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Rajae Amine
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Rajae AMINE
Doctorante en Economie, Gestion et Société
Faculté des Sciences Juridiques, Economique et Sociales de Mohammedia
Université Hassan II- Casablanca, Maroc
rajae.a@gmail.com
INTRODUCTION
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suscité de plus en plus l’intérêt des chercheurs (Raffestin (1986),
Beccatini (1989), Lévesque, Klein & Fontan (1998), Lartigue, Largier,
Soulard & Tarquis (2008)). L’intégration de la donnée géographique –
l’espace – pour comprendre les phénomènes économiques est depuis
incontournable (Caron, Angeon, & Lardon, 2006). Diverses formes
d’agglomération d’entreprises, entre districts industriels (Marshall, 1890),
systèmes productifs localisés (Garofoli, 1992), clusters (Porter, 1990) et
pôles de compétitivité (Lartigue et al, 2008) offrent, sur une base
territoriale, des réponses à la concurrence de plus en plus accrue grâce
aux mécanismes de l’économie de marché mondiale. Grâce à la
proximité géographique, ces différentes formes de pôles, permettent aux
entreprises de développer des relations de coopération et de compétition,
et de créer un écosystème favorable à l’échange, au transfert des
connaissances, à l’innovation et à la production de valeur ajoutée au
niveau local.
Des success stories telles que les districts de chaussures italiens en
Émilie-Romagne, Hollywood, la Silicon Valley en Californie, la Silicon
Wadi à Tel-Aviv, Sophia Antipolis en France et les clusters High-tech en
Inde, en Grande-Bretagne ou en Chine ont inspiré plusieurs régions et
territoires de par le monde pour la création et le développent de pôles de
compétences dans différents secteurs d’activité, et en ont fait un outil
indispensable pour le développement territorial et l’appui à une
économie basée sur la connaissance et l’innovation. Ainsi, les pays
développés et ceux en voie de développement ont fait le pari des pôles et
des agglomérations d’entreprises (Porter, 2004), sous leurs différentes
93
formes. Ne faisant pas l’exception, le Maroc s’est investi dans le
renforcement de la compétitivité territoriale, à travers des politiques
volontaristes, économiques et industrielles, afin de permettre l’éclosion
d’une industrie forte en valeur ajoutée et l’ancrage d’une logique
d’innovation et de compétitivité territoriale. Dans ce contexte, la
question est de savoir dans quelles mesures le Maroc a pu mettre en marche un
redéploiement industriel basé sur une approche territoriale ? Et quelle forme
d’agglomération reflète le mieux la cohérence des politiques industrielles menées avec les
réalités économiques et sociales marocaines ?
De nature exploratoire, cet article vise à approfondir la
compréhension du phénomène d’agglomération d’entreprises au Maroc.
L’objet de cette recherche est d’abord d’identifier la place des
phénomènes de polarisation des compétences et leurs formes à travers
les politiques industrielles marocaines, et puis de dresser une grille
d’évaluation (matrice SWOT) de l’expérience marocaine des Clusters afin
d’en déduire des essais de réponses à notre problématique. Pour ce faire,
dans un premier temps nous avons effectué une exploration préliminaire
de littérature grise (article de presse ; sites internet ; etc.) complétée par
une littérature spécialisée (ouvrages ; rapports ministériels ; documents
internes des Clusters, de MedZ, etc.). Par la suite, nous avons recueilli
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des informations par entretiens avec des responsables (Directeurs et
chargés d’affaires de Clusters marocains et étrangers ; Responsable du
service de développement des Clusters au ministère de l’Industrie, du
Commerce et de l’Economie Numérique ; Responsable à la direction
d’Industrie au sein du même ministère). En outre, la participation à des
séminaires et ateliers sur le sujet, a permis de croiser les données et de
nous orienter vers certaines pistes de recherches.
Le présent article est organisé comme suit : une première partie donne
un aperçu théorique sur différentes formes d’agglomération des
entreprises, et sur le rôle des pôles de compétences dans le
développement des territoires. Une seconde partie traite du
développement des pôles de compétences au Maroc à travers les
politiques publiques économiques et industrielles mises en œuvre depuis
1995 jusqu’aujourd’hui. L’article conclut par une synthèse de l’expérience
marocaine résumée dans une matrice SWOT.
