Vous êtes sur la page 1sur 11

Abcès hépatique

DEFINITION : L’abcès hépatique (AH) peut être défini comme une cavité suppurée en
rapport avec l’invasion et la multiplication de micro-organismes au dépend du tissu
hépatique sain ou pathologique

EPIDEMIOLOGIE :

-Mode de contamination : Les germes peuvent contaminer le parenchyme hépatique par voie
biliaire, hématogène (le plus souvent portale), ou par contiguïté notamment près du lit
vésiculaire.

-Facteurs de risque : La fréquence des AH semble augmenter avec l’âge et le terrain


(diabète, dénutrition, immunodépression).

-Les étiologies : Les AH peuvent être de cause bactérienne, parasitaire (amibienne essentiellement),
mixte (parasitaire surinfectée à pyogènes) ou plus rarement fungique.

La fréquence des causes varie selon les zones géographiques. En Asie du Sud est et en Afrique,
l’origine amibienne est la plus fréquente. Dans les pays occidentaux, 80 % des AH sont d’origine
bactérienne. Ils peuvent survenir au cours d’infections intra abdominales biliaires (et contaminent
alors le parenchyme par voie biliaire) ou non biliaires par voie portale (appendicite, sigmoïdite). Les
AH peuvent compliquer une chirurgie (duodéno-pancréatectomie ou transplantation hépatique) ou
un geste interventionnel hépatobiliaire (radiofréquence et/ou chimio-embolisation intra-artérielle).
Plus rarement, les AH surviennent après un traumatisme hépatique ou une embolisation artérielle
pour traumatisme. Certains AH sont secondaires à des infections extra-abdominales qui
contaminent, le plus souvent par voie hématogène, le parenchyme hépatique sain ou des lésions

1
hépatiques pré-existantes (kystes biliaires, kystes hydatique, métastases nécrotiques).

TABLEAU CLINIQUE ET BIOLOGIQUE :

Les signes clinico-biologiques révélant les AH ne sont pas spécifiques et peuvent associer des
douleurs abdominales, une fièvre et un syndrome inflammatoire. Le bilan biologique hépatique peut
être plus ou moins perturbé selon l’étendue de l’abcès, sa cause (existence d’une pathologie biliaire
sous-jacente, avec une choléstase avec ou sans hyperbilirubinémie, augmentation des transaminases
en cas d’ischémie du parenchyme hépatique) et l’importance du sepsis. Le diagnostic repose
essentiellement sur les examens d’imagerie.

IMAGERIE :

L’échographie et le scanner permettent de faire le diagnostic dans plus de 90 % des cas, ainsi que
d’orienter vers l’étiologie. Le scanner multidétecteur avec injection intraveineuse triphasique a une
sensibilité supérieure à celle de l’échographie. L’aspect des AH et leur évolution dans le temps sont
variables, mais on peut schématiquement distinguer 2 phases : une phase pré-suppurative et une
phase suppurative. À la phase pré-suppurative, il existe des lésions hétérogènes, hypodenses de
contours irréguliers, mal limitées pouvant simuler des lésions tumorales, surtout si elles sont
multiples et de petite taille. À la phase suppurative, les lésions sont de contenu hypo- ou
anéchogène, parfois multi-cloisonnées, avec un contour arrondi à parois nettes et une coque plus ou
moins épaisse. C’est à cette phase qu’on peut visualiser des images « en cocarde »à l’échographie.
Après injection, la prise de contraste est périphérique, sous la forme d’un liseré hyperdense que l’on
peut appeler « le signe de l’anneau », alors que le centre de la lésion ne se rehausse pas. Parfois, ce
liseré est cerné lui-même d’un anneau hypodense, réalisant une « image en cible ». Au temps

2
artériel, on observe souvent un rehaussement du parenchyme hépatique autour de l’abcès qui peut
être très transitoire et parfois segmentaire. Le seul signe quasi pathognomonique d’un AH est la
présence de clartés gazeuses internes, cependant, des bulles d’air peuvent être observées sans
constitution d’AH plusieurs jours après certains gestes d’embolisation de l’artère
hépatique .L’imagerie doit rechercher une pathologie biliaire (localisée ou diffuse), une collection,
des signes d’infections intra-abdominales avec ou sans thrombose septique portomésentérique
(pyléphlébite). En cas de pathologie biliaire et/ou des veines hépatiques, l’IRM est utile pour
compléter le bilan : recherche d’anomalies de l’arbre biliaire et/ou d’un obstacle favorisant la
survenue d’AH biliaire. La coloscopie doit être associée aux examens d’imagerie pour dépister une
cause digestive notamment en cas d’AH non biliaires mais à germes digestifs.

