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Ce que montre de manière particulièrement intéressante une étude récente réalisée chez des

officiers l’US Navy. L’étude démontre que la comparaison entre deux indices visuels sociaux
(susceptibles d’identifier correctement des niveaux hiérarchiques) recrute les mêmes zones corticales
(le cortex pariétal inférieur) que le processus cognitif qui consiste à comparer des nombres ou des
ordres de grandeur entre eux (cf. Chapitre 3).

Ainsi, l’étude a consisté à montrer dans un premier temps aux élèves officiers des éléments de
niveau intermédiaire (le nombre 65, une Toyota Camry (milieu de gamme), un galon de capitaine, un
capitaine en uniforme) puis dans un second temps des éléments semblables mais de statut supérieur ou
inférieur aux éléments génériques (des nombres, des modèles de la même marque automobile, d’autres
galons d’uniforme et des photos d’officiers en uniforme). On demandait alors si l’élément présenté
était de statut inférieur, supérieur ou égal à l’élément étalon, tandis que leur activation cérébrale était
mesurée par IRMf. Non seulement les aires activées étaient les mêmes qu’il s’agisse de nombres ou de
statuts sociaux, mais de surcroît, l’intensité de l’activation était proportionnelle à la proximité
sémantique de l’indice1.
Cela signifie que les termes de hiérarchie ou d’échelle sociale correspondent réellement (pas
métaphoriquement) dans le cerveau à une représentation spatiale ou métrique des écarts perçus entre
les statuts et que des signaux périphériques ou incidents suffisent à activer ces représentations. Porter
une boucle de ceinture DetG, laisser dépasser l’élastique d’un boxer CalvinKlein de son baggy sont
des tentatives (relayées et amplifiées par la publicité) conscientes d’afficher ce type de signaux et
d’affirmer un statut (souhaité ou rêvé).

Les hormones et les relations sociales


On ne peut examiner les rapports sociaux fondés sur la dominance (qu’ils soient professionnels ou
non) sans prendre en compte des facteurs biologiques actifs que sont les hormones, en particulier
stéroïdes. Une hormone est une molécule produite par le système endocrinien en réponse à une
stimulation, afin de maintenir une homéostasie, un équilibre interne. Cette réponse comprend parfois
une modulation de l’état affectif.
Depuis plusieurs années, on sait que la testostérone (présente à la fois chez les hommes et les
femmes, à des teneurs différentes) prédispose à la réduction des appréhensions et à l’acceptation d’un
affrontement éventuel. Ainsi, des hommes présentant des taux de testostérone (T) supérieurs à la
moyenne sont davantage susceptibles de refuser des offres pécuniaires jugées injustes ou inéquitables.
Une étude récente a montré que les taux de T étaient inversement corrélés (r = -0,82) à l’activation
des noyaux amygdaliens (souvent activés en cas de risque ou de danger et induisant un sentiment de
peur). Cela signifie que plus les teneurs en T sont élevées, plus l’anxiété ou l’appréhension suscitée
par l’activation de l’amygdale est atténuée, et plus l’éventualité d’une agressivité est élevée. Cette
corrélation n’est pas observée chez la femme qui présente une teneur en T d’un cinquième environ de
celle de l’homme. L’hormone T est aussi liée au processus de mémorisation et à celui de cognition
spatiale.

1
CHIAO J.Y ., HARADA T, OBY E. R, LI Z., PARRISH T. et BRIDGE D. J. (2009) « Neural representations of social status
hierarchy in human inferior parietal cortex », Neuropsychologia, 47, 2, 354-363.
Par ailleurs, l’ocytocine (OT) – une hormone sécrétée par l’hypothalamus – contribue
puissamment au tissage de liens sociaux et à la création de liens affectifs ou affiliatifs (maternage, par
exemple). Chez la femme enceinte, l’OT (en présence d’œstrogène) accélère le travail de
l’accouchement et stimule la lactation. Chez l’homme, elle suscite un plus grand désir d’affiliation et
une propension plus grande à faire confiance : les informations positives sont alors renforcées par
rapport aux informations de nature négative. L’OT renforce aussi le processus d’encodage en mémoire
des souvenirs sociaux positifs. De simples gestes tendres ou des baisers amoureux suffisent à produire
naturellement cette hormone chez l’homme ou la femme. Par ailleurs, si l’on instille à des sujets
volontaires de l’OT en pleine transaction économique, on constatera la manifestation d’une plus
grande confiance envers son partenaire 2. Par extrapolation, le fait d’instaurer une relation chaleureuse
avec un client en magasin est susceptible de faciliter la mémorisation de points-clés de l’argumentaire.
Les hormones peuvent donc avoir des incidences comportementales et cognitives mais la
réciproque est également vraie. La soumission régulière, chronique, d’un individu à un stress, à des
échecs répétés, à des défaites, concourt à la chute du taux de T 3 chez l’homme. Par exemple, des
supporters de football dont l’équipe perd, ou encore des joueurs d’échecs battus, voient leur taux de
testostérone baisser. À l’identique, au soir de l’élection présidentielle américaine, qui vit la victoire
démocrate de Barack Obama, les électeurs républicains du ticket McCain-Palin ou de Barr, subirent
une chute sensible de leur taux de T, tandis que les partisans démocrates présentaient des taux stables.
Cela apporte un éclairage complémentaire dans le domaine du marketing politique ou concurrentiel.

2
Voir l’article de HEINRICHS M., von DAWANS B. et DOMES G. (2009) « Oxytocin, vasopressin and human social
behavior », Frontiers in Neuroendocrinology, 30, 4, 548-557.

3
La soumission à un stress génère en soi une cascade d’événements biochimiques qui aboutissent à la
libération de cortisol, hormone bénéfique à la mémorisation à petites doses, mais délétères à fortes doses pour
le système immunitaire et l’équilibre de l’humeur.

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