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L’accident vasculaire

cérébral
Marc Petitclerc, MD, MSC, FRCPC
Neurologue
CHAU Hôtel-Dieu de Lévis
2 avril 2009
Accident vasculaire cérébral

Définition: déficit neurologique focal, soudain, restreint


à une région du cerveau ou de l’oeil perfusée par une
artère.

Début soudain parfois difficile à identifer, car on estime


que 25% des patients s’éveillent avec leur déficit
AVC vs ICT

Ischémie cérébrale transitoire: durée des symptômes


inférieure à 24 heures...

Définition en voie d’être changée car ICT fréquemment


associée à une cicatrice cérébrale sur certains tests
d’imagerie...

La majorité des ICT durent moins d’une heure


Épidémiologie

L’AVC est la troisième cause de mortalité en Amérique du


Nord (après les maladies cardiaques et la cancer)

La majorité des AVC ne sont pas mortels mais sont souvent


responsables de déficits fonctionnels (moteur, visuel,
cognitif, etc...)

L’incidence annuelle est d’environ 1/1000 et après l’âge de


65 ans de 10/1000
Région de Québec environ 300-400 cas/an
Princiale source de transfert dans les unités de réadaptation
Épidémiologie
>50 000 AVC/année au Canada (1 à chaque 10 minutes)

Source: www.heartandstroke.com
Le cas de M. Hicks...
Bonne année 2007
H 47 ans, gaucher, comptable, connu pour légère HTA
traitée avec ramipril

1.01.2007 / 9h20: retrouvé dans sa voiture incapable de


parler et paralysé du côté droit.

10h20: examiné à la salle d’urgence - alerte, yeux déviés à G,


aphasie et hémiplégie droite. Signes vitaux N

10h50: Tomodensitométrie cérébrale


Le cas de M. Hicks...
Bonne année 2007
11h00: patient parle un peu, dysarthrique, orienté;
hémiplégie flasque et hémianesthésie droite; aucune
réaction à la douleur.

11h10: situation expliquée au patient en présence de son


épouse. Traitement proposé et accepté.

11h20: rTPA débuté (perfusion IV de 60 minutes)

11h40: début de réaction du bras droit à la douleur,


amélioration du regard qui est moins dévié.
Le cas de M. Hicks...
Bonne année 2007
12h20: fin de la perfusion du rTPA

13h20: patient nomme les objets, lève sa jambe droite contre


gravité. Pas de mouvement du pied ni du bras

17h20: lève spontanément son bras droit, légère faiblesse de


la main; forces normales à la jambe; persistent parésie
faciale, légère diminution de la compréhension des ordres
complexes, hémianesthésie droite
Investigation

Découverte d’un
foramen ovale
perméable à
l’échocardiogramme
trans-oesophagien...
Le cas de M. Hicks...
Bonne année 2007
Coumadin débuté

Départ de l’hôpital pour le domicile le 12.01.2007

Persistent trouble sensitif main droite, légère diminution du


calcul, de la mémoire et de la capacité d’apprentissage

Arrêt de travail pour au moins un mois

10.04.2007: fermeture per-cutanée du FOP. Coumadin


remplacé par AAS
Un brin d’Anatomie

Organisation dite
somatotopique
(représentation des parties
du corps à des endroits
précis du cortex cérébral)

Notion de dominance
hémisphérique (G chez
100% des droitiers et 70%
des gauchers; D chez 15% et
D=G chez 15% des gauchers)
Anatomie vasculaire
2 systèmes de circulation

Antérieure
Artère carotide interne
Artère cérébrale moyenne
• (sylvienne) et antérieure

Postérieure
Artère vertébrale
Artère basilaire
Artère cérébrale postérieure
Présentation clinique
Présentation clinique

Il existe des «grands classiques» associés à des territoires


vasculaires précis
ACM G: aphasie, hémiparésie droite à prédominance
brachio-faciale, hémianopsie droite...
ACA: parésie jambe contro-latérale

VB: vertige, vision double, incoordination, trouble


d’équilibre, de déglutition, etc.

D’autres «grands classiques» peuvent être déterminés selon


le type d’AVC (lacunaire vs embolique)
Accident vasculaire cérébral

2 grands sous-types

Ischémique: manque d’apport en sang/oxygène dans


une partie du cerveau, résultant en un infarctus

Représente 80-85% des AVC

Hémorragique: saignement intra-crânien soit dans le


tissu cérébral, soit autour du tissu cérébral

Représente 15-20% des AVC


AVC ischémique

La plupart du temps dû à un manque d’apport en sang


ARTÉRIEL, qui amène le glucose et l’oxygène au cerveau

Plus rarement dû à une occlusion des veines cérébrales qui


drainent le sang du cerveau (Thrombose veineuse
cérébrale). Ceci peut provoquer un engorgement sanguin
dans le cerveau et conséquemment une ischémie et même
une hémorragie
AVC ischémique

