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Pancréatite aiguë
P. Lévy

La pancréatite aiguë est une autodigestion de la glande pancréatique. Elle n’est sévère que dans 20 %
des cas avec une mortalité globale de 3 à 5 %. Son diagnostic repose sur le dosage exclusif de la lipasémie
fait une fois aux urgences. Les deux principales causes sont la migration lithiasique et la consommation
chronique et excessive d’alcool. La troisième cause est tumorale, surtout après 50 ans. Toute pancréatite
aiguë nécessite un bilan étiologique poussé. Le traitement des formes bénignes est surtout celui de la
cause. Les formes sévères nécessitent une unité spécialisée avec endoscopie et radiologie interventionnelle
et chirurgie digestive.
© 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Pancréatite aiguë ; Lithiase biliaire ; Alcoolisme ; Lipasémie ; Tumeur pancréatique

Plan • génétique ;
• médicamenteuse ;
■ Introduction 1 • auto-immune ;
• traumatique ;
■ Physiopathologie 1 • infectieuse (virus, bactérie, parasitose) ;
■ Manifestations cliniques 2 • iatrogène.
■ Biologie 2 Dans de rares cas, la cause reste inconnue mais l’adage selon

lequel toute PA doit avoir une cause doit rester en mémoire.
Signes radiologiques 2
■ Gravité et son évaluation 2


Évolution et complications
Bilan étiologique
Pancréatite biliaire
3
4
4
“ Point fort
Pancréatite alcoolique 4 Toute PA doit avoir une cause.
Pancréatite obstructive 4
Pancréatite métabolique 5
Pancréatites héréditaires 5
Pancréatites auto-immunes 5 Les enjeux en première ligne de prise en charge de ces malades
Autres causes 5 est de penser à ce diagnostic, de mettre en place dès le début les
Conduite du bilan étiologique 5 premières investigations à visée étiologique, d’évaluer la gravité
■ Principes thérapeutiques 5 afin de faire hospitaliser le malade dans l’unité adaptée, les formes
Pancréatite bénigne 5 graves requérant un centre spécialisé.
Pancréatite sévère 5 A contrario, il faut souligner le mésusage du dosage des enzymes
pancréatiques, quand il est réalisé chez des patients asymptoma-
■ Conclusion 6 tiques ou ayant des symptômes non évocateurs de PA.

 Physiopathologie
 Introduction
La PA est une inflammation plus ou moins sévère de la glande
La pancréatite aiguë (PA) est une des premières causes pancréatique pouvant déborder sur les tissus avoisinants. Cette
d’hospitalisation en urgence en gastroentérologie. Son incidence inflammation peut aboutir à une nécrose et s’accompagne de la
dans le monde varie entre 13 et 45 cas pour 100 000. La mortalité libération systémique d’une quantité plus ou moins importante de
globale est de 3 à 5 % mais peut atteindre 30 % dans les formes cytokines pro-inflammatoires. Ce sont ces dernières qui sont res-
sévères [1, 2] . ponsables des éventuelles défaillances viscérales, principalement
Au-delà des PA biliaires et alcooliques, de nombreuses causes rénale, pulmonaire et cardiovasculaire.
ont été décrites : Quelle que soit la cause, l’inflammation est déclenchée par la
• obstructive en amont d’une tumeur ; libération in situ des enzymes pancréatiques activées. À l’état phy-
• métabolique (hypercalcémie, hypertriglycéridémie) ; siologique, l’activation des enzymes ne devrait avoir lieu que dans

EMC - Traité de Médecine Akos 1


Volume 10 > n◦ 3 > juillet 2015
http://dx.doi.org/10.1016/S1634-6939(15)53045-7
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4-0430  Pancréatite aiguë

Tableau 1.
Principales manifestations cliniques de la pancréatite aiguë et leur
fréquence. “ Point fort
Signes cliniques Fréquence (%)
Douleur abdominale 90 Le dosage de l’amylasémie doit être abandonné.
Vomissements 50
Iléus réflexe 30
le diagnostic positif de PA. La radiographie sans préparation de
État de choc 10 l’abdomen, l’échographie n’ont pas leur place dans le domaine
Dyspnée 15 du diagnostic positif [2] .
Oligurie ou anurie 10–15 Les signes scanographiques sont l’augmentation de taille de la
Signes neurologiques 5
glande, l’infiltration de la graisse péripancréatique aboutissant à
sa densification, la présence de plages parenchymateuses ne pre-
Signes d’infection 4
nant plus le contraste ou de coulées de nécrose dont les sièges
Hémorragie 3 principaux sont l’arrière-cavité des épiploons et les gouttières
pariétocoliques (ce qui traduit une PA nécrosante).

