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Chapitre- Démocratie et égalité

Fiche 2 : Analyse des inégalités

Partie 1 – Constat des inégalités dans la France des années 2000

L Maurin écrit : « Liberté, Egalité, Fraternité " : notre pays ne saurait déroger à son idéal républicain. Pourtant, sa
devise est de plus en plus souvent bafouée sans qu'on en fasse grand cas. Premier responsable, l'appareil statistique.
Les données les plus récentes concernant la distribution des revenus des ménages, revenus du patrimoine inclus,
remontent à 1996. Le dernier état des lieux des inégalités de revenus ne peut donc être dressé que pour le
gouvernement d'Alain Juppé (lui-même en partie le reflet de la politique d'Edouard Balladur)... Le coupable est
pourtant moins l'institution que le politique : l'Insee dépend du ministère de l'Economie et il ne tient qu'au ministre de
faire accélérer les choses »

I. Des inégalités qui demeurent importantes

A. Les inégalités quantitatives ( 1 à 7 p 182-183)

1. Les inégalités de revenu

a. Les inégalités de salaire

Une étude de longue période montre que la hiérarchie des salaires a été affectée par une succession de mouvements
contraires qui se sont compensées pour maintenir une disparité des salaires relativement importante en France :
T.Piketty constate que les inégalités face au travail n’ont pas réellement diminué sur longue période :
• ainsi, la part des 10 % des mieux rémunérés a oscillé aux alentours de 25 – 28 % de la masse salariale tout au
long du XX° siècle
• la part des 1 % les mieux payés (le centile supérieur) a été stable aux alentours de 6 – 7 %
• la part des 10 % les moins bien rémunérés (décile inférieur) a quant à elle toujours gravité autour de 4 à 5 %

Pour développer : ici

L’observatoire des inégalités :


• l’évolution des inégalités de salaires entre 1996 et 2006 : ici
• les inégalités hommes-femmes : ici

b. Les inégalités de revenu d’activité.

Remarque : On introduit maintenant les professions indépendantes qui bien évidemment n’avaient pas été retenues
dans l’étude des inégalités de salaires.

Constat : le rapport entre le revenu d’activité moyen des indépendants non agricoles et celui des ouvrier s’établit à
2,47. Ces inégalités pourtant non négligeables ne sont rien par rapport aux inégalités de revenu de la propriété.

Pour voir l’évolution récente du revenu disponible des ménages français : ici

Un article de T.Piketty dans Libération Profits, salaires et inégalités ici


c. Les inégalités de revenus de la propriété

Remarque : L’activité professionnelle n’est pas la seule source de revenus pour un ménage, certains éléments du
patrimoine dont le ménage dispose produisent des revenus, qui viendront s’ajouter à ceux engendrés par les activités
professionnelles de ses membres, pour constituer la totalité de son revenu primaire.

Constat : Les inégalités de revenus de la propriété sont très importantes. Elles le sont d’autant plus que si sur la
période 1990-1996 les revenus fiscaux ont en moyenne augmenté de 0,5 % (1 % pour le décile le plus riche , mais ont
baisse de 2,5 % pour le décile le plus pauvre) , la performance réelle des placements a été de 10 % , les actions
françaises ayant même gagné sur la période 25 % . La très forte valorisation du patrimoine financier résultant de la
dérégulation des marchés financiers a ainsi contribué à creuser les inégalités de revenus durant les années 90

2. Les inégalités de patrimoine (8 à 12 p 184-185)

- L’inégalité de patrimoine a diminué depuis un siècle


- Mais elle reste très importante : elle est plus forte que l’inégalité des revenus

Pour en savoir plus : ici

Un article de T.Piketty dans Challenges: Les gros patrimoines ne s'en sortent pas si mal ici

L’observatoire des inégalités : les inégalités de patrimoine : ici

• Ainsi quand on établit le rapport entre le patrimoine moyen d’un indépendant non agricole et celui d’un
ouvrier , on obtient 6, 14.
• Si l’on fait une étude en terme de concentration :
- on constate que les 10% les plus riches transmettent 51,2% du patrimoine total ( les 1% 20%),.
- Par contre les 10 % les plus pauvres transmettent seulement 0,7% du total (les 50% les plus pauvres
transmettant 12,6% du total , c’est à dire presque deux fois moins que le 1 % le plus riche).
• La part des revenus tirés du patrimoine dans le revenu des ménages après être resté stable aux alentours de 4
% entre 70 et 98 , a fortement augmenté durant les années 90 pour atteindre 10 % en 82 , ce qui traduit la très
forte augmentation de la rémunération du capital , en particulier sous forme d’actions , alors que les salaires
qui avaient fortement augmenté pendant les 30 Glorieuses ( multipliés par plus de 6 en francs constants )
progressent maintenant très lentement .

