Mais, en raison de fréquentes difficultés techniques
(fenêtre acoustique limitée, interposition colique, obésité) sa sensibilité n’est que de 39 à 68
%. Elle est insuffisante pour la détection des métastases inférieures à 1 cm de diamètre.
L’échographie est cependant un excellent test pour différencier les lésions hépatiques solides
(métastases, angiomes, tumeurs hépatocytaires) des kystes biliaires simples. Dans cette
fonction, elle est très utile et complémentaire de la TDM. L’écho-doppler peut aussi être utile
pour préciser les rapports des lésions détectées avec les vaisseaux intra-hépatiques.

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2.5.2. La tomodensitométrie (TDM)

La tomodensitométrie est actuellement la technique d’imagerie la plus utilisée pour


l’évaluation du foie chez des patients suspects de métastases hépatiques. Les évolutions
techniques, et en particulier le développement des scanners hélicoïdaux, ont considérablement
amélioré l’efficacité de la TDM pour la détection des lésions hépatiques. L’utilisation de
produits de contraste iodés injectés par voie intra-veineuse est indispensable pour la
réalisation d’une exploration correcte du parenchyme hépatique.
Avec la technologie hélicoïdale, il est possible d’explorer la totalité du foie en moins de 25
secondes, durant une apnée, et d’éliminer les problèmes d’artéfacts respiratoires. La
sensibilité de la TDM pour la détection des métastases hépatiques est comprise entre 75 et 84
%. Les faux positifs sont dus à la présence d’images hépatiques correspondant à de fausses
lésions (îlots de stéatose, dilatation biliaire intra-hépatique locale, mauvais remplissage
vasculaire) ou à la détection de lésions bénignes (angiomes, kystes biliaires ou hyperplasies
nodulaires focales) décrites à tort comme métastases. La spécificité de la TDM pour le
diagnostic de métastases hépatiques est bonne, comprise entre 85 et 97%.

2.5.3. Imagerie par résonance magnétique (IRM)

L’IRM hépatique offre de nombreux avantages pour le diagnostic des métastases hépatiques.
Le contraste spontané en pondération T2 entre les métastases et le reste du parenchyme, est
élevé. Il s’agit d’une technique non irradiante. Les produits de contraste utilisés sont peu
néphrotoxiques et moins allergisants que les produits de contraste iodés.

2.5.3.1. IRM sans injection

En l’absence d’injection de produit de contraste la sensibilité de l’IRM pour la détection des


métastases hépatiques est comprise entre 44 et 80 % et la spécificité entre 82 et 95%.

2.5.3.2. IRM avec injection de Gadolinium

L’injection de gadolinium permet une meilleure caractérisation des lésions en IRM. Elle
améliore peu la sensibilité de l’examen.

2.5.3.3. IRM avec injection de produits de contraste


spécifiques du foie

Ces produits de contraste (ferumoxide mangafodipir) sont captés de manière spécifique par le
tissu hépatique normal. Ils augmentent donc le contraste entre les lésions tumorales qui ne le
captent pas et le parenchyme normal et améliorent la sensibilité de détection des lésions
hépatiques de petite taille. Ils donnent également une très bonne caractérisation des lésions,
permettant d’éliminer les tumeurs bénignes (hémangiome, kyste, hyperplasies nodulaires
focales).

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2.5.4. Hiérarchisation des examens

Le plus souvent l’échographie, la TDM éventuellement complétée par une IRM suffisent à
apporter le diagnostic de présomption de métastases hépatiques. Un élément fondamental est
donnée par la confrontation d’examens morphologiques de bonne qualité réalisés à quelques
mois (2 à 3 mois) d’intervalle, confirmant l’apparition d’une lésion hépatique suspecte ou son
augmentation de taille. Le recours à une biopsie hépatique trans-pariétale guidée par
échographie n’est indiquée que si l’imagerie, et en particulier l’IRM, ne suffit pas à la
caractérisation d’une lésion hépatique.

2.6. Bilan d’extension des métastases hépatiques.

Il dépend de la nature du cancer primitif responsable de la survenue des métastases


hépatiques. Son importance sera plus grande si un traitement (éventuellement curatif) est
envisagé. La situation la plus fréquente est celle des métastases hépatiques des cancers
colorectaux.

2.6.1. Recherche d’une récidive loco-régionale

L’examen clinique (palpation abdominale et toucher rectal) permet parfois de suspecter la


présence d’une récidive pelvienne ou anastomotique basse. La colonoscopie est l’examen le
plus sensible pour la détection de récidive anastomotique intra-luminale ou pour la recherche
d’un second cancer colique. Elle est par contre peu performante pour la recherche d’une
récidive loco-régionale extra-luminale d’un cancer du rectum. En cas de doute à l’examen
clinique on peut demander une échographie endorectale éventuellement complétée par une
biopsie.

La sensibilité de la TDM est faible pour le diagnostic de récidive locale, ganglionnaire ou


péritonéale. Mais elle permet une évaluation globale de l’ensemble de la cavité péritonéale à
la recherche d’autres localisations métastatiques.
La radiographie du thorax a une sensibilité inférieure à la TDM thoracique pour la détection
des métastases pulmonaires. Une TDM thoracique est recommandée si une résection
hépatique est envisagée.

2.6.2. Les marqueurs tumoraux

L’antigène carcino-embryonnaire (ACE) présente un intérêt dans la prise en charge des


patients suspects de métastases hépatiques de cancer colorectal. Il n’a pas de valeur
diagnostique. S’il est élevé, sa normalisation après traitement est un facteur de bon pronostic

2.6.3. Tomographie par émission de positons

La tomographie par émission de positons (PET) utilise un analogue du glucose, le 18F-FDG,


pour mettre en évidence les différences de métabolisme entre cellules malignes et cellules
bénignes. C’est un examen en cours d’évaluation qui peut être utilisée dans le bilan pré
thérapeutique des métastases hépatiques des cancers colorectaux pour différencier lésions

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bénignes et lésions malignes, rechercher des récidives tumorales locales ou d’autres sites
métastatiques.

2.6.4. Cas particulier

Cas particulier du bilan d’extension des métastases hépatiques des tumeurs neuro-endocrines.
En plus des examens morphologiques utilisés dans le bilan d’extension des cancers
colorectaux il peut être intéressant de réaliser une scintigraphie aux analogues de la
stomatostatine et des dosages hormonaux (en fonction du type initial de la tumeur neuro-
endocrine).

2.7. Diagnostic différentiel des métastases hépatiques

Le diagnostic de métastases hépatiques est en règle générale facile en raison du contexte


clinique et de l’apparition d’une lésion suspecte ou de son augmentation de taille sur les
examens morphologiques itératifs. En cas de difficulté de caractérisation d’une image sur une
TDM, l’échographie permet d’éliminer un kyste biliaire, l’IRM avec injection de produit de
contraste permet de caractériser une tumeur bénigne (angiome, hyperplasie nodulaire focale
du foie…).

Le recours à la biopsie tumorale hépatique à l’aiguille, par voie trans-pariétale est


exceptionnel. Il peut être motivé par la nécessité d’obtenir une preuve avant mise en route
d’une chimiothérapie ou pour éliminer une tumeur primitive maligne du foie quand l’imagerie
est d’interprétation difficile.

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Diagnostiquer une tumeur de l’œsophage (152)


S. EVRARD, G. CALAIS, J.F. HERON
Décembre 2005 (mise à jour décembre 2005)

1. Introduction

Le cancer représente 98% des tumeurs de l’œsophage. Son pronostic est l’un des plus
sombres en cancérologie : 10 % de survie à 5 ans tous stades confondus. Le diagnostic d’une
tumeur œsophagienne repose sur la succession logique des étapes suivantes : analyser le
contexte épidémiologique, interpréter les signes cliniques, obtenir une histologie précise,
réaliser un bilan d’extension et d’opérabilité dont la synthèse permet d’aboutir à une
proposition thérapeutique.

2. Epidémiologie

2.1. Les cancers

L’épidémiologie des deux principales tumeurs malignes de l’œsophage ainsi que de leurs
lésions précancéreuses est relativement caractéristique.

Le cancer est de type épidermoïde dans 80% des cas. C’est un cancer de l’homme 9 fois sur
dix. L’âge moyen est de 62 ans. Son incidence varie en France de 10 à 30/100 000 L’action
synergique dose-dépendante de l’alcool et du tabac constitue le principal facteur
épidémiologique ce qui explique qu’une tumeur ORL y soit associée dans 15% des cas. La
consommation exclusive de céréales, de conserves artisanales riches en nitrosamines est
également incriminée. Pour ces raisons, l’incidence du cancer épidermoïde est régulièrement
en baisse.

Par ailleurs, le cancer peut survenir sur des lésions prénéoplasiques :


- les cicatrices de brûlures caustiques (30 ans plus tard)
- l’œsophagite qu’elle soit due à la consommation régulière de produits très chauds
(alcools ou thés brûlants), à des agents infectieux comme le papillomavirus, à des
poussières métalliques en milieu professionnel, à la stase salivaire dans le méga-
œsophage, au syndrome de Plummer-Vinson ou à la tylose.

Le cancer est un adénocarcinome dans 20% des cas. Son épidémiologie serait liée aux effets
délétères du reflux gastro-oesophagien. Son incidence croît régulièrement (une hypothèse
avancée serait la consommation chronique d’anxiolytiques relaxant la pression du sphincter
inférieur de l’œsophage). Il survient aussi autour de la soixantaine mais avec un sex-ratio de
3. Il peut être confondu avec une tumeur du cardia envahissant l’œsophage. Sa principale
étiologie est l’endobrachyoesophage qui dégénère dans 10% des cas. Les adénocarcinomes
primitifs développés à partir d’un îlot suspendu de muqueuse gastrique seraient très rares.

Les autres tumeurs malignes sont très rares : cylindromes, carcinomes indifférenciés,
leïomyosarcomes, mélanome, lymphomes.

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2.2. Les tumeurs bénignes

Il n’existe pas de contexte épidémiologique connu favorisant l’apparition d’une tumeur


bénigne de l’œsophage
On note quatre diagnostics principaux :
• Le léiomyome qui est le plus fréquent. Il ne saigne pas, contrairement au léiomyome
gastrique. La biopsie est inutile puisque la muqueuse est normale.
• Les papillomes épidermoïdes sont parfaitement bénins s’ils surviennent dans un
contexte d’acanthosis nigricans. S’ils surviennent dans un contexte de tylose, ils
peuvent dégénérer.
• Les polypes fibrovasculaires parfois pédiculés
• Les tumeurs granulocellulaires sont des proliférations sous-muqueuses recouvertes
d’une muqueuse normale.

3. Sémiologie clinique

Les signes cliniques sont évocateurs et correspondent alors à une extension souvent avancée :
La dysphagie : elle est le symptôme dominant, sous forme d’un accrochage des solides, plus
tardivement des liquides. Elle peut évoluer jusqu’à l’aphagie. Elle peut être d’installation
progressive ou brutale.
Les douleurs thoraciques : elles sont de siège variable, rétro-sternales, épigastriques,
cervicales. Elles peuvent être liées à la déglutition (lésion ulcérée) ou être à irradiation
postérieure (lésion fixée sur le rachis).
L’altération de l’état général est le corollaire de la malnutrition liée à la dysphagie mais
parfois aussi à l’alcoolisme. L’amaigrissement est fréquent et de mauvais pronostic.
Autres symptômes :
• une tumeur ORL doit être recherchée systématiquement ;
• une toux à la déglutition, une infection bronchique témoigne d’une inhalation ou d’une
fistule oeso-trachéale ;
• une dyspnée est due à la compression de la trachée par le volume tumoral ;
• un syndrome de Claude-Bernard Horner exprime une atteinte du sympathique
cervical ;
• la dysphonie relève d’une atteinte récurrentielle le plus souvent gauche.

L’examen clinique est souvent pauvre sauf si le patient est déjà métastatique : ganglions de
Troisier ou cervicaux, gros foie, carcinomatose péritonéale (palpation abdominale, toucher
rectal).

4. Diagnostic positif

Il repose sur l’endoscopie qui précise la distance avec les arcades dentaires (plus le cancer est
haut situé, plus le pronostic est mauvais), la taille de la tumeur, sa morphologie (ulcérée,
sténosante, bourgeonnante), le contexte étiologique (endobrachy-œsophage,
mégaoeoesophage, etc .). Les biopsies (multiples) ou le frottis par brossage lorsque la lésion
n’est pas franchissable apporteront la confirmation histologique indispensable avant tout
traitement.

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5. Diagnostic différentiel

Le diagnostic est relativement aisé au stade de diagnostic clinique. Mais il faut savoir
différencier un véritable cancer débutant de lésions pré-néoplasiques (colorants vitaux et
biopsies multiples) et notamment les sténoses caustiques, le méga-œsophage ou les îlots
d’hétérotopie muqueuse.

6. Bilan d’extension

Il est primordial car de lui va dépendre la stratégie de prise en charge.

6.1. Le scanner thoraco-abdominal

Le cancer dispose d’une agressivité locale importante l’amenant à envahir les organes de
contact et il est très lymphophile. Le scanner recherche donc à l’étage thoracique : 1) les
extensions à la trachée, aux bronches, à l’aorte. 2) les adénopathies médiastinales. 3) les
métastases pulmonaires. A l’étage abdominal : 1) les adénopathies du tronc cœliaque et de ses
branches. 2) les métastases hépatiques.

6.2. L’échoendoscopie

Elle analyse au mieux l’envahissement pariétal (sensibilité et spécificité = 80%). Elle


nécessite une lésion franchissable ; elle n’est donc pas toujours possible et classe alors la
tumeur T3 par défaut. Elle est moins performante pour le diagnostic d’adénopathies envahies
(55%).

6.3. L’échographie cervicale

Par son pouvoir de détection des adénopathies cervicales dont l’envahissement peut être
confirmé par une ponction guidée, l’échographie reclasserait 15% des patients en stade 4.

6.4. Le transit oesophagien

Il ne fait plus partie du bilan standard. Néanmoins, il peut apporter des renseignements en cas
de lésion infranchissable. Il peut être effectué avec un produit de contraste hydrosoluble non
ionique, de basse osmolarité s'il existe des fausses routes ou une suspicion de fistule. Il est
parfois demandé par le radiothérapeute pour déterminer le volume cible à irradier.

6.5. La tomoscintigraphie au 18 FDG

La TEP-FDG est complémentaire du scanner et de l’échoendoscopie pour l’évaluation pré


thérapeutique du statut ganglionnaire et métastatique des cancers de l’oesophage Une TEP-
FDG montrant des adénopathies à distance ou des métastases permet d’éviter une chirurgie
inutile . Le TEP scan trouve environ 20 % de maladies métastatiques infra-cliniques, faisant
changer les indications opératoires,

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6.6. Biologie

Un bilan biologique, hépatique et rénal est systématique avant traitement. Les marqueurs
tumoraux sont sans intérêt pratique.

6.7. La fibroscopie bronchique

Elle ne s’impose que pour les lésions des tiers supérieur et moyen ou en cas de toux
persistante. Elle recherche une compression voire un envahissement de l’arbre trachéo-
bronchique. Elle recherche également une autre localisation bronchique.

6.8. L’examen ORL

Il est systématique : il retrouve 15% de lésions associées ou une paralysie d’une corde vocale
par atteinte du récurrent.

7. Bilan d’opérabilité

7.1. Consultation d’anesthésiologie

Elle précisera :
• l’âge physiologique, l’état général et les tares associées cardiovasculaires, hépatiques,
une insuffisance respiratoire (BPCO, tabagisme) conduisant à la réalisation
d’explorations fonctionnelles respiratoires et au dosage des gaz du sang.
• l’état nutritionnel.
• le patient sera évalué selon la classification ASA.

7.2. Consultation de stomatologie

Elle est souvent nécessaire en raison d’un état dentaire délabré.

8. Classification TNM

L’ensemble du bilan morphologique et d’extension aboutit à l’établissement du score c TNM


(c pour clinical staging).

Ce score influe fortement sur la décision thérapeutique et en particulier opératoire.

Il pourra être confronté ultérieurement, si le patient est opéré, au stade p TNM (p pour
pathological staging) établi sur les bases anatomopathologiques, plus puissantes.

L’échoendoscopie, lorsqu’elle est réalisable, est très fiable pour l’évaluation du facteur T (on
parle du facteur us T, us pour ultra-sounds).

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• us T1 = la sous-muqueuse n’est pas rompue


• us T2 = la sous-muqueuse est rompue
• us T3 = la tumeur atteint l’adventice
• us T4 = la tumeur dépasse l’adventice

• N0 = pas de notion de ganglion envahi


• N1 = ganglions médiastinaux envahis

• M0 = pas de métastases viscérales


• M1 = métastases viscérales ou ganglions cœliaques ou sus-claviculaires

9. Synthèse pronostique

L’ensemble du staging clinique classe le patient soit dans le groupe thérapeutique à intention
curative (une minorité) soit dans le groupe à intention palliative.

A priori entrent plutôt dans le groupe curatif :


• les lésions du tiers inférieur,
• les lésions non métastasées, les patients pouvant supporter une séquence thérapeutique
lourde comprenant radiochimiothérapie et chirurgie.

A priori entrent plutôt dans le groupe palliatif :


• les lésions des deux tiers supérieurs,
• les lésions métastatiques et les patients souffrant d’une forte co-morbidité.

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Cancer de l’ovaire : signes cliniques, moyens


diagnostiques et bilan d’extension, stratégie
thérapeutique (153)
Pr. Jacques Dauplat, Dr. Guillaume Le Bouëdec.
Centre Jean Perrin, 58, rue Montalembert, B.P. 392, 63011 Clermont-Ferrand Cedex 1
Mars 2006 (mise à jour mars 2006)

1. Introduction

Le cancer de l’ovaire touche environ 3500 femmes chaque année en France, ce qui représente
une incidence de 10 cas pour 100 000 femmes et par an. Le pronostic de cette affection est
redoutable puisqu’à peu près autant de décès sont constatés. Cette gravité est due au fait que
trois fois sur quatre le diagnostic est tardif au stade de carcinose péritonéale où le volume de
la tumeur primitive et de son extension intrapéritonéale sont considérables.

Malgré les progrès thérapeutiques, le taux de survie à 5 ans de ces femmes ne dépasse pas 25
%. Pourtant, lorsque le diagnostic est précoce alors que la tumeur est limitée à un ovaire ou
aux deux ovaires, les chances de guérison sont réelles avec une survie à 5 ans de l’ordre de 90
%. Il paraît donc particulièrement important de faire le diagnostic de cette affection aussi
précocement que possible, mais malheureusement il n’existe aucun signe clinique
caractéristique et la survenue d'une tumeur ovarienne peut s'accompagner d'une
symptomatologie extrêmement variée voire trompeuse. Ceci explique que régulièrement des
cancers de l’ovaire sont diagnostiqués par des gastroentérologues ou des chirurgiens
généralistes ou viscéralistes plutôt que par des gynécologues. D’autre part on connaît mal la
vitesse de croissance des tumeurs de l’ovaire et, s’il est probable que certaines possèdent une
longue période de latence clinique qui serait propice à un diagnostic précoce, il est certain que
d’autres évoluent rapidement et connaissent très vite une dissémination péritonéale rendant
illusoire une éventuelle intervention précoce.

Il importe donc, devant toute symptomatologie mal expliquée, de savoir penser au cancer de
l’ovaire et de pratiquer un examen gynécologique approprié complété par une échographie
abdomino-pelvienne qui est le maître examen du diagnostic de cette affection.

2. Dépistage

Le dépistage pourrait apparaître comme une solution pour améliorer la précocité du diagnostic
d’autant plus qu’avec l’échographie on dispose d’un moyen très sensible pour détecter des
anomalies ovariennes. Malheureusement, la spécificité de ce test même couplé au dosage du
marqueur biologique CA 125 est très insuffisante eu égard à la faible prévalence du cancer de
l’ovaire par rapport aux lésions bénignes. La généralisation des échographies conduirait donc
à un beaucoup trop grand nombre d’explorations chirurgicales (coelioscopie) pour parvenir à
un diagnostic histologique de certitude. Le dépistage de masse n’est donc pas préconisé
actuellement et en dehors des formes familiales où il existe une prédisposition génétique (5 à
10 % des cas) aucun groupe à risque ne peut être véritablement individualisé.

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3. Rappel anatomo-pathologique et histoire naturelle

L’ovaire est une glande mixte constituée de plusieurs tissus aux fonctions différentes. Chacun
de ces tissus peut être à l'origine d'une transformation néoplasique bénigne ou maligne ce qui
explique la très grande variété des lésions ovariennes.

La glande est recouverte d’un épithélium qui est en continuité avec la séreuse péritonéale
mais non recouverte par elle pour permettre l’ovulation. Cet épithélium est à l’origine de 90
% des lésions ovariennes et celles-ci peuvent être bénignes (le plus souvent kystiques) ou
malignes ou à malignité atténuée, dites encore “frontières“ ou "borderline". Les cancers sont
des épithéliomas cylindriques ou adénocarcinomes qui peuvent connaître une différenciation
séreuse, mucineuse, endométrioïde ou à cellules claires.

La lignée germinale peut être à l’origine de séminomes, de dysembryomes plus ou moins


matures et de choriocarcinomes ; ces tumeurs surviennent plus volontiers chez la femme
jeune. Les tissus de soutien et les thèques sont à l'origine des tumeurs de la granulosa, des
fibromes ou des fibrothécomes ou de tumeurs à cellules de Leydig ou de Sertoli qui sont
souvent responsables d'une sécrétion hormonale anormale.

Enfin l’ovaire peut être le siège de tumeurs secondaires, métastases d’autres cancers :
digestifs, mammaires, lymphomes…

Les épithéliomas ovariens sont le plus souvent kystiques ou mixtes mais à partir du moment
où des cellules néoplasiques apparaissent à la surface de l’ovaire elles vont “desquamer“ dans
la cavité péritonéale qu'elles vont rapidement ensemencer au gré des mouvements imprimés à
cette cavité par la respiration diaphragmatique. Des implants tumoraux péritonéaux vont
proliférer au niveau de l'épiploon et du péritoine pariétal jusqu'aux coupoles diaphragmatiques
pour constituer une carcinose péritonéale avec ascite caractéristique du stade III de la maladie
le plus souvent diagnostiqué. La classification anatomo-clinique de la Fédération
Internationale des Gynécologues Obstétriciens (F.I.G.O.) reflète les différents stades évolutifs
(cf. tableau). Elle ne peut être déterminée avec précision qu'après une exploration chirurgicale
de l'abdomen.

4. Age de survenue

Les tumeurs ovariennes peuvent se voir à tout âge de la vie et même dès l’enfance.