le tube digestif. C’est la colocalisation des granules contenant les


proenzymes avec les lysosomes au sein de la cellule acinaire qui
enclenche le processus, amplifié secondairement de façon variée. “ Point fort
 Manifestations cliniques Le scanner doit être fait en urgence uniquement en cas
de doute devant une urgence abdominale non étiquetée.
Elles sont rappelées sur le Tableau 1. Les six dernières sont des Sinon, il doit être fait entre j3 et j4 chez un malade réhy-
signes de gravité. La douleur de la PA est épigastrique et trans- draté à la fonction rénale normalisée, dans le but d’évaluer
fixiante, à début rapidement progressif, intense et permanente ; la gravité radiologique.
elle peut être aggravée par la prise alimentaire et induit une posi-
tion antalgique en « chien de fusil ».
La réalité de PA indolore est sujette à caution mais il est pos-
sible de découvrir des signes radiologiques de PA qui n’ont pas été
accompagnés de douleurs préalables.  Gravité et son évaluation
Soixante-dix à 80 % des PA sont bénignes, œdémateuses [1, 2] .
 Biologie Leur évolution se fait rapidement vers la guérison clinique et ana-
tomique. La mortalité est quasiment nulle. Le problème essentiel
Comme l’a rappelé la conférence de consensus française de est d’en déterminer la cause (cf. infra).
2001 [1] , seul le dosage de la lipasémie doit être réalisé. Le dosage La PA peut être sévère dans sa forme nécrosante où la mortalité
de l’amylasémie n’ajoute rien en termes de sensibilité ou de spé- atteint 30 %. La mortalité est secondaire :
cificité. • aux défaillances viscérales (surtout pulmonaire, rénale ou
Le dosage de la lipasémie ne doit être fait que dans le cadre cardiovasculaire) survenant précocement lors de la première
de l’urgence, devant une douleur abdominale aiguë compatible semaine d’évolution, qui sont dues à la libération massive de
avec une origine pancréatique. Il ne doit donc pas être fait devant cytokines pro-inflammatoires ;
une douleur abdominale non évocatrice de PA (troubles fonction- • à l’infection de la nécrose qui, par définition, n’apparaît qu’en
nels intestinaux par exemple), dans le cadre de la surveillance cas de nécrose pancréatique ou extrapancréatique. L’infection
d’une PA ou d’une pancréatite chronique, pour dépister un cancer se déclare cliniquement en moyenne à partir de la troisième
pancréatique et encore moins dans le cadre d’un check-up. semaine d’évolution.
L’association d’une douleur compatible avec une lipasémie
supérieure à trois fois la normale (N) pose le diagnostic de PA.
La lipasémie peut être élevée dans le sérum sans aucune affec-
tion pancréatique, parfois jusqu’à 8 à 10 N. Cette variante peut
“ Point fort
avoir un caractère familial. Elle n’a aucune conséquence et ne
devrait presque jamais être mise en évidence si les conditions du La PA peut être sévère dans sa forme nécrosante où la
dosage de la lipasémie étaient respectées (dosage dans le cadre de mortalité atteint 30 %.
l’urgence, uniquement).

L’évaluation de la gravité d’une PA est essentielle afin d’orienter

“ Point fort correctement le malade vers une unité et un établissement adapté.


