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Résumé : Le risque de crédit renvoie à un risque inhérent à l’activité d’intermédiation bancaire qu’elle
soit conventionnelle ou participative. Il représente une menace pour la solvabilité des banques et par
conséquent pour la stabilité de la sphère bancaire et financière. En effet, ce risque est lié particulièrement
au défaut de remboursement de l’emprunteur dans un contrat de financement participatif, tel que la
Moucharaka, la Moudharaba ou encore la Mourabahah. Pour ce faire, le développement d’un cadre global
et pointu de gestion intégré des risques, adapté aux spécificités des banques participatives et respectant
entièrement les principes de la Charia, s’avère nécessaire car leur pérennité et leur développement en
dépendent de façon critique. L’objet de ce papier est de mettre en exergue la gestion du risque de crédit
dans le cadre de la finance participative, après avoir passé en revue ses facteurs et ses spécificités et
présenté les différentes phases du processus de gestion du risque de crédit encouru par les banques
participatives, ainsi que certaines modalités permettant une gestion optimale de ce risque. Ces dernières,
conformes aux principes chariatiques de la finance participative, sont empruntées aux banques
conventionnelles et sont jugées d’une efficacité assez limitée.
Mots-clés : Risque de crédit, Banques participatives, Contrats participatifs, gestion de risque.
Abstract: Credit risk refers to the risk inherent in the banking intermediation activity, whether
conventional or participatory. It represents a threat to the solvency of banks and therefore to the stability
of the banking and financial sphere. Indeed, this risk is particularly related to the borrower’s failure to
repay in a crowdfunding contract, such as the Moucharaka, the Moudharaba, or the Mourabahah. To do
this, the development of a comprehensive and specialized integrated risk management framework,
adapted to the specificities of participatory banks and fully respecting the principles of Shari'a, is
necessary because their sustainability and development depend critically on it. The purpose of this paper
is to highlight credit risk management in the context of participatory finance, after having reviewed its
factors and specificities and presenting the different phases of the process of managing the credit risk
incurred by the participating banks, as well as some modalities allowing optimal management of this risk.
The latter, in line with the charitable principles of participatory finance, are only borrowed from
conventional banks and are considered to be of rather limited effectiveness.
Keywords: Credit risk, Participative banks, Participative contracts, risk management.
Citation : Addou K.I, et A. Bensghir (2022), Le risque de crédit : Quelles spécificités pour les
banques participatives et quelles modalités de gestion ?, Recherches et Applications en Finance
Islamique, Vol 6, No 2, pages : 273-288.
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Introduction
A l’instar des banques conventionnelles et malgré leur jeune âge, les banques
participatives en tant que prestataires de services financiers s’exposent aussi au risque de crédit,
et parfois même avec beaucoup plus d’acuité, notamment en tant qu’investisseur en capital.
Cette forte exposition au risque de crédits est due aux incertitudes liées au financement des
différents agents économiques, aux particularités des contrats bancaires participatifs respectant
les principes de la loi islamique et aux spécificités de la finance participative.
Ceci dit, l’objectif primordial de cet article consiste à étudier le risque de crédit encouru
par les banques participatives, ses spécificités, ses facteurs et ses différentes modalités de
gestion afin d’assurer un environnement bancaire et financier propice à la solvabilité et la
compétitivité de ces banques.
Pour y parvenir, nous allons dans un premier temps définir le risque de crédit dans le
cadre de la finance participative, avant d’aborder par la suite ses facteurs et ses spécificités.
Ainsi, nous mettrons l’accent sur une analyse du processus de gestion du risque de crédit
pouvant être adopté par les banques participatives, ainsi que sur d’autres modalités et pratiques
pouvant optimiser la gestion du risque de crédit auxquelles sont exposées les banques
participatives, tout en respectant leur compatibilité avec la Charia.
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1
Lévy.A. (2018), Opérations financières autorisées et prohibées, Vers une finance humaniste, Maroc,
La Croisée des Chemins.
2
IFSB (Conseil des Services Financiers Islamiques) : Il s’agit d’un organisme international de
normalisation des organismes de réglementation et de surveillance qui ont intérêt à assurer la solidité et
la stabilité du secteur des services financiers islamiques.
