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Sémiologie Gynécologique

René Gabriel
Gyne : la femme Logos : la parole, le discours

Gynécologie

= discours sur la femme


Leçon n°1

• Examen gynécologique

• Frottis cervical

• Leucorrhées
1. Palpation de l’abdomen
a. Recherche d’une douleur provoquée

• Décubitus dorsal

• Mains à plat

• Palpation douce, secteur par


secteur

• En commençant par les


régions présumées indolores
La douleur gynécologique est sus-pubienne, plus
basse que la douleur appendiculaire

Préciser si

• Unilatérale (grossesse
extra-utérine, kystes
ovariens compliqués)

• Ou bilatérale (salpingite)

• Abdomen souple ou
défense localisée
Cas particulier des salpingites avec périhépatite
(rare)

• Douleur sous-costale droite


simulant une cholécystite

• Mais association à une


douleur pelvienne bilatérale

• Et l’échographie de la
vésicule biliaire est normale
b. Etude des masses abdominopelviennes
Préciser topographie, surface, consistance

Fibrome Kyste ovarien

Médian, bosselé, ferme Latéral, lisse, rénitent


2. Percussion de l’abdomen pour éliminer une ascite

• Masse : matité convexe vers le


haut. Les flancs sont sonores.

• Ascite : matité concave vers le


haut. Les flancs sont mats.

• Cas particulier : association


kyste ovarien & ascite ➙ en
faveur d’un cancer de l’ovaire.
3. Inspection de la vulve et examen au spéculum
3. Inspection de la vulve et examen au spéculum
Examen du col : les deux aspects du col normal
Epithélium Zone de Epithélium
pavimenteux jonction glandulaire

Zone de jonction non visible Ectropion physiologique


Analyse de la glaire cervicale

• Inspection + étude de la
filance par écartement des
mords d’une pince

• En période ovulatoire, la
glaire est claire,
abondante, limpide, filante.

• Elle est absente ou


coagulée en phase lutéale.
Prélèvement pour examen cytobactériologique
vaginal (ECBV)

• Pose d’un spéculum sans lubrifiant


antiseptique.

• Prélèvement dans les culs-de-sac


avec un écouvillon stérile.

• Etalement sur lame (non fixé) pour


examen direct au microscope.

• Placer l’écouvillon dans un tube de


transport avec milieu de culture.
4. Toucher vaginal
4. Toucher vaginal
Recherche d’une douleur provoquée

• Dans les culs-de-sac latéraux. Préciser si :

• Unilatérale : grossesse extra-utérine, kystes ovariens


compliqués

• Bilatérale : salpingite

• Dans le cul-de-sac postérieur = signe d’irritation péritonéale


(présence de sang ou d’un liquide inflammatoire)

• A la mobilisation utérine
Etude des masses pelviennes

Fibrome Kyste ovarien


Masse ferme, bosselée Masse lisse, rénitente
Indissociable du corps utérin Séparée du corps utérin par un sillon
Solidaire des mouvements utérins Non solidaire des mouvements utérins
Frottis cervical
Pour comprendre
Le cancer du col est du à l’infection de l’épithélium
cervical par un papillomavirus (HPV)

• Prévalence de l’infection HPV dans la population générale :


20% avant 30 ans, 10 à 15% après 30 ans.

• Deux sortes de papillomavirus

• HPV non oncogènes (HPV 6, 11,...) responsables de


lésions bénignes : condylomes, lésions de bas grade.

• HPV oncogènes (HPV 16, 18,...) responsables de lésions


de haut grade pouvant évoluer vers un cancer du col.
Histoire naturelle de l’infection HPV

• Contamination par voie sexuelle.

• Dans 80% des cas, le papillomavirus est éliminé spontanément


en 1 à 2 ans, et les lésions cervicales régressent.

• Dans 20% des cas, le papillomavirus persiste. En cas de lésion


de haut grade, celle-ci peut évoluer vers un cancer en une
dizaine d’années.

• Un frottis tous les trois ans après 20-25 ans permet de dépister
les dysplasies et de les traiter avant l’apparition du cancer.
Epithélium normal de l’exocol

- Pavimenteux, stratifié, non kératinisé, producteur de glycogène


- Mitoses limitées à la couche basale
- Diminution progressive du rapport nucléo-cytoplasmique

Cellules superficielles
Noyau pycnotique

Cellules intermédiaires
Petit noyau

Cellules parabasales
Gros noyau

Couche basale
Frottis normal

Prédominance de cellules superficielles à noyau pycnotique.


