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Souffrance existentielle
L'homme et l'animal
L'absence de raison n'a pas de mots pour s'exprimer. Seul celui qui la
possède est éloquent et l'histoire manifeste est pleine de cette éloquence.
La terre entière témoigne de la gloire de l'homme. Durant les guerres, en
temps de paix, dans l'arène et à l'abattoir, de la mort lente de l'éléphant
vaincu par les hordes humaines primitives dans leur premier assaut
planifié jusqu'à l'exploitation systématique du monde animal, les créatures
privées de raison ont eu à subir la raison. Ce processus visible cache aux
bourreaux le processus invisible: la vie sans la lumière de la raison,
l'existence des animaux. C'est elle qui devrait constituer le véritable
thème de la psychologie, car seule la vie des animaux est gouvernée par
des impulsions psychiques; quand la psychologie entreprend d'expliquer
les hommes, ils ont régressé et sont déjà des ruines. Et quand les hommes
ont recours à la psychologie, l'espace réduit de leurs rapports immédiats
est encore rétréci, même là ils sont réduits à l'état de choses. Recourir à la
psychologie pour comprendre les autres, c'est faire preuve de cynisme,
recourir à elle pour expliquer ses propres motivations n'est que
sentimentalité. Mais la psychologie animale a perdu de vue son objet,
dans les trappes et les labyrinthes de ses chicaneries elle a oublié que
pour parler de l'âme, pour la concevoir, elle doit se tourner vers l'animal.
Même Aristote, qui attribuait une âme aux animaux, une âme d'une
espèce inférieure, il est vrai, a préféré traiter des corps, de leurs parties,
de leurs mouvements et de la manière dont ils se reproduisent, plutôt que
de parler de l'existence spécifique de l'animal.