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est appropriée aux IIFS3 gérant les opérations/projets de financement (tels que la Moudharaba,
le salam et l’Istisna’), ainsi que les contrats de location (comme la Mourabaha, la Moucharaka
dégressive et l’Ijara) 4.
En effet, dans le cadre de la finance participative, le risque de crédit est lié au défaut de
remboursement qui se manifeste lors d’une avance des fonds effectuée par la banque
participative (cas de Salam et Istisna’), ou délivre des marchandises (cas de Mourabaha) avant
de recevoir la contrepartie de son financement et s’expose par conséquent à des pertes
potentielles pouvant impacter sa solvabilité. Dans le cas des modes de financement participatifs
(cas de Moucharaka et Moudharaba), le risque de crédit se traduit généralement par un défaut
de paiement de l’entrepreneur/emprunteur de la part des bénéfices revenant à la banque lorsque
celle-ci devient exigible. (Mouhssine & Achchab,2019).
En règle générale, le risque de crédit est d’autant plus important que la probabilité de défaut
est forte et que le montant de la partie non payée de la créance est élevé. De plus, il est mesuré
par le taux de provisionnement des créances douteuses et constitue l’un des déterminants
principaux de la profitabilité bancaire. Ainsi, un risque de crédit important peut montrer une
mauvaise qualité d’actifs bancaires et donc, une diminution de la rentabilité.
• La prohibition des taux d’intérêts ne permet pas aux banques participatives d’allonger
la durée de remboursement d'une dette sur la base d’une marge renégociée ou d’exiger
le paiement des frais additionnels, ce qui pousse les clients à être volontairement
3
IIFS : Les institutions autres que les institutions d’assurance offrant uniquement des services financiers
islamiques.
4
Islamic Financial Services Board. (2005a). Guiding principles of risk Management for Institutions
(Other than Insurance Institutions) Offering Only Islamic Financial Services.
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défaillants (Toumi, 2011). Néanmoins, l’AAOIFI5 publie des normes de Charia qui
autorisent dans certains cas (Mourabaha à titre d’illustration) l’application des
pénalités de retard à condition que ces montants soient versés pour des fins caritatives.
Ainsi, la banque participative n’est pas un créancier mais plutôt un investisseur dans les
opérations de financement participatif. Les droits de la banque en tant que bailleur de fonds,
dans les différentes opérations dépendent de son respect à ses obligations, qu’elles soient en
position de vendeur, loueur, entrepreneur ou investisseur.
Par ailleurs, Khan et Ahmed (2001) ont réalisé une étude sur la gestion du risque de crédit dans
17 institutions financières islamiques opérant dans 10 pays différents. Les résultats de leur étude
ont montré que les banques islamiques estiment que le risque de crédit est le*risque majeur de
5
AAOIFI : Il s’agit d’une institution réglementaire chargée de la préparation et de l’adaptation des
différents standards de comptabilité, d’audit, de gouvernance, d’éthique et de Charia aux banques
participatives.
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l’activité bancaire, d’autant plus que le recours à certains instruments de couverture est
strictement*interdit par les principes*de la charia, ce qui entrave la gestion de ce risque au
niveau des banques participatives.
L’identification des risques est une étape primordiale, dans la mesure où elle permet de
situer leur positionnement au niveau*des différents contrats bancaires participatifs, de les
classer et de les catégoriser au niveau de la cartographie des risques.
Par ailleurs, les banques participatives peuvent subir un risque de crédit important dans ce
cas, si le bien n’a pas été livré par le fournisseur, et donc le donneur d'ordre n’est pas obligé
de procéder au paiement. Généralement, on considère que le risque de crédit dans un
contrat Mourabaha, est moins pesant puisque le bien faisant l’objet du financement est
facilement identifiable. Ainsi, en cas de défaut du client, la banque peut récupérer le bien
et le vendre sur un marché secondaire (Moody, 2008a).
6
Mohamed Helmy, « Risk Management in Islamic Banks’ », ELESCA Business SChool, 2012.
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Pour cette étape du processus de gestion des risques qui est l’évaluation, la banque
participative peut recourir à la conception de certains outils en interne, ou à l’utilisation d’autres
outils d’origine externe. L’évaluation est une étape primordiale pour la mise en place de
stratégies efficaces de contrôle dans la mesure où les banques devraient y utiliser des techniques
cohérentes de mesure de risques. (Salem, 2013).
