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Insuffisance rénale aiguë de l'adulte

La maladie
L'IRA est définie par la baisse brutale et importante du débit de filtration glomérulaire (DFG).

Physiopathologie
Plusieurs mécanismes peuvent entraîner une baisse brutale du DFG :
un obstacle à l'écoulement de l'urine ;
une hypoperfusion rénale dans le cadre d'une hypovolémie ou d'une déshydratation extracellulaire, ou encore induite ou aggravée par des
médicaments (diurétiques, AINS, ARA II, etc.) ;
une atteinte anatomique du parenchyme rénal glomérulaire, vasculaire, tubulaire ou interstitielle. Dans ce dernier cadre, il est commode de
distinguer les IRA en milieu chirurgical (habituellement nécroses tubulaires) et les IRA médicales dont le classement peut justifier un examen
biopsique du rein.

Epidémiologie
L'IRA est la raison de 1 % des hospitalisations, elle complique de 2 à 5 % de toutes les hospitalisations, elle survient chez plus de 1 patient sur 2
hospitalisé en unité de soin intensif. On estime l'incidence de l'IRA à 2 000 cas par million d'habitants et par an. L'âge est un facteur de risque
majeur.

Complications
Elles sont nombreuses et graves : métaboliques (acidose et hyperkaliémie), infections nosocomiales, hémorragies digestives, dénutrition et accidents
cardiovasculaires. L'IRA, dans les services de réanimation ou lorsqu'elle nécessite le recours à la dialyse, a une mortalité d'au moins 30 %, jusqu'à
50 % chez les patients ≥ 65 ans.

Diagnostic
L'insuffisance rénale aiguë (IRA) est définie par la baisse brutale et importante de la filtration glomérulaire. Elle est habituellement réversible après
traitement. La diurèse peut être conservée au cours de l'IRA. L'oligo-anurie est définie par une diurèse inférieure à 500 ml/24 heures ou 20 ml/heure.
Depuis 2007, en langue anglaise, on tend à substituer le terme « acute kidney injury » (AKI) au terme « acute renal failure ». Cette nouvelle
formulation permet d'insister sur les déterminants des insuffisances rénales aiguës, la détection et la prévention précoce de celles-ci.
Le groupe KDIGO (Kidney Disease/Improving Global Outcomes) propose 3 situations définissant une IRA :
créatininémie augmentant d'au moins 3 mg/l (≥ 26 µmol/l) en 48 heures ;
créatininémie augmentant d'au moins 50 % de sa valeur connue ou présumée au cours de la semaine précédente ;
débit urinaire < 0,5 ml/kg par heure pendant 6 heures.

Quels patients traiter ?


Tout patient atteint d'IRA doit être pris en charge.
L'hospitalisation en urgence s'impose en cas de choc et état septique grave, œdème pulmonaire, oligo-anurie, acidose sévère, hyperkaliémie sévère.

Objectifs de la prise en charge


Diminution de l'incidence de l'IRA par repérage des patients à risque et mesures préventives.
Diminution des complications et de la mortalité associées.

Prise en charge
IRA : prévention
1 Prescription de médicaments à risque néphrotoxique
La prévention repose sur les adaptations posologiques détaillées dans la Reco annexe. Lire Médicaments et fonction rénale.

2 Prescription de produits de contraste iodés


Concernant l'administration de produits de contraste iodés, la prévention doit s'appliquer dans les situations à risque suivantes : diabète,
insuffisance rénale chronique, insuffisance cardiaque, hypovolémie, patient âgé, myélome.
La prévention repose sur une expansion volémique avec du soluté salé ou bicarbonaté isotonique, l'arrêt des traitements éventuels par IEC,
ARA II, inhibiteurs de la rénine et l'arrêt des médicaments susceptibles d'accumulation (metformine).

3 Prévention de l'insuffisance rénale aiguë


Les mesures préventives communes à toutes ces situations sont :
les mesures de nursing ;
le maintien d'une volémie normale (régime normal salé, sérum salé isotonique) ;
la réanimation hémodynamique avant tout acte chirurgical ;
l'arrêt si possible d'un IEC, d'un ARA II, des AINS et tout autre médicament néphrotoxique ;
l'abstention si possible de nouvelle prescription de médicament potentiellement néphrotoxique ;
l'adaptation posologique notamment chez le sujet âgé.

