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Anesthésie du patient alcoolique


J.-L. Pourriat, A. Teboul

L’addiction à l’alcool a des points communs avec les autres addictions courantes, en cela qu’elle pose
à l’anesthésiste-réanimateur des problèmes préopératoires (non observance de l’arrêt de la substance),
peropératoires (hypermétabolisme ou retard de réveil) et postopératoires (syndromes délirants, infections,
etc.). Cependant, l’addiction à l’alcool s’en distingue sur deux points : son extrême fréquence (près d’un
homme hospitalisé sur quatre) et son retentissement démontré sur la mortalité et la morbidité périopéra-
toire. L’intoxication éthylique chronique se traduit par des altérations touchant de nombreux appareils. Les
conséquences neurologiques sont principalement la polynévrite et l’encéphalopathie de Gayet-Wernicke
par carence en thiamine. Le retentissement hépatique peut être mineur (stéatose) ou sévère (hépatite
alcoolique aiguë), aboutissant à la cirrhose hépatique au pronostic péjoratif. Les effets cardiovasculaires
sont sous-estimés. La cardiomyopathie alcoolique se traduit par une altération de la contractilité, à
laquelle l’organisme répond par une hypersécrétion de catécholamines, à l’origine de troubles du rythme
cardiaque et d’une majoration de l’incompétence myocardique. Le béribéri cardiaque est plus rare. Le
retentissement nutritionnel explique une grande partie des complications neurologiques, cardiaques,
infectieuses et musculaires. L’éthylisme expose notamment à la carence en vitamine B1 (thiamine) et en
phosphore. Par conséquent, l’anesthésie du patient éthylique chronique nécessite une évaluation pré-
opératoire soigneuse du retentissement de l’intoxication et la prescription rapide de supplémentation
nutritionnelle. L’intoxication éthylique aiguë (IEA) est devenue un phénomène social majeur, notamment
chez les adolescents. Sans spécificité, c’est la pathologie traumatique qui les confronte le plus souvent aux
urgences hospitalières. Les anesthésies en urgence pratiquées dans un contexte d’IEA concernent volon-
tiers des patients hypovolémiques, atteints d’hypocontractilité cardiaque et à l’estomac plein. Chez les
jeunes, une prise en charge psychiatrique est indispensable avant la sortie de l’hôpital. Les complications
surviennent essentiellement pendant la phase postopératoire, en partie en raison des carences en thia-
mine et phosphore. La survenue d’un syndrome de sevrage est fréquente et peut être mortelle, notamment
en cas de delirium tremens. Le meilleur traitement des complications postopératoires est certainement
préventif mais peut être insuffisant. Le traitement curatif peut justifier à lui seul une admission en réanima-
tion. Les moyens pharmacologiques font appel aux carbamates, aux neuroleptiques, aux benzodiazépines
ou à la clonidine. L’administration d’alcool est à proscrire en raison du risque d’hépatite alcoolique aiguë.
La prise en charge des patients cirrhotiques n’est pas décrite dans cet article.
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Mots-clés : Anesthésie ; Alcool ; Intoxication alcoolique chronique ; Delirium tremens

Plan ■ Intoxication éthylique aiguë (IEA) 4


Généralités 4
■ Introduction 1 Conséquences médicochirurgicales de l’intoxication éthylique
aiguë 5
■ Métabolisme de l’éthanol 2
■ Prise en charge anesthésique 5
■ Intoxication éthylique chronique 2 Pharmacologie 5
Définition 2 Phase préopératoire 6
Conséquences neurologiques 2 Phase peropératoire 6
Retentissement hépatique 3 Période postopératoire 6
Effets cardiovasculaires 3
■ Conclusion 7
Troubles hydroélectrolytiques 3
Retentissement nutritionnel 3
Problèmes infectieux 4
Effets respiratoires
Troubles hématologiques
4
4
 Introduction
Effets musculaires 4 Cet article avait pour ambition d’être une mise à jour de celui
Pancréatites 4 publié en 2002 par les mêmes auteurs [1] , où l’on pouvait faire
Dépistage des éthyliques chroniques 4 référence à de nombreux travaux sur la pharmacologie des agents

EMC - Anesthésie-Réanimation 1
Volume 12 > n◦ 1 > janvier 2015
http://dx.doi.org/10.1016/S0246-0289(14)61564-4
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36-659-B-10  Anesthésie du patient alcoolique

Figure 1. Métabolisme de l’éthanol. ADH : alcool déshydro-


Élimination directe Oxydation
génase ; NAD+ : nicotinamide adénine dinucléotide ; NADPH :
Rein, poumon, sueur (3 %) extrahépatique (< 5 %)
nicotinamide adénine dinucléotide phosphate hydrogéné ;
SMOE : système microsomial d’oxydation de l’éthanol.
NAD+ Éthanol NADPH

ADH hépatique Catalase (10 %) SMOE (10 %)

NADH NADP
Acétaldéhyde

Déshydrogénase Déshydrogénase
mitochondriale (> 50 %) cytosolique (< 50 %)

