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Revue française d’allergologie et d’immunologie clinique 45 (2005) 9–13

http://france.elsevier.com/direct/REVCLI/

Asthme et grossesse
Asthma and pregnancy
P. Godard *, P. Demoly
Clinique des maladies respiratoires, hôpital Arnaud-de-Villeneuve, avenue du Doyen-Giraud, 34295 Montpellier cedex, France
Reçu le 21 septembre 2004 ; accepté le 15 octobre 2004

Disponible sur internet le 11 novembre 2004

Résumé

La grossesse est une éventualité à envisager chez toute personne souffrant d’asthme. D’une façon générale, il n’y a aucune contre-
indication à conduire une grossesse d’une part, à traiter son asthme d’autre part. Les complications pour la mère et pour l’enfant sont rares et
les résultats du suivi de cohortes récentes sont rassurants. Les données de pharmacovigilance sont parfaitement rassurantes, en particulier en
ce qui concerne la tolérance des corticostéroïdes inhalés. Cependant un suivi régulier est nécessaire. Un bon contrôle de l’asthme est en effet
nécessaire.
© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Abstract

Any asthmatic woman in the childbearing age may become pregnant. Generally, asthma is not a contraindication for pregnancy, and drug
treatment of pregnant asthmatic women is indicated. Neither mother nor child are particularly at risk for complications, as demonstrated in
recently published long-term studies. Pharmacologic data are reassuring, especially those concerning inhaled corticosteroids. Nevertheless,
regular follow-up of asthmatic pregnant patients is necessary to assure good control of the patient’s asthma.
© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Asthme ; Grossesse ; Complications ; Médicaments

Keywords: Asthma; Pregnancy; Complications; Antiasthma drugs

Si l’on admet que la prévalence de l’asthme chez l’adulte • de renforcer la démarche éducative ;
est de 5 % et de 10 % chez l’enfant, entre 5 et 10 % de fem- • d’envisager les mesures de prévention.
mes enceintes devraient souffrir d’asthme [1].
Les visites médicales sont obligatoires, régulières et par- 1. Diagnostic de l’asthme pendant la grossesse
fois nombreuses pendant cette période. C’est l’occasion :
• de faire le diagnostic d’asthme si nécessaire ;
La démarche est classique [7,8] et se fonde d’une part sur
• d’adapter le traitement en cas de non contrôle ou de médi-
les symptômes, d’autre part l’exploration fonctionnelle res-
cament contre-indiqué ;
piratoire.
• de rassurer la future maman sur l’évolution de son asthme
Le diagnostic différentiel est un peu particulier et doit tenir
[2] : le plus souvent le retour à l’état antérieur est obtenu à
compte de la grossesse :
la fin de la grossesse [3] ;
• l’embolie pulmonaire est une cause de dyspnée aiguë
• de lui expliquer les risques de grossesse pathologique et
paroxystique pendant la grossesse et de ce fait le premier
pour l’enfant [4–6] ;
diagnostic différentiel de l’asthme auquel il faut penser ;
* Auteur correspondant. • il convient d’éliminer une cause cardiaque aux sifflements
Adresse e-mail : godard@montp.inserm.fr (P. Godard). perçus durant la grossesse ;
0335-7457/$ - see front matter © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.allerg.2004.10.016
10 P. Godard, P. Demoly / Revue française d’allergologie et d’immunologie clinique 45 (2005) 9–13

• le syndrome d’hyperventilation chronique peut parfois se • une libération de prostaglandine F2alpha induisant une
manifester par des symptômes aigus pouvant évoquer de bronchoconstriction ;
l’asthme. Ils peuvent être déclenchés par de simples ef- • une diminution de la capacité résiduelle fonctionnelle
forts, par l’exposition à des irritants bronchiques, ou le (CRF) avec collapsus bronchique expiratoire modifiant le
stress. Il peut exister des réveils nocturnes. rapport ventilation/perfusion ;
Une embolie pulmonaire de même qu’un syndrome d’hy- • une augmentation de la fréquence des infections virales et
perventilation peut survenir chez une asthmatique authenti- bactériennes des voies aériennes ;
que. • un reflux gastroœsophagien ;
• une augmentation du stress.

2. Phénotype de l’asthme pendant la grossesse 2.3. Pour la pratique

Une évaluation clinique et fonctionnelle respiratoire peut


2.1. Clinique être recommandée tous les mois.
Une autoévaluation de la maladie par l’utilisation biquo-
Pour Gluck [9], les exacerbations surviennent plus fré- tidienne d’un débitmètre de pointe est nécessaire afin d’adap-
quemment entre la 24e et la 36e semaine d’aménorrhée (SA), ter la thérapeutique par une autogestion éventuelle, en fonc-
alors que pour Stenius-Aarniala [10] elles surviennent plus tion de l’activité de la maladie.
fréquemment entre la 17e et la 24e SA. La grossesse est un temps fort pour une éducation théra-
Il semble, en tout cas, que les symptômes soient excep- peutique de qualité.
tionnels durant le premier trimestre, devenant rares après la
37e SA et que les exacerbations durant le travail et la déli- 2.4. Rhinite et grossesse
vrance soient anecdotiques [3,9,10]
Enfin, deux tiers des femmes ayant eu un asthme difficile à D’après une récente étude épidémiologique ayant inclue
contrôler lors de leur première grossesse vivront les mêmes 599 femmes enceintes, on estime l’incidence de la rhinite au
changements lors des grossesses suivantes [3]. cours de la grossesse à 22 % [11].
Parmi les facteurs étudiés, susceptibles d’augmenter cette
2.2. Physiopathologie incidence (tabagisme, antécédent de rhinite allergique,
d’asthme, saison au moment de l’accouchement), seul le
2.2.1. Les facteurs susceptibles d’induire une amélioration tabagisme est retenu avec un risque relatif s’élevant à 69 %.
de l’asthme De plus, l’apparition de la rhinite ne semble pas être
Ils sont les suivants : influencée par les variations saisonnières [11].
• une augmentation du taux de progestérone, induisant une Dans une autre étude [12], portant sur 2531 enfants suivis
bronchodilatation ; depuis la période gestationnelle jusqu’à l’âge de quatre ans,
• une action potentialisatrice des estrogènes et de la proges- les auteurs démontrent un lien de causalité entre :
térone sur l’effet bronchodilatateur du système adrénergi- • des complications d’ordre utérin survenant pendant la
que ; grossesse (hémorragies anténatales, menace d’accouche-
• une diminution du taux plasmatique d’histamine (indui- ment prématuré, anomalies placentaires et de croissance
sant une bronchoconstriction) par une augmentation des utérine) et l’apparition d’un asthme ou d’une rhinite à
taux circulants d’histaminase ; l’age de quatre ans (asthme [OR : 3,0/1,8–5,4], rhinite
• une augmentation du cortisol libre sérique ; [OR : 2,9/1,6–5,2]) ;
• une libération de prostaglandine E induisant une broncho- • en revanche, aucune relation n’est démontrée entre
dilatation ; asthme, rhinite et complications d’ordre maternel (vomis-
• une libération de prostaglandine I2 stabilisant le muscle sements, hypertension, prééclampsie) [12].
lisse bronchique ; Les complications utérines survenant pendant la période
• une libération de facteur atrial natriurétique induisant une gestationnelle pourraient, en effet, altérer le développement
bronchodilatation ; du système immunitaire de l’enfant et exposeraient la mère à
• une augmentation de la demi-vie et une diminution de la d’autres complications, notamment infectieuses, qui ont été
liaison aux protéines des bronchodilatateurs endogènes et incriminées comme augmentant les risques de maladie aller-
exogènes. giques chez l’enfant [13].

2.2.2. Les facteurs susceptibles d’aggraver l’asthme 3. L’asthme est-il un facteur de risque de grossesse
Ils sont les suivants : pathologique ?
• une diminution de la sensibilité pulmonaire aux effets du
cortisol par un mécanisme de compétition au niveau des De multiples études ont comparé l’évolution des grosses-
récepteurs aux glucocorticoïdes avec la progestérone, l’al- ses de femmes asthmatiques par rapport à celles de femmes
dostérone ou la désoxycorticostérone ; non asthmatiques.
P. Godard, P. Demoly / Revue française d’allergologie et d’immunologie clinique 45 (2005) 9–13 11

3.1. Risques pour la mère prééclampsies pendant les grossesses de femmes asthmati-
ques n’est pas liée au contrôle de l’asthme mais plutôt à
L’incidence des pathologies hypertensives (hypertension l’usage des médicaments antiasthmatiques [6], bien que
artérielle, prééclampsie), de placenta previa, d’accouche- l’étude de E.W. Triche et al. [14] semble indiquer que ce n’est
ment par césarienne est augmentée chez les femmes asthma- pas le cas.
tiques [5,14]. Il semble également que la croissance fœtale intra-utérine
soit dépendante du contrôle de l’asthme comme le montrent
Tableau 1 deux études qui ont comparé les poids de naissance d’enfants
Association entre complications maternelles et fœtales et asthme [5]
de mères asthmatiques ayant été hospitalisées pendant leur
Asthmatiques Non OR/RR grossesse pour exacerbation de leur asthme (2764 g dans la
asthmatiques
première étude et 2469 g dans la deuxième étude) aux poids
Nombre 2289 9156
Prééclampsie (%) 4,50 2,10 2,18 (1,68–2,83)
de naissance d’enfants de mère asthmatique n’ayant pas eu
Placenta previa (%) 1,10 0,70 1,71 (1,05–2,79) recours à des traitements en urgence durant leur grossesse
Césarienne (%) 35,90 24,90 1,62 (1,46–1,80) (3284 g et 2838 g [18,19]).
Durée hospitalisation 47,00 32,30 1,86 (1,60–2,15)
pour la mère > 3J (%) 3.4.2. Conclusions
Prématurité (%) 18,00 12,10 1,36 (1,18–1,55) Tous ces résultats suggèrent donc que plus le contrôle de
Petit poids de naissance 9,30 6,10 1,32 (1,10–1,58) l’asthme est bon, meilleures seront l’évolution de la gros-
(%) sesse et la croissance fœtale. Mais les preuves absolues
Malformations congéni- 4,50 3,40 1,37 (1,12–1,68) manquent.
tales (%)
Faut-il également recommander une surveillance des fem-
Durée d’hospitalisation 44,70 31,70 1,44 (1,12–1,68)
pour l’enfant > 3J (%)
mes enceintes asthmatiques par un spécialiste ? La réponse
est probablement oui. L’étude de Dombrowski et al. semble
plaider dans ce sens [20].
3.2. Risques pour l’enfant 3.4.2.1. Les risques sont-ils fonction du traitement [21] ?
• la preuve de l’innocuité des ß2 mimétiques de courte
Le risque relatif de prématurité, d’un petit poids de nais- durée d’action pendant la grossesse est faite [22,23] ;
sance, et de malformations congénitales est également aug- • la théophylline pourrait expliquer l’augmentation de l’in-
menté [4,5,15]. Le risque de prématurité serait en fait dû à un cidence des prééclampsies [16], mais cette notion n’a pas
traitement par corticoïde per os ou théophylline [16]. été confirmée dans une étude plus récente portant sur un
plus grand nombre de patients [22,24] ;
3.3. Risques moins fréquents [17] • les corticostéroïdes inhalés sont indiqués dans toutes les
formes d’asthme persistant. Ils préviennent les exacerba-
• les vomissements de la période gravide ; tions durant la grossesse [10]. La beclométhasone a été
• les hémorragies ; suspectée comme étant responsable d’une augmentation
• les hypoxies ; de l’incidence des petits poids de naissance [25]. Dans
• les hyperbilirubinémies néonatales. cette étude la posologie moyenne était de 336 µg par jour ;
les exacerbations étaient traitées par corticothérapie orale.
3.4. Existe-t-il des explications ? On ne peut donc attribuer aux seuls stéroïdes inhalés les
complications observées. D’autres études plus récentes
Il y a peu de données dans la littérature. Les interactions ont montré l’absence de relation entre l’utilisation des
entre l’asthme lui-même, sa sévérité et les exacerbations corticostéroïdes inhalés et l’incidence des grossesses pa-
d’une part, les traitements antiasthmatiques d’autre part, et la thologiques et des accidents périnataux [22,26,27]. Cette
grossesse sont mal connues. dernière étude [27] a été réalisée de manière prospective, à
partir du fichier suédois médical des naissances L’objectif
3.4.1. Les risques semblent indépendants de la sévérité, était d’évaluer les effets éventuels des corticoïdes inhalés
mais pas du contrôle pris en début de grossesse. Toutes les grossesses depuis
On peut facilement concevoir que lorsque le contrôle de 1994 étaient enregistrées. Plus de 2000 naissances de
l’asthme est mauvais associé à des exacerbations sévères mères asthmatiques, traités par budésonide dans l’im-
pouvant entraîner une hypoxémie maternelle, l’hypoxie fœ- mense majorité des cas, ont été analysées.
tale soit néfaste pour l’enfant. Les résultats [27] sont donnés dans le tableau-ci dessous :
Lorsque l’asthme est traité par un spécialiste, il y a moins • Les corticostéroïdes oraux semblent augmenter les ris-
de mortalité périnatale, moins de prématurité et moins de ques :
petit poids de naissance. En revanche, on ne retrouve aucune C de prééclampsies [15] ;
différence quant à l’incidence des prééclampsies, ce qui C de retard de croissances intra-utérines [16] ;
pourrait vouloir dire que l’augmentation de l’incidence des C et de petits poids de naissance [26].
12 P. Godard, P. Demoly / Revue française d’allergologie et d’immunologie clinique 45 (2005) 9–13

