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Contrôle de gestion sur mesure industrie.

grande
distribution .banque.culture.secteur public
Simon Alcouffe
Marie Boitier
Anne Rivière
Fabienne Villesèque- Dubus
Edition DUNOD PARIS 2013

La méthode ABM repose sur une modélisation de l’organisation en activités


et processus au sein de laquelle la notion de transversalité peut être reconnue à
plusieurs niveaux. En effet, activités et processus peuvent être transversaux.
La transversalité peut donc être présente au seul niveau des processus ou
également au niveau des activités, ou encore être absente, soit parce qu’elle est
effectivement totalement absente du fonctionnement de l’organisation (ce qui est
peu probable), soit parce que l’on décide de l’ignorer dans le modèle. Un processus
peut être transversal parce qu’il est composé d’activités elles- mêmes
transversales par nature (i. e. composées de tâches effectuées par plusieurs
départements), ou parce qu’il regroupe différentes activités elles- mêmes non
transversales (i. e. mono- département), mais chacune effectuée par un département
différent. La figure 1.3 ci-dessous pré sente des exemples de ces différents cas de
figure. Ces différents choix possibles dans la prise en compte de la transversalité
auront des conséquences importantes sur les possibilités offertes en termes de
calcul économique, de pilotage de la performance et de représentation du mode
de fonctionnement de l’organisation (Bertrand et Mévellec, 2008).
Nous verrons dans un premier temps que la notion d’inducteur de coût, qui est au
cœur de l’approche ABM, ne revêt pas le même sens que dans la méthode ABC.
Dans un second temps, nous présenterons différents concepts et outils de pilotage
Permettant de gérer par les activités.
La notion d’inducteur de cout dans une logique de gestion par activités
La logique de gestion par les activités sous- jacente à l’ABM se situe dans une
optique de pilotage à long terme de l’organisation. Dans cette optique, les
responsables se doivent d’analyser et d’agir sur les facteurs qui causent les coûts
des activités. Ces facteurs de coûts à long terme sont appelés « inducteurs de coûts
» ou « facteurs d’évolution des coûts ». Dans cette acception plus large, la notion
d’inducteur dépasse celle de simple clé de répartition qui est sous- jacente aux
concepts d’inducteurs de ressources et d’inducteurs d’activités utilisés dans
l’ABC pour répartir les coûts.
Porter (1986) est parmi les premiers à avoir initié une réflexion sur les inducteurs
de coût dans le domaine de la stratégie d’entre prise. Pour lui, la cause des coûts,

c’est la loi structurelle que suivent les coûts des activités : « Le comportement des
coûts dépend d’un certain nombre de facteurs structurels que j’appelle
facteurs d’évolution des coûts (cost drivers). Plusieurs facteurs peuvent se
combiner pour déterminer le coût d’une activité don née. » (Porter, 1986, p. 92).
Comme le souligne Bouquin (1997), lorsqu’on s’intéresse au pilotage
stratégique des coûts, il s’agit moins de savoir ce qui déclenche l’activité et
entraîne en conséquence des consommations (i. e. l’inducteur d’activité en ABC),
mais d’analyser en profondeur ce qui fait que cette activité, lors qu’elle est
déclenchée, est plus ou moins per for mante. Pour Bouquin, le facteur
d’évolution des coûts, c’est la « logique économique structurelle qui, pour une
activité don née, à un niveau de fonction ne ment donné, explique le niveau de
ses coûts. » (Bouquin, 1997, p. 291).
À la suite des travaux de Porter, de nombreuses typologies d’inducteurs de coûts
ont été proposées dans la littérature en stratégie et en économie industrielle, Porter
s’étant lui- même inspiré de cette dernière discipline. Des recherches ont
également été menées en contrôle de gestion mais elles sont peu nombreuses et les
résultats sont pour l’instant assez peu concluants (Banker et Johnston, 2007). Au
final, les deux typologies les plus intéressantes restent celle proposée par Porter
lui- même (Porter, 1986) et celle de Riley (1987). Le tableau 1.2 présente ces deux
typologies.
L’apport de Riley par rapport à Porter est de classer les inducteurs de coûts en deux
catégories : les inducteurs structurels et les inducteurs d’exécution. Les
premiers relèvent de choix stratégiques à long terme et difficilement réversibles
(par exemple le lieu d’implantation d’une usine) alors que les seconds
s’apparentent davantage à des décisions de gestion à plus court terme et aux
quelles des corrections peuvent être apportées plus facilement (optimisation de
l’utilisation de la capa cité de production par exemple).
Une démarche ABM de gestion par les activités implique la mise en œuvre
d’une réflexion stratégique à propos des inducteurs de coûts des
principales activités consommatrices de ressources au sein de l’organisation.
Le coût d’une activité est souvent déterminé par les interactions de plusieurs
inducteurs de coûts. Ces interactions peuvent prendre deux formes :
renforcement des facteurs entre eux ou neutralisation. Par exemple, la hausse
des coûts de transport liée au choix d’un emplacement unique peut neutraliser
les gains d’éco no mie d’échelle. La présence de facteurs qui se neutralisent les
uns les autres peut nécessiter une optimisation.
Par ailleurs, il est également important d’analyser l’impact global de chacun
des inducteurs de coûts sur l’ensemble des activités de l’entreprise afin d e
mettre en évidence la structure causale des coûts de l’organisation et
d’identifier ainsi les principaux leviers sur les quels il faudra agir afin
d’améliorer la performance. Les inducteurs de coûts les plus importants
peuvent varier d’une firme à l’autre, et ce au sein d’un même secteur, si ces
firmes utilisent des chaînes de valeur différentes par exemple.