Acétate

anesthésiques, publiés dans les années 1980 à 1990, notamment • le système microsomial d’oxydation de l’éthanol (MEOS)
par les équipes françaises. Or, force est de constater que, par qui intervient pour des alcoolémies supérieures à 0,20 g l−1 .
la suite, la littérature sur ce sujet a été extrêmement pauvre, à Il effectue la réoxydation de la NADPH (nicotinamide
l’exception évidemment du patient cirrhotique mais dont ce n’est adénine dinucléotide phosphate) en NADP+ , aboutissant à
pas ici le propos. L’article d’aujourd’hui reprend donc les notions l’hydroxylation de l’éthanol en acétaldéhyde. Le cytochrome
fondamentales décrites précédemment, mais il a été allégé de P450 intervient dans cette hydroxylation et subit une induction
nombreux travaux antérieurs aux années 2000, travaux que l’on enzymatique par l’éthanol. Cela pourrait expliquer certaines
retrouvera sur le site à la rubrique « archives ». interactions médicamenteuses ainsi que le développement
L’alcool, qui est la drogue la plus consommée à travers le monde, d’une tolérance chez l’éthylique chronique. Enfin, la dégrada-
peut être considéré comme une « hépatotoxine socialement accep- tion de l’éthanol par le MEOS libère une énergie non stockable
table » [2] . En France, environ deux hommes sur trois (pour moins et non rentable en termes nutritionnels ;
de trois femmes sur dix) boivent de l’alcool quotidiennement. De • la troisième et dernière voie fait intervenir la catalase, mais son
fait, l’extrême fréquence de cette intoxication en fait une patho- rôle est mineur.
logie désormais connue et assez clairement codifiée. Cependant, Fait important, les trois voies métaboliques de dégradation
la prise en charge médicale des patients éthyliques n’est pas tou- de l’éthanol aboutissent à la formation de grandes quantités
jours satisfaisante [3] , alors que la proportion d’éthyliques atteint d’acétaldéhyde (toxique pour les mitochondries hépatocytaires et
13,5 % des patients hospitalisés (22,7 % des hommes et 5,5 % les tissus extrahépatiques), qui est oxydé en acétate par l’aldéhyde
des femmes) [4, 5] . L’éthylisme est lui-même responsable d’une déshydrogénase (ALDH), dont le cofacteur est également la NAD+ .
surmorbidité et d’une surmortalité dans les pathologies trauma- L’acétate, transformé en acétyl-CoA, rejoint le cycle tricarboxy-
tiques [6] et plus de 20 % des patients hospitalisés en chirurgie lique. Parmi les nombreux isoenzymes de l’ALDH (qui est codée
sont éthyliques chroniques [7] . Il n’est donc pas surprenant que par 16 gènes), l’ALDH2 exerce un rôle exclusif au niveau mito-
les anesthésistes-réanimateurs soient si souvent confrontés à des chondrial. De plus, le polymorphisme de l’ALDH2 serait associé
patients éthyliques. Si la prise en charge spécifique de ces derniers à une altération du métabolisme de l’acétaldéhyde, un risque
a été étudiée depuis de nombreuses années [8, 9] , les évolutions moindre d’éthylisme chronique mais une plus grande sensibi-
récentes de l’anesthésiologie justifient une réévaluation fréquente lité aux cancers liés à l’alcool [10] . L’excès d’acétaldéhyde diminue
des pratiques. le rapport NAD+ /NADH dans le cytosol et les mitochondries
des hépatocytes. Le fonctionnement du cycle tricarboxylique
s’en trouve diminué et il en découle un cercle vicieux inhibant
 Métabolisme de l’éthanol (Fig. 1)
l’oxydation de l’acétaldéhyde.
L’élimination de l’éthanol se fait suivant une cinétique
michaélienne même si la partie initiale de la courbe pour
L’éthanol est une petite molécule amphotère (CH3 -CH2 OH)
des concentrations plasmatiques supérieures à 0,40 g l−1 paraît
qui traverse très facilement les membranes. Après ingestion, son
linéaire. Il y a longtemps, la pente de cette droite avait été estimée
absorption est très rapide (quelques minutes) dans l’estomac et
à 0,15 g l−1 par heure.
le jéjunum, mais peut être ralentie par une prise concomitante
d’aliments glucidiques ou lipidiques. La diffusion de l’éthanol
dans les tissus est proportionnelle à leur teneur en eau. Si 3 %
de la quantité ingérée sont éliminés par les voies rénale, sudo-
 Intoxication éthylique
rale et pulmonaire (permettant notamment une appréciation de chronique
l’intoxication avec un éthylomètre), le métabolisme principal de
l’éthanol est hépatique, par l’intermédiaire de trois systèmes enzy- Définition
matiques d’élimination :
• la voie métabolique principale qui fait intervenir l’alcool déshy- L’éthylisme chronique est défini pour une consommation quo-
drogénase (ADH), dégradant jusqu’à 90 % de l’éthanol ingéré. tidienne supérieure ou égale à 60 g d’alcool [11] . Cela correspond à
La voie de l’ADH est exclusivement hépatique et suffit pour un litre de vin à 10◦ (ou 10 %). On peut schématiquement consi-
les consommations modérées. L’ADH utilise un coenzyme, la dérer que chaque type de verre (par exemple un verre à vin, à bière
nicotinamide adénine dinucléotide (NAD+ ). L’éthanol est ainsi ou à liqueur) contient environ de 8 à 10 g d’alcool pur.
transformé par l’ADH en acétaldéhyde, via une réduction de
la NAD+ en NADH. L’éthanol peut alors être assimilé à un Conséquences neurologiques
nutriment, qui fournit environ 7 kcal g−1 . Si la consommation
dépasse les capacités d’épuration de l’ADH, deux autres voies Les altérations des tissus nerveux liées à l’alcool sont multi-
peuvent être activées ; factorielles. En premier lieu, l’éthanol et l’acétaldéhyde ont un

