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INTRODUCTION
Notre but dans cet ouvrage est de réunir, autant que faire
se peut, les données historiques et juridiques du XX' siècle
dans le domaine de la santé et de la médecine au Maroc.
Le fait de mener parallèlement et conjointement ces deux
aspects s'est imposé à nous comme un pari. Pour réussir
celui-ci, il nous fallait retenir, en dépit de l'arbitraire que
suppose tout choix, quelques axes d'accès indispensables à
la réflexion. Durant les cents dernières années, que s'est-il
passé dans le domaine sanitaire? On peut dire que le
Maroc fut un véritable laboratoire d'expérience pour toutes
les idées nouvelles en matière de santé et de médecine.
A une époque de l'Histoire, ce royaume appelé jadis,
Empire, puis Empire Chérifien, a étendu ses frontières loin
au Nord en Europe, loin au Sud dans les régions sub-
sahariennes, et loin à l'Est en Afrique du Nord. Il a forgé
sa civilisation, modelé sa personnalité et préservé ses
traditions, que le temps n'a pas trop modifiées, malgré le
progrès qu'il admet progressivement et sans trop de
résistance. Aujourd'hui, il fait place aux débats sur les
problèmes que ce progrès pose à la religion et à l'éthique,
pour promouvoir une recherche afin d'atteindre l'équilibre.
Avant l'installation de la médecine d'aujourd'hui, existait
une médecine populaire qu'on appelle traditionnelle.
Celle-ci trouve encore son soutien dans la croyance de la
population. Nombre de ses remèdes et actes thérapeutiques
sont d'une certaine efficacité. On lui reconnaît des
professionnels, une pharmacopée et même une
déontologie. Certes, elle n'a que peu de rapports avec la
médecine arabe du X siècle, transmise à l'Occident et
étudiée dans les écoles du Moyen âge. Elle conserve de
nos jours une activité plus ou moins importante selon les
régions, certainement plus dans les zones rurales que dans
les villes. Elle s'exprime uniquement sur le terrain
thérapeutique et associe la sorcellerie à la science
populaire des herbes médicinales. Elle n'est pas évincée
complètement à la fin du XX siècle par la médecine
moderne. Elle trouve encore sa place dans le système
sanitaire en raison du retard que celui-ci prend à s'étendre
et à trouver des solutions à certains problèmes de santé. Si
d'aucuns cherchent à réhabiliter cette médecine
traditionnelle, il faut reconnaître que celle-ci, continue à
compter dans la consommation médicale des ménages.
Certes, ses jours sont plus ou moins comptés, et ceux de
ses remèdes "miracles" aussi. Leur survivance ne peut
rester longtemps compatible avec la civilisation technique.
Mustapha Akhmisse, dans son dernier livre sur l'Histoire
de la Médecine au Maroc, des origines au protectorat,
rapporte que l'enseignement médical sanctionné par des
diplômes, se faisait encore à Fès dans la vieille université
Karaouiyine, à la fin du XlXe siècle.
À côté de cette médecine populaire s'est installée une
médecine nouvelle, entièrement importée d'Europe avec la
colonisation, depuis le début du siècle.
Le progrès médical de ce siècle s'est appuyé sur les
notions nées de l'ère pasteurienne.
L'évolution qu'ont connue la Santé et la Médecine au
Maroc est allée de pair avec son homologue en Europe.
Elle toucha à tous les domaines du développement et du
progrès, sans atteindre le l'expansion suffisante, et ce, en
raison des difficultés économiques. Si les contraintes
imposées par ces seules difficultés étaient moindres,
qu'aurait pu être le paysage sanitaire à la fin de ce siècle,
et qu'aurait pu être la réponse au formidable défi d'offrir à
l'ensemble des citoyens marocains l'accès au système de
santé en l'an 2000?
LA MEDECINE MILITAIRE
LES INSTITUTS
L’institut d’hygiène
Avec la mise au point sur le plan militaire des divers
services sanitaires, la nouvelle direction de la Santé
publique jugea nécessaire et indispensable de créer de
grands ensembles sous forme d'instituts nationaux.
L'Institut d'Hygiène mérite dans cette Histoire la première
place, puisque c'est à lui que va être confiée l'étude
technique des problèmes relatifs à la protection de la santé
publique. Il comprenait dès le départ:
- Une section d'enseignement qui recevait les jeunes
médecins, nouvellement arrivés au Maroc, afin de les
initier à la pathologie marocaine, de leur prodiguer
conseils et recommandations, voire compléter leur
formation, et de leur montrer la dimension importante et
spéciale de leur mission.
- Une section d'étude et de recherche avec quatre
laboratoires, pour l'anatomo-pathologie, pour la
microbiologie, pour la chimie et pour la lutte
antipaludique.
- Une section de prophylaxie pour la lutte contre le
paludisme, la tuberculose, en liaison avec la "Ligue
Marocaine contre la Tuberculose", qui associait européens
et marocains. La ligue fut fondée par le Dr Lapin en 1924.
- Une section d'hygiène scolaire créée en 1937, en accord
avec la direction de l'Enseignement, des Beaux Arts et des
Antiquités. Sa mission fut l'étude des questions d'ordre
médical et social se rapportant à l'enfance scolarisée,
l'organisation de l'inspection médicale, et le contrôle
médical de l'éducation physique et sportive.
- Des services généraux pour le recrutement des
fonctionnaires, la tenue des archives et la publication d'un
bulletin.
Notons ici, que tous les examens anatomo-pathologiques
du Maroc, se faisaient dans les laboratoires de l'Institut
d'Hygiène. Celui-ci répondait à la demande nationale
jusqu'en 1960, date à laquelle un deuxième service fut
ouvert à Casablanca, (Drs Mesbah et Mme Chorfi ). Le Dr
Bru resta le seul anatomo-pathologiste du secteur privé
jusqu'en 1970.
L'INSTITUT PASTEUR.
La Pharmacie Centrale.
DOCTEUR CRISTIANI
LA MÉDECINE PRIVÉE
Chapitre III
LA CHIRURGIE, LA MÉDECINE
Chapitre V
L'HÉRITAGE COLONIAL
LE SYSTEME SANITAIRE
Chapitre VI
LA MÉDECINE MAROCAINE AU LENDEMAIN DU
PROTECTORAT.
Chapitre VII
L'ENSEIGNEMENT MÉDICAL.
Chapitre VII
LA MUTUALITÉ AU MAROC.
Chapitre VIII
LE MALADE MAROCAIN À TRAVERS LE SIÈCLE.
Chapitre IX
LE MÉDECIN AU MAROC À TRAVERS LE SIÈCLE
Le médecin à travers ce siècle, eut des caractéristiques
différentes en raison de sa pratique, de sa mission et aussi
du progrès de la science médicale et du développement
social. Sa profession s'adapta aux changements, aux
difficultés des lieux et des périodes.
Le médecin missionnaire (1896-1912).
Depuis 1896, nous trouvons au Maroc des médecins
missionnaires. Venus comme volontaires, et de leur propre
chef, ils s'installaient pour dispenser des soins à la
population européenne qui avait élu domicile autour des
consulats ou légations à Casablanca, dans la région de
Marrakech, à Oujda ou à Tanger. Leur deuxième fonction
parfois, était de tracer des cartes, faire des relevés de
terrain, et des rapports sur la population et ses coutumes
guerrières. Ils adressaient les comptes-rendus de leur
prospection aux affaires étrangères. (Rapport de Jean
Jaurès à la Chambre le 28 Janvier 1908).
Le Dr Weisgerber avait suivi pendant six mois la mehalla
du Sultan Moulay Abdelaziz, "ses déplacements lui ont
permis de faire la connaissance du pays. Il devint un agent
d'information de tout premier ordre."
Cette mission coûta la vie à Mauchamp qui fut assassiné à
Marrakech par la population, le 19 Mars 1907. Guichard,
fut emprisonné par El Hiba avec six autres membres de la
délégation française.
Le médecin militaire. (1912-1926)
Les premiers étaient des amis de Lyautey. Appelés par lui,
de l'Algérie ou de la France, ils ne furent pas nombreux.
C'est à partir de 1918, qu'ils ont répondu à son appel pour
installer les infirmeries et travailler dans les premiers
hôpitaux militaires. C'était des fonctionnaires à plein
temps, des organisateurs avertis, et des multidisciplinaires.
Tel fut le cas de Cristiani qui faisait des consultations de
médecine générale, pratiquait la chirurgie, la chirurgie
oculaire et l'obstétrique. Certains ont donné en plus des
consultations en ville ou même ouvert des cabinets.
Ils ont continué leur mission dans les hôpitaux militaires
exclusivement à partir de 1930, ou ont accompagné les
troupes d'occupation.
Le médecin colonial. (1926-1945).
Il a remplacé le médecin militaire à partir de 1926, date à
laquelle la Direction de la Santé fut installée. Jeune,
souvent célibataire, c'est à lui que fut confiée la tâche de
l'action médicale dans la campagne, "le bled". La
prophylaxie, la médecine de masse et l'assistance à la
population constituaient sa principale occupation. Il est
reçu par le Directeur de la Santé, il est vacciné contre
plusieurs maladies, initié à sa fonction par un stage à
l'hôpital Moulay Youssef à Rabat, apprend à lire des cartes
et des lames à l'Institut d'Hygiène, assiste à quelques
interventions chirurgicales et il est envoyé dans le poste
inoccupé. La règle fut que son affectation à un poste ne
dépassait pas trois ou quatre ans.
Sa vie dans le bled était agréable et simple. Il passait son
temps vide avec les autres fonctionnaires. Il pratiquait la
chasse, et faisait des randonnées à cheval, à dos de mulet
ou en voiture, accompagné souvent des collaborateurs du
caïd ou de ses aides infirmiers. Le travail se faisait souvent
dans les souks. Il n'a jamais refusé d'aller dans les plus
humbles douars pour donner des soins. Il adorait le tapis
de la région, équipait sa demeure de fonction de mobilier
d'artisanat, de bibelots et de poteries qui avaient constitué
les objets de souvenirs qu'il a emportés à son retour.