Tableau 2 longue durée d’action et antagonistes des leucotriènes, le


Effet du budésonide pris Cas Population Risque manque d’expérience clinique concernant leur utilisation
en début de grossesse de référence relatif pendant la grossesse doit inciter à la prudence. Ils ne
Malformations 3,8 (2,9–4,6) 3,5 doivent donc être utilisés que chez les patientes mal
congénitales (%)
contrôlées par les médicaments conseillés (niveau de
Fentes orofaciales (n) 4 3,3 1,2 (0,3–3,1)
Malformations 18 17–18
preuve II).
cardiaques • l’utilisation des glucocorticoïdes systémiques pour les
Dont sévères 2 5,6 asthmes sévères, et particulièrement pour des périodes
Risques de 2 prolongées, est associée à de hauts risques de prééclamp-
malformations graves sies, petits poids de naissance, hémorragies, prématurité et
(%) hyperbilirubinémie. Les patientes nécessitant ce type de
médicament doivent donc être considérées comme à haut
risque de grossesse pathologique (niveau de preuve II) ;
3.4.2.2. Autres. Un effet direct de la cortisone sur le poids de • le pneumologue doit répondre à toutes les questions de la
naissance d’enfant de mères non asthmatiques, traitées pen- malade et doit obtenir son accord, éventuellement écrit,
dant toute la durée de leur grossesse par de la prednisone à la face à toute décision thérapeutique ;
dose de 10 mg par jour, a été montré [28]. • le pneumologue doit accompagner et supporter la malade
Une autre étude suggère que cet effet direct des corticoï- et l’ensemble de ses médecins dans le respect de la prise
des pendant la grossesse est moindre durant le premier tri- en charge de l’asthme durant toute la grossesse.
mestre, et serait dose-dépendant [29].
Mais la question posée est de savoir si le risque des
corticoïdes oraux est comparable à celui entraîné par un Références
mauvais contrôle de l’asthme [6].
[1] Schatz M. The safety of asthma and allergy medications during
pregnancy. Can J Allergy Clin Immunol 1998;3:242–54.
[2] Juniper EF, Daniel EE, Roberts RS, Kline PA, Hargreave FE, New-
4. Des recommandations en guise de conclusion house MT. Improvement in airway responsiveness and asthma sever-
ity during pregnancy. Am Rev Respir Dis 1989;140:924–31.
Parmi l’ensemble des sociétés savantes faisant référence [3] Schatz M, Harden K, Forsythe A, Chilingar L, Hoffman C, Sper-
dans le domaine de l’asthme, très peu ont proposé des recom- ling W, et al. The course of asthma during pregnancy, post-partum, and
with successive pregnancies: a prospective analysis. J Allergy Clin
mandations concernant la prise en charge de l’asthme pen- Immunol 1988;81:509–17.
dant la grossesse. [4] Schatz M, Zeiger RS, Hoffman CP, Harden K, Forsythe A, Chilin-
La plus récente émane du groupe canadien dirigé par L.P. gar L, et al. Perinatal outcomes in the pregnancies of asthmatic
Boulet [30] : women: a prospective controlled analysis. Am J Respir Crit Care Med
• éviter tout type de facteur déclenchant, qu’il soit allergi- 1995;151:1170–4.
[5] Demissie K, Breckenridge MB, Rhoads GG. Infant and maternal
que ou non-allergique, pendant la grossesse (niveau de outcomes in the pregnancies of asthmatic women. Am J Respir Crit
preuve III) ; Care Med 1998;158:1091–5.
• informer les patients sur les dangers des médicaments en [6] Schatz M. Interrelationships between asthma and pregnancy: a litera-
général, pendant la grossesse, et sur le fait qu’aucun médi- ture review. J Allergy Clin Immunol 1999;103:S330–S336.
[7] Sheffer AL. International consensus report on diagnosis and treatment
cament antiasthmatique n’a fait preuve d’innocuité totale
of asthma. International asthma management project. Clin Exp
pour la mère et l’enfant (niveau de preuve II) ; Allergy 1992;22:R7.
• discuter des conséquences possibles pour la mère et le [8] WHO/NHLBI workshop report. Global Stategy for Asthma Manage-
fœtus d’un contrôle inadéquat de l’asthme (niveau de ment and Prevention. National Institutes of Health, National Heart,
preuve II) ; Lung and Blood Institute, Publication Number 95-3659, 1995. and
http://www.ginasthma.com/.
• discuter avec la patiente des choix des médicaments et de
[9] Gluck JC, Gluck PA. The effects of pregnancy on asthma: a prospec-
l’importance d’un suivi optimal par une évaluation médi- tive study. Ann Allergy 1976;37:164–8.
cale régulière couplée à une autoévaluation constante ; [10] Stenius-Aarniala BSM, Hedman J, Teramo KA. Acute asthma during
• bien faire comprendre que le traitement antiasthmatique pregnancy. Thorax 1996;51:411–4.
est considéré comme moins risqué qu’un mauvais [11] Ellegard E, Hellgren M, Toren K, Karlsson G. The incidence of
pregnancy rhinitis. Gynecol Obstet Invest 2000;49:98–101.
contrôle de l’asthme résultant de son absence (niveau de [12] Nafstad P, Magnus P, Jaakkola JJK. Risk of childhood asthma and
preuve II) ; allergic rhinitis in relation to pregnancy complications. J Allergy Clin
le traitement doit avoir la même approche que pour les Immunol 2000;106:867–73.
patientes non gravides et doit utiliser les ß2mimétiques [13] Xu B, Pekkanen J, Järvelin MR, Olsen P, Hartikainen AL. Maternal
inhalés, les corticostéroïdes inhalés, l’ipratropium, les infections in pregnancy and the development of asthma among off-
spring. Int J Epidemiol 1999;28:723–7.
crômones et les corticoïdes systémiques. La théophylline [14] Triche EW, Saftlas AF, Belanger K, Leaderer BP, Bracken MB.
pouvant aggraver les nausées et le reflux gastro- Association of Asthma Diagnosis, Severity, Symptoms, and Treat-
œsophagien, doit être évitée. Quant-aux ß2mimétiques ment With Risk of Preeclampsia. Obstet Gynecol 2004;104:585–93.
P. Godard, P. Demoly / Revue française d’allergologie et d’immunologie clinique 45 (2005) 9–13 13

[15] Stenius-Aarniala R, Piirila P, Teramo K. Asthma and pregnancy: a [23] Rosa F. Databases in the assessment of the effects of drugs during
prospective study of 198 pregnancies. Thorax 1988;43:12–8. pregnancy. J Allergy Clin Immunol 1999;103:S360–S361.
[16] Bracken MB, Triche EW, Belanger K, Saftlas A, Beckett WS, Lead- [24] Stenius-Aarniala B, Riikonen S, Teramo K. Slow-release theophylline
erer BP. Asthma symptoms, severity, and drug therapy: a prospective in pregnant asthmatics. Chest 1995;107:642–7.
study of effects on 2205 pregnancies. Obstet Gynecol 2003;102:739– [25] Greenberger PA, Patterson R. Beclomethasone diproprionate for
52. severe asthma during pregnancy. Ann Intern Med 1983;98:478–80.
[17] Bahna SL, Bjerkedal T. The course and outcome of pregnancy in
[26] Dombrowski MP, Brown CL, Berry SM. Preliminary experience with
women with bronchial asthma. Actallergol 1972;27:397–406.
triamcinolone acetonide during pregnancy. J Matern Fetal Med 1996;
[18] Greenberger PA, Patterson R. The outcome of pregnancy complicated
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by severe asthma. Allergy Proc 1988;9:539–43.
[27] Kallen B, Rydhstroem H, Aberg A. Congenital malformations after
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the use of inhaled budesonide in early pregnancy. Obstet Gynecol
the course of pregnancy, labour and perinatal outcome. J Obstet
1999;93:392–5.
Gynecol 1995;3:227–32.
[20] Dombrowski MP, Schatz M, Wise R, et al. Asthma during pregnancy. [28] Reinisch JM, Simon NG, Karow WG, Gandelman R. Prenatal expo-
Obstet Gynecol 2004;103:5–12. sure to prednisone in humans and animals retards intrauterine growth.
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l’allaitement. Rev Fr Allergol Immunol Clin 2003;43:3S–49S. and birth weight. Science 1979;206:96–7.
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The safety of asthma and allergy medications during pregnancy. J Asthma Consensus Group. Asthma in pregnancy. Can Med Assoc J
Allergy Clin Immunol 1997;100:301–6. 1999;161(11):S1–S61.
Biologie et grossesse (1)
Denis Massignona,*

AVANT-PROPOS

L
es progrès techniques, le développement 99 % surviennent en Afrique, Asie et Amérique
des connaissances dans la physiologie latine. La biologie est concernée en première
et les pathologies de la grossesse et une intention dans certaines complications de la
meilleure surveillance encadrée par la régle- grossesse auxquelles nous sommes confrontés
mentation sont à l’origine d’une amélioration de manière récurrente. Nous présentons dans
constante du déroulement de la grossesse au ce numéro spécial certaines complications de
cours de ces trente dernières années, au moins la grossesse dont la prévention ou le diagnostic
dans les pays occidentaux. En France, le taux de impliquent fortement les biologistes. Dans un
mortalité maternelle est d’environ 8 décès pour autre numéro de RFL, seront traités d’autres
100 000 naissances, soit environ 60 décès par aspects biologiques et clinico-biologiques de
an, c’est donc un événement rare, la mortalité la grossesse.
périnatale étant d’environ 7 pour 1 000. Environ
70 000 nouveau-nés nécessitent une prise en Dans un premier article, Cyril Huissoud résume,
charge particulière. Dans le monde, l’Organi- en s’appuyant sur les textes de loi, le calen-
sation mondiale de la Santé estime à 515 000 drier de surveillance biologique à chacun des
le nombre de décès maternels chaque année trimestres, les examens obligatoires, les prin-
provoqués essentiellement par des hémorra- cipaux examens orientés demandés en fonc-
gies, des avortements non médicalisés, des tion d’antécédents spécifiques, les principales
éclampsies, dystocie d’obstacle et infections ; modifications biologiques au cours de la gros-
sesse. Il est nécessaire de connaître le sens et
a Laboratoire d’hémostase l’amplitude de ces modifications biologiques
Groupe hospitalier Lyon Sud (Hospices civils de Lyon) de la grossesse pour ne pas les considérer
165, Chemin du Petit-Revoyet comme pathologiques.
69495 Pierre-Bénite cedex
Chantal Kohler et Marie-Nathalie Sarda nous
*Correspondance exposent les mécanismes multiples impliqués
denis.massignon@chu-lyon.fr dans la tolérance immune du fœtus et qui se

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REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - MAI 2008 - N°402 // 21


développe dès l’implantation de l’œuf embryonnaire dans grossesse retentissent sur la gravité du paludisme. Ce sont
la cavité utérine. Ce sujet ouvre de nouvelles perspectives les primipares qui sont les plus affectées. Le paludisme
d’explorations biologiques dans les stérilités et fausses touche 25 millions de femmes enceintes, surtout en Afrique
couches à répétition. Ainsi certaines cytokines, en parti- subsaharienne. Associé à la malnutrition et aux autres
culier l’IL-18, sécrétées localement insuffisamment ou en endémies parasitaires, bactériennes et virales, il entraîne
excès sont responsables d’un défaut d’implantation de une importante morbidité et mortalité maternelle, fœtale et
l’œuf. Un défaut d’expression membranaire de l’HLA-G, périnatale. Les touristes, non immunisées habituellement,
normalement fortement exprimé sur les cellules du tro- peuvent également être atteintes de paludisme avec un
phoblaste, est impliqué dans certaines fausses couches risque élevé pour la mère et le fœtus.
avec hypotrophie fœtale, tandis qu’un excès d’expression L’examen du placenta est nécessaire en cas de patholo-
de cette molécule est impliqué dans des môles hydati- gie maternelle ou fœtale. Françoise Cornélis précise les
formes. La toxoplasmose est toujours une préoccupation indications de cet examen, le traitement du placenta au
importante. Selon Marie-Hélène Bessières, il y a 600 toxo- laboratoire et prend l’exemple du retard de croissance
plasmoses congénitales/an en France, ce qui oblige à une intra-utérin qu’elle illustre à travers deux cas cliniques.
vigilance constante : hygiène et suivi biologique rigoureux
des femmes enceintes non immunisées et ceci d’autant
plus que le nombre de femmes enceintes immunisées
tend à diminuer, possiblement justement en raison des Sommaire
mesures d’hygiène (44 % de séroprévalence seulement en thématique
2003). L’auteur développe le cycle du parasite, les modes
de défense immunitaire, la clinique de la toxoplasmose
congénitale et le risque de contamination du fœtus en • Surveillance biologique de la grossesse :
fonction du terme, les traitements et le diagnostic biologi- le point de vue du clinicien ............................... p. 23
que encadré par des décrets. Chez une femme enceinte,
de très nombreuses expertises concernent l’interprétation • La tolérance immunologique
d’un profil sérologique associant IgG et IgM anti-toxoplas- fœto-placentaire .......................................................... p. 33
mique en vue de dater l’infection par rapport au début de
la grossesse. A cet effet, l’auteur précise l’évolution des • Toxoplasmose et grossesse ............................ p. 39
anticorps au cours de la primo infection et un algorithme
décisionnel. Le nombre de cas de maladie hémolytique • Les allo-immunisations fœto-maternelles
périnatale en France est de 700 cas par an en France en anti-érythrocytaires :
dépit des mesures prophylactiques. Cela justifie un article état de l’art en 2008 ................................................. p. 51
de Dominique Rigal qui fait le point sur ce sujet avec en
particulier la présentation de trois progrès importants dans • Paludisme et grossesse ....................................... p. 63
le diagnostic et la prise en charge de cette pathologie.
Patrice Bourée nous rappelle que le paludisme n’épargne • Intérêt de l’examen
pas la femme enceinte, bien au contraire. Les modifica- anatomopathologique du placenta .......... p. 73
tions hormonales et immunologiques entraînées par la

La coordination de ce dossier a été assurée par le Dr Denis Massignon


(Laboratoire d’hémostase, Groupe hospitalier Lyon-Sud, Pierre-Bénite).

22 // REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - MAI 2008 - N°402


Revue du Rhumatisme 72 (2005) 733–738
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Coxopathies induites par la grossesse


Pregnancy-related hip diseases
Pierre Lafforgue *, Sarah Furno-Steib
Service de rhumatologie Sud, CHU la Conception, 147, boulevard Baille, 13385 Marseille cedex 05, France
Reçu le 31 décembre 2004 ; accepté le 23 mai 2005

Disponible sur internet le 22 juin 2005

Mots clés : Grossesse ; Ostéonécrose ; Algodystrophie ; Hanche ; Fracture de contrainte