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effet directement toxique sur les enzymes membranaires, notam- Retentissement hépatique
ment l’ATPase (adénosine triphosphatase) et l’adénylcyclase. Par
ailleurs, la carence multivitaminique (B1 , B6 , PP, folate) qui accom- Les altérations hépatiques de l’éthylisme chronique sont sou-
pagne l’éthylisme chronique peut provoquer des lésions directes, vent classées en trois entités anatomopathologiques. En fait, il
favorisées par des déséquilibres alimentaires (excès d’hydrates de semble que ces anomalies soient souvent intriquées.
carbone, aux dépens des protéines). Enfin, l’éthanol stimule la La moins grave de ces altérations est certainement la stéatose
synthèse d’opioïdes endogènes et de prostaglandines (PG). En hépatique. Elle résulte de la diminution de la bêtaoxydation des
particulier, les PG1 jouent un rôle important dans la neurotrans- acides gras au sein des hépatocytes. La stéatose est classiquement
mission. La consommation d’alcool vient épuiser les stocks limités considérée comme bénigne et réversible, mais il n’est pas rare de
des précurseurs du PG1 et altère ainsi la libération des neuromé- constater des lésions associées de nécrose hépatocytaire, évoca-
diateurs présynaptiques. trices d’hépatite alcoolique.
L’hépatite alcoolique se définit par une nécrose centrolo-
Polynévrite alcoolique bulaire des hépatocytes avec réaction inflammatoire riche en
polynucléaires. La présence de corps de Mallory (nécrose hya-
C’est la complication neurologique la plus fréquente au cours de line hépatocytaire) est caractéristique mais inconstante. Sur le
l’éthylisme chronique. Reconnaissable dès l’inspection (démarche plan biologique, la cytolyse se traduit par une élévation des
caractéristique, troubles trophiques), elle est parfois responsable transaminases souvent inférieure à dix fois la normale, avec un
d’une véritable anesthésie des membres inférieurs. L’association rapport ASAT/ALAT (aspartate aminotransférase/alanine amino-
d’une polynévrite alcoolique à des troubles neurovégétatifs dys- transférase) (anciennement SGOT/SGPT) supérieur à deux. Les
autonomiques est fréquente. formes les plus graves, définies par le score de Murray, bénéfi-
cient d’un traitement par prednisolone. Enfin, le syndrome de
Encéphalopathie de Gayet-Wernicke (EGW) Zieve regroupe une hépatite alcoolique, un ictère, une anémie
Cette complication redoutable est la conséquence encéphalique hémolytique et une hypercholestérolémie.
de la carence en thiamine (vitamine B1 ) évoquée ci-après. Son pro- La cirrhose alcoolique est l’évolution terminale de l’éthylisme
nostic est grevé d’une lourde mortalité (43 %) aiguë ou différée, chronique grave. Schématiquement, on peut la considérer comme
la moitié des survivants pouvant garder des séquelles invali- la cicatrice d’hépatites alcooliques. Les particularités de cette
dantes [12] . L’EGW est souvent déclenchée par l’administration pathologie ne sont pas développées ici.
de solutés glucosés sans supplémentation vitaminique, mais
l’apparition des signes peut être retardée de plusieurs jours. La Effets cardiovasculaires
présentation clinique de l’EGW est volontiers polymorphe [13] .
Les troubles de la conscience sont prépondérants (90 % des cas). La cardiomyopathie alcoolique est une myocardiopathie
Les atteintes oculomotrices sont fréquentes et très évocatrices. congestive primitive, dont l’évolution est souvent sévère [20] , mar-
Elles se traduisent par un nystagmus vertical, une paralysie du quée par une survie comparable à celle des myocardiopathies
nerf VI, voire du nerf III ou encore des anomalies pupillaires. dilatées primitives (4 ± 3 ans). Il faut différencier la cardiopathie
Une ataxie cérébelleuse et des dysautonomies neurovégétatives alcoolique du béribéri cardiaque, plus rare, qui réalise un tableau
peuvent venir compléter ce tableau neurologique. Dans les formes d’insuffisance cardiaque à débit élevé. Des cas d’insuffisance ven-
tardives, l’EGW est souvent associée à des troubles mnésiques triculaire droite béribérique ont été décrits [21] . L’étiologie du
(syndrome de Wernicke-Korsakoff). Le diagnostic d’EGW peut être béribéri cardiaque est une carence en thiamine, et la supplémen-
posé sur des critères cliniques si l’on retrouve au moins deux des tation en vitamine B1 permet en général de faire régresser cette
signes suivants : carence alimentaire en thiamine, troubles de la cardiopathie. Toutefois, il existe une forme fulminante (shoshin
conscience, atteinte oculomotrice, syndrome cérébelleux [14] . Le béribéri) qui répond parfois au traitement vitaminique à fortes
traitement étiologique de l’EGW par vitaminothérapie B1 (1 g j−1 ) doses (1 g j−1 ).
peut s’accompagner d’une amélioration spectaculaire. D’une façon générale, les atteintes myocardiques de l’éthylisme
chronique se traduisent par une altération de la contractilité,
Épilepsie alcoolique qui semble indifférente à une réaction sympathique périphé-
rique : l’hypersécrétion réactionnelle de catécholamines n’a que
Son origine est mixte. D’une part, l’atrophie cortico-sous- peu d’effets sur l’inotropisme et serait même responsable de
corticale (leucoaraïose) est une évolution fréquente et tardive de troubles du rythme, expliquant peut-être certaines morts subites
l’éthylisme chronique. D’autre part, l’éthanol abaisse le seuil épi- de l’éthylique. La vasoconstriction induite vient augmenter la
leptogène. Les convulsions de l’éthylique chronique sont parfois postcharge d’un myocarde défaillant. De même, les éthyliques
le premier signe d’un sevrage. L’épilepsie alcoolique ne présente chroniques présentent une inadaptation circulatoire relative au
pas de particularités thérapeutiques. cours des chocs hémorragiques, avec diminution du débit car-
diaque (par altération de la contractilité), augmentation de la
Myélinolyse centropontine pression artérielle moyenne et de la consommation en oxygène
Cette complication d’origine carentielle provoque des troubles du myocarde. À ces troubles chroniques peuvent s’ajouter les
variables de la conscience et de la déglutition. On la rapproche dysfonctions cardiovasculaires de l’éthylisme aigu, qui sont déve-
de la maladie de Marchiafava-Bignami (par effet toxique direct loppées dans le paragraphe correspondant.
de l’éthanol) et de l’atrophie cérébelleuse alcoolique (carence en Enfin, l’hypertension artérielle est retrouvée chez environ 10 %
thiamine). des éthyliques chroniques non cirrhotiques.