Tous les médecins qui ont fait ce métier ont décrit leur
séjour dans la campagne marocaine, comme le plus
heureux moment de leur vie. Certains ont écrit des
mémoires (Dupuch). D'autres ont développé leur talent de
peintre ou de poète. Certains sont revenus après leur retour
en France, et furent émerveillés du souvenir qu'ils ont
laissé et de l'amitié qu'ils ont suscitée.
Le médecin" praticien". (1945-1956 J.
Au lendemain de la deuxième guerre mondiale, une autre
génération de médecins a pris place, avec l'afflux des
immigrants. Eric Labonne annonça sa volonté de
construire plus d'écoles et d'hôpitaux. Le Maroc allait
connaître la plus formidable reprise économique. L'emploi
se développa, la fonction publique s'étoffa. Le nombre de
médecins augmenta chaque année jusqu'à dépasser le
millier. Le secteur public et le secteur privé se partageaient
également leurs effectifs. Les médecins étaient partout les
bienvenus. Ces nouvelles donnes engendraient une
situation nouvelle. Les nouveaux venus voulaient "gagner
leur vie". "Ils ont "pratiqué".
Les médecins de la génération précédente étaient encore
là. Ils veillaient au grain. Ils ont accueilli quelques uns
dans leur cercle et ont tenu les autres à une certaine
distance. Le Dahir de 1934, réglementant l'immigration,
s'appliqua avec plus de rigueur dans le domaine médical.
Le Dahir de 1949, révisa celui de 1941, pour restructurer
l'Ordre des médecins, dont les élus allaient être longtemps
les mêmes (Ponsan, Callandry), ceux-là qui ont défendu
d'une façon assidue et acharnée les idées d'un
corporatisme vigilant. Le Résident Général signa l'Arrêté
du code de déontologie, qu'ils ont élaboré (1953). Le
"Maroc Médical", journal de la vieille garde, produit des
numéros sur l'histoire de l'œuvre médicale accomplie et
d'initiation à la pathologie médicale du Maroc, à l'intention
des nouveaux qu'on ne pouvait plus former et initier
individuellement comme on le faisait auparavant. Le
médecin qui était une "nécessité", participant à toutes les
actions, devait négocier sa place et celle de ses groupes
avec les responsables. Les dossiers sur le devenir de la
médecine du travail, de la médecine d'entreprise, celle des
offices et des mutuelles, montrent leur souci constant
décrit, en détail dans les bulletins de l'Ordre.
Chapitre X
LA PRATIQUE MÉDICALE AU MAROC A TRAVERS
LE SIECLE
La pratique a une histoire, parce qu'elle s'est adaptée. Elle
a évolué. Elle a transformé les mœurs des médecins qui
ont exercé et quelque peu, celles de la population qui en a
bénéficié. Elle a évolué surtout en raison du progrès, de
ses rapports avec les mythes, les traditions, la religion
musulmane, l'éthique, et le fait social.
C'est à la fin du XVIIIe siècle, que la notion de santé
publique, s'imposa en Europe. Johann Peter Frank (1779-
1819), le lausannois, créateur de l'hygiène publique,
aborda tous les problèmes de la santé, et depuis, des
médecins se sont employés à la diffuser dans le peuple. A
cette époque aussi, la prophylaxie commença par
l'apparition de la vaccination de Jenner (1796).
Le XIXe siècle, fut en Europe l'ère du développement de
ces notions. Il enregistra le résultat de leurs effets sur la
santé des hommes et de la population.
La France s'installa au Maroc avec la notion de santé
publique et de la médecine occidentale, pour lesquelles
elle recruta les hommes et installa les moyens. Il lui a fallu
une quarantaine d'années pour développer une œuvre
"complète" dans le domaine sanitaire, en multipliant ses
aspects les plus divers. Le progrès médical toucha en
valeur tous les aspects de la pratique, et parfois dépassa en
audace la pratique en Europe. L'entreprise sanitaire neuve,
bénéficia des récentes nouveautés.
Ce siècle aura donc vu deux pratiques médicales.
La pratique des médecins pionniers européens. Elle était
indépendante, et avait un aspect devenu classique en
Europe, et un aspect novateur appliqué à une population et
à une société qui ignoraient son organisation et ses effets.
La pratique héritée par le Maroc indépendant, qui fut
adaptée peu à peu aux exigences politiques, sociales,
économiques, éthiques et religieuses. Sans affirmer que la
pratique médicale ait eu une césure derrière elle, on peut
dire que l'indépendance s'exprima d'une façon nuancée,
envers l'héritage colonial. ''L'élite bourgeoise", qui a agi
sur le plan administratif, sur le plan de la pratique
médicale, au sein des structures étatiques ou du privé fut
profondément libérale. "Ce qui avait de la valeur pouvait
s'imposer et continuer à exister".
Est-il absurde de se demander :"qu'aurait été la situation
sanitaire si l'expérience du début du siècle n'eut pas lieu?".
Au début du protectorat, la population vivait à la
campagne dans les proportions de 90%. Elle le faisait
surtout dans des villages, appelés douars, habitat simple
fait de noualas et de pisé. Les médecins n'apparurent, sous
leur vrai jour, qu'à partir de 1920. Ils commencèrent à se
donner les moyens de leur pratique dans des conditions de
pénurie à bien des égards. La médecine avait ce caractère
pratique, et ne prétendait pas faire une recherche clinique,
malgré les velléités "scientifiques" de certains, très tôt
exprimées. Devant la maladie et les épidémies, il n'y avait
pas beaucoup de différence entre eux et leurs malades,
certains sont morts, dans la bataille qu'ils ont livrée aux
maux, qu'ils combattaient (le typhus). La gratuité des soins
dispensés réalisait des rapports particuliers entre eux et
leurs patients, aussi bien à la campagne que dans les villes.
Les médecins du secteur libéral offraient l'exemple type de
médecin de famille apprécié pour ses qualités
professionnelles et ses conseils dans toutes les
circonstances de la vie. A la campagne et en ville, ils se
déplaçaient pour aider à un accouchement dystocique, ou
visiter aussi bien les humbles que les notables, avec qui ils
avaient des relations appréciées de part et d'autre. Les
malades en étaient honorés et fiers et les médecins étaient
sensibles et reconnaissants dans leur modestie. En ville,
les médecins femmes avaient leurs familles bourgeoises,
dont elles dirigeaient les accouchements, et soignaient à
domicile les enfants. Tous les médecins faisaient des
visites à domicile. Les "diffas" auxquelles ils étaient
conviés, après le succès d'une intervention ou une
guérison, scellaient des rapports amicaux et de
reconnaissance, même si les honoraires avaient été payés.
Ont-ils pour autant connu la prospérité par l'addition de la
petite monnaie rassemblée durant une longue carrière de
médecins ou chirurgiens en renom? Ils n'ont pas été riches,
et beaucoup ont connu des difficultés après leur retraite.
L'action de la prophylaxie de masse avait besoin de l'aide
de l'autorité. Elle se pratiquait, régulièrement à la
campagne le jour des souks, intensément dans les périodes
d'épidémies, et en ville, quartier par quartier. Hier et
aujourd'hui, les actions de masse, même acceptées, étaient
soupçonnées d'avoir une mauvaise intention, les récentes
campagnes de vaccinations furent accusées d'avoir été
faite pour "stériliser nos femmes".
La médecine moderne, "européenne", était considérée
comme un don particulier de "l'eurobbi". Elle fut celle des
"yeux bleus", jusqu'aux années soixante.
La société marocaine laissa faire les médecins sans
intervenir. Un accoucheur, réputé et adroit à Casablanca
(le Dr Burou), faisait au su et au vu de tout le monde, des
interruptions de grossesses, à une période où ces
opérations étaient interdites en France. Aucune autorité,
aucun Ordre, personne ne porta plainte contre lui. Le
même accoucheur avait mis au point une intervention pour
transsexuels qui faisait courir des candidats de par le
monde entier. Cette pratique fut l'objet d'un roman de Guy
des Cars. Il y a décrit ses rapports avec "sa clientèle",
l'itinéraire qu'elle devait prendre, et toute l'organisation à
respecter.
Le texte de loi organisant la pratique médicale, paru après
l'indépendance, assimile l'herboriste aux professionnels de
santé. Il a soumis à la même réglementation tout
producteur de soins. La tâche du médecin ne sera plus
désormais la médecine mais l'exercice de la profession
médicale, peu à peu menacée dans son indépendance. Le
praticien ne sera plus son maître dans son exercice.
L'évolution et le progrès imposent de nouveaux outils,
qu'on appelle l'équipement lourd. Celui-ci devient
nécessaire presque à toute investigation, et on ne peut pas
le déplacer."Est-ce que l'accès aux soins veut dire que le
médecin doit aller vers le malade, ou c'est le malade qui
doit aller vers le médecin?" demande un journaliste,
en1988. Les visites à domicile devenaient rares, et la
population se plaignait de ne pas trouver de médecin la
nuit et les jours fériés.
On évalue l'action du médecin dans tous ses lieux de
pratique. A l'hôpital, au dispensaire, au cabinet, dans les
cliniques. Sans connaître réellement le service médical
rendu, on veut savoir et savoir plus. Les connaissances des
patients ne sont pas toujours nulles. Le nomadisme
médical s'organise. On vient de loin quêter les bons soins,
et on se déplace facilement à l'étranger. L'âge de la
thérapeutique, auquel on est arrivé, fait réclamer le "bon
médicament", sinon le "meilleur", comme un bien auquel
on peut concéder tous les sacrifices. Les soins font l'objet
de tarification, de conventions, de prise en charge, de tiers
payant, de contestations, de comparaisons et de médecine
à "deux vitesses".
On fiscalise les plaques, on paie des patentes, on paie des
TVA. "La médecine ne peut être pratiquée comme un
commerce!", disent encore les textes. La publicité prend
dans le domaine de la pratique médicale les allures
déguisées "de l'information".