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1. LES CLUSTERS : VALORISATION DU TERRITOIRE
DANS UNE ECONOMIE MONDIALISEE
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revient à l’expérience italienne. Il s’agit de « l’organisation industrielle de la
Troisième Italie1 se caractérisant par une forte présence de PME ayant une faible
capacité financière et une main-d’œuvre moins chère par rapport aux régions plus
industrialisées d’Italie. […] Au contraire du principe d’intégration verticale, les
PME ne participent qu’à certaines phases de production. Cela entraine l’introduction
du couple coopération/compétition, un des caractères les plus spécifiques de ces districts
industriels. » (Nguyen, 2009). C’est un concept qui trouve ses origines dans
les travaux de Marshall (1890), ayant défini les districts industriels
comme « des systèmes productifs, géographiquement définis, caractérisés par un grand
nombre de petites et moyennes firmes qui sont respectivement impliquées dans les
différentes étapes concourant à la production d’un produit homogène ». Il a
démontré l’efficacité dont fait preuve une organisation industrielle basée
sur un réseau de petites et moyennes entreprises, spécialisées dans un
même domaine et liées par des relations marchandes ou non
marchandes, du fait que « la concentration industrielle est une condition nécessaire
à la réalisation de la division du travail, facteur principal de la loi de productivité
croissante » (Courlet, 2001). Marshall (1890) a défini, toujours dans ses
Principes de Politique Economique, le district industriel par trois
caractéristiques : une main d’œuvre spécialisée, des industries
complémentaires et un échange de connaissances permanent. Le
développement et la circulation de la connaissance se faisant de manière
spontanée, car tous vivants dans une « atmosphère industrielle ». Cette
conception du district industriel a été confortée par les travaux de
1
Italie du nord-est et du Centre.
95
Beccatini (1989), qui le présente comme « une entité socio-territoriale
caractérisée par l’association active, dans une aire territoriale circonscrite et
historiquement déterminée, d’une communauté de personnes et d’une population
d’entreprises industrielles. Dans le district, à la différence de ce qui se produit dans
d’autres milieux, par exemple la ville manufacturière, la communauté et les entreprises
tendent, pour ainsi dire, à s’interpénétrer ». Beccatini (1989), dans sa définition,
souligne les aspects caractérisant les districts industriels, à savoir : l’aspect
de proximité géographique et l’aspect économique en plus de l’aspect
social, qui ne figurait pas dans la définition de Marshall (1890).
Les éléments clés d’un District se matérialisent dans : un mode de
fonctionnement articulé autour du marché et des relations de
coopérations et de relations non marchandes (échanges mutuels de
services gratuits). Les districts industriels évoluent dans une atmosphère
qui s'appuie aussi bien sur la proximité géographique que sur la
spécialisation dans une même branche, constituant une « atmosphère
industrielle » moins tangible que les institutions, mais tout aussi essentielle
pour la coopération et l'innovation (Lévesque et al, 1998) :
« Les secrets de l'industrie cessent d'être des secrets ; ils sont pour ainsi dire dans
l'air, et les enfants apprennent inconsciemment [pour] beaucoup d'entre eux. On sait
apprécier le travail bien fait ; on discute aussitôt les mérites des inventions et des
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améliorations qui sont apportées aux machines, aux procédés, et à l'organisation
générale de l'industrie. Si quelqu'un trouve une idée nouvelle, elle est aussitôt reprise
par d'autres, et combinée avec des idées de leur crû; elle devient ainsi la source d'autres
idées nouvelles. Bientôt des industries subsidiaires naissent dans le voisinage,
fournissant à l'industrie principale les instruments et les matières premières, organisant
son trafic, et lui permettant de faire bien des économies diverses » (Marshall, 1890)
Il s’agit de « code de comportement relevant de la coutume, qui discipline l'activité
de tous les opérateurs » (Brusco, 1994), une liaison avec le système
institutionnel local, voire national. Ainsi, les entreprises faisant partie
d’un district industriel jouissent de soutien et d’appui de la part des
institutions ou administrations locales, leur permettant l’accès aux
services qu’elles n’auraient pas pu s’offrir de manière individuelle.
L’expérience des districts italiens reste une success story reconnue au
niveau mondial. Le 5ème rapport sur les districts industriels d’Intesa
Sanpaolo, qui analyse les comptes financiers de 13 098 entreprises
appartenant à 144 districts industriels, confirme que celles-ci ont de
meilleures performances, notamment à l’export. Dans leur ensemble, les
entreprises des districts industriels ont enregistré, en moyenne, une
croissance de leur chiffre d’affaires (CA) de 9,6 % en 2010 et de 5,8 % en
2011, contre 7,7 % et 4,3 % pour celles hors districts. Les secteurs les
plus performants ont été ceux de la métallurgie (avec une croissance du
CA de 8,8 % en 2011), de la mécanique (+ 7,5 %), de l’alimentaire
(+ 6,2 %) et de la mode, le plus emblématique avec une hausse de 8,6 %
du CA en 2011 pour les entreprises en districts, contre 4,1 % pour celles
hors districts. Toutefois, le niveau pré-crise demeure encore loin, sauf
96
pour la mode et l’alimentaire. Après une prévision de contraction
moyenne du CA de 2,8 % en 2012, le retour à la croissance était prévu de
manière graduelle (augmentation du CA limitée à 1,1 % en 2013 puis à
4 % en 2014)2.
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cosmétique, regroupant les plus grandes marques françaises de produits
cosmétiques de Luxe. Le SPL Cosmetic Valley est, actuellement, labellisé
pôle de compétitivité.
Le SPL s'inscrit dans un « processus de décentralisation territoriale de la
production » (Garofoli, 1992). Il se définit selon trois critères (Caron et all,
2006) : l’intégration réticulaire, la dynamique d’apprentissage et l’ancrage
territorial. La notion de SPL présente de fortes similarités avec celle de
District : coopérations entre des acteurs économiques dans un territoire
donné ; effets de proximité ; relations avec le système institutionnel local.
