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REPUBLIQUE ALGERIENNE DEMOCRATIQUE ET POPULAIRE

Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Reforme Hospitalière


Université Abderrahmane Mira , wilaya de Bejaia
Département de Médecine

Cours destiné aux étudiants en 4eme année médecine, module de


pneumologie

Année universitaire 2019-2020

Prise en charge de l’asthme en


situation d’urgence

Pr. G. Malki

Service de Pneumologie, Unité Frantz Fanon, CHU Bejaia


Objectifs
Généraux

• Identifier les situations d’urgence et planifier leur prise en charge.


• Connaître les signes de gravité d’une crise d’asthme.
• Mettre en œuvre le traitement initial d’un asthme grave.

Spécifiques

• Evaluer la sévérité de la crise


• Traiter la crise optimalement.
• Evaluer l’évolution de la crise
• Décider l’hospitalisation ou la sortie du patient
• Décider le traitement a la sortie
• Prévoir le suivi du patient.
Généralités – Définitions (I)
Asthme bronchique : une maladie chronique inflammatoire des voies
aériennes, au cours de laquelle interviennent de nombreuses cellules, en
particuliers les lymphocytes T, les mastocytes, et les éosinophiles.

Chez les sujets présentant une prédisposition, cette inflammation entraine des
épisodes récidivants d’essoufflements, d’oppression thoracique et de toux,
accompagnés le plus souvent de sibilants, particulièrement la nuit, à l’effort et
/ou au petit matin.

Ces symptômes sont généralement associés à une obstruction bronchique


d’intensité variable, réversible spontanément, soit sous l’effet d’un traitement.
Cette inflammation est responsable d’une majoration de l’hyperréactivité
bronchique a différents stimuli.

Quand le traitement de l'asthme est adéquat, l'inflammation peut être réduite


dans le long terme, les symptômes peuvent habituellement être contrôlés et la
plupart des problèmes liés à l'asthme prévenus.
Généralités – Définitions (II)
• Crises d’asthme: un accès paroxystique de symptômes (d’épisodes aigus de dyspnée, avec
sifflements expiratoires) de durée brève (< I jour).

• Exacerbation: l’enchaînement de crises d’asthme subintrantes sur une période de


quelques jours définit une exacerbation.
Elle est dite grave si elle nécessite le recours à une corticothérapie orale ou si le DEP
a chuté de plus de 30 % au-dessous des valeurs initiales pendant 2 jours successifs.

• Asthme aigu grave (AAG): dès lors que le pronostic vital est en jeu, correspond à 2
situations de détresse respiratoire:

L’état de mal asthmatique qui s’est installé progressivement en quelques heures ou jours, à
la faveur, le plus souvent, d’une négligence des signes de gravité.

La crise d’asthme brutale et d’emblée sévère (crise soudaine et grave) où le


bronchospasme joue un rôle majeur. Cette 2eme éventualité est plus rare, mais est le plus
souvent en cause dans les décès brutaux par asthme aigu.
Eléments de gravité d’une crise
d’asthme

Terrain ou profil de l’asthmatique.

Signes de gravité de la crise proprement dite.


Profil de l’asthmatique a risque
d’Asthme Aigu Grave

Facteurs liés à la maladie Facteurs liés au patient

• Antécédent d’AAG ou d’intubation • Non-observance


• Hospitalisation ou consultation aux • Utilisation abusive de béta-
urgences pour asthme dans l’année agonistes
écoulée • Problèmes psychologiques.
• Utilisation récente d’une grande quantité • Déni de la maladie ou de sa
de béta-agonistes gravité
• Patient sous trithérapie (GC, LABA et • Problèmes sociaux: chômage,
anti- leucotriènes) au long cours. tabagisme, toxicomanie, habitat
• Arrêt récent ou utilisation au long cours précaire.
de corticoïdes per os • Non assuré social
• Asthme labile ( brittle asthma )
Evaluation de la sévérité
de la crise
Cliniques: signes de détresse vitale