La politique de redistribution des revenus opérée par l’Etat a donc pour objectif de réduire ces inégalités.

3. Les inégalités face à la distribution

a. Les inégalités face aux prestations sociales

Le système de protection sociale français relève principalement d’une logique d’assurance, pour percevoir des
prestations sociales, il faut au préalable avoir acquitté des cotisations. Le montant de la prestation (retraite, chômage)
sera fonction de la contribution de l’individu. Cela va avoir deux effets :
• Tous ceux qui n’ont pu acquitter des cotisations se trouvent dépourvus de toute protection sociale. A Bihr et R
Pfefferkorn écrivent « la protection sociale risque de manquer à ses plus élémentaires devoirs et de ne plus
même mériter son nom ».
• le montant, et la durée de prestations telles que les allocations chômage peuvent varier dans des proportions
importantes , ce qui risque d’accroître les inégalités . En effet ceux qui sont les moins bien insérés ont cotisé
moins longtemps bénéficient donc de droits réduits dans le temps, ce qui risque de les faire tomber dans
l’exclusion.

Conséquences : Pour pallier ces insuffisances, l’assurance maladie a été généralisée et de prestations de solidarité ont
été instituées (minimum vieillesse, RMI, etc.). Relevant explicitement d’une logique de solidarité, répondant au
principe : « à chacun selon ses besoins » A Bihr et R Pfefferkorn se posent deux questions :
• ces prestations couvrent-elles les besoins des populations concernées ?
• leur montant est-il suffisant ?
Constat : Si l’on prend en compte les prestations familiales, logement, RMI, et minimum vieillesse la redistribution
n’est pas négligeable :
• En effet les 10% des ménages déclarant les revenus fiscaux les plus faibles voient grâce aux prestations citées
, leur revenu s’améliorer de 83,6 %, le chiffre n’est que de 1,1% pour les 10% les plus riches .
• Si l’on prend en compte tous les revenus de transferts opérés par l’Etat , on constate que l’écart interdécile en
1970 après redistribution était de 4,8 ( il était de 10 si l’on mesure les inégalités de revenus fiscaux ) , en 97 il
n’est plus que de 3,4 ( 6,5 si l’on mesure les revenus fiscaux ).

Relativisation : A Bihr et R Pfefferkorn considèrent que le montant des prestations sociales relevant de la solidarité
(tel le RMI) est nettement insuffisant pour assurer une couverture convenable des besoins des populations concernés.
La logique de l’assurance semble donc l’emporter sur celle de la solidarité.

b. Les inégalités face aux prélèvements obligatoires (3 p 182)

• La fin des rentiers que nous avons expliquée plus haut et la forte chute de la concentration des patrimoines
constatée depuis le début du XX° siècle s’explique essentiellement par l’introduction d’une fiscalité
progressive : en 1914 , l’impôt sur le revenu n’existe pas , le taux d’imposition sur les successions est
extrèmement faible : 1 % tout au Long du XIX° siècle .. Mais dès 1924 , le taux marginal supérieur de l’impôt
sur le revenu atteint 90 % et se maintient tout au long des 30 Glorieuses aux alentours de 70 % .

Pour en savoir plus : ici

• Mais Piketty poursuit : « La fin des rentiers est due à des circonstances historiques particulières et à des
institutions spécifiques . Si ces circonstances changent et si on revient à fiscalité du XIX°siècle , alors il est
fort probable que l’on revienne à des inégalités du XIX° siècle .De fait , à l’aube du XXI° siècle , plusieurs
facteurs contribuent à remettre en cause le compromis fiscal du siècle précédent .La faillite du communisme a
jeté le discrédit sur l’intervention de l’Etat dans l’économie en général , y compris sur les formes
d’intervention publique qui ont relativement bien fonctionné . Ce retournement idéologique est
particulièrement marqué aux EU . Après avoir fortement abaissé l’impôt sur le revenu pour les contribuables
aisés , le président Bush a décidé en 2002 de supprimer purement et simplement l’impôt sur les successions ,
impôt qui avait vu le jour en 1916 outre-Atlantique et qui avait été longtemps plus progressif que son
équivalent français . La mondialisation et la concurrence fiscale croissante que se livrent les Etats pour attirer
les investissements accentuent cette évolution et contribuent à la propager en Europe , dès lors que la politique
fiscale continue d’être déterminée à l’échelon national . Si un tel mouvement devait se confirmer , il serait fort
étonnant que l’on ne voit pas réapparaître terme une classe de rentiers » .