Une PA grave doit être dirigée vers un centre spécialisé dispo-
sant d’une réanimation, d’un service de chirurgie digestive, d’un
service de radiologie et d’endoscopie interventionnelles à même
La lipasémie est le seul examen utile. Elle ne doit être d’intervenir 24 h/24 et 7 j/7 pour ponctionner, drainer, emboliser
dosée qu’une seule fois, en urgence, devant des douleurs si nécessaire. Les moyens d’évaluer la sévérité d’une PA n’ont pas
typiques mais jamais chez un malade asymptomatique ou manqué et ont suscité de nombreuses publications et classifica-
ayant des douleurs atypiques. tions. Le score le plus célèbre est celui de Ranson et al. publié en
1974 [3] . Il a connu de nombreux aménagements, notamment en
fonction de la cause de la PA, le score initial étant inadapté aux
PA biliaires. Malgré de nombreuses imperfections (score dédié à
la PA, nécessitant 48 h pour être établi, ne pouvant pas être cal-
 Signes radiologiques culé de façon itérative, relative complexité), il a connu une grande
popularité et longévité. Il a cependant vécu !
En cas de doute (signes cliniques et biologiques non La conférence de consensus de l’International Association of
concluants), il peut s’avérer nécessaire de réaliser un scanner pour Pancreatology (IAP) qui s’est tenue récemment a retenu le score

2 EMC - Traité de Médecine Akos

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Pancréatite aiguë  4-0430

Figure 1. Scanner avec injection de produit de contraste iodé. Coulée Figure 2. Scanner avec injection de produit de contraste iodé. Nécrose
de nécrose autour de la queue du pancréas. complète de toute la glande pancréatique.

syndrome de réponse inflammatoire systémique (SIRS) calculé à


l’admission puis à 48 heures et qui peut être répété au-delà [2] . Il est
défini par la présence d’au moins deux des quatre critères suivants :
• température inférieure à 36 ◦ C ou supérieure à 38 ◦ C ;
• pouls supérieur à 90/min ;
• fréquence respiratoire supérieure à 20/min ;
• leucocytose inférieure à 4 × 109 /l ou supérieure à 12 × 109 /l.
La persistance d’un SIRS à la 48e heure est associée à la présence
de défaillance d’organes et à la mortalité avec une sensibilité de
77 à 89 % et une spécificité de 79 à 86 %. C’est donc un score
très simple qui devrait désormais être systématiquement utilisé.
L’obésité est un facteur aggravant de l’évolution d’une PA, ainsi
que la présence préalable de toute tare viscérale.
La gravité anatomique est au mieux évaluée par le scanner avec
injection de produit de contraste. Dans le domaine de la PA, le
scanner a deux buts :
• le premier est d’aider au diagnostic positif quand celui-ci n’est
pas fait par la conjonction clinique–biologie (douleur typique
associée à une hyperlipasémie > 3N). Le scanner est le seul exa-
men à réaliser devant une urgence abdominale de cause non
claire. En cas de déshydratation avec ou sans insuffisance rénale
(ce qui est le cas en cas de PA grave), ce scanner en urgence doit
être fait sans injection de produit de contraste. L’ingestion de
produit de contraste hydrosoluble est aussi déconseillée car elle
Figure 3. Scanner avec injection de produit de contraste iodé. Infil-
gêne la visualisation de calcifications pancréatiques et de cal-
tration œdémateuse de la graisse péripancréatique et épaississement des
cul calcifié de la voie biliaire principale. Elle n’a donc aucun
fascias coliques.
intérêt ;
• le second intérêt est l’évaluation de la sévérité anatomique
(Fig. 1 à 3), en particulier de la localisation et de l’extension
complications ultérieures [4] . La sévérité anatomique des lésions
de l’éventuelle nécrose.
peut être quantifiée par le score de Balthazar dans sa version de
L’injection de produit de contraste est ici nécessaire. Dans
1990 qui tient compte des deux types de nécrose et qui s’exprime
ce but, la réalisation du scanner doit être retardée à la 72e ou
en chiffres (de 0 à 10) et non en lettres [5] . Le score de Baltha-
96e heure après le début des symptômes pour deux raisons :
zar ou index tomodensitométrique de sévérité est rappelé sur le
• les lésions anatomiques ne sont visibles qu’après ce délai ; un
Tableau 2.
scanner trop précoce risquerait de les minimiser ou de les
En cas de forme sévère, le scanner doit être répété tous les 10 à
méconnaître ;
15 jours, ou si un nouvel événement clinique survient.
• ce délai est nécessaire pour restituer un volume plasmatique
suffisant et, ainsi, pour protéger les reins, voire rétablir une
fonction rénale normale si elle avait été initialement altérée
par la déshydratation extracellulaire.  Évolution et complications
Le scanner doit décrire la présence d’une éventuelle nécrose
extrapancréatique et intrapancréatique, cette dernière résultant La pancréatite œdémateuse guérit en quelques jours, sans
en des zones ne prenant pas le contraste au temps artériel de séquelle, autorisant une reprise alimentaire rapide (sauf en cas de
l’injection. PA biliaire, cf. infra).
La nécrose intrapancréatique (parenchymateuse) a une impor- La pancréatite nécrosante peut évoluer vers des défaillances
tance pronostique majeure car elle est à l’origine de la majorité des d’organe, survenant le plus souvent dans la première semaine,