Les épithéliomas ovariens sont une affection plutôt post-ménopausique avec un âge moyen de
survenue de 60 ans. Ils peuvent cependant se rencontrer beaucoup plus précocément et le
jeune âge ne permet pas d’en éliminer l’éventualité. Les tumeurs de la lignée germinale sont
généralement rencontrées chez des femmes jeunes.

5. Symptomatologie fonctionnelle

La tumeur ovarienne est souvent kystique mais du fait de la situation profonde des ovaires elle
peut atteindre un volume important avant de provoquer des symptômes qui peuvent être très
variés et ne sont jamais spécifiques.

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On rencontrera :
• des douleurs pelviennes ou abdomino-pelviennes plus ou moins vagues irradiant dans
les lombes ou dans les régions inguinales
• une augmentation de volume progressive de l'abdomen pouvant être due au volume
tumoral et/ou à de l'ascite
• des saignements ou des pertes génitales anormales
• des troubles dus à la compression provoquée par la tumeur plus ou moins enclavée
dans le petit bassin :
o troubles du transit intestinal, constipation récente, faux besoins, subocclusion
o dysurie ou pollakiurie ou incontinence par compression vésicale
o plus rarement œdème d’un membre inférieur ou phlébite ou sciatalgie par
compression veineuse ou radiculaire
• une dyspnée peut-être révélatrice due à un épanchement pleural concomitant à l'ascite.

Parfois, on rencontrera un simple inconfort abdominal associé à une discrète altération de


l’état général et souvent un interrogatoire soigneux retrouvera une ancienneté de plusieurs
mois à ces troubles témoignant déjà d’une longue période d’évolution de la maladie. Devant
une symptomatologie aussi vague et peu caractéristique il faut savoir penser au cancer de
l’ovaire et procéder à un examen gynécologique soigneux.

6. Examen physique

Il commence par l’inspection et la palpation de l’abdomen et des aires ganglionnaires. La


distension abdominale peut être due au développement abdomino-pelvien de la masse elle-
même dont le pôle supérieur sera palpé au-dessus de la symphyse pubienne ou même de
l’ombilic. Elle se caractérise par sa convexité vers le haut confirmée par sa matité à la
percussion. Elle peut aussi être due à l'ascite dont la matité est nette dans les flancs et concave
vers le haut.

A travers la paroi on peut palper les nodules péritonéaux indurés notamment au niveau de
l'épiploon où ils peuvent être très volumineux (“gâteau tumoral épiploïque“).

Parfois l’inspection découvre un nodule ou une induration ombilicale appelé « nodule de


Sœur Mary Joseph » et qui correspond à une infiltration cancéreuse de l’ombilic. Il faut
poursuivre par la recherche d'adénopathies inguinales ou sus-claviculaires.

Au spéculum le col a un aspect normal mais du sang peut provenir de l’utérus. Il peut être
dévié et abaissé alors que dans les fibromes utérins il est plus souvent suspendu.

Les touchers pelviens permettent de soupçonner l'origine annexielle de la tumeur.

Dans les stades précoces il s’agit d’une masse latéro-utérine uni- ou bilatérale. Perçue à
travers le cul-de-sac vaginal elle est bien limitée, arrondie, rénitente et elle est séparée de
l’utérus par un sillon et peut être mobilisée indépendamment sans faire bouger l’utérus.

Aux stades avancés il existe une prolifération tumorale qui envahit progressivement le petit
bassin, fixant la tumeur à l’utérus et colonisant le cul-de-sac de Douglas. Les touchers
perçoivent le pôle inférieur de ce bloc tumoral qui comble le pelvis plus qu'il ne l'infiltre. On
constate la présence d’une masse indurée irrégulière polylobée bloquée dans le petit bassin.

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Le cul-de-sac de Douglas est occupé par des nodules tumoraux alors que généralement les
paramètres ne sont pas infiltrés.

En aucune circonstance l’examen clinique ne permet d’éliminer le risque de malignité devant


une masse pelvienne ou annexielle ; en revanche 4 éléments cliniques permettent de fortement
l'évoquer :
• l'ascite
• la fixité et la dureté aux touchers pelviens
• des nodules pariétaux ou douglassiens évoquant la carcinose péritonéale
• l’altération de l’état général.

La variabilité de la symptomatologie pourrait conduire à décrire de multiples formes


cliniques.

Par exemple, les classiques complications des kystes ovariens à type de torsion ou de rupture
n'éliminant en aucun cas l’éventualité de la malignité qui sera alors une découverte opératoire.

L’occlusion intestinale peut être une forme révélatrice d’une carcinose évoluée.

Lors de ces interventions d’urgence, les meilleures conditions pour une chirurgie
cancérologique ne sont pas toujours réunies.

Selon l’âge, des formes particulières peuvent être distinguées :


• rappelons qu’après la ménopause, les ovaires ne sont en principe plus palpables et leur
perception doit être considérée comme anormale et doit faire pratiquer une
échographie
• chez les jeunes filles ou les jeunes femmes il faut penser à la possibilité d’une tumeur
de la lignée germinale et faire pratiquer les dosages des marqueurs biologiques
spécifiques de ces affections : α-foetoprotéine, hormone gonadotrophine chorionique
(HCg) et sa chaîne β (βHCg) ; on peut y associer le dosage de la lactico-
deshydrogénase (LDH) et de la neurone specifique enolase (NSE).
• enfin, certaines formes rares développées à partir du syncitium de Sertoli ou des
cellules de Leydig peuvent être à l’origine d’une sécrétion hormonale anormale, soit
féminisante dans les gynoblastomes, soit virilisante dans les androblastomes, soit
mixte dans les gynandroblastomes.

Il faut donc savoir y penser devant des troubles endocriniens : puberté précoce, troubles des
règles, imprégnation oestrogénique anormale en postménopause (tension mammaire,
leucorrhées, métrorragies, modification de la cytologie vaginale), ou au contraire virilisme, et
faire faire des dosages appropriés des hormones sexuelles qui peuvent avoir un intérêt
diagnostique et dans la surveillance ultérieure.

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7. Echographie

L’échographie doit être considérée comme le véritable prolongement de l’examen clinique.


Pratiquée par voie sus-pubienne à vessie pleine et par voie transvaginale à vessie vide elle doit
être complétée aux niveaux abdominal et rétropéritonéal et peut bénéficier de l’apport de
l’échodoppler couleur.

Il s’agit d’un examen d’une sensibilité extrême capable de repérer de simples follicules à la
surface de l’ovaire. Le problème est davantage celui de rechercher des signes suspects de
malignité. C’est aussi un examen opérateur-dépendant qui bénéficie de l’expérience de celui-
ci. Cependant, la certitude de bénignité ou de malignité ne peut être affirmée que par une
analyse histologique.

L’échographie permet l’exploration des ovaires, de l’utérus et de sa cavité, de la cavité


péritonéale, du foie, des reins et dans des circonstances favorables des chaînes ganglionnaires
rétropéritonéales.
L’échographie va mettre facilement en évidence une masse latéro-utérine et va permettre
d’en décrire les caractéristiques :
• côté
• taille
• échogénicité c’est-à-dire structure

La plupart du temps elle va permettre d’affirmer qu’il s’agit d’une masse annexielle. Celles-ci
sont :
• soit liquidiennes, il s’agit alors de kystes
• soit solides, plus ou moins homogènes
• soit mixtes, plus ou moins hétérogènes

L’aspect le plus simple est celui d’un kyste anéchogène, c’est-à-dire liquidien pur vide d'écho
et à parois fines associé à aucune autre anomalie pelvienne.

Chez la femme en période d’activité génitale, lorsque ce kyste demeure de volume modeste (5
à 6 cm), il évoque avant tout un kyste fonctionnel. Il ne doit pas faire l’objet d’une attitude
agressive mais doit être recontrôlé après 1 ou 2 cycles menstruels car dans ce cas il régresse
spontanément. Sa persistance en signerait l'organicité et mériterait une exploration
complémentaire car le risque de malignité ne peut être formellement exclu même s’il est
faible (1 à 2 %).

Le même kyste après la ménopause est organique, le risque de malignité atteint 5 à 7 % même
en présence de caractères rassurants et l'exploration chirurgicale s’impose.

En dehors du kyste simple, toute complexification de l’aspect échographique augmente la


suspicion de malignité sans pour autant toujours l’affirmer.

Ainsi les kystes peuvent être multiples ou multiloculaires avec présence de cloisons dont on
évaluera plus précisément l'épaisseur et la vascularisation grâce à l’echodoppler.

Les kystes peuvent être hétérogènes avec présence de zones tissulaires plus ou moins
charnues ou même de calcifications. Ces aspects renforcent la suspicion de malignité mais
peuvent aussi correspondre à des lésions bénignes : par exemple, les kystes dermoïdes qui
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sont des dysembryomes matures (tératomes) que l’on peut rencontrer chez la jeune femme
contiennent en général du tissu graisseux, parfois des phanères ou même des ébauches
osseuses ou dentaires.

Les kystes mucineux sont souvent volumineux et/ou multiloculaires et les kystes
endométriosiques contiennent un liquide épais dont la sédimentation est parfois échogène.

La découverte d’une tumeur tissulaire homogène n’est pas forcément significatrice de


malignité mais peut prêter à confusion avec un fibrome utérin éventuellement sous-séreux
pédiculé.

Les fibromes ou fibrotécomes de l’ovaire existent et renforcent ce risque de confusion ; des


arguments de présomption sont fournis par comparaison avec l'échogénicité de l’utérus et la
présence ou non d’autres léiomyomes utérins. Sinon, l’exploration chirurgicale redressera le
diagnostic.

Le signe majeur de malignité est constitué par les irrégularités des parois internes ou externes
de la masse qui peuvent prendre l’aspect de végétations plus ou moins épaisses et plus ou
moins confluentes.

La présence de quelques végétations (moins de 5) n’est pas forcément signe de malignité mais
des végétations nombreuses épaisses et confluentes à l’intérieur et à l’extérieur de la masse
doivent être considérées comme malignes sans que l'on puisse trancher entre malignité vraie
et malignité atténuée (“borderline“).

L’échodoppler est intéressant pour explorer la vascularisation du kyste de ses cloisons et/ou
de ses végétations : la néovascularisation qui accompagne les lésions néoplasiques se
caractérise par sa richesse (hypervascularisation) et sa vitesse de circulation rapide
(diminution de la résistivité).

La constatation de signes suspects, en particulier l'hétérogénéité et les végétations, doit faire


compléter l’exploration aux niveaux pelvien et abdominal.

L’autre ovaire et l’utérus doivent être examinés car la bilatéralité des lésions malignes est
fréquente et des métastases endométriales sont possibles, entraînant un épaississement
échographique de la muqueuse utérine.

Le Douglas doit faire l’objet d’une attention particulière car du liquide d'ascite peut s’y
accumuler et l’on peut retrouver l’aspect végétant des nodules de carcinose.

L’exploration abdominale doit être complète et rechercher un épanchement liquidien à l'étage


supérieur (rétro- et sous-hépatique, espace de Morisson) et des nodules de carcinose au niveau
des coupoles diaphragmatiques, du péritoine pariétal et de l'épiploon où ils peuvent être
particulièrement volumineux.
Le foie doit être examiné et est souvent le siège de nodules sur la capsule de Glisson plus
rarement de métastases intra-parenchymateuses.

Les reins sont rarement intéressés ; on recherchera cependant une dilatation de leurs cavités
par compression des uretères pelviens.

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Enfin, dans les cas favorables (à l’étude échographique) une exploration des chaînes
ganglionnaires rétro-péritonéales peut mettre en évidence des adénomégalies pelviennes ou
lombo-aortiques.

Plusieurs auteurs ont essayé de regrouper des critères échographiques pour construire un score
destiné à mieux évaluer le risque de malignité. En fait, à partir du moment où l’on a la
certitude d’une lésion organique, une exploration chirurgicale au moins par coelioscopie
s’impose. Evaluer le risque de malignité est alors important, surtout pour décider au préalable
des éventuelles modalités et conséquences de la chirurgie et en prévenir la malade et sa
famille.

8. Apport des autres techniques d’imagerie

En fait, à partir du moment où le diagnostic de masse annexielle organique est évoqué, une
exploration chirurgicale au moins par coelioscopie s’impose pour accéder au diagnostic
histologique et éliminer une lésion maligne.

Le scanner et l’IRM sont donc d’un intérêt limité pour poser l'indication opératoire. Ils
peuvent cependant être intéressants pour avancer dans la caractérisation de certaines lésions :
• le contenu hématique des kystes endométriosiques aurait un signal assez
caractéristique à l'IRM qui pourrait ainsi permettre d’en faire le diagnostic dans un
contexte clinique évocateur
• le kyste dermoïde peut être diagnostiqué grâce au scanner qui va facilement mettre en
évidence son contenu graisseux caractéristique ainsi que ses calcifications qui sont
visibles dès la radiographie d’abdomen sans préparation.
• pour certaines équipes, lorsque la malignité est affirmée ainsi que la présence d’une
carcinose péritonéale, le scanner serait utile pour mieux apprécier l’importance et la
distribution de la carcinose péritonéale surtout à l’étage supérieur de l’abdomen. Cet
examen est alors intéressant pour mieux évaluer les chances de résection complète de
la maladie péritonéale. Le scanner est aussi le meilleur examen pour explorer les
chaînes ganglionnaires rétropéritonéales pelviennes et lombo-aortiques.

Enfin, en cas de carcinose péritonéale et d'ascite un cliché pulmonaire est indispensable pour
dépister un éventuel épanchement pleural fréquemment associé dans les stades IV de la
maladie ovarienne.

9. Rôle des marqueurs biologiques

Les marqueurs utiles dans les épithéliomas ovariens sont le CA 125, le CA 19-9 et l'ACE. Ils
manquent à la fois de spécificité et de sensibilité. Il semble que le CA 125 soit davantage le
témoin d’une irritation séreuse ; il est volontiers élevé dans les épithéliomas séreux et cette
élévation peut être considérable en rapport direct avec l’importance de la masse tumorale. Le
CA 19-9 serait élevé dans les formes mucineuses. D'autres pathologies malignes ou non
peuvent être à l’origine d’une élévation de ces marqueurs et pour cette raison ils ne
constituent pas des éléments majeurs de diagnostic.

A l’inverse, leur sensibilité peut être prise en défaut car certaines tumeurs peu différenciées
ont une faible sécrétion. Les marqueurs ne constituent pas un outil de détection suffisamment
fiable pour être utile dans le cadre d’un dépistage. C’est donc davantage l’évolution de ces

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marqueurs qui sera prise en compte au cours de l’évolution. Ils sont alors de bons témoins de
l’efficacité thérapeutique et ils se révèlent utiles pour la surveillance ultérieure.

Nous avons déjà cité les marqueurs spécifiques des tumeurs de la lignée germinale qui sont à
la fois plus spécifiques et plus fiables, reflétant parfois même le type histologique. L'α-
foetoprotéine est élevée dans les dysembryomes, HCg et βHCg dans les choriocarcinomes.

Enfin, redisons que dans les tumeurs sécrétantes les dosages hormonaux peuvent faire office
de marqueurs biologiques.

10. Diagnostic différentiel

En fait, le problème du diagnostic différentiel se pose peu puisque c’est l’exploration


chirurgicale qui est seule capable de fournir un diagnostic histologique précis.
Devant une masse annexielle, il s’agit seulement d’en affirmer l'organicité pour poser
l’indication opératoire. Seuls les kystes fonctionnels peuvent faire l’objet d’une surveillance
chez la femme en période d’activité génitale.
D’autres lésions fonctionnelles peuvent malgré tout conduire à une exploration
coelioscopique.
Il s’agit :
• des corps jaunes hémorragiques ou
• des hémorragies intra-kystiques
• du corps jaune gravidique persistant
• du syndrome d’hyper-stimulation ovarienne avec excès de follicules qui donne un
aspect polykystique à l’ovaire
• des kystes d'accolement péritonéaux qui sont en général consécutifs à des
interventions pelviennes.

D’autre part, à côté des lésions ovariennes on peut rencontrer des lésions para-ovariennes ou
tubaires telles que l’hydrosalpynx. Notons que le cancer de la trompe existe et que sa
symptomatologie, son extension, son évolution et son aspect anatomo-pathologique sont tout
à fait comparables à ceux du cancer ovarien avec une sanction thérapeutique identique.

Devant une ascite avec suspicion de carcinose péritonéale, il s’agit de confirmer cette dernière
et de la rattacher à une origine ovarienne primitive :

Il faut bien sûr éliminer les ascites transsudatives de l’insuffisance cardiaque ou de la cirrhose
hépatique dans lesquelles le CA 125 peut être élevé. La clinique et l’échographie ne montrant
pas de lésion tumorale ovarienne ou péritonéale, une ponction d'ascite ramènera du liquide
citrin acellulaire et pauvre en protéines.

Il faut aussi éliminer la devenue rare tuberculose péritonéale qui peut donner une miliaire
évoquant une carcinose. La constatation de follicules giganto-cellulaires à l'histologie doit
orienter vers ce diagnostic et faire rechercher le BK.

Enfin, en cas de carcinose néoplasique vraie, le liquide est hémorragique et contient des
cellules néoplasiques et le prélèvement d’un nodule au cours d’une coelioscopie ou d’une
laparotomie doit permettre de diagnostiquer un adénocarcinome compatible avec une origine
ovarienne éliminant ainsi les autres causes de carcinoses secondaires qui sont le plus souvent

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d’origine digestive (estomac, pancréas) ou mammaire (en particulier les cancers lobulaires du
sein).

Dans certains cas, il sera difficile de trancher car il existe aussi une tumeur secondaire
ovarienne :
• c’est le cas de la tumeur de Krükenberg, qui est la localisation ovarienne d’un cancer
de l’estomac et par extension du tube digestif
• c’est le cas des cancers de l'endomètre pour lesquels il est parfois difficile de savoir si
la tumeur primitive est ovarienne de type endométrioïde ou endométriale
• c’est le cas enfin des carcinoses primitives du péritoine qui ont le même aspect
histologique que les carcinomes séreux ovariens sans que les ovaires soient vraiment
tumoraux.

Dans ces deux derniers cas cependant, la conduite thérapeutique sera la même que pour un
cancer primitif ovarien.

Le péritoine peut être colonisé par d'autres processus néoplasiques comme les sarcomes qui
provoquent des nodules arrondis multiples sur le péritoine pariétal et viscéral ; l'histologie
permet le diagnostic.

Citons enfin le syndrome de Demons-Meigs qui associe un fibrome ovarien, une ascite
réactionnelle et un épanchement pleural. Il s ‘agit d’une lésion bénigne confirmée par
l’intervention chirurgicale.

11. Orientations thérapeutiques

11.1. Devant une lésion organique annexielle


Lorsque l’on suspecte une lésion organique annexielle, il faut envisager qu’il puisse s’agir
d’un cancer de l’ovaire débutant.

Chez la femme jeune, l’exploration chirurgicale peut être faite par coelioscopie. L’opérateur
doit être habitué à la sémiologie endoscopique des lésions ovariennes afin de pouvoir détecter
rapidement les signes de malignité.

Le diagnostic doit être confirmé pendant l’intervention par l’examen anatomo-pathologique


extemporané d’une biopsie. Ceci suppose donc le concours d’un anatomo-pathologiste
expérimenté dans le domaine des tumeurs ovariennes. Malgré cela, conclure en extemporané
peut être difficile notamment entre un cancer invasif ou une tumeur frontière. Il faut parfois se
résoudre à arrêter là l’intervention plutôt que d’effectuer des gestes irréversibles notamment
chez une patiente jeune et non prévenue. Une deuxième intervention peut alors être nécessaire
après histologie définitive.

Si la malignité est confirmée au cours de la coelioscopie, la règle doit être la conversion en


laparotomie. En effet, il faut savoir que la manipulation intempestive d’un cancer ovarien par
coelioscopie peut favoriser la dissémination des cellules cancéreuses dans le péritoine et
entraîner une lourde perte de chances pour la patiente.

11.2. Traitement du cancer de l'ovaire au stade précoce

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Le traitement du cancer de l'ovaire au stade précoce est une hystérectomie et annexectomie


bilatérale associée à une exploration très complète de toute la cavité péritonéale et des chaînes
ganglionnaires rétropéritonéales.

Des prélèvements péritonéaux sont systématiques dont l'exérèse du grand épiploon et le


prélèvement du liquide ou le lavage pour examen cytologique. Le but est d’acquérir la
certitude que des cellules n’ont pas migré dans le péritoine ou les ganglions, ce qui est
observé dans 30 % des cas environ.

Chez la femme jeune sans enfant en présence d’une lésion unilatérale, le traitement peut être
conservateur (annexectomie unilatérale et exploration) pour préserver la fécondité.

Les formes précoces avec facteur de mauvais pronostic (grade de différenciation élevé,
cytologie péritonéale positive) doivent faire l’objet d’une chimiothérapie adjuvante
comportant un sel de platine.

11.3. Traitement des stades avancés

Les stades avancés avec extension péritonéale doivent faire l’objet d’un traitement chirurgical
et d’une chimiothérapie comportant un sel de platine. Le chirurgien doit faire une réduction
maximale du volume tumoral. Seules les femmes dont le résidu tumoral postchirurgical est
nul ou minime ont des chances de survie prolongée (environ 50 % à 5 ans). Cela peut
conduire à des interventions majeures avec résections digestives et curages ganglionnaires
étendus.

Dans certaines équipes en présence de signes d’extension péritonéale majeure (intérêt du


scanner) on préfère commencer par faire 3 cures de chimiothérapie (après biopsie par
coelioscopie) pour intervenir dans de meilleures conditions.

Au total, c’est un ensemble d'arguments cliniques échographiques et biologiques qui conduit à


suspecter plus ou moins fortement un cancer de l’ovaire dont le diagnostic histologique et la
véritable extension intra-abdominale (stade anatomo-clinique) ne peuvent être confirmés que
par une exploration chirurgicale par laparotomie ou au minimum par coelioscopie.

Les modalités chirurgicales qui peuvent être lourdes et mutilantes doivent être discutées avant
l’intervention avec la malade et sa famille.

La multiplicité des éventualités cliniques et anatomo-pathologiques, la nécessité


d’interventions souvent lourdes et complexes imposent que lorsque la suspicion de cancer de
l’ovaire est grande, la malade doit être confiée à une équipe médicochirurgicale expérimentée
dans le domaine de la gynécologie et de la cancérologie.