A Bihr et R Pfefferkorn constatent quand ils dressent le bilan que « dans leur ensemble les prélèvements
obligatoires sont bel et bien dégressifs en France. Autrement dit moins on gagne, plus on paie ,
proportionnellement parlant . L’arbre de l’IRPP (impôt sur le revenu) masque ici la forêt des impositions
directes et surtout des cotisations sociales. »

Pour en savoir plus : ici

L’observatoire des inégalités : la répartition de la richesse en France ici


Les inégalités de revenus : ici

Un article de T.Piketty : fiscalité et redistribution sociale dans le France du XX° siècle :ici

B. Les inégalités qualitatives

1. Les inégalités face au logement

Constat : Le droit au logement a mis du temps à être reconnu en France , il a fallu attendre 1990 et la loi Besson pour
que « le droit au logement constitue un devoir de solidarité pour l’ensemble de la nation . ».Mais A Bihr ET R
Pfefferkorn constatent que « sur ce point comme sur bien d’autres la solidarité nationale est bien défectueuse » :
On comptabilise ainsi en France en 2000 850 000 personnes qui vivent dans des habitations sans confort et
insalubres .Plus de la moitié des ménages à faible revenu ne dispose pas d’un logement pourvu des commodités
indispensables ( toilettes et salle de bains )
Pour développer : ici

L’observatoire des inégalités : le mal logement :ici

2. Les inégalités face au système scolaire

On a vu dans le cours sur la mobilité sociale qu’elles restent importantes en France malgré la démocratisation qui
s’est développée depuis 40 ans , mais en plus on constate que ces dernières années les disparités semblent à nouveau
augmenter .

Pour développer : ici

L’observatoire des inégalités : La composition sociale des filières, de la 6ème aux classes préparatoires : ici

3. Les inégalités face aux usages sociaux du temps

a - l’usage social inégal du temps libre

- Les familles populaires ont un usage du temps libre qui est plus centré sur le foyer et la famille que les
cadres qui ont plus d’activités en couples, solitaires et culturelles

Pour développer : ici

- Le passage aux 35 heures ne paraît pas avoir permis de réduire les inégalités, il peut même les avoir
accrues car :
• avec le développement de l’annualisation du temps de travail , la réduction du temps de travail s’opère
souvent en fonction des impératifs des entreprises pour les ouvriers et employés. Ainsi les ouvriers auront du
temps libre durant les temps morts des entreprises qui ne correspondent pas forcément aux périodes qu’ils
souhaiteraient (vacances des enfants). Inversement pendant les périodes de forte production les horraires
peuvent aller jusqu’à 45 heures par semaine, des week-ends sont alors consacrés au travail.
• Pour les cadres la réduction du temps de travail se traduit par une multiplication des week-end à la montagne,
en Europe, artistiques ou gastronomiques.

b- les activités tournées vers l’extérieur;

On peut les regrouper en deux grandes catégories :


• les activités sportives : pour toutes les catégories sociales, la pratique sportive a augmenté mais les sports
pratiqués sont différents
• les spectacles et les visites et sorties : les inégalités se sont accrues

Pour développer : ici

L’observatoire des inégalités : Les inégalités face aux vacances : ici

4. Les inégalités face à la santé et à la mort (1 à 8 p 187-189)

• L’état moyen de santé de la population française s’est considérablement amélioré.


• Mais les inégalités sociales devant la mort n’ont pas pour autant disparu, elles semblent même s’accroître.
Ainsi en 1960-69 l’espérance de vie à 35 ans d’un manœuvre est de 34,2 ans, celle d’un cadre supérieur de 41,
7 . Entre 1969 et 1989-89 l’espérance de vie des manœuvres s’est accrue de 1,5 ans, celle d’un cadre sup de
2,3. En 80 , l’écart d’espérance de vie à la naissance entre un ouvrier et un cadre était de 4,8 ans , il a
augmenté pour atteindre 6,5 ans en 1996 et 7 ans en 1999. Les inégalités entre les sexes ont elles aussi
augmenté ( 5.8 ans en 1950 d’espérance de vie en plu pour les femmes en 1950 , 7 ans en 2004)
• Ceci peut paraître surprenant alors que la sécurité sociale a justement eu pour but de mettre toute la population
à l’abri de la maladie, donc de réduire les inégalités face à la mort.
Pour voir les explications : ici

L’observatoire des inégalités : obésité et milieux sociaux : ici

5 - l’inégale participation à la vie politique.