Toutefois, le SPL peut être constitué autour d’entreprises de différentes
tailles, PME, PME et grandes entreprises ou même entre grandes
entreprises. Ces entreprises ne sont pas nécessairement concentrées dans
une seule branche, ou spécialisées dans différentes étapes du processus
de production d’un même produit.
Le SPL a principalement permis d’« encourager toutes les formes de
coopération », avec les objectifs suivants : Accroître les performances
économiques des territoires ; Développer l’économie relationnelle et la
cohésion territoriale ; Rechercher des effets leviers par la multiplication
des partenariats public-privé ; Promouvoir un comportement coopératif
chez les PME par le développement de coopérations stratégiques et
d’alliances (Lartigue et al, 2008).
2
Synthèse réalisée à partir de « Regards sur l’économie italienne », Service Economique,
Ambassade de France en Italie, 18 février 2013
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1.1.2. Les agglomérations d’entreprises dédiées à la croissance et
à l’innovation
a) Le Cluster
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organismes de recherche, d’enseignement supérieur et de valorisation) partageant une
vision commune de la dynamique de croissance et une stratégie commune de
développement économique ou technologique visant l’excellence et la visibilité
internationale. »3
Grâce à l’effet de proximité qu’il permet, le cluster bénéficie d’un
avantage concurrentiel de taille, permettant l’intensification des
interactions positives entre quatre facteurs, comme synthétisé par « le
diamant » de Porter, et menant à l’agglomération de firmes
complémentaires et au développement économique d’un territoire
donné. Il propose que la co-localisation des firmes donne lieu à des
comportements unissant coopération et concurrence (la coopétition). Ainsi,
les firmes peuvent coopérer pendant certaines phases de la chaîne de
valeur, en particulier au niveau de la recherche et développement, mais
être en concurrence pendant les étapes de commercialisation.
L’étendue géographique des clusters varie selon le contexte local : il
peut être urbain, métropolitain, rural, à la longueur d’une route ou en
réseau, et selon les segments sur lesquels les entreprises membres sont en
concurrence ainsi que les stratégies qu’elles emploient.
L’exemple des Clusters du Pays basque espagnol dénote le rôle
éminent des pouvoirs publics dans le développement des clusters dans la
3 « Les clusters mondiaux dans le domaine des écotechnologies : enseignements,
perspectives et opportunités », Rapport final Ministère de l'Écologie, de l'Énergie, du
Développement durable et de la Mer (MEEDDM). Avril 2010.
98
région. Avec seulement 5 % de la population espagnole, Euskadi ou Pays
Basque, l’une des 17 communautés autonomes d’Espagne, participe à
hauteur de 9 % à l’ensemble de la production industrielle nationale, ce
qui est dû en grande partie à sa politique industrielle axée sur le
développement et le soutien aux Clusters. Le succès des Clusters du Pays
Basque, se manifeste par leur longévité : créés pour la plupart dans les
années 90, ils sont maintenant au nombre de 13 et constituent le pivot de
l’économie du Pays Basque espagnol. Ils génèrent aujourd’hui plus de
45 % du PIB de la région.
Les clusters basques se caractérisent par : Des champs d’intervention
bien identifiés (mise en place de programme de soutien à la recherche,
création de norme de qualité internationale « HEGAN 9000 ») ; Une
implication des pouvoirs publics dans la durée (les pouvoirs publics sont
des membres à part entière dans les clusters, et évaluent l’état
d’avancement des projets tous les 4 ans) ; Des aides plafonnées
concentrées sur les pôles (financement aux cellules d’animation) plutôt
que sur les entreprises (aucun avantage fiscal) ; Développement des
clusters à vocation internationale4.
b) Pôle de compétitivité
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Il n’existe pas une définition unanimement acceptée des pôles de
compétitivité (PdC). Comme les autres formes d’agglomérations, c’est un
milieu novateur se situant sur un territoire donné, où l’interaction entre
les acteurs génère un processus cognitif et institutionnel qui met en place
un climat favorisant le développement d’un dynamisme local, politique,
culturel, écologique, technologique, administratif et économique. Son
« rôle est de renforcer les synergies et d’améliorer la dynamique collaborative entre les
acteurs publics et privés dans le but de renforcer les capacités d’innovation et la
compétitivité à long terme des entreprises. La création de richesse et d’emplois à
l’échelle des territoires et des régions est souvent sous-entendue comme objectif final »
(Bocquet & Mothe l, 2009).
Les pôles de compétitivité ou clusters « à la française », sont définis
par la loi de finance française de 2005, qui instaure les pôles de
compétitivité, de la manière suivante : « un pôle de compétitivité est sur un
territoire donné l’association d’entreprises, de centres de recherche et d’organismes de
formation, engagés dans une démarche partenariale, destinée à dégager des synergies
autour de projets innovants conduits en commun en direction d’un (ou de) marché(s)
donné(s) »5.
99
Ils sont souvent assimilés aux clusters ou aux districts industriels.
