Vous êtes sur la page 1sur 4

ASTHME AIGU GRAVE

I. INTRODUCTION :
- L’asthme est une affection respiratoire connue depuis la plus haute Antiquité et dont la sévérité n’a été bien identifiée
qu’après la Seconde Guerre mondiale.
- De multiples définitions de l’asthme ont été proposées et on peut retenir celle proposée par Bousquet:
+ L’asthme est une atteinte inflammatoire chronique des bronches impliquant plusieurs types cellulaires
dont les éosinophiles, mastocytes, lymphocytes, macrophages et cellules épithéliales
+ Cette inflammation entraîne l’apparition d’un trouble ventilatoire obstructif d’intensité variable, souvent
réversible spontanément ou sous l’effet du traitement, et s’accompagne d’une réactivité bronchique accrue
en réponse à des stimuli variés.
- L’impact socio-économique de l’asthme est particulièrement important avec une limitation de la vie sociale, un absentéisme
scolaire et professionnel, une réduction de l’activité physique et sportive.
- Aux États-Unis, on considère que l’asthme coûtait 1 milliard de dollars en 1975 et 6,2 milliards de dollars dans les années
1990.
- En France, le coût de l’asthme était estimé à 1,36 milliard de dollars durant la même période.

II. DEFINITION DE L’ASTHME AIGU GRAVE (AAG) :


L’AAG peut être considéré comme une crise d’asthme inhabituelle en raison d’une obstruction bronchique sévère menaçant à
court terme le pronostic vital.
Clinique Débit expiratoire de pointe (DEP) Gazométrie
Crise sévère avec signes de - < 30 %de la valeur théorique ou optimale, signant une obstruction Hypoventilation
détresse respiratoire et sévère des voies aériennes. alvéolaire relative
résistante au traitement - On prend en compte la meilleure valeur de trois mesures effectuées (normocapnie) ou
bronchodilatateur usuel consécutivement sans s’acharner pour son recueil si la gravité du absolue (hypercapnie).
employé en urgence. patient rend la mesure manifestement impossible à réaliser.
III. FACTEURS DE RISQUE :
Terrain psychologique Facteurs socioéconomiques Comorbidités
- Mauvaise perception de l’obstruction bronchique - Sexe masculin. - Maladie cardiovasculaire
- Instabilité émotionnelle. - Précarité, chômage. sévère.
- Déni de la maladie. - Patient isolé, vivant seul. - Autre maladie respiratoire
- Nomadisme médical. - Toxicomanie, tabagisme. chronique.
- Corticophobie. - Logements insalubres. - Maladie psychiatrique.
- Non compliance aux rendez-vous, recul des Histoire de l’asthme
consultations. - Asthme ancien.
- Conflits familiaux. - Asthme instable.
Conditions environnementales - Absence de suivi régulier.
- Pollution atmosphérique des villes (SO2, NO2, - Antécédent d’AAG.
ozone, particules fines). - Hospitalisations récurrentes (≥ 2 dans l’année précédente) pour asthme.
- Exposition à allergènes ou irritants présents à - Passage(s) aux urgences le mois précédant la crise.
forte densité (pollens, fumées d’incendie). - Consommation accrue de b2-agonistes de courte durée d’action (≥ deux
- Administration d’inhibiteurs de la cyclo- flacons par mois).
oxygénase (aspirine, AINS) par ↗ synthèse des LT. - Corticothérapie orale au long cours ou sevrage récent.
- Sensibilité à Alternaria (moisissure). - Polymorphismes génétiques (récepteur b2-adrénergique, IL-4…).

IV. PHYSIOPATHOLOGIE :
- Les deux déterminants majeurs de l’obstruction bronchique sévère qui caractérise l’AAG :
+ l’inflammation chronique des voies aériennes ;
+ bronchospasme provoqué par des stimulations variées et entretenu par l’hyperréactivité bronchique.
- Histologiquement :
+ œdème de la muqueuse bronchique ;
+ phénomènes exsudatifs ;
+ hypertrophie et hyperplasie des muscles lisses et des vaisseaux bronchiques ;
+ desquamation des cellules épithéliales et épaississement de la membrane basale sont constants.
- L’infiltration des voies aériennes de petit et gros calibre par les éosinophiles, neutrophiles et lymphocytes est aussi quasi
constante.
- L’infiltration par les basophiles serait plus fréquente dans les asthmes mortels.
- Dans l’asthme suraigu : le bronchospasme semble prédominer.
- Dans l’asthme progressivement aggravé : l’inflammation est prépondérante.

- Retentissement respiratoire de l’obstruction bronchique :


- Effet espace mort et effet shunt :
+ Effet shunt : capillaire perfusé et mal
ventilé → hypoxie
+ Effet espace mort : alvéole ventilée mais
mal perfusée → hypercapnie.