GENERALITES SUR LE TRAITEMENT :


Classiquement la prise en charge d’un AH non parasitaire doit associer une antibiothérapie à la
ponction-drainage, et au traitement de la cause et/ou de la maladie sous-jacente. Les critères
d’efficacité du traitement sont d’abord cliniques (apyrexie, disparition des douleurs), et biologiques
(normalisation de la NFS et de la CRP), la normalisation de l’imagerie étant souvent tardive.
L’antibiothérapie :
L’antibiothérapie doit être instaurée en urgence, après la réalisation d’hémocultures, et avant le
drainage pour limiter les effets d’une éventuelle décharge bactérienne systémique. Bien qu’il n’y ait
pas de consensus,

Le traitement des AH de moins de 3—5 cm, surtout s’ils sont multiples, peut se faire par une
antibiothérapie sans drainage.
Compte tenu des germes potentiellement responsables, l’antibiothérapie empirique inclut un
antibiotique actif sur les bactéries aérobies Gram négatif et les streptocoques, soit la pipéracilline, le
tazobactam, l’association amoxicilline—acide clavulanique, une céphalosporine de 3e génération
(céfotaxime, céftriaxone), avec un aminoside (gentamicine). Un agent efficace contre les anaérobies,
tel que le métronidazole peut être associé si l’antibiotique choisi n’est pas actif sur les anaérobies(ou
en cas de doute avec un abcès amibien).L’antibiothérapie est secondairement adaptée au germe
isolé et à l’antibiogramme. La durée de l’antibiothérapie n’est pas clairement établie, mais elle est
généralement de plus de 2 semaines (3 à 6 semaines).

La ponction et le drainage
La ponction écho-guidée ou sous scanner associée à la mise en place d’un drain aspiratif est
actuellement le traitement de première intention des AH. La ponction a un rôle diagnostique, elle
permet d’identifier le(s) germe(s) en cause et le caractère communiquant ou non de l’AH avec les VB.
Elle peut permettre également la mise en place d’un drain permettant l’évacuation et d’assurer le
drainage de la collection.

Le drainage chirurgical est rarement indiqué dans les pays où la radiologie interventionnelle est
développée. Cependant, pour certains, il garde une place en cas d’échec des traitements percutanés,
pour les AH de plus de 5 cm et/ou AH multiloculés ou si un geste chirurgical est programmé pour
traiter la cause la cause de l’AH.

Néanmoins, avec des radiologues expérimentés, des situations complexes peuvent être gérées par «
re-drainage »et/ou par amélioration du drainage existant (drains plus larges, système de rinçage-
lavages . . .), voire par des gestes d’affaissement des cloisons par manœuvres sous contrôle

3
scopique. Si une chirurgie est envisagée, elle consiste pour les AH superficiels en une mise à plat-
drainage, et pour les AH profonds, soit en un drainage sous échographique peropératoire, soit en
une exérèse limitée.

La présence de bile dans le drainage permet de classer les AH


En effet, la présence de bile dans le liquide de drainage d’un AH signe sa communication avec les VB,
soit par contiguïté soit par ischémie-nécrose des canaux biliaires. Selon la présence ou non de bile
dans le drainage, on peut parler, voire classer, les AH en communiquant ou non communiquant avec
l’arbre biliaire.
Devant un AH de contenu biliaire, il faut rechercher :
• un obstacle sur les VB le plus souvent une lithiase de la voie biliaire principale (VBP), une sténose
tumorale ;
• ou une maladie des VB souvent méconnue ou négligée notamment une cholangite (sclérosante,
vasculaire).
La réalisation d’une bili-IRM ou une opacification directe des VB permet de visualiser non seulement
la zone de communication mais également le reste de l’arbre biliaire à la recherche d’une de ces
étiologies. La mise en évidence d’une communication permet ainsi d’envisager un traitement
spécifique de l’AH et de son éventuelle cause sous-jacente. Les AH secondaires à des « cholangites
ischémiques » sont d’autant plus graves que la bile reste en permanence colonisée par voie
rétrograde notamment en présence d’une anastomose bilio-digestive ou d’une sphinctérotomie
biliaire.