De nos jours, le consommateur, le politique, la société, le
producteur et l'administration ont à l'égard des soins une
stratégie propre et un angle de vue différent.
Du point de vue du consommateur, la médecine et les
soins sont chers et le deviennent de plus en plus en raison
de leur qualité qui augmente par la compétence et l'outil.
La médecine artisanale, qui s'offre encore à lui
aujourd'hui, n'est pas suffisante. La médecine mécanisée,
technicienne, sophistiquée et disponible, est au-dessus de
ses moyens. Elle déclenche chez lui le réflexe du refus de
son prix. Il s'en plaint auprès de tous. Il se soigne quand la
maladie se déclare et évolue vers les complications.
Beaucoup de malades laisseront cette évolution se faire
pendant les périodes de crises.
Du point de vue du politique, les soins sont abandonnés à
la logique du marché et tendent à évoluer dans leur qualité
et leur prix à la tête du consommateur. L'opinion pense
qu'il existe déjà une distorsion entre l'offre jugée
disproportionnée et la demande solvable qui baisse.
Depuis quelques années, quelques établissements de soins,
plus grands, plus équipés, répondant à l'urgence, ont vu le
jour. Avec eux, apparaissent des notes de frais importantes
qui étonnent tout le monde.
Du point de vue de la société, le problème des soins est
urgent à résoudre. Selon elle, tout le monde est
responsable des difficultés qu'il engendre. Elle exprime sa
colère, en mettant tout le monde dans le même sac: le
politique, l'administration, le système sanitaire, le
médecin, les mutuelles et les assurances. Aller à l'hôpital,
c'est attendre avant d'y accéder et attendre à l'intérieur.
C'est payer directement, ou souvent indirectement. L'Etat
providence et la gratuité des soins, divinité gémellaire qui
a.la vie dure, ressemblent à des légendes qu'il faut oublier.
Du point de vue du tiers médiateur, à savoir les mutuelles,
les assurances, les entreprises, les honoraires et les prix
des soins doivent s'aligner sur des conventions au rabais et
au forfait.
Du point de vue des producteurs, les soins sont entrés dans
une phase de crise jamais vue. Ils ne savent que faire. La
recherche des solutions ne les mobilise pas au delà de
l'effort de casser les prix que font certains ou d'augmenter
les leurs que font les autres. Pris entre le coût de la
médecine et la faiblesse du pouvoir d'achat de la
population, leurs revenus baissent et certaines de leurs
entreprises périclitent.
Le nombre entraîne l'hétérogénéité. La société a offert aux
médecins de nouveaux postes de pratique.
A côté des praticiens indépendants qui sont des
généralistes et des spécialistes, il y a des médecins dans
les hôpitaux, des chercheurs, des enseignants, des
fonctionnaires dans les administrations, les communes, les
entreprises, les cliniques des mutuelles et des caisses
(CNSS), les assurances, l'Ordre, Il y a aussi les médecins
du travail, les coopérants, les médecins attachés aux
laboratoires pharmaceutiques, les médecins conseils, les
contrôleurs et depuis peu les médecins journalistes.
Chapitre XI
BREVE HISTOIRE DU MÉDICAMENT.
Nous ne parlerons que du médicament relevant de la
thérapeutique moderne. Les produits de la médecine
populaire, que d'aucuns cherchent à réhabiliter, ceux des
herboristes, même soumis à la réglementation du Dahir de
1960, nous sont inconnus. Certes, ils ont existé avant le
protectorat et continuent à exister. Les plantes aromatiques
et médicinales du Maroc ont fait l'objet d'un colloque
international qui s'est tenu à Rabat le 15-16-17 Mai 1984.
De ce colloque nous apprenons que le nombre de plantes
médicinales et aromatiques, disponibles au Maroc et
économiquement exploitables, à plusieurs centaines
d'espèces, 600 environ, parmi lesquelles quelques dizaines
seulement sont effectivement exploitées, dans des
conditions souvent artisanales et ignorant tout des
modalités modernes de production, de commercialisation
et de valorisation.
La médecine homéopathique a eu un regain d'intérêt
auprès de certains médecins, depuis 1987, et avait dans les
années trente, ses médecins adeptes.
C'est Samuel Hahnemann qui la créa à la fin du XVIIIe
siècle. La méthode thérapeutique, qu'elle propose, offre
des produits à dose infinitésimale qui "obtiendrait le
maximum d'effet".
Jusqu'en 1960, les médicaments, destinés à la
thérapeutique moderne, étaient importés et distribués par
des pharmacies de première classe, seules habilitées à
vendre le médicament.
L'installation d'une pharmacie par un pharmacien diplômé
se faisait sur autorisation spéciale de la Résidence
Générale. On retrouve déjà, à la fin des années trente, des
refus d'autorisation à l'intérieur de la ville de Casablanca.
L'autorisation ne fut octroyée que pour les nouveaux
quartiers.
A la faveur de la liberté à l'importation, des avantages
fiscaux et d'une main d'œuvre bon marché, des comptoirs
pharmaceutiques se sont multipliés, surtout pendant et
après la deuxième guerre mondiale. Les velléités des
promoteurs de l'époque, étaient de couvrir à partir du
Maroc, l'ensemble de l'Afrique et de l'Asie.
Dix mille spécialités se vendaient au Maroc. A Tanger,
zone internationale, on en trouvait quatre vingt mille.
A la fin du protectorat, on comptait 362 pharmacies avec
133 à Casablanca, dont 45 étaient tenues par des
marocains."
Après l'indépendance, et surtout depuis 1965, commença
l'ère de l'industrie pharmaceutique, avec la fabrication des
pommades, des suppositoires, des comprimés, des sirops
et des solutés. Les formes injectables ne sont devenues
obligatoires, qu'à partir de 1976. A cette date, une
réglementation stricte fut établie pour l'autorisation du
débit d'une spécialité.
La distribution connut des difficultés dans la phase de
transition au lendemain de l'indépendance. L'enseignement
de la pharmacie apporta partiellement la solution à la
diffusion du médicament, mais n'empêcha pas les
nécessaires dépôts pharmaceutiques qui sont encore au
nombre de 350 actuellement.
L'Institut Pasteur, fut doté d'une nouvelle personnalité
civile et une autonomie financière depuis le Décret Royal
du 23 Juin 1967. La décision par Décret Royal (W 175-66)
de changer son nom, en Centre des Sérums et Vaccins fut
abrogée par un autre décret. Aujourd'hui, la fabrication des
vaccins est limitée aux vaccins cholérique et tétanique, et
aux sérums thérapeutiques anti scorpionique et
antitétanique. Son activité est axée depuis 1990 sur la
recherche dans le domaine du Sida, la rage, l'hépatite et les
examens de biologie pour tout venant.
La fabrication des médicaments au Maroc, sous
l'impulsion de l'activité privée, satisfait depuis quatre
années 80% des besoins de la population. Elle a toujours
été tributaire des matières premières importées. C'est une
industrie de transformation qui couvre toutes les formes de
présentations.
La consommation du médicament a atteint peu à peu les
45, voire les 52% du total des dépenses de santé. Le
médicament destiné aux maladies infectieuses a été, au
cours de ce siècle, le plus consommé. L'automédication, le
conseil pharmaceutique, le renouvellement de certaines
prescriptions, sans avis médical, ont atteint selon certaines
enquêtes (séminaire sur l'accès aux soins 1988), près de
cinquante milliards de centimes. Néanmoins, si la
consommation du médicament est en constante
augmentation au Maroc, elle demeure en volume une des
plus réduites du monde.
Le discours politique et social incrimine, depuis quatre
années, la cherté du médicament. Des congrès, des
séminaires ont examiné les problèmes qu'il pose et ont
proposé des recommandations afin de dégager une
nouvelle politique le concernant. Des essais de baisser son
prix (Pr Harouchi), de favoriser le commerce des
génériques, et de faire admettre l'idée des produits
"essentiels '', à l'ère de la politique de l'accès aux soins,
portent à croire qu'une éthique et une déontologie
s'imposent, afin d'enrayer "l'orgie des médicaments ''.
Néanmoins, la recherche de la réalité du prix du
médicament, face à l'accès aux soins, et le développement
recherché de l'industrie pharmaceutique montre que les
marges de manœuvre sont très limitées. Le dilemme se
situe dans la réduction de son prix et la mise en péril de
cette industrie.
Chapitre XII
LES SOCIÉTÉS SAVANTES.
Ce sont des groupements de médecins, qui ont été créés
pour l'échange de l'expérience acquise, la recherche
clinique, la mise en valeur de la pathologie spécifique
d'une période, et la formation médicale continue. Très tôt,
en 1924, fut créée la Société de Médecine et d’Hygiène du
Maroc sous l'impulsion d'Emile Speder et d'Eugène
Lepinay. Elle réunissait des médecins, des vétérinaires,
des pharmaciens et des chimistes,"
Cette création fut suivie de l'organisation des Premières
Journées Médicales Marocaines, sous le patronage du
Maréchal Lyautey (1924), et des Deuxièmes Journées
Médicales et Vétérinaires en 1928.
C'est en 1936, que fut organisé le Congrès sur l'amibiase,
présidé par Chirey. Ce congrès marqua une date dans
l'histoire de cette parasitose par le bilan fait.
Le bilan de ces journées et congrès a poussé Speder à
envisager une formule d'enseignement postuniversitaire
autour de son journal, le Maroc Médical. Celui-ci organisa
plus fréquemment, et surtout après la deuxième guerre
mondiale, des rencontres et des colloques. Y ont siégé et
collaboré de grandes figures, Georges Blanc de l'Institut
Pasteur de Casablanca et Remlinger de l'Institut Pasteur de
Tanger.
En 1955, furent organisées les Troisièmes Journées
Médicales du Maroc avec le Professeur Santy. Les
Quatrièmes Journées Médicales marocaines ont été
placées sous le Haut Patronage de S.M. Mohammed V et
la présidence du professeur Jean Lépinay. Les Entretiens
de Bichat furent organisés à Casablanca, deux années de
suite, en 1959 et 1960. Sous la présidence du Pr Besançon
puis du Pr Brouet, Doyen de la Faculté de Médecine de
Paris.
