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Partie III :

Risques crédit et moyens de prévention


Le banquier algérien et le crédit Risques crédit et moyens de prévention

Introduction

« Faire crédit signifie croire. Croire en un projet, croire en une personne, croire en un avenir
économique qui permettra précisément la réalisation du projet envisagé. Mais croire, c’est
précisément risquer de se tromper sur un projet, une personne, une anticipation, voire les trois à la
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fois »

En lisant ce paragraphe, l’on comprend aisément le caractère omniprésent du risque dans les
opérations liant le banquier à son emprunteur. Quel que soit le niveau de célérité avec laquelle sera
menée l’étude de crédit, le risque persiste ; il devient la principale préoccupation du banquier ayant
accordé son concours.

Mais ce risque n’est pas précis. Le fait qu’il constitue, d’une manière générale, une menace
potentielle pesant sur l’activité de la banque lui donne plusieurs facettes que devra connaître le
bailleur de fonds, afin de mieux le prévenir.

Cette prévention du risque, rendue nécessaire par les impératifs de rentabilité et d’utilité publique liés
à la profession bancaire, se fera par divers moyens. Ceux-ci permettront de minimiser la menace
potentielle pesant sur l’exploitation bancaire, et de limiter ses conséquences si celle-ci venait à se
réaliser.

Afin de mieux expliciter les éléments abordés ci-dessus, nous traiterons dans un premier et seul
chapitre les risques liés à l’opération de crédit et les moyens de prévention.
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Mathieu M. , L’exploitant bancaire et le risque crédit , Revue banque éditeur, Paris, 1995
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situation financière commence à se détériorer
et/ou quand le client commence à faire preuve de
mauvaise foi vis-à-vis de son bailleur de fonds. La
CHAPITRE I : Risques liés à conséquence de ces deux éléments sera
l’incapacité ou le refus par le client des sommes
l’opération de crédit et moyens dont il est redevable vis-à-vis de sa banque.
de prévention Les origines du risque de non-remboursement
peuvent être liés à la qualité de la clientèle de
l’emprunteur (risque particulier), à la conjoncture
du marché ou de la branche d’activité dans
laquelle opère l’entreprise (risque corporatif) ou à
un ensemble de données macro-économiques
défavorables (risque général).

Celui-ci devra minutieusement être analysé car il


Comme nous l’avions précédemment dit, le risque
s’agit du risque le plus courant et le plus
crédit est la menace potentielle résultant de
dangereux pour le bailleurs de fonds.
l’acceptation par le banquier d’aider son client
financièrement. Cette menace pourra donc prendre
plusieurs formes auxquelles correspond un certain 1-II- LE RISQUE
nombre de risques respectifs. D’IMMOBILISATION :

Pour chacun de ces risques, un certain nombre de Le risque d’immobilisation, lorsqu’il se réalise,
moyens de prévention existe. Soit ceux-ci sont met le banquier dans l’incapacité de faire face à
pris par le banquier, soit il s’agit de mesures des retraits de dépôts appartenant à ses clients car
imposées au bailleur de fonds afin de parer à toute les fonds correspondants sont immobilisés dans
erreur de gestion commise par lui. des emplois à terme.

Le risque d’immobilisation est accentué par le


SECTION 1 : DIFFÉRENTS RISQUES non-remboursement des échéances à bonnes dates
LIÉS À L’OPÉRATION DE CRÉDIT par les clients de la banque ou par une politique
inadéquate de transformation des ressources à vue
(dépôts) par le banquier en emplois à terme (tels
les crédits).
1-I- LE RISQUE DE NON
REMBOURSEMENT : Ce risque exclusif aux banques peut être maîtrisé
par une stratégie efficiente de collecte des
Le risque de non-remboursement correspond au ressources à vue conjugués à une politique
risque de perte définitive de la créance d’une cohérente de distribution des crédits.
banque sur son client. Celui-ci se précise quand la
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De par cette façon, le banquier évite ainsi un recours abusif au réescompte, qui n’est d’ailleurs pas
systématique, et dont le montant est souvent très élevé.

1-III- LE RISQUE DE TAUX :


Le risque de taux résulte de l’évolution divergente du coût des emplois de la banque avec le coût de
ses ressources. On prendra pour exemple une augmentation des taux de la Banque d'Algérie pour le
refinancement non répercutée sur le taux des crédits octroyés.

Afin de minimiser ce risque, le banquier doit opter pour des taux d’intérêt variables sur le crédit,
directement fonction des ressources de la banque.

1-IV- LE RISQUE DE CHANGE :


Ce risque est lié à l’évolution des cours des devises par rapport à la monnaie nationale. Dans le cas
d’un opération commerciale, il sera subi par l’exportateur qui voit le cours de la monnaie de
facturation se déprécier par rapport à sa monnaie nationale, et par l’importateur qui voit la monnaie
de transaction s’apprécier par rapport à sa monnaie nationale.