ABCES HEPATIQUES EN RAPPORT AVEC UNE « LITHIASE BILIAIRE »


Même si la survenue d’AH compliquant une cholécystite ou une angiocholite lithiasique est un
événement rare, il s’agit d’une des causes les plus fréquentes d’AH dans le monde. L’incidence des
AH en rapport avec une lithiase biliaire est difficile à préciser,
La survenue d’un AH compliquant une lithiase biliaire compliquée d’infection peut être évoquée
devant la persistance, malgré une antibiothérapie bien conduite, d’une fièvre, d’une douleur de
l’hypochondre droit, ou d’un syndrome inflammatoire biologique. Ce diagnostic est confirmé par
l’imagerie (échographie, scanner ou IRM).

1-AH compliquant une angiocholite


Il s’agit d’un AH communiquant avec des VB contenant de la bile infectée par des germes digestifs en
amont d’un obstacle. L’imagerie oriente vers la cause en montrant une dilatation des VB , un
obstacle, voire une éventuelle maladie sous-jacente (lithiase intra-hépatique, cholangite
inflammatoire et/ou ischémique ou maladie de Caroli). Il est à noter que la dilatation des VB peut
disparaître en cas de drainage de l’abcès aboutissant à une fistule biliaire externe à débit élevé.
Si l’angiocholite se complique d’un AH, la levée de l’obstacle (essentiellement par sphinctérotomie
endoscopique) est indispensable, car le drainage seul de l’AH est systématiquement mis en échec
lorsque l’obstacle persiste. Devant la persistance d’un écoulement biliaire à haut débit après le
drainage d’un AH, et même en l’absence de dilatation des VB, on doit donc systématiquement
rechercher un obstacle sur la VBP sur le scanner ou une cholangio-IRM. Parfois, c’est l’opacification
directe par le drain mis en place qui permet de visualiser l’obstacle.
2-AH compliquant une cholécystite

4
Il s’agit d’une infection du parenchyme hépatique par contiguïté due à la perforation d’une vésicule
infectée, réalisant un AH du segment 4 bas et/ou 5. La survenue de l’AH par contiguïté peut faire
évoquer à tort une pathologie néoplasique de la vésicule biliaire. En pratique, la perforation intra-
hépatique d’une cholécystite est un événement rare avec un taux estimé à moins de 1 % des
complications vésiculaires.
Sur le plan thérapeutique, la conférence de consensus de Tokyo en 2013 a préconisé de traiter les
patients présentant une cholécystite aiguë de grade II (cholécystite aiguë modérée) associée à des
complications locales sévères, telles que l’AH, par une cholécystectomie en urgence (laparoscopie
ou voie ouverte) associée à une antibiothérapie systémique. Pour les patients présentant une
cholécystite de grade III (cholécystite aiguë compliquée de défaillance viscérale), le traitement fait
appel au drainage percutané de la vésicule et/ou de l’abcès, associé au traitement médical
(antibiothérapie et prise en charge des défaillances), puis une cholécystectomie secondaire.

ABCES HEPATIQUES « NON LITHIASIQUES—NON BILIAIRES »


1-Abcès d’origine portale
Secondaires à une bactériémie portale, voire à une pyléphlébite, ils représentent 10 à 20 % des AH
bactériens.
Si l’appendicite était la cause la plus fréquente de pyléphlébite portale dans les années 1970, elle est
aujourd’hui supplantée par la diverticulite sigmoïdienne compliquée.
Rarement, il peut exister une aéroportie qui constitue un signe de gravité [25]. D’autres pathologies
peuvent être à l’origine d’AH par voie portale dont les tumeurs digestives surinfectées (colon, grêle,
estomac), et les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (maladie de Crohn) (Fig. 3) [5,26]. Il
est donc souhaitable dans le bilan étiologique d’un AH, en l’absence de cause évidente, surtout en
cas d’AH polymicrobien, de réaliser un scanner abdomino-pelvien et une coloscopie.