Pour étudier l’inégale participation à la vie politique : ici

L’observatoire des inégalités : les critères sociaux aux élections européennes : ici

Cette inégale participation à la vie politique n’est pas répartie de façon équitable dans les différentes catégories de la
population : ainsi la participation à la vie politique augmente si l’on passe
• des femmes aux hommes,
• des jeunes aux personnes âgées,
• des sans diplômes aux diplômés de l’enseignement supérieur,
• des ouvriers agricoles , des classes populaires aux cadres supérieurs,
• des célibataires aux mariés,
• des individus qui ne participent pas à la vie associative ou syndicale à ceux qui y participent.

Pour étudier les explications de cette participation inégale à la vie politique : ici

Conclusion :

Contrairement à ce qu’avançait Tocqueville :


• on n’assiste donc pas à une réduction des inégalités ,
• mais au contraire on observe une stabilité , voire un accroissement des inégalités.
• L’évolution est d’autant plus contradictoire avec les prévisions de Tocqueville que les inégalités se cumulent
• elles font système

L’observatoire des inégalités : les 10 indicateurs pour mesurer les inégalités : ici

II. Des inégalités qui font système ( 8 p 184)

A. Des inégalités qui se cumulent

A Bihr et R Pfefferkorn constatent à la fin de leur ouvrage déchiffrer les inégalités que : « les inégalités s’établissent
généralement aussi bien à l’avantage qu’au détriment des mêmes catégories. (...) :
• les catégories ouvrières apparaissent bien les plus défavorisées de toutes : sur les 40 indicateurs de l’inégalité
retenus, elles se trouvent en position défavorable à 36 reprises, soit dans la quasi-totalité des cas, et elles
occupent la position la plus défavorable 24 fois !
• Inversement elles ne sont en position favorable que 4 fois, dont 3 grâce au mécanisme de redistribution des
revenus. (..)
• Avec les cadres et professions libérales on aborde les catégories situées au sommet de l’échelle sociale. Seul
le mécanisme redistributif leur est défavorable. (...)
• La situation des commerçants, artisans et chefs d’entreprise apparaît à peine moins enviable. Sans doute leur
situation est elle moins brillante dans le bas du tableau (école, santé, culture),mais elle est plutôt meilleure
dans le haut du tableau(revenus et patrimoine) ».

Pour étudier les deux groupes aux extrémités de la hiérarchie sociale : ici
Sur le blog de J.Gadrey : Pauvreté et inégalités dans les pays « riches »
B. Nécessitent la création de nouveaux indicateurs : le BIP 40

La construction d’indicateurs de synthèse paraît nécessaire afin de mesurer la réalité des inégalités et de la pauvreté
.Ainsi a été établi le BIP 40 qui est une référence ironique au PIB et au CAC 40. Il vise à quantifier les différentes
dimensions de l’inégalité et de la pauvreté. 6 principales dimensions ont été retenues :
• emploi et travail qui retient 4 rubriques :chômage , précarité , conditions de travail , relations professionnelles
• revenu qui retient 4 rubriques : salaire, pauvreté , consommation , inégalités et fiscalité
• santé : 5 indicateurs retenus
• éducation : 5 indicateurs
• logement : 5 indicateurs
• justice : 4 indicateurs

Pour établir le BIP , on attribue à chaque indicateur partiel une note comprise entre 0 et 10 ( 0 pour les meilleurs
résultats , 10 pour les pires ) .L’indice progresse donc quand les inégalités et la pauvreté s’accroissent . Dans un
second temps , on agrège les notes obtenues en tenant compte du fait que certains indicateurs sont plus importants que
d’autres . On va donc calculer une moyenne pondérée ( par exemple , les coefficients de pondération de l’emploi et du
revenu sont les plus élevés ) .
Les résultats obtenus sont qu’entre 82 et 2000 le PIB / habitant a augmenté de 38 % , mais que cet enrichissement
moyen de la population n’a pas permis de réduire les inégalités qui ont , au contraire , fortement augmenté , puisque le
BIP se situait à 3,5 sur 10 en 82 et qu’il atteint en 2000 une note de 6 . Les inégalités de travail , d’emploi de logement
et de justice sont celles qui ont le plus fortement augmenté .

