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TD I : PRINCIPE DE LA LEGALITE 1

COMMENTAIRE DE TEXTE BECCARIA – DES DELITS ET DES PEINES

Qu’est-ce que le commentaire d’un texte non normatif ?


L’exercice consiste en une étude approfondie et critique du texte.

En quoi cet exercice est-il différent de la dissertation ?


Il s’agira ici de comprendre et retranscrire le raisonnement mené par un autre, et de mener
démarche explicative, en vertu de laquelle il va falloir éclairer et éprouver la démonstration
juridique de l’auteur du texte, au besoin en la jugeant.

Gestion du temps en examen pour réaliser l’exercice :


- Au brouillon, faire une lecture du texte en vous assurant d’en avoir bien compris le
sens et prendre 1 heure maximum pour trouver le plan, en ayant au préalable surligné
les phrases du texte utiles à votre démonstration et faire la trame de l’introduction ;
- 2 heures pour la rédaction du corps du devoir.

Introduction en entonnoir :

• Phrase d’attaque : cette dernière a pour but d’inscrire le texte dans un contexte juridique
relativement large. Si vous choisissez une citation, ne la tirez pas du texte à commenter.
Finissez l’attaque par une transition du type : « c’est ce dont il est question dans un texte de
…, intitulé (ou traitant de) … ».

Proposition de correction :
Nullum crimen nulla poena sine lege
Le principe de légalité des délits et des peines suppose qu’il n’est possible d’être condamné
pénalement qu’en vertu d’un texte pénal clair et précis. Ce principe directeur a notamment été
développé par le philosophe Cesare Beccaria au XVIIIème siècle.

• Présentation de l’auteur et du texte : préciser quelques éléments biographiques de l’auteur,


en gardant bien en tête que seul ce qui est en rapport avec le droit nous intéresse. Il est, par
exemple, essentiel de savoir s’il s’agit d’un professeur – donc d’un théoricien – ou d’un
avocat, voire d’un magistrat – donc plutôt d’un praticien. Situez le texte dans l’œuvre de
l’auteur, puis donnez sa forme (étude, note d’arrêt, extrait de manuel, conférence, etc.) et sa
teneur : que dit l’auteur à travers cet écrit ?

Proposition de correction :
Le présent ouvrage a été pensé en 1764 par Beccaria. Dans celui-ci, il déploie un
argumentaire abolitionniste. Plus largement, il prône une réforme du système pénal d’Ancien
Régime et met en exergue les principes directeurs du droit pénal moderne européen comme
les principes de légalité, de nécessité et de proportionnalité. Voltaire a lui-même commenté
des Délits et des Peines.
Remarque : si l’auteur et le texte sont anciens, il faudra, d’une part, veiller à ne pas faire
d’anachronisme et, d’autre part, lire le texte en considération des données actuelles.

• Présentation du contexte : « contexte » signifie « ce qui entrelace ». Il s’agit de resituer le


texte dans une époque (ex. : le droit romain n’est pas le droit moderne), dans un lieu (ex. :
common law et civil law diffèrent), ou encore dans un mouvement ou dans un phénomène
(ex. : l’essor de la théorie du risque en responsabilité civile). A cet égard également, seul ce
qui apparaît pertinent d’un point de vue juridique doit être indiqué.

Proposition de correction :
L’ouvrage est rédigé durant l’Ancien Régime où l’arbitraire règne dans l’ensemble de
l’Europe et inspiré par l’esprit des Lumières, lequel est guidé par la volonté de renverser le
régime monarchique et plus largement les fondements de la société : le pouvoir, le droit, etc.

• Problème(s) de droit : quelle(s) question(s) de droit aborde le texte ? Plus largement, quel est
son intérêt juridique (celui se déduisant généralement assez aisément des étapes qui
précèdent) ? A énoncer sous forme affirmative ou interrogative.

Proposition de correction :
Comment prévenir la criminalité selon Beccaria ?

• Annonce de plan : formellement comparable à la dissertation, l’annonce concerne cette fois


un plan qui retranscrive fidèlement l’analyse du texte. Veillez à l’annoncer adroitement, en
évitant de recourir à la première personne. Préférer, ainsi, la troisième personne, et penser à
bien faire apparaître les numéros des parties entre parenthèses.