A cette période. la Société de Médecine s'activait peu. Les
présidents élus à sa tète furent les collaborateurs du
journal le Maroc Médical. Celui-ci se substitua à elle en
concentrant l'action autour de lui jusqu'en 1960, date à
laquelle les docteurs Driss Kabbage et Hassan Lahbabi
relancèrent la Société de Médecine et créèrent la Société
Marocaine de Chirurgie dont ils assurèrent le secrétariat
général.
Le Maroc Médical, dirigé par le Dr J. Chenebault, depuis
1956, monopolisait l'activité scientifique et publiait en
plus le Maroc Chirurgical, avec une couverture rouge. Il
refusa de marocaniser sa direction et accepta le retrait des
Marocains du comité scientifique.
En 1965, après un colloque de chirurgie tenu avec Goinard
d'Alger à l'Hôtel d'Anfa, (aujourd'hui disparu), furent
organisées les premières journées Médicales Maghrébines
à Casablanca. Depuis cette date, l'activité scientifique se
concentra sur les réunions maghrébines, qui se tinrent
régulièrement chaque année, à tour de rôle dans chaque
pays de l'Afrique du Nord, sous l'égide des Sociétés de
Médecine et de Chirurgie du Maroc, l'Union des Médecins
Algériens et la Société des Sciences Médicales de la
Tunisie.
En 1971, de la fusion des deux sociétés marocaines est
née, à l'instar des deux autres pays du Maghreb, qui
n'avaient qu'une société, la Société Marocaine des
Sciences Médicales, (SMSM). Celle-ci présidée par le
Dr.Driss Kabbage, organisa le premier Congrès Médical
Maghrébin à Casablanca. Les premiers initiateurs de ces
rencontres, en Algérie, furent Mme Benallague, Jilali
Larbaoui et Bachir Mantouri, et en Tunisie, Mahmoud
Bennaceur, Said Ben Ayed, Najib Morali et Said Mestiri.
En 1973, les statuts de la Société Marocaine des Sciences
Médicales furent modifiés pour créer deux sections, une à
Casablanca et l'autre à Rabat. La présidence de la société
fut assurée, à partir de cette date et jusqu'en 1977, par le
Dr Ghoti, tandis que la présidence du congrès maghrébin
fut assurée successivement, quand le tour du Maroc
revenait, par la section de Rabat (le Pr A.Diouri en 1974),
puis par la section de Casablanca (le Dr Ghoti en 1977)
De 1978 à 1980, la S.M.S.M. fut dirigée par le Pr
Benchekroun qui organisa le Congrès de médecine arabe,
et collabora à la création du premier dictionnaire médical,
français, anglais, arabe en 1983. Une autre modification
des statuts eut lieu en 1980, instituant l'élection du
président national de la société en assemblée générale.
Cette dernière modification mit fin aux sections. Furent
élus présidents, depuis, les Prs Ali Maaouni (1980-1986),
Abdelkrim Bennis (1986-1992) et Moulay Ahmed Iraqi
(depuis 1992).
Des sociétés de spécialités se sont créées depuis 1980.
Elles se multiplièrent, comme filiales de la SMSM. Elles
ont tenu, les premières années, des congrès et multiplié les
manifestations scientifiques.
En 1994, on dénombrait 97 groupements médicaux pour la
formation médicale continue au Maroc.
La SMSM, organisa en plus avec le Pr. Maaouni qui en fut
l'initiateur, le Congrès national de médecine. Celui-ci se
tient, depuis 1981, chaque année dans une ville différente
du royaume, et traite depuis 1985 d'un thème général
socio-économique. (Quelle Médecine demain pour le
Maroc? Le Coût de la Santé. Hospitalisation et
Humanisation. Le Médicament. L'Economie de Santé...)
Toutes ces manifestations se sont tenues sous le Haut
Patronage de S.M. le Roi Hassan II.
Les congrès médicaux maghrébins et les congrès
nationaux sont devenus une tradition qui dure depuis un
quart de siècle.
Depuis deux décennies, le Maroc a accueilli plusieurs
congrès médicaux internationaux, associant plusieurs pays
d'Europe, d'Amérique et du pourtour de la Méditerranée
(Dr Occelli). Il a accueilli l'Académie Française de
Chirurgie et établi des relations cultuelles et scientifiques
médicales avec les sociétés savantes d'Espagne.
Comment ne pas évoquer le ministre d'Etat, Moulay
Ahmed Alaoui? Il a assisté à tous les congrès médicaux
sans exception depuis 1965. Il a fait écho à toutes les
revendications des médecins. Les réunions scientifiques
ont pris en charge la formation médicale continue. (1980),
devenue à la mode depuis le débat qui s'est engagé autour
de la médecine, face à son progrès projeté à toute vitesse
vers l'avenir, et autour des médecins, appelés à véhiculer
dans la société ce progrès. La formation médicale continue
relève de tous, dit-on, maintenant: des sociétés, des
associations, des syndicats, surtout dans les villes,
enlevant ainsi le monopole à Casablanca et à Rabat qui le
tenaient depuis longtemps, des amicales, des collèges de
spécialistes, des services, des médecins en renom et même
de personnes sans rapport avec la profession.
LA PRESSE MEDICALE SCIENTIFIQUE AU MAROC.
La presse médicale a été l'expression fidèle des activités
du corps médical depuis le début du siècle. Sur le plan
scientifique, elle débuta en 1920 avec l'Union Médicale de
Casablanca qui créa le journal, le Maroc Médical. Les
difficultés de la naissance n'ont pas empêché, après des
hésitations qui ont duré un an, de reprendre en 1921 et
continuer de nos jours. Elle s'appuya pendant un demi-
siècle sur le même organe, le "Maroc Médical", qui publia
cinquante ans durant, plus de 500 numéros. La durée de ce
journal, le rythme régulier de sa parution, légèrement
ralenti par l'époque trouble de la deuxième guerre
mondiale, témoignent de la volonté tenace de celui qui l'a
pris en main à sa première année, et de ses comités
organisateurs et scientifiques. Emile Speder, que nous
avons cité plusieurs fois, fut le maitre d'œuvre de ce
journal, à la destinée duquel, il a présidé vingt sept ans,
depuis 1921. Il ra fait d'abord seul, puis fut aidé par le
dermatologue Eugène Lepinay. Celui-ci en continua la
direction après la mort de Speder en 1948. En 1950, le
Maroc Médical continua à paraitre sous la direction de
Mlle Faivre qui fut son administrateur-gérant, depuis
1932. En 1956, sa direction fut assurée par J.Chenebault,
qui lui donna un second souffle de vitalité. Ce journal
accompagna fidèlement l'activité des médecins et de la
Société de Médecine et d'Hygiène du Maroc. Il fut l'écho
de travaux nombreux et devint le centre de la formation
postuniversitaire par l'organisation des colloques et des
conférences. Il institua en 1953, un prix de thèse annuel,
pour récompenser la meilleure thèse faite par un interne
des hôpitaux du Maroc, sur un sujet de pathologie
marocaine. Les locaux de ce journal, devinrent un foyer
fréquenté par les médecins. Ceux-ci y trouvaient de
nombreux ouvrages et plusieurs revues spécialisées
françaises et étrangères. Le journal" Maroc Médical" fut
repris, après le départ à la retraite du Dr Chenebault, par le
Pr Abdelkader Tounsi. Celui-ci continue à le maintenir en
vie, mais il n'a plus la vitalité d'antan.
11 fut peut-être victime de sa direction d'origine, qui
refusa de marocaniser ses cadres en 1964. Le devenir de
ce prestigieux journal fut le même que celui d'autres
journaux médicaux qui lui ont succédé. Leurs promoteurs
les considéraient comme leur propriété privée. Ils sont
parti à vau-l'eau avec le changement. Les médecins
marocains ont créé le Journal de Médecine du Maroc
(Acquaviva, Benacerraf, Bennani, Ghoti, Kabbage). Ce
journal parut quinze ans, publia régulièrement les travaux
des sociétés de médecine et de chirurgie, ceux des
journées médicales maghrébines et ceux des premiers
congrès médicaux maghrébins. 11 a disparu en 1979, après
le départ des médecins à temps partiel qui en assuraient la
publication. Sur l'initiative des enseignants de Rabat fut
créé le journal "les Annales Médico-chirurgicales
d'Avicenne" (Alami Taya, Alaoui Belghiti), qui dura
quelques années, et sur l'initiative des enseignants de
Casablanca fut créée la revue Marocaine de Médecine et
Santé en 1978. (El Jaï, Benchemchi, Bennani Smirès,
Harouchi, Nactrt), Cette revue tient la route depuis sa
naissance et maintient sa qualité. Elle a augmenté son
tirage. D'autres revues d'apparition récente, naissent
depuis 1990: le bulletin de la SMSM (l989), l'Espérance
Médicale, le bulletin de l'Institut Pasteur, la Revue de
Epidémiologique (Akalay), l'Objectif Médical et la Revue
Maghrébine de Psychiatrie.
Chapitre XIII
LES RESPONSABLES DE LA SANTÉ AU MAROC.
La création des services de santé et de la médecine
moderne au Maroc fut, comme nous l'avons dit, l'œuvre du
protectorat français et subsidiairement du protectorat
espagnol dans le nord et le Sud du pays. Après
l'indépendance, l'Etat marocain a maintenu l'organisation
héritée du protectorat français et l'a étendue peu à peu aux
régions récupérées sous domination espagnole et à la
région internationale de Tanger.
