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Premières

réflexions comment aborder une notion de conscience.



Des usages du mot à la signification de la notion.

Conseils de méthode quand on croit ne rien savoir d’une notion ou d’un concept, il faut partir de ce dont on
dispose, en général ce sont les usages du mot ainsi pour le terme de conscience. On peut partir des expressions
courantes comprenant le terme de conscience :
Lorsqu’une personne dit avoir eu conscience de ses actes, cela signifie qu’elle déclare s’être bien rendu compte
de ce qu’elle faisait et qu’elle a agi en connaissance de cause. On peut aussi agir sans avoir conscience de ce
qu’on fait, autrement dit machinalement, sans réfléchir et sans trop faire attention. On peut même perdre
conscience comme la Salammbô de Flaubert qui était « envahie par une mollesse où elle perdait toute conscience
d’elle-même ». En un autre sens, lorsqu’un individu, un groupe social, un peuple prend position relativement à
telle ou telle situation politique ou historique, on peut dire qu’on assiste à la formation d’une conscience
politique ou d’une conscience historique. En un autre sens encore, on évoque les « remords de conscience » de
ceux qui regrettent d’avoir commis une faute. On peut ainsi chercher à se donner bonne conscience à peu de
frais et jurer « la main sur sa conscience » en fait la main sur la poitrine, qu’on n’y est pour rien, ou bien être
torturé par sa conscience et laisser se développer un sentiment de culpabilité peut-être non fondé. C’est aussi
en ce sens moral qu’on dit qu’un bon juge (ou un juré d’assises) doit juger de la culpabilité d’un accusé « en son
âme* et conscience », c’est-à-dire franchement et honnêtement. Cette honnêteté n’est pas seulement une vertu
morale, elle peut aussi être celle de celui qui travaille avec soin et application, on parlera alors de sa conscience
professionnelle.
Cette multiplicité des usages du mot n’empêche cependant pas de distinguer deux significations principales de
la notion de conscience. Quand le contenu de la conscience consiste en des représentations portant sur des faits
(ce qui est, a été ou pourrait être), on a affaire au sens psychologique de la conscience. Quand il consiste en des
jugements de valeurs (portant sur ce qui doit être, ce qui est bien ou mal, juste ou injuste), on a affaire à la
conscience morale. On peut décrire cette dernière comme une sorte de juge intérieur de la valeur de la pensée
ou de l’action. Mais cette dimension de la conscience, qu’est la conscience morale, est toujours seconde
en ce qu’elle présuppose la première : l’homme amoral ou immoral n’est certes pas, privé de conscience
psychologique, simplement il ne discerne plus le bien du mal.

Dire que l’homme est un sujet conscient, c’est dire qu’il se sait en relation avec la réalité extérieure,
notamment par l’intermédiaire des cinq sens qui lui permettent de saisir les choses qui l’environnent
comme autant d’objets faisant face au sujet qu’il est. Cela signifie également que le sujet perçoit la
réalité intérieure et subjective de ses états d’âme ou de ses sentiments. Être un sujet doué de conscience,
c’est enfin pouvoir se représenter la réalité passée par certains actes de conscience spécifiques comme
le souvenir, ou encore pouvoir envisager la réalité à venir par d'autres actes de conscience tels l’imagination, le
désir ou le souhait. L’idée que la conscience est un certain savoir est du reste suggérée par l’étymologie : le mot
latin conscientia, formé du préfixe cum (avec) et du radical scientia (connaissance, savoir), signifie « accompagné
de savoir ». La conscience peut donc être décrite comme la faculté d’ajouter à un fait (par exemple un certain
état du corps ou une action) une connaissance, un savoir immédiats de ce fait. « Je suis conscient » signifie donc :
en même temps que j’agis ou que quelque chose m’arrive, je sais immédiatement que j’agis ou que cela m’arrive.
Cependant il est peut-être imprudent d’inférer, du fait qu’il y a des expériences que l’on décrit comme
accompagnées de conscience, l’existence absolue de quelque chose comme une région de la réalité qui, à côté
ou face à la matière, serait une entité autonome et existant à part entière. En d’autres termes, il faudrait plutôt
que de parler de la conscience, parler simplement de faits psychiques ou d’états mentaux accompagnés de la
qualité de conscience. Sans nier l’existence de ces faits, un courant radical de la psychologie du XXe s., le
béhaviorisme*, considère comme inutile le concept même de conscience. Watson, son fondateur et son
représentant le plus radical, affirme que le béhavioriste ne doit pas plus s’occuper de psychologie de la
conscience que le chimiste de l’alchimie, ou l’astronome d’astrologie. Le concept de conscience serait un de ces
« vieux concepts engloutis pour ne jamais reparaître », un dernier avatar de l’idée d’âme aussi inutile pour
comprendre le psychisme que l’idée générale de vie pour décrire le fonctionnement du vivant. S’il est vrai qu’on
ne peut conclure de l’existence d’un nom à celle de la chose nommée, la notion de conscience apparaît
cependant une notion utile, parmi d’autres plus ou moins équivalentes comme celles de pensée, de réflexion,
d’esprit, d’âme, de psychisme, de sujet ou subjectivité*, pour désigner ce mode singulier de présence au monde
qui distingue certainement l’homme des pierres et sans doute des autres êtres vivants. Le fait d’être une
conscience de soi, de « pouvoir dire je » (Kant), d’être un « moi » constitue sans doute une dimension essentielle
de l’existence humaine.