Hématomes sous-duraux Troubles hydroélectrolytiques


D’origine le plus souvent traumatique (chute au cours d’une
Les troubles hydroélectrolytiques sont peu importants chez
ivresse), ils ont une évolution volontiers subaiguë et perni-
l’éthylique non cirrhotique. Pour mémoire, l’éthanol a une osmo-
cieuse [15] . Ils posent le problème du diagnostic différentiel avec
larité mesurée de 21,77 mmol g−1 .
les autres causes d’encéphalopathie de l’alcoolique.
Il existe également le classique « syndrome des buveurs de
bière », qui associe hypochloronatrémie et hypokaliémie.
Syndromes de sevrage
Les syndromes de sevrage en alcool peuvent survenir dans Retentissement nutritionnel
les heures qui suivent l’arrêt de l’intoxication. Volontiers poly-
morphes [16–19] , leur prise en charge est souvent difficile (cf. infra). Les éthyliques chroniques sont volontiers dénutris [2] . Les rai-
Fait important, tous les syndromes de sevrage ne sont pas des sons en sont multiples : déséquilibre alimentaire (parfois au profit
delirium tremens (DT), qui ne sont qu’une variété ultime des quasi exclusif de l’alcool), vomissements répétés, misère sociale.
premiers. Il en résulte une carence en glucides, acides aminés, vitamines (A,

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B1 , B6 , B9 , B12 ), phosphore, magnésium. L’ingestion isolée d’alcool alcooliques ont une présentation clinique et évolutive comparable
à jeun provoque la cétose alcoolique, qui est une acidocétose par aux rhabdomyolyses d’autres origines. Les autres troubles muscu-
carence en glucides. Le traitement par apports glucosés en est laires liés à l’éthylisme sont essentiellement représentés par les
généralement simple. Pour mémoire, seule la voie de dégrada- syndromes pseudomyasthéniques des hypophosphorémies, déjà
tion par l’ADH permet de produire de l’énergie en métabolisant évoqués.
l’éthanol (7 kcal g−1 ).
Le phosphore joue un rôle métabolique très varié. Il est un
élément constitutif des membranes cellulaires. Il participe au Pancréatites
métabolisme des hydrates de carbone, à la synthèse de l’ATP et des
protéines. Les hypophosphorémies de l’éthylique chronique [22] Les éthyliques chroniques présentent un risque de pancréatite
peuvent être responsables de complications graves. Les carences chronique corrélé à la consommation quotidienne d’alcool. Le
profondes en phosphore se traduisent essentiellement par des diabète et les troubles nutritionnels qui en découlent viennent
atteintes neuromusculaires. Les troubles de conscience peuvent se aggraver une évolution peu favorable, surtout si l’intoxication
compliquer d’état de mal convulsif. En périphérie, des pseudomy- alcoolique persiste.
asthénies hypophosphorémiques ont été décrites. Des troubles de
la contractilité cardiaque ont également été rapportés [23] . Enfin,
les hypophosphorémies peuvent être responsables d’une altéra-
Dépistage des éthyliques chroniques
tion de la force musculaire, pouvant intéresser le diaphragme La détection des éthyliques chroniques est une préoccupation
et se compliquer d’insuffisance respiratoire aiguë. Le dosage de ancienne, pour des raisons variées (médicolégales, profession-
plus en plus répandu de la phosphorémie permet de dépister les nelles ou dans un but préventif). Il n’existe à ce jour pas de critère
carences, même si la phosphorémie n’est pas un bon reflet du suffisamment sensible et spécifique pour un dépistage certain,
pool total de phosphore de l’organisme [24] . La plupart des hypo- notamment au cours des formes frustes. En général, l’intoxication
phosphorémies sont modérées (supérieures à 0,40 mmol l−1 ) mais éthylique chronique est suspectée d’après des arguments cliniques
peuvent s’effondrer secondairement chez un patient carencé en et/ou biologiques.
phase de catabolisme intense (phase postopératoire par exemple). Certaines données d’interrogatoire permettent de dépister un
La supplémentation en phosphore doit être systématique chez profil d’éthylisme chronique. De nombreux auteurs utilisent
l’éthylique, sur une base de 0,5 mmol kg−1 par jour, éventuelle- le questionnaire anglo-saxon CAGE (cut-down, annoyed, guilty,
ment augmentée en cas de carence profonde. eye-opener) ou son équivalent francophone DETA (détection de
La carence en thiamine chez les éthyliques est fréquente, du l’alcoolisme) pour déceler les consommateurs excessifs [3, 25, 26] .