Grâce à cette étape, les banques participatives ont la possibilité de déterminer le montant de
leur capital « risqué », et donc le niveau de fonds propres correspondant*à sa couverture.
L’évaluation des risques permet également d’éviter un grand nombre de problèmes financiers
et bancaires, notamment les situations de crises financières systémiques et les faillites
bancaires.
Le Credit Rating (pour les entreprises) et le Credit Scoring (pour les particuliers)
renvoient à des notations de crédit caractéristiques d’une méthode irréfutable pour l’évaluation
de leur risque. Pratiquement, ce sont des agences des notations 7 qui procèdent à la formulation
de lettres qui sont attribuées par la suite pour indiquer les notations de ces crédits.
Pour cela, elles effectuent des analyses en se basant sur une panoplie de facteurs clés à
titre d’exemple : les indicateurs macroéconomiques, la position concurrentielle, la qualité de la
gestion et la capacité financière de la structure (Banque/Pays/Entreprise). (Raouf, 2013).
A présent, pour l’évaluation de leur risque de crédit et faute de données, la plupart des
banques participatives ont recours à des approches moins sophistiquées et utilisent la méthode
proposée par Bâle II, appliquée automatiquement par toute la banque à savoir l’approche
standard. Celle-ci est basée sur des pondérations d’expositions qui sont elles-mêmes fonction
de notations externes (rating) des agences de notations reconnues à l’échelle*internationale8. A
ce niveau, il existe diverses grilles de pondérations adaptées pour chaque catégorie
d’emprunteurs. (Balthazar, 2006).
7
Les agences de notations les plus connues dans ce domaine lié à la gestion des risques et les plus crédibles sont
Moody’s, Standard & Poor’s et Fitch.
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D’après cette méthode, les besoins en fonds propres se calculent de la manière suivante :
RAROC :
L’analyse RAROC détermine le montant adéquat du capital économique dont les différentes
activités de la banque ont besoin, ainsi que le revenu total des fonds propres de la firme. (El
Kettani, 2006).
Ce ratio que les Anglo-saxons appellent RAROC, n’est rien d’autre que le rapport suivant :
Avec :
Rendement ajusté au risque = Revenu total – Charges – Pertes attendues ;
Capital à risque appelé également le capital économique = c’est le montant de
capitaux propres réservé pour couvrir les pertes prévisibles au niveau de la
confiance.
D’après (Helmy,2012), le RAROC est utilisé dans les banques islamiques pour mesurer le
risque de marché, le risque de crédit et le risque opérationnel.
Pour terminer cette deuxième phase relative à l’évaluation, il s’avère nécessaire de retenir que
d’une façon générale, les outils internes utilisés par les banques participatives pour mesurer les
différents risques encourus et plus particulièrement le risque de crédit, sont juste empruntés*à
leurs homologues conventionnels.
Le recours à cette solution est une chose très permise et correcte pour le moment, compte tenu
du jeune âge des banques participatives, surtout au Maroc, et de leur manque d’expériences et
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A cette étape, les banques participatives optent pour des stratégies de réduction et de
transfert du risque de crédit, en utilisant des instruments et des options tout à fait conformes à
la loi islamique. Avant de passer à ces stratégies, il s’avère nécessaire de mettre un focus sur
certains aspects de la Charia et leur rôle dans l’atténuation du risque de crédit encouru par les
banques participatives.
Ajoutons à cela le principe des pertes et des profits qui caractérise le modèle bancaire
participatif et qui fait*que certains risques soient supportés par les investisseurs (Cas de
Moucharaka), et partant, une diminution systématique du risque global pour l’établissement
bancaire participatif.
Si les méthodes de réduction des risques résident dans l’adoption de stratégies visant à réduire
la gravité de la perte, elles s’insèrent pleinement dans*les méthodes d’atténuation des risques
contractuelles telles que celles dérivées de l’AAOIFI et des normes Charia (AAOIFI, 2008a).
Pour chaque contrat, la réduction du risque de crédit peut être réussie, en ayant recours à
certaines méthodes proposées par l’AAOIFI ou en se basant sur les outils suivants :
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Tableau 1: Outils et méthodes de réduction du risque de crédit pour les contrats participatifs
Sinon, pour éviter cette résiliation qui peut être abusive, la banque
pourrait demander au client, le paiement initial en guise de garantie, de
son engagement dans le contrat de location et des obligations qui en
découlent (AAOIFI, 2008b).