1° DESCRIPTION D’UN VECU DE CONSCIENCE


Partir de l’évidence de la conscience. En un sens il n’y a rien de plus évident que la conscience, c’est le nom que
l’on donne au fait que notre vie mentale ou vie psychique est immédiatement connue de nous. Que dire de la
conscience au sens psychologique ? Tout d’abord autant ce dont nous sommes conscients nous paraît évident,
immédiatement accessible, ce que nous percevons est bien là, mais en même temps nous ne sommes pas
présents uniquement à ce qui est là-devant nous. Il y a d’autres choses qu’on ne perçoit pas et qui ne laissent
pas d’être-là présente, les abords du lycée, la ville au loin et puis tout ce qui s’est passé hier et ce qui se passera
demain, je peux par un acte spécifique de la conscience, me le remémorer où l’imaginer, le désirer ou le redouter.

La conscience comme nom pour désigner le rapport spécifique de l’homme à ce qui est (au monde).

Premier point : La conscience se comme quelque chose d’à la fois immédiatement évident et quelque chose de
difficile à décrire. Partir de ce qui se donne à nous dans l’expérience immédiate que nous avons du monde. Nous
sommes de sujets conscients, cela veut dire que nous savons immédiatement, nous sommes « connaissant » de
ce qui nous arrive, de ce qui se passe en nous et hors de nous. Certes pas de tout, certes pas de tout avec la
même clarté, je vois moins bien les objets éloignés, je ne vois pas ce qui se passe dans mon dos, même si j’en
sais quelque chose, si par exemple l’on bavarde etc. La conscience est ainsi le nom que l’on peut donner à la
manière dont chacun d’entre nous est présent au monde, au monde extérieur tel qu’il se donne à ses sens, mais
aussi à lui-même, toute conscience semblant présupposé une conscience de soi, un sujet qui dit « je », un « égo »,
un « moi » en amont d’elle-même.

Deuxième point : la conscience comme nom que nous donnons à la manière dont nous sommes présent à ce qui
est ou, si l’on préfère dont ce qui est présent à nous, n’est pas une chose simple, elle se donne à nous comme
un ensemble de vécus qui se suivent comme dans un flux et qui sont complexes. Je veux dire par là si être
conscient ou avoir conscience de quelque chose, c’est se rapporter à des objets, on peut s’y rapporter de
multiples manières. Il y a donc différentes modalités, différentes manières, différentes guises pour la conscience
de se rapporter à ses objets. Je peux les percevoir directement quand ils sont là, cette table, cet arbre dehors, la
classe devant moi, je peux aussi me souvenir de mes dernières vacances, c’est une autre manière pour la
conscience de se rapporter à ce qui est ou plutôt en l’occurrence à ce qui a été et qui n’est plus. De même je
peux me projeter dans l’avenir penser aux prochaines vacances. Enfin, il y a une conscience de ce qui n’est pas,
de ce qui est irréel mais n’en est pas moins quelque chose, comme les êtres de fiction, les personnages de la
mythologie, les figures types de la littérature.