- Retentissement hémodynamique de l’obstruction bronchique :


Trapping d’air et hyperinflation dynamique entrainent :
+ Diminution du retour veineux au cours de l’expiration.
+ Augmentation de la post charge du ventricule droit.
+ Bombement du septum interventriculaire dans le ventricule gauche.
+ L’ensemble va entrainer une diminution de la TAS au cours de l’expiration : pouls paradoxal.

V. DIAGNOSTIC POSITIF : VI. DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL :


- Crise inhabituelle ou rapidement progressive. - Insuffisance respiratoire chronique (BPCO).
- Difficulté à parler ou à tousser. - Dilatation des bronches.
- Sibilants ou silence auscultatoire. - Inhalation de corps étranger.
- Orthopnée et/ou dyspnée importante. - Lésion sténosante trachéale ou endo bronchique.
- Agitation, sueurs, cyanose péribuccale. - Œdème pulmonaire cardiogénique.
- Signes de lutte, un tirage. - Embolie pulmonaire.
- FR ≥ 30/min. - Pneumonies.
- FC ≥ 120bpm.
- Normo ou hypercapnie.
- DEP ≤ 30%.

VII. TRAITEMENT :
1. TRAITEMENT DE PREMIERE INTENTION :
β2-mimétiques Le gaz vecteur
- Les β2-mimétiques sont les - Sur le plan pratique, les β2-mimétiques (terbutaline, salbutamol) sont
bronchodilatateurs de référence en raison de délivrés par un masque facial pour nébulisation sous l’effet d’un gaz
leur efficacité, de leur rapidité d’action et de propulseur avec un débit compris entre 6 et 8 l/min afin d’obtenir une
l’absence d’effets secondaires majeurs granulométrie optimale des particules (environ 5 microns).
lorsqu’ils sont délivrés par voie inhalée. - Le gaz vecteur sera fonction de l’état d’oxygénation du patient mesuré par
- Leur délai d’action est de 5 minutes, pour une la SpO2 :
durée d’action de 15 minutes. + Si celle-ci est ≥ 95%, le gaz vecteur pourra être l’air.
- Leurs effets 2ndaires retrouvés sont la + L’oxygène sera gaz vecteur si la SpO2 initiale est < 95%.
tachycardie (par leur action β) et + Si malgré les 6-8 L/min, l’oxygène vecteur n’est pas suffisant, il
l’hypokaliémie (par transfert trans-mb entre faudra alors améliorer l’oxygénation par la pose de lunettes et
les secteurs intra et extra-cellulaires). non pas augmenter le débit de gaz au-delà de 8 L/min afin de
garder la bonne granulométrie des particules nébulisées.
Anticholinergiques Corticothérapie
- Les anticholinergiques (bromure d’ipratropium) inhibent les - La corticothérapie a une action retardée sur la
récepteurs muscariniques, à l’origine d’une bronchodilatation composante inflammatoire de la crise mais potentialise
moins marquée qu’avec les β2 mimétiques. plus précocement l’effet des β2-mimétiques.
- Ils offrent un effet additif certain dans l’AAG. - Les corticoïdes sont à donner systématiquement et le
- L’efficacité des β2 associée aux anticholinergiques serait plus rapidement possible.
supérieure aux β2 seuls. - Leur délai d’action est de 60 minutes.
- Leurs délais d’action seraient de 60 à 90 minutes. - La posologie recommandée est de 1mg/kg d’équivalent
- Il est donc recommandé de réaliser dans l’AAG : 3 nébulisations de prednisolone intraveineuse ou per os.
β2-mimétiques associées au bromure d’ipratropium dans l’heure.
2. TRAITEMENT DE DEUXIEME INTENTION :
- En cas de persistance de signes de gravité après 3 nébulisations continues dans l’heure, ou de non réponse au traitement
initial (c’est-à-dire, DEP<70% à 2 heures de la prise en charge) : il faut envisager la mise en route du TTT de deuxième intention.
- Dans tous les cas, il faut maintenir les nébulisations β2-mimétiques et bromure d’ipratropium à raison de 1-2 nébulisations/h.
Sulfate de Magnésium Adrénaline β2-mimétiques par voie IV
- Le sulfate de magnésium est le traitement de - La place de l’adrénaline dans l’AAG est - Le recours aux β2-mimétiques
seconde intention. réservée au choc anaphylactique ou en par voie intra-veineuse n’est
- Cet électrolyte présente une action broncho- cas de collapsus. indiqué qu’en cas d’impossibilité
dilatatrice par effet anti-calcique sur les fibres - On commencera alors par 0,5mg/heure d’utiliser la voie inhalée.
musculaires lisses. par voie intra veineuse continue à la - Dans ce cas on administrera le
- Il aurait un intérêt démontré en termes seringue électrique. traitement en débit continu par
d’amélioration des critères spirométriques - L’adrénaline par voie nébulisée n’a pas seringue électrique à 1-2 mg/h
pour les sous-groupes des patients les plus montré d’avantages par rapport aux β sans faire de dose de charge en
graves en cas de résistance au TTT initial. agonistes. intra veineux direct.
- La posologie préconisée est de 2g en 20 min - Elle n’a donc pas d’intérêt par cette - Il est inutile d’augmenter les
par voie intra veineuse en débit continu à la voie, ce d’autant qu’elle peut induire posologies au-delà de 5mg/h4.
seringue électrique. des EI (troubles du rythme…).