3 principaux sous-types d’ischémie artérielle

• 1) Thrombose: obstruction in situ du flot sanguin au


sein d’une artère

• 2) Embolie: obstruction du flot sanguin par un caillot


provenant d’ailleurs

• 3) Hypoperfusion: bas débit, manque de circulation


sanguine générale, touchant le cerveau et (souvent)
d’autres organes
Thrombose
Due à la formation d’un thrombus au sein de l’artère, ou à
l’envoi à distance d’un fragment de thrombus (embolie
artère-artère)
Thrombose:
Gros vs petits vaisseaux
Gros (et moyens) vaisseaux: Artères carotides, cérébrales,
vertébrales et basilaire.

Causes: Athérosclérose (ou athéromatose ou


artériosclérose) de très loin la plus fréquente. Plus
rarement: dissection artérielle, vasoconstriction,
inflammation (artérite/vasculite)

L’identification d’un site d’athérosclérose est importante


pour le traitement, car une intervention locale peut être
efficace (chirurgie, angioplastie, etc.)
Thrombose:
Gros vs petits vaisseaux

Petits vaisseaux: artérioles pénétrant dans le tissu cérébral


(«pénétrantes»); ce sont les branches provenant des moyens
vaisseaux

Accumulation de lipohyalinose; maladie principalement


associée à l’HTA

AVC dit LACUNAIRE


AVC lacunaire
Embolie

Généralement d’origine CARDIAQUE

Sources à haut risque:

Fibrillation auriculaire, bioprothèse ou valve


mécanique, maladie valvulaire rhumatismale,
thrombus intra-ventriculaire, infarctus du myocarde
récent (<1 mois), endocardite, chirurgie pour pontage
aorto-coronarien
Embolie

Généralement d’origine CARDIAQUE

Sources à risque potentiel:

Calcification de l’anneau mitral, foramen ovale


perméable, anévrisme au septum inter-auriculaire et
autres trouvailles à l’échographie...

Athérosclérose de l’aorte ascendante


Hypoperfusion

Atteinte plus globale au cerveau

Causes: insuffisance de la pompe cardiaque (arrêt cardiaque,


arythmie), baisse de débit sanguin (infarctus, embolie
pulmonaire, perte sanguine majeure, etc)

L’atteinte neurologique est proportionnelle à la sévérité et la


durée de l’hypoperfusion, et à la présence de facteurs
aggravants (anatomie artérielle, présence de troubles de la
coagulation, etc)
Classification -
Résumé AVC ischémiques

NB: les pourcentages diffèrent selon l’âge de la population étudiée


Petty et al, 2000; Kolominsky-Robas, 2001
AVC hémorragique

Subtilité sémantique...

«AVC hémorragique» est utilisé pour décrire un AVC


ischémique qui a subi une transformation hémorragique
(dans un 2è temps) i.e. un saignement au sein de la zone
ischémique. Cette complication est habituellement
associée aux AVC cardio-emboliques.

Pour les saignements intra-crâniens «primaires», on parle


plutôt d’hémorragie cérébrale
hémorragies

2 grands sous-types

Hémorragie intra-cérébrale

Hémorragie sous-arachnoïdienne
Hémorragie «intra»
Causes: HTA, angiopathie amyloïde, traumatismes, drogues
(ex: cocaïne, vasoconstricteurs), malformations vasculaires
(ex: angiomes caverneux), thrombose veineuse, tumeurs
(plus rarement)

Peut mimer un AVC ischémique, et l’imagerie permettra


alors de poser le bon diagnostic

Peut entraîner un syndrome d’hypertension intra-crânienne


(céphalée, somnolence, nausée, vomissement) pouvant
évoluer vers le coma et le décès

Peut être aggravée par la prise d’anticoagulants


HSA

Causes: rupture d’anévrisme (de loin la + fréquente) ou


rupture d’une malformation artério-veineuse en surface du
cerveau

Histoire classique du mal de tête explosif, «le pire de ma vie»,


avec haut risque de morbidité et de mortalité

1/3 ne se rend pas à l’hôpital

1/3 reste avec des séquelles majeures

≤10% récupèrent sans séquelles


HSA

Anévrismes

Découverts dans 0,5-6% des autopsies

Incidence annuelle d’HSA = 6-8/100 000

Le risque de saignement demeure très bas, fonction de la


taille, de la localisation, de l’histoire antérieure de
saignement, de la présence de tabagisme, d’HTA
Pronostic