Au temps du protectorat existait une co-administration
centrale. Celle du Résident Général et celle du Makhzen
Chérifien, avec à sa tête le Sultan et quelques vizirs, dont
le nombre était réduit au départ, au grand Vizir qui
disposait par délégation du Sultan d'une compétence
administrative et réglementaire générale, au vizir du
Habous et au vizir de la Justice. En 1947, deux autres
vizirs sont venus s'ajouter aux trois autres: le vizir de la
Maison impériale et le naib viziriel de l'Enseignement. En
1953, on a vu apparaître deux autres vizirs, rattachés au
grand Vizir, pour les questions administratives et pour les
questions économiques. A côté des viziriats, le protectorat
avait créé des directions qui correspondaient à des secteurs
ignorés de l'administration traditionnelle, dont la direction
de la Santé. A la fin du protectorat, Celle-ci eut un vizir
délégué en la personne du Dr Terrab.
La technocratie régna dans le domaine sanitaire au temps
du protectorat.
Rappelons que la première organisation fut décidée à
l'initiative du Maréchal Lyautey qui appela, installa les
premiers responsables et dicta les premiers règlements. A
la première organisation militaire, qui dura quatorze ans,
succéda une direction civile, mise en place en 1926, dans
la capitale de l'Empire Chérifien du Maroc, Rabat. L'ère de
la Direction de la Santé dura trente ans jusqu'en 1956.
Quatre directeurs ont fait l'essentiel dans cette
administration. Ils y sont restés jusqu'à leur retraite. Ce fut
le cas des trois premiers: Jules Colombani, Maurice Gaud,
et Maurice Boujean. Après leur retraite, ils ont continué
leur vie au Maroc jusqu'à leur mort, survenue parfois vingt
ans après (J.Colombani). Le Docteur Sicault passa la main
au premier ministre de la Santé, le Docteur Faraj et quitta
le Maroc pour diriger l'UNICEF. Ces quatre responsables
furent des commis avertis des affaires sanitaires. Ils ont
passé le plus clair de leur temps dans l'administration.
En quarante ans, l'Etat marocain nomma successivement
jusqu'en 1994, onze ministres. Ceux-ci furent tous
médecins, sauf Taieb Bencheikh qui est économiste. Les
nécessités de la politique, le critère de l'ancienneté, la
brièveté des premières formations gouvernementales,
parfois les dosages politiques furent les raisons du nombre
important des ministres depuis l'indépendance.
Les ministres ont appartenu à des secteurs de pratique
différents: le secteur public, le secteur de l'enseignement
médical ou le secteur privé.
Personnalités en vue, quand elles furent appelées à leur
mission, elles ont obéi à une idée directrice: améliorer
l'état de santé du pays et de ses habitants. L'Histoire
montre que les premiers avaient le souci de préserver
l'héritage et de conserver la "maison debout". Les
problèmes du personnel, ceux de la gestion des structures
ainsi que ceux de la prévention furent l'essentiel de la
politique qu'ils ont menée. Ils ont eu aussi les velléités
d'avoir une vision globale de la situation sanitaire. Très
tôt, l'action sanitaire fut divisée et répartie entre six
ministères, pour laisser au département de la santé, la
gestion des structures, la prévention, la Pharmacie
Centrale et l'assistance sociale. Par ailleurs la santé
publique sembla au fil du temps occuper un rang modeste
dans la hiérarchie des soucis de l'Etat. Son budget fut de
7% en 1970 et tomba à moins de 5% Après 1975. Après
1980, l'annonce de la politique de la santé pour tous, avait
laissé croire (R.Rahhali) à un nouveau programme et à une
nouvelle orientation; puis la politique de l'accès aux soins,
soutenue par Mr Taieb Bencheikh et le Pr Harouchi,
proposa, par la recherche dans le développement des
assurances maladies, une solution financière aux soins.
Ces grandes idées ne furent pas simples, ni faciles à faire
admettre par tous.
Finalement, tous les ministres ont laissé l'impression
d'avoir essayé de gérer les structures et ont ajouté dix mille
lits aux structures héritées. La gestion des structures
sanitaires, certes, est encore préoccupante, et ne semble
pas avoir trouvé sa meilleure formule.
Le 26 juin 1994, fut organisée (Pr Harouchi) une journée
nationale autour du thème: politique de santé et gestion.
Devant les réalités pugnaces, les questions furent simples,
mais les réponses ne le furent pas.
L'Histoire montre que certains ministres ont multiplié les
rencontres de réflexions en associant les partenaires
intéressés et les professionnels de santé, et d'autres se sont
réfugiés dans le silence.
A côté des ministres, il y a une administration faite de
chefs de services centraux et d'inspecteurs. Cette
administration est sensée appliquer l'action qui fut toujours
centralisée. L'Histoire montre aussi qu'avec l'arrivée de
chaque ministre beaucoup de responsables administratifs
sont changés. D'autres regagnent de l'intérêt ou le perdent.
Le renouvellement au niveau des cadres préfectoraux et
des grandes formations hospitalières, s'opère aussi avec
chaque ministre.
Les rapports avec le secteur privé ont été de pure forme.
Ce secteur ne fait pas partie de la sphère d'influence du
Ministère de la Santé, malgré le désir qu'il a toujours
manifesté d'apporter, sans le pouvoir, sa contribution à
l'œuvre de celui-ci.
Ont été ministres de la Santé Publique et successivement
de 1956 à 1994, Abdelmalek Faraj, Youssef Belabbès,
Abdelkrim El Khatib, Larbi Chraibi, Abdelmjid Belmahi,
Abderrahmane Touhami, Ahmed Rarnzi, A.Touhami
(deuxième fois), Rahhal Rahhali, Taieb Bencheikh,
Abderrahim Harouchi.
Chapitre XIII
LA MÉDECINE MODERNE FACE À L'ÉTHIQUE ET
LA DÉONTOLOGIE.
Voilà une médecine qui a pris une forme classique. Elle a
pris aussi une forme personnalisée, rejoignant son ancêtre
la médecine arabe, nourrie de la science d'Hippocrate et de
Galien, en adaptant lentement à une société islamique
l'éthique et la déontologie hellénistique reçues de l'héritage
colonial européen.
Elle a ses responsables, son personnel, ses producteurs et
ses problèmes du présent et de l'avenir.
"La science 'nécessite de la création et de l'invention, mais
la religion rappelle d'une façon répétitive la discipline
requise par ses normes fondamentales". (M. Chebel)
La médecine marocaine, élevée par une nourrice
étrangère, fut indépendante et libérale. Elle ne se soucia
pas dans sa jeunesse des notions de contraintes. Le
médecin marocain s'éduqua à son école, et prit cet aspect
"bifide", moitié respectueux des dogmes et règles, moitié
irrévérencieux, curieux, et scientifique". Il appliqua les
possibilités de son art. Il a recréé dans son domaine le
contraste, avec les handicaps qu'il provoque, entre la
science et la religion, comme l'ont fait aussi ses ancêtres
médecins arabes, il y a plus de huit siècles. Avicenne n'a
peut-être pas fait des avortements, mais il a décrit les
multiples procédés pour empêcher les grossesses.
Si nous parlons de l'éthique et de la déontologie dans cette
Histoire, c'est qu'elles ont animé un débat médical en leur
nom au Maroc, pour aider à trouver des solutions à
l'adaptation nécessaire aussi bien à la crise née de
l'incontournable respect des valeurs, qu'à la crise des
moyens.
"Nous sommes convaincu que vous détenez une grande
part de sagesse et que par l'exercice de vos responsabilités
humaines et professionnelles, vous vous attacherez
davantage aux préceptes de l'Islam, aux valeurs humaines
et à l'égalité qui doivent prévaloir dans ce domaine plus
que dans d'autres" (S.M le Roi Hassan II, 5 septembre
1985).
L'éthique et la déontologie sont deux domaines différents
que beaucoup ont confondus, juxtaposés, ou rapprochés.
Les américains parlent des éthiques.
Limitons nous à dire que, jusqu'en 1990, le débat avait
porté au Maroc, mais de loin, sur les grands problèmes nés
des grands progrès scientifiques et techniques, sur les
risques d'eugénisme et de déviationnisme et sur le
détournement du progrès technique destiné au bien pour
faire le non admis. Parfois, à leur sujet, religion, morale,
droit ont été interrogés, (Conférence sur l'Islam et la
planification familiale de Rabat, Décembre 1971). Les
réponses n'ont pas été univoques et ont montré deux
difficultés: la difficulté d'interprétation et la discordance.
A défaut d'une réponse claire on évoqua la nécessité de
mettre en place "une autorité de sages", habilitée à éclairer
et aider à prendre des positions. La Faculté, puis l'Ordre,
se posèrent comme candidats à cette mission sans jamais
pouvoir en être investis. Les connaissances acquises par
les hommes entraînent en évoluant l'évolution des mœurs.
Les lois évoluent aussi mais lentement, car le droit ne
prend en compte qu'avec retard le capital culturel et
sociologique. C'est seulement lorsque la nouveauté s'est
revêtue d'une certaine permanence que sa traduction dans
les textes peut être utilement envisageable. (Jean Bernard,
Académie Royale du Maroc).
Au Maroc, pays de tradition musulmane et de rite
malékite, les textes religieux gouvernent la morale et le
droit, ce qui laisse peu de place au débat "ouvert" sur
l'éthique. Si la commission d'éthique et de la déontologie
de l'Ordre National siégea six mois pour en débattre, elle
n'a pas discuté des grands problèmes. Elle apporta
quelques retouches au code de déontologie et proposa pour
celui-ci un texte, neuf ans après, au conseil du
Gouvernement (1994). Face à l'évolution des mœurs en
général et des mœurs médicales en particulier, l'éthique se
révèle être un sujet de simple discours, destiné à rappeler
des règles immuables, qui veillent sur elle. L'éthique doit
être respectée, même si personne ne peut et ne veut dire
quand et comment elle agira. Tout le monde sait que
devant le caractère inéluctable de l'évolution scientifique,
les nouvelles techniques triomphent, même s'il leur faut
passer par la clandestinité pour traverser les barrières
dressées.