Cependant, les PdC présentent des distinctions significatives par rapport
aux réseaux d’innovation classiques précédemment cités (Aliouat, 2010),
dont les plus marquants sont :
• Les pôles de compétitivité (réseaux de connaissance) peuvent
absorber des temps de coordination plus longs que les réseaux
d’innovation qui sont plus sensibles aux risques d’obsolescence ;
• Les pôles de compétitivité sont coordonnés et pilotés par des
entrepreneurs institutionnels, alors que les autres formes
d’agglomérations économiques comprennent des firmes pivots ;
• Les pôles de compétitivité résultent nécessairement d’une
impulsion politique, alors que les clusters, SPL ou autres, émergent
d’initiatives d’entreprises ;
• Les pôles animent une interaction entre des organismes de
formation, de recherche et des entreprises, alors que les réseaux
d’innovation classiques peuvent ne contenir que des entreprises.
Enfin, une différence majeure entre toutes les formes d’agglomération
économique est la composition des membres des structures d’une part et
dans le caractère plus ou moins émergent ou au contraire impulsé de ces
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organisations (Defelix, Colle & Rapiau, 2008). Dans le tableau
comparatif suivant, le pôle s’apparente à une forme hybride
d’agglomération des activités, à mi-chemin entre le SPL et le Cluster.
100
Jusqu’aujourd’hui, ce qui distingue une forme d’agglomération
d’entreprise d’une autre et différencie le PdC des autres modèles n’est
pas clairement défini. Les appellations que nous avons vues ci-dessus,
entre district, SPL, cluster ou PdC sont souvent utilisées de manière
interchangeable malgré les différences conceptuelles que nous avons déjà
citées. Dans la littérature anglo-saxonne, l’expression Cluster revient le
plus souvent pour décrire les agglomérations d’entreprises de façon
générale.
L’expérience des PdC français a évolué considérablement depuis
l’année 2001, lors du lancement par le Comité interministériel de
l’aménagement et du développement du territoire (CIADT) d’une
nouvelle politique industrielle, basée sur le triptyque innovation-
attractivité-compétitivité, et qui a donné lieu à 71 Pôles de compétitivité
aujourd’hui.
Les Pôles de compétitivité français présentent plusieurs spécificités,
on en cite : Plus de 50 % des entreprises membres des PdC
appartiennent au secteur secondaire, confirmant l’ancrage industriel des
membres et de l’activité des pôles ; les PdC sont répartis en 3 catégories
selon leur poids économique et leur visibilité internationale : 76 % pôles
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nationaux, 14 % pôles à vocation internationale et 10 % pôles mondiaux;
Tous les domaines sont investis depuis l’aéronautique jusqu’aux
nanotechnologies en passant par l’agroalimentaire et l’automobile ; Forte
dépendance aux pouvoirs publics en termes de financement et de
gouvernance ; Les entreprises membres des PdC bénéficient d’avantages
fiscaux tels que des exonérations d’impôts et l’allégement de charges
sociales6.
101
Le territoire est une notion qui peut être perçue sous différents
angles. D’abord par l’attribut spatial, comme présenté par C. Raffestin
(1986) « le territoire est une réordination de l’espace ». Mais aussi comme une
construction abstraite résultant de l’action de la société, comme précisé
par G. DI Méo (1998), « le territoire est souvent abstrait, idéel, vécu et ressenti
plus que visuellement repéré ». Sur une base d’étude territoriale, le
développement durable est défini comme une démarche de« diversification
et d’enrichissement des activités économiques et sociales sur un territoire à partir de la
mobilisation et de la coordination de ses ressources et de ses énergies » (Worms et
Pinton, 1997). Ainsi, le développement territorial durable revient à
conjuguer les actions de multiples composantes (environnementale,
sociale, institutionnelle, économique, etc…) sur un espace géographique
donné, permettant de donner une identité spécifique à ce territoire. C’est
là où apparaît l’importance des agglomérations des entreprises, inspirée
par les districts Marshalliens, permettant d’exploiter les ressources d’un
territoire dans le cadre d’un réseau organisé, garantissant le
développement, la visibilité et la compétitivité du territoire, et donc de
ses composantes, au niveau international. La nouvelle ère d’économie
glocale nécessite une nouvelle configuration de l’aménagement du
territoire.
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Joignant les deux définitions précédentes du territoire, A. Moine
(2005) le présente comme « un système complexe dont la dynamique résulte de la
boucle de rétroaction entre un ensemble d’acteurs et l’espace géographique qu’ils
utilisent, aménagent et gèrent. ». Ces interactions entre les acteurs d’un même
territoire nécessitent une coordination indispensable pour maintenir la
stabilité et la cohérence entre les actions et les finalités affectées à ce
territoire, dans le cadre d’une politique publique et en vue d’un
développement territorial durable. Il s’agit alors de « l’établissement d’un
projet de territoire associant les acteurs locaux à sa conception et le respect des
principes de développement durable » (Caron et al, 2006).
