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Interdiction bancaire : droits et devoirs

Par Loubna Chihab Le 4 Jan, 2020


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La loi donne au client trois chances avant de passer à la trappe. Un traitement de faveur pour
les clients «importants» de la banque. Jusqu’à 2 ans de prison en cas de non-respect de
l’interdiction.

En tant que moyen de paiement, le chèque a définitivement perdu en crédibilité durant ces
dernières années. Il n’y a qu’à voir le nombre de commerçants qui ne jurent que par les
espèces et la carte bancaire, refusant systématiquement d’être payés par chèque. Une
réputation que le chèque ne démérite pas malheureusement, compte tenu d’une recrudescence
du nombre de chèques en bois.

Ce sont 460 288 incidents de paiement sur chèque qui ont été constatés en 2018, un record qui
dépasse de 6,4% celui enregistré en 2017 (432 578) et de 11,5% celui noté en 2016 (412 627),
selon les données recueilles par la Banque centrale des incidents de paiement sur chèques. En
tout, le montant relatif à ces défauts de paiements s’aggrave. Il a frôlé les 13,3 MDH en 2018,
contre 11,8 MDH en 2017. Et c’est donc sans surprise que les rangs des interdits d’émission
de chèques gonflent constamment. Leur nombre se monte désormais à 668988 personnes, soit
4,1% de plus qu’en 2017.

Une tendance qui devrait se poursuivre cette année, à en croire des banquiers approchés. L’un
d’eux nous a confié que «l’écart entre les incidents et les régularisations effectuées se creuse à
vue d’œil. Plusieurs clients émettent des chèques et se retrouvent dans l’incapacité d’assurer
la provision le jour de l’encaissement. Le rejet des chèques par les banques est devenu
presque anodin. Sachant qu’un nombre très important de cas de rejet concerne des chèques à
six chiffres». Dans ce sillage, la centrale a compté 113 756 régularisations d’incidents en
2018, en légère augmentation par rapport aux deux exercices précédents (1,3% qu’en 2017 et
0,6% qu’en 2016).

Rejet de chèque = Interdiction bancaire ?

«Tout rejet de chèque n’est pas automatiquement assimilé à un incident de paiement


susceptible d’entraîner une interdiction bancaire. Selon la loi, n’est considéré en tant que tel
que le non-paiement des chèques pour défaut ou insuffisance de provision», nous explique le
directeur d’une agence bancaire. Par assimilation, sont considérés comme incidents le
règlement partiel d’un chèque à concurrence de la provision disponible ou encore un défaut de
paiement des chèques émis sur un compte clôturé ou frappé d’indisponibilité. D’autres formes
de rejet peuvent survenir, mais ne sont pas considérés comme incidents «tels que l’absence ou
la non-conformité de la signature, la surcharge, la non-conformité de la somme en lettres et en
chiffres, etc.» enchaîne le professionnel.
Mais quand bien même l’incident bancaire opérerait, le client dispose de 3 chances avant «la
sentence» d’interdiction. En effet, conformément à l’article 314 du code de commerce, il est
possible de recouvrer la possibilité d’émettre des chèques, si la personne s’acquitte d’une
amende fiscale auprès de la perception, dont le montant est de 5 % au premier incident de
paiement (1ère injonction), 10% au second et de 20% au troisième.
Une fois la situation totalement régularisée, la banque préviendra le service de centralisation
des incidents de paiement à Bank Al-Maghrib qui supprimera alors le nom du client du fichier
national des chèques irréguliers. Il recevra, par la suite, une attestation de régularisation et
pourra de nouveau émettre des chèques. Bien entendu, tout rejet de chèque entraîne des frais
bancaires prélevés directement sur son compte bancaire. Il est donc important de faire des
photocopies des justificatifs des amendes payées aux fins de régulariser le rejet du chèque.