fait des faibles réserves tissulaires. Chez le sujet sain, une carence Certaines anomalies cliniques permettent de suspecter un
peut apparaître après deux semaines de régime sans vitamine B1 . éthylisme chronique larvé. L’hypertrophie parotidienne, une
Le diagnostic est porté par le dosage de l’activité transcétolasique hypertension artérielle, des troubles de la marche sont des élé-
des érythrocytes. La symptomatologie de la carence en thiamine ments évocateurs mais non suffisants.
est extrêmement polymorphe : les atteintes sont essentiellement Les examens biologiques peuvent apporter des arguments
neurologiques (EGW), et cardiaques (béribéri). supplémentaires. En particulier, l’élévation de la gamma-
glutamyl-transpeptidase (gamma-GT) est certes évocatrice mais ne
Problèmes infectieux permet pas à elle seule de conclure à une intoxication éthylique.
En effet, toute pathologie hépatobiliaire ainsi que de nombreux
Les effets conjugués de la dénutrition (carences en protéines et médicaments sont susceptibles de provoquer une augmentation
en phosphore), de la précarité sociale et des troubles de la cons- des gamma-GT [27] . En revanche, si celle-ci est associée à d’autres
cience (inhalations répétées) exposent les éthyliques chroniques critères cliniques ou biologiques (macrocytose, diminution du TP,
à un risque infectieux accru. En particulier, les pneumopathies etc.), la suspicion s’en trouve renforcée. Certaines études semblent
à Streptococcus pneumoniae ou à Klebsiella pneumoniae sont fré- faire état de marqueurs intéressants : activité aldéhyde déshydro-
quentes (et souvent redoutables), de même que les tuberculoses. génase des érythrocytes, transferrine déficiente en cocarboxylase,
activité monoamine oxydase plaquettaire, ou encore rapport
urinaire 5-hydroxytryptophol/acide 5-hydroxyindole-3-acétique.
Effets respiratoires Toutefois, ces marqueurs ne sont pas validés pour l’instant, ou
Hormis le cas de la cirrhose éthylique, l’éthylisme chro- sont peu utilisables en routine.
nique ne perturbe pas le système respiratoire, en l’absence
d’hypophosphorémie profonde. En revanche, l’intoxication taba-
gique, qui est associée à l’éthylisme dans la moitié aux trois quarts  Intoxication éthylique aiguë
des cas, est susceptible d’ajouter ses complications propres.
(IEA)
Troubles hématologiques Généralités
Les perturbations hématologiques observées au cours de L’IEA est une pathologie extrêmement fréquente, et la propor-
l’éthylisme chronique ne sont pas expliquées par les seules tion de patients alcooliques au sein d’un service d’urgence peut
carences nutritionnelles. L’anémie macrocytaire est extrêmement atteindre 25 %. Une admission en réanimation sur 100 serait due
fréquente, mais souvent rebelle à une supplémentation en folates. à une IEA [28] . L’IEA, en dehors de sa gravité propre, est génératrice
La lignée blanche est également perturbée. La leucopénie est de pathologies traumatiques, qui s’expliquent en partie par la fré-
le plus souvent modérée. La carence en phosphore diminue quence des accidents de voie publique (environ un conducteur sur
l’activité phagocytaire et le chimiotactisme. Le déficit en magné- cinq est un consommateur d’alcool). Notamment, il semble que
sium déprime l’activité de la voie alterne du complément. l’éthanol aggrave le pronostic des traumatismes crâniens graves,
L’altération des fonctions hépatiques s’accompagne d’une per- par le biais d’une majoration des agressions cérébrales secondaires
turbation de la coagulation. Ainsi, le temps de prothrombine (TP) d’origine systémique (ACSOS).
et surtout le dosage du facteur V sont un bon reflet de l’insuffisance Parallèlement à ces situations connues de longue date, un phé-
hépatocellulaire, bien que les anomalies franches soient davan- nomène social s’est développé parmi les élèves brésiliens scolarisés
tage l’apanage des cirrhotiques. dans les high school anglaises. Cette attitude qui consiste à boire en
un minimum de temps un maximum d’alcool conduit à un coma
Effets musculaires alcoolique aigu dont c’est le but recherché. Gagnant rapidement
toute l’Europe, notamment grâce aux réseaux sociaux, le binge-
Survenant préférentiellement chez l’éthylique chronique drinking continue à n’affecter essentiellement que les garçons de
sévère, à l’occasion d’une ivresse aiguë, les rhabdomyolyses milieu aisé [29] .