Keywords: Pregnancy; Osteonecrosis; Transient osteoporosis; Hip; Stress fracture

La hanche est une topographie préférentielle des atteintes fréquent. Un avis spécialisé ou une imagerie de la hanche
rhumatologiques survenant au cours de la grossesse. Le duo n’est souvent demandée que lorsque la douleur devient diffi-
classique constitué de l’algodystrophie de la hanche (ADH) cilement compatible avec la marche.
et de l’ostéonécrose aseptique de la tête du fémur (ONTF) Il n’existe aucune étude épidémiologique publiée permet-
s’est récemment changé en trio du fait de l’apparition d’une tant d’évaluer l’incidence ou la prévalence des coxopathies
entité « nouvelle » dans ce contexte : les fissures de contrainte au cours de la grossesse. Une enquête par questionnaire retrou-
de la tête fémorale. Il est possible que la grossesse puisse vait la notion de douleur « de la hanche » chez 38 % des
avoir une incidence sur d’autres coxopathies, comme une dys- femmes venant d’accoucher contre 22 % (odds ratio 3,2) dans
plasie préexistante, ou dans le cadre d’un rhumatisme inflam- le groupe témoin [1]. Outre le fait que le diagnostic d’atteinte
matoire, mais il n’existe aucune donnée dans ce domaine : de la hanche demeurait assez vague, il n’y avait pas de don-
nous n’en parlerons pas. née d’examen clinique, d’imagerie ou de diagnostic précis.
Toutes les publications concernant ADH et ONTF au cours
de la grossesse concernent des cas isolés ou de courtes séries.
1. Les particularités liées à la grossesse L’analyse de la littérature recense environ 120 cas d’ADH et
46 cas d’ONTF [2]. On peut indirectement en déduire que
Aucune de ces trois affections — algodystrophie, ostéo- l’ADH demeure peu fréquente, et que l’ONTF est environ
nécrose, fissure de contrainte — n’est propre à la femme trois fois plus rare...
enceinte, mais un certain nombre de spécificités tiennent à la Nous avons recensé dans notre service neuf cas en 11 ans
grossesse elle-même. (en ne retenant que les diagnostics certains, avec une IRM
La présentation clinique de ces coxopathies ne diffère pas non ambiguë). Les diagnostics ont été ADH chez cinq patien-
de celle observée en dehors de la grossesse. La douleur de tes, fissure de la tête fémorale chez trois patientes, et ONTF
hanche proprement dite est bien connue des rhumatologues. dans un cas seulement. Nous avons également mené une
Toutefois, avant de parvenir au rhumatologue, une douleur enquête prospective dans un service de gynécologie obstétri-
de l’aine, irradiant à la racine ou à la face antérieure de la que. Un médecin a sensibilisé les médecins et sages-femmes,
cuisse est volontiers attribuée à une cruralgie ou plus banale- pour signaler toute suspicion de coxopathie, avec plusieurs
ment à des douleurs de symphyse dans le cadre du « syn- visites « de rappel » dans le service et toute facilité d’accès
drome douloureux pelvien de la grossesse », beaucoup plus pour consultation rhumatologique des femmes concernées.
Avec une bonne collaboration des équipes, sur 1200 grosses-
* Auteur correspondant. ses suivies sur une période de sept mois, nous n’avons pu
Adresse e-mail : plafforgue@ap-hm.fr (P. Lafforgue). dépister qu’une seule coxopathie (fissure de contrainte) [2].
1169-8330/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.rhum.2005.05.002
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Il apparaît donc que les coxopathies de la grossesse, du 2. L’algodystrophie de la hanche


moins celles occasionnant une gêne fonctionnelle significa-
tive, sont rares. En comparaison, le syndrome douloureux pel- On englobe sous ce terme l’ostéoporose transitoire de la
vien de la grossesse intéresserait 20 % des grossesses (avec hanche (« transient osteoporosis of the hip »), qui nécessite
une symptomatologie pelvienne ou de symphyse dans envi- stricto sensu la démonstration d’une déminéralisation radio-
ron 40 % des cas, et plutôt sacro-iliaque dans 60 % des cas) logique, en fait inconstante, l’œdème médullaire transitoire
[3,4]. de la hanche (« transient bone marrow edema of the hip »)
Qu’il s’agisse d’ADH, d’ONTF ou de fissure de contrainte, dont la définition repose sur l’IRM, ou enfin le terme d’algo-
la majorité de ces coxopathies se déclare pendant le 3e tri- dystrophie de hanche utilisé dans la littérature francophone.
mestre de gestation, tout comme le syndrome douloureux Cette dernière appellation est la plus discutable, car elle pré-
pelvien d’ailleurs, ce qui témoigne probablement de l’impor- juge d’un mécanisme étiologique (l’algodystrophie), ce qui
tance des facteurs biomécaniques. n’est en fait qu’une hypothèse.
La physiopathologie de ces atteintes est en grande partie La première identification de ce syndrome est attribuée à
méconnue, mais résulte des modifications profondes occa- Curtiss et Kincaid en 1959 [8]. Depuis, plus d’une centaine
sionnées par la grossesse, qui intéressent notamment : d’ADH au cours ou juste après la grossesse ont été rappor-
• le métabolisme phosphocalcique et la physiologie osseuse. tées dans la littérature [2,9,10]. Environ un tiers des ADH
La grossesse induit un hyperremodelage osseux, et la majo-
prises dans leur ensemble est associé à la grossesse, qui est
rité des études indique une diminution de densité osseuse
en est ainsi le premier facteur de risque [9].
au cours de la gestation et de la lactation. Cette perte
Les formes « gravidiques » diffèrent peu de la forme com-
osseuse reste dans l’ensemble modeste mais, chez certai-
mune. La douleur est volontiers de rythme mécanique ou
nes femmes, peut être significative [5–7]. Cet hyperremo-
« mixte », diurne et nocturne, intense, limitant l’appui et la
delage et cette diminution même modérée de la densité
hanche est relativement peu limitée par rapport à l’intensité
osseuse ont tendance à fragiliser le squelette, alors même
que les contraintes mécaniques sont accrues ; des symptômes.
• les conditions biomécaniques. La grossesse induit une prise L’IRM montre typiquement un aspect dit d’œdème médul-
de poids de 12,5 kg en moyenne, qui peut dépasser 20 kg. laire intéressant la majeure partie de la tête et du col fémoral,
En outre, la répartition des charges est modifiée. Surtout, pouvant s’étendre jusqu’à la région intertrochantérienne
la rapidité de ces modifications met à rude épreuve les capa- [11,12] (Fig. 1). Cet « œdème » se manifeste par le rempla-
cités d’adaptation du squelette ; cement du signal physiologique de la moelle osseuse, de type
• les modifications hormonales et métaboliques. Outre adipeux, par un hyposignal sur les séquences pondérées en
l’inondation estroprogestative, il existe une augmentation T1 et un hypersignal sur les séquences pondérées en T2 ou
du cortisol et des lipides circulants qui pourrait favoriser apparentées (STIR par exemple). Un épanchement articu-
l’ONTF laire est fréquent. Ces anomalies n’ont aucune spécificité.
Les moyens d’exploration sont évidemment restreints. Elles ne permettent de retenir le diagnostic d’ADH qu’en
Avant l’accouchement, les possibilités d’imagerie se limitent l’absence de toute autre lésion focale osseuse, qui évoquerait
à l’IRM. Toutefois, il est préférable d’éviter celle-ci pendant alors une ostéonécrose ou une fissure accompagnée d’œdème.
le premier trimestre, et l’injection de Gadolinium est décon- Ce point est essentiel.
seillée pendant toute la grossesse et la lactation (cf. article Après l’accouchement, les radiographies peuvent objecti-
d’Anne Cotten dans cette monographie). Les autres moyens ver une déminéralisation homogène ou hétérogène de la tête
d’imagerie, irradiants, seront reportés après la délivrance. et du col fémoral, différée et inconstante, et la scintigraphie,
Rappelons que la vitesse de sédimentation, habituellement d’utilité modeste, montrera une hyperfixation intense et homo-
normale dans ces pathologies, est faussement augmentée en gène, constante mais non spécifique.
cours de grossesse et plus encore à l’accouchement, ce qui ne L’atteinte est en général limitée à la hanche (et même, à
doit pas forcément orienter vers une coxite dans ce contexte. l’extrémité supérieure du fémur), mais peut s’intégrer à une
La conduite à tenir est assez stéréotypée. Devant une dou- atteinte plurifocale du membre dans 20 % des cas. En règle
leur inguinale ou de l’aine, l’examen clinique et l’interroga- générale, l’évolution clinique est favorable en moins de six
toire permettent en général à eux seuls de préciser l’origine mois, les anomalies paracliniques étant plus longues à dispa-
coxofémorale des symptômes. Dans ce cas, une IRM doit être raître.
obtenue dans des délais brefs. Dans l’attente des résultats, la Les particularités liées à la grossesse sont les suivantes :
patiente doit être mise en décharge à l’aide de béquilles ou de • les symptômes se déclarent au 3e trimestre de gestation
cannes anglaises. En effet, quelle que soit la pathologie, dans les deux tiers des cas, parfois pendant le 2e trimestre.
l’absence d’appui est la principale mesure thérapeutique, et Des formes précoces ou au contraire dans le post-partum
surtout la poursuite des contraintes mécaniques expose au ris- immédiat ont été rapportées mais restent exceptionnelles.
que de fracture secondaire (sous-chondrale dans le cas d’une Il s’agit deux fois sur trois d’une primipare ;
ONTF, cervicale dans le cas d’une ADH). La période du post- • la hanche gauche est plus volontiers atteinte (60 %), ce
partum sera mise à profit pour compléter les explorations en qui est attribué à la présentation du fœtus, qui est plus sou-
fonction du diagnostic porté. vent occipito-iliaque gauche, et serait susceptible de modi-
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Fig. 1. Algodystrophie de la hanche droite ; début des douleurs au 7e mois de la grossesse. L’IRM réalisée six semaines plus tard montre un œdème médullaire
de la tête et du col fémoral ; il n’y a pas de liseré de nécrose ni de trait de fracture.
1a : sur les séquences pondérées en T1, il existe un hyposignal intéressant la totalité de la tête et du col fémoral.
1b : sur les séquences pondérées en T2, il existe un hypersignal hétérogène de même topographie et un épanchement articulaire de faible abondance.

fier la répartition des contraintes ou le retour veineux. sesse. Les bisphosphonates IV ont été utilisés dans cette indi-
L’atteinte est bilatérale dans un tiers des cas ; cation [21–23]. Dans la principale étude, sur 15 patients (dont
• la fracture secondaire du col fémoral est une complication 3 femmes enceintes), l’intensité douloureuse passait de 71 à
non exceptionnelle, avec une vingtaine de cas rapportés 4 mm un mois après trois perfusions de 45 mg de pamidro-
[13–16]. Au cours de l’ADH, elle a été décrite presque nate [21]. Il ne faudra l’envisager qu’après l’accouchement
exclusivement en cas de grossesse. La fracture survient et en l’absence de lactation, en l’absence de donnée fiable sur
spontanément ou en cours d’accouchement, et a du par- l’innocuité pour le fœtus [24]. De plus, se pose le problème
fois faire recourir à une césarienne. Ce risque doit systé- de la rémanence du produit si une autre grossesse est envisa-
matiquement être considéré et signalé à la future mère ; gée à court terme.
• la pathogénie reste hypothétique. Les auteurs francopho-
nes intègrent cette affection dans le cadre des algodystro-
phies. Toutefois, cette algodystrophie est bien particulière 3. L’ostéonécrose de la tête fémorale
par la rapidité de la guérison, le respect habituel du cotyle
(alors que les algodystrophies sont volontiers régionales, La première description d’ONTF associée à la grossesse
sans systématisation anatomique), le caractère le plus sou- est attribuée à Pfeiffer en 1957. Une revue de la littérature
vent mono articulaire ; enfin, les anomalies scintigraphi- dénombrait 46 cas en 1999 [25], auxquels on peut ajouter
ques ou IRM ne sont pas spécifiques ; deux autres cas [26,27]. Toutefois, il faut noter que nombre
• quoi qu’il en soit, le rôle de la grossesse est également de ces cas ne sont pas détaillés mais inclus dans des séries
hypothétique. On a évoqué (entre autres) la possibilité de d’ostéonécroses et que certains d’entre eux, sans IRM ou signe
compression du nerf obturateur [8], du sympathique [17], radiologique typique, auraient probablement été diagnosti-
de gêne au retour veineux [18], voire de microfractures de qués différemment de nos jours. Dans trois séries d’ostéoné-
contrainte [19,20] favorisées par la conjonction d’une fra- crose « tout venant » mentionnant la grossesse comme fac-
gilité osseuse, même modérée, et de la rapide prise de poids teur étiologique, celle-ci représentait 2 % des cas [28–30].
en fin de grossesse. Cette dernière hypothèse paraît la plus L’ONTF associée à la grossesse, tout comme l’ADH, se
convaincante. révèle le plus souvent pendant le 3e trimestre ou dans le post-
Le traitement doit systématiquement associer la réduction partum immédiat, et touche plus souvent la hanche gauche,
d’appui et un antalgique. La calcitonine, bien que n’ayant elle est bilatérale dans environ un quart des cas.
pas fait l’objet d’essai contrôlé et n’ayant plus d’AMM, sem- La pathogénie est, là encore, hypothétique. La grossesse
ble donner quelques satisfactions en pratique courante [10], est souvent le seul facteur de risque, mais d’autres facteurs
et est l’une des rares thérapeutiques autorisées pendant la gros- favorisants sont parfois présents, notamment une corticothé-
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4. Fissure de contrainte de la tête fémorale

Nous n’avons pas trouvé dans la littérature de tels cas au


cours de la grossesse. Toutefois notre propre expérience est
que cette entité, par ailleurs récente et de diagnostic difficile,
est presque aussi fréquente que l’ADH, et davantage que
l’ONTF au cours de la grossesse. L’analyse rétrospective des
neuf patientes avec coxopathies associées à la grossesse obser-
vées dans le service a permis d’identifier quatre fissures sous-
chondrales de la tête fémorale chez trois patientes. Le tableau
était extrêmement voisin de celui de l’ADH. Il existait une
douleur coxofémorale typique, intense, imposant rapidement
l’utilisation de béquilles, alors que la hanche était peu limitée
à l’examen, apparaissant dans le 3e trimestre d’une grossesse
par ailleurs normale.
Dans les quatre cas, l’IRM montrait un trait de fracture
sous forme d’une image linéaire sous-chondrale, différente
d’un liseré de nécrose car non raccordée au contour osseux à
chaque extrémité (lésion « ouverte »), associée à un œdème
Fig. 2. Douleur aiguë de la hanche survenue trois jours après l’accouche-
ment. L’IRM sagittale montre une ostéonécrose aseptique.
médullaire céphalique franc dans trois cas et à un épanche-
ment articulaire dans un cas (Fig. 3). Lorsque l’IRM a été
rapie pendant la grossesse. On a pu incriminer des facteurs refaite, celle-ci s’est totalement normalisée. Il faut insister
microtraumatiques liés à la prise de poids, une hypercoagu- sur le fait que les diagnostics initiaux portés sur l’IRM étaient
labilité ou, par analogie avec les autres ostéonécroses, des ostéonécrose chez une patiente, et algodystrophie chez les
emboles graisseux et une dyslipidémie favorisées par les deux autres. La densitométrie osseuse réalisée chez ces trois
œstrogènes et la progestérone. patientes quelques jours à quatre mois après l’accouchement
Le diagnostic repose sur l’imagerie, qui n’a aucune parti- a permis de relever des T-scores au rachis lombaire (non arté-
cularité dans ce contexte (Fig. 2), c’est-à-dire sur l’existence factés par la coxopathie) à –2,18, –2,21 et –2,34 DS. Dans un
de signes radiologiques typiques dans l’évolution, ou surtout cas, la douleur de hanche a nécessité de réaliser l’accouche-
à l’IRM d’une lésion polaire supérieure de la tête fémorale ment par césarienne. Dans tous les cas, la douleur a totale-
entièrement cernée par le liseré noir classique en séquence ment disparu en un à quatre mois.
T1.
Il est difficile de tirer des conclusions sur un risque d’évo- On pourrait discuter des fissures secondaires à une ADH,
lution propre à la grossesse. Il apparaît logique, une fois le mais l’existence d’une densité osseuse basse plaide plutôt pour
diagnostic porté, d’imposer la suppression d’appui au moins d’authentiques fissures de fatigue, par insuffisance osseuse
jusqu’à l’accouchement pour limiter le risque de fracture sous- ou associant les deux phénomènes. Elles sont peut-être à rap-
chondrale et de déformation céphalique définitive. Ensuite, procher des fractures de contraintes récemment décrites au
les options chirurgicales ou non sont les mêmes que pour les sacrum chez la femme enceinte, qui peuvent survenir en pré-
autres ONTF. sence ou en l’absence d’ostéopénie [31,32].
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Fig. 3. Il s’agit d’une fissure de la hanche droite. L’IRM réalisée six semaines après le début des douleurs montre un œdème médullaire étendu, un volumineux
épanchement articulaire, et une petite image linéaire (flèches).
3a : séquence pondérée en T1
3b : séquence pondérée en T2
3c : L’IRM réalisée deux mois plus tard montre la disparition de l’œdème et la persistance du trait de fracture.