Pas de mitose.
Dysplasies

• Atypies cytonucléaires : augmentation du rapport nucléocytoplasmique,


anisocytose, anisocaryose, cellules bi-nucléées. Mitoses dans les couches
moyenne et superficielle.

• Sans effraction de la membrane basale.

• Situées près de la zone de jonction.


Selon l’extension des atypies dans l’épaisseur de l’épithélium, on distingue :
• les lésions de bas grade (ex dysplasies légères)
• les lésions de haut grade (ex dysplasies modérées et sévères)

Dysplasie légère Dysplasie modérée Dysplasie sévère

= CIN 1 = CIN 2 = CIN 3

= Lésion de bas grade = Lésions de haut grade


Frottis de bas grade

Prédominance de cellules superficielles et intermédiaires. Mitoses


rares. Souvent : koïlocytes typiques (halo périnucléaire) = cellules
remaniées par l’infection virale à papillomavirus
Frottis de haut grade

Prédominance de cellules parabasales à noyau volumineux. Atypies


cellulaires marquées. Mitoses fréquentes.
Technique et résultats

du frottis cervical

Modigliani
Frottis cervical - Matériel

Intérêt des instruments, type brossettes, qui


permettent de balayer le canal cervical et de
prélever des cellules de la zone de jonction.
Technique habituelle du frottis
avec étalement sur lame
Technique du frottis en couche mince
Technique du frottis en couche mince
Technique du frottis en couche mince
Frottis cervical - Résultats

5 millions de frottis par an 30% des femmes


chez 70% des femmes n’ont pas de suivi
gynécologique

Frottis normal Frottis pathologique


95% 5%

ASCUS Bas grade Haut grade


2.5% 2% 0.5%
Conduite à tenir

devant

un frottis anormal

Münch
ASCUS Bas grade Haut grade
2.5% 2% 0.5%

Contrôle à 6 mois Colposcopie et


± typage viral biopsies dirigées
Colposcopie

Examen du col avec une loupe binoculaire


- sans préparation
- après application d’acide acétique
- après application de lugol
Biopsies dirigées
Aspect colposcopique du col normal

Sans préparation Acide acétique Lugol


Aspect d’un col pathologique

Sans préparation Acide acétique Lugol

Zone acidophile sur la Zone iodo-


lèvre antérieure négative
Biopsie
Quelques compte-

rendus de frottis
Frottis n°1

Desquamation faite de cellules superficielles, de cellules intermédiaires.


Présence de cellules de type parabasal, parfois dystrophiques, de quelques
cellules endocervicales, avec réaction inflammatoire. On ne note pas de
caractère suspect de malignité.

CONCLUSION. Frottis témoignant d’une zone de remaniement


moyennement différenciée, sans caractère cytonucléaire suspect. Présence
de cellules endocervicales. La zone de jonction est représentée.

Frottis normal. Le prochain dans 3 ans.


Frottis n°2

Ce frottis a ramené un matériel abondant. On retrouve des cellules


malpighiennes superficielles et grandes intermédiaires, des cellules
endocervicales, des polynucléaires assez nombreux. On note surtout la
présence de cellules dysplasiques ayant des atypies cytonucléaires
évocatrices d’une lésion de haut grade dans la classification de Bethesda.

CONCLUSION. Frottis modérément inflammatoire avec présence de


cellules de dysplasie sévère (haut grade dans la classification de Bethesda).

Frottis de haut grade → colposcopie & biopsies


Frottis n°3

Le prélèvement est adéquat  : la zone de jonction est représentée (cellules endocervicales). Le


matériel est constitué de cellules malpighiennes superficielles et intermédiaires et de quelques
cellules parabasales. On constate une inflammation modérée, essentiellement caractérisée par
des polynucléaires neutrophiles. Certaines cellules malpighiennes montrent une dystrophie
réactionnelle à l’inflammation. De rares cellules intermédiaires présentent des atypies suspectes
de lésions condylomateuses (le noyau est légèrement augmenté de volume, le chromatisme est
légèrement augmenté, bi-nucléation).

CONCLUSION. Frottis modérément inflammatoire et dystrophique. Par endroit, certaines


cellules intermédiaires laissent suspecter une lésion de type condylomateuse sans qu’il soit pour
autant possible de le confirmer cytologiquement. Lésion d’ascus de type bas grade dans la
classification de Bethesda.

ASCUS → (typage viral) + contrôle dans 6 mois


Frottis n°4

Desquamation épithéliale abondante, constituée de quelques cellules


malpighiennes superficielles acidophiles à noyau pycnotique, de cellules de
type intermédiaire. L’inflammation est légère. On note par ailleurs de très
nombreuses altérations des cellules intermédiaires et superficielles de type
koïlocyte. Il n’a pas été observé de cellule endocervicale.