En ce qui concerne le Maroc, quelles raisons ont-elles
emballé un peu la société des élites, pour débattre des
problèmes éthiques? Où se sont situés ces problèmes dans
les pays en voie de développement (PVD), en général, et
le Maroc en particulier, Ce pays doit faire face surtout à
une crise de moyens pour répondre à des besoins
élémentaires de santé. Si les PVD semblaient peu
intéressés par le débat, malgré les directives de Manille
(1981), leur silence et leur réserve se justifiaient par
l'inutilité du débat autour d'actes ou techniques inexistants
chez eux, même s'ils se développent dans quelques
"temples ésotériques". Mais l'absence de débat ne signifie
pas l'absence des problèmes!
Rappelons que la crise tourna autour de l'acharnement
thérapeutique, de l'euthanasie, d'une contraception en pré
et post-conception, pour réglementer la croissance
démographique, et d'une lutte contre la stérilité frustrante
par la conception in-vitro. Toute l'histoire tourna autour
d'un certain nombre d'actes devenus du domaine du
possible et qui montrent que l'homme s'approche de la
maîtrise des deux moments les plus mystérieux: sa
naissance et sa mort.
Les passions baissèrent peu à peu. Les prouesses
techniques gagnèrent insidieusement la sympathie. L'effet
premier du progrès fut de partager les médecins eux-
mêmes. Les uns se retranchaient derrière ce qu'ils
considéraient comme des valeurs fondamentales
intangibles, et ce fut l'attitude de l'Ordre, les autres, mus
par le souci de faire progresser l'application des
connaissances médicales, considéraient qu'une certaine
recherche ne devait pas connaître de limites. Dans la
société, circula la question restée sans réponse nette sur la
mission du médecin. Celui-ci ne sut jamais à qui la poser.
Quelques uns se hasardèrent à interroger l'Ordre, seule
autorité investie par les textes pour défendre la moralité et
la probité de la profession. La réponse fut nette et
tranchante. A l'urologue qui voulait organiser la
procréation médicalement assistée, et la congélation du
sperme, l'Ordre lui a répondu de faire de l'urologie, c'est-à-
dire que le médecin doit se limiter à soigner et éviter la
maladie.
Au-delà de ces considérations générales, disons quelques
mots sur l'aspect qu'ils ont eu chez nous.
La crise des valeurs fut plus atténuée que la crise des
moyens. Faute de débats réels, s'organisa un consensus
silencieux sur des postulats moraux et religieux faits de
règles immuables et sévères, pour satisfaire la "logique
sociale" de certaines demandes et que seul le médecin
recevait. Il en résulta qu'un code de déontologie moderne
devint impossible d'abord à écrire, à faire correspondre à
une certaine réalité, et à faire admettre après plus de
quarante ans de survie de l'ancien, jugé en gros, encore
suffisant.
En ce qui concerne les problèmes de naissance, l'opinion
s'est faite. Les recommandations filtrèrent à travers les
plans de développement quinquennaux de 1968-1972,
1973-1977 et 1978-1982, et une loi promulguée le l er
juillet 1967, autorisant l'usage de la pilule (le Lyndiol et le
Prévision), fournie sur ordonnance et puis sans
ordonnance, et la création des centres de planning familial.
Mais aucune politique globale n'a été adoptée. La
limitation volontaire des grossesses prit alors le vague
nom de régulation des naissances, qui devint un objectif de
santé publique, insufflé par le rapport de la Banque
Mondiale, le débat national de 1966 et la conférence de
Rabat de 1971. 25
La stérilisation des femmes par ligature des trompes,
rejetée par la conférence de 1971 sans montrer l'existence
de textes coraniques la concernant, fut largement
demandée, cotée par consensus à la nomenclature et même
remboursée par quelques systèmes de couverture existants.
En ce qui concerne le problème des greffes d'organes, une
certaine organisation sociale solidaire et familiale, à défaut
de réglementation, apporta quelques solutions de
circonstance (Benchekroun 1978, Hssissen 1986,
S.Benjelloun 1992-1993). On a fait quelques
transplantations rénales, (une quinzaine à Casablanca),
mais pas la transplantation qui reste un domaine à
organiser. A défaut de texte, l'action dans le domaine des
transplantations posera toujours des questions.
En ce qui concerne l'acharnement thérapeutique,
l'indigence des moyens en limita l'effet. Quand ce n'est pas
le médecin qui a baissé les bras, ce sont les familles qui
l'ont fait. Quand cet acharnement s'est produit, il n'a pas
été celui qui dépassa l'imagination. Sa modestie laisse
place parfois à une certaine demande de médicalisation de
l'agonie par une hospitalisation prolongée ou une
thérapeutique non convaincante.
La déontologie, écrite dans un Arrêté Résidentiel du 19
juin 1953, née d'une éthique helléno-chrétienne, semble
encore convenir à une pratique qui évolue et qui la
bouscule un peu. Si l'union "éthique" des secteurs de
pratique dans un ordre unifié comporte la promesse de
maintenir l'équilibre, le silence et l'attente des médecins
prouvent qu'une réforme dans ce domaine n'apporterait pas
la solution.
Chapitre XIV
LES MYTHES ET LES RITES QUI ONT INFLUÉ SUR
LA PRATIQUE MEDICALE.
L’Intérêt d'évoquer les mythes et les rites dans cette
Histoire, montre que les dogmes religieux, ne furent pas
les seuls à influer positivement ou négativement sur
l'action de la pratique médicale.
La mentalité. "L’imaginaire arabo-musulman" (Malek
Chebel, 1993), ont agi profondément sur la perception de
la pratique et l'avancée du progrès médical.
Ceux qui se sont imposés impérativement, et ont joué
positivement ou négativement, dans l'évolution, le furent
dans le domaine de la sexualité et de ses conséquences: le
planning familial et ses méthodes, la virginité, la fertilité,
la stérilité, l'impuissance, l'approche des organes sexuelles,
la nudité et la circoncision.
Le planning familial.
La société marocaine est nataliste.
En parcourant l'Histoire, on constate en général que les
hommes ont toujours éprouvé le désir d'avoir beaucoup
d'enfants.
La maternité est toujours sacrée et entourée de beaucoup
de précautions. L'enfant est conçu comme un
investissement pour les vieux jours et pour le travail. Le
monde rural mesure la terre arable par les unités de
"travailleurs". "Un khaddam" est la surface qu'un homme
peut cultiver et rentabiliser par son effort. Les femmes qui
connaissent les difficultés qu'elles ont d'en faire, se sont
secrètement rebellées contre leur mission et ont trouvé
seules les moyens pour alléger le poids de la maternité.
Quand les conditions de la vie sont normales, les enfants
sont utiles, et l'on regrette seulement qu'ils ne soient pas en
majorité de sexe masculin.
Ainsi, c'est la femme qui a inventé l'avortement,
l'infanticide et les mesures anti-conceptionnelles" (Wil
Durant), et c'est elle qui a poussé à les développer et à les
défendre jusqu'à nos jours. (L'usage de l'apiol, des
teintures de "kosbor" coriandre fut connu dans
l'avortement avant les procédés médicaux. Les nouveaux
nés mis sous les auges de lingère, parce qu' "ils sont des
monstres", sont des infanticides connus). De tous temps,
les motifs invoqués sont ceux des femmes: échapper aux
charges de l'éducation, garder une ligne et un ventre
jeunes, esquiver les risques d'une maternité
extraconjugale, éviter aussi les complications, la douleur
et la mort. Ce n'est que depuis quelques décennies que le
souci des besoins, de l'emploi, de la production ont rendu
le problème de la régulation des naissances un sujet de
débat général que partage l'homme et la femme de certains
milieux. Ce débat, associant l'homme et la femme à
égalité, met en évidence la recherche de la liberté, de
l'égalité des sexes et aussi l'individualisme et le luxe. La
révision de la Moudouana fut devenue nécessaire avec sa
particulière nouveauté: le certificat prénuptial (1993), pour
apporter quelques solutions à la condition de la femme. On
y eut, bien sûr, le souci de prémunir les membres du
couple contre les maladies sexuellement transmissibles et
surtout le Sida.
Dans le domaine de l'avortement: les juridictions
"modernes" se soumettent très généralement au diktat de
la chariâ, où règne un consensus abâtardi et hybride. C'est
notamment le cas de l'école Chafiîte qui, par la voix d'un
de ses éminents juristes, Ibn Hajâr, considère que
l'avortement est plutôt déconseillé, sans être totalement
interdit, pour peu qu'il survienne avant la période
d"'animation" du fœtus fixée à cent vingt jours après la
date supposée de sa conception. Mais de nombreux
jurisconsultes estiment qu'en Islam, la vie est donnée avec
l'acte intentionnel, et non pas après coup; la "niya" prime
sur le résultat. L'école malékite dans son ensemble
s'oppose à toute pratique abortive, indépendamment du
stade embryonnaire auquel est arrivé le fœtus. Les moins
rigoristes (tels les Hanâfites) mettent l'accent sur les
conditions "objectives" externes: environnement familial,
état de santé de la mère, conditions matérielles d'existence,
multiplicité de la progéniture, etc. Pour eux, certains
avortements -pris très tôt- sont salutaires à condition qu'ils
soient pratiqués dans les cent vingt jours (quatre mois) à
partir de la conception.
Dans leur extrême majorité, les théologiens musulmans
des quatre écoles du sunnisme réprouvent l'avortement et
condamnent encore plus fermement les avortements de
complaisance. Point d'avortements en Islam donc, sinon
ceux que le corps médical, en son âme et conscience, juge
nécessaires en raison de l'état physique réel de la patiente.
Ces avortements médicaux requièrent d'ailleurs l'accord
explicite du mari et de son épouse (Malek Chebel).
Le planning familial devient le Leitmotiv de tous ceux qui
s'intéressent de près ou de loin, au développement, à
l'économie, et à la croissance. Ils disent tous, et sans
détours que, s'il n'est pas entrepris, si le problème qu'il
pose n'est pas réglé, rien n'est envisageable à l'avenir, et
tous les efforts ne produiront pas l'effet attendu, Ainsi et
en raison de la poussée démographique, tout ce qui sera
installé aujourd'hui ne suffira pas demain ...