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highlights Forum Med Suisse 2008;8:17–18 

Détermination du facteur Rhésus du fœtus dans


le sang de la mère: diagnostic génétique non invasif
avec conséquence pour la pratique?
Olav Lapaire, Irene Hösli, Sevgi Tercanli, Wolfgang Holzgreve
Frauenklinik, Universitätsspital Basel

Introduction fœtal dans le plasma et le sérum maternels [3].


Avec l’analyse du chromosome Y de fœtus mâles,
Le diagnostic prénatal invasif dans le but d’ex- ils ont pu démontrer que, dans le sang maternel,
clure des aneuploïdies fœtales et des maladies il y a beaucoup plus d’ADN fœtal que de cellules
génétiques s’est établi en clinique depuis les an- fœtales. Par polymerase chain reaction (PCR)
nées 1970. Depuis son introduction, la probabi- real-time quantitative, il a été possible de constater
lité d’anomalies chromosomiques s’est réguliè- d’importantes concentrations moyennes d’ADN
rement accrue en raison de l’augmentation de fœtal (jusqu’à 6,2% de l’ADN total) en début et en
l’âge moyen des mères dans les pays industriali- fin de grossesse [4]. D’autres travaux se sont inté-
sés, spécialement en Europe. ressés aux allèles hérités du père. Le plus connu
Si, au début du screening, l’âge de la mère était le est la détermination prénatale du status Rhésus
seul marqueur utilisé pour la spécification du ris- fœtal. 15% environ des femmes caucasiennes cou-
que, deux marqueurs biochimiques dans le sérum rent un risque de développer une grave anémie
maternel (PAPP-A et bêta-HCG) et un marqueur intra-utérine au cours d’une grossesse, la plupart
échographique (transparence cervicale fœtale) ont du temps en raison d’une incompatibilité Rhésus.
pu être introduits comme tests au premier tri- Tout comme l’amplification de séquences spéci-
mestre dans les années 1990. En combinaison fiques du chromosome Y, en cas de constellation
avec l’âge de la mère, ils donnent une proportion Rhésus, le status Rhésus fœtal est déterminé par
de détection de 85% (avec une proportion de 5% l’ADN fœtal acellulaire [5]. En raison des diffé-
de tests positifs) pour la trisomie 21. rentes variantes du gène RHD-D, une PCR dite
Si un résultat est suspect au screening du premier «multiplex» est nécessaire, dans laquelle diffé-
trimestre (risque de trisomie 21: >1:380), le cou- rentes régions du gène Rhésus D sont amplifiées.
ple se voit proposer un diagnostic invasif (amnio- Une délétion du gène Rhésus D est la forme la plus
centèse [AC] ou biopsie du chorion [Chorionic Villi courante chez les caucasiennes Rhésus D néga-
Sampling, CVS]) lors d’une discussion conseil, avec tives. La plupart des femmes noires Rhésus D né-
explication de la spécification du risque. Avec le gatives par contre sont porteuses d’un pseudo-
risque de fausse-couche de 0,5 à 1% actuellement, gène (RHDy) ou d’un allèle (C)cdes. Ces deux al-
de nombreuses femmes refusent toute interven- lèles comportent des séquences spécifiques du
tion invasive. Il est estimé qu’il y a 45 fausses- Rhésus D. Du fait de la présence d’un codon stop
couches supplémentaires pour 100 000 patientes (RHDy) ou du remplacement des séquences spé-
après amniocentèse ou biopsie du chorion. cifiques du Rhésus D dans des séquences spéci-
fiques du Rhésus CE (C)cdes, il n’y a pas d’épitope
décelable sur les érythrocytes. Ces formes parti-
La recherche de nouvelles possibilités culières doivent être prises en compte dans la
PCR multiplex pour obtenir une sensibilité >99%.
C’est pour cette raison que des chercheurs du De même, la taille des molécules d’ADN fœtal
monde entier ont recherché de nouvelles métho- <300 bp [6] doit intervenir dans le design de la
des efficaces, sans risque, fiables, et d’autres mar- PCR. Plusieurs primers et probes sont actuelle-
queurs d’aneuploïdie fœtale ou d’autres anomalies ment disponibles (tab. 1 p) [7].
significatives, également du côté maternel, comme Dans une précédente série de déterminations
pré-éclampsie ou incompatibilité Rhésus. Un élé- Rhésus non invasives [8], nous avons pu montrer
ment important est l’obtention de tissu fœtal dans que la spécificité de ces nouvelles méthodes, aux-
le sang maternel, soit par concentration de cellu- quelles il a fallu travailler plus de 15 ans, atteint
les fœtales soit par acide désoxyribonucléique maintenant 100%, ce qui fait que le diagnostic
(ADN) acellulaire [1]. Il a même récemment été prénatal non invasif dans le sang maternel est
possible d’obtenir de l’acide ribonucléique fœtal véritablement entré en clinique. Avec sa bonne
(ARN) dans du sang maternel [2]. reproductibilité et sa fiabilité – dans une étude
Dennis Lo et collaborateurs ont publié en 1997 récemment publiée de 25 femmes la proportion
le premier travail décrivant l’extraction d’ADN de détection a atteint 99,6% [9] – la détermina-
17-18 Lapaire 292_f.qxp 21.12.2007 13:39 Uhr Seite 18

highlights Forum Med Suisse 2008;8:17–18 

Tableau 1. Nom, type des amorces génétiques (primers) et tests, séquence nucléotidique, localisation et spécificité
(d’après [7]).

Nom/type Séquence nucléotidique Localisation Spécificité


Rex5Ws/primer CGCCCTCTTCTTGTGGATC Exon 5 RHDy
Rex5Was/primer TGGACTTCTCAGCAGAGCAA Exon 5 RHDy
FDTin4-A/primer gtgtctgaagcccttccatc Intron 4 RH
RDTex5-Aprimer gagttgaaacttggcctgaac Exon 5 RHD/RHCE
RHDin4/VIC-labeled probe agcacttcacagagcag Intron 4 RHD/RHDy
EX5F/primer CGCCCTCTTCTTGTGGATG Exon 5 RHD/RHCE
EX5R/primer GAACACGGCATTCTTCCTTTC Exon 5 RHD/RHDy
EX5P/VIC-labeled probe TCTGGCCAAGTTTCAACTCTGCTCGCT Exon 5 RHD
940S/primer GGGTGTTGTAACCGAGTGCTG Exon 7 RHD
1064R/primer CCGGCTCCGACGGTATC Exon 7 RHD
968/FAM-labeled probe cccacagctccatcatgggctacaa Exon 7 RHD

tion du status Rhésus fœtal a été introduite de groupe sanguin en postpartum. Les coûts totaux
routine par le «British National Blood Service» se montent à 2 987 263 francs par an avec Rhophy-
[10]. L’introduction de la détermination du Rhé- lac® dans toute la Suisse. Les coûts d’un diagnos-
sus fœtal anténatal dans le sang maternel est non tic prénatal non invasif du status Rhésus fœtal se
seulement la première méthode de routine basée montent à 15 francs par examen (sans les charges
sur l’ADN fœtal prélevé de manière non invasive, salariales). Les coûts totaux du matériel néces-
mais en plus une technique automatisée a permis saire pour déterminer dans toute la Suisse le sta-
de le réaliser à moindre frais qu’une seule pro- tus Rhésus D fœtal chez des femmes enceintes
phylaxie par immunoglobulines chez une femme Rhésus négatives se montent à 168 315 francs par
enceinte Rhésus D négative [11]. an (sans les charges salariales). Les économies
En Suisse, selon les recommandations actuelles, annuelles potentielles atteignent donc 2 818 948
un dosage d’anticorps (test de Coomb indirect) est francs. Du fait que cet examen peut être fortement
effectué au début de leur grossesse chez les mères automatisé [13], les charges salariales sont mi-
Rhésus négatives. S’il n’y a aucune raison ren- nimes.
dant indispensable une prophylaxie spécifique
par anti-D, une première dose (300 mg de Rho-
phylac®) est administrée entre la 28e et la 30e se- Perspectives
maine de grossesse, à répéter après 12 semaines.
En cas d’éventuelles transfusions fœto-mater- La détermination non invasive du facteur Rhésus
nelles, après traumatisme abdominal, hémorra- précède d’autres applications cliniques qui révo-
gie vaginale, contractions prématurées ou après lutionneront le diagnostic prénatal.
interventions (par ex. CVS, AC), il faut adminis- Nous avons ainsi pu démontrer que toute une sé-
trer une dose prophylactique d’anti-D dans les rie de maladies hétérozygotes autosomales réces-
72 heures. La même dose doit être injectée à sives, comme la b-thalassémie de l’enfant, peut
une femme Rhésus négative après fausse-couche, être diagnostiquée dans le sang des femmes en-
interruption de grossesse, grossesse extra-uté- ceintes [4].
rine ou môle hydatiforme [12]. Nous avons en outre pu démontrer que des ma-
Le quotient coût–bénéfice d’un diagnostic préna- ladies héréditaires autosomales dominantes d’ori-
tal non invasif du status Rhésus fœtal au niveau gine paternelle, comme l’achondroplasie, peuvent
national se base sur le prix d’un flacon de Rhophy- elles aussi être diagnostiquées de manière non
lac® 300 à 166.50 francs. Si nous prenons le nom- invasive dans le sang de la mère [15]. Après plus
bre de naissances en Suisse en 2005 (n = 74 811), de quinze ans de recherche, dont dix environ pen-
avec 15% environ de femmes enceintes Rhésus D dant lesquelles le résultat est resté incertain, il est
négatives, deux injections (une en prépartum, une réjouissant de voir que le diagnostic prénatal non
en postpartum) seront nécessaires chez 60% des invasif dans le sang maternel est maintenant de-
femmes. Une seule injection sera nécessaire en venu réalité, un bon exemple de développement
prépartum chez les autres 40%, car leur enfant durable «from the bench to the bedside» [16].
Correspondance: sera lui aussi Rhésus D négatif à l’examen du
Prof. Wolfgang Holzgreve
Vorsteher und Chefarzt
Frauenklinik Universitätsspital Références
CH-4031 Basel Vous trouverez les références complètes dans l’édition en ligne
wholzgreve@uhbs.ch de cet article, sous www.medicalforum.ch.
Rhesusfaktor-Bestimmung des Fetus aus dem Blut der
Schwangeren: nicht-invasive genetische Diagnostik mit
Konsequenz für die Praxis?

Olav Lapaire, Irene Hösli, Sevgi Tercanli, Wolfgang Holzgreve

Frauenklinik, Universitätsspital Basel

Literatur
1 Hahn S, et al. Fetal cells and cell free fetal nucleic acids in maternal blood: new tools to study abnormal placentation? Placenta.
2005;26(7):515–26.
2 [Zhong XY, et al. Minimal alteration in the ratio of circulatory fetal DNA to fetal corticotropin-releasing hormone mRNA level in
preeclampsia. Fetal Diagn Ther. 2006;21(3):246.
3 Lo YM, et al. Presence of fetal DNA in maternal plasma and serum. Lancet. 1997; 350:485–7.
4 Lo YM, et al. Quantitative analysis of fetal DNA in maternal plasma and serum: implications for noninvasive prenatal diagnosis.
Am J Hum Genet. 1998;62;768–775.
5 Zhong XY, et al. Detection of fetal Rhesus D and sex using fetal DNA from maternal plasma by multiplex polymerase chain
reaction. BJOG. 2000; 107:766–9.
6 Li Y et al. Cell-free DNA in maternal plasma: is it all a question of size? Ann N Y Acad Sci. 2006;1075:81-7.
7 Grootkerk-Tax MG, et al. Evaluation of prenatal RHD typing strategies on cell-free fetal DNA from maternal plasma.
Transfusion. 2006;46(12);2142–8.
8 Zhong XY et al. Prenatal identification of fetal genetic traits. Lancet.2001;357;(9252);310–1.
9 Brojer E, et al. Noninvasive determination of fetal RHD status by examination of cell-free DNA in maternal plasma. Transfusion.
2005;45(9):1473–80.
10 Finning KM, et al. Prediction of fetal D status from maternal plasma: introduction of a new non-invasive fetal RHD genotyping
service. Transfusion. 2002; 42:1079–85.
11 Van der Schoot CE, et al. Non-invasive antenatal RHD typing. Transf Clin Biol.2006;12;53–7.
12 Maroni E, et al. Bericht über das Schweizer Konsensus-Meeting über die Anti-D-Rhesusprophylaxe, Schweizerische Gesellschaft
für Gynäkologie und Geburtshilfe. Informationsbulletin;3;1998.
13 Gautier E, et al. Fetal RhD genotyping by maternal serum analysis: a two-year experience. AJOG 192.2005;666–9.
14 Li Y et al. Detection of paternally inherited fetal point mutations for β-Thalassemia using size-fractionated cell-free DNA in
maternal plasma. JAMA 293.2005;843–9.
15 Li Y, et al. Non-invasive prenatal detection of achondroplasia in size-fractionated cell-free DNA by MALDI-TOF MS assay.
Prenat. Diagn. 2007;27(1);11–7.
16 Holzgreve W, et al. Genetic communication between fetus and mother: short- and long-term consequences. AJOG.2007;
196(4);372–81.

Korrespondenz:
Wolfgang Holzgreve
Vorsteher und Chefarzt
Frauenklinik Universitätsspital
CH-4031 Basel
wholzgreve@uhbs.ch
EMC-Gynécologie Obstétrique 1 (2004) 127–135

www.elsevier.com/locate/emcgo

Fibrome et grossesse
Myoma and pregnancy
A. Chauveaud-Lambling (Chef de clinique-assistant),
H. Fernandez (Professeur des Universités, praticien hospitalier) *
Service de gynécologie-obstétrique, Hôpital Antoine Béclère,
157, rue de la Porte-de-Trivaux, 92140 Clamart, France

MOTS CLÉS Résumé La découverte de la présence de myomes chez une femme ayant un désir de
Fibrome ; grossesse ou chez une femme enceinte va susciter questionnements et inquiétudes. Le rôle
Grossesse ; joué par ces myomes sur la fertilité spontanée ou leur impact lors d’une aide médicale à la
Fertilité ; procréation dépend de leur taille, de leur localisation et de leur nombre. Chaque médecin
Embolisation ; confronté à cette situation doit choisir et proposer une attitude expectative ou interven-
Myomectomie
tionniste. Les conséquences doivent être clairement énoncées à la patiente quel que soit le
choix retenu. La grossesse après embolisation pour fibromes est encore une situation assez
rare et ses enjeux doivent être jugés à plus long terme. La prise en charge des myomes
utérins lors de la grossesse doit être aussi peu invasive que possible même si ceux-ci peuvent
entraîner douleurs abdominales, rupture prématurée des membranes, hémorragie de la
délivrance, malposition fœtale. Un utérus myomateux est tout à fait compatible avec une
grossesse et il s’agit de ne pas entraîner d’iatrogénicité.
© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDS Abstract Discovering myomas in a woman who wants to become pregnant or in a pregnant
Myoma;
woman is likely to raise questions and worries. The role played by these myomas on
Pregnancy;
Fertility;
spontaneous fertility or their impact in case of Assisted Reproductive Technology (ART),
Embolization; depends on their size, their localisation and their number. Any doctor who have to cope
Myomectomy with this situation has to choose and suggest either an expectative or an interventionist
behaviour. Consequences must be clearly explained to the patient whatever the position
chosen. Pregnancy after embolisation for myomas is still a fairly rare case and what may
come of it will have to be considered on the long run. The management of uterine myomas
in a pregnant woman should be as little invasive as possible even if these myomas
generate abdominal pain, premature ripping of membranes, delivery haemorrhage, and
fœtal misposition. An uterus with myomas is compatible with pregnancy, and it is
essential to avoid producing iatrogenicity.
© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Introduction vité génitale en sont porteuses. C’est dire la forte


probabilité d’observer ses interactions avec la gros-
La pathologie utérine myomateuse est fréquente sesse.
puisque environ 25 % des femmes en période d’acti- Cette association, dont la fréquence varie de 1 à
4 %, ne va cesser de croître compte tenu de la
* Auteur correspondant.
survenue plus tardive des grossesses (Tableau 1) et
Adresse e-mail : herve.fernandez@abc.ap-hop-paris.fr du taux d’incidence des myomes qui s’élève pro-
(H. Fernandez). gressivement avec l’âge. Ces pourcentages reflè-
© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
doi: 10.1016/j.emcgo.2004.03.001
128 A. Chauveaud-Lambling, H. Fernandez

Tableau 1 Fréquence de l’association fibrome et grossesse.