2-Abcès par contiguïté


Ils peuvent être la conséquence de toutes les infections à proximité du foie, telles que le cancer de
l’angle colique droit surinfecté, un diverticule perforé du colon droit, une maladie du Crohn colique,
un ulcère gastroduodénal perforé. Le caractère polymicrobien du liquide de drainage et son taux
parfois élevé en amylase sont des éléments d’orientation.
Une autre cause rare, mais classique est la migration d’un corps étranger dans le foie (lobe gauche)
au travers de la paroi digestive (arrête de poisson, cure dent, os de poulet). Le diagnostic est
généralement fait sur le scanner et dans ces circonstances, le traitement chirurgical avec exérèse du
corps étranger et drainage de l’AH paraît raisonnable.
3-Abcès d’origine artérielle
Ils compliquent une bactériémie non portale d’origine pulmonaire, urinaire, dentaire ou ORL, une
endocardite infectieuse ou une thrombophlébite périphérique suppurée (usagers de drogues). Les
AH d’origine artérielle sont habituellement uniques, monomicrobiens (Gram positif :
staphylocoque et streptocoque), voire fungique (principalement à Candida albicans) et surviennent
chez des patients ayant de comorbidités notamment un diabète ou une immunodépression. Dans le
cas des AH fungiques, une atteinte associée valvulaire, splénique, et rénale doit être
systématiquement recherchée.
Les AH à K. pneumoniae ont la particularité de réaliser des « métastases septiques » oculaires et/ou
neurologiques à distance (12 % vs 0 % pour les autres AH bactériens) et sont associées à un processus

5
pathologique intra-abdominal dans moins de 1 % des cas, ils sont le plus souvent cryptogéniques. Les
AH à K. pneumoniae sont de plus en plus fréquemment décrit en Europe.

Abcès sur lésions préexistantes (kystes biliaires, métastases, hydatidose)


1-Kyste biliaire surinfecté
La surinfection d’un kyste biliaire survient dans moins de 2 % des cas, et concerne surtout ceux de
plus de 5 cm .La contamination se fait le plus souvent par voie hématogène contrairement à la
surinfection de kystes rénaux. À l’échographie, le kyste a un contenu hétérogène avec un
épaississement pariétal évocateur (kyste remanié). Le diagnostic repose sur la mise en évidence d’un
germe dans le liquide du kyste avec dépôts hémorragiques. Les signes cliniques dépendent de la
localisation du kyste. La surinfection d’un kyste biliaire peut modifier la sémiologie radiologique
du kyste et faire évoquer d’autre diagnostic plus inquiétant surtout si l’épisode infectieux et/ou
hémorragique a été pauci-symptomatique.
En cas de polykystose hépato-rénale, le risque de surinfection est plus élevé chez les patients
hémodialysés ou transplantés rénaux (immunodépression). L’imagerie a une place importante pour
le diagnostic en mettant en évidence un kyste ou un groupe de kyste au contenu hétérogène, voire
aérique, et aux parois épaissies prenant le contraste après injection sur le scanner. L’IRM et pour
certains le TEP scan sont les 2 examens clés permettant de localiser le kyste infecté.
2-Métastases ou tumeurs surinfectées
La surinfection d’une lésion hépatique maligne est possible. Il peut s’agir de métastases kystiques de
sarcome, de cancer de sein, de tumeurs neuro-endocrines, voire la forme « colloïde muqueux » de
cancer colorectaux. Rarement, il s’agit d’un cystadénocarcinome intra-hépatique. La difficulté est de
ne pas méconnaître une pathologie maligne sous-jacente devant un AH d’allure banale. En cas de
doute, un nouveau bilan d’imagerie est recommandé à distance du traitement de l’abcès. Law et al.
ont décrit des signes qui doivent faire évoquer une lésion maligne surinfectée commela présence :
• d’une paroi épaisse ;
• des septas ;
• une aérobilie (fistulisation avec l’arbre biliaire) ;
• une thrombose portale et/ou la présence de gaz dans l’abcès.
3-Lésions d’hydatidose (kystes hydatiques) surinfectées
Les kystes hydatiques peuvent se fistuliser dans l’arbre biliaire et se manifester par des douleurs
et/ou des crises d’angiocholites et une choléstase. La communication du kyste avec les voies biliaires
peut être à l’origine de surinfection bactérienne secondaire (abcédation du kyste).
La bili-IRM (ou à défaut une cholangiographie rétrograde) permet de rechercher les scolex dans les
voies biliaires et peut montrer la fistule bilio-kystique. Le traitement consiste à faire une
sphinctérotomie endoscopique pour évacuer les scolex et à traiter séparément et le plus souvent
par une chirurgie le(s) lésions(s) kystique(s). À noter que l’échinococcose alvéolaire peut également
se manifester par des fistules complexes bilio-hépatiques.