Salam L’objet du contrat Salam peut être assuré contre le risque de crédit en
utilisant l’une des méthodes de réduction de ce risque précitées
(AAOIFI, 2008b).
Istisna’ Dans ce cas, la partie acheteuse garde le droit de demander des garanties
au fabricant pour assurer la livraison du bien objet du contrat, dans le
délai convenu et conformément aux spécifications préfixées. De son
côté, le fabricant a le droit d’obtenir de la part de l’acheteur des garanties
quant au paiement des échéances différées (AAOIFI, 2008a).
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Ainsi, une clause de sauvegarde peut être incluse dans le contrat, dans
le but d’autoriser l’indemnisation de l’acheteur, si le fabricant accuse un
retard dans la livraison (AAOIFI, 2008a).
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De même, cette politique peut être adoptée par tout type de banque. Elle permet en
définitive de renforcer la solidité de la banque et contribue à limiter la procyclicité des prêts
(Pérez et al, 2008 ; Laeven et Majnoni, 2003).
5.2. Le nantissement :
Le nantissement constitue une technique de protection contre les risques de crédit. Il s’agit
d’un contrat par lequel un emprunteur remet un bien à la banque pour garantir sa dette et ce,
durant toute la période du prêt. Autrement dit, le nantissement est une garantie donnée par le
débiteur à son créancier en échange d'un emprunt.
Etant donné que le gage est permis dans la Charia, les banques participatives ont la
possibilité d’employer ce mécanisme pour sécuriser leurs actifs. D’ailleurs, et conformément
aux principes de la finance participative fondés sur les préceptes de la Charia, et en plus de l’or,
de l’argent liquide, tout bien tangible ou autre objet précieux sont /acceptés comme gage par
ces banques.
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En effet, le risque peut être optimisé par une clause du contrat indiquant un accord entre
les deux parties contractantes, selon laquelle un certain seuil de changement des prix serait
admissible. Nonobstant, au-delà de ce niveau, une contrebalance est indispensable entre les
deux parties, afin de soutenir l’autre partie subissant la variation des prix. C’est une pratique
connue sous le nom de « Band al Ihsen » ou clause de bienfaisance, qui est devenue assez
courante dans les contrats bancaires participatifs.
Ce système permet une évaluation dynamique des risques de crédits encourus par la
banque et leur identification pour chaque poste d’actif, au lieu de calculer le risque global relatif
au portefeuille dans son intégralité. En somme, le rating interne s’applique parfaitement aux
banques participatives puisqu’elles se caractérisent par une variété*de modes de financement
et des caractéristiques de risques.
Une relation de confiance établie entre les clients et les institutions permet une
consolidation du système d’intermédiation financière et lui attribue une certaine stabilité.
Concernant la finance participative qui émane de principes et de valeurs éthiques, celle-ci a
donc pour mission de fonder et d’assurer cette confiance.
Par ailleurs, les modes de gestion des risques dans le cadre de la finance islamique ont
pu connaître un développement très remarquable durant ces dernières années. Grâce à cela, les
institutions financières islamiques ont échappé aux conséquences lamentables et pénibles de la
crise financière des subprimes (El Hussein, 2013).
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Conclusion
Les problématiques de la gestion des risques bancaires encourus par les banques
conventionnelles ou participatives, se positionnent au cœur des discussions et des débats des
régulateurs financiers et des institutions réglementaires, ainsi que des chercheurs et des
universitaires.
Au terme de cet article, force est de constater, de prime abord, que le risque de crédit
encouru par les banques participatives est d’une importance particulière et passe rarement
inaperçu. Intégrer une dynamique de prévention et de réduction du risque de contrepartie au
sein des banques participatives suppose la mise en oeuvre de moyens efficaces d’identification,
de mesure, d’évaluation et de réduction de ce risque, devant être nécessairement conformes à
la charia.
Cette recherche portant sur les banques participatives et leurs spécificités en termes
d’exposition au risque de crédit se veut une contribution modeste, qui sera complétée par une
étude empirique et économétrique étudiant l’impact de la réglementation prudentielle sur le
capital et la prise du risque de crédit par les banques participatives.
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