Ces derniers peuvent même avoir un certain degré de réalité, voire servir d’instrument permettant de s’orienter
dans le réel, de le connaître, ainsi la figure d’Harpagon me permet de nommer l’avare, celle de Tartuffe
l’hypocrite, celle d’Oblomov (personnage du célèbre roman éponyme de Gontcharov)

Bref nommons ces différentes manières d’avoir conscience de ce qui est :

La perception du présent qui est là renvoie à l’expérience de la perception, la présentification directe de ce qui
est effectivement présent. Quand on a conscience de ce qui n’est pas actuellement présent, on s’y rapporte par
un acte de représentation, on pourrait dire d’imagination au sens large, si l’on définit cette dernière de manière
très générale comme acte par lequel on rend présent ce qui est absent (on s’en fait une image mentale, une
représentation). Ce n’est pas la même chose d’être devant le Panthéon et d’en compter les colonnes et d’essayer
de le faire à partir d’une image mentale, d’une réminiscence, d’un souvenir. La mémoire, la capacité à se souvenir
de qui vient tout juste de se passer (souvenir primaire) ou de ce qui s’est passé il y a longtemps (souvenir
secondaire) sont de ce point de vue des actes de l’imagination, de même que le souhait, le désir etc.

Troisième point la vie psychique est dynamique, en mouvement, mobile, la vie de la conscience peut être décrite
comme un flux de vécus de conscience (« vécu » n’est pas à prendre ici comme un participe passé, comme
lorsqu’on dit de quelqu’un qu’il a du vécu), une suite d’expériences au présent du réel, ce que Husserl à la suite
des psychologue allemand ont nommé das Erlebnis (pluriel : die Erlebnisse – pour les germanistes, le mot est
formé sur le verbe leben « vivre » et est traduit en français par vécus). La conscience est mobile, c’est un flux de
vécus, mais en même temps un lien l’attache fermement au présent, à la succession des « maintenants ». C’est
ce qu’on pourrait appeler la dimension temporelle ou temporalisante de toute conscience, tout conscience
s’éprouve au présent, elle éprouve la présence du monde et sa présence à elle-même depuis le présent actuel.
Qu’est-ce donc que ce présent actuel ? Une sorte de limite, un instant qui est toujours le même et toujours
différent dans lequel ce qui advient immédiatement de l’avenir s’actualise dans le maintenant présent et se perd
aussitôt dans le passé. Paradoxe de ces maintenants : toujours mêmes en ce qu’ils sont des actualisations de ce
qui advient et qu’à chaque moment ils se perdent aussitôt dans le passé qui n’est plus actuel, toujours différents
par leur contenu, même si la conscience fait constamment le lien, soit involontairement par la synthèse qu’elle
opère entre l’avenir et le passé, d’où ce beau mot en français de « maintenant » qui maintient le « passé et
l’avenir » par son activité d’actualisation, soit volontairement quand elle donne une unité à une série de vécus,
en lui donnant un sens, la conscience donne ainsi sens aux sons d’une mélodie, à un cours, à une histoire d’amour
etc.

à Question incidente.

Faut-il distinguer entre « conscience humaine » et « conscience animale » ? Tout vivant a sans doute un certain
degré de conscience du monde qui l’entoure, de son environnement immédiat, la vie au sens organique semble
supposer une certaine forme de conscience au moins minimale (cf. Leibniz, Bergson qui soutiennent un peu cette
thèse). Un animal est conscient de la présence à proximité de sa proie ou de son prédateur, en tout cas il est bien
davantage que le rocher sur lequel il s’est hissé pour traquer sa proie. Il s’en faut cependant de beaucoup que
l’animal ne soit conscient au sens où l’homme l’est.

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