4 Diagnostic de l'insuffisance rénale aiguë


Elle se fait essentiellement sur une évaluation du débit de filtration glomérulaire par la créatininémie sur un dosage de routine ou sur un dosage
de surveillance chez les patients à risque accru.
Chez le patient hospitalisé à risque, outre la surveillance de la créatininémie, celle du débit urinaire et du poids fournit des arguments
complémentaires.
L'élévation de la créatininémie est néanmoins un marqueur imparfait et tardif de la réduction du débit de filtration glomérulaire.
L'intérêt de marqueurs de toxicité tubulaire, NGAL (Neutrophil Gelatinase-Associated Lipocalin) notamment, est actuellement à l'étude.

IRA : traitement
1 Stratification du risque
Afin d'homogénéiser la définition et les différents stades des IRA, la classification dite RIFLE est très utilisée. Elle correspond à des stades de
sévérité croissante (voir plus loin Évaluation). La mortalité croit avec le score RIFLE indépendamment des comorbidités.

2 Insuffisance rénale aiguë fonctionnelle (IRAf)


La prise en charge repose sur le traitement de la déshydratation extracellulaire, d'un choc hypovolémique, d'une insuffisance cardiaque, et l'arrêt
d'éventuels traitements par AINS, IEC, ARA II.

3 IRA parenchymateuse
Le traitement est celui d'un choc, d'une complication postopératoire, d'un sepsis.
Lorsqu'une cause d'IRA n'est pas clairement définie, la recherche d'ANCA (anticorps anticytoplasme des polynucléaires neutrophiles) et la
réalisation de la biopsie rénale permettent parfois le diagnostic de pathologies justifiant un traitement d'urgence par corticoïdes et/ou
immunosuppresseurs : néphropathies glomérulaires et vasculaires aiguës (voir Cas particuliers).

4 Traitement symptomatique
Expansion volémique par solutés cristalloïdes en cas d'hypovolémie.
Maintien de la glycémie entre 6 et 8,5 mmol/l.
Traitement d'un choc : aucun vasopresseur n'a démontré une supériorité dans la prévention ou le traitement d'une IRA.
Traitement préventif des complications : hémorragies digestives, infections nosocomiales.
Nutrition de préférence entérale : au moins 20 à 30 kcal et 0,8 à 1 g de protides/kg, à augmenter en cas de situations à fort catabolisme et en cas
d'hémofiltration continue.
Traitement symptomatique de l'hyperkaliémie : en grande urgence gluconate de calcium, insuline-glucose en attendant la mise en route de
l'épuration extrarénale (EER). Peuvent être également utilisés : bicarbonates pour le traitement de l'acidose, furosémide si diurèse conservée,
polystyrènes sulfonates.
Traitement de l'acidose : sérum bicarbonaté isotonique, EER.
Adaptation des posologies à la fonction rénale.
Épuration extra-rénale à réaliser en urgence en cas d'hyperkaliémie importante, d'acidose sévère et d'œdème pulmonaire : hémodialyse
intermittente ou hémodiafiltration continue, la dialyse péritonéale n'étant presque plus utilisée. Voir Traitements non médicamenteux.

Cas particuliers
Principales causes d'IRA parenchymateuses
Type d'atteinte Mécanisme Pathologies
Nécroses tubulaires aiguës Chocs septique, hypovolémique, hémorragique, anaphylactique,
Ischémique
ischémiques cardiogénique
Nécroses tubulaires aiguës Toxicité tubulaire directe Lire Médicaments et fonction rénale.
médicamenteuses Précipitation intratubulaire Lire Médicaments et fonction rénale.
Précipitation tubulaire non
Autres nécroses tubulaires aiguës Myélomes, rhabdomyolyses, hémolyses intravasculaires
médicamenteuse
Immunoallergique Lire Médicaments et fonction rénale.
Néphrites interstitielles aiguës
Infectieux Pyélonéphrites et nécroses papillaires
Néphropathies glomérulaires (GN) GN aiguës post-streptococciques, GN rapidement progressives,
Infectieux
aiguës post-infectieuses polyangéïtes
Ischémique ou Syndrome hémolytique et urémique, embolies de cholestérol,
Néphropathies vasculaires aiguës
immunologique thromboses et embolies des artères rénales