Pour voir l’évolution du BIP 40 : ici

Le site du BIP 40 : http://www.bip40.org/

III. Des inégalités qui se reproduisent

• Comme l’écrivent A Bihr et R Pfefferkorn : « parler de système des inégalités, c’est présupposer que celles ci
tendent à se reproduire de génération en génération
• A cette idée s’oppose l’idée encore communément répandue que notre société serait une société ouverte: le
destin d’un individu n’y serait pas tracé d’avance, chacun y aurait des chances d’améliorer sa situation sociale
de départ, en accédant à une catégorie sociale supérieure celle de ses parents (..).
• Certes notre société n’est pas une société de castes : la situation sociale de chacun n’y est pas strictement
déterminé par sa naissance, puisqu’elle n’interdit en principe à personne de quitter sa catégorie sociale
d’origine, ni d’en changer en cours d’existence.
• Mais les développements antérieurs laissent en même temps deviner qu’elle n’est pas cette méritocratie que
certains se plaisent à dépeindre ». Pour une analyse approfondie de la reproduction sociale et de la mobilité
sociale on se reportera au chapitre sur la mobilité sociale.

Sur le blog de J.Gadrey : La pauvreté en héritage

Une analyse du livre de Bihr A. et Pfefferkorn R. (2008), Le système des inégalités : ici

Partie 2 – Les inégalités dans l’Union européenne

L Chauvel constate :
• Lorsqu'elle était comparée au reste du monde, l'Europe des Quinze apparaissait comme un club de nations
riches et relativement égalitaires.
• L'entrée de nations comme la Pologne, tout à la fois très pauvre - le revenu moyen est cinq fois plus faible
qu'en France, quand on le mesure selon le taux de change, - et de grande taille a considérablement changé
l'architectonique sociale de l'Europe.
• Avec l'élargissement à vingt-cinq pays, et peut-être bientôt plus encore, l'Europe actuellement en construction
s'éloigne durablement de la réalité initiale faite d'abondance et d'homogénéité relatives. Sans condamner pour
autant d'emblée le processus en cours, il faut bien comprendre la profondeur de ce changement et ses
conséquences possibles : l'élargissement économique sans approfondissement social pourrait en effet conduire
le projet européen vers de lourdes contradictions.

Pour un développement : ici

L’observatoire des inégalités : les seuils de pauvreté en Europe :ici et L’espérance de vie en Europe : ici
Partie 3 – Explications de l’évolution des inégalités dans les années 1950-2000

I. Explications de la baisse des inégalités lors des 30 Glorieuse

A. La théorie de Kuznets

Dans les années 50 , S.Kuznets a établi une loi selon laquelle l’évolution des inégalités aurait
la forme d’une courbe en cloche .Suivant le stade de croissance et de développement , les
inégalités passeraient par 3 phases :
• dans les sociétés sous-développées et traditionnelles, le niveau des inégalités est
relativement réduit : excepté une minorité peu représentative, la majorité de la
population travaillant dans l’agriculture est pauvre
• lors de la phase d’industrialisation, les écarts s’accroissent entre les régions et les
catégories qui restent dans le modèle traditionnel et ne bénéficient pas des retombées
de la croissance et celles qui , suite à un exode rural , migrent vers les secteurs les plus
dynamiques de l’économie . Cette augmentation des inégalités ne signifient pas une
augmentation de la pauvreté, mais un enrichissement de certains et une stagnation
des autres
• les bénéfices de la croissance et le développement se généralisent à l’ensemble de
l’économie : les secteurs en retard disparaissent (destruction créatrice ) ou se
modernisent et toutes les catégories voient leur niveau de vie s’accroître . Un
rattrapage des catégories les plus favorisées s’opère aussi

Conclusion :La thèse de Kuznets a été particulièrement bien étudiée et vérifiée dans les cas
anglais et américain . Ainsi , aux EU , « la part du patrimoine total possédé par les 10 % les
plus riches est passée d’environ 50 % vers 1770 à un maximum d’environ 70-80 % vers
1870 , avant de retrouver en 1970 un niveau de l’ordre de 50 % , typique de l’inégalité
contemporaine des patrimoines » ( T.Piketty )
Ce resserrement de la hiérarchie des revenus est une tendance de long terme qui contredit la
thèse marxiste de la paupérisation de la classe ouvrière. *