Fibrome et fertilité spontanée
Auteurs Fréquence (%) Seules des études d’observation, soit rétrospecti-
Dilucca (1981)8 1,99
ves, soit prospectives, analysant les taux de gros-
Exacoustos et Rosati (1993)12 3,87
sesse après myomectomie, sont disponibles. Ainsi,
Hasan et al. (1990)22 0,1
même si l’on pense de façon pragmatique que les
Katz et al. (1989)27 2
Muram et al. (1980)33 0,8
fibromes pourraient être responsables d’infertilité
Rice et al. (1989)44 1,4 en raison d’une modification de la cavité utérine
Strobelt et al. (1994)52 1,6 pouvant entraîner une altération dans le méca-
Monnier et al. (1986)32 0,34 (myomes de plus de 3 cm) nisme d’implantation ou de gêne dans la migration
Lopes et al. (1999)30 0,2 des spermatozoïdes ou de l’embryon, les myomes
Lolis et al. (2003)29 3,9 utérins comme seule cause d’infertilité ne sont
retrouvés que chez 1 à 2 % des patientes. Mais à ce
jour, aucune étude n’a été réalisée sur la fertilité
tent, pour le plus bas, des résultats d’anciennes spontanée au sein d’une population avec fibrome
séries qui reposent sur des examens cliniques et des comparée à une population de patientes sans fi-
diagnostics peropératoires au moment des césa- brome. De façon identique, il n’existe pas d’étude
riennes. Le taux le plus haut est retrouvé dans des prouvant l’efficacité d’une myomectomie compa-
séries plus récentes où les diagnostics sont faits au rée à une attitude expectative réalisée dans un
cours de la grossesse lors des échographies répé- groupe contrôle. De ce fait, ni l’étude de Vercel-
tées. lini57 chez des femmes jeunes (avant 30 ans) sans
Dans la série de Lopes30 ne concernant que des facteur d’infertilité associé, ni l’étude de Dubuis-
femmes enceintes, 77,75 % des cas sont observés son10 décrivant 145 grossesses chez 98 patientes
chez les femmes de plus de 31 ans. Dans cette opérées de fibromes intramuraux sous-séreux de
même étude, 37 % des fibromes étaient connus plus de 20 mm et âgées de moins de 45 ans, ne
avant la grossesse mais 52,6 % ont été découverts permettent d’avoir des arguments scientifiques
par l’échographie dont la pratique généralisée pour répondre à l’indication d’une myomectomie
contribue à augmenter la fréquence de cette asso- chez des patientes infertiles.
ciation. Pour Lolis,29 l’âge moyen des femmes en- Il n’y a qu’une seule publication4 qui compare
ceintes porteuses d’un utérus myomateux est de grossesse spontanée chez des femmes infertiles
32 ans alors qu’il est de 28 ans pour les femmes porteuses et indemnes de myomes pour qui l’infer-
enceintes indemnes de myomes (p < 0,01). tilité n’est ni d’origine tubaire ni hormonale. Les
Les fibromes peuvent avoir des conséquences auteurs concluent à une différence significative
probablement sur toutes les étapes du développe- (11 % versus 25 %).
Selon eux, le taux de grossesse après myomecto-
ment fœtal.
mie (42 %) est plus élevé que celui des femmes
Outre le fait qu’ils peuvent intervenir sur la
infertiles indemnes de lésion myomateuse (25 %)
fertilité en empêchant mécaniquement la concep-
qui est lui-même supérieur à celui des femmes
tion et la nidation, ils peuvent aussi compliquer
infertiles porteuses de myomes non traités (11 %).
l’évolution de la grossesse, de l’accouchement et
Néanmoins, la méthodologie de cet article est cri-
du post-partum.
tiquable car le recul n’est que de 9 mois. De plus,
La grossesse, de son côté, peut faciliter l’évolu- les différents groupes ont un nombre limité de
tion des myomes vers les complications. patientes et l’influence de la situation et de la
De multiples questions se posent. taille des myomes n’est pas prise en compte.
• Quelle est la place de la chirurgie préventive, En cas de myome sous-muqueux, le retentisse-
c’est-à-dire avant la grossesse désirée ? ment sur la cavité utérine (appréciée au mieux par
• Quels sont les myomes, en fonction de leur une hystéroscopie diagnostique en consultation)
situation, de leur nombre ou de leur taille, qui semble logiquement associé à une diminution de la
exposent le plus aux complications gravidi- fertilité. Trois auteurs ont publié des études de
ques ? cohorte pour observer le taux de grossesse après
• La surveillance de la grossesse et de l’accou- résection hystéroscopique. Dans ces trois séries, le
chement est-elle particulière, notamment taux d’accouchement varie entre 32 % et 48 %.
pour les myomes en regard de l’insertion pla- Toutefois, hormis l’étude de Goldenberg,20 toutes
centaire ? les études montrent une absence totale, ou au
• L’inflation hormonale induite par la grossesse mieux partielle, d’évaluation des autres facteurs
est-elle toujours responsable de l’évolution d’infertilité possibles, rendant de ce fait l’analyse
des myomes ? de la fertilité limitée.
Fibrome et grossesse 129

Dans notre expérience publiée en 2001,15 à partir heureusement n’ont pu que comparer la sévérité
d’une série de 59 résections de myomes sous- des adhérences lors du second look et le taux de
muqueux, le taux de grossesse est de 41,6 % lorsque récidives myomateuses sans avoir assez de recul
le fibrome est le facteur exclusif d’infertilité pour mesurer l’impact sur la fertilité.
(24 patientes). Un autre moyen d’apprécier la relation entre
Après résection chirurgicale, un contrôle hysté- myomes et infertilité est de regarder l’influence de
roscopique en consultation, à 2 mois, est souhaita- ceux-ci sur le taux d’implantation.
ble afin de diagnostiquer et traiter les synéchies
utérines postopératoires toujours possibles.
Vercellini,58 dans une publication de 1999, mon- Fibrome et assistance médicale à
trait des taux de grossesse plus bas après myomec- la procréation (AMP)
tomie chez des femmes de plus de 35 ans et pour
qui le suivi d’infertilité avant la myomectomie était Six études publiées depuis 1994 ont permis de sug-
de plus de 2 ans. gérer un effet délétère des myomes sous-muqueux
Pour certains,7,53 plus le nombre et la taille des et interstitiels chez des patientes suivies dans le
fibromes enlevés sont importants, moins bon est le cadre d’une AMP (Tableau 2).
pronostic de fertilité, mais d’autres auteurs,14,47,57 En effet, pour Farhi13 le taux de grossesse est de
n’ont retrouvé aucune différence. 9 % chez les 18 femmes dont la cavité utérine est
Des études contradictoires ont été publiées sur déformée par la présence de myomes, de 29,1 %
le rôle joué par la localisation du fibrome avec quand la cavité garde une forme normale (28 pa-
peut-être un rôle délétère des myomectomies pos- tientes avec myomes interstitiels) et de 25,1 % pour
térieures responsables d’adhérences périannexiel- les 50 patientes ne présentant qu’une stérilité
les et donc secondairement de stérilité tubaire. d’origine tubaire.
Quand on analyse les résultats globaux des diffé- Eldgar-Geva11 et Healy (2000)23 ont étudié l’ef-
rentes études, le taux de grossesse après myomec- fet des localisations (sous-séreuses, interstitielles
tomie est d’environ 50 % sans différence significa- et sous-muqueuses) des fibromes chez des patien-
tive entre les résections par hystéroscopie20 (45 %), tes traitées en fécondation in vitro (FIV). Ils
par laparoscopie ou par laparotomie (49 %). Des concluent que la présence de myomes sous-
facteurs techniques comme l’expérience du chirur- muqueux et interstitiels, même s’ils ne déforment
gien et la qualité du matériel doivent sûrement pas la cavité, diminue statistiquement le taux de
jouer un rôle. grossesse qui est respectivement de 10 % et de
Y aurait-il une raison de préférer une myomecto- 16,4 % comparé à 34,1 % pour les localisations
mie par laparotomie ou par laparoscopie en termes sous-séreuses et à 30,1 % en cas d’infertilité sans
de pronostic de fertilité ? Seracchioli, en 2000,50 a myome chez 249 patientes ayant bénéficié de
publié la seule étude randomisée comparant les 318 cycles de traitements. Ramzy39 a pratiqué une
taux de grossesse selon la technique employée et étude cas-témoins comparant 39 patientes porteu-
n’a pas retrouvé de différence significative avec ses d’un myome utérin supérieur à 7 cm mais ne
2 ans de recul (41,75 % dans le groupe laparoscopie déformant pas la cavité à 367 patientes sans
versus 47,07 % dans le groupe laparotomie). Le taux myome. Dans cette étude, Ramzy ne retrouve
de récidive (21 % versus 20,3 %) est identique. aucune différence en termes de taux d’implanta-
De nombreuses études dont celles de Dubuisson9 tion et de taux de grossesse (39 % versus 34 %).
et Fauconnier14 ont tenté de trouver des arguments Stovall51 présente la seule étude prospective cas-
en faveur de l’une ou l’autre technique mais mal- témoins non randomisée. Il compare 91 cycles de

Tableau 2 Taux de grossesse (%) chez les femmes porteuses de myomes déformant la cavité (1) ou non (2) et chez des femmes
non porteuses de myomes (3).
(1) (2) (3)
% n % n % n
Eldgar-Geva et al. (1998)11 10 1/10 16,4 9/55 30 98/318
Stovall et al. (1998)51 37 34/91 53 48/91
Farhi et al. (1995)13 9 5/55 29 25/88 25 32/127
Ramzy et al. (1998)39 39 15/39 34 123/367
Surrey et al. (2001)54 50,7 37/73 58,4 191/327
Jun et al. (2001)26 30,5 43/141 41,6 169/406
Total 9 6/65 33,5 163/487 40,4 661/1636
130 A. Chauveaud-Lambling, H. Fernandez

patientes avec myome interstitiel ou sous-séreux à dans la série de Seinera48 publiée en 2000, aucune
91 patientes appariées sans fibrome. Une diminu- des 54 patientes opérées par laparoscopie avec un
tion statistiquement significative du taux de gros- total de 65 grossesses n’a eu de rupture utérine.
sesses, d’implantation et d’accouchements est ob- Quatre-vingt pour cent des patientes ont eu une
servée dans le groupe de patientes avec fibromes césarienne. Les techniques de sutures du myomètre
(37 % versus 53 %). Jun26 ne retrouve pas de diffé- sous contrôle cœlioscopique doivent être évaluées.
rence significative entre les taux d’implantation et Aucune série récente de grossesse après myo-
le devenir de la grossesse chez les femmes porteu- mectomie par laparotomie ne rapporte de cas de
ses d’un myome de taille inférieure à 7 cm ne rupture utérine.
déformant pas la cavité et les femmes indemnes de Le risque est probablement d’autant plus faible
lésion myomateuse (30,5 % versus 41,6 %). que la cavité n’a pas été ouverte. La surveillance
Surrey,54 d’après son étude rétrospective de du travail doit rester vigilante comme pour tout
2001 sur des grossesses obtenues par FIV, a un taux utérus cicatriciel.
d’enfants nés vivants non influencé par la présence Il reste admis de ne pas réaliser de myomectomie
de myomes interstitiels avec cavité utérine d’as- au cours des césariennes compte tenu des risques
pect normal à l’hystéroscopie. hémorragiques et de la fragilité de la cicatrice
On peut donc probablement conclure que l’inté- utérine faite. Cela est d’autant vrai que 75 % des
grité de la cavité utérine est une condition néces- myomes diminuent de taille dans le post-partum.
saire et suffisante au bon déroulement d’une fé- Néanmoins, il peut être nécessaire de réaliser une
condation spontanée ou médicalement assistée et myomectomie première sur un volumineux myome,
qu’il faut donc ne pas hésiter à recourir aux moyens se développant dans le segment inférieur, pour
de résection hystéroscopique quand le myome a un permettre l’extraction fœtale. Un volumineux
développement intracavitaire important. myome sous-séreux dont le pédicule est inférieur à
5 cm peut être une autre exception.