Proposition de correction :
Une fois conclu, le contrat social, par lequel l’Homme fait le choix d’aliéner une partie de sa
liberté au profit de sa sécurité, impose au législateur d’édicter des lois claires et précises
mettant fin à l’arbitraire (I) au regard du principe de la légalité pénale, constituant la matrice
des principes directeurs (II).

Le plan : IA, IB, IIA, IIB. Il se construit à partir du problème de droit. Après chaque intitulé
de partie (donc après les I et II) doit figurer un « chapeau », c’est-à-dire une annonce des
sous-parties. Il s’agit d’une nouvelle annonce de plan, similaire à celle qui se situe à la fin de
l’introduction. A la fin de chaque sous-partie (sauf la dernière), il faut penser à faire une –
rapide – transition avec la sous-partie suivante.

Analyse du texte

Remise en cause de la situation actuelle :


§1 : « il vaut mieux prévenir les crimes que d’avoir à les punir »
§2 : « jusqu’à présent » : sous-entend que les méthodes employées pour prévenir le crime ne
sont pas les bonnes.

§2 à 5 : Nécessité : le pénal comme ultima ratio (dernier recours)


§2 : L’Homme reste faillible : tout ne peut pas être prévisible. A qui l’expression « hommes
bornés » fait-elle référence ? Elle désigne probablement le législateur.
§3 : critique la multiplication des incriminations. Qu’est ce qu’une incrimination ? Le fait
d’ériger un comportement en infraction.
§4 : On ne peut pas tout interdire sous prétexte de tout prévenir à tout prix.
§5 : Finalement la question qui se pose est celle de savoir où mettre le curseur. Deux
remarques peuvent être faites à cet égard :
- Les peines et délits doivent être nécessaires ;
- On voit ici une volonté d’abolir les privilèges, traduction actuelle de l’article 1er de la
DDHC : « tous les Hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits », ce qui
renvoie au principe d’égalité.

§6 : « que les lois soient simples, qu’elles soient claires » donne la définition du principe de la
légalité.

§7 : « que ces lois ne favorisent aucune classe particulière » : le principe d’égalité est rappelé.
Fin d’une société fondée sur des ordres : clergé, noblesse, tiers état.

« La crainte qu’inspirent les lois est salutaire ; la crainte que les hommes inspirent est une
source funeste de crimes ». Si la loi est la même pour tous, elle ne favorise personne. S’il en
était différemment, un seul homme (ou un groupe d’hommes), intouchable, susciterait la
crainte du reste de la population. Or, ce sentiment d’inégalité conduit à des rébellions et,
conséquemment, à la commission d’infractions.

§8 : « puisque les délits ne sont pas déterminés par les lois, ils ne savent pas quelles seront les
suites de leurs crimes ». La loi doit être prévisible afin de respecter le principe de la légalité.

§8 à 17 : « l’Homme instruit »
§15 : Idée du contrat social dégagée par Rousseau : aliéner sa liberté pour plus de sécurité.
§ 15 : « l’homme éclairé aimera une constitution dont les avantages sont évidents, les
dispositions connues, et qui donne des bases solides à la sûreté publique ».
Le droit à la sûreté est une garantie contre les arrestations et les détentions arbitraires, affirmé
aujourd’hui par la DDHC, art. 2 (l’article 66 de la Constitution dispose que « l’autorité
judiciaire est garante de la liberté individuelle », en faisant une sorte d’habeas corpus à la
française). C’est une notion fondamentale dans le texte car, sous l’Ancien Régime, la pratique
des « lettres de cachet » était très répandue. Cette pratique permettait au Roi de faire
emprisonner un individu, sans explication.

§18 à 22 : Questions religieuses


« Fausse science ». En procédant à une interprétation à contrario, il est possible de se
demander si, selon Beccaria, le droit serait une vraie science.
La science peut se définir comme la connaissance approfondie d’un domaine quelconque
acquise par la réflexion ou l’expérience.