Les méthodes de la limitation de naissance, terme employé
pour éliminer les méthodes interdites, sont nombreuses.
Elles furent employées en fonction du temps.
- Les méthodes anciennes (ogino, toilettes...)
- Prolongement de l'allaitement le plus tard possible, il est
de plus en plus abandonné (dans l'enquête de 1987, utilisé
30% en ville et 70% en milieu rural).
- La pilule, à efficacité certaine, n'a pas été à la portée de
tout le monde aussi bien sur le plan financier que le plan
psychologique et cela malgré la formule proposée
récemment avec diminution du prix et du risque (nous
savons que 2,5 millions à 3 millions d'unités sont vendues
par année sur le marché et le compte montre que 6% de
femmes en âge de procréer l'utilisent).
Le norplant, usage à l'essai, n'a pas pu se généraliser.
-Le stérilet, opération chirurgicale, ne peut se faire partout.
-L'interruption de grossesse est interdite et ne peut se faire
que pour sauver une mère en danger. Elle requiert l'accord
du médecin administratif.
-La stérilisation de la femme par chirurgie ou
coeliochirurgie, ne peut ni se généraliser ni s'imposer ...
- Le programme d'éducation sanitaire, incitations, ciblant
surtout les filles et les jeunes femmes.
- L'instruction, la scolarisation qui sont certainement les
solutions d'avenir, ne peuvent pas se décider du jour au
lendemain. L'analphabétisme est encore important, (68%
chez les femmes et plus de 55% chez les hommes).
L'ensemble de ces méthodes peuvent constituer un
programme d'action dont il faut évaluer constamment la
portée.
Le Ministère de la Santé Publique (le Pr Harouchi) a
lancé, en septembre 1993, une campagne de planning
familial afin de sensibiliser la population aux problèmes
que représente la croissance démographique.
Le dernier recensement (1994) affirma l'existence d'une
population de 26.700.000 ha. et que l'indice de fécondité
est tombé à 3,6%.
Ce dernier chiffre confirme la tendance observée depuis
1990 dans les pays en développement, comme le Maroc,
vers le revirement jusqu'ici mal perçu, largement ignoré
des estimations et des projections démographiques. Cette
diminutions inattendue de l'indice de fécondité traduit des
changements profonds dans la société, trop souvent
considérée comme immobile dans ce domaine. Elle laisse
prévoir à terme un ralentissement de la croissance de la
population. Ce résultat relèverait du meilleur degré de
l'instruction observé dans les villes qui, prolongée, a eu
pour effet le retard des mariages, la recherche de l'emploi,
la recherche du confort, l'embourgeoisement et partant la
limitation des naissances.
Le modèle européen édifie sur le problème que pose la
régulation des naissances. Ayant du travail, jouissant de la
protection sociale pour la maladie et la retraite, l'Européen
se marie tard ou reste célibataire, (27% de la population
jeune) et produit peu d'enfants. On n'a pas besoin de lui
enseigner sur le plan du planning familial ce qu'il faut
faire. Au contraire, il a acquis une mentalité antinataliste,
que la nation cherche à limiter par des mesures sociales
d'encouragement à la naissance.
Aujourd'hui, en Europe la dénatalité, le vieillissement de
la population, posent des problèmes beaucoup plus
ennuyeux
La virginité
Elle a toujours posé un problème à la médecine et fait
partie des multiples difficultés qui n'engendrent jamais de
solution. Elle conditionne très souvent, dès le départ du
mariage, l'équilibre du couple.
En milieu marocain une des principales taches de la
morale se situe dans la réglementation des rapports
sexuels, répondant au souci permanent de préserver l'ordre
social.
"…La virginité, la chasteté, deux notions qui vont
ensemble sans signifier la même chose vont s'imposer
dans la morale humaine par l'institution de la propriété".
Dans l'Histoire, ces deux notions sont récentes, car la fille
primitive les redoutait. Pour celle-ci, la réputation d'être
stérile était plus redoutée que la perte de la virginité. Son
avenir se basait sur sa fécondité et la promesse de
maternité profitable. (Wil Durant).
La virginité prit encore plus de valeur sous le régime de
mariage par achat. La femme, fille vierge obtenait un prix
plus élevé. Son passé irréprochable devenait en quelque
sorte une garantie précieuse à des hommes, préoccupés par
la crainte de laisser leur fortune à des enfants qui ne sont
pas les leurs. Les prématurés nés des premiers mariages
ont toujours inquiété les maris!
La morale humaine n'a appliqué la notion de virginité qu'à
la femme. L'homme n'obéit pas à la même règle de
conduite et il n'existe pas dans l'histoire une société qui ait
exigé la chasteté de l'homme avant le mariage, comme, il
n'existe dans aucune langue de mot pour désigner l'homme
vierge?".
Comme elle n'est exigée que pour les jeunes filles, les
règles pour la maintenir se sont multipliées et vont des
méthodes barbares à la simple éducation de la fille par sa
mère.
L'enfermement, l'infibulation, méthode qui consiste à
munir la jeune fille d'un anneau ou d'un verrou empêchant
la copulation, la menace de mort, sont encore vivaces.
Depuis toujours, les mères ont amené à la consultation
leurs jeunes filles suspectes ou suspectées et ont imploré le
médecin de maintenir le secret sur la situation découverte
sur la réalité de l'hymen car "le père ou les frères tueraient
la fille s'ils apprenaient la vérité!".
Les consultations pour délivrance de certificat de virginité
ont toujours été demandées.
Certains praticiens délivrent un certificat de virginité à
toute demande, par crainte de provoquer des drames.
D'autres refusent de donner un document attestant d'une
situation fausse. D'autres enfin, refusent de donner tout
document répondant à cette situation.
Refaire les hymens, pratique chirurgicale qui provoque
l'hilarité des académiciens européens, se fait, car elle est
encore demandée.
La virginité reste l'un des mythes les plus rigides de
l'histoire sexuelle de la femme arabe. Elle signe encore
dans la conception populaire la dignité, l'honorabilité de la
fille et de toute sa famille.
L'homme du peuple, arabo-musulman, attache une grande
importance à l'intégrité de l'hymen et surtout celui de la
première épouse. Il répudierait le lendemain si les
premiers rapports n'ont pas rougi le linge.
Mais, quelle qu'en soit la condition de l'émigré,
intellectuel ou ouvrier, il présente la faculté d'accepter,
comme normal, d'épouser une étrangère non vierge,
comme il semble, aujourd'hui, que les jeunes générations
accordent moins d'importance à la virginité.
Il n'en demeure pas moins qu'un procès retentissant et
récent, condamna un gynécologue qui fut acteur de
réfection des hymens jugée comme une tromperie de la
société.
LA FERTILITE ET LA STERILITE.
Elles ont toujours fait l'objet de consultations auprès du
médecin et surtout quand la visite aux "Marabouts les plus
spécialisés", n'est pas suivie d'effet.
La demande de prise en charge de la stérilité du couple a
été toujours exprimée par l'homme et surtout par la
femme. Celle-ci est considérée, en milieu marocain,
comme la première responsable de la stérilité du couple."
Les remariages des mâles, restés sans progéniture et la
polygamie, ont toujours trouvé, un peu, leur justification
dans la stérilité du couple. Dans une consultation pour
stérilité, l'interrogatoire a longtemps suffi pour trouver à
travers l'histoire des conjoints et de la polygamie, le vrai
responsable de la stérilité. Les hommes qui se trouvent
dans cette situation, choisissent en effet la seconde épouse
ou une des épouses parmi les divorcées ou les veuves qui
ont fait des enfants.
Les médecins se sont toujours équipés pour répondre aux
problèmes de la stérilité par les hystérographies, les
spermogrammes, puis la microchirurgie, le guidage
échographique (1992) et la procréation médicalement
assistée, (Il existe trois laboratoires de fécondation in-vitro
au Maroc, depuis 1993).
Le problème que pose la procréation médicalement
assistée (P.M.A), dont quelques équipes ont d'ores et déjà
exposé leurs résultats et leur expérience, a été abordé par
plusieurs auteurs, aussi bien sur le plan des procédés que
des difficultés financières et éthiques.
Le débat qui agite un peu partout dans le monde les
médecins et chercheurs dans la bioéthique et l'accès à
l'embryon humain, concentre beaucoup de contradictions
et de dilemmes. Les dérives qui peuvent résulter de cette
avancée scientifique sont examinées par les médecins,
leurs institutions, tandis que le législateur tarde à prendre
les décisions.
Au Maroc et dans quelques autres pays arabo-musulmans,
le médecin équipé, porté par le progrès et le désir de
répondre à une demande réelle, qui augmente devant le
succès de la méthode, a ouvert des laboratoires et s'adonne
à cette pratique. Certes, le médecin s'encadre dans les
limites convenables et évite par lui-même le dérapage qui
inquiète ici et ailleurs.
La P.M.A. méthode de fécondation, est sur le plan éthique
à l'opposé de la contraception et de la limitation des
naissances. Le débat à son sujet peut différer selon les
pays. Certains peuvent être sévères à l'égard de la
contraception et l'être moins devant la P.M.A. et vice
versa. Aujourd'hui, on peut se demander si le débat et les
attitudes peuvent changer d'un pays musulman à l'autre
selon les rites suivis. Cette méthode a une première
finalité, c'est donner des enfants à des couples stables qui
ne peuvent en avoir pour raison anatomo-physiologique.
Cette finalité est "acceptable et ne pose aucun problème.
Celui-ci ne se pose que lorsque les embryons produits sont
l'objet de diagnostic préimplantatoire pour sélection d'un
embryon sain, (3000 maladies dues à des défauts portés
par un gène précis), ou modification du patrimoine
génétique. La conservation des embryons, la portée par
des femmes ménopausées et la multiplication des
embryons, à des fins de recherches, posent aussi et
poseront toujours des problèmes sous tous les cieux et
dans tous les cadres religieux. La bigamie offrirait une
solution à "la portée" et éviterait toute ambiguïté devant la
notion de la paternité requise, "semble proposer la dernière
fetwa des oulémas égyptiens".