102
d’atteindre une masse critique favorisant l’échange de connaissances et
l’accès aux intrants et aux compétences, ce qui permet au territoire de
développer un avantage compétitif. Qu’il s’agisse de district industriel, de
système productif local ou de pôle de compétitivité, les entreprises
jouent un rôle prépondérant dans la structuration de l’espace, et la
consolidation des liens entre les acteurs par la mobilisation de « nouveaux
acteurs dans le cadre des réseaux de soutien », « l’action de concertation favorisant des
relations de partage entre acteurs autour d’un consensus pour créer une logique
interinstitutionnelle transversale » et la création d’ « activité critique et innovatrice »
(Arocena, 1985). Il n’existe tout de même pas une formule unique pour
réussir le développement territorial, c’est une notion qui varie selon la
configuration régionale de chaque pays.
Le mémorandum européen des clusters8 affirme que « Les clusters
utilisés comme réseau européen de « plateformes » territoriales de politiques publiques,
peuvent jouer un rôle de catalyseur d’innovation » (Laffitte, 2008). D’une part, le
groupement des entreprises, de laboratoires de recherche et d’organismes
de formation et leurs interactions dans le cadre de pôle de compétitivité,
permet à ces organisations de bénéficier de ressources complémentaires,
pouvant être rares et spécifiques à un territoire donné. D’autre part, ce
groupement conduit à la création de nouvelles ressources en savoirs et
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savoir-faire qui valorisent le territoire, contribuent à la création et
audéveloppement de son identité, renforcent la visibilité à l’international,
et constituent une locomotive de croissance économique pour
l’économie régionale favorisant la dynamique et l’attractivité locale.
Parallèlement aux politiques industrielles de création et d’appui aux
pôles de compétitivité qui tentent de « développer des modes de coopération au
sein des régions qui puissent augmenter les externalités positives » (Castro,
Chabalaut et Tixier, 2010), le développement territorial résulte aussi de la
capacité de ses acteurs à développer une coopération avec d’autres
territoires pouvant être concurrents (coopétition).
103
2. LES CLUSTERS AU MAROC : REDEPLOIEMENT
INDUSTRIEL ET REAMENAGEMENT DU TERRITOIRE
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des secteurs à fort potentiel d’innovation, permettent la diffusion
d’externalités positives et des débordements technologiques.
Ainsi, le Maroc a développé à travers des politiques économiques et
industrielles, une stratégie d’installation des Plateformes Industrielles
Intégrées (P2I) et Technopôles, ainsi qu’une stratégie de soutien et de
labellisation des Clusters en vue de créer des écosystèmes propices à une
fertilisation croisée de l’innovation et des compétences.
104
qui devait veiller sur la coordination des projets des grappes et de réaliser
des études sectorielles pour évaluer et assurer le suivi des grappes9.
Le Maroc Compétitif avait ouvert la voie pour un développement
économique et industriel axé sur les politiques sectorielles, en jetant les
bases d’une économie spécialisée à travers les grappes et a permis de
varier les partenaires commerciaux en élargissant l’horizon des
exportations hors du partenaire historique qu’est la France.
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croissance industrielle à 70 %10 à l’horizon 2015 et surtout de profiter du
contexte mondial des délocalisations pour attirer les IDE.
Plusieurs mesures ont été adoptées pour accompagner cette stratégie,
dont on cite particulièrement la création de zones et de plateformes
industrielles dédiées, avec un cadre incitatif attrayant ainsi qu’un
programme de formation à la carte pour un appui ciblé aux nouvelles
branches industrielles investies par le plan Emergence. Il s’agit d’offrir
des sites clés en main pour l’externalisation des activités. Les secteurs
industriels ont aussi bénéficié de la création de P2I, zones industrielles
aménagées pour recevoir des constructeurs automobiles, aéronautiques
et de composantes électroniques. L’agroalimentaire et les produits de la
mer ne sont pas en reste, des pôles agro industriels ainsi que des pôles de
développement des produits de la mer ont été programmés suivant le
modèle des pôles de compétitivité français.
105
Le plan Emergence avait entamé une nouvelle orientation industrielle,
ralliant la recherche de la compétitivité, l’innovation et le renforcement
du tissu industriel sur une base de spécialisation territoriale.
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Dans la même logique que le plan Emergence, l’aménagement des
P2I, a représenté l’un des outils principaux du Pacte National de
l’Emergence Industrielle. L’objectif étant d’améliorer les zones
industrielles locales et en créer d’autres plus intégrées pour mettre à la
disposition des investisseurs nationaux et étrangers des sites d’accueil
dotés d’infrastructures adaptées à leurs besoins. Le ministère a mis en
place l’Agence Marocaine du Développement Industrielle (AMDI) pour
assurer la veille et le suivi des projets relatifs aux P2I.
11 Cette situation de désindustrialisation peut être expliquée, entre autres causes, par le
détournement des capitaux marocains vers les finances, les services et le BTP, suite à
l’ouverture du Maroc sur l’Europe, la Turquie et les USA, alors que l’économie
nationale était encore fragile, non compétitive et qui n’avait tout de même pas réussi sa
mise à niveau.