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Tableau 2. • la constatation d’une élévation précoce, parfois importante


Index tomodensitométrique de sévérité, selon Balthazar et al. (jusqu’à 10 N, voire au-delà) et fugace (moins de 48 h) des
Inflammation pancréatique et Nécrose intrapancréatique transaminases aspartate-aminotransférases (ASAT) et alanine-
péripancréatique aminotransférases (ALAT) [6] .
La constatation des anomalies biologiques concomitantes est
Pancréas normal (0 point) Pas de nécrose (0 point) essentielle compte tenu de la prévalence de la lithiase biliaire
Élargissement focal ou diffus du Nécrose inférieure à 30 % dans la population générale au-delà de 50 ans. Il faut donc
pancréas (1 point) (2 points) savoir chercher d’autres causes si une lithiase est présente mais
Pancréas Nécrose entre 30 et 50 % n’est pas accompagnée par les anomalies transitoires du bilan
hétérogène + densification de la (4 points) hépatique.
graisse péripancréatique (2 points) En cas de doute sur la présence d’une lithiase biliaire,
Coulée péripancréatique unique Nécrose supérieure à 50 % une échoendoscopie doit être réalisée à distance de l’épisode
(3 points) (6 points) aigu [7] .
Coulées multiples ou présence de
bulles de gaz au sein d’une coulée
(4 points) Pancréatite alcoolique
L’alcoolisme chronique et important est responsable de 40 %
environ des PA. En revanche, moins de 5 % des malades alcoo-
qui nécessitent une hospitalisation en unité de soins intensifs. liques chroniques vont avoir une PA. Le terrain habituel est un
L’infection de la nécrose survient dans 40 à 60 % des cas. Les homme de la quarantaine consommant entre 100 et 150 g d’alcool
germes sont le plus souvent d’origine digestive et contaminent la par jour depuis 10 à 15 ans (un peu moins longtemps chez les
nécrose par translocation à travers la paroi digestive. L’infection femmes). Le tabagisme est un cofacteur étiologique et de gra-
de la nécrose multiplie par trois le risque de décès. vité. La PA alcoolique est toujours le premier événement d’une
pancréatite chronique [8] .
Un alcoolisme aigu (sauf via une hypertriglycéridémie) ou de

“ Point fort faible intensité ne peut être responsable d’une pancréatite.


L’interrogatoire non culpabilisant, l’examen clinique et les exa-
mens biologiques habituels doivent s’attacher à chercher des
stigmates d’alcoolisme chronique. La présence de signes de pan-
La pancréatite œdémateuse guérit en quelques jours, la créatite chronique (cependant souvent absents au début de la
pancréatite nécrosante peut évoluer vers des défaillances maladie, c’est-à-dire lors des premières poussées) est un fort argu-
d’organe. ment pour cette cause : calcifications pancréatiques, alternance de
sténose et dilatation du canal pancréatique principal.

Les autres complications sont la survenue :