Myomectomie et grossesse
Grossesse après embolisation
Les conséquences des myomectomies ne sont pas pour fibromes
anodines et c’est bien pour cela qu’il faut retenir
des indications reconnues. La majorité des séries publiées d’embolisation
La cicatrice utérine peut être responsable d’une d’artères utérines31,40 pour utérus myomateux rap-
anomalie de l’insertion placentaire (prævia, ac- porte quelques cas de grossesses inattendues, à
creta, percreta) et cause de rupture utérine (taux à distance de la procédure.
peu près estimé à 1 %). Dans la série de Serac- Douze grossesses ont été décrites chez neuf fem-
chioli50 publiée en 2000 qui compare myomecto- mes suivies pour embolisation à l’hôpital Lariboi-
mies par laparoscopie et myomectomie par laparo- sière.41 Il n’y a pas eu de récidives des myomes
tomie, aucune rupture utérine n’est retrouvée. Il pendant la grossesse. Cinq des douze grossesses se
n’y avait pas non plus de différence significative sont terminées par une fausse couche spontanée
entre les pourcentages d’accouchements par voie précoce (toutes chez des femmes de plus de
naturelle (35 % versus 22 %) et les pourcentages 40 ans). Il y a eu deux accouchements prématurés à
d’accouchements par césarienne (65 % versus 78 %). 28 semaines d’aménorrhée (SA) (une patiente au
Il est à noter que la césarienne n’est pas systé- stade syndrome de l’immunodéficience acquise
matique et c’est ce que partagent Daraï,6 Dubuis- [sida] dans un contexte infectieux) et à 35 SA
son10 et Ribeiro.43 Pourtant, le taux de césarienne (grossesse gémellaire après prééclampsie). Trois
est plus élevé chez les femmes porteuses de myo- femmes ont accouché par les voies naturelles et
mes. On peut retenir différents cofacteurs déci- quatre par césarienne. Ces chiffres sont peu impor-
sionnels : les malpositions fœtales, les dystocies au tants pour en déduire une réelle significativité.
cours du travail, les antécédents de myomectomie. L’âge assez avancé des femmes de cette série
Sur les 145 grossesses après myomectomies par (moyenne de 36,5 ans) constitue un groupe à haut
laparoscopie de la série de Dubuisson, il y a eu risque pour le déroulement de la grossesse. Dans
38 fausses couches, 58 accouchements normaux et son article publié en 2003, Ravina42 reprend sa série
42 césariennes. Trois ruptures utérines sont rappor- et rapporte 32 grossesses chez 29 femmes après
tées, toutes avant la mise en travail, et au moins embolisation de myomes. Treize femmes avaient
une attribuée à l’antécédent chirurgical. D’autres moins de 35 ans, quinze femmes avaient plus de
cas de rupture utérine sont décrits après myomec- 35 ans et cinq avaient plus de 40 ans lors de
tomie par laparoscopie.17,18,21,24,35 En revanche, l’embolisation.
Fibrome et grossesse 131

Tableau 3 Récapitulatif des grossesses publiées après embolisation des artères utérines pour fibromes.
Auteurs UAE Grossesses Résultats Terme Poids de Âge de la Remarques
N n naissance mère
Ravina (2003)42 454 31 7 fausses couches Précoce
(27 femmes) 1 IVG
15 naissances
8 grossesses en
cours
Walker (2002)59 400 13 1 fausse couche Précoce
(12 femmes) 1 IVG
1 grossesse en
cours
1 GEU
3 naissances
McLucas et al. 400 17 5 fausses couches Précoces ND ND
(2001)31 (14 femmes) 10 accouchements À terme ND
2 en cours
Ravina et al. (2000)41 184 12 5 fausses couches Précoces 40 à 42 ans
(9 femmes) 3 voies basses 28 SA 1 100 g 42 ans Sida ; septicémie à
streptocoque
39 SA 2 560 g 30 ans
40 SA 3 200 g 23 ans
4 césariennes 35 SA 2 320 g 41 ans Gémellité, toxémie
2 000 g
39 SA 3 630 g 43 ans
38 SA 2 800 g 38 ans Utérus cicatriciel
(myomectomie)
42 SA 3 830 g 42 ans Échec de
déclenchement
Anomalies du RCF
Vashisht et al. 21 1 1 césarienne 38 SA 3 380 g 29 ans
(2000)56
Nicholson et Ettles 24 1 1 césarienne À terme ND ND
(1999)34
Hutchins et al. 305 2 1 voie basse À terme ND ND
(1999)25 1 fausse couche Précoce - ND Gémellité sur FIV
Forman et al. 1 000 14 ND Étude
(1999)16 multicentrique
Pron et al.(1999)38 77 1 ND
Bradley et al. (1998)3 8 1 ND
Total 2 019 49 20 accouchements
ND : non déterminé ; UAE : uterine artery embolisation ; RCF : rythme cardiaque fœtal ; FIV : fécondation in vitro ; sida : syndrome
d’immunodéficience acquise ; IVG : interruption volontaire de grossesse ; GEU : grossesse extra-utérine ; SA : semaines
d’aménorrhée.

Il y a encore douze grossesses en cours mais déjà voie naturelle, il n’y a pas d’anomalies des contrac-
22 enfants sont nés de poids normal avec des déli- tions utérines, de la durée du travail ni des saigne-
vrances normales (dont 12 par césarienne). ments.
L’utilisation de l’embolisation doit être soigneu- Des études à plus grande échelle avec des critè-
sement évaluée en raison des risques d’aménorrhée res bien définis d’inclusion et d’évaluation sont
transitoire ou définitive observés après ce type de nécessaires pour établir la place de cette technique
traitement radiologique. par rapport à la myomectomie qui reste encore le
Trastour55 dans une publication de 2003 récapi- traitement de référence pour les femmes désirant
tule les séries de grossesses publiées (Tableau 3). une grossesse.
Au cours de ces grossesses, on peut noter une
augmentation de taille des fibromes résiduels avec
régression en post-partum. La croissance fœtale Interactions pendant la grossesse
est normale de même que la vascularisation placen-
taire et les dopplers. Le risque de toxémie ne Les myomes peuvent être responsables de compli-
semble pas augmenter. Pour les accouchements par cations gravidiques par plusieurs mécanismes.
132 A. Chauveaud-Lambling, H. Fernandez

Dans une grande cohorte rétrospective de plus tic d’utérus myomateux avec une indication de
de 12 000 femmes, on a estimé qu’une grossesse sur césarienne au décours de la grossesse.
500 avait une complication secondaire à un utérus Il n’est d’ailleurs sûrement pas nécessaire d’aug-
myomateux et que 10 % des femmes avec un utérus menter la fréquence des échographies chez les
myomateux avaient une complication obstétri- femmes porteuses d’un utérus myomateux en de-
cale.27 Malheureusement, il n’y a pas eu de compa- hors d’un suivi pour RCIU (placenta inséré en regard
raisons faites entre les taux de complications chez du fibrome). Lolis,29 recommande une surveillance
les femmes porteuses et les femmes indemnes de échographique des myomes ; ce qui nous semble
pathologie myomateuse. être une attitude inutile et stressante.
Une étude de population de 6 000 enfants nés Les fibromes peuvent comprimer la cavité ovu-
dans l’état de Washington retrouve un risque relatif laire, gêner la distensibilité du myomètre et être
de complications obstétricales de 1,9 chez les fem- responsables de syndrome de compression et de
mes porteuses de myomes.5 déformation fœtale.45 Ils peuvent perturber la ré-
Les myomes antérieurs peuvent gêner considéra- gulation de la quantité de liquide amniotique (en
blement un prélèvement ovulaire par amniocen- général polyhydramnios).
tèse ou biopsie de villosités choriales. Les décolle- Le pourcentage de menace d’accouchement pré-
ments ovulaires peuvent être favorisés par maturé varie de 17 % pour Monnier32 à 24,6 % pour
l’hyperpression veineuse engendrée par la com- Lopes30 avec un accouchement prématuré dans
pression des fibromes. 8,5 %32 à 17 % des cas1 (Tableau 4). Rice44 observe
La fréquence des avortements spontanés varie une augmentation de menace d’accouchement pré-
dans la littérature de 4 %32 à 18 %.19 maturé et d’accouchement prématuré chez les
En fait, ce chiffre est habituellement donné femmes porteuses de fibromes dont le diamètre
comme risque de fausse couche au cours des gros- était supérieur à 3 cm (de 20 à 28 % pour ceux
sesses normales ; compte tenu de l’âge des patien- supérieurs à 5 cm). Il n’y a pas d’augmentation du
tes lors de leur myomectomie, on pourrait s’atten- taux d’accouchement prématuré en cas de myomes
dre à des chiffres plus élevés. de taille inférieure à 3 cm. Les fibromes cervicaux
La localisation du myome doit être prise en ou isthmiques peuvent gêner l’ampliation du seg-
considération ; ainsi les myomes sous-muqueux ment inférieur et l’accommodation de la présenta-
peuvent provoquer des altérations endométriales tion : les observations de présentation du siège ou
mécaniques, vasculaires et induire des altérations transverse sont plus fréquentes. Dans la série de
du stroma comme une atrophie ou une ulcération Lopes,30 la présentation du sommet représente
réduisant les chances de développement placen- 81,2 % des présentations contre 92,7 % dans la
taire.12,44 population témoin (Tableau 5). L’étude de Coro-
Dans son étude cas-témoin, Aydeniz2 montre que nado5 retrouve un risque relatif de 4 de présenta-
les fibromes sous-muqueux en regard de l’insertion tion du siège et de 6,4 de césarienne (95 % IC
placentaire augmentent le risque de retard de 3,0-5,2).
croissance intra-utérin (RCIU) (14 % versus 6,6 %) et Piazze Garnica37 retrouve 76 % (95 % IC 5,5-7,5)
d’hématome rétroplacentaire (HRP) (3,2 % versus de césariennes et Hasan22 73 %.
1,3 %).
Le RCIU expliqué par Rosati46 en cas de fibromes Tableau 4 Accouchements prématurés et utérus myoma-
teux.
volumineux par détournement du flux sanguin n’est
pas retrouvé dans la littérature : il est de 3,5 % dans Auteurs Pourcentage
d’accouchements
la série de Lopes30 et de 3,75 % dans la série de prématurés
Dilucca,8 soit un taux normal de RCIU dans une Dilucca (1981)8 14 %
population générale. Monnier et al. (1986)32 8,5 %
L’étude de Coronado retrouve des taux d’Apgar à Aharoni et al. (1988)1 17 %
5 minutes inférieurs à 7, plus fréquents (taux mul- Lopes et al. (1999)30 8,5 %
tiplié par 2,5) chez les nouveau-nés de mère por-
teuse d’utérus myomateux (95 % intervalle de
confiance [IC] 1,5-4,2) ; 1,9 fois plus de malforma- Tableau 5 Présentation fœtale et utérus myomateux.
tions (95 % IC 1,3-2,3) et deux fois plus d’enfants de
Auteurs Siège Transverse Sommet
poids inférieur à 2 500 g (95 % IC 1,5- 2,6). (%) (%) (%)
Mais il peut y avoir des biais de détection ; les Dilucca (1981)8 7,6 2,7 89,7
femmes chez lesquelles une complication obstétri- Monnier et al. (1986)32 4,7 6,5 84,7
cale est détectée vont avoir de multiples échogra- Lopes et al. (1999)30 10,9 3,6 81,2
phies et donc augmenter les possibilités de diagnos-
Fibrome et grossesse 133

Les hémorragies de la délivrance ont touché


Tableau 6 Fréquence de la nécrobiose aseptique des fibro-
7,3 % de la population de femmes dont l’utérus mes au cours de la grossesse.
était myomateux contre 1,8 % pour la population
Auteurs Fréquence de la
témoin de la série de Lopes.30 Elles s’expliquent par nécrobiose aseptique
les difficultés de rétraction et d’involution utérines Dilucca (1981)8 28 %
liées aux fibromes. Les patientes doivent toujours Hasan et al. (1990)22 10 %
être informées des risques d’hystérectomie d’hé- Rice et al. (1989)44 15 %
mostase. Strobelt et al. (1994)52 1,5 %
Dans les suites de couches, les risques infectieux Monnier et al. (1986)32 27,5 %
et thromboemboliques sont pour Monnier32 et Exa- Lopes et al. (1999)30 14 %
coustos12 nettement augmentés (4 % versus 0,4 %). Phelan (1995)36 5à8%
Les infections du post-partum doivent faire crain- Lolis et al. (2003)29 2,6 %
dre une nécrobiose septique lorsque le fibrome, au
contact de la cavité utérine, se sphacèle. La cou-
verture antibiotique doit considérer en premier lieu tomie par laparoscopie à 17 SA sur un myome
les germes anaérobies. sous-séreux en nécrobiose. Quinze jours après l’in-
Une petite série de patientes (29) suivies de tervention, la patiente a été réopérée pour nécrose
façon prospective pendant leur grossesse retrouvait myométriale avec rupture utérine. La technique
78 % des fibromes de taille stable (59 %) ou même par coagulation monopolaire est mise en cause mais
diminuée (19 %). Quand la taille du fibrome avait surtout l’intervention en elle même qui est une
augmenté, la croissance en volume était inférieure mauvaise indication pendant la grossesse.49
à 25 %.1 Une autre étude prospective de 134 fem- Lolis,29 dans sa série publiée en 2003 pour la-
mes retrouve 85 % des fibromes de taille stable ou quelle il réalise 13 laparotomies pour myomes
décroissante durant le 2e et le 3e trimestres avec symptomatiques pendant la grossesse, considère
62 % des fibromes de 5 cm ou moins, devenus avoir de meilleurs résultats que l’attitude expecta-
indétectables. Les fibromes de plus de 5 cm avaient tive et prend une position assez interventionniste.
plus tendance à augmenter de taille (26,2 % versus Il est vrai que ses myomectomies retrouvaient des
9,7 %, p = 0,03).50 Lev-Toaff, en 1987,28 retrouve myomes de poids conséquent, jusqu’à 2 000 g.
une augmentation de taille pour 50 % des fibromes.
Pour lui, pendant le premier trimestre, il y a plutôt
une tendance à la croissance ou la stabilité puis
pendant le deuxième trimestre, les plus petits myo- Conclusion
mes (2-6 cm) sont stables ou augmentent de taille
alors que les plus gros involuent. La présence de fibromes utérins peut induire une
Ces résultats permettent de contester l’idée re- grossesse à risque et avant cela une difficulté à
çue d’une augmentation systématique de taille des obtenir une grossesse.
fibromes induite par la grossesse. Diverses méthodes de diagnostic et de traite-
Il n’y a pas de preuve de l’effet néfaste de la ment ont été développées permettant une prise en
grossesse sur la survenue d’une nécrobiose car charge la plus adaptée possible.
aucune étude comparative n’a été effectuée.
Il est probable que l’association fibrome et gros-
Aucun traitement préventif (notamment comme la
sesse va être de plus en plus fréquente en raison de
progestérone) n’a été validé. Le diagnostic est posé
l’âge plus tardif des grossesses et les multiples
sur des signes cliniques associant : douleur locali-
échographies prescrites.
sée, hyperthermie inférieure à 38,5 °C et bonne
efficacité du traitement médical (repos, antal- Un compromis sera alors à trouver entre une
giques et plus spécifiquement les anti-inflam- attitude expectative, dans tous les cas de myomes
matoires non stéroïdiens [AINS]). Elle est plus fré- asymptomatiques mais aussi lors de symptomatolo-
quente au 2e trimestre de la grossesse. gies bénignes, et une attitude plus active surtout
L’échographie-doppler peut mettre en évidence avant la grossesse afin de récupérer une cavité
l’ischémie du myome. Le pourcentage observé de utérine de morphologie normale.
nécrobiose aseptique au cours de la grossesse est
variable de 1,5 % pour Strobelt52 à 28 % pour Di-
lucca8 (Tableau 6). Le diagnostic est parfois pure-
ment histologique lors des myomectomies réalisées Références
au cours des césariennes.
L’équipe de Rouen a rapporté, en septembre 1. Aharoni A, Reiter A, Golana D. Uterine myomas and preg-
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Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com

La Revue de médecine interne 29 (2008) 725–730

Médecine interne et grossesse

Grossesse et lupus systémique


Pregnancy and systemic lupus erythematosus
D. Lê Thi Huong ∗ , B. Wechsler, J.-C. Piette
Service de médecine interne, hôpital Pitié-Salpêtrière, Assistance publique–Hôpitaux de Paris,
université Pierre-et-Marie-Curie Paris-6, 47–83, boulevard de l’Hôpital, 75634 Paris cedex 13, France
Disponible sur Internet le 9 août 2008