106
Le ministère de l’Industrie, du Commerce, de l’Investissement et de
l’Economie Numérique, a lancé en 2014 le plan d’ « Accélération
Industrielle » avec l’ambition de porter la part du PIB industriel dans le
PIB national de 14 % à 23 % à l’horizon 2020 ainsi que la création de
500 000 emplois sur les dix années à venir.
Pour « se donner les moyens de son ambition » comme l’avait exprimé le
Ministre de l’Industrie, du Commerce, de l’Investissement et de
l’Economie Numérique, le Plan a été accompagné par la création d’un
Fond d’Investissement Industriel (FDI) doté d’une enveloppe budgétaire
de 20 Milliards de dirhams (approximativement 1 835 000 000.00 €) sur 7
ans. Les aides et subventions accordées par le FDI, seront conditionnées
par l’emploi généré, la création de valeur et les volumes d’exportation.
Un foncier locatif de 1000 Ha sera mis à la disposition des investisseurs
nationaux et internationaux. Le plan a également prévu d’accompagner
les acteurs productifs qui évoluent dans le noir vers le formel, par la
création du statut de l’auto entrepreneur et l’appui aux TPE à travers une
fiscalité adaptée et d’autres mesures pour faciliter son intégration dans le
tissu économique.
Une autre mesure mise en place par le Plan d’Accélération Industrielle
est le développement d’écosystèmes industriels suivant la logique de
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« développement industriel-compétitivité des territoires » qui a été
instauré avec les premières P2I il y a dix ans. L’objectif étant de réduire
l’atomisation du secteur industriel, construire un tissu industriel plus
intégré et moins fragmenté, tout en permettant aux PME de bénéficier
d’alliances stratégiques avec les grands entreprises à travers les
groupements d’intérêts économiques.
Les groupements d’intérêts économiques sont des rassemblements
d’entreprises, particulièrement des PME, autour d’une grande entreprise
(Entreprises leaders nationales, groupement professionnels ou
investisseurs étrangers) qui servira de locomotive dans un secteur donné.
107
croissance et les pôles tournés vers la croissance et le renforcement de
l’innovation.
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réservées aux acteurs d'un tissu industriel provenant d’une même région
d’un pays étranger.
Aujourd’hui, le Maroc dispose de plus d’une vingtaine de P2I. Les P2I
généralistes et sectorielles s’apparentent jusqu’à une certaine mesure aux
districts marshalliens. En présentant des similarités au niveau de la
concentration d’un grand nombre de petites et moyennes firmes, des
effets de la proximité géographique, et la création de bassin d’emploi
spécialisé. Ces P2I ayant constitué une atmosphère industrielle favorable
à l’échange et aux relations de coopétition, ont évolué pour devenir des
technopoles13 spécialisées ou mixtes
La localisation territoriale de ces pôles est présentée par la carte
suivante :
13 Une autre expression pour désigner les pôles de compétences est Technopole, qui
signifie :« concentrations géographiques locales d’entreprises innovantes, situées à
proximité de centres de recherche et de formation scientifiques, dans le but de former
ensemble un microsystème innovant » (Ruffieux, 1991).
108
Figure N° 1 : Cartographie des P2I au Maroc
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Source : site internet du ministère de l’Industrie, du Commerce de l’Investissement et
de l’Economie Numérique.
109
Tableau N° 2 : Présentation des P2I/Technopoles au Maroc.
P2I
Région Secteur Activités
/Technopole
Chimie ; parachimie ; Industries
mécanique et métallurgique ; stockage
Jorf Lasfar Jadida Industrie
d’énergie (pétrole gaz) ; autre (industrie
lourde).
Automobile ; électronique embarqué ;
Atalantic free
Kenitra Industrie industrie mécanique et métallurgique ;
zone
plasturgie et industrie du verre.
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services.
Technopolis Rabat-Salé-
Offshoring Offshoring.
Offshoring Zemour-Zair
110
Activité artisanal de matériaux de
Taza-
Zone activité construction ; mécanique ; construction
Hussiama- Industrie
Ait Kamra métallique ; textile et cuire ; agro-
Taounat
industrie.
Grand
Casanarshor Offshoring Offshoring et tertiaire
Casablanca
Fes-
FesShor Offshoring Offshoring et tertiaire
Boulmane
Oriental/Ouj
OujdaShor Offshoring Offshoring et tertiaire
da
Zone franche
d'exploitation Tanger Industrie Industrie
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Tanger
Zone
Grand Industrie/
SAPINO Industrie/ Offshoring
Casablanca Offshoring
Casablanca
Source : réalisé par l’auteur en synthétisant des données de documents internes de
MedZ1.
111
tous les secteurs économiques. L’objectif principal de cette initiative est
de créer des écosystèmes d’innovation favorables à l’échange de
connaissances et de compétences. Le Maroc étant très en retard sur la
question, avec 1.87 chercheurs/1 millier de population active et une
position de 70ème dans l’indice de l’innovation du BCG2, l’appui et le
développement de l’innovation préoccupe de plus en plus les décideurs
marocains. La promotion des clusters par la coopération entre pouvoirs
publics et le secteur privé, à travers la mise en place d’un environnement
favorable aux synergies et permettant d’améliorer la dynamique
collaborative entre les différents acteurs, permet d’atteindre différents
objectifs dont les plus importants sont le renforcement des capacités
d’innovation, la compétitivité à long terme des entreprises, la création de
richesse et d’emplois à l’échelle des territoires et des régions.