Syndrome hépatorénal
Le syndrome hépatorénal de type 1 (SHR1) correspond à une insuffisance rénale aiguë fonctionnelle survenant le plus souvent dans l'évolution
d'une cirrhose hépatique sévère Child C avec ascite. C'est un événement très grave dont la médiane de survie, en l'absence de traitement adapté,
est de l'ordre de deux semaines.
La stimulation du système sympathique s'associe à des facteurs locaux (sécrétion d'endothéline, d'adénosine et de thromboxane A2) pour
provoquer une hypoperfusion rénale aggravée par la baisse du débit cardiaque.
Le traitement médical consiste en un remplissage vasculaire par l'albumine et l'administration de terlipressine qui exerce un effet vasoconstricteur
splanchnique. L'objectif est d'améliorer la fonction rénale avant la transplantation hépatique qui est le seul recours thérapeutique efficace à ce
stade de la maladie. Le TIPS (Transjugular Intrahepatic Portosystemic Shunt) est un traitement de seconde ligne.
Les mesures préventives sont essentielles. Outre les mesures communes à la prévention de toutes les IRA, on veillera à compenser largement
l'évacuation des ascites abondantes, à traiter rapidement par remplissage et antibiothérapie tout épisode infectieux et à employer une
antibioprophylaxie lors de tout épisode d'hémorragie digestive.

Évaluation

Classification RIFLE
La classification RIFLE ou Risk Injury Failure Loss ESRD (End Stage Renal Disease) définit les différents stades de sévérité d'IRA.
RIFLE Débit de filtration glomérulaire (DFG) Débit urinaire
Risk < 0,5 ml/kg/heure pendant
Augmentation de la créatininémie de 50 % ou diminution du DFG > 25 %
(1) 6 heures
Injury < 0,5 ml/kg/heure pendant
Augmentation de la créatininémie de 100 % ou diminution du DFG > 50 %
(2) 12 heures
Failure Augmentation de la créatininémie de 200 % ou augmentation de la créatininémie > 44 µmol/l en < 0,3 ml/kg/heure en 24 heures
(3) 48 heures ou augmentation de la créatininémie > 350 µmol/l ou diminution du DFG > 75 % ou anurie pendant 12 heures
Loss Perte complète de la fonction rénale (IR stade 5)
(4) pendant plus de 4 semaines
ESRD
Nécessité de dialyse pendant plus de 3 mois
(5)

Conseils aux patients


L'information du patient à risque est un élément majeur d'une politique de prévention de l'insuffisance rénale aiguë. Elle doit porter sur les risques
de la déshydratation et sur l'usage des médicaments néphrotoxiques, y compris les anti-inflammatoires non stéroïdiens en automédication.
Les patients diabétiques, les sujets âgés et les patients en insuffisance rénale chronique bénéficieront d'une information plus approfondie.
En cas de survenue d'une insuffisance rénale aiguë, les options thérapeutiques, la surveillance, les méthodes de dialyse, les risques d'évolution
vers la dialyse chronique et la gravité globale seront discutés immédiatement avec le patient, sa famille ou la personne de confiance.

Traitements
Médicaments cités dans les références
Solutés de remplissage (fluides)
Les solutés de remplissage (fluides) sont utilisés pour corriger l'hypovolémie et maintenir l'homéostasie. L'hypovolémie est un facteur de
risque important d'IRA. Le traitement de l'hypovolémie est un élément majeur de la protection rénale. Inversement, une surcharge volémique est
un facteur de risque de mortalité.
En l'absence de choc hémorragique, l'usage de solutés cristalloïdes est suggéré de manière préférentielle à l'albumine et aux amidons.
En dehors de services spécialisés, les solutés de bicarbonate pour corriger l'acidose doivent se limiter aux solutés isotoniques.
Il n'existe aucune preuve que l'adjonction d'albumine à 4 % au sérum salé soit plus efficace que le sérum salé seul. Une méta-analyse rapporte
une néphroprotection avec les solutés hypertoniques d'albumine. Au cours du syndrome hépatorénal, l'administration d'albumine est suggérée
dans la prévention d'une aggravation de l'IRA en cas de péritonite ou d'ascite très abondante.
Au cours de deux essais prospectifs randomisés, l'administration d'hydroxyéthylamidon au cours de la réanimation initiale s'est accompagnée
d'un risque rénal accru, notamment dans les situations de sepsis. Le sérum salé isotonique ou le Ringer doivent lui être préférés dans l'état actuel
des connaissances.
Ces médicaments de la réanimation parentérale ne sont pas listés ci-dessous. Se reporter à la base de données Vidal.