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Conséquences médicochirurgicales Hypnotiques


de l’intoxication éthylique aiguë Les doses de propofol requises pour l’induction anesthésique
sont supérieures à la normale pour obtenir une perte de contact
L’IEA entraîne des signes essentiellement neurologiques. D’une chez l’éthylique chronique [30] . En revanche, en cas d’intoxication
part, l’effet hypnotique de l’éthanol provoque des troubles varia- aiguë, l’éthanol potentialise les effets du propofol.
bles de la conscience (de la désinhibition au coma aréactif). Les troubles psychiques induits au réveil par la kétamine
D’autre part, l’IEA réalise un véritable syndrome cérébelleux semblent être plus fréquents en cas d’éthylisme chronique.
expérimental. L’ivresse manifeste apparaît pour une éthanolémie Même chez le cirrhotique, la pharmacocinétique du midazolam
supérieure à 2 g l−1 chez un sujet non accoutumé. n’est que peu perturbée, en dépit de son élimination hépatique :
L’éthanol est un puissant vasodilatateur, parfois responsable de la clairance plasmatique est significativement diminuée en cas
collapsus chez un patient hypovolémique (vomissements, mal- de cirrhose, tandis que la demi-vie d’élimination est augmentée
nutrition, traumatisme). De plus, l’IEA est responsable d’une de façon significative (168 ± 30 minutes contre 135 ± 40 minutes
dysfonction ventriculaire par diminution de la fraction d’éjection dans le groupe contrôle), mais les conséquences cliniques de ces
et augmentation de la fréquence cardiaque. La réaction sym- modifications sont limitées.
pathique réflexe qui en découle semble être plus néfaste que
bénéfique. En effet, l’IEA favorise l’hyperexcitabilité myocar-
Analgésiques
dique, avec allongement de la conduction intra-auriculaire et
de l’espace QT. Tous ces facteurs ont été incriminés dans les Les interactions entre l’éthanol et les phénomènes doulou-
morts subites de l’éthylisme aigu. Enfin, l’IEA inhibe la sécrétion reux sont extrêmement complexes. Elles font toujours l’objet
d’hormone antidiurétique et peut provoquer une déshydratation d’expérimentations nombreuses et parfois contradictoires [31, 32] .
par diabète insipide alcoolo-induit. Ces travaux fondamentaux, basés sur la constatation d’une tolé-
Les conséquences respiratoires des IEA sont essentiellement rance croisée entre les morphiniques et l’alcool, tentent encore
liées à la gravité du coma éthylique (pneumopathie d’inhalation, d’en préciser les mécanismes moléculaires. L’éthanol se comporte-
hypoventilation alvéolaire). rait comme un opioïde dont les récepteurs ne sont pas clairement
Les hypothermies accidentelles sont souvent négligées à tort identifiés. L’action analgésique de l’alcool n’est pas antagonisée
au cours des IEA. Elles sont dues, d’une part, à l’impossibilité à par la naloxone.
se réchauffer liée à l’intoxication et, d’autre part, à la vasodilata- En pratique clinique, toutefois, on peut schématiquement
tion par l’éthanol, qui majore la thermolyse. Ces hypothermies, considérer que l’éthylisme chronique semble induire une relative
associées à une pathologie traumatique, grèvent lourdement le résistance aux opiacés [33] , marquée par une possible majoration
pronostic des IEA. des effets secondaires, en particulier avec le fentanyl. En revanche,
La dose létale chez le sujet sain est de 300 g (2 g kg−1 chez l’IEA semble potentialiser les effets des analgésiques, sans que le
l’enfant), ce qui correspond à une alcoolémie de 4 ou 5 g l−1 envi- mécanisme en soit clairement élucidé. L’analyse de toutes ces
ron. modifications est rendue encore plus complexe par la variabi-
lité interindividuelle aux agents anesthésiques chez les sujets
sains [34] .
 Prise en charge anesthésique La pharmacocinétique du fentanyl n’est que peu modifiée par
l’éthylisme chronique. Il n’a pas été trouvé d’études récentes dans
Il est classique de considérer que l’éthylisme augmente le risque la littérature concernant les modifications pharmacocinétiques du
anesthésique. Cependant, on ne trouve que peu de publications sufentanil, de l’alfentanil, ni du rémifentanil chez l’éthylique non
sur ce sujet dans la littérature anesthésiologique récente. Nom- cirrhotique.
breux sont les auteurs qui semblent minimiser les conséquences Pour mémoire, l’administration de naltrexone, antagoniste pur
de l’éthylisme sur le déroulement de l’anesthésie, même en cas des morphiniques, connaît un développement récent pour le
d’hépatite alcoolique aiguë. Selon certains, les complications maintien de l’abstinence chez l’alcoolique sevré. Une interaction
postopératoires sont cependant plus nombreuses et la durée probable entre la naltrexone et le sufentanil, responsable d’une
d’hospitalisation est allongée. Pour d’autres, en l’absence de syn- insuffisance d’analgésie, a été rapportée.
drome de sevrage, les patients éthyliques ne font pas l’objet d’un Enfin, certains travaux expérimentaux chez la souris suggèrent
surcroît de complications ou d’un allongement de la durée de la possibilité d’une moindre sensibilité des éthyliques chroniques
séjour. Cependant, ces mêmes auteurs constatent une augmen- au protoxyde d’azote.
tation des réadmissions postopératoires en réanimation chez les
éthyliques, liées à des problèmes de sevrage en alcool. Enfin, Halogénés
lorsque l’acte chirurgical nécessite d’emblée une admission post-
opératoire en réanimation (chirurgie carcinologique lourde), la La littérature ne fait pas mention de restrictions d’utilisation des
population des éthyliques chroniques se distingue par un risque anesthésiques halogénés actuels chez l’éthylique non cirrhotique.
accru de complications (sepsis et pneumopathies), ainsi que par
une mortalité plus élevée. Les progrès de la sécurité anesthésique Curares
de ces dernières années ne doivent donc pas faire oublier la dan- Les différences pharmacocinétiques ne deviennent perceptibles
gerosité potentielle de l’éthylisme. que chez le cirrhotique [35] , essentiellement en raison de modifica-
tions du volume de distribution. En cas de doute sur l’intégrité
Pharmacologie des fonctions hépatiques, l’utilisation de curares dégradés par
voie d’Hoffman (atracurium, cisatracurium, mivacurium) prend
Les perturbations des fonctions hépatiques (induction enzy- ici tout son sens. Le caractère supposé difficilement prévisible
matique, notamment par l’augmentation parfois décuplée de de la myorelaxation chez l’éthylique est un argument supplé-
l’isoenzyme P4502E1 du cytochrome P450, insuffisance hépa- mentaire, s’il en était besoin, en faveur du monitorage de la
tocellulaire) sont théoriquement de nature à modifier la curarisation.
pharmacocinétique des agents de l’anesthésie : diminution de la
clairance hépatique, augmentation de la forme libre des médica-
ments en rapport avec une baisse de l’albuminémie, modification Anesthésiques locaux
du volume de distribution. De plus, les effets neurologiques de L’utilisation périphérique des anesthésiques locaux chez
l’éthylisme sont à même d’influer sur les phénomènes doulou- l’éthylique ne présente pas de difficulté particulière [36] . Chez
reux. Toutefois, l’analyse de la littérature est décevante, peu de l’animal, une tolérance à la lidocaïne intrathécale a pu être
travaux étudiant les interactions entre les agents de l’anesthésie retrouvée, sans incidence sur la durée du bloc. Chez l’homme,
(pourtant nombreux) et l’éthylisme (pourtant répandu). Une fois la réalisation d’une anesthésie locorégionale (ALR) doit être pré-
encore, les notions développées dans ce chapitre ne concernent cédée d’un examen neurologique soigneux, à la recherche d’un
pas le sujet cirrhotique. déficit sensitivomoteur préexistant. En effet, la possible présence

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36-659-B-10  Anesthésie du patient alcoolique