Au Maroc, la promotion et l’encouragement des initiatives de clusters
se font à travers le soutien aux clusters labellisés. La labellisation des
clusters se fait selon deux processus, l’un est spontané : les entreprises
qui, étant au courant de la stratégie du ministère, s’organisent autour d’un
secteur donné, en partenariat avec des acteurs universitaires pour
préparer une proposition cohérente avec une vision claire et des objectifs
quantifiables, qu’ils soumettent au ministère.
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Le deuxième processus est celui initié par le ministère qui lance des
appels à projets ou organise des ateliers sectoriels ciblant les secteurs
porteurs dans la même logique que la politique industrielle en vigueur.
Les industriels des secteurs en question sont ainsi informés de la stratégie
en place et sont sensibilisés à l’intérêt de se regrouper en cluster.
Le ministère de l’industrie, dans le cadre d’un « contrat-programme »
avec le cluster, prévoit une subvention financière aux clusters labellisés
qui s’élève à 2 000 000.00 Dhs (approximativement 184 000.00 €)
annuellement pour une durée de 3 ans. Ce soutien financier ainsi qu’un
soutien en termes de formation et d’accompagnement, sont conditionnés
par l’évolution des performances du cluster en termes de croissance des
entreprises dans le cluster, du nombre d’évènements du cluster, du
nombre de projets de R&D collaboratifs entre membres de cluster et
avec d’autres clusters, du nombre d’emplois créés en R&D, de start-up
créées, de brevets déposés ou commercialisés, du nombre de formations
mutualisées au sein du cluster, etc. De cette stratégie sont nés 11
clusters :
112
Tableau N° 3 : Clusters labialisés au Maroc
Cluster Secteur
MNC : Maroc Numérique Cluster TIC et Economie numérique
CE3M : Cluster Electronique, Mécatronique et
Electronique et mécanique
Mécanique du Maroc
MMC : Morocco Microelectronics Cluster Microélectronique
OTT : Océanopôle TAN-TAN Produit de la mer
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CISE-Maroc : Cluster Industriel pour les Développement du secteur industriel
Services Environnementaux des services environnementaux
MDC : Moroccan Denim Cluster Textile (jeans)
C2TM : Cluster des textiles Techniques du
Textile
Maroc
Source : Auteur
113
automobile devrait être à l’origine de création de clusters dédiés, un
généraliste et l’autre autour de pièces pour l’automobile4. Un cluster de
l’aéronautique devrait voir le jour dans la Nouacer Aerospace City dans
la région de Casablanca5.
Depuis le début des années 2000, le Maroc multiplie les efforts pour
construire une économie spécialisée, basée sur l’innovation, ayant un
ancrage territorial et permettant d’offrir aux entreprises marocaines une
visibilité internationale. Une succession de politiques économiques et
industrielles a permis d’identifier plusieurs secteurs sur lesquels le Maroc
peut se positionner et détenir un avantage compétitif, couvrant
l’industrie de l’Automobile, l’Aéronautique & Spatial, l’Electronique, le
Textile & cuir et l’Agroalimentaire, ainsi que l’Offshoring. Le lancement
du programme d’appui et de labellisation de clusters, ainsi que la création
de P2I et technopoles, malgré une répartition géographique déséquilibrée
comme nous l’avons vu, permettent la création d’un écosystème
favorable pour le développement des startups innovantes et à
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l’attractivité des IDE.Pour accompagner et renforcer cette démarche, le
gouvernement a adopté plusieurs mesures dont l’ouverture de centres de
formation pour accompagner les secteurs industriels et favoriser leur
essor. Des dispositifs d’appui à l’entreprenariat et à l’innovation ont
également été adoptés pour encourager l’initiative privée. Des
mécanismes de financement ont été mis en place dont le Fonds Hassan
II pour le Développement Economique créé en l’an 2000 et le Fond de
Développement Industriel accompagnant la Stratégie d’accélération
Industrielle.
Néanmoins, la relation entre entreprise et université ainsi que la
valorisation de la R&D constituent le maillon faible dans la chaîne de
développement de clusters et d’écosystème innovants. La lourdeur des
procédures administratives, desquelles dépendent les entreprises, est un
autre bémol.
Le renforcement de la coopération entre clusters marocains
appartenant à des différentes filières permettra l’échange de retour
d’expérience et les bonnes pratiques managériales. Aussi, des relations
inter clusters appartenant aux mêmes filières, au niveau international,
114
dans des secteurs tels que la mécanique ou la mécatronique ;
l’agroalimentaire et les activités de pêche et produits de la mer ; les TIC;
les énergies renouvelables et les services environnementaux favoriseront
l’échange et le transfert de technologie et peuvent déboucher sur la
réalisation de projets industriels communs.