Sur Melchior : ici

B. La moyennisation ou la société en toupie ou en mongolfière

La France, comme la majorité des pays occidentaux , a mis en place , à la libération , un


modèle de développement fordiste reposant sur 3 piliers :
• une organisation du travail assurant de formidables gains de productivité reposant sur
les principes tayloriens et fordiens
• ces gains de productivité vont systématiquement être redistribués à l’ensembles des
catégories sociales sous forme de hausses régulières du pouvoir d’achat qui va
permettre d’accroître continuement la demande effective qui est à l’origine du modèle
de production et de consommation de masse
• une organisation centralisée et rigide de la redistribution stabilisée par un réseau de
conventions collectives , par la législation sociale et par la part centrale de l’Etat-
Providence
Conclusion : A.Lipietz en conclut : « la distribution des revenus prend ainsi la forme d’une
mongolfière ventrue (peu de riches, peu de pauvres, beaucoup de moyens) qui s’élève
régulièrement et avec ensemble. La hiérarchie des salaires est en effet rigidement corsetée
par les conventions collectives : classes aisées, classes moyennes, classes populaires,
accèdent successivement à une même structure de consommation, qui s’élève selon des
trajectoires décalées dans le temps mais semblables. Le mode de vie de l’ingénieur précède
de quelques années celui du technicien, celui-ci éclaire l’venir de l’ouvrier professionnel, qui
montre le chemin à l’OS. Si l’on veut une autre image, la société est emportée par un escalier
mécanique où les distances sociales restent stables mais où tout le monde s’élève . Les
nouveaux venus de l’exode rural et de l’immigration prennent place sur la dernière marche ».
Mendras opère le même raisonnement en parlant de toupie

II. L’explication de la hausse des inégalités depuis la fin des années 70

A. La remise en cause de la courbe de Kuznets

• T ;Piketty écrit : « Pendant longtemps , la loi de Kuznets est apparue comme la fin de
l’histoire de l’inégalité , même si le fait que de nombreux pays tardaient à rejoindre le
monde enchanté , où croissance et réduction des inégalités iraient main dans la main ,
a toujours suscité des doutes légitimes .
• Mais c’est surtout la constatation, dans les années 80 , que l’inégalité avait
recommencé à augmenter dans les pays occidentaux depuis les années 70 qui a porté
le coup fatal à l’idée d’une courbe reliant inexorablement développement et inégalité .
Ce retournement de la courbe de Kuznets marque la fin des grandes lois historiques sur
l’évolution des inégalités, au moins pour un certain temps, et incite à une analyse
modeste et minutieuse des mécanismes complexes qui peuvent faire que l’inégalité
augmente ou diminue à différents points du temps ».

B. Vers la société en sablier


Depuis les années 80 , on constate :
• une flexibilisation du rapport salarial , avec en particulier la remise en cause de la rigidité du lien à
l’entreprise, une baisse progressive de la portée des garanties de l’assurance-chômage qui conduisent à un
affaiblissement des couches moyennes
• en contrepartie , on assiste à une forte hausse des profits qui sont redistribués soit sous forme de revenus
financiers ou de stock options pour les dirigeants , ce qui provoque une concentration des revenus sur les
couches épargnantes
• la conséquence , selon A.Lipietz : « L’ascenseur social repart vers le bas , la montgolfière se dégonfle et elle
devient un sablier .L’image du sablier est , elle aussi , à la fois descriptive et plus « physiologique » . ( … )La
distribution des revenus passe de la montgolfière au sablier : dégonflement du vaste centre des couches
moyennes , et apparition d’une société que l’on appelle en anglais two-tiers , « en deux tiers » , ou hour glass ,
« en sablier »

Les raisons avancées par de nombreux auteurs tournent principalement autour de 2 axes :
• la mondialisation et la concurrence de certains PED ou NPI qui sont à la fois qualifiés et moins rémunérés
que ceux des PDEM . La mondialisation aurait ainsi détruit quelque 300 000 emplois depuis 20 ans , donc
occasionné une augmentation du chômage et de la pauvreté pour les travailleurs ainsi concurrencés
• les effets du changement technique et des structures de production ont bouleversé les besoins de main
d’œuvre : le progrès technique serait biaisé en défaveur des salariés les moins qualifiés qui subiraient des
processus d’externalisation

Sur le blog de C.Peugny : Haut, moyen, bas : se situer dans l’échelle sociale
Un article de l’observatoire des inégalités sur la moyennistaion de la société et sa remise en cause : ici

Un article de Sciences humaines Les classes moyennes de Xavier Molénat ici

Sur le blog de J.Gadrey : Si on prenait un peu aux riches, ça ferait combien pour les pauvres ?

Et si on prenait un peu aux riches… (suite)

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