d’une polynévrite pourrait faire croire à tort à une complication de Plus récemment, des auteurs ont comparé les taux de cytokines
l’ALR. Cette précaution prise, il n’est plus justifié de déconseiller pro-inflammatoires chez des patients alcooliques chroniques rece-
les ALR chez les éthyliques, comme cela a pu être le cas par le vant une anesthésie au propofol ou à l’isoflurane. Ils ont ainsi mis
passé. en évidence une différence significative au profit du groupe pro-
pofol avec un taux d’infections postopératoires plus faible dans
ce groupe [41] . Ces résultats sont néanmoins à prendre avec pré-
Phase préopératoire caution quand on sait l’origine multifactorielle des infections
postopératoires.
Intoxication éthylique aiguë
Des données statistiques déjà anciennes faisaient état d’un
risque d’accident anesthésique multiplié par trois en cas d’ivresse Période postopératoire
aiguë. Les effets conjugués d’un trouble de la conscience (pou-
vant compromettre la qualité de l’interrogatoire anesthésique), C’est certainement la phase la plus délicate où apparaissent les
d’une situation « d’estomac plein » et de la pathologie chirurgi- conséquences de la dénutrition, de l’immunodépression et des
cale associée expliquent ce surcroît de risque. Toutefois, les progrès troubles cardiaques. À ces anomalies, il faut ajouter les conséquen-
récents de la discipline (nouveaux médicaments, monitorage) et la ces du sevrage en alcool. Enfin, l’anesthésie (ou « l’événement
généralisation des bonnes pratiques (induction à séquence rapide) chirurgical ») a pu être impliquée comme facteur de risque de
justifieraient une réévaluation du risque anesthésique actuel en rechute d’un éthylisme sevré [42] .
cas d’IEA. Les dysfonctions cognitives postopératoires chez le sujet âgé
L’éthanol est connu pour être un puissant analgésique. sont classiques au décours d’une chirurgie cardiaque mais aussi
L’expérience des auteurs retrouve des cas d’anesthésie totale de au décours d’une chirurgie non cardiaque. Plus récemment,
fractures périphériques par les effets conjugués d’une intoxication l’intoxication alcoolique chronique a été démontrée comme fac-
aiguë et d’une polynévrite. Le risque est alors de ne pas détecter teur favorisant, dans la survenue d’une altération des capacités
une lésion périphérique en cas de traumatismes multiples, ou de visiospatiales et des fonctions exécutives, plus de deux semaines
provoquer un surdosage d’analgésique en cas de mauvaise éva- après l’intervention [43] .
luation de la douleur (prescription « systématique », dans le cadre Les syndromes de sevrage apparaissent déjà après six heures
d’un protocole par exemple). De même, l’effet potentialisant de d’abstinence. Ils débutent par un état d’hyperadrénergie avec
l’alcool sur les hypnotiques doit inciter à la prudence dans la hypertension artérielle et tremblement fin des extrémités. En
prescription d’une prémédication. l’absence de résolution spontanée en deux ou trois jours,
En raison des carences nutritionnelles fréquentes et du risque l’évolution peut se faire vers un DT dans 5 % des cas. Exceptionnel-
cardiovasculaire, il est préférable de considérer que tout patient en lement, ils peuvent favoriser la survenue d’une cardiomyopathie
ivresse aiguë est suspect d’éthylisme chronique et doit bénéficier, de type Tako-Tsubo [44] .
autant que possible, des thérapeutiques préopératoires appro- Le delirium est une altération globale des fonctions cérébrales
priées. supérieures causée par un substrat organique. Il est fréquemment
observé en période postopératoire, plus particulièrement chez le
sujet âgé, au décours d’une chirurgie vasculaire, orthopédique
Chez l’éthylique chronique non ébrieux ou une intervention longue. La survenue d’un DT complique la
On aura soin de réaliser un bilan soigneux du retentissement de prise en charge postopératoire difficile, elle augmente les coûts
l’intoxication, en particulier sur les plans cardiovasculaire, nutri- et, par-dessus tout, elle est très handicapante pour le patient,
tionnel et hépatique. L’éthylisme chronique est responsable d’une avec une augmentation de la morbidité et de la mortalité [45] .
diminution de la fraction d’éjection ventriculaire et d’une majo- L’état d’hyperadrénergie qui accompagne le DT est parfois res-
ration du temps de saignement. Il semble raisonnable de proposer ponsable de complications graves, notamment des ischémies
un sevrage de l’intoxication au moins un mois avant une chirur- myocardiques sur coronaires saines [46] . Toutefois, en raison de
gie réglée, dans l’espoir de diminuer le risque de complications son mimétisme avec de nombreuses complications postopéra-
postopératoires. De même, l’existence de signes évocateurs de cir- toires (hypoglycémie, hypoxémie, désunion d’anastomose, globe
rhose (ascite, circulation veineuse collatérale, ictère, etc.) doit faire vésical, douleur, EGW), le DT est un diagnostic d’élimination.
autant que possible retarder la chirurgie afin d’étayer le diagnos- En particulier, la confusion est fréquente avec le status epilec-
tic et rediscuter l’indication opératoire, car le risque y est sans ticus tonicoclonique, dont l’encéphalopathie postcritique peut
commune mesure. mimer un DT. Enfin, toute encéphalopathie apparaissant dans
Le rééquilibrage hydroélectrolytique ainsi qu’une supplémen- la période postopératoire chez l’éthylique doit faire recher-
tation en vitamines (thiamine notamment), magnésium et cher une EGW. L’administration préventive de vitamine B1 est
phosphore sont des préalables recommandés. Il n’existe pas de indispensable.
règle concernant la prémédication adéquate. Fait intéressant, une Le traitement des syndromes de sevrage, et parmi eux le DT,
étude ancienne avait montré que 11 % des patients devant béné- est difficile et souvent décevant. La sévérité d’un syndrome de
ficier d’une chirurgie pour cancer s’étaient « autoprémédiqués » sevrage et le risque thérapeutique (troubles de la conscience)
avec l’alcool contenu dans les désinfectants [37] . Enfin, certains ont peuvent nécessiter une admission en réanimation. Le meilleur
suggéré l’intérêt d’une prémédication par clonidine, pour contrer traitement des complications postopératoires de l’éthylisme reste
les effets de l’état d’hyperadrénergie [38] , mais cette pratique n’est très certainement la poursuite des mesures préventives débu-
pour l’heure pas validée. tées dès la phase préopératoire. Celles-ci reposent sur une bonne
Quel que soit le type de chirurgie envisagée, l’évaluation pré- hydratation ainsi que sur la poursuite des apports en vita-
opératoire, notamment cardiovasculaire, est la pierre angulaire mines (B1 : 500 mg j−1 , B6 : 250 mg j−1 ), phosphore (au minimum
d’une bonne prise en charge, permettant de diminuer morbidité 0,5 mmol kg−1 par jour) et magnésium. Une étude récente [47]
et mortalité [39, 40] . souligne l’association entre une insuffisance d’analgésie postopé-
ratoire et le risque accru d’apparition d’un DT. La prise en charge
pharmacologique du sevrage ne possède pas de frontières nettes
Phase peropératoire entre traitement préventif et traitement curatif. De nombreux
médicaments peuvent être utilisés. Les neuroleptiques comme
Les données de la pharmacologie ne permettent pas de pro- l’halopéridol ou le dropéridol, ainsi que les benzodiazépines, sont
poser un schéma de prescription standard pour l’anesthésie de habituellement utilisés pour contrôler l’agitation psychomotrice.
l’éthylique. Schématiquement, la constatation d’une intoxication Les neuroleptiques atypiques comme la risperidone ont été utilisés
aiguë doit rendre prudent sur les doses d’agents anesthésiques. Les avec succès dans quelques cas rapportés dans la littérature. Dans
techniques de surveillance de la profondeur de l’anesthésie et le les formes mineures, le méprobamate (de 800 mg à 4 g j−1 , par voie
monitorage de la curarisation sont aujourd’hui recommandés sur intramusculaire) ou le tiapride (1200 mg ou plus, répartis dans la
ce terrain. perfusion de base) donnent des résultats satisfaisants. Dans les cas