LA CIRCONCISION
Traditionnellement ce rite s'applique à sept ans pour le
premier garçon. Il est appliqué à tous les mâles. Il n'est pas
médicalisé. Est-il possible de le faire? Considérée comme
une hygiène complémentaire, l'ablation du prépuce se fait
encore par le barbier réputé, aujourd'hui acquis à quelques
notions d'hygiène, La circoncision doit se faire selon une
technique bien précise, pour ne pas obliger à la
recommencer , Les enfants sont "kidnappés" par quelques
proches ou quelques voisins, et sont, remis à leurs mères,
qui ne participent pas au service, pour les consoler. La
notion toujours respectée de pratiquer cette opération sur
l'aîné des garçons, tard, à sept ans, retrouverait son origine
dans une précaution, prouvant par l'intervalle long que
l'enfant ne présenterait pas de défaut d'hémostase par les
blessures qu'il aurait eues avant. Les mariages consanguins
n'étaient pas rares. L'hémophilie existait et existe toujours
(Fondation Hassan II des Hémophiles, 1992). Le progrès
n'a éliminé qu'en partie cette notion qui ne s'applique pas
aux frères cadets.
LE RAMADAN.
Depuis des siècles, règnent au sujet des problèmes de
l'observance du jeûne par les malades, les vagues des
discussions et le vague des discours.
Il y a déjà plus de dix siècles, les ancêtres de la sharia ont
indiqué aux malades de "manger si le mal est moyen". Ils
n'avaient certes que cette raison subjective pour dicter
cette attitude.
On aborde, depuis quelques années, ce problème pour
essayer de ne pas laisser le vague de l'opinion gérer la
situation. Aujourd'hui, les raisons médicales objectives de
ne pas observer le jeûne, paraissent nombreuses et
évidentes. Un opéré, un post-opéré récent, un
gastrectomisé, un diabétique, un insuffisant respiratoire ou
cardiaque et bien d'autres, offrent l'exemple précis des cas
équilibrés, qui ne souffrent pas, et qui relèveraient de
l'abstention du jeûne.
A la veille du ramadan, beaucoup de patients consultent
pour la seule raison de savoir si le jeûne est possible dans
leur cas. Ils viennent interroger la médecine pour avoir une
conduite face à leurs obligations religieuses. La réponse
du médecin, rarement tranchante, ne comporte qu'une
explication éclairant sur l'état de leur santé, mais ne
comporte aucune indication précise sur l'attitude à prendre
face au jeûne. Le médecin ne peut intervenir dans la
chaîne des arguments juridiques en matière d'Islam, pour
dicter une règle de conduite.
Un congrès international sur "la santé et ramadan" s'est
tenu à Casablanca le 20 Janvier 1994, présidé par SAR le
prince Héritier Sidi Mohammed. Vingt cinq pays y ont
assisté pour apporter leur soutien à la recherche dans le
domaine du ramadan et ses implications sur l'état de santé
des malades. Il a été démontré, dans ce congrès, que la
recherche dans ce domaine, doit s'orienter vers
l'organisation des rencontres entre chercheurs spécialistes,
médecins et oulémas, afin d'échanger leurs expériences et
leur savoir et de trouver des réponses aux questions que se
pose la population.
Néanmoins, il faut savoir, qu'au delà des concertations et
des congrès, certains malades ne suivront, en ce qui
concerne le jeûne, ni l'avis du médecin ni celui de tout
autre." Leur sens religieux se mêle à la "honte" de
s'adonner à l'alimentation, pendant que les autres membres
de la famille et de la société, observent le rite du carême.
L'esprit de communauté, de solidarité et d'appartenance à
une même culture, est très fort et intervient dans la règle
de conduite.
La Fondation Hassan II, pour la recherche sur "Ramadan
et santé", présidée par le professeur Farid Hakkou
pharmacologue, se réunit régulièrement depuis Janvier
1994.
Il est particulièrement difficile de conclure 'ce chapitre.
Des rites et des mythes nombreux existent. Les psychiatres
les connaissent bien plus. Ils interfèrent dans la pathologie
riche des névroses qui font courir les patients, qui en sont
atteints de consultation en consultation, d'un marabout à
l'autre. Ces malades deviennent parfois les victimes d'une
iatrogénèse thérapeutique médicale ou chirurgicale avant
de trouver leur remède auprès de la psychiatrie moderne…
CONCLUSION
Cette Histoire ne fut pas celle des hommes qui l'ont vécue
ou qui ont été au centre de l'action, mais bien celle des
faits qui ont engendré les hommes et provoqué leurs
actions. La démarche "déterministe" et le choix
"arbitraire", avons-nous dit, dès le départ s'imposa à nous.
Les générations de médecins se sont succédées aux
générations pour répondre à des exigences. Elles se sont
"retirées peu à peu", du devant de la scène pour laisser
place aux suivantes. Chacune a acquis avec le temps sa
propre force d'expansion et produit son effet jusqu'au
moment où, la tâche accomplie, sa nécessité n'étant plus
ressentie, elle fut remplacée.
Guerre de colonisation, guerres mondiales, résistance de
l'émancipation ont à peine ralenti l'action et influé sur
l'évolution.
Les générations ne se mêlent pas entre elles. Certes, les
périodes qui apparaissent tranchées se sont suivies dans la
continuité. Chaque génération a remplacé l'autre en
continuant son œuvre avec un esprit de "changement', et
l'a fait souvent au nom du changement.
Aujourd'hui encore, une nouvelle génération de médecins
prépare son arrivée à la veille de l'an 2000. Elle recrute
dans tous les secteurs ses représentants, parmi les
enseignants, les médecins privés, ceux du secteur public et
ceux qui reviennent de France après une longue absence.
Ils travaillent en équipe, partagent la tâche, en s'aidant de
l'anesthésie et de la réanimation modernes, et en installant
dans le domaine médico-chirurgical les moyens
sophistiqués. Ils se retrouvent dans les assemblées de leur
"corporatisme", pour élire leurs représentants. Ils veulent
créer leur "monde''.
Ils militent pour l'expansion de l'action médicale, la remise
à jour des textes législatifs. Ils verront, peut-être le
commencement de l'ère d'un meilleur accès aux soins, par
la généralisation du système d'assurances maladie à une
plus grande proportion de la population active. Ils se
soucient de plus en plus de la dimension "économique" de
leur profession (Congrès national de Médecine d'Agadir
1994).
La consommation médicale relancée, amoindrirait les
difficultés de leur endettement et leur permettrait l'usage
de leurs outils chers, mais de plus en plus réclamés par la
population. Celle-ci, aura, grâce à l'action médico-sanitaire
de ce siècle, bénéficié d'une meilleure qualité de santé et
gagné dans l'espérance de vie, estimée à 45 ans en 1920,
elle serait aujourd'hui de 66 ans.
Le progrès médical enjambe tous les obstacles et fait sa
place malgré toutes les difficultés. Partout et dans toutes
les périodes ont existé comme il existe de nos jours des
riches et des pauvres. Les soins sont exigés par tous, et
sont exigibles pour tous. L'accès aux soins de qualité,
demeure à la fin de ce siècle le progrès le plus important à
rechercher."... Il est impératif que nous rapprochions le
plus possible la médecine et les soins optimaux de chaque
marocain, où qu'il soit et quel que soit son niveau
social…" S.M. le Roi Hassan II, (25 Octobre 1989).
Ce siècle n'aura pas posé dans le domaine sanitaire un
véritable problème de société, de la dimension de celui
que pose déjà l'éducation et l'avenir de ceux qu'elle
produit. La santé, au-delà d'une certaine "revendication",
n'est pas encore ressentie comme un droit.
Dans tous les secteurs et dans toutes les générations, ont
existé des esprits vigoureux dans la défense des intérêts et
dans les oppositions de circonstances. Nourris du legs de
la science médicale, ils ont perçu les problèmes selon leur
sensibilité particulière, et ont fini par oublier dans une
forme de pardon renouvelé aux générations qui ont
précédé ou qui ont succédé. Ils ont défendu ensemble le
progrès médical et sanitaire, sans tenir compte de leur
tendance politique, Ils l'ont fait aussi, souvent autour de la
même table, face à tous les responsables politiques, sans
exception.
L'Histoire de ce siècle aurait pu être celle des hommes qui
l'ont marquée et répondu à ses exigences. (Hasard et
nécessité), cette Histoire reste à faire. Elle aurait, certes,
permis à travers le détail de leur vie, de montrer leur
action particulière, leurs ambitions et leur influence. Elle
aurait aussi permis de les citer, par dizaines, par centaines,
pour satisfaire à la justice requise par l'œuvre de
l'ensemble.
Lorsque nous avions jugé nécessaire d'entreprendre le
travail de la synthèse intelligible des faits ayant une
signification dans l'Histoire de l'action médico-sanitaire de
ce siècle au Maroc, il nous a fallu rassembler plusieurs
écrits, articles, et mémoires épars et surtout faire appel à
l'aide de ceux qui ont participé en partie à cette action et
en furent les témoins.
Notons qu'il existe peu d'écrits qui tracent l'Histoire de
l'action sanitaire se rapportant à ce siècle au Maroc. Notre
principale intention était d'apporter notre contribution dans
ce domaine.
Notre but aussi était de montrer les conditions nécessaires
à la compréhension des données des époques et des
périodes, par l'analyse phénoménologique d'une œuvre
sanitaire basée sur l'apport d'une science nouvelle, et d'une
organisation nouvelle que des hommes de ce pays, ou
venus d'ailleurs, ont entreprise durant toute leur vie active.
Certes, l'histoire de la santé et de la médecine que nous
qualifions de moderne, commença avec celle de la
colonisation et se développa avec l'avènement de
l'indépendance, mais le résultat devient autonome des
hommes qui l'ont jalonnée.