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12. Classifications anatomo-cliniques des cancers de l'ovaire

12.1. Correspondance FIGO – TNM

Stades Classification
FIGO TNM
I T1 Tumeur limitée aux ovaires
IA T1a Tumeur limitée à un seul ovaire avec capsule intacte
IB T1b Tumeurs des deux ovaires, capsules intactes
IC T1c Rupture capsulaire ou tumeur à la surface ovarienne ou cellules
malignes dans le liquide d'ascite ou de lavage péritonéal
II T2 Tumeur ovarienne étendue au pelvis
IIA T2a Extension à l'utérus et/ou aux trompes
IIB T2b Extension aux autres organes pelviens
IIC T2c Extension pelvienne avec cellules malignes dans le liquide
d'ascite ou de lavage péritonéal
III T3 et/ou N1 Métastases péritonéales au-delà du pelvis et/ou adénopathies
métastatiques régionales
IIIA T3a Métastases péritonéales microscopiques
IIIB T3b Métastases macroscopiques ≤ 2 cm
IIIC T3c et/ou N1 Métastases macroscopiques > 2 cm et/ou adénopathies
métastatiques régionales
IV M1 Métastases à distance (autres que les métastases péritonéales)

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Cancers osseux primitifs : ostéosarcomes (154a)


Jean-Yves Blay, Isabelle Ray-Coquard
Juin 2006 (mise à jour juin 2006)

1. Epidémiologie

Les ostéosarcomes ou sarcomes ostéogèniques sont des tumeurs rares, touchant environ 1 à 2
individus par million d’habitants et par an dans les pays occidentaux.

Il s’agit essentiellement d’une tumeur de l’adolescent et de l’adulte jeune, 70% des sarcomes
ostéogéniques étant diagnostiqués avant l‘âge de 18 ans. Cette tumeur peut survenir
cependant à tout âge, et dans 10% des cas au delà de 40 ans. Ils apparaissent dans ce cas sur
des lésions préexistantes, maladie de Paget, ou tumeur osseuse bénigne antérieure

Des facteurs favorisants des sarcomes osseux primitifs ont été identifiés.
Parmi les facteurs de risques constitutionnels, avec souvent un contexte familial, une mutation
germinale du gène du rétinoblastome ou de p53 constituent des facteurs favorisants,
notamment chez les adultes jeunes. Une irradiation antérieure, pour une tumeur bénigne ou
maligne constitue également un facteur de risque. Les ostéosarcomes peuvent survenir
rarement (1%), sur une maladie de Paget, ou sur une tumeur bénigne (tumeur à cellules
géantes, notamment irradiée), ou sur une tumeur maligne de faible grade (chondrosarcome de
grade 1). Dans ce dernier cas, on parle volontiers d’ostéosarcome secondaire. Le rôle de
traumatismes antérieurs, évoqué par certains sur la base d’observations cliniques ponctuelles
n’a jamais été formellement établi.

2. Histologie

Les ostéosarcomes, ou sarcomes ostéogéniques, sont définis sur le plan histologique par la
capacité des cellules tumorales à produire du tissus ostéoïde. Toutes les plages de tumeurs ne
produisent pas constamment de l’ostéoïde, rendant parfois le diagnostic formel difficile sur
une biopsie de taille limitée.

Il s’agit de tumeurs malignes et dans le cas des tumeurs du tissu conjonctif cette malignité se
traduit par leur capacité à dépasser le compartiment d’ou elles proviennent, d’envahir ainsi les
tissus mous adjacents et de donner des métastases

On distingue plusieurs variétés histologiques d’ostéosarcomes.


• Les plus fréquentes sont les ostéosarcomes de haut grade, définis ainsi en raison d’un
index mitotique élevé et sur la base d’anomalies cytonucléaires prononcées.
Plusieurs sous types d’ostéosarcomes ont été identifiés, sur la base d’une
différenciation variable :
o classique, encore appelée ostéoblastique,
o parfois chondroblastique, associé à du tissus tumoral produisant du cartilage
o ou fibroblastique,
o plus rarement, telangiectasique (riches en néovaisseaux),
o à petites cellules, à cellules géantes…

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Le pronostic de ces ostéosarcomes paraît sensiblement similaire pour des topographies


équivalentes, mais les ostéosarcomes chondroblastiques pourraient toucher plus
fréquemment les os plats.
• Les ostéosarcomes de faible grade sont des tumeurs plus rares, moins agressives sur le
plan clinique, avec notamment un risque moindre de métastases. Leur point de départ
est le plus souvent superficiel périosté (ostéosarcome juxta-cortical ou paraostéal), ou
central dans une diaphyse. Certains ostéosarcomes superficiels sont cependant de haut
grade et justifient d’une thérapeutique similaire aux ostéosarcomes classiques.

Tous les os peuvent être le siège d’ostéosarcomes, et ces tumeurs peuvent parfois même
survenir dans des tissus mous ou dans certains organes. Les localisations osseuses les plus
fréquentes sont cependant « près du genou et loin du coude », avec des localisations fémorales
inférieures et tibiales supérieures qui représentent près de 50% des localisations primitives.
En 2002, le diagnostic histologique doit impérativement être complété par un diagnostic
moléculaire.
Pour certaines tumeurs malignes primitives osseuses autres que l’ostéosarcome, notamment
pour les sarcomes d’Ewing, il existe en effet une translocation spécifique qui peut être
recherchée par cytogénétique conventionnelle, et surtout actuellement par PCR. De ce fait,
tout prélèvement d’une tumeur osseuse potentiellement maligne doit conduire à un stockage
autorisant les techniques de diagnostic moléculaire par PCR à la recherche de produit de gène
de fusion de translocation spécifiques, par exemple dans le sarcome d’Ewing (t(11, 22) et les
translocations variantes).

3. Sémiologie clinique

La séméiologie clinique repose sur une triade : douleur, tuméfaction osseuse, impotence
fonctionnelle. Cette triade de symptômes doit conduire à un examen radiologique standard et
au moindre doute à un avis spécialisé. Les douleurs sont quasi constantes, à caractère
volontiers inflammatoire, nocturne, persistantes depuis plusieurs jours ou plusieurs semaines,
parfois survenues dans les suites d’un traumatisme minime.

La tuméfaction est visible dans les localisations des membres, parfois moins évidente dans les
localisations du tronc. Elle est parfois chaude inflammatoire, sensible à la pression, associée
rarement à un envahissement cutané ou responsable de signes en aval, de compression
vasculaire ou nerveuse.

L’impotence fonctionnelle se traduit de manière variable en fonction de la localisation


primitive : dans les localisations des membres inférieurs, une boiterie est fréquemment
rencontrée. Parfois la tumeur est révélée par une fracture pathologique. Le pronostic serait
alors moins bon.

Les ostéosarcomes de haut grade sont de localisations principalement métaphysaires. Des


localisations diaphysaires, ou épiphysaires sont cependant possibles.

Des symptômes généraux sont parfois rencontrés et doivent être systématiquement


recherchés : amaigrissement, fièvre, altération de l’indice d’activité. Les localisations
métastatiques sont rarement perceptibles cliniquement, en dehors des métastases osseuses.

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4. Sémiologie paraclinique

Les clichés radiologiques simples de l’os et de l’articulation adjacente sont la première étape
du diagnostic morphologique : ils retrouvent une tumeur détruisant l’architecture osseuse,
envahissant le plus souvent les tissus mous adjacents, avec rupture corticale. Dans les cas des
sarcomes ostéogéniques, la synthèse du tissus ostéoïde se traduit sur le plan radiologique par
des images de calcifications irrégulières dans les tissus mous, qualifiées souvent d’images en
feu d’herbe. Ces images ne sont toutefois pas constantes et peuvent se rencontrer dans
d’autres tumeurs malignes (sarcome d’Ewing). Ces clichés simples sont la première et
indispensable étape du bilan radiologique local des ostéosarcomes.

Toute image radiologique de tumeur osseuse doit conduire à un avis d’une équipe
multidisciplinaire spécialisée dans le traitement des tumeurs osseuses, car le diagnostic
différentiel entre tumeur maligne et bénigne n’est pas uniquement anatomopathologique (cf
infra).

La tomodensitométrie retrouve des images ostéolytiques, de rupture corticale, et


d’envahissement des parties molles sensiblement similaires. Elle est utilisée plus
particulièrement pour le bilan local des ostéosarcomes du tronc, et permet une mesure plus
précise de la taille de la lésion.

L’imagerie par résonance magnétique (IRM) avec séquence T1 et T2 et injection de produit


de contraste est un examen indispensable, notamment pour les ostéosarcomes des membres :
elle permet de préciser la taille de la lésion, son extension locale, ses rapports avec les
structures adjacentes dans les parties molles, notamment avec les paquets vasculo-nerveux.

5. Méthodes de diagnostic

Le diagnostic entre tumeur osseuse primitive maligne et bénigne n’est pas uniquement
anatomopathologique: il requiert une confrontation entre le clinicien, le radiologue et
l’anatomopathologiste.

L’examen anatomopathologique reste cependant un élément clé de cette triade diagnostique.


Le diagnostic anatomopathologique est effectué sur une biopsie chirurgicale, faite par le
chirurgien d’une équipe multidisciplinaire qui effectuera le geste radical ultérieurement, après
revue du dossier par le chirurgien, le radiologue, l’oncologue et le médecin
anatomopathologiste.

La biopsie réalisée par ce chirurgien sera effectuée par une incision courte prévoyant le geste
chirurgical définitif secondaire. Le trajet de la biopsie et toute la cicatrice devront être enlevés
au cours du geste chirurgical définitif. Une biopsie effectuée de manière inadéquate met en
danger le pronostic vital du patient, et peut conduire à une amputation secondaire de
nécessité.

L’examen anatomopathologique de cette biopsie, réalisé après décalcification de la pièce,


permet de porter le diagnostic de malignité, le diagnostic d’ostéosarcome et éventuellement le
sous-type histologique.

L’étape diagnostique est essentielle et conditionne souvent le pronostic ultérieur.

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6. Bilan d'extension

Les risques principaux sont l’extension locale et métastatique. Les sites préférentiels de
métastases sont pulmonaires et osseux, plus tardivement cérébrale, rarement, au niveau des
tissus mous et des ganglions lymphatiques.

Le bilan d’extension devra de ce fait comprendre avant toute chose un examen clinique
complet, local, et général, précisant l’état général, les signes d’extension locaux et à distance,
la présence de signes généraux, la perte de poids.

Sur le plan morphologique, il comporte une radiographie pulmonaire, un scanner thoracique


avec injection de produit de contraste iodé, une scintigraphie osseuse corps entier au
technetium 99, et tout examen requis par un examen clinique suspect.

Comme nous l’avons déjà indiqué, le bilan d’extension local repose sur les clichés
radiologiques simples, et l’imagerie par résonance magnétique (IRM) avec séquence T1 et T2
et injection de produit de contraste, parfois la tomodensitométrie pour les tumeurs du tronc et
de la tête et du cou.

7. Classification

Le bilan d’extension permet de déterminer le stade de la tumeur. Le stade est détaillé sur le
tableau 1.

8. Diagnostic différentiel

Le premier diagnostic différentiel est celui de tumeur osseuse bénigne.

Il repose sur une confrontation des documents cliniques, radiologiques et


anatomopathologiques entre le radiologue, le chirurgien, l’anatomopathologiste, et
l’oncologue.
Une tumeur qui franchit le compartiment anatomique n’est par définition pas bénigne, mais
certaines tumeurs (tumeurs à cellules géantes) ont une malignité parfois purement locale.
Certaines tumeurs sont de diagnostic difficile, se situant à la frontière entre tumeur bénigne et
maligne (chondrosarcome de grade I).

Le diagnostic de malignité étant posé, le diagnostic du sous type histologique de tumeur


osseuse doit également être porté par l’anatomopathologiste.

En dehors des ostéosarcomes, les tumeurs osseuses les plus fréquentes sont :
• le sarcome d’Ewing, caractérisé par des translocations spécifiques, dont la t(11, 22) la
plus fréquente, qui survient dans les mêmes tranches d’âge que l’ostéosarcome mais
plus fréquemment sur des localisations diaphysaires et des os plats. Les principes
généraux du traitement seront voisins de ceux des ostéosarcomes.
• Les chondrosarcomes, qui peuvent survenir à tout âge, éventuellement sur des
localisations bénignes préexistantes, et dont les localisations primitives sont également
plus volontiers au niveau des ceintures, des os plats et des diaphyses des os longs.
Leur traitement est essentiellement chirurgical.

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• Une famille de tumeurs osseuses primitives en cours de caractérisation, rassemblant


des tumeurs identiques sur le plan histologique aux sarcomes des tissus mous
fibrosarcomes, léiomyosarcomes, fibrohistiocytomes malins osseux. Leur traitement
est voisin des ostéosarcomes, mais qui surviennent plus volontiers à l’âge adulte.
• Les lymphomes osseux primitifs qui surviennent à tout âge, et touchent les os longs et
plat, dont les principes généraux de traitements sont ceux des lymphomes, basés
essentiellement sur la chimiothérapie, complété éventuellement par une radiothérapie.

Le diagnostic différentiel le plus fréquent d’une tumeur osseuse primitive reste cependant
celui d’une tumeur osseuse secondaire, notamment au delà de 40 ans. Les tumeurs primitives
les plus fréquemment en cause sont les cancers du sein, du poumon, du rein, de la prostate,
pour ne citer que les plus fréquents.

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Cancers osseux secondaires (154b)


Aurélie Fontana, Jean-Yves Blay
Juin 2006 (mise à jour juin 2006)

1. Epidémiologie

Les lésions osseuses secondaires sont plus fréquentes que les tumeurs osseuses primitives.
Les cancers de la prostate, du sein et du poumon représentent environ 80 % des étiologies des
métastases osseuses. Les autres cancers classiquement incriminés sont le cancer du rein et de
la thyroïde (1).

2. Diagnostic clinique

Les métastases osseuses peuvent être mises en évidence lors d’un bilan d’extension d’une
tumeur primitive, mais souvent elles sont révélées par des douleurs diffuses ou localisées,
inflammatoires ou mécaniques. Elles peuvent également se compliquer de fractures, de
compression médullaire et d’hypercalcémie sévère qui peuvent révéler la maladie
métastatique.

3. Diagnostic paraclinique

Sur les radiographies standards, les métastases osseuses sont le plus souvent ostéolytiques ou
mixtes, en particulier dans le cancer du sein Les formes condensantes se voient
préférentiellement dans les métastases prostatiques.

La scintigraphie osseuse montrera une hyperfixation osseuse mais non spécifique. Elle a un
intérêt en complément de la radiographie standard si celle ci montre une lésion condensante
isolée. Le caractère hyperfixant de la lésion poussera le clinicien à affirmer le caractère bénin
ou malin de la lésion. La scintigraphie osseuse est également utile si les radiologies standards
sont normales car c’est un examen très sensible (2). Elle a également un intérêt dans la
recherche d’autres lésions secondaires. Il faut noter qu’en cas de métastases osseuses
purement lytiques, la scintigraphie osseuse peut être prise en défaut et ne montrer qu’une
faible hyperfixation.

L’IRM a un grand intérêt dans l’exploration du rachis. En effet, en cas de fracture vertébrale,
le clinicien peut être confronté au diagnostic différentiel d’un tassement vertébral
ostéoporotique très souvent rencontré chez les patientes suivies pour un cancer du sein.
L’IRM orientera vers une lésion secondaire en présence d’une épidurite, d’une anomalie de
signal de l’arc postérieur, d’une prise de gadolinium hétérogène.

Le scanner peut aider en cas de difficulté diagnostique car il a une définition osseuse
excellente et montre en particulier dans les fractures ostéoporotiques des corticales fracturées
ou conservées mais jamais effacées (3).

Plus récemment, une étude semble montrer l’intérêt du FDG-pet (positon emission
tomography with fluorine deoxyglucose) dans le diagnostic différentiel entre tassement
vertébral secondaire et ostéoporotique. Le tassement ostéoporotique a tendance à ne pas fixer
le FDG, mais ces résultats doivent être confirmés (4)

1
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La preuve formelle de l’étiologie tumorale d’une lésion osseuse est apportée par l’étude
anatomopathologique. La biopsie est en général faite en première intention par voie
percutanée sous contrôle scopique, ou scanographique. Ce n’est qu’en cas d’échec de cette
technique, que la biopsie sera chirurgicale. Pour les sites d’accès difficile comme des lésions
costales peu lytiques qui impose à l’opérateur d’exercer une pression importante pour
traverser la corticale osseuse, ou pour des lésions de petite dimension dont l’abord risque de
léser une structure noble, la technique chirurgicale sera préférée.

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Tumeurs du pancréas (155)


Professeur B. CHAUFFERT (Département d’Oncologie. Centre Georges François Leclerc.
Dijon), Professeur F. MORNEX (Département de Radiothérapie. Centre Hospitalier Lyon
Sud), Professeur L. BEDENNE (Service de Gastro-Entérologie. CHU de Dijon)
Décembre 2005 (mise à jour décembre 2005)

1. Cancer du pancréas exocrine

Le cancer du pancréas exocrine est la plus fréquente et la plus grave des tumeurs
pancréatiques.

1.1. Epidémiologie

Son incidence est de 3800 cas par an en France.

C’est la troisième tumeur digestive après les cancers colorectaux et ceux de l’estomac.

La survie à 5 ans est inférieure à 5 %.

L’incidence augmente chez les fumeurs avec un risque relatif de 3. Il n’y a pas d’autre
facteur étiologique évident.

1.2. Histologie et mode d’extension

C’est un adénocarcinome (ou carcinome glandulaire) développé à partir des cellules


canalaires du pancréas exocrine.

Il peut former des structures kystiques (cystadénocarcinome).

L’absence de barrière anatomique favorise son extension vers le péritoine (carcinomatoses


péritonéales), la graisse rétropéritonéale et les structures biliaires et vasculaires.

Les cancers de la tête du pancréas sont responsables d’une compression et d’une invasion du
canal cholédoque (ictère par rétention) et du cadre duodénal (occlusion digestive haute).

Les cancers de la tête et de la queue du pancréas sont responsables d’un envahissement du


plexus nerveux coeliaque (douleurs solaires).

Son potentiel métastatique est élevé, notamment vers le foie et les ganglions régionaux .

La classification TNM décrit l’extension tumorale. La classification clinique se fait en pré-


opératoire sur les données de l’imagerie ; la classification post-opératoire (« pathologique »)
est plus précise :
• stade T1 : tumeur limitée au pancréas de taille < 2 cm
• stade T 2 : tumeur de taille > 2 cm mais limitée au pancréas
• stade T 3 : tumeur s’étendant au duodénum, aux voies biliaires et aux tissus péri-
pancréatiques

1
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• stade T 4 : tumeur étendue à l’estomac, la rate, au colon ou aux gros vaisseaux


adjacents (veine porte, tronc coeliaque, artère mésentérique supérieure, artères et
veines hépatiques communes)

L’envahissement ganglionnaire ne peut être précisé qu’après l’intervention chirurgicale :


• N 0 : pas d’envahissement
• N 1 a : un seul groupe ganglionnaire régional envahi
• N 1 b : plusieurs groupes régionaux envahis

La tumeur est classée M 0 en l’absence de métastase et M 1 en leur présence.

1.3. Sémiologie clinique

L’exérèse chirurgicale d’une tumeur limitée étant le seul traitement potentiellement curatif,
l’objectif du médecin est de détecter précocement un cancer du pancréas sur des signes
cliniques initialement frustes. Quand les signes cliniques sont évidents, le cancer est souvent
localement évolué et inextirpable.

1.3.1. La sémiologie initiale


Elle dépend de la localisation tumorale.

• L’ictère nu (sans douleur, ni fièvre) est la forme habituelle de révélation d’un cancer
de la tête du pancréas.
C’est un ictère à bilirubine conjuguée, lentement progressif. Les selles sont décolorées.
Les urines sont foncées. Le prurit devient rapidement intolérable.
La vésicule est dilatée et parfois palpable (différence sémiologique avec la lithiase
enclavée dans le bas cholédoque qui peut provoquer un ictère par rétention ; dans ce
cas, la vésicule lithiasique est scléro-atrophique et non palpable)

• La douleur est souvent le signe révélateur principal d’une tumeur du corps ou de la


queue du pancréas.
Il s’agit typiquement d’une douleur sus-ombilicale (syndrome solaire), permanente ou
survenant par crises, qui peut être soulagée par l’antéflexion (position en chien de
fusil) ou l’aspirine.
Des irradiations trompeuses peuvent faire errer le diagnostic pendant plusieurs mois :
o postérieure évoquant à tort une pathologie vertébrale
o en barre abdominale supérieure évocatrice de colopathie ou d’ulcère gastro-
duodénal

1.3.2. Signes généraux

Des signes généraux (anorexie, dégoût des viandes et du tabac, amaigrissement, dépression),
une maladie thrombo-embolique récidivante, des nécroses lipidiques sous-cutanées, un
syndrome inflammatoire biologique et/ou clinique avec fièvre peuvent amener à réaliser un
bilan morphologique abdominal et un dosage des marqueurs tumoraux sanguins (CA 19-9
surtout, mais aussi ACE) qui permettent de déceler un cancer du pancréas.

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1.3.3. Au stade tardif de l’évolution

Au stade tardif de l’évolution, on peut observer une obstruction duodénale, un amaigrissement


massif, une masse abdominale palpable sur le billot de la colonne vertébrale, une ascite
néoplasique.

1.3.4. Des métastases

Des métastases peuvent révéler un cancer du pancréas ne présentant pas de signes locaux :
adénopathie sus-claviculaire gauche de Troisier, métastases hépatiques responsables
d’hépatalgie.

1.4. Sémiologie para-clinique

Le but du bilan est d’assurer le diagnostic de malignité et d’explorer la résécabilité


chirurgicale, condition sine qua non d’une possible survie prolongée.

1.4.1. L’échographie abdominale

Elle est un examen simple et sensible qui doit être rapidement demandé devant toute douleur
abdominale persistante ou devant un ictère à bilirubine conjuguée. Ses performances sont
meilleures chez une personne de morphologie normale ou mince.
L’échographie objective un syndrome de masse pancréatique et précise sa localisation
(céphalique ou corporéo-caudale).
L’échographie abdominale est le premier examen à réaliser en cas d’ictère rétentionnel. Elle
montre une dilatation du cholédoque, de la vésicule et des voies biliaires intra-hépatiques.
La première échographie peut déjà objectiver des métastases hépatiques.

1.4.2. Le scanner abdominal

Il doit être réalisé avec un appareil performant (scanner hélicoïdal ou spiralé). Il peut être
réalisé d’emblée (patient corpulent) ou à la suite d’une échographie abdominale suspecte. Il
précise l’extension pancréatique de la masse, permet de suspecter des adénopathies
métastatiques si leur diamètre est supérieur à 10 mm et précise l’extension tumorale vers les
vaisseaux.
La réalisation d’un scanner thoracique pour éliminer des métastases pleuro-pumonaires est
indispensable avant d’envisager une exérèse chirurgicale.

1.4.3. L’IRM pancréato-biliaire

Elle est préférée par certaines équipes pour étudier l’extension tumorale pancréatique,
régionale et hépatique.

