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Chapitre IV : Microbiologie alimentaire

1.Physique de la flore microbienne des aliments

Parce qu’ils nous fournissent les éléments nutritifs, les aliments sont aussi d’excellents
milieux pour la croissance des microorganismes. Cette croissance est contrôlée par des facteurs
liés à l’aliment lui-même, ou facteurs intrinsèques, et aussi par d’autres, liés à l’environnement
où l’aliment est conservé, ce sont les facteurs extrinsèques.

1.1.Les facteurs intrinsèques


Les facteurs intrinsèques ou associés aux aliments, comprennent le pH, l’activité ou la
disponibilité de l’eau, le potentiel d’oxydo-réduction, la structure physique de l’aliment, les
éléments nutritifs disponibles et la présence possible d’agents antimicrobiens naturels. (1)
1.1.1.La composition de l’aliment
La composition d’un aliment est un facteur intrinsèque crucial qui influence la croissance
microbienne.
- Si un aliment consiste surtout en hydrates de carbone, c’est la croissance de champignons,
plutôt que de bactéries, qui prédominera et la détérioration ne produira pas beaucoup d’odeurs.
Des aliments comme les pains, les confitures et certains fruits, gâtent d’abord sous l’action des
champignons.
- Par contre, lorsque l’aliment contient de grandes quantités de protéines et/ou de graisses
(viande et le beurre), la croissance bactérienne peut produire toute une variété d’odeurs infectes.
(oeufs pourris). Cette dégradation anaérobie de protéine donne des composées aminés
nauséabonds c’est la putréfaction. Une source importante d’odeur est l’amine organique,
cadavérine.
- La production, à partir des lipides d’acide gras de courtes chaines rend le beurre rance d’odeur
désagréable (rancissement) (3)
1.1.2.Le pH
Tous les micro-organismes ne réagissent pas de la même manière vis à vis du pH. Le pH influe
notamment sur la perméabilité cellulaire et la disponibilité des substrats.
Les levures et moisissures tolèrent une gamme de pH très large pour la croissance (de 2 à 8,5)
avec un pH optimal entre 4 et 6. La plupart des bactéries se multiplient quant à elles en milieu
neutre mais la gamme de tolérance pour le pH peut être assez large. Lorsque le pH est inférieur
à 4,5, la croissance des bactéries est inhibée. C’est la raison pour laquelle, les aliments acides
se conservent mieux (comme par exemple le citron, le vinaigre, la tomate, l’orange,…) et que
l’on utilise du vinaigre pour la conservation de certains aliments. Les moisissures et les levures
se développent ainsi à la surface des fruits acides alors que les bactéries colonisent les viandes
et poissons dont le pH est neutre. (2)
1.1.3.L’activité de l’eau (aw)
La plupart des aliments que nous consommons contiennent 20 à 90% d’eau et ne sont à
l’abri des détériorations biochimiques enzymatiques et microbiennes. La disponibilité en eau
est mesurée en terme d’activité de l’eau (aw), qui représente le rapport entre l’humidité relative
de l’air au-dessus d’une solution test et celle de l’eau distillée. La présence et la disponibilité
de l’eau affectent aussi la capacité de microorganismes de coloniser les aliments. On peut
contrôler ou éviter sa détérioration par le séchage de l’aliment, en rendant l’eau moins
disponible, même si elle est présente, par l’ajout des solutés comme le sucre et le sel. Les
conditions hypertoniques rendent la multiplication des microorganismes difficile en leur
provoquant une déshydratation. Les Pseudomonas sont très exigeantes en eau libre et ne se
développent bien que si l’activité de l'eau (aw) est supérieure à 0,98. Cependant, Listeria
monocytogenes résiste à des conditions hostiles. Elle tolère jusqu’à 10 % de chlorure de sodium
et son aw limite de croissance est de 0,86. Selon la teneur en aw, on cite les micro-organismes
osmophiles: (du grec osmos, poussée et philien, aimer), se développent mieux dans des milieux
dont la pression osmotique est élevée. (3)
Depuis la préhistoire, le sel est utilisé pour conserver la viande et le poisson car il permet
de diminuer la multiplication des microorganismes. En effet, le sel a la capacité d’attirer l’eau
et de la retenir. Par conséquent, en présence de sel, les micro-organismes sont privés d’eau et
ne peuvent plus de développer. Le sel a donc une activité bactériostatique sur la plupart des
bactéries. Par contre, certains bactéries, nommées halophiles, s’accommodent ou réclament de
fortes concentrations en sel pour vivre. La plupart des moisissures supportent des teneurs en sel
et en sucre très élevées, ce qui implique que les charcuteries très salées, les confitures et
confiseries peuvent être infectées. (2)
Les bactéries ne peuvent se développer sur les produits alimentaires ayant une aw
inférieur à 0,90. Les moisissures et les levures sont inhibées respectivement vers une aw de 0,7
et 0,8 sauf certaines moisissures et levures osmophiles qui peuvent se développer jusqu’à des
aw de 0,6.
Les produits alimentaires frais (fruits, légumes, viandes…) ont généralement une aw de 0,97 à
0,99. Ils sont donc un milieu favorable pour le développement de tous les micro-organismes.
Sur les produits alimentaires ayant une faible aw, comme le pain et pâtisseries, on constate
généralement le développement des moisissures.
Sur les préparations très salés (anchois salés, …), on peut assister au développement des
bactéries halophiles (Halobacterium, Halococcus). Ces dernières se développent même à des
aw de 0,75 et exigent des concentrations en NaCl de 12 à 15%.
Dans un aliment, une aw de 0,7 est considérée comme une limite inférieure présentant toutes
les garanties de stabilité microbienne (5)