Diurétiques de l'anse
Les diurétiques de l'anse ne sont pas recommandés de façon systématique au cours d'une IRA. Ceux-ci peuvent être utilisés pour traiter une
surcharge hydrosodée associée (œdèmes, œdème pulmonaire). Ils peuvent aussi, à la phase initiale d'une nécrose tubulaire, augmenter le
volume de la diurèse et donc faciliter la réanimation, mais leur impact sur la mortalité et la morbidité de l'IRA n'a jamais été démontré.

bumétanide
BURINEX 5 mg cp
furosémide
FUROSEMIDE 250 mg/25 ml sol inj amp 
FUROSEMIDE 500 mg cp séc 
LASILIX SPECIAL 250 mg/25 ml sol inj en ampoule 
LASILIX SPECIAL 500 mg cp séc 

Vasopresseur
Aucun vasopresseur (dopamine, noradrénaline, vasopressine, terlipressine) n'a démontré une supériorité dans la prévention ou le traitement de
l'IRA.
Ces médicaments du traitement du choc ne sont pas listés ci-dessous. Se reporter à la base de données Vidal.

Médicaments non cités dans les références


Acélylcystéine
En prévention de la néphrotoxicité des produits iodés, KDIGO suggère l'administration d'acélylcystéine par voie orale. L'acétylcystéine ne dispose
pas d'une AMM dans cette indication et n'est pas recommandée dans d'autres documents. Face à une efficacité discutée, la voie veineuse qui
peut entraîner des accidents d'hypersensibilité n'est pas conseillée.
En l'absence d'indication d'AMM dans la pathologie concernée, les médicaments correspondants ne sont pas listés.

Traitements non médicamenteux cités dans les références


Épuration extrarénale
La dialyse péritonéale n'est pratiquement plus utilisée pour le traitement de l'IRA. Les deux techniques utilisées sont l'hémodialyse
intermittente et l'hémodiafiltration continue. Les méta-analyses ne mettent pas en évidence de différence nette de morbidité ou mortalité entre
hémodialyse intermittente et hémodiafiltration continue.
Elles nécessitent un abord vasculaire : de préférence pose échoguidée d'un cathéter non tunnellisé sur une veine jugulaire interne droite.
Elles nécessitent une anticoagulation du circuit : héparine ou héparine de bas poids moléculaire pour hémodialyse intermittente, citrate pour
hémodiafiltration continue.
Il est préférable d'utiliser comme tampon du dialysat ou du liquide de réinjection du bicarbonate plutot que du lactate, notamment en cas
d'instabilité hémodynamique.
On ne peut privilégier une des techniques, mais l'hémodiafiltration continue est vraisemblablement préférable en cas d'instabilité hémodynamique
ou de lésion intracérébrale associée.
L'hémofiltration diffère de l'hémodialyse par son principe physique : la convection versus la diffusion.
Elle est préférentiellement mise en œuvre à l'aide d'un système de pompe sur un circuit veino-veineux. Elle est continue contrairement à
l'hémodialyse. Sa tolérance hémodynamique semble meilleure.
Le choix du site d'abord vasculaire, ainsi que celui des cathéters, la qualité de l'anticoagulation du circuit extracorporel sont essentiels.
Une surveillance hémodynamique continue et des bilans hydroélectrolytique précis sont nécessaires. La correction des troubles
hydroélectrolytiques doit être lente.

Références
« La protection rénale périopératoire (CC2004) », Société française d'anesthésie et de réanimation, mis en ligne le 13 mars 2005, modifié le 11 avril
2013.
« Acute Kidney Injury. Prevention, Detection and Management of Acute Kidney Injury up to the Point of Renal Replacement Therapy », NICE Clinical
Guideline, n° 169, août 2013.
https://www.nice.org.uk/guidance/cg169/resources/acute-kidney-injury-prevention-...
« Diagnosis, Evaluation, and Management of Acute Kidney Injury : a KDIGO Summary », Kellum J.A. et al., Critical Care, vol. 17, n° 204, 2013.
« Contrast-induced Acute Kidney Injury and Renal Support for Acute Kidney Injury : a KDIGO Summary (Part 2) », Lameire N. et al., Critical Care,
vol. 17, n° 205, 2013.
« KDOQI US and Canadian Society of Nephrology Commentaries on the KDIGO Clinical Practice Guideline and Editorial », American Journal of
Kidney Diseases, 2013, n° 61, pp. 649-688.

Mise à jour de la Reco : 20/10/2015


Mise à jour des listes de médicaments : 15/12/2015

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