Abcès intra-hépatique compliquant une duodéno-pancréatectomie céphalique (DPC)


Les AH survenant dans les suites d’une DPC peuvent être en rapport avec :
• une sténose ou une occlusion de l’artère hépatique ;
• une sténose de l’anastomose bilio-digestive (ABD) ou plus rarement ;
• un reflux en rapport avec un montage chirurgical anormal (anse montée courte, sténose de l’anse
ou du pied de l’anse, occlusion en aval de l’anastomose bilio-digestive).

6
La gravité de l’AH après une DPC est liée à son association avec une sténose artérielle entraînant une
ischémie des voies biliaires, le taux de mortalité peut alors atteindre 80 % [37]. Il est primordial de
vérifier la perméabilité de l’artère hépatique devant tout AH après DPC. La nonperméabilité de
l’artère hépatique après une DPC peut être en rapport avec une sténose du tronc cœliaque
(hémodynamiquement significative chez 5 % de la population générale) non dépistée en
préopératoire, un traumatisme peropératoire de l’artère hépatique ou d’une de ses branches (Fig. 5),
ou des conséquences d’une embolisation postopératoire de l’artère hépatique ou de l’artère
gastroduodénale notamment pour traiter une complication hémorragique ou un pseudo-anévrisme
post-DPC. Dans de rares cas, une sténose non ou peu significative du tronc cœliaque (ligament arqué
ou athérome) peut devenir symptomatique à l’occasion d’un bas débit post-DPC et causer une
ischémie secondaire des VB ce qui, compte tenu de la contamination de la bile par l’anastomose
bilio-digestive, peut favoriser la survenue d’AH.
1-Gestion d’un AH dans les suites d’une DPC avec une artère hépatique non perméable
Les abcès sont en général multiples et polymicrobiens. Une preuve bactériologique est
recommandée, soit par ponction directe de l’abcès soit par culture de la bile prélevée pendant la
DPC. Le traitement antibiotique peut durer plusieurs semaines ou mois et être associé à des
drainages percutanés multiples et itératifs. Un geste chirurgical (hépatectomie partielle si lésion
latéralisée) peut être discuté dans les centres experts. Si un ligament arqué est mis en évidence en
postopératoire, il est souvent trop tard pour aller le sectionner chirurgicalement, la sténose
(ligament arqué ou surtout athéromateuse) peut nécessiter un geste de dilatation avec mise en place
de stent. En cas de sténose partielle, on espère que la revascularisation du foie puisse se développer
spontanément par collatéralité à partir de l’anastomose bilio-digestive ou à partir des attaches
anastomotiques d’insertion du foie droit et gauche vers les artères diaphragmatiques. En cas de
sténose de l’artère hépatique après une embolisation, un geste de revascularisation peut être discuté
mais est difficile, voire utopique du fait du contexte (aspect très inflammatoire en rapport
avec une fistule pancréatique souvent associée).
2-Gestion d’un AH dans les suites d’une DPC avec une artère hépatique perméable
L’abcès est classiquement unique. Diagnostiqué, le plus souvent à quelques semaines de
l’intervention. Il est théoriquement la conséquence d’une ou de plusieurs poussées d’angiocholites.
Les angiocholites post-DPC dont la fréquence, probablement sous-estimée, est décrite
aux alentours de 5 % [38] sont le plus souvent paucisymptomatiques. Pour expliquer ces abcès, il faut
éliminer une sténose de l’anastomose bilio-digestive, sinon envisager un reflux au travers de
l’anastomose bilio-digestive.
En général, le pronostic est favorable sous antibiothérapie adaptée. En cas de sténose
anastomotique, il faut envisager une calibration par voie percutanée radiologique (avec ou sans stent
définitif) ou une réintervention, et en cas de reflux, il faut rechercher un obstacle sous-jacent
(sténose de l’anastomose du pied de l’anse ou au-delà, carcinose péritonéale).