Fonctionnels: DEP

Biologique: gazométrie artérielle


Signes cliniques de détresse vitale
Coma hypercapnique, grandes bradypnées, collapsus ou arrêt
cardiaque:
• A rechercher systématiquement en même temps que l’on commence le
traitement de la crise
• Imposent des gestes de réanimation immédiats, on doit devant toute crise
d’asthme en
Présence d’un ou de plusieurs des signes de gravité suivants :
• Cyanose et/ou sueurs ;
• Agitation et/ou délire ;
• Dyspnée ressentie par le malade comme différente et plus sévère qu’à
l’habitude
• Difficulté à parler ou à tousser ;
• Impossibilité de s’allonger ;
• Tension permanente visible à l’inspiration et à l’expiration de la corde des
sterno-cléido mastoïdiens ;
• Fréquence respiratoire > 30/min (> 40-50 chez les enfants de 1 à 6 ans) ;
• Intensité des sibilants ; silence auscultatoire ;
• Fréquence cardiaque > 120/min (> 140-150 chez les enfants de 1 à 6 ans) ;
Eléments fonctionnels et biologiques de la
sévérité de la crise
Fonctionnels

• DEP< 150 L/min (chez l’adulte) ou DEP < 30 % de la théorique


quel que soit l’âge, ce qui définit l’AAG ou

• DEP < 50 % de la valeur théorique définit une crise sévère.

Biologique: gazométrie artérielle

• Hypoxémie franche < 65 mm Hg ; une normocapnie (considérée


comme pathologique)

• hypoxémie , hypercapnie a un stade très sévère


Classification de la crise selon la sévérité
Paramètres Légère Modérée Sévère Arrêt respiratoire
imminent
Conscience Peut être agité Souvent agité Agité Confus ou somnolent

Paroles continues Par phrases Par mots


Position Décubitus Reste assis Penche en
possible avant

Dyspnée A la marche A la parole Au repos


Muscles respiratoires Non Oui Oui Mouvement thoraco-
accessoires abdominal paradoxal
Fréquence respiratoire <25 cycles/mn 25-30cycles/mn >30cyles/mn Diminution de la FR

Sibilances Fin expiratoire Aux 2 temps Aux 2 temps Silence auscultatoire


Pouls <100/mn 100-120/mn >120/mn Bradycardie
DEP >80% 60-80% <60%
PaO2 Normale >60mmHg <60mmHg
PaCO2 <45mmHg <45mmHg >45mmHg
SaO2 >95% 92-95% <92%
Examens complémentaires
Gazométrie

Radiographie du thorax

• Signes de surinfection pulmonaire (Infiltrat)


• Complication (Pneumothorax, Pneumo-médiastin)

Biologie
• FNS
• Glycémie,
• Ionogramme sanguin,
• Théophyllinémie: chez les patients ayant antérieurement pris
ce traitement
Objectifs du Traitement de
l’Asthme en phase aigue

Oxygénation et/ou la ventilation mécanique pour faire face aux


conséquences de la détresse respiratoire.

Broncho dilatation, pour faire face au spasme .

Corticothérapie, pour faire face aux conséquences de


l’inflammation.

Traitement du facteur déclenchant.


Moyens thérapeutiques
Médicamenteux

• Bronchodilatateurs
• Anti-inflammatoires
• Autres traitements
- Antibiotiques
- Sulfate de magnésium

Non médicamenteux

• Oxygène
• Ventilation non invasive
• Ventilation mécanique
Bronchodilatateurs I
β 2 mimétiques à courte durée d’action β 2CDA : Salbutamol, Terbutaline

• Broncho-dilatation en relâchant le muscle lisse bronchique

• Solution en nébulisation par masque facial: 1 aerossol de 5mg de


salbutamol ou de terbutaline en 10-15 mn, répétée 3 fois au cours de la
première heure.

• Spray : Ventoline : 100 μg/bouffée) ou de terbutaline (Bricanyl 250


μg/bouffée) avec chambre d’inhalation, à raison de 2 bouffées simultanées,
répétées 4 fois à 1 minute d’intervalle (8 bouffées). Cette séquence, qui peut
être répétée 3 fois (24 bouffées) dans la première heure.

• Sous-cutanée: une ampoule (1 mL : 0,5 mg) de salbutamol ou de


terbutaline (chez l’enfant 7 à 10 μg/kg ou 0,15 à 0,2 mL/kg).

• En IV: 1 mg/h de salbutamol pour débuter avec augmentation éventuelle


de 0,5 à 1 mg/h toutes les 5 à 6 minutes en cas d’efficacité insuffisante, sans
dépasser 8 à 12 mg/h.
Bronchodilatateurs II
Les Anticholinergiques

• Antagonistes des récepteurs muscariniques M3 des muscles lisses bronchiques,


• Bronchodilatation par diminution du tonus broncho-constricteur cholinergique.
• Bromure d’Ipratropium (Atrovent), utilisé en:
- Spray (8 bouffées répétées 2 fois la première heure) ou
- Nébulisation (0,5 mg en 10 à 15 minutes répétés 2 fois dans la première heure, en
association avec le β2 utilisé).