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1.4.4. L’échographie endoscopique

Elle est utile pour apprécier la résécabilité d’une tumeur de la tête du pancréas. Elle précise
mieux que le scanner les rapports de la tumeur avec les vaisseaux mésentériques et le tronc
coeliaque.

1.4.5. La cytoponction de la lésion

Guidée par l’échographie ou le scanner, elle doit être réalisée si les patients ne sont pas
opérés, avant d’entreprendre une chimiothérapie ou une radiothérapie à visée palliative.

1.4.6. La tomographie à émission de positons

Utilisant le fluoro-déoxyglucose (F 18-TEP)


Elle complète les données du scanner ou de l’IRM. Elle permet surtout la détection des petites
métastases hépatiques qui contre-indiquent la chirurgie

1.5. Principes thérapeutiques

1.5.1. Tumeurs résécables

Le cancer du pancréas n’est résécable que chez une minorité de patients (20 –30 %). Même
chez les patients opérés à visée curative, la survie n’est que d’environ 20 % à 5 ans du fait de
récidives loco-régionales et métastatiques. Au total, la survie de l’ensemble des patients est
inférieure à 5 % à 5 ans.
Si elle est retenue, l’exérèse est une duodéno-pancréatectomie céphalique pour une tumeur de
la tête du pancréas avec anastomose cholédoco-jéjunale. C’est une spléno-pancréatectomie
corporéo-caudale pour une tumeur du corps ou de la queue.
La pancréatectomie totale, génératrice d’un diabète difficile à équilibrer et d’une insuffisance
pancréatique exocrine est d’indication exceptionnelle.

1.5.2. Tumeurs localement évoluées, non résécables

L’objectif est d’offrir une palliation longue et confortable. L’intérêt d’un traitement par
l’association de chimiothérapie et de radiothérapie reste à démontrer (essais en cours). Ces
formes peuvent bénéficier d’une chirurgie de dérivation (double dérivation du cholédoque et
gastro-entéro-anastomose) pour éviter l’ictère et la sténose duodénale. Une alternative à la
chirurgie est la mise en place des prothèse endobiliaire et/ou duodénale par voie endoscopique
lorsque les symptômes apparaissent.

1.5.3. Tumeurs métastatiques

La chimiothérapie peut être envisagée chez les patients en bon état général et informés. Elle
est toujours palliative. Les taux de réponse sont de l’ordre de 15-30 % . Les médicaments
employés sont la gemcitabine (bonne tolérance), le 5-fluorouracile seul ou associé à un dérivé
du platine.

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2. Autres tumeurs du pancréas

2.1. Les tumeurs bénignes

Les rares tumeurs bénignes du pancréas exocrine (adénomes, cystadénomes) doivent


généralement faire l’objet d’une exérèse afin d’écarter de façon absolue un cancer.

2.2. Les pseudo-kystes

Les pseudo-kystes séquellaires d’un épisode de pancréatite aiguë survenant dans un contexte
bruyant sont habituellement faciles à différencier d’un cancer.

2.3. Les tumeurs sécrétantes

Les tumeurs sécrétantes du pancréas endocrines sont révélées par une symptomatologie
endocrine.

2.3.1. L’insulinome

Il est responsable d’épisodes d’hypoglycémie sévères et répétitifs. C’est une tumeur bénigne
ou maligne des cellules B des îlots de Langerhans. Son diagnostic est affirmé par le dosage
sanguin de l’insuline et du peptide C.
Son traitement repose sur l’exérèse chirurgicale de la tumeur du pancréas et des éventuelles
métastases hépatiques, quand elle est possible. Les hypoglycémies réfractaires peuvent être
traitées par le diazoxyde.

2.3.2. Le gastrinome

Il est responsable du syndrome de Zollinger-Ellison. Les patients présentent des ulcères


gastro-duodénaux sévères (hémorragie, perforation).
Son traitement repose sur l’exérèse chirurgicale quand elle est possible et sur les inhibiteurs
de la pompe à proton à forte dose.

2.3.3. Le vipome

Il est responsable d’une diarrhée motrice sévère, avec hypokaliémie, due à la sécrétion
excessive de VIP (vasointestinal peptide, dosable dans le plasma). Le traitement repose si
possible sur la chirurgie. Les analogues de la somatostatine permettent de mieux contrôler la
diarrhée motrice.

2.3.4. Le glucagonome

Il est responsable d’un diabète et d’un érythème migrateur nécrosant. Le traitement est
chirurgical pour les formes résécables. Dans le cas contraire, les analogues de la somatostatine
sont efficaces.

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2.3.5. Les somatostatinomes

Ils sont exceptionnels. Leur sémiologie est discrète (diabète non-insulinodépendant, lithiase
vésiculaire, asthénie). Le diagnostic n’est souvent fait que par un dosage systématique de la
somatostatine devant une tumeur du pancréas localisée ou métastatique.

2.4. Les tumeurs neuro-endocrines non sécrétantes

Elles sont souvent malignes. Elles peuvent être bien différenciées et d’évolution lente ou
indifférenciées et d’évolution rapide. Le traitement des tumeurs bien différenciées repose sur
la chirurgie si elle est possible, celui des indifférenciées sur la chimiothérapie (étoposide et
cisplatine).

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Cancer de la prostate (156)


Pr. JL Lagrange
Mars 2006 (mise à jour mars 2006)

1. Introduction

Le cancer de la prostate est un cancer fréquent dont la prise en charge pluridisciplinaire repose
sur l’analyse des facteurs propres à la tumeur (cliniques, biologiques et histologiques) mais
aussi sur l'espérance de vie du malade. En effet l’évaluation de l'efficacité d’un traitement
curatif demande un recul de plus de 10 ans. Le dépistage de masse n’a pas fait la preuve d'une
réduction de la mortalité. A titre individuel, la réalisation d’un toucher rectal et d'un dosage
du PSA annuel chez les sujets de plus de 50 ans peut être recommandée. L’obtention de la
preuve histologique du cancer est le préalable indispensable avant toute discussion
thérapeutique.

2. Epidémiologie

En France on dénombrait 40000 nouveaux cas de cancer de la prostate en 2000. Cette même
année, la mortalité était d'environ 10000. Un antécédent de cancer de la prostate dans la
famille est retrouvé dans 10 à 25% des cas, et trois formes ont été décrites : La forme
héréditaire (3 cas au moins dans la même famille, cancer retrouvé dans 3 générations
paternelles ou maternelles, survenue précoce dans au moins 2 cas), la forme familiale qui
correspond à des cas survenant dans des familles mais ne réunissant pas les critères
précédents, enfin la forme sporadique. Les formes familiales permettent d’identifier un groupe
pouvant faire l’objet d’un dépistage individuel.

3. Diagnostic clinique et élément du bilan d’extension

Le diagnostic est évoqué généralement à partir des données du toucher rectal fait
systématiquement, et/ou, de plus en plus souvent, devant une élévation du PSA ou, plus
rarement, à l’occasion de signes locaux ou lors d'un bilan de métastases osseuses. Le toucher
rectal retrouve soit une prostate dure déformées et asymétrique, soit simplement augmentée de
volume, ou souvent de taille et consistance normales. Un toucher rectal normal n'élimine pas
le diagnostic. Rarement il existe un blindage pelvien ou une fixation de la prostate.

Les signes locaux peuvent être urinaires (pollakiurie, dysurie) ou plus rarement sexuels
(impuissance). Parfois le diagnostic sera évoqué devant une hémospermie ou une hématurie.

4. Dosage de l’antigène prostatique (PSA)

L’antigène prostatique spécifique est une glycoprotéine sécrétée par les cellules épithéliales
normales de la prostate et des glandes périurétrales. Sa demi-vie dans le sérum est de 2 à 3
jours. Une fraction libre et une fraction liée à l’alpha 1 antichymotrypsine ont été décrites.
Son élévation n’est donc pas spécifique du cancer. Sa sensibilité varie de 43 à 80%, sa
spécificité de 60 à 90%, sa valeur prédictive positive de 30 à 50% et sa valeur prédictive
négative de 80 à 95%. La concentration normale du PSA augmente avec l'âge : 40-49 ans,
0,0-2,5 ng/ml ; 50-59 ans, 0,0-3,5ng/ml ; 60-69 ans, 0,0-4,5 ng/ml ; 70-79 ans, 0,0-6,5 ng/ml.
La concentration du PSA peut être augmentée aussi en cas d’hypertrophie bénigne ou

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d’infection prostatique. La concentration de la fraction libre est en moyenne plus élevée en


cas d’hypertrophie bénigne.
Au delà de 10ng/ml en l’absence d’infection prostatique, des biopsies prostatiques sont
justifiées même si le TR est normal.La biopsie est aussi justifiée lorsque le PSA est inférieur à
10ng/ml si le PSA libre est <25%, le volume prostatique < 40cm3, ou l’élévation du PSA
confirmé lors de 3 dosages successifs. La valeur de la concentration sérique du PSA est
corrélée avec le risque métastatique.

5. Biopsie prostatique

Le diagnostic de cancer de la prostate repose sur l’examen anatomopathologique de biopsies


prostatiques. La technique recommandée est la biopsie par voie endorectale sous contrôle
échographique après préparation par lavement et prescription d’une antibioprophylaxie. Les
complications sont rares. Les plus graves sont de type infectieux : bactériémie accompagnée
ou non de septicémie avec risque de choc septique en l’absence d’une antibiothérapie précoce.

6. Bilan d’extension locale

Le bilan d’extension locale repose sur le toucher rectal, l’échographie transrectale et


éventuellement l’IRM. L’échographie transrectale typiquement retrouve un nodule
hypoéchogène visible en zone périphérique. Une perte du contour de la glande, localisée ou
diffuse, avec envahissement du tissu périphérique par des zones hypoéchogènes traduit une
effraction capsulaire. 5 à 25 % des cancers ne sont pas visibles en échographie.

L’imagerie par résonance magnétique nucléaire en séquence pondérée T2 constate un


hyposignal, d’autant mieux visible qu’il se situe en zone périphérique habituellement en
hypersignal. Elle peut mettre en évidence des extensions extra capsulaires.

Le scanner a remplacé la lymphographie dans le bilan d’extension ganglionnaire pelvienne ou


lombo-aortique. Sa réalisation systématique n’est recommandée qu'en cas de tumeur de stade
> T2a et PSA >15ng/ml et de score de Gleason >7.

La staging ganglionnaire est aussi obtenu par lymphadénectomie ilio obturatrice bilatérale soit
de principe, soit immédiatement avant une prostatectomie.Elle n'est recommandée que
lorsqu’il existe une forte suspicion d’atteinte ganglionnaire supérieure à 10 ou 15 %.

7. Bilan d’extension générale

La radiographie thoracique, la scintigraphie osseuse au technetium 99m pour la recherche


systématique de métastases osseuses ne sont indiquées que si le stade T est supérieur à T2a ou
si le PSA est supérieur à 20 ng/ml ou le score de Gleason égal ou supérieur à 8.

8. Histologie

Un adénocarcinome plus ou moins différencié est constaté dans 95 % des cas. Il se développe
à partir de la zone périphérique (75%) ou de la zone de transition (25%). Les
adénocarcinomes font preuve d’un grand polymorphisme architectural et cytologique. La
différenciation, définie selon le score de Gleason, a une valeur pronostique importante.

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9. Eléments de la décision thérapeutique

En dehors des formes diagnostiquées à un stade métastatique, la décision thérapeutique doit


s’aider de différents éléments liés à l’histoire naturelle du cancer de la prostate, des critères
d’évaluation de la réponse, des facteurs pronostiques de la tumeur et du terrain.

9.1. Critères liés à l’histoire naturelle du cancer de la prostate

Sans traitement, l’évolution se fait vers la progression quel que soit le volume tumoral initial.
L'évolution est souvent très lente.

9.2. Critères liés à l’évaluation de l’efficacité thérapeutique

L’appréciation des résultats thérapeutiques nécessite un recul d'au moins 10 ans pour évaluer
l’impact d’un traitement pour un cancer à un stade localisé

9.3. Critères pronostiques liés à la tumeur

Il s’agit de critères obtenus par l’examen clinique ou histologique avant tout traitement. Trois
facteurs principaux peuvent être retenus :
• Le stade tumoral. La gravité de la maladie est croissante avec le stade du T1 au T4. Le
volume tumoral est corrélé à l’extension locale : franchissement capsulaire et atteinte
des vésicules séminales.
- Le score de Gleason. Il s’agit d’un facteur important que le traitement soit chirurgical
ou par irradiation. Les tumeurs indifférenciées de score supérieur ou égal à 8 donnent
plus souvent des métastases ganglionnaires ou osseuses
• La concentration de PSA. L’extension loco-régionale et à distance est corrélée à
l’élévation de la concentration du PSA. Après traitement les chances de guérison
diminuent avec son élévation.

9.4. Critères liés au patient

Compte tenu de la lenteur évolutive spontanée,un traitement à visée curative, à un stade


localisé, ne sera proposé qu’à des hommes dont l’espérance de vie est supérieure à 10 ans.

10. Méthodes thérapeutiques

10.1. Chirurgie
La prostatectomie radicale est le traitement le plus ancien à visée curative des cancers de la
prostate à un stade localisé. Elle est généralement associée à un curage ganglionnaire ilio-
obturateur.La mortalité est quasi nulle (< 1 %).La plus importante des complications tardives
est l’incontinence urinaire de degré variable, légère à totale, évaluée par le nombre de
protections quotidiennes utilisées par le patient. Quasi constante immédiatement après
l’intervention, elle n’est présente que dans 50% des cas environ à 1 mois et dans moins de
10% des cas à 2 ans. L’impuissance est l’autre complication tardive majeure dont l’incidence

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varie avec de nombreux facteurs, en particulier l'âge et la possibilité de conserver les nerfs
érecteurs (en moyenne 70 à 100 % d'impuissance).
10.2. Radiothérapie

10.2.1. La radiothérapie externe

Elle utilise des photons de haute énergie produits par des accélérateurs linéaires. Des doses
plus élevées que dans le passé peuvent être délivrées grâce aux techniques
conformationnelles. Les doses délivrées sont classiquement de 66-70 Gy/33-35 fractions et
6,5-7 semaines au niveau de la prostate. Elle peut être utilisée en postopératoire soit à titre
adjuvant soit lors d’une récidive locale diagnostiquée au toucher rectal ou devant une
élévation du PSA. La toxicité aiguë, constante, est principalement urinaire avec une
pollakiurie et une dysurie, une rectite et une diarrhée. Cette toxicité est réversible en quelques
semaines après la fin du traitement. Les complications tardives surviennent après plusieurs
mois. Il s’agit de rectorragies (5 à 10 %) pouvant nécessiter un traitement local, de sténose
urétrale (moins de 5 % des cas), d'hématurie ou de pollakiurie avec une vessie de petit volume
(moins de 5 % des cas). La mortalité est nulle et l’incontinence très rare (<1%). Dans 40 à
60% des cas il apparaît une impuissance qui s'installe progressivement en quelques années.

10.2.2. La curiethérapie

Elle utilise des grains d'iode 125 (dose de 140 Gy). implantés définitivement dans la prostate
sous anesthésie générale. Son indication est réservée à des formes de bon pronostic (T<2b,
Gleason <6, PSA < 10ng/ml), avec un volume prostatique de moins de 60cm3. Les effets
secondaires sont retardés de quelques semaines, à type de difficultés mictionnelles et de
douleurs pelviennes. Les risques d’incontinence sont très faibles et seulement 20 à 30% des
patients présentent une impuissance séquellaire dans les années qui suivent le traitement.

10.3. Hormonothérapie

Le cancer de la prostate est androgénodépendant dans 80 % des cas. La diminution de l’action


des androgènes peut être obtenue par plusieurs voies. Les analogues de la LH-RH ont
remplacé la castration chirurgicale pour la suppression des sécrétions testiculaires de
testostérone. Les oestrogènes ne sont plus prescrits en raisonde leurs complications
cardiovasculaires. Les antiandrogènes (stéroidiens ou non) bloquent au niveau cellulaire
l’action des androgènes. Ils sont parfois utilisés conjointement aux analogues de la LHRH
pour obtenir un blocage androgénique complet. Les effets secondaires des traitements
hormonaux sont l'impuissance avec baisse de la libido et les risques thrombo emboliques.

L'hormonothérapie s'emploie à titre palliatif ou en adjuvant d'une radiothérapie locale.

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11. Indications thérapeutiques et résultats

Les indications doivent tenir compte des facteurs pronostiques et en tout premier lieu de
l’extension tumorale locale. La décision devra être pluridisciplinaire, après information du
patient sur les différentes options et de leurs avantages et inconvénients.
Ne seront décrites que les indications thérapeutiques les plus fréquentes :

11.1. Le traitement curatif


Il est indiqué :
- Stade localisé, critères de bon pronostic : T1-T3,N0,M0
- Prostatectomie radicale ou curiethérapie ou radiothérapie externe à la dose de 70 Gy.
- Stade localisé, critères de mauvais pronostic : radiothérapie externe plus
hormonothérapie adjuvante pendant au moins 6 mois.
- Stade localisé, critères de pronostic intermédiaire : chirurgie ou radiothérapie externe à
dose supérieure à 70 Gy + hormonothérapie adjuvante

Un traitement curatif n'est pas indiqué si l'espérance de vie est inférieure à 10 ans: abstention
thérapeutique ou hormonothérapie si le patient est symptomatique.

11.2. Patients métastatiques

A la phase métastatique le traitement de référence en première intention est


l’hormonothérapie (castration chimique). En cas de douleur, un traitement antalgique gradué
devra être associé en suivant les recommandations de l’OMS. Si les douleurs persistent ou
s’aggravent, une irradiation palliative orientée par l’imagerie et la symptomatologie délivrant
une dose de 30 Gy en 10 fractions et 12 jours ou 20 Gy en 5 fractions et 5 jours est indiquée.

La présence de signes neurologiques de compression médullaire clinique ou radiologique doit


faire mettre en urgence un traitement spécifique afin d’éviter l’évolution vers la paraplégie
qui, lorsqu’elle est installée, est habituellement irréversible. Il comprend une corticothérapie à
forte dose instituée en urgence. L'avis des neurochirurgiens est indispensable. La
décompression médullaire pourra être envisagée en présence d’une compression d’installation
récente associée à des signes déficitaires et en cas d’instabilité vertébrale, et enfin, si elle est
inaugurale afin d'obtenir une confirmation histologique. Dans tous les cas une irradiation
palliative sera effectuée.

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12. Suivi thérapeutique du patient

Après un traitement à visée curative, la surveillance du patient est indispensable afin


d’évaluer l’efficacité du traitement et les toxicités. Après une prostatectomie ou une
irradiation, la récidive tumorale peut se traduire par une élévation du PSA, une anomalie
locale ou une évolution métastatique. En conséquence, la surveillance repose sur l’examen
clinique et le toucher rectal.

Le toucher rectal sera bi-annuel ou annuel à la recherche d’une anomalie pelvienne,


péricicatricielle ou d’une modification de volume et de consistance de la prostate après
irradiation.

Le dosage du PSA sera systématique. Il est recommandé de le faire toujours dans le même
laboratoire pour pouvoir comparer les résultats des dosages successifs. Après une
prostatectomie il doit être indétectable (<0,1ng/ml). Le premier dosage sera effectué 3 mois
après la prostatectomie puis il sera trimestriel pendant la première année, semestriel pendant
les 5 années suivantes puis annuel si le taux reste indétectable. La persistance d’un PSA
dosable est la traduction d’une exérèse incomplète ou de la méconnaissance de métastase
présente au moment du diagnostic. Après irradiation le dosage sera semestriel pendant deux
ans puis annuel.

La tolérance des traitements et la qualité de vie seront régulièrement évaluées par


l’interrogatoire. l’examen clinique et par des examens de laboratoire orientés. En particulier
lors de l’institution d’un traitement par antiandrogène un suivi hépatique est indispensable.
Cette surveillance tiendra compte des traitements associés du patient afin de prendre en
compte d’éventuelles interférences médicamenteuses avec les traitements anticoagulants par
antivitamine K.

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13. Conclusion

Le cancer de la prostate est un cancer fréquent. Sa prise en charge est complexe et doit tenir
compte de facteurs pronostiques tumoraux et liés au terrain. La prise en compte des choix du
patient est primordiale en raison des conséquences sur la qualité de la vie des traitements. De
nombreuses questions ne sont pas encore résolues. En particulier la nécessité d’un dépistage
systématique par le dosage du PSA n‘a pas fait la preuve de son utilité. Il est important
d’inciter les patients à participer à des études cliniques qui seules permettront d’améliorer la
connaissance de son histoire naturelle et d’améliorer les résultats thérapeutiques.

14. Classification TNM UICC 2002

T : Tumeur primitive
T0 : Absence de tumeur
T1 : Tumeur non palpable ou non visible en imagerie
T1a < 5 % du tissu réséqué*
T1b > 5 % du tissu réséqué*
T1c : découverte par élévation du PSA et réalisation de biopsies
T2 : Tumeur limitée à la prostate (apex et capsule compris)
T2a : Atteinte de la moitié d’un lobe ou moins
T2b : Atteinte de plus de la moitié d’un lobe sans atteinte de l’autre lobe
T2c : Atteinte des deux lobes
T3 : Extension au-delà de la capsule
T3a : Extension extra-capsulaire
T3b : Extension aux vésicules séminales
T4 : Extension aux organes adjacents (col vésical, sphincter uréthral, rectum, paroi
pelvienne) ou tumeur fixée
* Ces deux stades concernent les hommes qui ont bénéficié d’une résection de la prostate par les voies
naturelles (« grattage »). Les copeaux (= morceaux) de prostate enlevés ont été envoyés en analyse et il a été
alors découvert un cancer de la prostate. Si ce cancer est présent sur moins de 5 % du tissu prostatique, il s’agit
d’un stade T1a ; Dans le cas contraire, il s’agit d’un stade T1b.

N : Ganglions régionaux
N0 : Absence de métastase ganglionnaire
N1 : Atteinte ganglionnaire(s) régionale(s)

M : Métastases à distance
M0 : Absence de métastases à distance
M1 : Métastases à distance
M1a : Ganglions non régionaux
M1b : Os
M1c : Autres sites
R : Reliquat tumoral post-opératoire
L’absence ou la présence d’un reliquat tumoral après prostatectomie totale (marges
chirurgicales) est décrite dans la classification UICC (Union Internationale Contre le Cancer)
à l’aide du symbole R. Son emploi, facultatif, précise le statut tumoral après le traitement avec
une meilleure prédiction du pronostic.
Les marges après prostatectomie sont codées comme suit :
Rx : non évalué
R0 : Absence de reliquat tumoral macroscopique ou microscopique

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R1 : Reliquat microscopique (focal ou étendu à préciser)


R2 : reliquat macroscopique

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Cancers bronchiques primitifs (157a)


Françoise MORNEX1, Jean-Yves DOUILLARD2, Etienne MARTIN1, Jaafar BENNOUNA2,
Stéphan COLLODET1 - 1 Département de Radiothérapie-Oncologie, Centre Hospitalier
Lyon Sud, 69310 PIERRE BENITE - 2 Département d’Oncologie Médicale, Centre René
Gauducheau, CRLCC Nantes-Atlantique 44805 ST-HERBLAIN
Décembre 2005 (mise à jour janvier 2006)

1. Généralités

1.1. Epidémiologie
Première cause de mortalité par cancer chez l'homme.

En France, environ 25 000 décès annuels par cancer bronchique pour une incidence de 27000
nouveaux cas estimés en 2000.