1.1.4.Le potentiel d’oxydo-réduction


Le potentiel d’oxydo-réduction d’un aliment influence aussi la détérioration.
Certaines bactéries se développent uniquement en présence d’oxygène, on les appelle aérobies
strictes, d’autres se développent uniquement en absence d’oxygène (anaérobies strictes). Les
autres, qui se multiplient en absence ou en présence d’oxygène sont qualifiées d’aéro-
anaérobies.
Les champignons sont des organismes aérobies mais certains peuvent se développer en
anaérobie et donc plus en profondeur des aliments. (2)
Les bactéries aérobies strictes : ne se développent qu’en présence d’oxygène.

-Pseudomonas : responsable de la putréfaction.


Les bactéries anaérobies strictes : ne se développent qu’en absence d’oxygène.

- Clostridium botulinum, Clostridium perfringens (dans les conserves mal


stérilisées)

Les bactéries aéro-anaérobies : capables de se développer en absence d’oxygène


(Même si c’est plus lentement)

- Salmonelles, Staphylocoques dorés. (4)

Le potentiel d’oxydoréduction d’un aliment dépend :


- De sa composition et de texture
- De son conditionnement : avec ou sans emballage, l’emballage est plus ou
moins perméable à l’air, l’aliment se trouve ou non sous une atmosphère
artificielle (vide plus ou moins poussé, atmosphère d’azote et de dioxyde
de carbone). (6)
1.1.5.La structure physique
La structure physique d’un aliment affecte également le déroulement et l’étendue de la
décomposition. Broyer et mélanger des aliments, tels que les saucisses et les hamburgers, non
seulement, augmentent la surface de la nourriture et altèrent la structure cellulaire, mais
dispersent aussi les germes contaminants partout dans la nourriture. Ceci provoque une
détérioration rapide si ces aliments sont mal conservés. Les légumes et les fruits ont des
épidermes (pelures) qui les protègent d’une altération. Les microorganismes du pourrissement
ont souvent des enzymes spécialisées qui les aident à affaiblir et à pénétrer les pelures
protectrices, surtout lorsque les fruits et les légumes ont été blessés. (1)
1.1.6.Les inhibiteurs
De nombreux aliments contiennent des substances antimicrobiennes naturelles, parmi
lesquelles des inhibiteurs chimiques complexes et des enzymes. Les coumarines présentes dans
les fruits et les légumes montrent une activité antimicrobienne. Le lait de vache et les œufs sont
riches en lysosyme, une enzyme lytique pour les parois des bactéries Gram-positives
contaminantes.
Les herbes et les épices contiennent souvent des substances antimicrobiennes importantes ; les
mycètes y sont généralement plus sensibles que la plupart des bactéries. La sauge et le romarin
sont deux des épices les plus antimicrobiennes. Il y a des composés aldéhydiques et phénoliques
dans la cannelle, la moutarde et l’origan ; ce sont des inhibiteurs de la croissance microbienne.
L’ail, qui contient l’allicine, et les clous de girofle, sont d’autres inhibiteurs importants.
Cependant, les épices peuvent aussi contenir des organismes pathogènes et inducteurs de
pourriture. Des coliformes, B. cereus, C. perfringens et des espèces de Salmonella ont été
détectés dans la plupart des épices. Les microorganismes peuvent être éliminés ou réduits en
nombre par stérilisation à l’oxyde d’éthylène. Ce traitement peut donner des épices et des herbes
dépourvus de Salmonella, et réduire de 90% la teneur générale en organismes indicateurs de
pourriture.
Les thés vert et noir ont aussi des propriétés antimicrobiennes bien étudiés, à cause de leurs
contenus en polyphénols. Ces thés sont actifs contre les bactéries, les virus et les mycètes et
peuvent avoir des propriétés anticancéreuses. (1)
Comme nous l’avons déjà montré que le pH bas ralentit ou supprime le développement