§23 à 29 : La révolution et la séparation des pouvoirs


§ 27 : « c’est sans doute le don le plus précieux qu’un souverain puisse faire à la nation et à
lui-même, que de confier le dépôt sacré des lois à un homme éclairé. Accoutumé à voir la
vérité sans la craindre ; au dessus de ce besoin général des suffrages publics, besoin qui n’est
jamais satisfait, et qui fait si souvent succomber la vertu ». Beccaria parle ici du législateur.
Plus largement il évoque la nécessité d’une société fondée sur la séparation des pouvoirs – ici
législatif et exécutif – affirmée auparavant par Montesquieu.

§30 à 32 : Les magistrats doivent prendre garde à l’arbitraire ; le juge ne doit pas interpréter il
doit appliquer. Cf : Montesquieu, selon qui le juge est la bouche de la loi. Les raisons de cette
affirmation tiennent à ce que le juge à ce moment là ne respecte pas l’exigence
d’indépendance et d’impartialité par conséquent il n’a aucun pouvoir d’individualisation de la
peine.
§ 31 : « Plus les tribunaux seront nombreux, moins on pourra craindre qu’ils ne violent les
lois, parce que entre plusieurs hommes qui s’observent mutuellement, l’avantage d’accroitre
l’autorité commune est d’autant moindre, que la portion qui en reviendrait à chacun est plus
petite, et trop peu considérable pour balancer les dangers de l’entreprise ». Les tribunaux
doivent être nombreux afin de ne pas accorder trop de pouvoirs aux magistrats, de les forcer à
adapter leurs jurisprudences les unes aux autres.
On voit ainsi un passage de l’arbitraire à l’arbitrage avec une autorité judiciaire légitime.

Analyse de la conclusion avec la mise en exergue des principes directeurs modernes :


« Pour qu’un châtiment ne soit pas un acte de violence d’un seul ou plusieurs, contre un
citoyen, il doit être public, prompt, nécessaire, le moins rigoureux possible, proportionné au
délit, et fixé par les lois ». L’on retrouve tous les principes modernes :
Article 8 DDHC : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment
nécessaires, et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée
antérieurement au délit, et légalement appliqué ». Sont ici énoncés les principes de
nécessité, de non-rétroactivité et de légalité.
A propos du principe de non-rétroactivité, voir aussi l’article 7 CEDH, dans le même
sens, prévoyant notamment que « nul ne peut être condamné pour une action ou une omission
qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d'après le droit
national ou international ».
Article 6 CEDH : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement,
publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par
la loi [...] ». Le procès doit donc être prompt et public afin de garantir le droit au procès
équitable. Voir également en ce sens l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de
l’Union Européenne.

Bilan sur les propositions de Beccaria :


 Ne pas multiplier les lois, ce qui renvoie au principe de nécessité.
 Qu’elles s’appliquent de façon égalitaire, afin de respecter le principe d’égalité.
 Le principe de légalité implique que les lois soient claires et précises.
 Séparation du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif.
 Encadrement du rôle du juge.
 Éduquer la population.

PLAN

I : La mort de l’arbitraire supplanté par la légalité pénale

A : Le contrat social comme fondement

L’homme aliène sa liberté afin d’obtenir une meilleure garantie de sa sécurité.

B : La légalité comme condition

Sa liberté doit être aliénée sous condition : la prévisibilité permise par la légalité pénale.
Pas d’arbitraire du juge.

II : La naissance d’une légalité pénale constituant la matrice des principes du droit


pénal moderne

A : L’affirmation de la nécessité des délits et des peines

Le droit pénal comme ultima ratio.

B : L’affirmation de l’égalité devant la loi pénale

Afin d’être acceptée, et donc efficace, il est nécessaire que la loi pénale s’applique sans
distinction arbitraire entre les personnes qui y sont soumises.

La peine doit être proportionnée à l’infraction commise.

Le principe de légalité, en tant que matrice des principes fondamentaux du droit pénal
moderne, implique que la loi soit claire, précise et prévisible.

Le principe de nécessité a, quant à lui pour corolaires, les principes de proportionnalité et


d’individualisation.

Enfin, en vertu du principe d’égalité, la loi pénale doit s’appliquer de manière identique à
ceux qu’elle frappe.

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