Théophylline
• Activité bronchodilatatrice est moins rapide et moins puissante que celle des β2-
mimétiques.
• Administrée par voie orale ou injectable.
• Risque de surdosage chez un patient traité par théophylline retard l’exposant à des
complications graves (troubles du rythme cardiaque, convulsions) , a positionné la
théophylline en 2eme ligne comme thérapeutique bronchodilatatrice d’appoint.

Adrénaline
β2-mimétique non spécifique avec effet alpha; elle est le produit de choix en cas de collapsus
associé, en raison de ses effets hémodynamiques ; la dose de départ est de 0,5 mg/h en
perfusion veineuse continue de préférence sur un cathéter central, chez l’adulte.
Anti-inflammatoires
Corticostéroïdes systémiques (CS): Prednisone (Cortancyl ), Prednisolone
(Solupred ) et La Méthyl-prednisolone (Médrol ): sont les corticoïdes
systémiques les plus administrés.

• Peuvent être administrés par voie orale, intra- musculaire et intra- veineuse.

• Leur délai d’action est de 4-6h (IV ou PO): ils n’ont donc pas d’action
immédiate.

• Leur administration rapide en cas de crise d’asthme est associée à une


diminution de la mortalité, des rechutes précoces et des réadmissions pour
asthme . Pas de bénéfice démontré de la voie IV versus PER OS.

• En cure courte, au cours des exacerbations


• Posologie: 0,5-1 mg/kg/j.
Autres traitements
Antibiotique

N’est justifié que si infection bactérienne qui ne serait présente que


dans moins de 30 % des cas.

Sulfate de Magnésium

• IV 2g dilué dans SSI a faire passer en 30 mn puis 2g/24h en continu)


• Action relaxation sur le muscle lisse bronchique
• Effets secondaires: flush, léthargie , vomissements, nausées
• Réservé aux patients avec AAG s’aggravant après la première ligne
malgré un traitement bronchodilatateur bien conduit .

Hydratation : 3 litres /24 h( contrôle de kaliémie + glycémie).


Oxygénothérapie

• Un apport d’oxygène de 6à 8 L /min par sonde nasale ou


masque: SpO2≥ 92% .

• Crise sévère
Ventilation non invasive (VNI)
• Bien que non validée , son usage demeure controverse dans L’AAG.

• Utilisée par certains chez des patients non agités et coopérant


parfaitement), dans l’AAG dès lors que le traitement médical ne
semble pas rapidement efficace et que les gaz du sang artériel
objectivent un début d’hypercapnie.

• Son emploi avec le traitement médical usuel réduit le recours a


l’intubation et la durée d’hospitalisation.

• La surveillance de la VNI doit être rigoureuse pour, en cas


d’inefficacité, pouvoir recourir rapidement à l’intubation.
Ventilation artificielle

Indiquée dans l’AAG ne répondant pas a un traitement


bien conduit

Son objectif est de pallier l’épuisement des muscles


respiratoires et l’asphyxie par hypoxie aigue afin de
prévenir l’arrêt respiratoire
Crise d’Asthme sévère

• O2 : 6-8L/mn
• 3 nébulisations :B2mimetique
(salbutamol)+ anticholinergique
(ipratropium) chaque 20 mn
• Corticoïdes IV : methylprednisolone Signes d’alarme (AAG)
1mg/kg • Epuisement respiratoire
• traitement du facteur déclenchant • Somnolence, coma
• Etat de choc
• Arrêt cardiorespiratoire
Réévaluation clinique +DEP après chaque nébulisation imminent ou avéré

Amélioration clinique , DEP > 50% la valeur théorique


oui Non
Continuer le traitement Renforcer le traitement • Intubation+ ventilation
• Poursuivre nébulisations assistée
• B2 mimetique la 2emeh b2 mimétiques
puis toutes les 04h
• Salbutamol IV SE: 0,5-
• Corticoides: 1mg/k/j relais • Magnésium IV: 2g en 30
per os des que possible et mn puis 2g/j 4mg/h
relais inhale des 40 mg/j • Autres : heliox, • Adrenaline IV SE: si
théophyllines + choc
monitoring • Corticoïde 1mg/kg
Crise d’Asthme Modérée