Son pronostic reste très sombre : Espérance de vie à 5 ans de 10 à 15 %. Un cancer


bronchique symptomatique est déjà synonyme d'incurabilité dans 90 % des cas.

Fréquence en augmentation chez l'homme et plus récemment chez la femme (chez la femme,
aux USA et au Danemark, la mortalité par cancer bronchique a dépassé celle du cancer du
sein. Evolution similaire attendue en France).

1.2. Facteurs de risque

1.2.1. Le tabac

Le tabac est le facteur de risque essentiel, il provoque 9 cancers bronchiques masculins sur
10 : le risque de cancer est multiplié par 10 chez le fumeur par rapport au non fumeur.

L’exposition au risque s’exprime en nombre de paquets/année. Un paquet /année correspond à


20 cigarettes par jour pendant 1 an (10/j pendant 2 ans).

Pour le calcul du risque, la durée du tabagisme et l'âge de début (précocité) sont des facteurs
plus importants que la quantité fumée ; il n’y a pas de seuil.

Enfin le tabagisme passif augmente le risque relatif du conjoint d'un fumeur (1,35).
L’arrêt du tabagisme réduit très lentement le risque de survenue d’un cancer bronchique, des
traces de goudron du tabac, riche en promoteur de la carcinogénèse peuvent être trouvée
jusqu’à 30 ans après l’arrêt de la consommation.

1.2.2. Autres facteurs de risque

Les risques cancérigènes liés à la pollution sont difficiles à évaluer (nombreux polluants
industriels connus, potentialisation entre ces polluants et la fumée de cigarette).

L’exposition à l’amiante, aux radiations ionisantes entre autres sont des facteurs de risque
reconnu. Il existe le plus souvent une potentialisation des carcinogènes entre eux.
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Sont reconnus comme facteurs de risque professionnel donnant lieu à déclaration dans le
cadre de la maladie 30 bis l’exposition à l’amiante, l’arsenic, le chrome, le nickel et certains
de leurs composés, le radon et les radiations ionisantes, les hydrocarbures polycycliques, les
bis-chloro-méthylether entre autres.

1.3. Dépistage

Les symptômes révélateurs du cancer bronchique ne sont pas spécifiques.

L'intérêt du dépistage radiographique chez des patients à haut risque (hommes > 50 ans,
fumant plus d'un paquet par jour) n'est pas établi. L'utilisation du scanner avec coupes fines
pourrait s'avérer plus utile.

2. Circonstances de découverte

Signes et symptômes révélateurs par ordre de fréquence

Toux 74% Adénopathies 23%


Perte de poids 68% Hépatomégalie 21%
Dyspnée 58% Fièvre21%
Douleurs thoraciques 49% Signes neurologiques 10%
Expectoration 45% Syndrome cave supérieur 10%
Hémoptysie 29% Dysphonie 4%
Douleurs osseuses25% Asymptomatique12%

2.1. Les signes respiratoires sont les plus fréquents

Tout symptôme respiratoire ou modification de symptôme préexistant doit attirer l'attention


chez un sujet tabagique de plus de 40 ans. Ces signes doivent faire pratiquer un cliché de
thorax de face et de profil. Souvent une fibroscopie bronchique sera aussi utile.

2.2. Signes en rapport avec l'extension locorégionale

2.2.1. Signes de compression médiastinale

Dysphonie (paralysie récurentielle gauche), wheezing (compression trachéale), dyspnée


paroxystique, syndrome cave supérieur (œdème en pèlerine, lymphoedème des bras,
circulation veineuse collatérale), dysphagie par compression oesophagienne

2.2.2. Douleur thoracique

Par atteinte pleurale ou pariétale

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2.3. Signes généraux

Altération de l'état général avec amaigrissement, asthénie, anorexie, fièvre, syndrome


inflammatoire.

2.4. Métastases révélatrices

Adénopathie sus claviculaire, métastase hépatique, osseuse, cérébrale.

2.5. Syndromes paranéoplasiques

Hippocratisme digital, gynécomastie, hypercalcémie, neuropathie périphérique, myopathie,


manifestations endocriniennes, phlébites à répétition.

2.6. Rarement

Dépistage radiologique systématique

3. Diagnostic

Il repose sur l’examen clinique, les données radiologiques, la fibroscopie bronchique.


L’examen anatomopathologique reste la pierre angulaire du diagnostic.

3.1. Examen clinique souvent peu contributif

L'interrogatoire précise le tabagisme, l’exposition à des polluants (amiante, …), la profession,


les antécédents broncho-pulmonaires.

L'examen thoracique recherche un syndrome de compression cave, une adénopathie sus


claviculaire, une douleur pariétale provoquée, un épanchement pleural.

L'examen général recherche un amaigrissement, une fièvre; une asthénie, des modifications
des ongles, une hépatomégalie, un déficit neurologique, des céphalées, des anomalies du
comportement.

3.2. Examen radiologique

Cliché standard face + profil. II peut montrer :


- Une image directe de la tumeur, opacité arrondie, dense, en situation hilaire, juxta-
hilaire, ou périphérique (évoquant plutôt un adénocarcinome), parfois excavée,
simulant un abcès du poumon.
- Un trouble de ventilation : image systématisée, rétractile, homogène (atélectasie).

Parfois l'image est moins caractéristique, opacité apicale, ou alvéolaire évoquant une
pneumonie.

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La recherche de signes associés est systématique, épanchement pleural, adénopathies


médiastinales, lyse costale, paralysie phrénique.

Fait essentiel : une radiographie normale n'élimine pas le diagnostic!

3.3. Le scanner thoracique

Il est systématique.

Il précise la taille et la localisation de la tumeur, ses rapports avec les structures voisines.

Il permet le bilan d'extension médiastinale (en particulier des adénopathies) et pariétale.

Il recherche une autre localisation parenchymateuse.

Il permet la visualisation du foie et des surrénales qui doivent être systématiquement explorés.

3.4. Fibroscopie bronchique

C'est l'examen fondamental à demander au moindre doute.

Elle montre souvent des anomalies très évocatrices : bourgeon endobronchique fragile,
saignant au contact, infiltration sténosante irrégulière, compression extrinsèque.

Parfois anomalies plus discrètes : rétrecissement de la lumière bronchique, éperon élargi.

Un arbre bronchique normal n'élimine pas le diagnostic, notamment en cas de tumeur distale.

La fibroscopie permet de réaliser des prélèvements, biopsie sur la lésion, de l'éperon le plus
proche, voire la carène, pour examen anatomopathologique, aspiration pour cytologie,
examen cytologique des crachats les 3 jours suivants.

3.5. Confirmation anatomo-pathologique

Il est indispensable d’obtenir une confirmation histologique pour affirmer le diagnostic.

Si aucune histologie ne peut être obtenue en fibroscopie, il faudra envisager une ponction
transthoracique sous scanner. Si celle-ci n’est pas possible ou contrindiquée on devra discuter
une médiastinoscopie voire une thoracotomie à visée diagnostique. En cas de lésion suspecte
de métastase à distance (foie, surrénale, os voire cerveau) une histologie peut également être
obtenue à ce niveau.

Les cancers bronchiques se distinguent en 2 grands groupes : Cancers Non à Petites Cellules
(CBNPC) et Cancers à Petites Cellules (CPC)

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3.5.1. Les cancers bronchiques non à petites cellules (CBNPC)

Ils regroupent 3 types histologiques distincts.

3.5.1.1. Les carcinomes épidermoïdes

Ils siègent plutôt sur les grosses bronches, en position centrale.


L'aspect endoscopique est typiquement celui d'un bourgeon endobronchique
Leur développement est surtout local, les métastases tardives, c'est le cancer chirurgical type.

3.5.1.2. Les adénocarcinomes

Leur fréquence est en augmentation au cours des dernières années.


Leur siège est volontiers périphérique, mais il peut être proximal.
L'histologie ne permet pas de trancher entre une nature primitive ou secondaire.
Le marqueur histologique TTF1 aide au diagnostic.
Ils ont un fort potentiel métastatique

3.5.1.3. Les carcinomes à grandes cellules et carcinomes


indifférenciés
Ils possèdent un haut potentiel évolutif.

3.5.1.4. Tendances évolutives

On assiste depuis quelques années à une modification de la répartition des histologies avec
diminution des cancers épidermoïdes et augmentation des adénocarcinomes, sans doute liée
aux modifications qualitatives du tabagisme. L’adénocarcinome est de loin le plus fréquent
chez la femme.

3.5.2. Les cancers bronchiques à petites cellules

Il s’agit de tumeurs neuro-endocrines avec des marqueurs immunohistochimiques particuliers


(NeuroSpécificEnolase, chromogranine). Leur incidence est en diminution, il représente
environ 20% des cancers bronchiques.

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4. Diagnostic différentiel

L’obtention d’une histologie est un impératif absolu.


Le diagnostic histologique établi, la question peut se poser du caractère primitif ou secondaire
de la lésion pulmonaire surtout si elle est unique en l’absence de lésions endobronchiques.

L’aspect tomodensitométrique des métastases est typiquement nodulaire et multiple.

En cas d’histologie épidermoïde, le diagnostic différentiel pose en pratique peu de problèmes.


On élimine assez rapidement et facilement une tumeur de la sphère ORL, de l’œsophage, du
col utérin ou du canal anal sur l’examen clinique et les symptômes

En cas d’adénocarcinome, le marqueur histologique TTF1 positif est une forte présomption
d’origine primitive pulmonaire même en l’absence de signe endobronchique. En cas de
négativité du TTF1, ou de carcinome indifférencié à grandes cellules, c’est l’absence de
tumeur primitive ailleurs (seins, reins, rectum, pancréas, exceptionnellement colon, prostate,
thyroïde, estomac) qui fait retenir le caractère primitif de la lésion. Dans la majorité des cas
un bilan exhaustif à la recherche d’une tumeur primitive n’est pas nécessaire. L’examen
clinique suffit (seins, rectum, prostate, thyroïde), les autres organes profonds (reins++,
pancréas) sont vus sur les coupes abdominales du bilan d’extension, les cancers du colon
donnent exceptionnellement des métastases pulmonaires sans atteinte concomitante du foie.

5. Bilan d’extension préthérapeutique

Il a pour but de définir le stade selon la classification TNM dont l’intérêt est double :
- valeur pronostique
- aide à la décision thérapeutique

II est indispensable car il guide la conduite thérapeutique :


- Le bilan est dit « d’opérabilité et de résécabilité » en vue d'une intervention
chirurgicale à visée curative sur le plan carcinologique
- Il servira de référence en cas de traitement médical.

5.1. Bilan loco-régional

L'évaluation de l'extension thoracique inclut une fibroscopie bronchique, un scanner


thoracique, parfois médiastinoscopie (pour avoir une stadification ganglionnaire précise). On
a plus rarement recours à l’oesophagoscopie, l’échoendoscopie œsophagienne en cas
d'atteinte oesophagienne, la radioscopie pour confirmer une paralysie diaphragmatique (nerf
phrénique), la phlébographie en cas de syndrome cave supérieur, l’IRM pour l’extension
pariétale, cardiovasculaire ou vertébrale en cas de possibilité chirurgicale.

L'évaluation de l'extension pleurale peut se faire par cytologie, rarement contributive, surtout
par ponction-biopsie pleurale, parfois par thoracoscopie avec biopsies.

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5.2. Bilan à distance

L'évaluation de l'extension métastatique exhaustive n'est pas utile chez les patients pour
lesquels il existe un site métastatique connu d’emblé ou révélateur.

La réalisation d’une scintigraphie osseuse ou d’un scanner/IRM cérébral est le plus souvent
réservée aux malades symptomatiques.

En l’absence de diffusion métastatique clinique, si un traitement curateur, a fortiori


chirurgical est envisagé un bilan d’extension métastatique complet se justifie.

La pratique d’une Tomographie à Emission de Positons (TEP) n’est pas généralisée mais
permettrait d’améliorer à la fois le bilan loco-régional (étude du médiastin) et général (foie,
poumon, surrénales).

Elle pourrait être d’un intérêt particulier dans les formes a priori résécables.

5.3. Bilan biologique

Certains éléments du bilan biologique ont une valeur pronostique péjorative : syndrome
inflammatoire, anémie, hypercalcémie, hyponatrémie. Les marqueurs tumoraux (ACE,
CYFRA 21, SCC, NSE) ne sont pas réalisés en routine.

5.4. Etat général

Outre l'amaigrissement chiffré en % dans les 3 à 6 derniers mois, l'index de Karnofsky (IK)
ou le « Performance Status » (PS) décrit les capacités générales du patient, fera partie du
bilan préthérapeutique ; il oriente aussi l’intensité de la thérapeutique non chirurgicale.

Une altération de l'état général doit faire rechercher une lésion secondaire.

5.5. Bilan d'opérabilité et de résécabilité

Le bilan d’opérabilité a pour but d'apprécier la faisabilité de l'exérèse prévue en fonction du


terrain; il est basé sur les explorations fonctionnelles respiratoires et éventuellement
cardiovasculaires, l’âge du patient, l’état général et les tares associées.

Le bilan de résécabilité est lié à l’extension loco-régionale et à la possibilité pour le chirurgien


en fonction des rapports anatomiques de la tumeur de réaliser une résection complète,
carcinologiquement satisfaisante.

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6. Stadification

6.1. Classification TNM

T : Tumeur primitive
T1 : diamètre < 3 cm, au delà de la bronche souche
T2 : diamètre > 3 cm, à plus de 2 cm de la carène
T3 : toutes tailles, extension viscérale (paroi thoracique, plèvre médiastinale, péricarde,
diaphragme), à moins de 2 cm de la carène, mais sans l’atteindre
T4 : toutes tailles, envahissement médiastinal (carène, cœur, gros vaisseaux, trachée,
œsophage, vertèbres, ou avec pleurésie maligne.

N : ganglions
N0 : pas d’adénopathie envahie histologiquement
N1 : adénopathies péribronchiques ou hilaires homolatérales
N2 : adénopathies médiastinales homolatérales ou sous-carénaires
N3 : adénopathies controlatérales ou sus-claviculaires

M : métastases
M0 : pas de métastases
M1 : métastases viscérales à distance

6.2. Stades

Le regroupement en stades a une valeur pronostique et conditionne le traitement

Stades TNM Taux de survie à 5 ans


Stade IA T1N0M0 67%
Stade IB T2N0M0 57%
Stade IIA T1N1M0 55%
T2N1M0
Stade IIB 38%
T3N0M0
Stade IIIA T3N1M0 et Tout N2M0 9 à 13%
Stade IIIB Tout N3M0 et Tout T4M0 3 à 7%
Stade IV Tout M1 2%

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7. Formes cliniques particulières

7.1. Syndrome de Pancoast-Tobias

II s'agit d'une tumeur de l'apex, se révélant par un syndrome douloureux de l'épaule puis par
des douleurs de type radiculaire C8 D1, un syndrome de Claude Bernard Horner (myosis,
ptosis, énophtalmie) homolatéral, une lyse costale de l'arc postérieur des deux premières
côtes.

7.2. Carcinome bronchiolo-alvéolaire

C'est le seul véritable cancer du poumon profond. Il a son origine dans les bronchioles distales
et les alvéoles (pneumocytes de type II).

Trois tableaux cliniques distincts peuvent être réalisés :


• Nodule périphérique unique,
• forme multinodulaire diffuse, simulant des métastases pulmonaires,
• forme pneumonique, simulant une pneumopathie chronique.

Classiquement l'expectoration est abondante, les opacités sont alvéolaires avec


bronchogramme aérique, le diagnostic cytologique est porté sur le LBA.

8. Traitement du cancer bronchique non à petites cellules

La décision thérapeutique doit être prise en concertation multidisciplinaire

8.1. Formes opérables et résécables


La chirurgie est le seul traitement susceptible d'assurer une survie prolongée (> 5 ans), mais
20 % des patients seulement sont candidats à une chirurgie d'exérèse dont la moitié aura une
survie prolongée.
Indications : Tous les stades I-II., certains stades III (20 %) avec chirurgie dite élargie,
exceptionnellement certains stades IV avec métastase unique extirpable.
La chimiothérapie néoadjuvante (pré-opératoire) est souvent proposée dans les stades I, II , la
chimioradiothérapie préopératoire est discutée pour les stades III, la radiothérapie post-
opératoire est proposée en cas d'atteinte pleuro-pariétale, si la tranche de section bronchique
est envahie et discutée pour les envahissements ganglionnaires de type N2.

8.2. Formes inopérables

Elles représentent la majorité des patients (80 %).

Dans les stades IIIB (localement avancés, non métastatiques):la chimioradiothérapie est
indiquée, avec une médiane de survie est de 10 à 15 mois. Les modalités précise de
l’association (séquentielle ou concomitante) sont encore l’objet d’étude clinique.

Dans les stades IV le traitement est palliatif. Plusieurs études randomisées ont démontré
l’intérêt d’une chimiothérapie sur la durée de survie et la qualité de vie par rapport à un

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traitement symptomatique seul et son rôle n’est plus discuté. Elle repose en règle générale sur
une bithérapie à base de cisplatine associé le plus souvent à un taxane, la vinorelbine, la
gemcitabine, plus rarement l’étoposide.

L’indication de chimiothérapie doit tenir compte du terrain. Les patients à l’état général altéré
(PS=2 ) bénéficient rarement de ces chimiothérapies et pourraient éventuellement recevoir
une monothérapie sans cisplatine.

Les patients PS >2 en règle ne relèvent pas de chimiothérapie.

Le pronostic des CBNPC de stade IV traités par chimiothérapie reste sombre avec une
médiane de survie de 7 à 9 mois. Certains patients cependant ont des survies prolongées et
peuvent bénéficier de plusieurs lignes de chimiothérapie.

Globalement le taux de survie à 1 an est de 35-40%

8.3. Particularités thérapeutiques

L’âge est de moins en moins considéré comme un facteur limitant pour la chimiothérapie.
C’est l’âge physiologique du patient qui doit être pris en compte. Un sujet âgé de plus de 70
voire 75 ans en bon état général (PS 0 ou 1) peut le plus souvent recevoir une chimiothérapie.

La durée de la chimiothérapie est encore mal codifiée. Des études cependant ont montré que
la chimiothérapie d’entretien (ou de maintenance) n’apportait aucun bénéfice.

9. Autres traitements

Les traitements symptomatiques sont essentiels : traitement antalgique basé sur les
morphiniques, corticothérapie à forte dose, antibiothérapie, oxygénothérapie...

Des traitements locaux ont une place à visée palliative : laser et cryothérapie.

La curiethérapie endobronchique est en cours d'évaluation dans les formes limitées


endobronchiques.

10. Particularités cliniques et thérapeutiques des cancers à


petites cellules

10.1. Caractéristiques générales

Les cancers bronchiques à petites cellules (CPC) représentent 20 % de l'ensemble des cancers
bronchiques, ils ont une origine neuro-endocrine, leur temps de doublement est rapide,
l'évolution spontanée rapide de type systémique.

Ils se caractérisent par une présentation souvent médiastinale (fréquence du syndrôme cave
supérieur), une évolutivité importante avec envahissement ganglionnaire et métastases

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précoces, des syndromes paranéoplasiques fréquents (syndrome de Schwartz-Bartter), une


grande sensibilité à la radiothérapie et à la chimiothérapie.

Il existe un plafonnement des résultats à long terme (5 à 10 % de longues survies à 5 ans)


malgré la bonne réponse initiale à la chimioradiothérapie, ce qui les fait qualifier de
chimioradiosensibles, non chimioradiocurables.

10.2. Circonstances de découverte

La symptomatologie pulmonaire est similaire à celle des autres types de cancer bronchique.
On note cependant la plus grande fréquence de l’altération de l'état général, la fréquence de
syndromes de compression médiastinale, syndrome cave supérieur en particulier, dysphonie,
voix bitonale, dysphagie.

Les métastases révélatrices sont fréquentes, osseuses, hépatiques, cérébrales, ganglionnaires,


sous-cutanés, surrénaliennes.

Les syndromes paranéoplasiques : syndrome de Schwartz-Bartter (sécrétion inappropriée


d'ADH), le plus fréquent, rarement syndrome de Cushing, syndromes neurologiques
(neuropathie sensitive de Denny-Brown, syndrome pseudo-myasthénique de Lambert-Eaton),
thromboses veineuses récidivantes, manifestations cutanées.

10.3. Diagnostic

Il n’y pas de signe clinique pathognomonique.


La radiographie thoracique montre plus souvent un élargissement médiastinal.

10.4. Bilan préthérapeutique

La classification TNM n’est que très peu utilisée, on sépare les tumeurs en « maladie
localisée » ou « maladie diffuse », on doit considérer la maladie comme étant a priori
systémique, donc diffuse.

Le bilan d'extension est systématique (échographie abdominale, scanner cérébral,


scintigraphie osseuse) . La recherche d’un envahissement médullaire par myélogramme,
biopsie osseuse voire IRM n’est pas systématique.

Le dosage des marqueurs tumoraux (NSE, LDH) n'est pas réalisé en routine. Le taux de NSE
(Neurone Specific Enolase) et de LDH sont un facteur pronostique mais ne modifient pas la
prise en charge des CPC.

On distingue, au terme du bilan, les formes localisées : limitées au thorax avec atteinte
médiastinale ou ganglionnaire sus claviculaire et les formes étendues avec métastases
pulmonaires ou extra-respiratoires, qui sont présentes dès le diagnostic dans 75 à 80 % des
cas.

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10.5. Principes du traitement

L'évolution spontanée sans traitement est foudroyante, le décès survenant en 1 à 4 mois.


Cette tumeur est extrêmement chimiosensible, on observe plus de 30 % de réponses
objectives en monochimiothérapie et plus de 60 % en poly-chimiothérapie.

Cette tumeur est également extrêmement radiosensible. La chimiothérapie améliore très vite
l’état général. Malgré cette sensibilité aux traitements, la tumeur n’est que rarement curable,
les longues survies sont rares et la médiane de survie se situe entre 12 et 24 mois. Le
traitement sera différent selon que la tumeur est localisée ou diffuse.