Le pilotage de la performance des activités par le tableau de bord

La mesure multidimensionnelle de la performance

Une démarche de gestion par les activités suppose que l’on pilote la performance des
activités sur le long terme. L’outil naturel pour assurer un tel pilotage est le tableau de
bord. La performance d’une activité est par nature multidimensionnelle. Six dimensions
peuvent être distinguées pour mesurer la performance d’une activité :
- le volume d’output fourni par l’activité (également appelé « niveau
d’activité ») ;
- l’efficacité, c’est- à-dire l’atteinte des objectifs ;
- l’efficience, qui est égale au ratio out put/input ;
- la qualité (ou non- qualité) ;
- les coûts, – i. e. les ressources consommées par l’activité (input) ;
- les délais de réalisation de l’activité.
Il n’est pas indispensable de mesurer chacune de ces six dimensions de la performance
pour chaque activité ou chaque processus retenu dans le modèle ABC. En effet,
pour être suffisamment pertinente, la mesure de performance sur chacune des
dimensions requiert l’utilisation de plusieurs indicateurs, ce qui entraînerait un trop
grand nombre d’indicateurs dans le cas où l’on voudrait mesurer toutes les dimensions
de toutes les activités. Rappelons que pour être un outil de gestion utile, le tableau de
bord se doit d’être synthétique ! Comme le soulignent Ravignon et al. (2007), chaque
processus ou activité étudiée a ses propres critères majeurs. Ces critères ne sont pas
au même niveau d’importance d’une activité à l’autre. Seules les dimensions de la
performance les plus importantes doivent donc être retenues. En outre,
travailler au niveau des pro ces sus plu tôt qu’à celui des activités peut être un bon
moyen de garder un nombre d’indicateurs raisonnable, c’est- à-dire que l’on pourra
suivre avec l’attention nécessaire. Le tableau 1.3 donne des exemples d’indicateurs de
pilotage de la performance d’une activité « tester la qualité de produits finis ».

La dimension « coûts » de la performance d’une activité appelle un commentaire


particulier. Comme indiqué dans l’exemple présenté dans le tableau 1.3, il est
possible, voire souhaitable, d’intégrer des indicateurs de suivi des inducteurs de
coûts de l’activité. En effet, en tant que facteurs d’évolution à long terme des
coûts de l’activité, les inducteurs de coûts doivent faire l’objet d’un suivi au
même titre que les coûts eux- mêmes, car les actions correctives ne pourront être
orientées que vers ce sur quoi on peut agir, i. e. les inducteurs. En d’autres
termes, les indicateurs portant sur les inducteurs de coûts doivent être considérés
comme des indicateurs de moyen, alors que les coûts eux- mêmes seront vus
comme des indicateurs de résultat. Dans l’exemple d’une activité de test qua
lité, un inducteur de coûts potentiel est la complexité des tests effectués, qui
elle- même dépend en partie de la complexité des produits fabriqués. Il sera
donc important de mettre au point un indicateur mesurant cette complexité des
produits afin de pouvoir en suivre l’évolution et d’attirer l’attention des
responsables sur la nécessité de la minimiser dans la mesure du possible.

La question de la responsabilité

Enfin, le thème du pilotage de la performance pose la question de la


responsabilité. Qui est responsable de la performance de telle activité ou de
tel processus ?
À qui sont destinés les tableaux de bord des activités ? Les choix en termes de
prise en compte de la transversalité dans la modélisation du fonctionnement
de l’organisation pourront entraîner ici des difficultés. En effet, un modèle où
les activités et/ou les processus sont transversaux, au sens où ils ne dépendent pas
d’un unique centre de responsabilité (département ou service de
l’organisation), va poser un problème d’articulation et d’arbitrage entre cette
vision transversale et la structure de responsabilité hiérarchique
fonctionnelle traditionnelle. Si des responsables d’activités et/ou de
processus ont été nommés, ce qui est souhaitable si l’on souhaite que la
performance de ces objets soit effectivement pilotée, leur autorité devra
être précisée par rapport à celle des responsables de départements ou de
fonctions. C’est le même problème que l’on retrouve dans les organisations
par projets ou matricielles. Qui du responsable d’activité ou du responsable
de département aura le dernier mot en cas de décision nécessitant un arbitrage
entre les deux logiques ?

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