• d’un pseudokyste qui a sa propre histoire naturelle (infection, Pancréatite obstructive
hémorragie, rupture, compression d’organes avoisinants) et qui
peut aussi régresser spontanément ; Une PA peut être déclenchée par une sténose canalaire quelle
• d’un pseudoanévrisme par érosion d’une artère de voisinage qui qu’en soit la cause.
nécessite une embolisation radiologique en urgence ; La présence d’une tumeur est la troisième cause la plus fré-
• d’un épanchement séreux (plèvre, péritoine, plus rarement quente après la lithiase biliaire et l’alcoolisme chronique. Sa
péricarde) soit réactionnel, soit par rupture d’un canal pancréa- recherche doit être une véritable obsession devant une PA sans
tique ; cause évidente survenue après l’âge de 50 ans. La tumeur peut être
• d’une fistulisation avec un organe creux (duodénum, côlon) ; maligne (adénocarcinome, plus exceptionnellement une tumeur
• d’une rupture parenchymateuse plus ou moins complète asso- endocrine) ou bénigne, en particulier les tumeurs intracanalaires
ciée à une rupture canalaire ; papillaires et mucineuses qui sont présentes chez près de 13 %
• d’une thrombose veineuse du système portal qui peut être à de la population générale [9] . Leur diagnostic repose sur l’analyse
l’origine d’une circulation veineuse collatérale. minutieuse d’un scanner éventuellement répété à distance de la
À plus long terme, en cas de destruction importante du PA et de l’imagerie par résonance magnétique (IRM) associée à des
parenchyme pancréatique, a fortiori si une nécrosectomie a été clichés de pancréato-IRM en coupes épaisses. Ne pas faire le diag-
nécessaire, une insuffisance exocrine (se traduisant par une stéa- nostic de la présence de la tumeur est potentiellement une perte
torrhée) ou endocrine (diabète) peuvent apparaître. de chance considérable pour le malade.

 Bilan étiologique ▲ Attention


Il est essentiel et doit débuter dès l’admission du malade. En
effet, certaines anomalies biologiques sont très fugaces et ne Ne pas faire le diagnostic de la présence de la tumeur est
peuvent être dépistées et interprétées que sur le bilan biologique potentiellement une perte de chance considérable pour le
initial. Les causes rares doivent être cherchées en fonction du malade.
contexte clinique et en seconde ligne.
L’anamnèse et le terrain peuvent être évocateurs (âge, taba-
Pancréatite biliaire gisme, altération de l’état général préalable, douleurs persistantes,
antécédents familiaux). Les signes d’imagerie qui doivent alerter
La lithiase biliaire est responsable d’environ 40 % des PA [1, 2] . Les sont la présence d’une dilatation canalaire s’interrompant bruta-
facteurs de risque sont les mêmes que ceux de la lithiase biliaire lement avant la papille, d’une sténose canalaire courte, l’atrophie
(femme, soixantaine, surpoids, grossesses et régimes amaigrissants pancréatique en amont.
multiples, famille, etc.). La présence de petits calculs biliaires serait La sténose canalaire peut aussi être la conséquence d’un trau-
plus à risque de déclencher une PA. Le diagnostic repose sur : matisme abdominal, parfois ancien, important ou d’une rupture
• la présence de calculs vésiculaires (a fortiori de la voie biliaire parenchymateuse secondaire à une PA grave. Les sténoses post-
principale) sur l’échographie qui doit être faite en urgence dans traumatiques siègent le plus souvent à l’aplomb du bord gauche
le seul but d’examiner la vésicule biliaire ; du rachis.

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Pancréatite aiguë  4-0430

Pancréatite métabolique L’échographie en urgence à la recherche d’une lithiase biliaire