Pour conclure notre papier, nous avons opté pour la réalisation d’une
matrice (SWOT), synthétisant les données et observations que nous
avons présentées. Sans prétendre dresser un bilan de l’expérience
marocaine des clusters, la matrice servira à faciliter la compréhension de
cette expérience.
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conditionné par les résultats gouvernance
(clusters labélisés) - Manque de valorisation de R&D
- Hétérogénéité et diversité - Manque culture de l’innovation
des domaines d’activités - Manque des études d’évaluation de
- Plans sectoriels clairs performances au niveau des clusters
- Infrastructures logistiques et - Manque d’évaluation des résultats
TIC des plans et stratégies au niveau du
ministère de l’industrie et des
organismes de tutelle
Opportunités Menaces
- Startups innovantes - Faiblesse voire inefficacité du
- Attractivité des IDE à processus de transfert de technologie
investir pour créer plus de - Compétition d’autres pays émergents
synergie - Manque d’intégration réelle des
- Partenariat et interclustring au universités
niveau national et
international
- Une grande volonté de
coopération de l’Etat et du
secteur privé
Source : Auteur
115
CONCLUSION
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spécialisation et l’attractivité des territoires.
Les politiques économiques et industrielles engagées au Maroc ont
permis un redéploiement industriel basé sur une approche territoriale,
par l’initiation de différentes formes d’agglomération d’entreprises, avec
différents niveaux de spécialisation. Malgré une réorientation toute
récente des politiques publiques vers la promotion des agglomérations
d’entreprises au Maroc, l’évolution des pôles de compétences est
remarquable : 16 technopôles dédiées à l’industrie ou à l’offshore, 11
clusters industriels labellisés et d’autres clusters évoluant séparément de
la stratégie du ministère, ainsi que plusieurs projets en cours de
développement dont des groupements d’intérêts économiques et d’autres
clusters industriels.
La particularité des pôles de compétences au Maroc réside dans la
démarche top-down de leur mise en place. Hormis les quelques clusters
nés spontanément grâce à l’initiative d’entrepreneurs et hors de la
politique du ministère de l’industrie, toutes les autres formes
d’agglomérations d’entreprises au Maroc, à savoir P2I, Technopoles ou
Clusters labellisés ont vu le jour ou ont été soutenus par les pouvoirs
publics. Il en ressort la place importante qu’occupe l’Etat dans l’initiative
de clustring. Toutefois, les entrepreneurs dans différents domaines
d’activités sont de plus en plus conscients de l’intérêt du regroupement
dans le cadre d’un cluster.
L’expérience marocaine connaît quelques faiblesses qui risquent de
ralentir l’évolution des pôles de compétences. La répartition territoriale
déséquilibrée en faveur des régions du nord et du nord-ouest peut nuire
116
au développement équilibré et équitable des régions. La prédominance
des grandes entreprises dans les structures de gouvernance des clusters,
les liens faibles qui relient les entreprises avec les universités et la
lourdeur des procédures administratives constituent aussi des freins au
renforcement des performances des clusters et des entreprises qui en
sont membres. Cependant, la ferme volonté des pouvoirs publics à
accompagner le secteur privé pour la réorientation de l’économie
nationale vers une économie de connaissance et d’innovation à haute
valeur ajoutée promet d’assurer un environnement économique et
institutionnel propice à la coopération, à l’attractivité des IDE, au
développement des entreprises et start-up innovantes et la multiplication
des expériences de clustring sur différents niveaux.
Plusieurs formes d’agglomérations ont été initiées et soutenues par les
pouvoirs publics et à travers les politiques industrielles. Chaque forme
d’agglomération d’entreprises répond aux besoins des filières
industrielles selon le niveau de spécialisation que la politique industrielle,
étant à l’origine de l’initiative, souhaite atteindre. Cette diversité des types
de pôles reflète alors l’évolution des objectifs des politiques publiques,
ayant pour but de s’adapter à l’évolution de l’économie au niveau
international et d’adapter l’offre aux besoins des entrepreneurs nationaux
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et des investisseurs étrangers. Toutefois, l’expérience des pôles de
compétence et particulièrement des clusters étant récente au Maroc, elle
n’a pas atteint la maturité qui permettrait de « to pick a winner » parmi
les diverses formes d’agglomérations d’entreprises qui existent.
Autrement dit, c’est seulement à la lumière de résultats d’éventuels futurs
travaux et d’enquêtes qu’on pourra porter un jugement sur la question de
la forme d’agglomération d’entreprises la plus en phase avec les réalités
économiques et sociales marocaines.
Ainsi, d’autres travaux empiriques approfondis seront nécessaires
pour mieux cerner la question de développement des clusters au Maroc.
L’évaluation de la performance des clusters d’une part et des politiques
publiques de cluster d’autre part, permettrait d’identifier les éléments de
menace et déterminer les facteurs de succès spécifiques au contexte
économique et social marocain, et ainsi de mieux orienter les politiques
économiques et industrielles futures, pour un développement
économique qui repose sur l’innovation et la valorisation des territoires.
117
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