Il arrive toutefois que des banquiers protègent leurs clients privilégiés contre l’incident de
paiement en invoquant un autre motif de rejet du chèque que l’absence de provision…

«Il est devenu de plus en plus toléré de retourner un chèque, dans la mesure où les clients en
question peuvent régulariser leur situation en s’acquittant d’une pénalité dérisoire», explique
un chef d’agence «Nos meilleurs clients bénéficient d’un traitement de faveur. Il nous arrive
parfois d’exécuter l’opération bien que le compte ne soit pas suffisamment alimenté et que
son titulaire n’ait pas une autorisation de découvert. On l’invite ensuite à régler dans les plus
brefs délais. Dans d’autres cas, nous demandons l’annulation de l’incident auprès de la
banque centrale, prétextant que c’est une simple erreur du banquier». En revanche, un client
standard «moins privilégié» verra sa banque délivrer au bénéficiaire du chèque un certificat de
refus de paiement qui doit mentionner, entre autres, le montant disponible sur le compte de
l’émetteur.

Que faire en cas d’interdit bancaire ?

En cas d’interdiction bancaire, le client reçoit via sa banque une lettre d’injonction pour lui
demander de ne plus émettre, pendant une durée de dix ans, des chèques autres que ceux
permettant le retrait de fonds ou ceux qui sont certifiés, ce conformément à l’article 313 du
code de commerce. Et de lui restituer immédiatement, ainsi qu’à tous les autres établissements
bancaires, les formules de chèques en sa possession.

Bank Al-Maghrib est instantanément tenue au courant de l’incident, grâce à un système


centralisé qui la lie au réseau bancaire. Ce n’était pas le cas il y a quelques années. Avant, la
banque devait déclencher manuellement la procédure d’interdiction bancaire en informant
Bank Al-Maghrib au plus tard le cinquième jour qui suit la date de l’incident. Au-delà, elle
s’expose à des sanctions pécuniaires, allant de 5 000 DH à 50 000 DH, et même parfois à des
sanctions pénales.

Il faut noter que, même en étant interdit bancaire, la personne continuera à faire fonctionner
son compte. Elle pourra, par exemple, garder sa carte de retrait, effectuer des virements et
opérer certains prélèvements. Elle continuera aussi à recevoir ses relevés bancaires.

Par contre, si malgré l’injonction elle émet un chèque classique, autre que ceux qui lui sont
autorisés (certifiés ou de retrait de fonds), la personne encourt non seulement une amende (1
000 à 10000 DH), mais également l’emprisonnement (un mois à deux ans). Pour sa part, la
banque est obligée de payer les chèques émis en violation de l’injonction de ne plus émettre
de chèques, si bien sûr l’émetteur dispose d’une provision suffisante sur son compte. Mais
elle devra aussitôt notifier Bank Al-Maghrib.

 Les LCN accusent le coup également


Le chèque n’est pas le seul à accuser le coup. Utilisées pour régler les montants élevés, les
lettres de change normalisées (LCN), aux taux déjà élevé de sinistralité, cumulent des
impayés non-régularisés de plus de 69 milliards de dirhams à fin 2018. Ces défauts de
paiement sont répartis entre 1,9 million de cas (+50,8% qu’en 2017), dominés à hauteur de
62% par des personnes physiques.

 Le chèque de moins en moins utilisé

Pour la troisième année consécutive, le chèque perd sa place de premier moyen de paiement.
Contrairement aux années précédentes, la structure des paiements scripturaux, en nombre, a
connu une réelle transformation, avec notamment la régression de l’utilisation du chèque et
qui a cédé la première place au virement pour la seconde année consécutive. Ainsi, le
virement représente une part de 35%, suivi de la carte bancaire (26%), du chèque (24%) et,
enfin, du prélèvement, qui représente 12% de l’ensemble des échanges. En termes de
montants échangés, ces proportions sont nettement différentes, car si les chèques demeurent
prépondérants, avec 47% des montants échangés, loin devant les virements (35%), les
transactions de paiement par cartes restent constantes avec une part de 1% des opérations, les
cartes étant essentiellement utilisées pour des règlements de faibles montants.

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