Pour se protéger contre ce risque, le banquier peut faire signer à son client un engagement de prise en
charge du risque de change.

SECTION 2 : MOYENS DE PRÉVENTION DU RISQUE CRÉDIT :

2-1- LE RESPECT DES REGLES PRUDENTIELLES :


Il s’agit de des règles de gestion imposées par la Banque d'Algérie aux banques et aux établissements
financiers. Elles consis tent en un système de normes obligatoires et harmonisées adoptées
universellement dont le but est :

Le renforcement de la structure financière des établissements de crédits ;

L’amélioration de la sécurité des déposants ;

La surveillance de l’évolution des risques des banques et la possibilité de comparer entre les
établissements de crédit.

Les règles prudentielles les plus significatifs seront :

Les ratios de division des risques :

Afin d’éviter une forte concentration d’engagements donnés envers un même client (et diminuer le
risque résultant de son éventuelle déconfiture), la réglementation fixe une limite individuelle aux
engagements sur un même client et une limite globale à la somme des engagements sur les gros
débiteurs (Ceux bénéficiant d’un engagement supérieur ou égal à 15% des fonds propres de
l’établissement de crédit) :

Le total des risques encourus sur un même client ne doit pas dépasser 25% des fonds propres de
l’établissement de crédit ;
Le montant total des risques encourus sur les clients à gros risques (gros débiteurs) doit être inférieur
à dix (10) fois le montant des fonds propres.
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2. Les ratios de couverture des risques (Ratio Cook):

Avant de calculer ce ratio, nous allons d’abord définir les fonds propres nets (F.P.N) et les risques
encourus pondérés (R.P.E)

Les F.P.N : ils sont constitués de fonds propres de base ( le noyau dur) et des fonds propres
complémentaires définis respectivement dans les articles 5 et 6 de l’instruction n° 74-94 du 29
novembre 1994 relative à la fixation des règles prudentielles de gestion des banques et des
établissements financiers ;

Les R.E.P : les risques encourus pondérés sont les risques encourus sur la clientèle auxquels on
applique un taux de pondération fonction du risque lié à l’engagement. Ils sont déterminés par
l’article 9 de la même instruction et le taux de pondération attribué à chacun d’entre eux par l’article
11 de l’instruction citée ci-dessus.

F.P.N

Ratio COOK = ––––––––– x 100


R.E.P

Ce ratio mesure le degré de « prise en charge » des risques encourus par les fonds propres de la
banque. Ce ratio doit être au moins égal à 8%.

Nous soulignerons que ce ratio devra être bientôt substitué par un ratio plus précis, car prenant en
compte les engagements hors-bilan, il s’agit du ratio Mc Dounough.

2-2- LES GARANTIES :


L’étude de crédit, si rigoureuse et complète soit elle, ne saurait, éliminer d’une manière totale et
définitive les risques inhérents à tout concours accordé au client. Aussi, le banquier devra se prémunir
des aléas qui pourraient lui être préjudiciables en recourant aux garanties.

Ces garanties revêtent une grande importance pour le bailleur de fonds soucieux du remboursement
des sommes prêtées( qui ne lui appartiennent d’ailleurs pas) , et de la rémunération qu’il aura à
percevoir au titre du service rendu.

Cependant, le banquier ne doit pas perdre de vue que la constitution de garanties reste une opération
accessoire à celle du crédit. Cette dernière intervient suite au seul about issement favorable de l’étude
; étude qui ne doit en aucun cas être influencée par une quelconque garantie, si élevé soit son
montant.

On distingue deux sortes de garanties :

Les sûretés personnelles ;

Les sûretés réelles.

2-2-1 Les sûretés personnelles :

Les sûretés personnelles consistent en l’engagement pris au profit d’un créancier par des personnes
physiques ou morales d’exécuter l’obligation d’un débiteur si celui ci ne s’exécute pas lui même à
l’échéance.
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Les garanties personnelles se réalisent sous la forme juridique du cautionnement et de l’aval, ce


dernier n’étant d’ailleurs qu’une forme particulière du cautionnement instituée par la législation des
effets de commerce et soumise , à ce titre, à des règles spéciales.

a) Le cautionnement :

Le cautionnement est défini par l’article 644 du code civil algérien comme étant :

« Un contrat par lequel une personne garantit l‘exécution d’une obligation, en s’engageant, envers
le créancier, à satisfaire cette obligation, si le débiteur n’y satisfait pas lui-même. »

Le banquier ne doit pas perdre de vue que le cautionnement ne peut s’étendre au delà de limites dans
lesquelles il a été contracté. Cet acte consensuel et unilatéral, ne se présume pas ; celui ci doit faire
obligatoirement faire l’objet d’un écrit.