10.6. Traitement des formes limitées

L'association chimiothérapie-radiothérapie, permet d'augmenter la survie (21 % à 4 ans). Le


traitement d'induction par chimiothérapie ne doit pas dépasser 6 mois, un traitement de
maintenance au-delà est inutile.

L'irradiation prophylactique de l'encéphale n'est utile que chez les patients en rémission
complète, elle réduit de 50% le risque de développer des métastases cérébrales.
On assiste à une réactualisation de l'exérèse chirurgicale, d'emblée dans les rares formes
périphériques (< 5 %), ou seconde après chimioradiothérapie dans 20 % des formes limitées.

10.7. Traitement des formes diffuses

Il s’agit d’un traitement palliatif, basé sur la chimiothérapie, qui repose le plus souvent sur
l’association cisplatine-étoposide. Une intensification avec association de 3 voire 4 drogues
peut améliorer les résultats au prix d’une toxicité majorée et doit être réservée au sujets jeunes
et en bon état général.

La radiothérapie à visée symptomatique est efficace sur les douleurs et les signes de
compression.

10.8. Traitement des complications liées à la maladie

Syndrome cave supérieur : corticoïdes à forte dose, anticoagulation efficace, oxygénothérapie


en cas d'hypoxémie, pose de prothèse et chimiothérapie.

Syndrome de Schwartz-Bartter : restriction hydrique , parfois perfusion de sérum


physiologique et diurétiques de l'anse, déméthylchlortétracycline (LEDERMYCINE® 3
cps/jour) dans les cas sévères.

Douleurs : morphiniques le plus souvent, car les antalgiques simples sont insuffisants, lutte
contre la constipation et radiothérapie sur les lésions douloureuses ou compressives.

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11. Conclusion

Le cancer bronchique est une pathologie fréquente, de sombre pronostic globalement. Son
incidence va continuer d’augmenter compte tenu des habitudes tabagiques actuelles, chez des
sujets de plus en plus jeunes.

Quelques formes sont curables en fonction du stade mais ne représentent que 5 à 10% des cas.
La grande majorité des patients se présentent avec un stade métastatique d’emblée ou
évolueront sur ce mode. Ils nécessitent une prise en charge spécialisée, multidisciplinaire pour
une médiane de survie de 7 à 9 mois et un taux de survie à 1 an de 35 à 40% en France, l’un
des meilleurs en Europe.

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Diagnostiquer une tumeur du rein (158)


Christophe AVANCES (Service d’Urologie, CHU G. Doumergue, Nîmes), Pierre COSTA
(Service d’Urologie, CHU G. Doumergue, Nîmes), Stéphane CULINE (Centre Régional de
Lutte contre le Cancer Val d’Aurelle, Montpellier)
Décembre 2005 (mise à jour décembre 2005)

1. Les circonstances diagnostiques

Une tumeur du rein peut être diagnostiquée de manière fortuite (45% des cas) ou à l’occasion
du développement de symptômes liés au développement loco-régional (45%) ou général de la
maladie (10% des cas).

1.1. La découverte fortuite

L’utilisation fréquente de l’échographie pour l’exploration de symptômes non spécifiques, le


plus souvent abdominaux, a permis d’augmenter de façon notable la proportion de patients
chez lesquels une tumeur du rein est découverte fortuitement. Les tumeurs diagnostiquées
dans ce contexte sont généralement de plus petite taille et de meilleur pronostic que les
tumeurs symptomatiques.

Une situation particulière est représentée par la demande d’une échographie dans le contexte
d’une pathologie connue comme prédisposant au développement de tumeurs du rein.
Le bilan d’imagerie est réalisé dans ce cadre à titre systématique pour diagnostiquer une
tumeur au stade pré-clinique.
Ainsi, la dysplasie multi-kystique acquise du patient dialysé est associée dans 9 % des cas à la
survenue d’adénocarcinomes rénaux.
Les sujets atteints de la maladie de von Hipple-Lindau (autosomique dominante) développent
des hémangioblastomes cérébelleux, de la moelle ou de la rétine ainsi que des tumeurs rénales
(adénocarcinomes ou kystes bénins), surrénaliennes (phéochromocytomes) et/ ou
pancréatiques (kystes et tumeurs malignes).
Des tumeurs rénales bénignes à contingent adipeux (les angiomyolipomes) se rencontrent
dans la sclérose tubéreuse de Bourneville.
Enfin, l’association de masses rénales polykystiques bilatérales, d’une insuffisance rénale et
de kystes hépatiques doit faire évoquer une polykystose hépato-rénale (maladie autosomique
dominante).

1.2. Les symptômes urologiques

Ils sont rencontrés dans 40% des cas et doivent d’emblée faire suspecter une tumeur maligne.
L’hématurie est classiquement totale, isolée, indolore, récidivante et parfois caillotante.
Une douleur lombaire chronique unilatérale peut conduire au diagnostic positif.
A l’examen clinique, le diagnostic de tumeur rénale doit être évoqué si une masse lombaire
avec contact lombaire est palpable.
La triade associant hématurie, douleur lombaire et masse avec contact lombaire, bien que
classique, n’est retrouvée que dans 10 % des cas.
Une varicocèle gauche d’apparition récente fait suspecter un thrombus rénal gauche, tandis
qu’une varicocèle droite évoque un thrombus cave.

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1.3. Les signes généraux

Un syndrome fébrile peut être présent en cas de tumeur maligne ou de pathologie infectieuse
chronique pseudo-tumorale (pyélonéphrite xantho-granulomateuse). Les autres signes
généraux (anorexie, amaigrissement, sueurs nocturnes) ne sont rencontrés qu’en cas de
tumeur maligne. Dans certains cas, une hypertension artérielle ou une neuro-myopathie para-
néoplasique peuvent être révélatrices. Enfin, la découverte de métastases pulmonaires,
ganglionnaires (Troisier), osseuses, hépatiques ou cérébrales conduit au diagnostic dans 5 %
des cas. Voir tableau I.

Signe Prévalence (%)


Vitesse de Sédimentation élevée 55
Anémie 36
Altération de l’état général 35
Hypertension artérielle 22
Fièvre 17
Elévation des phosphatases alcalines 10
Hypercalcémie 5
Polyglobulie 3
Syndrome de Stauffer 3

Tableau I - Prévalence des signes systémiques dans le cancer du rein

1.4. Les signes biologiques

La vitesse de sédimentation peut être élevée en cas de pseudo-tumeur inflammatoire ou de


tumeur maligne. La classique polyglobulie du cancer du rein est plus rarement retrouvée que
l’anémie inflammatoire. Une hypercalcémie révèle le diagnostic de cancer rénal dans 5 % des
cas. La perturbation du bilan hépatique traduit l’existence de métastases ou d’un syndrome de
Stauffer (dysfonction hépatique non métastatique associée à une fièvre et une leucopénie).
Une cytologie urinaire positive permet parfois de découvrir une tumeur rénale développée aux
dépens de la voie excrétrice. (Voir tableau I, §1.3)

2. L’imagerie

L’ensemble de la démarche diagnostique est résumée dans la figure 1.

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Figure 1 - Démarche diagnostique devant une tumeur rénale

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2.1. L’échographie

L’échographie permet de définir la nature solide ou liquide d’une tumeur rénale. Un kyste
rénal bénin est trans-sonore, à parois régulières et contenu homogène, avec renforcement
postérieur et des cônes d’ombres latéraux. Toute tumeur solide doit être considérée comme un
cancer, sauf si elle contient de la graisse (angiomyolipome). L’échographie participe
également au bilan d’extension intra-abdominale.

2.2. L’uro-scanner

L’examen comprend 4 temps d’acquisition :


• sans injection (recherche de calcifications, de densité graisseuse),
• temps artériel et cortical,
• temps parenchymateux
• et temps excrétoire (tumeur des cavités excrétrices).

Une image liquidienne de – 10 à + 15 unités Hounsfield (UH), homogène, à parois régulières


et fines, qui ne se rehausse pas à l’injection iodée correspond à un kyste bénin. Si le kyste
contient de multiples cloisons ou des calcifications, le diagnostic de kyste hydatique doit être
suspecté.

Une image solide qui contient de la graisse correspond à un angiomyolipome.

Une cicatrice stellaire centrale de densité différente du reste de la tumeur fait évoquer un
oncocytome (tumeur bénigne).

Un réhaussement de densité > 30 UH après injection iodée fait suspecter une tumeur maligne.

Un réhaussement rapide et massif plaide pour les tumeurs à cellules claires, tandis qu’un
réhaussement discret et tardif oriente vers une tumeur tubulo-papillaire.

Le développement central d’une tumeur fait suspecter une origine urothéliale.

Une tumeur bilatérale doit faire rechercher une maladie de Von Hipple-Lindau ou une
métastase rénale.

Une tumeur rénale mal circonscrite et infiltrant le parenchyme, uni ou bilatérale, doit faire
suspecter le diagnostic de lymphome rénal, et ce d’autant plus qu’il existe des adénomégalies
régionales ou à distance.

La coexistence de lithiases et de bulles de gaz orientent vers une pyélonéphrite xantho-


granulomateuse.

Enfin, le scanner participe aussi au bilan d’extension loco-régionale et intra-vasculaire (veines


rénales) d’un adénocarcinome rénal.

4
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2.3. Les autres examens d’imagerie

Ils sont rarement révélateurs d’une tumeur rénale mais peuvent parfois être prescrits en
complément du couple échographie/ uroscanner.

L’UIV ne montre que le retentissement d’un adénocarcinome rénal sur les cavités excrétrices.
Les signes sont plus ou moins marqués selon la taille et la topographie de la tumeur. Cet
examen objective la nature intra-cavitaire d’une tumeur urothéliale et permet dans ce contexte
une cartographie de la totalité du tractus urinaire (maladie potentiellement multifocale).

L’IRM est prescrite pour complément d’investigation au scanner en cas de thrombus cave
avant prise en charge chirurgicale. Par son caractère non invasif, elle peut être indiquée en cas
de grossesse ou d’allergie à l’iode.

3. La biopsie rénale percutanée sous scanner

Cet examen peu morbide est une méthode diagnostique fiable qui peut être réalisée en
ambulatoire.

Elle permet un diagnostic de certitude en cas de tumeurs solides non opérables en raison
d’une extension locale ou métastatique ou en cas de suspicion de lymphome rénal ou de
localisations rénales métastatiques.

Enfin, la biopsie peut être utile si l’imagerie fait suspecter un oncocytome de petite taille qui
pourra être simplement surveillé.

4. Conclusions pratiques

L’imagerie dépiste actuellement la plupart des tumeurs rénales.

Les tumeurs symptomatiques sont généralement de stade plus avancé et de pronostic péjoratif.

L’échographie sépare les kystes des tumeurs solides. Toute tumeur solide est considérée
comme maligne et doit être explorée par uro-scanner.

L’aspect radiologique permet le plus souvent de suspecter un diagnostic dont dépend une
conduite à tenir thérapeutique le plus souvent chirurgicale.

En cas de maladie non opérable ou de diagnostic équivoque, une biopsie rénale per-cutanée
est indiquée afin de poser un diagnostic de certitude.

5
Diagnostiquer une tumeur du sein : argumenter
l'attitude thérapeutique et justifier le suivi du
patient
Professeur X Pivot, Professeur M Marty, Docteur M Espié – CHU de Besançon, Hôpital
Saint Louis-Paris
Mars 2006 (mise à jour mars 2006)

1. Cancérogénèse et anatomopathologie

1.1. Cancérogénèse

Le cancer du sein naît des cellules de l’appareil sécrétoire du sein constitué des lobules et des
canaux galactophores. Dans une première étape l’évolution est intra-épithéliale, sans
franchissement de la membrane basale, définissant les cancers in situ. Quand il n’existe pas
d’invasion de la membrane basale l’évolution est exclusivement mammaire et conditionne les
modalités du traitement local. Le risque est l’évolution en plusieurs années vers une forme de
cancer invasif qui constitue la pathologie étudiée dans le ce chapitre. La diffusion des cellules
néoplasiques est alors possible par voie vasculaire et/ou lymphatique à l’ensemble de
l’organisme expliquant la prise en charge multidisciplinnaire de cette pathologie.

1.2. Anatomie-Pathologique

L’analyse anatomopathologique permet d’affirmer le diagnostic et de préciser le risque


évolutif. Des histologies rares sont possibles comme les lymphomes, les sarcomes, les
métastatses intra-mammaires d’un autre primitif. Dans la majorité des cas les cancers du sein
sont des adénocarcinomes canalaires ou lobulaires et ce chapitre ne concerne que ces derniers.
L’examen anatomopathologique affirmera le diagnostic et comportera également une étude :
- De la taille tumorale.
- De la détermination de la différenciation et de l’évolutivité appréciée par le grade (de
Scarff, Bloom et Richardson) qui prend en compte la régularité de la taille cellulaire et
nucléaire, la différenciation et le nombre de mitoses.
- Par immunohistochimie de la présence des récepteurs hormonaux – oestrogènes et
progestérone - qui sont l’outil de transmission de stimulation de la prolifération entre
les hormones stéroïdiennes circulantes et l’ADN de la cellule tumorale. Leur présence
représente un facteur prédictif favorable de réponse à des traitements anti-hormonaux.
- De la surexpression des récepteurs HER2 qui est associée à un risque évolutif et à une
sensibilité à une thérapeutique spécifique : le trastuzumab (anticorps monoclonal anti-
HER2).
- Des marges de résection lors de la chirurgie de la tumeur.
2. Epidémiologie, génétique, facteurs de risque

Le cancer du sein est le plus fréquent des cancer de la femme (il concerne rarement
l’homme) : 1 femme sur 10 développera un cancer du sein, ce qui représente 42 000 nouveaux
cas par an en France. Actuellement la mortalité est inférieure à 30% (12 500 morts par an en
France).
L’incidence de survenue augmente selon :
- L’âge : environ la moitié des cancers du sein survient entre 45 et 65 ans.
- Le risque génétique, identifié dans 4-6% des cancers du sein (actuellement lié à des
mutations touchant deux gènes impliqués dans la réparation de l’ADN : BRCA1 et
BRCA2.). La recherche de cette prédisposition repose sur la survenue de cancer du
sein de manière précoce et chez plusieurs membres de la famille
- Les antécédents familiaux de la lignée maternelle
- Age précoce de la puberté (<12 ans)
- Age tardive de la ménopause (>55 ans)
- Age tardif de la première grossesse (> 35 ans)
- Absence d’allaitement
- L’exposition à des traitements hormonaux anticonceptionnels ou substitutifs ne
représente pas un facteur de risque.
- L’existence de lésions bénignes mammaires ne représente pas un facteur de risque.
3. Dépistage, démarche diagnostique et bilan d’extension

3.1. Dépistage

Le dépistage du cancer du sein est justifié par l’incidence, l’existence d’un test sensible et non
invasif (la mammographie) et l’impact démontré sur la morbidité et la mortalité des femmes
dépistées. Les recommandations nationales pour un dépistage de masse organisé sont les
suivantes :
- Le dépistage est réalisé :
o par mammographie bilatérale à deux incidences, avec double interprétation
o tous les deux ans
o de 50 à 74 ans.
- La mammographie n’est pas un test diagnostique et doit entraîner la mise en œuvre
d’autres explorations en cas d’image anormale suspecte. Aucune autre approche n’est
applicable au dépistage de masse mais une image suspecte doit être l’objet
d’exploration complémentaire.

3.2. Diagnostic

En cas d’images suspectes ou quasi pathognomoniques de cancer une échographie mammaire


et/ou examen par résonance magnétique peuvent être proposés. Dans ce cas un prélèvement
pour diagnostic histologique s’impose. Il s’agit de microbiopsies ou de biopsies stéréotaxiques
guidées par échographies ou par mammographie. Parfois, l’échec des tentatives précédentes
justifie une exérèse chirurgicale à visée diagnostique. Dans ce cas le geste diagnostique,
exérèse après repérage de l’image grâce à un guide placé sous contrôle mammographique ou
échographique, est souvent curateur.

3.3. Bilan d’extension

3.3.1. Bilan clinique

L’examen physique du sein comporte une inspection en position assise, les bras levés à la
verticale, à la recherche d’une déformation cutanée , d’anomalies cutanées à caractère
inflammatoire, d’anomalies du mamelon avec des écoulements, une rétraction, une
modification de son aspect. Puis la palpation s’effectue dans la même position, en comprimant
la glande contre le gril costal par petits mouvements circulaires à la recherche d’une masse.
En cas de détection d’une telle lésion il faudra préciser sa taille, sa dureté, sa mobilité par
rapport au plan superficiel et aux plans profonds musculaires.

Un examen clinique régional recherche des adénopathies axillaires homolatérales et sus


claviculaires. Un examen clinique général recherche des signes cliniques de métastases très
rarement présentes d’emblée (<4%).
3.3.2. Bilan par imagerie

- La mammographie est souvent l’examen préalable au diagnostic. L’étude des clichés


du sein controlatéral est importante.
- Echographie mammaire bilatérale et des aires ganglionnaires.
- Scanner thoracique pulmonaire et abdominal
- Echographie hépatique
- Scintigraphie osseuse

3.3.3. Bilan biologique

Dosage du CA 15-3 pour favoriser le suivi ultérieur


4. Traitement des formes localisées

La stratégie thérapeutique doit faire l’objet d’une concertation pluridisciplinaire prenant en


compte l’ensemble des possibilités et les séquences optimales d’utilisation. L’objectif est la
guérison.

4.1. Traitement locorégional chirurgical

Le traitement chirurgical est le premier temps thérapeutique, permettant le recueil des


éléments pronostiques issus de l’examen anatomopathologique de la tumeur ainsi que l’étude
des ganglions axillaires.

4.1.1. Traitement chirurgical conservateur

Compte tenu de la taille de la majorité des tumeurs, il est possible dans 60-65% des cas.
Dans tous les cas de traitement conservateur, une radiothérapie du sein est indispensable.

4.1.2. Traitement chirurgical radical

Il comporte l’ablation du sein et de son revêtement cutané ainsi que du mamelon. Indication
en cas de tumeur inflammatoire (après chimiothérapie d’induction pour refroidir la tumeur),
de tumeur volumineuse par rapport au volume mammaire, d’extension diffuse de lésions de
carcinome in situ associée à la forme infiltrante. Une chirurgie de reconstruction est le plus
souvent possible après traitement radical et peut s’effectuer soit dans le même temps que la
mastectomie, soit différée notamment quand une radiothérapie pariétale est nécessaire.

4.1.3. Curage ganglionnaire axillaire

Le curage ganglionnaire homolatéral est un élément essentiel du bilan d’extension, effectué


dans le même temps chirurgical que le sein. L’examen anatomopathologique de tous les
ganglions prélevés sera systématique.
Le curage axillaire est la principale cause de morbidité du geste chirurgical par les douleurs
résiduelles, le risque de périarthrite scapulo-humérale, de lymphoedème avec les contraintes
que ce risque impose.
L’étude du ganglion sentinelle a pour but de prélever les premiers relais ganglionnaires afin
d’épargner un curage extensif et de limiter les effets secondaires en cas d’absence
d’envahissement des premiers ganglions. La technique la plus fiable comporte une injection la
veille de l’intervention d’un traceur radioactif à proximité de la tumeur, puis le jour de
l’intervention d’un colorant vital et seul le(s) ganglions colorés et/ou radioactifs sont prélevés
et examinés. En cas d’atteinte histologique le curage ganglionnaire sera complété de façon à
préciser l’importance de celle-ci.

4.2. Radiothérapie loco-régionale

La radiothérapie mammaire est systématique après une chirurgie conservatrice. Elle associe
une radiothérapie externe de l’ensemble du sein, et un surdosage au lit tumoral. La
radiothérapie pariétale est possible après traitement radical en cas d’atteinte cutanée,
inflammatoire ou de composante multifocale. La radiothérapie externe entraîne
essentiellement un érythème cutané, parfois accompagné en fin de radiothérapie de
desquamation. Une pigmentation plus prononcée peut persister.
La radiothérapie des aires ganglionnaires est justifiée en cas d’atteinte ganglionnaire axillaire
Elle comporte une irradiation du creux sus-claviculaire et éventuellement une irradiation de la
chaîne mammaire interne.

4.3. Traitement adjuvant systémique

Le traitement adjuvant systémique vise à détruire des micro-métastases qui ne sont pas
décelées par le bilan d’extension mais dont la probabilité peut être définie en fonction des
caractéristiques de la tumeur. Pour que le risque de dissémination sous forme de micro-
métastases soit faible (≤ 1%) et ne justifie pas la proposition d’un traitement adjuvant, il faut
que toutes les caractéristiques suivantes soient observées : tumeur infra centimétrique, sans
envahissement ganglionnaire, tumeur de grade 1, récepteur hormonaux présents, chez une
patiente âgée de plus de 35 ans. Dans tous les autres cas un traitement adjuvant est proposé et
l’efficacité par éradication précoce des micro-métastases en terme de réduction des rechutes et
de la mortalité par cancer du sein est établie. Ces traitements adjuvants incluent trois types de
molécules qui seront proposées en fonction des caractéristiques tumorales.

4.3.1. Traitements adjuvants antihormonaux.

Un traitement anti-hormonal n’est pas indiqué en l’absence d’expression des récepteurs


hormonaux par la tumeur primitive. Les options possibles incluent :
- -Suppression de la fonction ovarienne chez une femme non ménopausée. Elle peut
être chirurgicale par ovariectomie, par radiothérapie au niveau ovarien ou médicale par
administration sous cutanée d’agonistes de la LH-RH. Les effets secondaires sont
ceux d’une ménopause (bouffées de chaleur, réduction des sécrétions génitales source
de dyspareunie, baisse de la libido et à long terme une ostéoporose). L’association au
tamoxifène, qui bloque la transmission des signaux de croissance tumorale transmis
par les oestrogènes est logique.
- Antioestrogènes : tamoxifène. Il agit par liaison compétitive aux récepteurs
oestrogèniques au niveau des cellules mammaires, tout en possédant des effets
oestrogéniques sur d’autres tissus (os, endomètre..). Les effets indésirables sont
dominés par une majoration des bouffées de chaleur, une prise de poids, des
leucorrhées, des accidents thromboemboliques et une augmentation du risque de
cancer de l’endomètre.
- Inhibiteurs de l’aromatase : anastrozole, letrozole, exemestane. Ils inhibent la
conversion des stéroïdes surrrénaliens en oestrogènes dans les tissus périphériques. Ils
n’ont pas d’effet sur la production d’oestrogènes par les ovaires et leur administration
est donc réservée à la femme ménopausée.