et le scanner complètent le bilan étiologique.
L’hypertriglycéridémie est une cause de pancréatite au-dessus La répétition du scanner à distance peut se discuter si la cause
du seuil de 10 mmol/l [10] . À ce niveau, l’aspect du sérum est très n’a pas été trouvée afin d’avoir des images de meilleure qualité
lactescent. L’hypertriglycéridémie peut être très fugace et dispa- après régression des signes inflammatoires.
raître en quelques heures, surtout dans les formes dépendant de la Plus à distance se discute la pancréato-IRM (le plus souvent
consommation de glucides ou d’alcool. Son dosage à l’admission indispensable à condition qu’elle soit faite dans de bonnes condi-
est donc essentiel. tions techniques incluant des coupes épaisses en T2 centrées sur le
L’hypercalcémie au-dessus de 3 mmol/l peut provoquer une PA, canal pancréatique). L’échoendoscopie ne doit être réalisée qu’en
quelle que soit la cause de l’hypercalcémie (hyperparathyroïdie, quatrième ligne si le bilan ci-dessus n’a pas apporté la solution.
métastases osseuses, etc.). C’est bien le calcium qui est toxique
et non la parathormone (PTH). Le dosage de la PTH en l’absence
d’hypercalcémie n’a donc aucun sens.  Principes thérapeutiques
Pancréatite bénigne
Pancréatites héréditaires
La PA bénigne ne requiert que peu de mesures : hospita-
Plusieurs systèmes géniques sont à l’origine des PA héré- lisation en unité ordinaire, mise à jeun de quelques jours,
ditaires [11] . Certains se transmettent sur un mode dominant antalgiques, perfusion hydrosodée pour maintenir un état normal
(trypsinogène cationique). Le diagnostic est alors aisé puisqu’une d’hydratation [1, 2] . Aucune autre thérapeutique n’est nécessaire. Le
personne sur deux dans la famille est atteinte, dans toutes les problème essentiel est ici de trouver la cause, notamment biliaire.
générations. La pénétrance est supérieure à 90 %. En effet, il est nécessaire de régler le problème biliaire (cholécystec-
D’autres mutations se transmettent sur un mode récessif ou sont tomie le plus souvent) avant de reprendre l’alimentation orale, le
des mutations facilitatrices. Les antécédents familiaux manquent risque de récidive de migration, de l’ordre de 20 % dans le pre-
le plus souvent puisque seule la fratrie est exposée (avec un risque mier mois, risquant de déclencher une nouvelle PA de gravité
individuel de 25 %). Ce sont les gènes cystic fibrosis transmembrane imprévisible [12] .
conductance regulator (CFTR) (impliqué aussi dans la mucovisci-
dose), serine protease inhibitor Kazal type 1 (SPINK1) (inhibiteur de
la trypsine) et comprehensive screening of chymotrypsin C (CTRC). Pancréatite sévère
D’autres pistes sont en cours d’exploration.
La recherche de ces mutations est justifiée devant une PA récidi- La PA sévère nécessite une hospitalisation dans un établisse-
vante, survenant avant l’âge de 35 ans sans autre cause évidente. ment spécialisé (cf. supra), doté de tous les équipements et les
équipes qui pourraient s’avérer nécessaires, parfois sur un mode
urgent [1, 2] .
Pancréatites auto-immunes En cas de défaillance viscérale persistante, une admission en
soins intensifs est nécessaire.
Elles sont rarement cause de PA. Elles surviennent générale-
Des antalgiques, y compris de niveau III si nécessaire, doivent
ment après l’âge de 40 ans, sont parfois associées à des signes
être administrés jusqu’à obtention de l’antalgie.
extrapancréatiques (syndrome de Mickulicz, fibrose rétropérito-
Le traitement repose sur l’arrêt de la nutrition orale et une
néale, cholangite auto-immune, maladie de Crohn ou rectocolite
hyperhydratation précoce et rapide.
hémorragique).
Une nutrition artificielle par voie entérale en disposant une
C’est surtout l’imagerie, et notamment la cholangiopancréato-
sonde d’alimentation nasogastrique doit être mise en route de
IRM, plus que la biologie, qui en permet le diagnostic en montrant
façon urgente non pour des raisons nutritionnelles mais pour
un pancréas délobulé, lissé, avec un système canalaire très fin,
réduire la translocation bactérienne, source de l’infection de la
voire évanescent donnant de longues sténoses sans dilatation
nécrose dans la majorité des cas. La formulation des nutriments
d’amont. Les PA auto-immunes peuvent prendre un aspect pseu-
apportés n’a pas d’importance, une nutrition polymérique est
dotumoral qui peut conduire à une résection inappropriée.
adaptée. En dehors du drainage de la nécrose infectée (cf. infra),
la nutrition entérale est le seul traitement avec lequel une dimi-
Autres causes nution de la mortalité a été démontrée.
La sonde d’aspiration gastrique n’a d’intérêt (temporaire) qu’en
Citons : cas de vomissements abondants qui se tarissent habituellement en
• les PA infectieuses virales (adénovirus, virus coxsackie, quelques heures ou jours.
etc.), bactériennes (salmonellose, shigellose, etc.), parasitaires Les inhibiteurs de la pompe à protons en prévention des ulcéra-
notamment en Asie du Sud-Est (ascaridiose dans les canaux tions de stress ne sont indiqués qu’en cas de défaillance viscérale,
biliaires et pancréatiques) ; notamment pulmonaire.
• les PA postendoscopie interventionnelle (cathétérisme rétro- Il n’y a pas d’indication pour une antibiothérapie préventive
grade) ou postopératoire (surtout la chirurgie sus-mésocolique) ; (même en cas de fièvre et d’hyperleucocytose, présentes dans toute
• un certain nombre de médicaments sont pancréatotoxiques. PA grave). L’antibiothérapie adaptée ne sera débutée qu’après mise
Il faut cependant distinguer les véritables PA répondant aux en évidence formelle d’une infection de la nécrose ou d’une infec-
critères clinicobiologiques énoncés ci-dessus des simples éléva- tion extrapancréatique (poumon, etc.) [1, 2] .
tions asymptomatiques des enzymes pancréatiques qui n’ont La nécrose stérile ne doit pas être drainée. La nécrose infectée
aucune conséquence et qui ne devraient en aucun cas aboutir doit être évacuée par voie radiologique, endoscopique ou chirur-
à l’éviction d’un médicament, a fortiori si celui-ci est essentiel gicale selon sa localisation, son extension, son caractère plus ou
au malade. Les médicaments les plus souvent impliqués sont moins solide et l’expertise locale. Une stratégie step-up du plus
les antirétroviraux, les salicylés, l’azathioprine, certains cyto- simple au plus agressif est aujourd’hui recommandée.
toxiques. L’établissement d’une chronologie en corrélation avec Les épanchements pleuraux ou ascitiques doivent être évacués
la clinique est essentiel ainsi que la consultation des fichiers s’ils sont abondants. Les pseudoanévrismes doivent être embolisés
appropriés avant d’imputer la cause d’une PA à un médicament ; en urgence.
la réintroduction est interdite. En cas de PA biliaire, un cathétérisme rétrograde endoscopique
associé à une sphinctérotomie (cholangiopancréatographie rétro-
Conduite du bilan étiologique grade endoscopique [CPRE] avec sphinctérotomie endoscopique
[SE]) ne doit être fait qu’en cas d’obstruction biliaire persistante,
Sauf cas particulier, le bilan biologique initial doit toujours une situation rare. Une CPRE faite en dehors de cette circonstance
comporter le dosage des transaminases répété tous les jours pen- aggrave le pronostic [1, 2, 13] .
dant trois jours, de la calcémie et de la triglycéridémie. La recherche d’une cause est ici tout aussi importante.