ABCES HEPATIQUE APRES CHIMIO-EMBOLISATION OU RADIOFREQUENCE


Les facteurs favorisant la formation d’un AH après chimioembolisation intra-artérielle (CE) ou
radiofréquence (RF) sont :
• la présence d’une anastomose bilio-digestive ;
• un antécédent de sphinctérotomie ou de drainage biliaire (colonisation ascendante) ;
• mais aussi la présence d’un diabète ou d’une immunodé- pression.

7
Le diagnostic d’AH après RF ou CE est essentiellement porté sur des arguments cliniques et
biologiques. L’imagerie post-thérapeutique précoce peut montrer de l’air au sein de la lésion traitée,
en dehors de toute complication infectieuse, en lien avec la nécrose des lésions tumorales
(aseptique). Néanmoins, l’augmentation de la quantité d’air ou son apparition à distance du CE ou RF
doit faire évoquer le diagnostic d’AH post-RF ou CE.
Les AH surviennent dans les suites de moins de 5 % des CE, mais sont à l’origine de la plupart des
décès à 30 jours. À noter que cette complication pourrait être plus fréquente pour les métastases de
tumeurs neuro-endocrines que pour les carcinomes hépatocellulaires, peut être en raison d’une plus
grande sensibilité du parenchyme hépatique sous-jacent qui est « sain ». Pour la plupart des équipes,
la présence d’une anastomose bilio-digestive est considérée comme une contre-indication à la CE.
La fréquence (< 1 % des cas) et la gravité des AH après RF semble moindre qu’après CE [42,43]. L’AH
après RF est également plus fréquent et plus grave chez les malades ayant une anastomose bilio-
digestive, une prothèse biliaire, ou une sphinctérotomie endoscopique avec une bile en permanence
contaminée par des germes digestifs. Le traitement peut nécessiter un geste de drainage surtout en
cas d’échec d’une antibiothérapie.

ABCES HEPATIQUES EN RAPPORT AVEC UN TRAUMATISME HEPATIQUE


Le traitement conservateur (TC) des traumatismes hépatique a permis une nette diminution de la
mortalité, mais avec une morbidité globale qui reste élevée. L’incidence des AH est moindre en cas
de TC qu’en cas de traitement chirurgical (4 vs 7 %) [44]. D’une fac ¸on générale,2 facteurs semblent
augmenter le risque de survenue d’AH post-traumatique :
• la sévérité du traumatisme, grade 4 ou plus (odds ratio = 16), le taux d’AH passe de 1 pour les
grades I à près de 20 % pour les grades 3 < 1 % chez les malades ayant un traumatisme de grade 1 à 3
vs 19,2 % chez les malades avec un grade 3 ;
• la réalisation d’un geste d’embolisation artérielle (odds ratio = 15) avec taux d’AH de 27 % chez les
malades ayant eu une embolisation.
Le principal facteur à l’origine de la formation d’un AH au décours d’un traumatisme est l’étendue de
la nécrose du parenchyme hépatique [45]. Cette nécrose est soit directement liée au traumatisme,
soit aggravée par un geste thérapeutique d’embolisation intra-artérielle. Le mécanisme possible de
survenue d’AH dans ce contexte est une surinfection de zones de nécrose soit par contiguïté,
soit par bactériémie. Dabbs et al. [45] ont objectivé une bactériémie chez 31 % des malades ayant eu
des hémocultures au moment du diagnostic de nécrose parenchymateuse après TC. Les germes en
cause étaient surtout des anaérobies (90 %), isolés dans les prélèvements de la nécrose.
Sur leur série de 37 patients, Mohr et al. ont constaté que la nécrose se compliquait d’AH dans 4 %
des cas [46]. La plus grande fréquence des AH après une embolisation intra-artérielle pour stopper
l’hémorragie d’un traumatisme hépatique versus une CE à visée antitumorale est probablement liée
aux lésions associées de l’arbre biliaire et du réseau artério-porte lors du traumatisme et/ou surtout
du caractère plus agressif et moins sélectif du geste de ligature ou de l’embolisation artérielle
hépatique à visée hémostatique. De plus, lors des gestes d’embolisation posttraumatique, les
malades sont souvent polytraumatisés et sujets à d’autres situations de stress réanimatoire et
surtout avec des événements de bas débit artériel, ce qui peut aggraver l’étendue de la nécrose
hépatique dans ce contexte.
L’autre mécanisme moins souvent incriminé dans la formation d’un AH après un traumatisme est la
surinfection d’un biliome qui représente moins de 7 % des cas. La place de l’antibiothérapie