CONCLUSION. Frottis cytolytique discrètement inflammatoire présentant


de nombreuses altérations des cellules intermédiaires et superficielles faisant
évoquer une lésion de type condylomateux. Il n’a pas été observé de cellule de
la zone de jonction.

Bas grade + frottis incomplet → contrôle rapide


Leucorrhées
Leukos = blanc et Rhein = couler
Leucorrhées = “pertes blanches”
Par extension : tout écoulement vulvaire non sanglant
Etiologies des leucorrhées

• Leucorrhées physiologiques (= sécrétions génitales normales) :


incolores ou lactescentes, inodores, rythmées par le cycle
menstruel.

• Infections génitales basses = vaginites et vulvovaginites.

• Infections génitales hautes = endométrites, salpingites.

• Leucorrhées et cancers : cause rare de leucorrhées, mais 10%


des cancers du col et de l’endomètre sont révélés par des
leucorrhées → prudence chez la femme ménopausée
Distinguer infections génitales basses (vagin) et
infections génitales hautes (endomètre, trompes)

Basses Hautes

Douleurs pelviennes Non Oui


Fièvre Non Oui
Syndrome inflammatoire biologique
(hyperleucocytose et/ou CRP ↑) Non Oui
Plan

I. Flore vaginale normale

II. Interprétation de l’ECB vaginal avant la ménopause

III. Sémiologie des infections génitales basses

IV. Sémiologie des infections génitales hautes


Flore vaginale
normale
Le lactobacille ou bacille de Doderlein

Germe spécifique de la flore vaginale. Il se nourrit


du glycogène produit par la muqueuse vaginale
entre la puberté et la ménopause et empêche la
prolifération des autres germes.

Estrogènes

Glycogène
Le lactobacille consomme le glycogène et le
dégrade en acide lactique

Glycogène Acide lactique

• Explique le pH acide du vagin entre la puberté et la


ménopause

• L’acidité gêne le développement des autres


bactéries commensales, mais favorise la présence
du candida albicans ➙ explique la fréquence des
mycoses vulvovaginales chez la femme jeune.
Avant la ménopause

Le bacille de Doderlein représente plus de 99% de la flore


vaginale. Les autres micro-organismes n’entraînent aucun
symptôme s’ils restent très minoritaires.

• Candida albicans
• Autres bactéries commensales : Gardnerella vaginalis,
anaérobies, streptococoque, ...
Après la ménopause

Le vagin ne produit plus de glycogène ➙

• Le bacille de Doderlein disparaît.


• Le portage de candida albicans disparaît car le pH vaginal
augmente.

• Les autres bactéries commensales persistent mais restent


bien tolérés si elles ne prolifèrent pas.
Flore vaginale
pathologique
Les deux mécanismes de l’infection vaginale

• Introduction d’un germe exogène,


d’origine sexuelle, toujours absent de
la flore vaginale normale : trichomonas
vaginalis, gonocoque,... (= MST)

• Plus souvent, prolifération de micro-


organismes commensaux

• Candida albicans

• Bactéries commensales
La prolifération de bactéries commensales va de
pair avec une diminution de la flore de Doderlein
Interprétation
de l’ECB vaginal
avant la ménopause
Technique de l’ECB vaginal

• Examen direct des sécrétions vaginales

• Nombre et aspect des leucocytes

• Identification des germes dominants

• Présence ou absence de trichomonas vaginalis,


diplocoques gram - intra-cellulaires (= gonocoques),
levures (= candida albicans), clue cells (= “cellules
cloutées”)

• Examen après culture pendant 24 heures


ECB vaginal normal avant la ménopause
Exemple 1 : flore de Doderlein exclusive

Examen direct

- Leucocytes : quelques
- Microorganismes : nombreux bacilles gram + type Döderlein
- Trichomonas : absence
- Diplo G- intra cellulaires : absence
- Levures : absence
- Clue-cells : absence

Culture Monomorphe à Döderlein


ECB vaginal normal avant la ménopause
Exemple 2 : flore de Doderlein + autres commensaux rares

Examen direct
- Leucocytes : quelques
- Microorganismes : nombreux bacilles gram + type Döderlein
rares cocci+ genre Streptocoque
rares bacilles gram + type Corynébactérie
- Trichomonas : absence
- Diplo G- intra cellulaires : absence
- Levures : absence
- Clue-cells : absence

Culture Nombreux bacilles de Döderlein


Rares Streptococcus agalactiae (grB)
Rares Protéus mirabilis
Rares Corynebacterium spp
ECB vaginal pathologique : deux cas

• MST : La présence du germe anormal suffit au


diagnostic.