des microorganismes non acidophiles. La réfrigération bloque la multiplication des mésophiles.
Les fortes concentrations en sel ou en sucre, empêchent la croissance des espèces non halophiles
ou non osmophiles.
L’un des modes d’inhibition important dans la nature et également dans les aliments, est
représenté par l’antagonisme bactérien. Il est direct ou indirect.
Dans l’antagonisme direct, le développement d’une espèce ou d’un genre s’oppose à celui des
autres. Tout se passe, parfois, comme si le contaminant dont la multiplication est la plus rapide,
occupait le terrain.(vitesse de croissance).
Dans l’antagonisme indirect, l’espèce qui bloque les autres agit en synthétisant un antibiotique
ou des substances dont le rôle est voisin, comme les bactériocines. En laiterie, des souches
spéciales de Streptocoques lactiques produisent un antibiotique, la nisine. Elle possède une
action inhibitrice pour les Clostridium qui entraînent des altérations gazogènes des fromages
(7).
1.2.Les facteurs extrinsèques
Les facteurs extrinsèques ou environnementaux concernent la température, l’humidité relative,
les gaz (CO2, O2), les types et les quantités de microorganismes présents dans l’aliment.
1.2.1. L’humidité relative
L’humidité relative est un des facteurs extrinsèques importants dans l’avarie d’un
aliment. Les microbes se développent plus rapidement dans une humidité relative élevée, même
à basse température. Quand des aliments secs sont mis à l’humidité, ils absorbent l’eau en
surface, ce qui permet finalement une croissance microbienne. (1)
1.2.2.La température
Chaque micro-organisme a un domaine de température optimale favorisant son
développement. En fonction de leur température optimale de croissance, on classe les micro-
organismes en plusieurs groupes dont les noms reflètent les divers domaines de tolérance
thermique. On distingue trois types de bactéries selon leur optimum de température :
Les psychrophiles et les psychrotrophes : les psychrophiles (ex : Listeria monocytogenes) sont
des micro-organismes qui se développent à des températures allant de 0 à 20°C avec un
optimum à 15°C. Ce sont des micro-organismes adaptés au froid. Les micro-organismes
appartenant au groupe des psychrotrophes sont capables de se développer de 0 à 35°C avec un
optimum de croissance de 20 à 35°C. C’est un groupe intermédiaire entre les psychrophiles et
les mésophiles, et il est responsable des altérations microbiennes des aliments réfrigérés.
Le groupe des psychrotrophes est représenté par des nombreuses bactéries dont les principaux
genres sont Pseudomonas, Alcaligenes, Erwinia, Corynebacterium, Flavobacterium,
Lactobacillus et Streptomyces. Notons aussi que les levures et moisissures sont pour la plupart
psychrotrophes.
Les mésophiles : se multiplient à des températures allant de 20 à 40°C avec un optimum à 37°C.
On les retrouve sur les aliments conservés à température ambiante ou dans les aliments
réfrigérés lorsque la chaîne du froid a été rompue. Ce sont des espèces communes et des espèces
pathogènes pour l’homme et l’animal ; ils sont pour la plupart des saprophytes naturels. (Ex :
Escherichia coli, Salmonelles, Staphylocoques, Campylobacter…).
Les thermophiles : les thermophiles sont les micro-organismes qui se développent dans des
températures allant de 40 à 65°C avec un optimum à 55°C. On les retrouve dans le sol, l’eau et
même dans les sources thermales. En milieux alimentaires, ils sont représentés surtout dans les
genres bactéries Bacillus et Clostridium et certaines moisissures Aspergillus, Cladosporium (5).
Les conditions de stockage influencent donc la composition de la flore microbienne d’un
aliment. L’exposition au froid sélectionne les espèces psychrotrophes et psycrophiles comme