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4-0430  Pancréatite aiguë

 Conclusion [5] Balthazar EJ, Robinson DL, Megibow AJ, Ranson JH. Acute pancreati-
tis: value of CT in establishing prognosis. Radiology 1990;174:331–6.
[6] Levy P, Boruchowicz A, Hastier P, Pariente A, Thevenot T, Frossard
Les PA sont le plus souvent bénignes. Seuls 20 % sont sévères et JL, et al. Diagnostic criteria in predicting a biliary origin of acute pan-
potentiellement létaux. Elles requièrent alors une hospitalisation creatitis in the era of endoscopic ultrasound: multicentre prospective
en unité de soins spécialisés. Le dosage de la lipasémie ne doit être evaluation of 213 patients. Pancreatology 2005;5:450–6.
fait qu’en cas de suspicion de PA, celui de l’amylasémie doit être [7] Dahan P, Andant C, Levy P, Amouyal P, Amouyal G, Dumont M, et al.
abandonné. Le problème essentiel est de trouver la cause, dominée Prospective evaluation of endoscopic ultrasonography and microscopic
par la lithiase biliaire et l’alcoolisme chronique et important. La examination of duodenal bile in the diagnosis of cholecystolithia-
troisième cause est tumorale, surtout au-delà de 50 ans. La PA peut sis in 45 patients with normal conventional ultrasonography. Gut
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P. Lévy (philippe.levy@bjn.aphp.fr).
Service de gastroentérologie–pancréatologie, Pôle des maladies de l’appareil digestif, Hôpital Beaujon, 100, boulevard du Général-Leclerc, 92118 Clichy
cedex, France.
DHU Unity, Université Paris-Diderot–Paris 7, Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Lévy P. Pancréatite aiguë. EMC - Traité de Médecine Akos 2015;10(3):1-6 [Article 4-0430].

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