4.3.2. Chimiothérapie adjuvante

La chimiothérapie adjuvante est administrée sous forme d’association de médicaments


cytotoxiques combinant de manière concomitante ou séquentielle le cyclophosphamide, une
anthracycline et parfois un taxane. Le nombre de cycles varie entre 6 et 8 sur une durée de 4 et
6 mois. Les effets secondaires sont fréquents et traités dans le chapitre chimiothérapie, nous
rappellerons les principaux ici :
- Toxicité veineuse justifiant la mise en place d’un site d’accès veineux central.
- Toxicité hématologique (leucopénie et neutropénie) avec un risque d’infection.
- Toxicité cutanée, muqueuse et sur les phanères (alopécie, quasiment constante qui peut
parfois être évité par la réfrigération du cuir chevelu).
- Nausées et vomissements dont la prévention est assurée par l’emploi de sétrons et de
corticoïdes.
- Ménopause induite dépendant de l’âge au moment du traitement.
- Neurotoxicité pour les taxanes.
- Syndrome d’hyperperméabilité capillaire pour le docetaxel
- Risque de toxicité allergique anaphylactoïde pour les taxanes
- Les anthracyclines ont une cardiotoxicité dépendant de la dose cumulative.
- Risque de leucémie secondaire dépendant notamment des doses utilisées.

4.3.3. Trastuzumab adjuvant

Il s’agit d’un anticorps humanisé reconnaissant un récepteur de la famille des récepteurs


HER2 exprimé par environ 20% des cancers du sein. Dans les formes l’exprimant, cet
anticorps est proposé en administration intraveineuse pendant 1 an après la fin de la
chimiothérapie adjuvante. La toxicité est essentiellement le risque de développer une toxicité
myocardique qui justifie un contrôle régulier de la fonction cardiaque par échographie ou par
techniques isotopiques.

4.4. Prise en charge de formes cliniques particulières

4.4.1. Cancer du sein inflammatoire

Le diagnostic repose sur la clinique : inflammation cutanée (rougeur, chaleur), peau d’orange,
augmentation du volume mammaire et parfois douleur. Au niveau histologique, une
lymphangite diffuse est observée. Dans ce cas la chirurgie première n’est pas indiquée, une
chimiothérapie première est administrée, suivie d’une chirurgie radicale avec curage axillaire
et radiothérapie de la paroi et en général susclaviculaire. Une hormonothérapie et le
trastuzumab adjuvant sont préconisés en cas d’expression tumorale de leurs cibles respectives.

4.4.2. Cancer du sein volumineux

Quand le rapport taille tumorale et taille du sein n’autorise pas d’envisager une conservation
mammaire, la réalisation de la chimiothérapie adjuvante peut être indiquée en induction avant
le traitement local et il faut parler alors de chimiothérapie néo-adjuvante. Cette chimiothérapie
conserve le même objectif d’éradication des micro-métastases mais avec un objectif
secondaire de réduction du volume tumorale de manière à permettre une conservation
mammaire.
5. Traitement des formes métastatiques

Malgré un traitement mené selon les recommandations précédentes, 20-40% des cancers du
sein vont avoir une évolution métastatique, posant des problèmes diagnostiques et
thérapeutiques tout à fait spécifiques. Dans 4% des cas le diagnostic de maladie métastatique
est synchrone du diagnostic de tumeur mammaire primitive.
Le délai entre le diagnostic initial et l’apparition des métastases est variable mais le risque est
plus important lors des 5 premières années. Les suspicions de métastase peuvent parfois
justifier une confirmation histologique. Les sites métastatiques par ordre de fréquence sont :
os, peau/ganglions, hépatique, pleuro/pulmonaire. La réalisation d’un bilan d’extension
complet (comme il est décrit au paragraphe 3.3) en cas de détection d’une lésion métastatique
s’impose de même que la recherche d’un deuxième cancer du sein primitif ou d’une récidive
locale (examen clinique, mammographie, échographie mammaire).

5.1. Traitement des cancers du sein métastatique

Il utilise les mêmes armes thérapeutiques systémiques que celles décrites dans la stratégie
adjuvante. Le traitement locorégional est en général inutile car le pronostic repose sur le
contrôle de l’évolutivité des lésions métastatiques. Dans cette situation la stratégie
thérapeutique n’a qu’un objectif palliatif mais des patientes peuvent obtenir de très longues
survies (≥ 10 ans) justifiant des propositions thérapeutiques qui seront itératives en fonction
de l’évolutivité tumorale. Leurs prises en charge doivent faire l’objet d’une concertation
pluridisciplinaire prenant en compte l’ensemble des possibilités et les séquences optimales
d’utilisation.

5.2. Traitement antihormonal systémique

Il n’est indiqué qu’en cas d’expression importante des récepteurs hormonaux par la tumeur
primitive ou de manière plus prédictive par un site métastatique. Les possibilités reposent sur
la suppression de l’activité ovarienne, les anti-œstrogènes, les anti-aromatases. Mais
également les progestatifs qui ne sont pas proposés en adjuvant du fait de leurs effets
secondaires.

5.3. Traitement par chimiothérapie

Il utilise une polychimiothérapie avec en général les molécules suivantes : anthracyclines,


taxanes, capecitabine (prodrogue orale du fluorouracile), vinorelbine …

5.4. Trastuzumab

Dans les formes tumorales qui expriment HER2 cet anticorps associé à la chimiothérapie (en
général des taxanes) est proposé.
5.5. Modificateurs des relations hôte-tumeur

Les plus importants, quand il existe des métastases osseuses sont les biphosphonates :
clodronate, pamidronate, zoledronate. Ces agents inhibent l’activation des ostéoclastes,
cellules qui participent physiologiquement à la résorption osseuse et dans des conditions
métastatiques, à l’ostéolyse métastatique.
6. Suivi des patients présentant un cancer du sein

6.1. Cancer du sein localisé traité

La surveillance a deux objectifs : détecter une récidive locale ou à distance, un deuxième


cancer du sein et de prendre en charge les effets secondaires des traitements. Ses modalités et
ses bénéfices doivent être expliqués à la patiente.
Le rythme recommandé est en général une consultation tous les 6 mois pendant 5 ans pour un
examen clinique complet (incluant examen mammaire et des aires ganglionnaire).
Une évaluation de la tolérance des traitements doit être réalisée à chaque consultation (post
chirurgie : abduction de l’épaule, lymphoedème ; post radiothérapie : troubles trophiques
cutanés ; post chimiothérapie : correction de l’ alopécie, signes d’insuffisance cardiaque ;
hormonothérapie : bouffée de chaleur, libido, dyspareunie, sécheresse vaginale…).
Un dosage du marqueur CA 15-3 est en général effectué même si son bénéfice est discuté.
Une mammographie annuelle à vie est souhaitable.

6.2. Cancer du sein métastatique

La surveillance est variable et elle est adaptée aux traitements proposés, à l’évolutivité
tumorale, aux sites métastatiques.
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Diagnostiquer une tumeur du testicule (160)


Aude FLECHON (Faculté de Médecine, Lyon – RTH-Laennec, Lyon), Jean-Pierre DROZ
(Département de Cancérologie Médicale, Centre Léon-Bérard, Lyon)
Décembre 2005 (mise à jour décembre 2005)

1. Epidémiologie

Les tumeurs du testicule sont rares, leur incidence est de 4 à 6/100.000 hommes en Europe
Occidentale. Leur incidence augmente, elle est plus élevée dans les pays industrialisés, très
faible en Afrique et en Asie (<2/100.000 hommes).

Il n’y a pas de cause connue. Toutefois l’incidence est augmentée (x10 environ) chez les
patients qui ont eu une cryptorchidie. L’augmentation d’incidence pourrait être liée à des
facteurs environnementaux (entre autre rôle des perturbations endocriniens qui sont aussi à
l’origine de troubles de fertilité).

Il y a environ 1% de cas familiaux mais aucun gène de prédisposition n’a été mis en évidence.
Il existe, dans la forme de l'adulte, une anomalie cytogénétique constante te spécifique, un
isochromosome du bras court du chromosome 12, l' i(12p).

Le pic de fréquence est situé entre la puberté et 45 ans, il existe toutefois des formes de
l’enfant survenant avant 7 ans et des tumeurs des hommes de plus de 50 ans (lymphomes et
tumeurs à cellules de Leydig).

2. Histologie et mode d'extension

Quatre vingt quinze pour cent des tumeurs du testicule sont des tumeurs germinales
(séminome et non-séminome), 5% seulement sont d’autres natures : lymphome non
hodgkinien (patients de plus de 60 ans), tumeurs endocrines (essentiellement à cellules de
leydig, bénignes dans 90% des cas, survenant à tout âge ; à cellules de Sertoli et différentes
tumeurs des ébauches sexuelles). Les tumeurs germinales se divisent à part égale entre
séminome et non-séminome (classification de l’OMS, Organisation Mondiale de la Santé).

Le séminome est une tumeur d’aspect homogène comportant un infiltrat lymphocytaire,


survenant chez l’homme de 35 à 45 ans. La maladie est dans 80% des cas localisée au
testicule. Le traitement comporte de la radiothérapie.

Les tumeurs non séminomateuses sont composites et elles sont localisées, étendues aux
ganglions lombo-aortiques et métastatiques dans 1/3 des cas respectivement. Elles sont
composées de plusieurs entités qui s’associent diversement en qualité et en quantité :
carcinome embryonnaire, tératome mature et immature, tumeur vitelline, choriocarcinome et
cellules syncitiotrophoblastiques isolées éventuellement, associés à une composante de
séminome.

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On peut distinguer quelques formes particulières :


• Carcinome embryonnaire pur (20% des cas).
• Tumeur vitelline pure qui s’observe chez l’enfant (mais aussi dans les tumeurs
germinales de l’ovaire et les tumeurs germinales médiastinales primitives) et
rarement chez l’adulte (5%).
• Le choriocarcinome pur très rare (1%) qui s’accompagne de métastases diffuses
(poumon, foie, cerveau).
• Le terato-carcinome qui associe carcinome embryonnaire et tératome mature et/ou
immature (20% des cas) : le tératome est une forme de maturation du carcinome
embryonnaire spontanée ou sous l’effet de la chimiothérapie. Parfois le tératome
peut se cancériser (sarcome surtout)
• Enfin des cellules syncitiotrophoblastiques peuvent s’observer au sein du
séminome sans en modifier la nature.

Les tumeurs germinales sont bilatérales dans 1% des cas : la moitié est synchrone, l’autre est
asynchrome (délai médian d’apparition de 3 ans).

Les tumeurs germinales sont entourées, dans le testicule normal, des aspects précurseurs de la
tumeur : le carcinome in situ ou néoplasie intra tubulaire.

L’extension métastatique se fait par deux voies : la plus fréquente lymphatique, plus rarement
vasculaire (poumon surtout, foie, cerveau plus rarement).

L’extension lymphatique suit le pédicule spermatique. L’atteinte est donc pour une tumeur du
testicule gauche la région pré-aortique et latéro-aortique (gauche) au dessous de la veine
rénale gauche et pour une tumeur du testicule droit la région précave et interaortico-cave, au
dessous du pédicule rénal.

3. Sémiologie clinique

Les signes d’appels sont essentiellement locaux : augmentation de volume et induration du


testicule, mais dans la moitié des cas on observe des signes inflammatoires (essentiellement
douleur). Le traitement antibiotique et anti-inflammatoire qui pourrait être prescrit est
inefficace et ne doit pas être poursuivi au delà d’une semaine.

A l’examen clinique on trouve une tumeur du testicule, authentifiée par le fait que l’on peut la
distinguer à la palpation de l’épididyme qui est ici normal, de même que sont normaux canal
déférent et prostate. Le testicule contro-latéral est normal. Les signes d’appels généraux sont
plus rares : gynécomastie essentiellement, rarement signes en rapport avec des métastases
(dyspnée).

4. Sémiologie paraclinique

Les données de la palpation sont confirmées par l’échographie des deux testicules. L’aspect
habituel est le caractère inhomogène de la tumeur. Ces éléments permettent de suspecter le
diagnostic, en cas de difficulté d’interprétation (ou de tumeur bilatérale) on peut affiner
l’hypothèse par une IRM.

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Deux marqueurs sont liés aux tumeurs germinales : l’AFP (alpha-foeto protéine) et l’hCG
(hormone Chorionique Gonadotrophine).
• L’AFP est une glycoprotéine d’origine embryonnaire (chez le nourrisson elle disparaît
du sang en quelques mois) qui peut être élevée au cours de certaines hépatites virales
et de l’hépatocarcinome. Elle est souvent élevée dans les tumeurs germinales non
séminomateuses, jamais au cours du séminome. Elle est secrétée par la tumeur
vitelline et certains carcinomes embryonnaires. Sa demi-vie d’élimination plasmatique
est de 7 jours.
• L’hCG est une hormone secrétée physiologiquement par le placenta au cours de la
grossesse. Dans les tumeurs germinales elle est secrétée par la composante de
choriocarcinome et par les cellules syncitiotrophoblastiques isolées. Elle est
modérément élevée dans 20% des cas de séminome sans modifier la signification
clinique. Sa demi-vie plasmatique est de 3 jours.

Enfin, la LDH (lactico-dehydrogenase) est un marqueur, non spécifique, de volume tumoral.

Le taux des trois marqueurs (AFP, hCG, LDH) a une valeur pronostique dans les tumeurs
germinales non séminomateuses du testicule : plus la valeur est élevée, plus grave est la
maladie. Les marqueurs ont une valeur dans la surveillance.

5. Méthodes de diagnostic

Les données de l’examen clinique, de l’échographie et le résultat du dosage des marqueurs


sériques font poser le diagnostic. Celui-ci est affirmé par l’examen histologique de la pièce
d’orchidectomie. L’orchidectomie est toujours faite par une voie d’abord inguinale avec
ligature première et haute du cordon. L’incision scrotale ne doit jamais être réalisée car elle
expose à des récidives scrotales. On peut mettre une prothèse testiculaire.
L’examen histologique décrira le type tumoral et recherchera l’existence d’emboles des petits
vaisseaux intratesticulaires au contact de la tumeur. Leur absence (pT1) est un argument en
faveur du caractère éventuellement localisé au testicule de la tumeur, leur présence (pT2) est
un facteur de risque infraclinique.
Avant l’orchidectomie on doit discuter clairement des enjeux avec le patient : hypothèse
diagnostique, première étape du traitement et complications. On doit expliquer que le geste
n’entraîne pas d’impuissance. Par contre on doit, dès ce stade envisager le traitement qui peut
avoir des conséquences sur la fertilité : stérilité, peu fréquente avec une chimiothérapie
standard, et éjaculation rétrograde si un curage ganglionnaire lombo-aortique doit être réalisé.
On doit proposer une conservation de sperme au patient.

6. Bilan d’extension

Après l’orchidectomie, doivent être réalisés des dosages sériques des marqueurs (AFP et
hCG) : en effet, en cas de maladie limitée au testicule, ceux-ci doivent se normaliser dans un
temps déterminé par leur demi-vie respective.
Le bilan d’extension clinique est limité et peu informatif : palpation des ganglions, en
particulier sus claviculaire, recherche d’une masse abdominale (ganglionnaire) palpable,
recherche d’un gros foie.
Le bilan d’extension comporte un scanner thoraco-abdomino-pelvien. Si des métastases
viscérales (autres que ganglionnaires lombo-aortiques) sont trouvées (20% des tumeurs non
séminomateuses, 5% des séminomes) on réalise un scanner ou une IRM cérébrale (métastases
cérébrales dans 10% des tumeurs non séminomateuses avec métastases viscérales).
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7. Classification

La classification est celle de l’Union Internationale Contre le Cancer de 1997.


En pratique, on va distinguer, en vue de la définition de la stratégie thérapeutique les
situations suivantes :

7.1. Séminome

- Stade I (localisé au testicule). 80% des cas (guérison >98%).


- Stade II avec ganglions lombo-aortiques de diamètre maximal inférieur à 30 mm :
10% des cas (guérison >90%).
- Stade II avec ganglions lombo-aortiques de diamètre maximal supérieur à 30 mm et
cas métastatiques :10% des cas (guérison 85%).
o Bon pronostic : 70% des cas (guérison 95%)
 taux de LDH < x 1.5 la normale et
 absence de métastases hépatiques, cérébrales et osseuses.
o Pronostic intermédiaire : 30% des cas (guérison 70%)
 taux de LDH ≥ x 1.5 la normale ou
 métastases hépatiques, cérébrales ou osseuses

7.2. Tumeurs non séminomateuses

- Stade I (localisé au testicule) : 40% des cas (guérison > 98%).


o faible risque d’atteinte extra testiculaire infraclinique (absence d’emboles des
petits vaisseaux intra testiculaires –pT1) : 20% des cas.
o haut risque d'attente extra testiculaire infraclinique (présence d'emboles des
petits vaisseaux intratesticulaires -pT2) : 20% des cas.
- Stades II (atteinte des ganglions lombo-aortiques) et stades III (métastatiques) 60%
des cas. Ces cas sont classés en fonction de la classification pronostique internationale
de consensus.
o Formes de bon pronostic : 35% des cas (guérison 95%).
 taux d'AFP < 1000 ng/ml et
 taux d’hCG < 5000 mUI/ml et
 taux de LDH < 1.5 x normale et
 absence de métastases hépatiques cérébrales et osseuses.
o Formes de pronostic intermédiaire : 15% des cas (guérison 85%).
 Taux d' AFP compris entre 1.000 et 10.000 ng/ml ou
 taux d'hCG compris entre 5.000 et 50.000 mUI/ml ou
 taux de LDH compris entre 1.5 et 10 fois la normale, et
 absence de métastases hépatiques, cérébrales et osseuses
o Forme de mauvais pronostic : 10% des cas (guérison 45%).
 taux d’AFP > 10.000 ng/ml, ou
 taux d'hCG > 50.000 mUI/ml, ou
 taux de LDH > 10 fois la normale, ou
 présence de métastases hépatiques, cérébrales et osseuses.

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8. Diagnostic différentiel

Le principal diagnostic différentiel clinique est l'orchite aiguë. La gynécomastie doit être
distinguée des gynécomasties d'origine endocrinienne, l'examen du testicule est alors
l'élément déterminant. Les autres tumeurs que les tumeurs germinales sont diagnostiquées sur
les aspects histologiques. En pratique une analyse sémiologique et échographique permet
d'écarter ces hypothèses peu fréquentes.

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Diagnostiquer un lymphome malin (164)


Pr Antoine Thyss
Mars 2006 (mise à jour mars 2006)

1. Introduction

Les lymphomes malins regroupent d'une part la maladie de Hodgkin (MH) ou lymphomes
hodgkiniens, et un ensemble polymorphe d'affections regroupées sous le nom de lymphomes
malins non hodgkiniens (LNH). Ces maladies se rapprochent par leur nature (prolifération
d'éléments lymphoïdes), leur tableau clinique dominé par l'existence d'adénopathies, une
histoire naturelle proche. Ceci justifie des examens de bilans initiaux et des outils de
classification en stades comparables.

2. Lymphomes hodgkiniens (Maladie de Hodgkin)

2.1. Epidémiologie

La maladie de Hodgkin représente 40 % des lymphomes malins avec une incidence


standardisée estimée à 2,4/100 000 chez l'homme et 1,7/100 000 chez la femme en France où
elle représente 0,24 % de la mortalité par cancer. Le taux de survie globale à 5 ans est
supérieur à 75 %. Il existait classiquement une répartition bimodale pour l'âge de survenue
avec un premier pic de fréquence prédominant entre 20 et 30 ans avec un sexe ratio H/F de
1/1 et un 2ème pic moins marqué au delà de 50 ans avec une nette prédominance masculine.
L'hypothèse de deux affections différentes est émise par certain.

La cause de l'affection reste inconnue. De rares cas familiaux ont été rapportés ainsi que des
sur-incidences dans des groupes (communautés, collèges…) sans démonstration d'un
caractère transmissible.

Un lien épidémiologique existe dans certaines parties du monde avec des titres élevés
d'anticorps contre le virus d'Epstein Barr (EBV) paraissant liés à une augmentation de
l'incidence et avec dans certains cas la présence du génome d'EBV révélée par technique
d'hybridation in situ au sein des cellules de Reed-Sternberg (cf infra). En tout état de cause
EBV n’est qu’un cofacteur de la lymphomagenèse de la maladie de Hodgkin dont on sait
maintenant que les cellules malignes dérivent de la lignée lymphoïde B avec présence de
mutation des gènes des immunoglobulines.

2.2. Diagnostic clinique

La maladie de Hodgkin est une affection maligne ganglionnaire et l'aspect habituel est celui
d'adénopathies isolées sur le plan symptomatique. Ces adénopathies sont fermes, non
inflammatoires, non douloureuses, mobiles, d'évolution clinique lentement progressive sur
plusieurs semaines, voire plusieurs mois.

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2.2.1. Localisation des adénopathies

Dans plus de 80 % des cas la maladie se manifeste par une atteinte ganglionnaire sus-
diaphragmatique, 10 à 20 % des patients présentent des adénopathies limitées aux aires sous-
diaphragmatiques.
Le médiastin antérieur est atteint dans environ 70 % des cas, les chaînes ganglionnaires
cervicales ou sus claviculaires dans 65 % des cas, la chaîne axillaire dans environ 25 % des
cas. L'association d'adénopathies sus claviculaires à une atteinte médiastinale chez un adulte
jeune réalise la forme typique de la maladie de Hodgkin.

L'atteinte inguinale est plus rare (moins de 10 % des cas) et survient plus souvent chez un
patient de plus de 50 ans avec un sex ratio M/F de 12/1.

Une polyadénopathie disséminée est peu fréquente de même qu'une atteinte de l'anneau de
Waldeyer (amygdales palatines et linguales).

D’autres sites sont exceptionnellement révélateurs tels qu’une adénopathie epitrochléenne ou


mésentérique.

2.2.2. Signes généraux

Environ 1/3 des patients présentent des signes systémiques. On retient comme significatifs
l’existence d’un fébricule ≥ 38° d'évolution chronique depuis au moins 7 jours, de sueurs
nocturnes profuses ou d’un amaigrissement supérieur à 10 % du poids du corps en moins de
6mois. Si l'un au moins de ces signes est présent, on peut parler de symptômes « B »
aggravant le pronostic (A en l'absence de ces signes). Un prurit diffus, sans incidence
pronostique peut également être présent.

2.2.3. Autres signes cliniques

Une splénomégalie peut être retrouvée dans environ 20 % des cas, parfois une hépatomégalie.
D'autres signes plus exceptionnels peuvent être liés à une autre atteinte extra ganglionnaire
(poumon, os, moelle osseuse).

2.3. Diagnostic histologique

Le diagnostic initial ne peut être fait que sur une biopsie ganglionnaire, même si une ponction
cytologique a pu l'évoquer fortement. La biopsie doit être chirurgicale et retirer une
adénopathie entière, le plus souvent au niveau cervical.