8
prophylactique en cas de traumatisme hépatique n’est pas clarifiée, et les résultats de la littérature
sont discordants [47,48]. L’AH survient en moyenne dans les 15 jours post-traumatisme (extrêmes 1
—90 jours)[47]. Mais pour les AH à anaérobies, notamment à Clostridium, le temps d’incubation peut
être extrêmement court jusqu’à moins de 24—48 heures [47]. Cette évolution rapide,
et pouvant être fatale, est probablement liée à l’ischémie parenchymateuse initiale, et aux lésions
digestives associées, favorisant le développement rapide des anaérobies [47,49]. Dans le cadre d’AH
post-traumatique, le sousgroupe de malades pouvant éventuellement bénéficier d’un geste
d’exérèse limitée n’est pas bien défini.

ABCES HEPATIQUE POST-TRANSPLANTATION


Les améliorations en termes d’ immunosuppression, de prise en charge périopératoire, de
techniques chirurgicales et d’anesthésie-réanimation ont permis des survies de 82 à 90 % à 1 an et de
62 à 80 % à 10 ans après transplantation hépatique (TH), cependant, les complications infectieuses
restent une des causes majeures de morbi-mortalité.
Les infections bactériennes surviennent dans le premier mois post-greffe avec une incidence
comprise entre 35 % et 68 % .Chez ces patients immunodéprimés, d’autres germes peuvent être
retrouvés : le Lactobacillus acidophilus (bactérie Gram positif), et des agents fongiques (candidose,
aspergillose) ou viraux (cytomégalovirus) qui peuvent être responsables d’AH multiples.
Les AH après TH sont assez rares, l’incidence rapportée est de 0,5 % à 1 % . Mais cette complication
est extrêmement grave avec un taux de mortalité allant jusqu’à 45 %, essentiellement du fait du
risque de perte du greffon.
Les AH peuvent survenir précocement après la TH mais le délai médian est de 60 jours (parfois à plus
d’un an de la TH).
Les causes biliaires ont une incidence oscillant entre 6 % et 34 % (fistule, sténose ou cholangite
ischémique) et restent la première cause de morbidité. La mortalité varie selon les séries de 3 % à 8
% [57]. Environ 20 % de ces complications sont associées à une thrombose artérielle qui complique la
prise en charge [58]. La thrombose de l’artère hépatique complique 3 % à 7 % des TH. La survenue
de cette complication est associée à une augmentation significative du risque d’AH.Cette thrombose
induit une ischémie des voies biliaires du greffon, condition idéale pour favoriser une infection
hépatobiliaire (cholangite ischémique, angiocholite, abcès) [59].
La pénurie de greffons a conduit à utiliser de plus en plus des greffons dits « marginaux », c’est-à-dire
des greffons issus de donneurs âgés, en instabilité hémodynamique, présentant des sérologies virales
positives (présence d’anticorps anti-HBc, sérologie de l’hépatite C), « à cœur arrêté », ou des greffons
traumatiques. Les greffons traumatiques ou issus de donneurs à cœur arrêté semblent avoir un
risque plus élevé de voir se développer des AH . Chez les donneurs à cœur arrêté, une phase
d’ischémie chaude survenant entre l’arrêt cardiaque et le refroidissement du greffon explique
probablement la survenue d’une cholangite ischémique avec sténose et dilatation des voies biliaires
intra-hépatiques.
Le risque d’AH secondaires aux manœuvres endoscopiques (CPRE, mise en place d’une endoprothèse
pour sténose ou fistule biliaire) dans les suites d’une TH peut atteindre 26 % [49]. Après des
manœuvres radiologiques percutanées (opacification ou drainage biliaire, biopsie hépatique), une
bactériémie est 12 fois plus fréquente chez les patients ayant une anastomose bilio-digestive par
rapport aux patients ayant une anastomose cholédococholédocienne. En dehors des greffons
partagés, la non-reconstruction d’une artère hépatique accessoire (habituellement une artère