certaines espèces de Pseudomonas, Flavobacterium et Achromobacter, mais aussi Listeria et
Yersinia dont nous verrons que l’implication dans des toxi-infections alimentaires peut être, au
moins partiellement, attribuée à l’usage prolongé de la réfrigération. Inversement, le maintien
d’un aliment à une température élevée a pour effet de détruire les espèces psychrophiles et
psychrotrophes et de sélectionner les microorganismes thermophiles. Du fait de la
thermorésistance de leurs spores, les microorganismes sporulés représentent un cas particulier.
Un chauffage de 30 minutes à 115°C est en général nécessaire pour les détruire. Tout chauffage
d’un aliment à des températures comprises entre 80 et 115°C sélectionne donc les espèces
sporulées dont la plupart appartiennent aux genres Bacillus (bactéries aérobies) et Clostridium
(bactéries anaérobies) (6).
Cette classification s’accompagne des variations spécifiques des courbes de croissance
expliquant l’apparition des altérations qu’ils entraînent dans les aliments où ils se multiplient.
La courbe de croissance des mésophiles est caractérisée par une phase de latence de 2 à 4 heures,
suivie par une phase logarithmique de 18 à 48 heures ; un plateau témoigne d’un arrêt puis
finalement le nombre des cellules diminue plus ou moins vite.
Chez les thermophiles, la période de latence est courte ; la phase logarithmique est brutale et la
courbe se rapproche de la verticale ; la dégénérescence est tout aussi rapide et profonde.
Pour les psychrotrophes et psychrophiles, tout est différent. La phase de latence est prolongée
durant 2 à 8 jours et plus parfois. La période de multiplication s’étale elle aussi, de même que
le plateau, pendant des mois et des années. La dégénérescence apparait lentement ou très
lentement.
On comprend dans ces conditions que les altérations des aliments dues aux themophiles,
surviennent brusquement ; un séjour de 2 ou 3 à une température convenable est suffisant pour
les détecter. Inversement, un aliment conservé à la température de réfrigération de +4 à + 6°C,
présentera lentement des modifications organoleptiques mais elles n’en seront pas, pour autant,
moins intenses (7).
1.2.3.Atmosphère (présence de gaz)
L’atmosphère, dans laquelle la nourriture est conservée, est également importante. C’est
particulièrement vrai pour des aliments emballés sous plastique, car beaucoup de films
plastiques permettent une diffusion de l’oxygène qui favorise la croissance de
microorganismes. Un excès de CO2 peut réduire le pH de la solution, inhibant ainsi le
développement microbien. La conservation de la viande dans une atmosphère riche en CO2
inhibe les bactéries Gram-négatives, en produisant une population dominée par les
lactobacilles. (1)
Références
(1) Microbiologie. L.M. Prescott, J.HP. Harley. DE Boeck & Larcier, 2003. Editions De
Boeck Université. Pour la traduction et l’adaptation française.
(2) Sécurité sanitaire des aliments. F. Borges (2013-2014). Université de Lorraine.
(3) Microbiologie alimentaire. Boudjema N. (2015-206). Université Blida 1. Faculté des
sciences de la nature et de la vie, Département de biologie et physiologie cellulaire.
(4) Facteurs de multiplication des microorganismes biotechno.fr/Facteurs-de
multiplication-des.html
(5) Physiologie microbienne. Akloul K. Département des sciences vétérinaires. Université
Saad Dahlab, Blida.
(6) Microbiologie et toxicologie des aliments. Hygiène et sécurité alimentaires. Guy
Leyral-Elisabeth Vieerling. Biosciences et techniques. Doin éditeurs, 1996.
(7) Microbiologie appliquée. Leclerc H., R. Buttiaux, J. Guillaume, P. Wattre, 1977. Doin
éditeurs.

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