La cellule de Reed-Stenberg est classiquement indispensable au diagnostic de maladie de


Hodgkin. Elle peut être très rare dans certains formes histologiques.On admet actuellement
que la cellule de Reed-Sternberg est d'origine lymphoïde B et qu'elle est bien la cellule dont la
prolifération est à l'origine de l'affection. La prise d'hydantoïne peut être responsable
d'adénopathies d'aspect histologique similaires, régressives à l'arrêt du traitement.

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2.3.1. Types histologiques

Selon la classification de Raï, en fonction du nombre de cellules de Reed Sternberg et du fond


cellulaire associé, on distingue classiquement 4 sous-types histologiques.

Le type 2 ou sclérose nodulaire représente environ ¾ des cas survenant chez l'adulte jeune
avec atteinte sus diaphragmatique limitée. Il est caractérisé par la présence de fibrose
collagénique intra ganglionnaire.

Le type 3 à cellularité mixte correspond à 15-20 % des cas. Différents types cellulaires
(polynucléaires, eosinophiles, neutrophiles, plasmocytes…) y coexistent. Il est le type le plus
souvent associé à des signes B et à des stades disséminés.

Le type 1 à prédominance lymphocytaire avec rares cellules de Reed Sternberg représente


moins de 5 % des cas. Pour certains, il s'agit d'une prolifération lymphoïde B de bas grade,
distincte de la maladie de Hodgkin, avec une faible agressivité et un très bon pronostic. La
classification OMS actuelles retient d'authentiques maladies de Hodgkin riches en
lymphocytes avec des cellules de Reed Sternberg typiques.

Le type 4 à déplétion lymphocytaire est devenu exceptionnel depuis que l'utilisation


d'anticorps monoclonaux a révélé que la majorité des cas ainsi diagnostiqués étaient en fait
des LNH à cellules lymphoïdes T. Il s'agit généralement de formes avancées avec une
maladie très évolutive.

La valeur pronostique qui était rattachée aux sous types histologiques a largement été
gommée, notamment pour les types 2 et 3, par l'efficacité des thérapeutiques actuelles.

2.4. Bilan paraclinique

2.4.1. Examens biologiques

L'hémogramme recherche une leucocytose, parfois marquée dans les formes évolutives, avec
souvent anémie normochrome. Une anémie hémolytique avec test de Coombs négatif est plus
rare. Une accélération de la vitesse de sédimentation érythrocytaire (VS) est souvent
présente : elle est utilisée comme facteur de stratification pronostique dans de nombreux
protocoles européens. Une élévation des phosphatases alcalines (en l'absence d'atteinte
osseuse), ou une hypo albuminémie sont aussi des critères d'évolutivité.

2.4.2. Examens d'imagerie

L'évaluation de l'atteinte sus diaphragmatique se fait par la radio thoracique de face qui étudie
le médiastin et mesure le rapport médiastino-thoracique au niveau de T4 : si ce rapport est
supérieur à 0,33 il définit une forme « bulky » c'est-à-dire volumineuse, qui peut justifier un
traitement particulier.

La tomodensitométrie (TDM) thoracique détaille au mieux les atteintes ganglionnaires


médiastinales dans tous leurs sites et montre une éventuelle atteinte parachymateuse
pulmonaire.

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L'évaluation sous diaphragmatique abdominale et pelvienne se fait également par TDM. Cet
examen recherche également une atteinte splénique, hépatique ou mésentérique.

L'échographie peut servir comme examen de « débrouillage » ou de surveillance notamment


chez l'enfant et chez les patients minces.

La scintigraphie osseuse au technetium recherche des atteintes osseuses en cas de signes


cliniques suspects (douleurs) ou en cas de forme très étendues plus souvent associées aux
rares atteintes osseuses.

La scintigraphie au 18 FDG par tomographie d’émission de positron (TEP), couplée à une


tomodensitométrie (TEP-TDM) parait particulièrement intéressante dans la MH . Au
diagnostic elle parait l’examen le plus sensible pour montrer l’ensemble des sites atteints,
permettant de classer 10à 20% des cas dans un stade supérieur à celui définit par les moyens
usuels. C’est également un examen très performant dans l’étude de la réponse au traitement.

La biopsie ostéo-médullaire ne retrouve que rarement une atteinte spécifique mais dont
l'existence a un grand poids pronostique. Cet examen n'est pas systématique et doit être
discuté en cas de forme disséminée ou très évolutive.

La biopsie hépatique ne sera pratiquée que pour confirmer une atteinte hépatique soupçonnée
par la biologie ou l'imagerie.

2.5. Chirurgie diagnostique

Une laparotomie avec splénectomie a été largement utilisée pour préciser l'extension sous
diaphragmatique. L'avènement de la TDM et surtout l'utilisation très large de la
chimiothérapie, capable de stériliser de petites lésions sous diaphragmatiques non repérées par
l'imagerie, ont permis de renoncer à ce type d'exploration

2.6. Classification anatomique

Depuis le début des années 70 une classification anatomique a été adoptée (classification dite
de Ann Arbor, 1971) comportant 4 stades :
- Stade I : maladie limitée à une seule région ganglionnaire (une ou plusieurs
adénopathies).
- Stade II : maladie étendue à 2 ou plusieurs régions ganglionnaires d'un même côté du
diaphragme
- Stade III : maladie étendue aux chaînes ganglionnaires de part et d'autre du
diaphragme, pouvant s'accompagner d'une atteinte splénique.
- Stade IV : maladie associée à une atteinte spécifique extraganglionnaire, le plus
souvent au niveau du poumon, du foie, ou des os.
Une atteinte extra-ganglionnaire au contact d'une atteinte ganglionnaire ne fait pas classer la
maladie en stade IV mais fait ajouter la lettre E au stade concerné. La situation de ce type la
plus fréquente est celle d’une atteinte parenchymateuse pulmonaire limitée, au contact
d'adénopathies médiastinales volumineuses.
Les signes généraux font adjoindre la lettre A s'ils sont absents ou B si l'un au moins est
présent, à cette classification en 4 stades.

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3. Lymphomes malins non-hodgkiniens (LNH)

Les LNH sont un groupe hétérogène d'affections malignes qui surviennent habituellement au
sein des tissus lymphoïdes tels que les ganglions lymphatiques, la rate, la moelle osseuse.
Mais ils peuvent survenir dans pratiquement tous les tissus. Les localisations extra-
ganglionnaires les plus fréquentes sont : le tube digestif (estomac, intestin grêle), la cavité
buccale et le pharynx, la peau, le système nerveux central, les testicules.

3.1. Epidémiologie

L'incidence des LNH augmente régulièrement et est passé en vingt ans d'environ 8,5 à 16/100
000 dans les pays développés. Ils représentent environ 4,5 % des affections malignes. Le sex
ratio H/F est de 1,5/1. L'âge médian de survenue est aux alentours de 62 ans même s'il existe
des formes particulières qui surviennent préférentiellement chez l'enfant et chez l'adulte jeune
(lymphome lymphoblastique et lymphome de Burkitt).

Certains facteurs étiologiques sont clairement identifiés mais ne concernent qu'une petite
minorité des LNH :
- immunodépression sévère congénitale ou acquise (SIDA, traitement
immunosuppresseurs pour greffe d'organe) ainsi que diverses pathologies auto-
immunes
- forte incidence de LNH de Burkitt dans certaines régions d'Afrique associée à
l'endémie paludienne et à l'exposition précoce au virus d'Epstein-Barr (EBV). Ceci ne
concerne pas les cas européens des LNH de Burkitt.
- Lymphome/leucémie T associé à un rétrovirus, l'HTLV1, surtout décrit au Japon et
dans les Caraïbes, exceptionnel en Europe.
- Rôle favorisant de l'infection chronique gastrique par hélicobacter pylori dans la
survenue à ce niveau de LNH du MALT (mucosae associated lymphoid tissue)).

L'augmentation régulière de l'incidence des LNH fait soupçonner, sans preuve décisive pour
l'instant, le rôle des facteurs environnementaux (pesticides agricoles, dérivés de l'industrie
chimique et pétrolière)

3.2. Diagnostic clinique

Les LNH sont extrêmement variables dans leur symptomatologie en fonction du type
histologique et de son histoire naturelle propre et en fonction des différents sites anatomiques
d'atteintes possibles. Nous décrirons les tableaux les plus caractéristiques dans le cadre de 2
grands types les plus fréquents : lymphomes de bas grade et lymphome de haut grade, puis
nous décrirons rapidement quelques situations particulières. Une fièvre persistante supérieure
à 38°, une perte de poids de plus 10 % ou des sueurs nocturnes profuses peuvent, comme
dans la maladie de Hodgkin (cf supra), faire classer en B.

3.2.1. LNH de bas grade

Le signe le plus fréquent est l'existence d'adénopathies périphériques, indolores, souvent


multiples, lentement progressives, avec parfois des épisodes de régression spontanée
transitoire. Toutes les aires ganglionnaires peuvent être atteintes mais les adénopathies

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cervicales sont les plus fréquentes. Les signes généraux B ou une atteinte extra ganglionnaire
sont peu fréquentes initialement mais apparaissent souvent en fin d'évolution. Une
splénomégalie est présente dans environ 40 % des cas, rarement isolée.

3.2.2. LNH « agressifs » (de grade intermédiaire et de haut


grade)

La présentation clinique est plus variée. Si la majorité des cas se manifestent par une poly
adénopathie, plus d'1/3 se révèlent par une manifestation liée à une atteinte extra
ganglionnaire. Les signes généraux B sont présents au diagnostic dans environ 40 % des cas.

Le diagnostic ne peut être fait, sauf rares exceptions, que sur l'examen histologique d'une
adénopathie ou d'un site extra ganglionnaire envahi. Le prélèvement devra systématiquement
être réalisé dans des conditions permettant de réaliser également des techniques
complémentaires (immunomarquage, cytogénétique, biologie moléculaire) qui sont
indispensables à une caractérisation précise du type de LNH.

3.2.3. LNH transformés

Une évolution d'un LNH de bas grade vers un LNH de haut grade survient chez 30 à 60 % des
patients au cours de l'évolution de LNH de bas grade. Ceci s'accompagne d'une évolutivité
clinique plus rapide et doit être confirmé par une nouvelle ponction biopsique.

3.3. Classifications histo-pronostiques

Différentes classifications se sont succédées basées sur l'aspect des cellules lymphomateuses,
leur taille, leur répartition diffuse ou nodulaire (« folliculaire ») au sein des adénopathies, et
de plus en plus, le phénotype par immunomarquage ainsi que les anomalies en cytogénétique
ou en biologie moléculaire. La classification actuellement la plus utilisée est la REAL
(Revised European-American classification of Lymphoma) qui définit plus de trente entités
différentes. Une classification très simplifiée, dite de « travail » (working formulation) a
permis depuis 20 ans en pratique clinique de classer de manière utile le plus grande nombre
de cas pour définir des prises en charge homogènes.

3.4. Facteurs pronostiques

3.4.1. L'extension de la maladie

C’est un facteur pronostique essentiel On utilise la même classification d'Ann Arbor que dans
la maladie de Hodgkin (cf supra) qui est cependant moins bien adaptée. Une atteinte extra-
ganglionnaire est à rechercher systématiquement, tout particulièrement une atteinte ostéo-
médullaire par biopsie et pour les LNH agressifs une atteinte méningée par étude du LCR.

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3.4.2. Le type histologique

C’est un facteur pronostique majeur. Certains types de LNH de bas grade peuvent avoir une
évolution tranquille pendant des années avec un traitement minime ou sans traitement. A
l'opposé certaines formes de LNH agressifs mettent en jeu le pronostic vital à très court terme
et nécessite un traitement « en urgence ».

3.4.3. Facteurs pronostiques biologiques

Les lacta-désydrogénases (LDH) sont ici le principal critère : tout se passe comme si leur taux
reflétait la masse et l'évolutivité des lésions. Il s'agit d'un paramètre agissant comme une
variable continue mais en pratique on classe entre taux de LDH inférieur ou supérieur à la
normale. La béta microglobuline sérique β2m est aussi un bon reflet de la masse tumorale,
notamment pour les LNH de bas grade, mais n'est pas utilisée en pratique clinique.

3.4.4. L'index pronostique international (IPI)

L'IPI a été mis au point pour les LNH agressifs. Il utilise 5 critères simples pour définir des
sous groupes de pronostic distincts, à traiter de manière homogène.

Les 5 critères retenus sont :


- l'âge (≤ 60 ans versus > 60 ans)
- les LDH (≤ N vs > N)
- le « performance status » reflétant l'état général (0-1 vs 2-4)
- le stade d'Ann Arbor (≤ 2 vs > 2)
- le nombre d'atteintes extra-ganglionnaires (≤ 1 vs > 1)

Cet IPI apparaît également utilisable pour les LNH de bas grade et dans certaines variétés
particulières de LNH.

3.5. Bilan lors du diagnostic

Lors du diagnostic d'un LNH les examens suivants seront à réaliser.

3.5.1. Examen clinique

Un examen précisant notamment l'existence, le site et la taille précise des adénopathie(s)


périphérique (s), d'une splénomégalie, d'une hépatomégalie.

La recherche de la présence de signes généraux : fébricule persistant, sueurs profuses,


amaigrissement de plus de 10 %

Recherche de signes compressifs (oedèmes) ou d'atteinte du système nerveux central


(paralysie des paires crâniennes par exemple).

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3.5.2. Examens biologiques

- hémogramme à la recherche d'une cytopénie par envahissement médullaire ou de la


présence de cellules lymphomateuses circulantes
- biopsie ostéo-médullaire iliaque à la recherche d'une infiltration médullaire
- dosage de LDH
- dosage de la béta 2 migroglobuline sériquepour les LNH de bas grade
- sérologie VIH, de principe, en raison de l'association possible infection VIH/LNH
- examen du LCR en cas de forme histologique particulière à haut risque d'atteinte du
SNC ou de signe neurologique.

3.5.3. Imagerie

- bilan des adénopathies profondes par tomodensitométrie thoracique et abdomino-


pelvienne. L'échographie peut être un appoint pour les aires ganglionnaires
périphériques ou peut parfois être suffisante pour le bilan rétropéritonéal chez l'enfant
ou les sujets minces.
- imagerie orientée complémentaire, en fonction du tableau clinique
- endoscopie oesogastrique en cas d'atteinte de la sphère ORL (anneau de Waldeyer) en
raison de la fréquence de l’association des atteintes gastriques à une atteinte ORL.
- comme pour la MH, la scintigraphie au 18 FDG couplée à la tomodensitométrie (TEP-
TDM) est un examen récent qui permet un bilan d’extension très complet. Sa place
exacte n’est pas encore définie. La fixation des lésions parait plus intense dans les
LNH de haut grade que dans ceux de bas grade

3.6. Entité histo-cliniques particulières

3.6.1. LNH de l'enfant et de l'adolescent

3.6.1.1. Lymphome de Burkitt européen

C'est la forme de LNH la plus fréquente chez l'enfant et l'adolescent. La présentation la plus
fréquente est celle d'une masse abdominale avec occlusion. L'évolution clinique est
extrêmement rapide avec un risque très élevé d'atteinte médullaire osseuse ou du système
nerveux central, à rechercher systématiquement au diagnostic par étude du LCR. Le
diagnostic cytologique est souvent suffisant. Une translocation impliquant des gènes des
immunoglobulines et le proto-oncogène c-myc est présent dans la majorité des cas :
translocation t (8 ; 14) le plus souvent (80 %), ou plus rarement t (2;8) ou t (8;22).

3.6.1.2. Lymphome lymphoblastique T

Cette variété touche surtout l'adolescent et l'adulte jeune. Une masse médiastinale antérieure
est le souvent présente et un envahissement médullaire osseux est fréquent. Il existe en fait
un continuum entre cette entité et la leucémie aiguë lymphoblastique T avec des cellules ayant
les mêmes caractéristiques biologiques. Le traitement des LNH T et des LAL T est d'ailleurs
similaire. L'atteinte méningée est à rechercher systématiquement au diagnostic par étude du
LCR.

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3.6.2. Lymphome de l'anneau de Waldeyer

Localisation : amygdales palatines, cavum et amygdale linguale.


Il s'agit de LNH B dont l'histoire naturelle et le traitement rejoint celui des LNH ganglionnaire
de stade comparable. La séméiologie, à type de dysphagie le plus souvent, est liée à la
localisation anatomique. Une atteinte gastrique associée est à recherche systématiquement.

3.6.3. Lymphome gastrique

Il s'agit de la localisation la plus fréquente des LNH extraganglionnaires.


Dans la majorité des cas il s'agit d'une prolifération lymphoïde B initialement de bas grade
associée à l'infection chronique par helicobacter pylori et pouvant régresser après éradication
de ce germe par antibiothérapie. Ce type de lymphome a permis de définir l'entité des
lymphomes de type MALT (mucosae associated lymphoid tissue) qui se développent dans
divers épithélium : tube digestif mais aussi bronches, thyroïde, glandes lacrymales, glandes
salivaires. La pathogénie de ces lymphomes implique le plus souvent une infection chronique
ou une pathologie auto-immune touchant l’organe en cause.
Dans le cas des LNH gastriques la symptomatologie initiale est banale, non spécifique, de
type dyspeptique ou pseudo-ulcéreuse. L'aspect endoscopique est celui d'une gastrite à gros
plis ou d'ulcérations multiples. Le diagnostic repose sur les biopsies endoscopiques multiples
et profondes. L'écho-endoscopie sous anesthésie générale fait au mieux l'évaluation de la
profondeur de l'atteinte de la paroi gastrique et de la présence d'adénopathies péri-gastriques.
Les formes de haut grade peuvent compliquer un LNH de type MALT ou être diagnostiquée
d'emblée. Les autres types de LNH du tube digestif sont plus rares, qu'il s'agisse de LNH du
grêle ou du colon compliquant une affection inflammatoire chronique du tube digestif
(maladie de Chron, maladie coeliaque) ou des très rares LNH T du tube digestif.

3.6.4. Lymphomes primitif du système nerveux central (hors


SIDA)

Il s'agit toujours de LNH B de haut grade. L'âge médian de survenue est supérieur à 60 ans.
La symptomatologie dépend du site d'atteinte, souvent multifocal et péri-ventriculaire :
syndrome d'hypertension intracrânienne ou déficitaire le plus souvent. Le diagnostic repose
sur la biopsie neurochirurgicale souvent par stéréo-chirurgie.

3.6.5. Lymphomes primitifs du testicule

Ils ne représentent qu'environ 1% des LNH mais c'est la cause la plus/fréquente d'atteinte
tumorale testiculaire après 60 ans. Il s'agit de LNH B de haut grade. La symptomatologie se
limite à l'augmentation isolée du volume d'un testicule. Une atteinte méningée concomitante
ou secondaire est fréquente et doit être recherchée systématiquement par examen du LCR.
Une atteinte controlatérale secondaire survient spontanément dans environ 10 % des cas.

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3.6.6. Lymphomes cutanés

3.6.6.1. Les LNH T sont les plus fréquents des LNH cutanés
Ils sont surtout représentés par le mycosis fungoïde et le syndrome de Sezary qui en est la
forme disséminée avec atteinte ganglionnaire et/ou systémique. Le mycosis fungoïde se
présente sous formes de plaques erythémateuses plus ou moins infiltrées, très prurigineuses,
parfois ulcérées, évoluant vers une dissémination à tout le revêtement cutané (« homme
rouge »). Il apparaît le plus souvent entre 40 et 60 ans avec un sex ratio H/F de 2/1.

3.6.6.2. Lymphomes B cutanés primitifs

Récemment isolés, il s'agit d'affections le plus souvent indolentes, se manifestant par des
nodules violacés, des tumeurs ou des plaques infiltrées limitées dans la très grande majorité
des cas à un seul territoire : tronc (et notamment le dos), extrémité céphalique et chez les
sujets âgés au niveau des jambes. Une évolution vers une forme disséminée est rare.

3.6.7. LNH au cours des infections liées au virus de


l'immunodéficience humaine (VIH).

L'incidence des LNH au cours de l'infection par le VIH est multipliée par 60-100 par rapport
à la population générale. La survenue d'un LNH est un critère de passage en stade SIDA. Le
LNH survient généralement à un stade d'immuno-suppression sévère. Il s'agit presque
toujours de LNH B de haut grade.

Cliniquement il s'agit dans 70-90 % des cas de stade IV par atteinte extra-ganglionnaire,
notamment du tube digestif et du système nerveux central, mais des localisations variées et
atypiques sont possibles.

L'atteinte cérébrale isolée est la plus fréquente. Sa symptomatologie neurologique dépend de


la localisation des lésions. Le diagnostic peut être évoqué par l'aspect en tomodensitométrie
ou en IRM, dans le contexte de l'infection HIV mais le diagnostic avec une toxoplasmose
cérébrale peut être très difficile. La biopsie reste indispensable au diagnostic de certitude.

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4. « Working Formulation » à usage clinique

Faible malignité
A petits lymphocytes
LLC
Lymphoplasmocytoïde
B folliculaire à petites cellules
C folliculaire mixte, à petites et grandes cellules

Malignité intermédiaire
D folliculaire à grandes cellules
E diffus à petites cellules clivées
F diffus mixte, à petites et grandes cellules
G diffus à grandes cellules clivées ou non clivées

Malignité élevée
H grandes cellules immunoblastiques
I lymphoblastique
J à petites cellules non clivées

Divers
Composite
Mycosis fongoïde
Histiocytique
Plasmocytome extra-médullaire
Inclassable
Autres

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Université Médicale Virtuelle Francophone Polycopié national de cancérologie

5. Revised European-American Lymphoma

Lymphomes indolents
Cellules B
B LLC, lymphome lymphocytique à petites cellules B
immunocytome
lymphome du centre folliculaire, folliculaire (grade 1 et 2)
lymphome à cellules B de la zone marginale
leucémie à tricholeucocytes
plasmocytome et myélome
Cellules T
leucémie à grand lymphocyte granuleux
leucémie ou lymphome à cellules T matures
mycosis fungoïde, syndrome de Sezary

Lymphomes modérément agressifs


Cellules B
leucémie prolymphocytaire à cellules B
lymphome du manteau
lymphome du centre folliculaire, folliculaire (grade 3)
Cellules T
T LLC, leucémie prolymphocytaire
lymphome et leucémie (chronique) à cellules T matures
lymphome angiocentrique
lymphome angio-immunoblastique

Lymphomes agressifs
Cellules B
lymphome diffus à grandes cellules B
Cellules T
lymphome périphérique à cellules T, non spécifrique
lymphome intestinales à cellules T
lymphome anaplasique à grandes cellules
lymphome ou leucémie à cellules T mature (aigus ou lymphomateux)

Lymphomes hautement agressifs


Cellules B
lymphome, leucémie lymphoblastique à cellules B non matures
lymphome de Burkitt
lymphome de haut grade à cellules B, Burkitt-like
Cellules T
lymphome, leucémie lymphoblastiques à cellules T non matures

Maladie de Hodgkin
à prédominance lymphocytaire
autres

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