9
hépatique droite ou gauche) ou l’occlusion (accidentelle) d’un canal biliaire lors de la préparation du
greffon augmente le risque de développement d’AH qui est alors localisé .
Le traitement initial des abcès est le même que chez les patients non transplantés, associant une
antibiothérapie large à la ponction, voire un drainage en cas d’AH unique. Le traitement des AH
multiples sur ischémie biliaire reconduit souvent à une re-TH . De fac ¸on exceptionnelle, et en cas
d’échec du traitement conservateur, un geste d’exérèse peut être indiqué. Le choix dépend
de la localisation, de l’extension des abcès, et de la gravité de la maladie hépatique sous-jacente. On
doit donc systématiquement rechercher l’existence de complications biliaires à type de cholangite
ischémique en cas d’apparition d’AH post-transplantation. Le traitement chirurgical des AH post-TH a
une morbidité importante, comprise entre 20—62 % en cas de résection hépatique, et 63—79 %
pour la re-TH. La mortalité est variable entre 0—29 % et 30—67 %, respectivement pour la résection
ou la re-TH.

LES ABCES AMIBIENS


L’AHA peut survenir plusieurs années après une contamination digestive, ce qui souligne la nécessité
d’un interrogatoire précis.
Après ingestion, EH transite dans l’intestin où il peut détruire les tissus et créer des ulcérations avec
microabcès sous-muqueux. Par effraction des veinules, les amibes peuvent ensuite gagner le système
porte qui les transporte jusqu’au foie. Les lésions du parenchyme hépatique semblent résulter de la
lyse des leucocytes et des macrophages par EH. Elles libèrent des produits toxiques qui provoquent la
nécrose du tissu hépatique, produisant du « pus chocolat inodore ».
L’AHA dû à EH doit toujours être évoqué devant un sujet venant d’une zone d’endémie. Il survient
après l’infection intestinale, souvent passée inaperçue ou oubliée. La forme classique associe :
hépatalgie, hépatomégalie et fièvre.
D’autres symptômes, tels qu’une altération de l’état général, des manifestations pleuro-pulmonaires,
ou un ictère, peuvent être présents selon la topographie des AHA. Les formes compliquées
traduisent une rupture dans les organes de voisinages (plèvre, péritoine, péricarde) ou dans des
voies de drainage biliaire ou bronchique (vomique) d’un abcès volumineux.
Le diagnostic de certitude repose sur la mise en évidence d’anticorps spécifiques dans le sérum. Les
sérologies permettent de confirmer le diagnostic, mais il ne faut pas attendre les résultats pour
débuter le traitement.

L’échographie est l’examen du diagnostic présomptif de l’AHA. Elle visualise un ou plusieurs abcès
siégeant huit fois sur dix au niveau du lobe droit, de volume et d’aspect variables en fonction du
stade de maturation. La ponction écho-guidée montre un pus stérile « chocolat », et doit être
largement indiquée en particulier pour différencier l’AHA des AH bactériens. La TDM est plus sensible
à la phase précoce, mais ne paraît pas supérieure à l’échographie pour les phases tardives.
Le métronidazole est le traitement de référence. Il est utilisé à la posologie de 1,5 à 2 g/jour par voie
orale ou intraveineuse pendant 10 jours. Le tinidazole ou l’ornidazole, à la posologie de 1,5 g/jour
pendant 5 jours représentent une alternative. Le traitement est complété par une cure d’amoebicide
de contact : tiliquinol—tilbroquinol (4 gélules/jour pendant 10 jours).
La ponction évacuatrice écho-guidée de l’AHA (si l’abcès est accessible), associée ou non à un
drainage percutané peut être envisagée s’il s’agit d’un abcès volumineux (> 10 cm diamètre), sous-
capsulaire en pré-rupture, en cas de surinfection ou en cas de résistance au traitement médical.

10
CONCLUSIONS
L’AH est une situation grave engageant le pronostic vital dont le diagnostic repose essentiellement
sur l’imagerie (scanner). La fréquence des étiologies est variable d’une zone géographique à l’autre.
Pour les AH bactériens de moins de 3—5 cm, un traitement antibiotique seul peut être suffisant, la
ponction permettant de mettre en évidence le(s) germe(s) et éventuellement d’évacuer le contenu
(biliaire ou non?). Pour les AH bactériens plus volumineux l’antibiothérapie est associée à un
drainage radiologique plus rarement chirurgical est nécessaire.

11

Vous aimerez peut-être aussi