• Prolifération d’un germe commensal : la


présence du commensal n’est pas anormale
en soi. Ce sont les quantités respectives de la
flore de Doderlein et des autres commensaux
qui définissent le caractère anormal de l’ECB.
Une flore pauvre en Doderlein est toujours
anormale avant la ménopause.
Sémiologie
des infections génitales
basses
Quatre variétés d’infections génitales basses

• Mycose vulvovaginale

• Vaginose bactérienne Leucorrhées “spécifiques”

• Infection à trichomonas

• Leucorrhées non spécifiques


Mycose vulvovaginale
Responsable : Candida albicans

• Prurit vulvaire intense


• Leucorrhées blanchâtres épaisses,
non malodorantes

• Erythème vulvaire inconstant


• Femme en période d’activité génitale
• Parfois après un traitement
antibiotique

• L’ECBV est inutile dans les cas


typiques
Vaginose bactérienne
Responsables : Gardnerella vaginalis et germes anaérobies

• Malodeur (poisson pourri)


• Leucorrhées grisâtres, souvent peu
abondantes

• Isolées : pas de prurit ni de brûlures,


vulve normale

• Test à la potasse positif : odeur de


poisson pourri

• L’ECBV est inutile dans les cas


typiques
ECBV typique de vaginose bactérienne

Examen direct
- Leucocytes : assez nombreux
- Microorganismes : rares bacilles bacilles gram + type Döderlein
nombreux bacilles gram -
- Trichomonas : absence
- Diplo G- intra cellulaires : absence
- Levures : absence
- Clue-cells : quelques
Culture Flore polymicrobienne à
- Gardnerella vaginalis
- Germes anérobies
Infection à Trichomonas vaginalis
Parasite mobile, d’origine sexuelle

• Brûlures vaginales
• Prurit et dysurie inconstants
• Leucorrhées verdâtres, fluides,
mousseuses, malodorantes

• Parfois: urétrite chez le partenaire,


notion de partenaires multiples

• Microscope : parasite mobile


Leucorrhées non spécifiques
Germes banaux, surtout bacilles Gram négatif

• Leucorrhées teintées et nauséabondes, souvent isolées


• L’ECBV est indispensable. Exemple:
Examen direct
- Leucocytes : nombreux
- Microorganismes : quelques bacilles gram + type Döderlein
nombreux bacilles gram -
- Trichomonas : absence
- Diplo G- intra cellulaires : absence
- Levures : absence
- Clue-cells : absence

Culture polymicrobienne à prédominance de


Escherichia coli
Sémiologie
des infections génitales
hautes

Leucorrhées nauséabondes
+ douleurs pelviennes
+ fièvre (inconstante)
+ syndrome inflammatoire
Devant des leucorrhées, arguments en faveur d’une
infection utéro-annexielle (salpingite)

• Interrogatoire

• Douleurs pelviennes au premier plan : diffuses ou


bilatérales, parfois associées à des douleurs sous-costales
droites (péri-hépatite à Chlamydiae)

• Leucorrhées teintées (jaunâtres, brunâtres,...) et


nauséabondes

• Facteurs de risque : partenaires occasionnels ou multiples,


geste intra-utérin récent, stérilet

• Examen général : fièvre, tachycardie, fatigue


• Abdomen : douleur provoquée
• Sus-pubienne
• Bilatérale
• Défense dans les formes
franches
• Douleur sous-costale droite en
cas de péri-hépatite
• Examen gynécologique
• Spéculum : étude et prélèvement des leucorrhées,
glaire cervicale opaque et louche.
• TV : douleur provoquée dans les culs-de-sac et à la
mobilisation utérine
• Examens complémentaires
• NFS : hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles
• CRP augmentée
• Spécifiques : recherche du chlamydiae par PCR dans les
sécrétions génitales et par sérologie

• Echographie souvent normale (sauf en cas de pyosalpinx)

Un tableau d’infection génitale haute justifie


une coelioscopie
Coelioscopie

1. Insufflation de CO2 dans la 2. Introduction de l’optique, relié


cavité péritonéale à une caméra
3. Inspection du pelvis 4. Mise en place des trocarts
sus-pubiens et des instruments
opératoires
Pelvis normal Trompes épaisses et inflammatoires
Pelvis adhérentiel avec Adhérences pariéto-hépatiques,
enduit purulent témoins d’une péri-hépatite à
Chlamydiae récente ou ancienne
Fin de la

première leçon

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