• 1 Nébulisations :B2mimetique (salbutamol


• Corticoïdes: methylprednisolone : 0,5-1mg/kg per os
• Traitement du facteur déclenchant

Réévaluation clinique + DEP après chaque traitement

Amélioration clinique , DEP > 75 % la valeur théorique

Oui Non ou aggravation


Traiter comme une crise sévère
• Envisager la sortie après
• 3 nébulisations :B2mimetique (salbutamol, bricanyl)
une mise en observation
• Corticoïdes IV: methylprednisolone 1mg/kg
et stabilisation
• Traitement du facteur déclenchant
• Adresser en consultation
pour suivi
Prise en charge en pratique
• Rechercher les signes d'une détresse vitale imposant un geste de réanimation immédiat.

• Oxygénothérapie et surveillance de la SpO2, si possible après une détermination des gaz du


sang (ne doit pas trop retarder le traitement) .

• Commencer les Bronchodilatateurs ( et Anticholinergiques) nébulisation .


• Evaluer simultanément les éléments de gravité liés a la crise, noter le score de gravité initial,
la valeur du DEP .

• Surveillance toutes les 15 min (score clinique, fonctionnel ) avant chaque nouvelle
administration de bronchodilatateurs avec présence du médecin a proximité, jusqu‘aux
premiers signes d'amélioration .

• Evaluer l’histoire de l'asthme et le profil du malade puis rechercher une cause déclenchante ;

• Adapter le traitement en fonction de l'évolution immédiate .

• Décider de l’hospitalisation et de son lieu en fonction du score de gravité initial, de l’histoire


et du profil de l'asthme, mais aussi et surtout de l'effet du traitement
Modalités d'hospitalisation (I)
Crise légère avec DEP > 80 p. 100 de la théorique

• Retour au domicile est la règle.


• L'administration de b 2-agonistes peut être limité à une
nébulisation en cas de réponse satisfaisante d'emblée (DEP>= 90
p. 100).

Crise modérée avec DEP compris entre 60 et 80 p. 100 de la


théorique,
• L'hospitalisation est indiquée si mauvaise réponse du traitement
(DEP < 75 %) après 4 heures d'observation et l'administration
d'au moins 4 nébulisations de b 2- agonistes.
• Le retour au domicile est alors envisagé en cas de réponse
satisfaisante (DEP>=75 %)
Modalités d'hospitalisation (II)
Crise sévère: DEP compris entre 30 %- 59 % de la théorique.
• Hospitalisation souvent recommandée, indiquée si l'amélioration est
insuffisante (DEP < 75 p. 100) après 4 heures d'observation et administration
d'au moins 4 nébulisations de b 2-agonistes.

• Retour au domicile peut être envisagé au cours de la journée en cas de réponse


satisfaisante (DEP >= 75 %) chez un patient coopérant, entouré, demeurant à
proximité de l’hopital.

AAG avec DEP < 30 p. 100 de la théorique:


• Hospitalisation systématique quelle que soit la réponse au traitement.
• Le transfert en réanimation e st effectué après une
• nébulisation de b 2-agonistes.
• En cas de réponse particulièrement satisfaisante (DEP>=75 %), l'hospitalisation
en secteur médical spécialisé est possible, permettant la poursuite du
traitement (répétition des nébulisations de manière rapprochée) et une
surveillance étroite par un personnel qualifié.
Conclusion
La sous-estimation de la gravite d’une crise contribue largement a
une prise en charge insuffisante et impacte directement le
pronostic.

Toute crise d’asthme aiguë doit faire l’objet d’une évaluation


précise et d’un traitement fondé sur les recommandations
internationales de prise en charge pour dépister ou éviter
l’évolution vers un AAG.

En cas d’AAG d’emblée une prise en charge méthodique devrait


permettre d’éviter une aggravation et a fortiori une évolution
fatale, qui ne se produit pratiquement plus quand la prise en charge
des malades a pu avoir lieu avant un arrêt cardiorespiratoire.
Références bibliographiques

1. Global Initiative for Asthma. Global Strategy for Asthma Management and
Prevention, 2018. Available from: www.ginasthma.org.

2. Global Initiative for Asthma. Global Strategy for Asthma Management and
Prevention, 2019. Available from: www.ginasthma.org.

3. Magnan A et coll. EMC pneumolgie 2012; 9 (2):1-10

4. FAIZY C .Asthme Aigu Grave. EMC Anesthesie-reanimation 36-970-A10


2012

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