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Anesthésie du patient alcoolique  36-659-B-10

plus sévères, les benzodiazépines (diazépam titré par 5 mg, puis  Références
renouvelé toutes les quatre heures, ou midazolam 0,3 mg kg−1 par
heure en intraveineux) sont intéressantes mais exposent au risque [1] Teboul A, Pourriat JL. Anesthésie du patient alcoolique. EMC (Elsevier
de troubles de la vigilance. Masson SAS, Paris), Anesthésie-Réanimation, 36-659-B-10, 2002 :
La clonidine (1 mg j−1 ), par son rôle alpha-2-agoniste, limiterait 8 p.
les effets délétères du syndrome hyperadrénergique sur la cardio- [2] Falck-Ytter Y, McCullough AJ. Nutritional effects of alcoholism. Curr
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semblent bénéfiques et bien tolérés [48] . [3] Spandorfer JM, Israel Y, Turner BJ. Primary care physicians’ views on
Les cas les plus graves ont parfois permis de tester de nouvelles screening and management of alcohol abusers: inconsistencies with
molécules. En particulier, le propofol semble avoir donné des national guidelines. J Fam Pract 1999;48:899–902.
résultats satisfaisants en perfusion continue (jusqu’à 90 ␮g kg−1 [4] Ganry O, Joly JP, Stan-Quintin I, Queval M, Beaudot JM, Dubreuil
par heure), malgré un cas de tachyphylaxie aiguë. A. Alcohol use disorders in French university hospital patients. Eur
L’administration d’alcool pour le traitement des syndromes Addict Res 2000;6:91–6.
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crire. Outre le problème éthique d’entretenir le patient dans son emergency department: an epidemiologic study. Acad Emerg Med
intoxication, le risque est grand de favoriser une ivresse aiguë au 2000;7:14–20.
cours d’une pathologie mimant un syndrome de sevrage. Enfin, [6] Lipscomb HJ, Dement JM, Rodriguez-Acosta R. Deaths from external
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1994. Appl Occup Environ Hyg 2000;15:569–80.
tite alcoolique aiguë iatrogène, si elle s’inscrit dans un tableau de
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En dehors de la cirrhose, l’éthylisme chronique ou aigu ne pré- 2000;61:192–8.
sente aucune contre-indication aux techniques et agents usuels [11] Tonnesen H, Kehlet H. Preoperative alcoholism and postoperative mor-
de l’anesthésie, au prix de quelques ajustements posologiques. La bidity. Br J Surg 1999;86:869–74.
connaissance des désordres et des carences liés à l’éthylisme per- [12] Victor M, Adams RD, Collins GH. The Wernicke-Korsakoff syndrome.
met de débuter, dès le début de la prise en charge anesthésique, A clinical and pathological study of 254 patients, 82 with post-mortem
les corrections et supplémentations nécessaires. Ces précautions examinations. Contemp Neurol Ser 1971;7:1–206.
permettent de limiter le risque anesthésique, en veillant parti- [13] Vidal S, Andrianjatovo JJ, Dubau B, Winnock S, Maurette P. Encépha-
culièrement à la phase postopératoire, période privilégiée pour lopathies postopératoires : la carence en thiamine, une étiologie à ne
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ratoires. [17] Schumacher L, Pruitt 2nd JN, Phillips M. Identifying patients “ at risk ”
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hépatique, par le biais de trois voies métaboliques diffé- Nurs 2000;32:158–63.
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nutritionnelles, infectieuses, hématologiques et muscu- [20] Biancofiore G, Mandell MS, Rocca GD. Perioperative considerations
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• L’anesthésie en urgence chez un patient en intoxica- 2010;23:128–32.
tion éthylique aiguë expose particulièrement au risque [21] Blanc P, Boussuges A, Von Elm BE, Rampanjato MR, Petit B, Amiel
d’instabilité hémodynamique et de régurgitation. F. Insuffisance cardiaque droite par carence en thiamine. Presse Med
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nécessite une évaluation préopératoire soigneuse du
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retentissement de l’intoxication. [23] Zazzo JF, Troché G, Ruel P, Maintenant J. High incidence of hypo-
• Il n’y a pas de contre-indication à l’utilisation de telle ou phosphatemia in surgical care patients: efficacy of phosphorus therapy
telle technique anesthésique. on myocardial function. Intensive Care Med 1995;21:826–31.
• Les complications surviennent essentiellement pendant [24] Auboyer C. Les hypophosphorémies. Une pathologie souvent oubliée ?
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sevrage est fréquente et peut être mortelle. Le meilleur [25] Ansseau M, Besson J, Lejoyeux M, Pinto E, Landry U, Cornes M, et al.
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J.-L. Pourriat, Professeur des Universités, praticien hospitalier (jean-louis.pourriat@htd.aphp.fr).


Service des urgences, Hôtel-Dieu–Cochin, AP–HP, 27, rue du Faubourg-Saint-Jacques, 75014 Paris, France.
Université Paris-Descartes, 1, place du Parvis-Notre-Dame, 75004 Paris, France.
A. Teboul, Praticien hospitalier.
Département d’anesthésie-réanimation, Hôpital européen Georges-Pompidou, 20, rue Leblanc, 75015 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Pourriat JL, Teboul A. Anesthésie du patient alcoolique. EMC - Anesthésie-Réanimation 2015;12(1):1-8
[Article 36-659-B-10].

Disponibles sur www.em-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos/ Documents Information Informations Auto- Cas
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

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