On distingue deux types de cautionnement :

a)-1- Le cautionnement simple :

Dans ce cas, la caution simple bénéficie de deux avantages :

Le bénéfice de discussion : Il permet à à la caution d’exiger que le créancier poursuive la réalisation


des biens du débiteur défaillant avant de s’en prendre à elle ;

Le bénéfice de division : Dans le cas de la pluralité des cautions, la dette est divisée entre les cautions
et le créancier ne peut poursuivre chacune d’elles que pour sa part dans le cautionnement (à condition
que ces cautions soient obligées pour la même dette et par le même acte). Il en résulte un bénéfice de
division que chaque caution peut invoquer. Mais si les cautions se sont obligées par plusieurs actes de
cautionnement successifs, chacune d’elles répond de toute la dette (a moins qu’elle ne se soit réservé
le bénéfice de division).

a)-2- Le cautionnement solidaire :

Dans ce cas, le créancier est en droit de réclamer au garanti le paiement de la totalité de la créance
garantie sans avoir à mettre en cause préalablement le débiteur principal.

C’est ce type de cautionnement que devra demander le banquier comme garantie personnelle, car il a
pour effet de rendre les droits de discussion et de division inopposables aux créanciers. Il est constaté
par l’apposition par le garant de la mention « Bon pour cautionnement solidaire et indivisible » sur
l’acte de cautionnement.

b) L’aval :

Selon l’article 409 du code de commerce, l’aval est l’engagement d’une personne de payer toute ou
partie du montant d’une créance, généralement un effet de commerce.

En d’autres termes c’est l’obligation que prend une personne qui n’est tenue à aucun titre de payer un
effet de commerce (avaliste ou avaliseur) de payer, à l’échéance, au lieu et place du débiteur
(avalisé).

Tout comme le cautionnement, l’aval est un acte consensuel qui doit être rédigé par écrit ; mais à la
différence de la caution, l’avaliste est toujours solidaire. Il ne bénéficie donc pas des droits de
division et de discussion.
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L’aval est exprimé par la signature de l’avaliseur au recto du papier commercial, sur une allonge, ou
par acte séparé, suivi se la mention «Bon pou aval » ou toute autre formule équivalente. Il doit porter
l’objet de l’engagement du garant (engagement d’un paiement total ou partiel du montant de l’effet)
et le nom de l’avalisé ; faute de quoi, il réputé donné pour le tireur.

2-2-2 Les garanties réelles :

« Les garanties réelles consistent dans l’affectation par le débiteur d’un élément déterminé de son
patrimoine mobilier ou immobilier au bénéfice d’un créancier ; elles peuvent être également
constituée par un tiers intervenant au profit du débiteur »

Les principales garanties sont l’hypothèque et le nantissement

a-l’hypothèque :

l’hypothèque est un droit réel sur les immeubles affectés à l’acquittement d’une obligation. Il sera un
contrat par lequel le créancier acquiert sur un immeuble affecté au paiement de sa créance, un droit
réel qui lui permet de se faire rembourser, par préférence aux créanciers inférieurs en rang , sur le prix
de cet immeuble en quelque main qu’il passe

L’hypothèque peut être constituée en vertu d’un acte authentique (hypothèque conventionnelle), d’un
jugement (hypothèque judiciaire) ou de la loi (hypothèque légale).

b-le nantissement :

Selon l’article 948 du Code Civil : « Le nantissement est un contrat par lequel une personne s’oblige,
pour la garantie de sa dette ou de celle d’un tiers, à remettre au créancier ou à une autre personne
choisie par les parties, un objet sur lequel elle constitue au profit du créancier un droit réel en vertu
duquel celui-ci peut retenir l’objet jusqu’au paiement de sa créance et peut se faire payer sur le prix
de cet objet en quelque main qu’il passe par préférence aux créanciers chirographaires et aux
créanciers inférieurs en rang ».

Le nantissement peut être constitué pour garantir une créance conditionnelle, future, éventuelle, un
crédit ouvert ou l’ouverture d’un compte courant, à condition que le montant de la créance garantie
ou le maximum qu’elle pourrait atteindre soit déterminé par l’acte constitutif. Le nantissement est,
sauf disposition légale contraire, inséparable de la créance qu’il garantit. Il en dépend quant à sa
validité et à son extinction.

CONCLUSION DE LA PARTIE :
Nous l’avons bien compris, octroyer un crédit revient immanquablement à prendre un risque plus ou
moins élevé sur l’avenir.

Les différents risques auxquels sera confronté le banquier auront beau être minimisés, ceux-ci seront
constamment présents. Même en mettant en place les moyens de prévention les plus élaborés, ceux-ci
s’avéreront souvent inefficaces.

Ceci vient à nous faire dire que le meilleur moyen de prévention du risque crédit reste son analyse
exhaustive et objective. L’étude de crédit savamment réalisée donne au banquier une bonne idée sur
les conséquences de son éventuel engagement.

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Les moyens de prévention resterons alors une façon de reconnaître que le crédit comporte toujours
une part d’incertitude ; bénie incertitude car justifiant l’existence d’un métier peu ordinaire, pratiqué
avec passion par ceux qui l’exercent, celui de banquier.

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