3. INTUBATION ET VENTILATION MECANIQUE :


- Les indications d’intubation se raréfient en raison de l’optimisation de la thérapeutique inhalée.
- Le recours à la ventilation artificielle doit être mesuré en raison du risque important de barotraumatisme.
- L’intubation est indiquée en cas de faillite majeure de la mécanique ventilatoire et/ou de défaillance d’organe type coma,
défaillance hémodynamique, arrêt cardio-respiratoire.
- Le mode ventilatoire est soit en pression contrôlée soit en volume contrôlé avec régulation de pression.
- Le risque de barotraumatisme est majeur. Ainsi, les réglages du respiratoire sont en rapport avec une « hypercapnie
permissive » :
+ Volume courant très faible (6 ml/kg),
+ Temps expiratoire long (rapport I/E de 1/3 à 1/5).
+ Fréquence respiratoire basse (6 à 8 cycles/min).
+ Débit instantané d’insufflation élevé (100 L/min).
+ La FiO2 est réglée de manière à obtenir une SpO2 ≥ 95%.
+ La pression de plateau doit être limitée à 30cmH2O maximum.

4. SURVEILLANCE :
- La surveillance d’un patient en AAG répond à des objectifs paracliniques à des intervalles de temps précis.
- En premier lieu, l’examen clinique permet d’évaluer à la fois l’efficacité thérapeutique et l’évolution du patient.
- Il repose sur la disparition ou l’amélioration des signes de gravité généraux (neurologiques, hémodynamiques, respiratoires)
et l’amélioration auscultatoire par la levée de l’obstruction bronchique.
- L’outil de surveillance paraclinique considéré comme étant le gold-standard est le DEP.
- Les experts recommandent une surveillance du DEP 2 heures après l’admission du patient puis à 3 ou 4 heures.
- L’évolution des valeurs du DEP lors de ces délais de temps est une aide décisionnelle à l’indication d’hospitalisation :
Pour une mesure Pour une mesure initiale de DEP Pour une mesure initiale de DEP Pour une mesure
initiale de DEP < 30 % comprise entre 30% et 50% comprise entre 50 et 70% initiale de DEP > 70%
de sa valeur théorique de sa valeur théorique de la théorique de la théorique
L’hospitalisation est - L’hospitalisation est recommandée L’hospitalisation est indiquée en Une hospitalisation
systématique quelle dans la plupart des cas. cas de mauvaise réponse du TTT n’est jamais
que soit la réponse - Elle est indiquée lorsque l’amélioration (DEP < 70 %) après 3h nécessaire.
ultérieure au est insuffisante (DEP < 70%) après 3h d’observation et l’administration
traitement. d’observation et administration d’au d’au moins 3 nébulisations de β2-
moins 3 nébulisations de β2-agonistes. agonistes.

POINTS ESSENTIELS :
- La sous-estimation de la gravité d’une crise contribue largement à une PEC insuffisante et impacte directement le Pc de l’AAG.
- Le TTT initial de l’AAG est bien codifié et associe: oxygénothérapie, nébulisations d’un agoniste b2-adrénergique de courte
durée d’action, d’un anticholinergique et une corticothérapie par voie intraveineuse ou orale.
- L’objectif de la ventilation mécanique dans l’AAG est de pallier l’épuisement des muscles respiratoires et l’asphyxie par
hypoxie aiguë afin de prévenir l’arrêt cardiorespiratoire.
- La normalisation ou l’amélioration de la PaCO2 ne constituent pas un objectif de la ventilation mécanique dont les modalités
doivent tenir compte avant tout des conséquences respiratoires et hémodynamiques de l’hyperinflation pulmonaire
dynamique.
- La prévention de l’AAG passe par la maîtrise des facteurs de risque, le suivi en consultation spécialisée et l’éducation des
patients qui doit débuter en réanimation dès que possible.

Vous aimerez peut-être aussi