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LEVURES ET MÉTABOLISME FERMENTAIRE

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Auteur : Bruno Dassy (Maître de conférences, Sorbonne université)
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Diversité et classification des levures


Une levure est un champignon unicellulaire, se reproduisant par fission ou bourgeonnement à certains stades
de sa vie et formant des cellules sexuelles sans appareil fructifère. La plupart des levures sont acidophiles, avec
une préférence pour des pH entre 4 et 5.
La classification des champignons, et donc des levures, est complexe et soumise à des remaniements
fréquents. De plus, la frontière entre champignons et levures n'est pas parfaitement définie et il existe des
champignons levuriformes (yeast-like) !
Avec plus de 1500 espèces décrites, ce qui ne représente probablement qu'une faible proportion de ce qui
existe réellement, les levures ne se retrouvent que dans 3 classes de champignons (70 000 espèces décrites).
Les habitats naturels sont très variés. On peut trouver des levures quasiment partout où une source de carbone
est disponible :
 Plantes : les levures y sont couramment rencontrées, notamment sur les fruits. Quelques espèces sont
phytopathogènes.
 Animaux : quelques espèces de levures sont commensales des intestins et de la peau des animaux.
Plusieurs espèces sont pathogènes pour l'Homme. De nombreuses levures sont commensales des
insectes qui sont de bons vecteurs pour leur distribution.
 Eaux : les levures sont largement distribuées aussi bien dans les eaux douces que maritimes. Les
estuaires sont particulièrement riches.
 Sols : a priori, les sols sont plutôt une zone de survie que de développement pour les levures, mais on
en trouve nettement plus dans les terres cultivées qui sont les plus riches.
 Air : vecteur permettant la dispersion des levures à partir du sol, celles-ci n'étant pas mobiles.
Quelques levures sont des pathogènes opportunistes pour l'Homme. Des espèces de Candida sont
prédominantes parmi les souches nosocomiales de certains hôpitaux. D'autres peuvent contaminer des aliments
et des boissons en les rendant impropres à la consommation, mais ne sont jamais à l'origine d'intoxications
alimentaires.
Les levures sont utilisées dans l'alimentation humaine depuis le mésolithique, voire le paléolithique : pain,
fromages, boissons alcoolisées, ... Saccharomyces cerevisiae est la seule levure à coloniser les locaux
viticoles.
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Le métabolisme primaire des levures


Les levures sont soit aéro-anaérobies pour la plupart (métabolisme pouvant se produire en présence de
dioxygène (respiration cellulaire) ou en l'absence de dioxgène (fermentations)), soit plus rarement aérobies
strictes (métabolisme seulement en présence de dioxygène). En plus de la respiration, le dioxygène est aussi
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nécessaire pour la synthèse des stérols et de l'acide nicotinique (vitamine PP, précurseur du coenzyme NAD ),
ce qui implique que ces composés doivent être ajoutés au milieu de culture pour une culture anaérobie
(métabolisme seulement en l'absence de dioxgène).