Résumé
La grossesse est actuellement largement autorisée au cours du lupus systémique (LS). La fertilité des femmes lupiques est superposable à celle
de la population générale bien que l’âge aux premières règles paraisse plus élevé. Certaines stérilités pourraient être imputables au lupus par le biais
d’une ovarite auto-immune ou des anticorps antiphospholipides (aPL). Ces derniers activeraient les cellules endothéliales et seraient thrombogènes
en jouant sur l’hémostase, en activant le complément, en inhibant la protéine C activée et l’annexine V. Ils seraient délétères pour l’implantation
embryonnaire en adhérant au trophoblaste, en inhibant l’invasion et l’extension dans la muqueuse utérine, en diminuant la sécrétion d’hCG.
La majeure partie des stérilités paraît secondaire à l’utilisation du cyclophosphamide et pourrait être prévenue par l’administration d’acétate
de leuprolide (analogue de la GnRH). La morbidité maternelle paraît liée à l’activité du lupus (contrôlée par la planification de la grossesse),
l’hypertension artérielle, la prééclampsie, le syndrome hemolysis, elevated liver enzymes, low platelets (HELLP), les traitements et les aPL.
L’hydroxychloroquine (HCQ) doit être maintenue pendant la grossesse. L’aspirine seule est prescrite devant des aPL asymptomatiques, et associée
à l’héparine en cas d’antécédents thrombotiques, ou obstétricaux survenus malgré l’aspirine. La morbidité fœtale et néonatale est influencée
par la prématurité, les effets secondaires de la corticothérapie maternelle et la présence d’anticorps anti-SSA maternels avec un risque de bloc
auriculoventriculaire congénital (BAVc) de 1 à 2 %. L’échographie-doppler obstétricale anormale est le meilleur facteur prédictif de l’issue de la
grossesse. Une anomalie de l’artère ombilicale au deuxième trimestre et un antécédent de phlébite sont prédictifs de mort fœtale ou néonatale. La
présence d’un notch sur les artères utérines au deuxième trimestre est prédictive d’une issue pathologique. Les modalités de la prise en charge de
la grossesse lupique sont actuellement bien codifiées en dehors du traitement préventif du BAVc qui reste à préciser.
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Abstract
Pregnancy is widely authorized in systemic lupus erythematosus (SLE). Fertility is similar in SLE and in the general population although the age
of menarche seems higher. Some cases of sterility might be attributed to SLE because of autoimmune ovaritis or antiphospholipid antibodies (aPL).
These antibodies might lead to endothelial activation and thrombosis by influencing homeostasis, complement activation, inhibition of protein C and
annexin V. They might have a deleterious effect on embryonic implantation by adhesion to the trophoblast, inhibition of invasion and placentation and
decreased hCG production. The most important part of sterility seems secondary to the use of cyclophosphamide and might be prevented by acetate
leuprolide administration. Maternal morbidity seems correlated to SLE activity (controlled by pregnancy planning), hypertension, preeclampsia,
Hemolysis, Elevated Liver Enzymes, Low Platelets (HELLP) syndrome, therapy and aPL. Hydroxychloroquine (HCQ) should be maintained
throughout pregnancy. Aspirin is prescribed alone in patients with asymptomatic aPL and in addition to heparin if there is a history of thrombosis or
fetal loss with aspirin. Fetal and neonatal morbidity correlate with prematurity, adverse effects or maternal steroid therapy and maternal anti-SSA
antibodies with 1 to 2% risk of congenital atrioventricular block. Abnormal obstetrical echography-doppler examination is the best predictor of
pregnancy outcome. Abnormal ombilical artery flow on the second trimester echodoppler examination and history of thrombophlebitis predict
fetal or neonatal death. Abnormal uterine notch on the second trimester echodoppler examination predicts adverse pregnancy outcome. Except for
the preventive therapy of congenital atrioventricular block, modalities of SLE pregnancy monitoring and therapy are now well established.
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Mots clés : Lupus ; Grossesse ; Syndrome des antiphospholipides

Keywords: Systemic lupus; Pregnancy; Antiphospholipid syndrome

∗ Auteur correspondant.
Adresse e-mail : du.boutin@psl.aphp.fr (D. Lê Thi Huong).

0248-8663/$ – see front matter © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.revmed.2008.05.016
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L’influence des hormones au cours du lupus systémique (LS) L’efficacité de l’héparine s’expliquerait par le blocage de la fixa-
est clairement établie. Elle est attestée par la prédominance fémi- tion des aPL sur la ␤2-GPI, par une action anti-inflammatoire et
nine de la maladie : 85 à 90 % des cas, avec une prévalence par une inhibition de l’activation du complément [5].
maximale pendant la période d’activité génitale. L’amélioration L’effet des aPL sur la nidation est moins clair. Les sou-
du pronostic, une meilleure connaissance des facteurs aggra- ris immunisées avec un anticorps anticardiolipide monoclonal
vants et des traitements ont conduit à autoriser plus largement sont plus souvent stériles et ont un nombre accru de fœtus
la grossesse, voire à proposer des techniques de procréation en résorption. Expérimentalement, les aPL se fixent sur la
médicalement assistée. ␤2-GPI adhérant aux phospholipides anioniques de la sur-
face des trophoblastes, inhibant l’invasion et leur extension
1. Fertilité dans la muqueuse utérine. Ils diminuent également la sécré-
tion d’hCG. Ces mécanismes seraient responsables d’une
La fertilité des femmes lupiques est réputée comparable implantation embryonnaire défectueuse, pouvant conduire à des
à celle de la population générale en dehors de l’aménorrhée situations de stérilité, par ailleurs, inexpliquées. L’héparine res-
accompagnant les poussées sévères. Dans une étude brésilienne, taure in vitro l’invasion placentaire et la différenciation des
l’âge aux premières règles de 23 jeunes femmes ou adolescentes trophoblastes incubés avec des aPL de manière dose dépendante,
lupiques s’est révélé plus élevé que dans la population générale augmente la mobilité des trophoblastes, joue sur l’adhésion et
(13,5 ± 1,4 ans versus 12,5 ± 1,3 ans) et était corrélé à la durée l’invasion des blastocystes dans l’endomètre [5]. En pratique, si
d’évolution de la maladie et à la dose cumulée de corticoïdes. le taux d’aPL est plus élevé chez les femmes stériles prises en
La fonction gonadique était normale chez 70 % des patientes, charge pour FIVETE, les études prospectives n’ont pas montré
sans lien retrouvé avec l’activité du lupus [1]. d’influence significative de ces aPL sur le taux d’implantation
Certains cas de stérilité pourraient être imputables à la mala- et le taux de grossesses [6].
die lupique. L’ovarite auto-immune paraît rare même si Pasoto Finalement, la plus grosse part des causes de stérilité paraît
et al. [2] ont trouvé des anticorps dirigés contre le corps jaune imputable à l’utilisation prolongée du cyclophosphamide. Après
chez 22 % de 87 lupiques de moins de 40 ans. Ces anticorps traitement par le cyclophosphamide intraveineux, le risque
étaient associés à une augmentation de la FSH, marqueur de d’aménorrhée est essentiellement fonction de l’âge : il varie de
dysfonction ovarienne. 12 %, avant 25 ans, à 62 %, après 30 ans [7]. L’effet protecteur
Les anticorps antiphospholipides (aPL), outre leur rôle dans des progestatifs et des analogues de la LHRH (acétate de leupro-
l’ischémie placentaire responsable de retard de croissance intra- lide, par exemple) est en cours d’évaluation [8]. Dans un essai
utérin et de fausse couche, ont aussi été incriminés dans des mené par Somers et al. chez des patientes lupiques traitées par
troubles de l’implantation embryonnaire au cours de fécondation cyclophosphamide [9], seule une femme sur 20 sous acétate de
in vitro avec transfert embryonnaire (FIVETE). Le mécanisme leuprolide a développé une ménopause précoce contre six sur
des pertes fœtales est sans doute le mieux connu. Elles seraient 20 dans le groupe placebo (p < 0,04). Les récentes publications
la conséquence d’une inflammation et d’une ischémie placen- montrant l’efficacité du mycophénolate mofétil, en première
taires. Les aPL activeraient les cellules endothéliales via la intention, dans la néphropathie lupique proliférative va sans
␤2-GPI adhérant aux phospholipides membranaires en indui- doute tendre à réduire le nombre de cures de cyclophosphamide
sant un phénotype procoagulant. Ils seraient thrombogènes en et/ou à réserver le cyclophosphamide aux échecs ou aux formes
jouant directement sur l’hémostase, en activant les fractions résistantes, limitant ainsi le risque d’infertilité [10].
C3 et C5 du complément et en inhibant la protéine C acti- Chez des femmes traitées pour stérilité, des poussées ont été
vée et l’annexine V [3]. L’annexine V est une protéine dotée signalées après une induction d’ovulation alors que le LS était
d’une puissante activité anticoagulante liée à sa haute affinité stabilisé ou méconnu. Toutefois, le risque de poussée paraît
pour les phospholipides anioniques et sa capacité à déplacer moindre avec le clomiphène qu’avec les gonadotrophines et
les facteurs de la coagulation des surfaces phospholipidiques. des grossesses, après fécondation in vitro planifiée, ont pu être
Elle est exprimée par les trophoblastes et abonde à la surface menées avec succès [4].
des microvillosités des syncytiotrophoblastes. Son expression
est considérablement diminuée au cours du syndrome des anti- 2. Grossesse et morbidité maternelle
phospholipides (SAPL). Expérimentalement, les aPL de classe
IgG diminuent la quantité d’annexine V sur les trophoblastes Au cours de la grossesse, la morbidité maternelle est liée à
et les cellules endothéliales et accélèrent les phénomènes de l’intrication de plusieurs facteurs : activité de la maladie lupique,
coagulation à la surface phospholipidique ainsi exposée des cel- prééclampsie, aPL et effets secondaires des thérapeutiques.
lules. La haute affinité des aPL pour les phospholipides ou les
complexes protéine–phospholipide (␤2-GPI, prothrombine. . .) 2.1. Activité de la maladie lupique
empêcherait l’annexine V de former une barrière protectrice vis-
à-vis des facteurs de la coagulation [4]. Mais, l’anticoagulation De nombreuses équipes ont confirmé la survenue de pous-
seule ne permet pas de prévenir les pertes fœtales : des études sées durant la grossesse et le postpartum avec une fréquence de
expérimentales sur la souris ont montré que l’hirudine et la l’ordre de 60 % des cas dans les études prospectives [11]. Les
fondaparine ne permettaient pas de prévenir les pertes fœtales poussées sont sévères dans 10 % des cas. Leur date de surve-
malgré une anticoagulation comparable à celle de l’héparine. nue est variable. Dans une enquête nationale menée sous l’égide
D. Lê Thi Huong et al. / La Revue de médecine interne 29 (2008) 725–730 727

