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La loi donne au client trois chances avant de passer à la trappe. Un traitement de faveur pour
les clients «importants» de la banque. Jusqu’à 2 ans de prison en cas de non-respect de
l’interdiction.
En tant que moyen de paiement, le chèque a définitivement perdu en crédibilité durant ces
dernières années. Il n’y a qu’à voir le nombre de commerçants qui ne jurent que par les
espèces et la carte bancaire, refusant systématiquement d’être payés par chèque. Une
réputation que le chèque ne démérite pas malheureusement, compte tenu d’une recrudescence
du nombre de chèques en bois.
Ce sont 460 288 incidents de paiement sur chèque qui ont été constatés en 2018, un record qui
dépasse de 6,4% celui enregistré en 2017 (432 578) et de 11,5% celui noté en 2016 (412 627),
selon les données recueilles par la Banque centrale des incidents de paiement sur chèques. En
tout, le montant relatif à ces défauts de paiements s’aggrave. Il a frôlé les 13,3 MDH en 2018,
contre 11,8 MDH en 2017. Et c’est donc sans surprise que les rangs des interdits d’émission
de chèques gonflent constamment. Leur nombre se monte désormais à 668988 personnes, soit
4,1% de plus qu’en 2017.
Une tendance qui devrait se poursuivre cette année, à en croire des banquiers approchés. L’un
d’eux nous a confié que «l’écart entre les incidents et les régularisations effectuées se creuse à
vue d’œil. Plusieurs clients émettent des chèques et se retrouvent dans l’incapacité d’assurer
la provision le jour de l’encaissement. Le rejet des chèques par les banques est devenu
presque anodin. Sachant qu’un nombre très important de cas de rejet concerne des chèques à
six chiffres». Dans ce sillage, la centrale a compté 113 756 régularisations d’incidents en
2018, en légère augmentation par rapport aux deux exercices précédents (1,3% qu’en 2017 et
0,6% qu’en 2016).
Il arrive toutefois que des banquiers protègent leurs clients privilégiés contre l’incident de
paiement en invoquant un autre motif de rejet du chèque que l’absence de provision…
«Il est devenu de plus en plus toléré de retourner un chèque, dans la mesure où les clients en
question peuvent régulariser leur situation en s’acquittant d’une pénalité dérisoire», explique
un chef d’agence «Nos meilleurs clients bénéficient d’un traitement de faveur. Il nous arrive
parfois d’exécuter l’opération bien que le compte ne soit pas suffisamment alimenté et que
son titulaire n’ait pas une autorisation de découvert. On l’invite ensuite à régler dans les plus
brefs délais. Dans d’autres cas, nous demandons l’annulation de l’incident auprès de la
banque centrale, prétextant que c’est une simple erreur du banquier». En revanche, un client
standard «moins privilégié» verra sa banque délivrer au bénéficiaire du chèque un certificat de
refus de paiement qui doit mentionner, entre autres, le montant disponible sur le compte de
l’émetteur.
En cas d’interdiction bancaire, le client reçoit via sa banque une lettre d’injonction pour lui
demander de ne plus émettre, pendant une durée de dix ans, des chèques autres que ceux
permettant le retrait de fonds ou ceux qui sont certifiés, ce conformément à l’article 313 du
code de commerce. Et de lui restituer immédiatement, ainsi qu’à tous les autres établissements
bancaires, les formules de chèques en sa possession.
Il faut noter que, même en étant interdit bancaire, la personne continuera à faire fonctionner
son compte. Elle pourra, par exemple, garder sa carte de retrait, effectuer des virements et
opérer certains prélèvements. Elle continuera aussi à recevoir ses relevés bancaires.
Par contre, si malgré l’injonction elle émet un chèque classique, autre que ceux qui lui sont
autorisés (certifiés ou de retrait de fonds), la personne encourt non seulement une amende (1
000 à 10000 DH), mais également l’emprisonnement (un mois à deux ans). Pour sa part, la
banque est obligée de payer les chèques émis en violation de l’injonction de ne plus émettre
de chèques, si bien sûr l’émetteur dispose d’une provision suffisante sur son compte. Mais
elle devra aussitôt notifier Bank Al-Maghrib.
Pour la troisième année consécutive, le chèque perd sa place de premier moyen de paiement.
Contrairement aux années précédentes, la structure des paiements scripturaux, en nombre, a
connu une réelle transformation, avec notamment la régression de l’utilisation du chèque et
qui a cédé la première place au virement pour la seconde année consécutive. Ainsi, le
virement représente une part de 35%, suivi de la carte bancaire (26%), du chèque (24%) et,
enfin, du prélèvement, qui représente 12% de l’ensemble des échanges. En termes de
montants échangés, ces proportions sont nettement différentes, car si les chèques demeurent
prépondérants, avec 47% des montants échangés, loin devant les virements (35%), les
transactions de paiement par cartes restent constantes avec une part de 1% des opérations, les
cartes étant essentiellement utilisées pour des règlements de faibles montants.