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Comme l’ensemble des eucaryotes, les levures sont chimio-organotrophes, c'est-à-dire qu'elles utilisent les
substrats carbonés à la fois comme sources de carbone et d'énergie. Elles sont capables de métaboliser de
nombreux sucres simples, mais pas des polysaccharides tels que l'amidon et la cellulose. Cela a des
conséquences sur la fabrication d'aliments et de boissons à base de céréales dans laquelle interviennent des
levures.
+ 2-
Toutes les levures sont capables d’utiliser l'ion ammonium (NH 4 ) comme source d’azote et l'ion sulfate (SO 4 )
comme source de soufre.
Certaines levures sont auxotrophes pour des vitamines ou des coenzymes, variables selon les cas. Il existe de
plus des auxotrophies conditionnelles : le dioxygène est nécessaire en tant que co-substrat pour la synthèse des
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stérols et de l'acide nicotinique (vitamine PP, précurseur du coenzyme NAD ) du fait de la présence
d'oxygénases dans les voies correspondantes, ce qui implique que ces composés doivent être ajoutés au milieu
de culture pour une culture anaérobie.
La principale fermentation est bien sûr alcoolique avec comme produits l'éthanol et le CO2. La production de
glycérol peut aussi être importante dans certaines conditions, par exemple en cas de stress osmotique. Il y a
aussi les voies moins importantes de l'acétate et du 2,3-butanediol. Le cas de la fermentation lactique est
particulier : elle est très réduite car il n'y a pas de lactate déshydrogénase cytoplasmique mais uniquement
mitochondriale.
Chez les levures aéro-anaérobies, l’aiguillage vers la respiration cellulaire ou la fermentation dépend de deux
facteurs : la concentration en dioxygène et en glucose dans le milieu.
- en présence d’une forte teneur en dioxygène, la respiration cellulaire s’opère,
- en présence d’une faible teneur (ou absence) en dioxygène, la fermentation prend le relais.
Le dioxygène exerce en effet une inhibition des processus fermentaires. C’est l’effet Pasteur. Ce processus
implique que la production d’alcool doit être mise en œuvre dans des conditions sans dioxygène, pour favoriser
la fermentation alcoolique.
D’autre part, un milieu riche en glucose inhibe le métabolisme respiratoire. La concentration élevée en glucose
exerce en effet une répression sur les enzymes de la respiration indépendamment de la présence en dioxygène
dans le milieu. C’est l’effet Crabtree. Ce phénomène est très important pour la vinification. En effet le moût est
très riche en sucres, ce qui inhibe la respiration favorisant de ce fait la fermentation alcoolique et donc la
production d’alcool dans le vin.
Quelques espèces de levure, dont Saccharomyces cerevisiae, ont la particularité de ne présenter que peu ou
pas d'effet Pasteur en présence de fortes concentrations en glucose. L’effet Cabtree explique chez ces
dernières que le passage à l'aérobiose diminue peu la consommation de glucose par rapport à l'anaérobiose,
cette consommation restant élevée et associée à des réactions de fermentation du fait de la respiration réduite.
On parle alors de fermentation aérobie, phénomène important dans la fabrication de certaines boissons
alcoolisées.
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Le métabolisme secondaire des levures


Les levures synthétisent de nombreuses molécules aromatiques ou organoleptiques, que l'on peut répartir en
huit familles principales : alcools supérieurs, acides organiques, esters, phénols volatils, aldéhydes et cétones,
composés soufrés, terpènes et lactones. Un composé est dit organoleptique s'il agit sur les sens, en l'occurence
ici le goût et l'odorat. Mais la situation est complexe, car un arôme donné peut dépendre d'un mélange de
substances organoleptiques plutôt que d'une molécule particulière. De plus, il y a des effets de synergie ou de
masquage provoqués par d'autres composés non organoleptiques.
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Principe de la fabrication de boissons alcoolisées
L'étape principale repose toujours sur la fermentation alcoolique de sucres de provenance très diversifiée,
effectuée dans la grande majorité des cas par des levures du genre Saccharomyces, et complétée par
l'intervention spécifique d'autres microorganismes variés (autres levures, champignons, bactéries lactiques).
Cette fermentation peut être suivie d'une distillation augmentant le degré d'alcool et concentrant les arômes : on
obtient un spiritueux ou de l'eau-de-vie (aqua vitæ, ancien terme d'alchimie) (Voir Tableau 1).

Tableau 1. Exemples de fabrication de boissons alcoolisées © MNHN

Tolérance des levures à l’éthanol


L'éthanol est une petite molécule amphiphile qui traverse facilement la bicouche lipidique de la membrane
cellulaire, par ailleurs imperméable aux molécules hydrophiles. L'éthanol, en interagissant avec l'eau, diminue la
stabilité de la membrane et la rend plus perméable, et réduit la solubilité de certaines protéines. Il peut de plus
être oxydé en acétaldéhyde et en acétate, qui ont eux aussi divers effets cellulaires. Selon le type de cellule et
son état physiologique, l'éthanol est toxique pour des concentrations de 5 à 18 g/100mL de solution.
La fermentation alcoolique est généralement inhibée à partir de 11% d'éthanol. Certaines souches de levure ont
une résistance accrue à l'éthanol, à la suite d'une modification de la composition lipidique de leur membrane.
Cette tolérance, associée à l'effet Crabtree, a été récemment interprétée comme un avantage sélectif, les
levures placées dans un environnement riche en sucres produisant alors de l'éthanol toxique pour éliminer la
concurrence.

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