Athéro Cardio Lacune Crypto


Mortalité
à 30 jours
8,1 % 30,3 % 1,4 % 14,0 %

Mortalité
à 5 ans
32,2 % 80,4 % 35,1 % 48,6 %

Récidive AVC à
30 jours 18,5 % 5,3 % 1,4 % 3,3 %

Récidive AVC à
5 ans
40,2 % 31,7 % 24,8 % 33,2 %

État fonctionnel
adéquat à 1 an 53,4 % 26,7 % 81,9 % 50,3 %
Facteurs de risque

Non modifiables

Âge avancé
Sexe masculin
ATCD personnels de maladie vasculaire
ATCD personnels d’AVC
Race
Hérédité
Facteurs de risque

Modifiables

Hypertension artérielle (2-4X)


Inactivité physique (3-5X)
Fibrillation auriculaire (5X)
Diabète (2X)
Tabac (2X)
Dyslipidémie, obésité, alcoolisme
Maladies cardiaques et hématologiques
Investigation

Vise à identifier la cause de l’AVC

Bilan sanguin (à la recherche d’anomalie de la coagulation,


de dyslipidémie, de diabète, etc.)

Imagerie cérébrale

Tomodensitométrie (TDM, TACO): excellent pour dx des


hémorragies; retard radiologique pour les lésions
ischémiques aiguës
IRM: excellent en aigu (diffusion) et pour mieux délimiter
l’étendue des dommages
Investigation

Origine carotidienne

Doppler, angio-TDM, angio-IRM, angiographie


numérisée («standard») par cathétérisme

Origine cardiaque

Echographie trans-thoracique, trans-oesophagienne

Holter (enregistrement du rythme cardiaque sur 24-48h)


traitement

AVC ischémique aigu

AAS chez tout patient <48h

Thrombolyse au rTPA
<3 (4,5?) heures
↑ chances de récupération à 3 mois
4-5% de complication hémorragique, potentiellement
mortelle
Traitement

Prévention secondaire pour réduire le risque de récidive

• 1) Modification des habitudes de vie

• 2) Médication

• 3) Chirurgie/revascularisation
Δ Habitudes de vie

Cesser de fumer

Exercice physique (30-60 minutes/jour, 4-7 jours/semaine)

Modifier la diète

Maintenir un indice de masse corporelle et un tour de taille


optimal

Limiter consommation d’alcool...


Médication

Antiplaquettaire chez tous les patients, à moins qu’une


anticoagulation soit indiquée

AAS (80 mg suffisent)

Clopidogrel (Plavix®)

AAS-dipyridamole (Aggrenox®)

Ticlopidine (Ticlid®)
Médication

Anticoagulation (Coumadin®)

Indications solides

Fibrillation auriculaire

Valve mécanique cardiaque ou autre source cardiaque


bien documentée

Indications «molles»

FOP
Dissection carotidienne
Médication

HTA = facteur modifiable le plus important à contrôler

LA VÉRIFIER +++

Traiter tout patient hypertendu et victime d’un premier


AVC/ICT

Viser <140/90; si diabète viser <130/80

On préfère un inhibiteur de l’enzyme de conversion de


l’angiotensine et/ou un diurétique...
Médication

Dyslipidémie

Dépistage indiqué chez tout patient victime d’un premier


AVC/ICT

Modifier la diète

Traiter avec une statine pour atteindre des niveaux de


LDL ≤ 2,0 mmol/L, la majorité des patients
dyslipidémiques victimes d’un premier AVC/ICT
(évidences moins solides qu’en MCAS)
Chirurgie

Endartérectomie carotidienne

Bénéfice clair si sténose symptomatique de 70-99%


(50-69%?), à faire idéalement <2 semaines post-
événement (âge du patient?)

Bénéfice plus obscur si sténose asymptomatique >60%


(chez jeune individu, sténose progressive, etc...); la
tendance est de ne pas opérer
Chirurgie

Chirurgie vs Angioplastie??

Données insuffisantes, études en cours, technique


récente... (cas par cas pour le moment)
Quelques Complications...

Dépression

Tous les patients victimes d’AVC sont à risque élevé

À dépister au moment des soins actifs, puis


périodiquement durant la réadaptation

Référence en psychologie ou en psychiatrie au besoin

Traiter avec antidépresseurs si dx de dépression


Quelques Complications...

Atteinte cognitive

Plus fréquente dans les cas d’AVC cortical (langage,


attention, concentration, mémoire, agnosie, fonction
visuo-spatiale et perceptuelle, praxie et fonctions
exécutives)

Peut être additive et mener à un état de démence surtout


si présence de plusieurs facteurs de risque vasculaire et de
leuco-araïose (terme radiologique pour désigner une
atteinte vasculaire de la substance blanche cérébrale)
Quelques Complications...

Spasticité = hypertonie résiduelle dans un membre paralysé

Peut entraîner une gêne fonctionnelle, des douleurs, des


crampes...

Peut se traiter avec médication per os (si diffuse) ou avec


des injections de toxine botulinique intra-musculaire (si
segmentaire au bras et/ou à la jambe)

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