de la Société nationale française de médecine interne (SNFMI), des grossesses ont pu être menées à terme chez des patientes
des poussées étaient présentes dans 27 % des cas dès le début lupiques en hémodialyse et après transplantation rénale [19]. En
de la grossesse. Parmi les 73 % de LS stables initialement, 26 % conclusion, il est possible d’obtenir une naissance vivante chez
sont devenus évolutifs pendant la grossesse et 7 % en postpar- une femme porteuse d’une néphropathie lupique sous réserve
tum [12]. Lorsque la grossesse est planifiée, le taux de poussée que la grossesse soit programmée, que la fonction rénale de base
reste de 27 %, mais les poussées sont généralement modestes. soit correcte (créatininémie inférieure ou égale à 100 ␮mol/l),
Lorsqu’elles sont traitées, elles ne semblent pas avoir d’influence avec un risque de prééclampsie et d’accouchement prématuré
défavorable sur l’issue de la grossesse [13]. Notons qu’il a été qui reste toutefois non négligeable.
suggéré qu’une partie de ces poussées étaient liées à l’arrêt
de l’hydroxychloroquine (HCQ), ce traitement étant antérieure- 2.3. Traitements
ment considéré comme contre-indiqué au cours de la grossesse.
Il a longtemps été recommandé d’interrompre l’HCQ chez
2.2. Prééclampsie, syndrome HELLP, atteinte rénale les femmes enceintes. Cela découlait de l’observation de cas de
toxicité rétinienne et auditive chez l’animal et chez l’homme lors
Il peut être difficile de différencier prééclampsie et poussée de l’exposition in utero à la chloroquine. Néanmoins, compte
lupique, ces situations pouvant d’ailleurs coexister. Le syn- tenu de la longue demi-vie de l’HCQ et de son passage trans-
drome hemolysis, elevated liver enzymes, low platelets (HELLP) placentaire [20], cette attitude n’assurait pas une protection
peut d’ailleurs être amélioré par la corticothérapie [14]. En pra- totale vis-à-vis d’éventuels effets secondaires. En outre, la gros-
tique, l’association à des manifestations lupiques extrarénales, sesse constituant en elle-même un facteur de risque de poussée
la baisse des fractions C3 et C4 du complément sont de bons élé- lupique, il est vite apparu que l’arrêt de l’HCQ pouvait être
ments distinctifs, d’autant qu’une augmentation physiologique délétère tant pour la mère que pour l’enfant [21].
du complément est attendue au cours de la grossesse. Actuellement, même si le nombre rapporté de grossesses sous
L’atteinte rénale conditionne la mortalité maternelle. HCQ est encore insuffisant pour éliminer formellement une dis-
L’enquête de la SNFMI a relevé deux décès par infection oppor- crète augmentation du risque fœtal, le caractère très rassurant
tuniste chez des femmes porteuses d’un syndrome néphrotique des données publiées [22,23] et le risque démontré de poussée à
lié à une glomérulonéphrite proliférative diffuse [12]. Chez les l’arrêt de ce traitement conduisent à recommander de maintenir
femmes porteuses d’une insuffisance rénale chronique, la gros- l’HCQ chez les femmes enceintes lupiques [24,25]. Les concen-
sesse peut aggraver la fonction rénale et majorer le risque de trations d’HCQ trouvées dans le lait maternel étant très basses
prééclampsie avec ses risques fœtomaternels (retard de crois- comparées à celles présentes dans le sang du cordon ombilical,
sance). Le taux de naissance vivante dans ce contexte varie de 20 il ne semble pas logique de contre-indiquer l’allaitement lorsque
à 95 % et dépend de la créatininémie de base. Dans notre expé- l’HCQ a été maintenue pendant la grossesse [20].
rience, lorsque la grossesse était programmée (n = 25), l’issue La prednisone et la prednisolone ne traversent pas la barrière
de la grossesse comportait 20 naissances vivantes (14 préma- placentaire contrairement à la bétaméthasone et la dexamétha-
turées) et cinq fausses couches. Une prééclampsie est survenue sone. L’utilisation de fortes doses de corticoïdes majore le risque
dans trois cas et une poussée rénale dans deux cas. Il n’y a pas infectieux (cf. infra).
eu d’altération durable de la fonction rénale [15]. Dans l’étude L’utilisation d’immunosuppresseurs, rare durant la grossesse,
de Soubassi et al. [16], sur 24 grossesses chez 22 femmes, 18 ne semble pas majorer la morbidité et la mortalité fœtales et
naissances vivantes ont été obtenues dont 14 prématurées. Une infantiles, mais leur innocuité à long terme n’est pas établie.
prééclampsie est survenue dans 25 % des cas, une protéinu- Le méthotrexate, le mycophénolate mofétil et le cyclophospha-
rie dans la moitié des cas, irréversible dans quatre cas sur 12. mide sont tératogènes. En cas d’absolue nécessité, le recours
Aucune mort maternelle n’a été observée. Comparant l’issue à l’azathioprine est possible. La cyclosporine a pu être utili-
des grossesses en fonction du type de néphropathie, Carmona sée sans effet tératogène dans quelques observations [26]. Il
et al. [17] n’ont pas trouvé de différence significative en ce en est de même des immunoglobulines à fortes doses et des
qui concerne l’issue de la grossesse et l’âge gestationnel entre échanges plasmatiques qui posent des problèmes particuliers
les femmes porteuses d’une néphropathie de classe III ou IV d’hémodynamique.
(groupe 1 : 42 grossesses chez 35 femmes), II ou V (groupe 2 :
12 grossesses chez dix femmes) ou exemptes de néphropathie 3. Morbidité fœtale et néonatale
(groupe 3 : 54 femmes). Cependant, l’hypertension et la pré-
éclampsie étaient plus fréquentes (37 %) dans le groupe 1 que La morbidité fœtale et néonatale est influencée par trois
dans les groupes 2 et 3 (11 %) et le poids à la naissance plus bas. facteurs : prématurité, effets secondaires de la corticothérapie
Comparant 78 grossesses chez 53 femmes ayant une néphropa- maternelle et présence d’anticorps anti-SSA maternels.
thie lupique à 78 patientes lupiques non enceintes avec atteinte
rénale, Tandon et al. [18] ont constaté l’absence de différence en 3.1. Prématurité
termes de survenue d’une détérioration de la fonction rénale et
une incidence de poussée rénale similaire entre les deux groupes Le taux de survie fœtale (après exclusion des interruptions de
(45 % versus 42 %). Une aggravation persistante de la fonction grossesse et des avortements précoces) varie de 56 à 100 % selon
rénale était observée dans moins de 5 % des cas. Notons que les séries, se situant aux environs de 60 % avant les années 1980
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et au-delà de 80 % dans les études plus récentes. La diminution Sjögren primaire ou une connectivite indifférenciée dont la
des pertes fœtales s’est accompagnée d’une augmentation de la symptomatologie clinique se limite souvent à un syndrome sec
prématurité avec un taux de 63 % dans l’étude de la SNFMI, buccal et oculaire ou à quelques arthralgies. En revanche, les
chiffre stable malgré la planification de la grossesse [12]. mères d’enfants ayant une manifestation cutanée de lupus néo-
Nous avons tenté de préciser les facteurs prédictifs (cliniques, natal sont plus fréquemment symptomatiques et semblent avoir
biologiques ou échographiques) de l’issue de la grossesse dans une pathologie plus proche du LS, avec possibilité d’atteintes
une série de 100 grossesses chez des femmes porteuses d’un rénales. Au cours du suivi (allant de 3,7 à 15,8 ans selon les
LS et/ou syndrome des antiphospholipides [27]. Une anoma- études), 21 à 61 % des mères d’enfants ayant un BAVc restent
lie du doppler de l’artère ombilicale sur l’échographie-doppler asymptomatiques versus 13 à 25 % des mères d’enfants ayant
du deuxième trimestre (p = 0,047) et un antécédent de phlébite eu un lupus néonatal cutané [30].
(p = 0,018) sont apparus prédictifs de mort fœtale ou néona- Le risque de lupus néonatal serait d’autant plus élevé que
tale. En analyse multivariée, la présence d’un notch sur un ou les mères présentent l’antigène HLA A1, B8, DR3, MB2 et
deux artères utérines sur l’échographie-doppler du deuxième tri- MT2, et que les anticorps anti-SSA sont de type 52 kd et
mestre était le seul facteur prédictif d’issue pathologique de la associés aux anti-SSB de type 48 kd. La présence d’anticorps
grossesse (p = 0,001). Une équipe italienne a confirmé l’intérêt anti-idiotypiques dirigés contre les anticorps anti-SSB protége-
de l’échographie-doppler obstétricale dans l’identification des rait le fœtus en bloquant les auto-anticorps maternels pathogènes
grossesses à haut risque dans une série de 40 grossesses chez [32]. Les discordances de survenue de BAVc au sein de paires
des femmes atteintes de diverses maladies systémiques [28]. de jumeaux monozygotes indiquent que d’autres facteurs encore
inconnus entrent en jeu.
3.2. Les effets secondaires de la corticothérapie maternelle Concernant le traitement préventif du BAVc, en raison du
risque faible chez une femme sans antécédent (1 à 2 %), le
La prednisone ne traversant pas la barrière placentaire, consensus tend vers l’abstention thérapeutique. Chez les femmes
le risque d’insuffisance surrénalienne néonatale est théorique. ayant eu précédemment un enfant atteint, le risque de récidive
En revanche, ce risque est attendu en cas de prescription de du BAVc est de 10 à 17 % et les modalités de traitements non
bétaméthasone et/ou de dexaméthasone [29] dont le passage définies [30]. L’efficacité de la prednisone n’est pas établie et
transplacentaire est utilisé pour traiter les fœtus in utero dans les corticoïdes fluorés sont associés à un risque fœtal [29]. Les
le cadre du bloc auriculoventriculaire congénital (BAVc). immunoglobulines intraveineuses dans cette indication sont en
L’utilisation de corticoïdes s’accompagne d’un risque infec- cours d’évaluation. Ces patientes doivent bénéficier d’une sur-
tieux. L’enquête de la SNFMI a noté cinq cas d’infections veillance échographique du cœur fœtal tous les 15 jours (toutes
néonatales sévères : quatre septicémies et un cas de toxo- les semaines en cas d’antécédent de BAVc) de la seizième à la
plasmose congénitale [12]. Le risque de réactivation d’une vingt-quatrième semaine d’aménorrhée de façon à dépister au
toxoplasmose maternelle sous l’effet de la corticothérapie jus- plus tôt une anomalie de la conduction afin d’instituer une corti-
tifie de surveiller les taux sériques et, s’ils sont ascendants ou cothérapie par la bétaméthasone dont l’efficacité reste cependant
même stables mais élevés, de proposer un traitement prophy- variable [30]. Des propositions thérapeutiques ont été établies
lactique et de rechercher une infection par l’analyse du placenta dans l’observatoire français des grossesses avec anticorps anti-
et du sang du cordon, voire de discuter un diagnostic anténatal. SSA/Ro et sont disponibles sur simple demande1 .
Lorsque la grossesse est planifiée, le taux d’infection néonatale
de 4 % est similaire à celui de la population générale [13]. 4. Syndrome des antiphospholipides

3.3. Le lupus néonatal Les complications obstétricales définissent en partie le SAPL


en sachant que les critères actuellement exigés sont :
Le lupus néonatal regroupe des manifestations liées à la trans-
mission passive d’anticorps maternels : anticorps anti-SSA et • une mort fœtale ;
anti-SSB, voire anti-RNP. Il se traduit diversement, selon les cas, • une naissance prématurée (à ou avant la trente-quatrième
par un BAVc ou d’autres manifestations cardiaques, une éruption semaine d’aménorrhée) en raison d’une prééclampsie sévère
cutanée, une photosensibilité et, beaucoup plus rarement, par une ou d’une éclampsie ou d’une insuffisance placentaire sévère
hépatite, une pneumonie, une anémie hémolytique, une leuco- d’un nouveau-né morphologiquement normal ;
pénie et/ou une thrombopénie [30]. Le risque de BAVc chez un • au moins trois avortements spontanés consécutifs inexpliqués
enfant né de mère porteuse d’un anti-SSA est de 1 à 2 %, le risque avant la dixième semaine d’aménorrhée [33].
de récidive étant évalué à 10–17 % [30,31]. Contrairement aux
autres manifestations du lupus néonatal qui disparaissent spon- En l’absence de traitement, le taux de grossesses menées à
tanément au bout de six mois, le BAVc est définitif et est associé à terme se situe aux environs de 10 %. Traitée, la grossesse aboutit
une mortalité de 16 à 19 % et à une morbidité significative, néces-
sitant l’implantation d’un pacemaker dans 63 % des cas [30]. 1 Observatoire français des grossesses avec anticorps anti-SSA/Ro institué
Les mères des enfants ayant un BAVc ont souvent peu ou pas dans le cadre de la SNFMI : contacter le Dr Nathalie Costedoat-
de manifestations cliniques. Lorsqu’elles sont symptomatiques, Chalumeau. Tél. : +33 1 42 17 82 48; fax : +33 1 42 17 80 33, e-mail :
la connectivite est généralement un syndrome de Gougerot- nathalie.costedoat@psl.aphp.fr.
D. Lê Thi Huong et al. / La Revue de médecine interne 29 (2008) 725–730 729

dans 63 à 100 % des cas à la naissance d’un enfant vivant. Divers daire et a permis, sur un collectif de 62 grossesses ainsi
protocoles ont été proposés, utilisant à des degrés variables planifiées :
l’aspirine à dose antiagrégante, l’héparine, la corticothérapie,
les immunoglobulines intraveineuses et les échanges plasma- • d’observer un taux de naissances vivantes, après exclusion
tiques. Deux études contrôlées ont montré que la corticothérapie, des avortements précoces et des interruptions thérapeutiques
en association à l’aspirine, bien qu’ayant une efficacité simi- de grossesse, de 96 %, ce qui est proche de la population
laire à l’héparine ou l’aspirine seule, exposait à un risque plus générale ;
élevé de rupture prématurée des membranes et de prééclamp- • d’augmenter le taux de naissances vivantes chez les femmes
sie [34,35]. Elle n’a donc pas d’indication en première intention ayant des antécédents de grossesse pathologique ;
dans le SAPL primaire. Des phlébites étant survenues au cours de • d’obtenir un taux de naissances vivantes similaire chez les
grossesses traitées par aspirine, voire sous héparine à doses pro- multipares et chez les nullipares, chez les femmes qui avaient
phylactiques, l’héparine doit donc être prescrite sans discussion, eu un lupus sévère et bénin.
en première intention et à doses efficaces en cas d’antécédents
thrombotiques qu’ils soient veineux ou artériels, associée à Cela se fait au prix d’un taux de prématurité encore élevé avec
l’aspirine à dose antiagrégante plaquettaire. Deux essais [36,37] un taux de morbidité et de mortalité néonatale proche de celui
ont montré la supériorité de l’association héparine plus aspirine de la population générale. Le dépistage d’une anomalie clinique
sur l’aspirine seule. Dans l’étude de Rai et al. [36], l’héparine ou biologique, suggestive d’une poussée lupique, doit conduire
était arrêtée à la trente-quatrième semaine d’aménorrhée. Nous à l’adaptation des doses de corticoïdes. Les poussées sont, en
pensons qu’elle doit être uniquement suspendue pour permettre règle générale, accessibles à l’augmentation de la corticothéra-
l’anesthésie péridurale de l’accouchement et réinstituée aussi- pie et ne justifient pas l’interruption thérapeutique de grossesse.
tôt après en raison de risque thrombotique de la grossesse et Lorsqu’il paraît impossible de différencier une poussée lupique
du postpartum [38]. Les héparines de bas poids moléculaires d’une prééclampsie, le traitement doit être mené sur plusieurs
ont été utilisées dans la prévention des thromboses au cours de fronts : augmentation de la corticothérapie, repos, mise en route
grossesses à haut risque. Elles offrent l’avantage, par rapport ou adaptation du traitement antihypertenseur, voire discussion
à l’héparine non fractionnée, d’une meilleure biodisponibilité, d’une extraction en fonction du terme.
d’une demi-vie plus longue avec un risque moins élevé de throm-
bopénie et peut-être d’ostéoporose.
En pratique, nous prescrivons l’aspirine seule en première Références
intention en l’absence d’antécédents thrombotiques et obsté-
[1] Silva CA, Leal MM, Leone C, Simone VP, Takiuti AD, Saito MI, et al.
tricaux devant des aPL asymptomatiques. L’héparine à dose Gonadal function in adolescents and young women with juvenile systemic
anticoagulante est associée à l’aspirine en première inten- lupus erythematosus. Lupus 2002;11:419–25.
tion en cas d’antécédents thrombotiques. L’héparine à dose [2] Pasoto SG, Viana VS, Mendonca BB, Yoshinari NH, Bonfa E. Anti-corpus
isocoagulante est associée à l’aspirine en cas d’antécédents luteum antibody: a novel serological marker for ovarian dysfunction in
obstétricaux survenus malgré l’aspirine. Ces modalités sont systemic lupus erythematosus ? J Rheumatol 1999;26:1087–93.
[3] Pierangeli SS, Girardi G, Vega-Ostertag M, Liu X, Espinola RG, Salmon J.
adaptées au caractère « précieux » de la grossesse (âge maternel Requirement of activation of complement C3 and C5 for antiphospholipid
élevé, procréation médicalement assistée. . .). Un échec amène antibody-mediated thrombophilia. Arthritis Rheum 2005;52:2120–4.
à discuter l’adjonction d’immunoglobulines intraveineuses dont [4] Le Thi Huong D, Wechsler B, Piette JC. Induction d’ovulation, lupus et
l’indication est affaire de services spécialisés. antiphospholipides. Rev Med Interne 2001;22:111–7.
[5] Girardi G. Heparin treatment in pregnancy loss: Potential therapeutic bene-
fits beyond anticoagulation. J Reprod Immunol 2005;66:45–51.
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Hum Fertil (Camb) 2002;5:30–4.
La grossesse peut actuellement être envisagée de façon [7] Le Thi Huong D, Amoura Z, Duhaut P, Sbai A, Costedoat N, Wechsler B, et
plus sereine lorsque le LS est stable depuis un an. Il s’agit al. Risk of ovarian failure and fertility after intravenous cyclophosphamide.
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[8] Manger K, Wildt L, Kalden JR, Manger B. Prevention of gonadal toxicity
ration entre les différents intervenants : interniste, néphrologue and preservation of gonadal function and fertility in young women with
et gynécologue-obstétricien. La consultation préconceptionnelle systemic lupus erythematosus treated by cyclophosphamide: the PREGO
est fondamentale pour identifier les contre-indications devenues study. Autoimmun Rev 2006;5:269–72.
rares, estimer au mieux le risque individuel, le passé obstétri- [9] Somers EC, Marder W, Christman GM, Ognenovski V, McCune WJ. Use of
cal et les facteurs de mauvais pronostic, apprécier l’évolutivité, a gonadotropin-releasing hormone analog for protection against premature
ovarian failure during cyclophosphamide therapy in women with severe
mettre en route une surveillance multidisciplinaire, instaurer lupus. Arthritis Rheum 2005;52:2761–7.
d’éventuels traitements, interrompre les éventuels médicaments [10] Moore RA, Derry S. Systematic review and meta-analysis of randomi-
tératogènes, informer du déroulement de la grossesse et des sed trials and cohort studies of mycophenolate mofetil in lupus nephritis.
éléments d’alarme. Nous proposons une surveillance au moins Arthritis Res Ther 2006;8:R182.
mensuelle, le maintien de l’HCQ et de la corticothérapie, [11] Le Thi Huong D, Wechsler B, Piette JC. Rein, lupus et grossesse. Rev Med
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Revue du Rhumatisme 72 (2005) 739–743
http://france.elsevier.com/direct/REVRHU/

Grossesse et rhumatismes inflammatoires


Pregnancy and Inflammatory Arthritis
Aleth Perdriger
Service de rhumatologie, CHU de Rennes, hôpital Sud, 16, boulevard de Bulgarie, 35056 Rennes cedex, France
Reçu le 23 mars 2005 ; accepté le 9 avril 2005

Disponible sur internet le 27 juin 2005

Mots clés : Rhumatisme inflammatoire ; Grossesse ; Facteurs pronostiques

Keywords: Inflammatory arthritis; Pregnancy; Pronostic factors

L’amélioration de la polyarthrite rhumatoïde (PR) lors de [2]. Toutefois, les questions du HAQ portant sur la mobilité
la grossesse est décrite depuis plus de 50 ans et, pourtant, et la souplesse ne sont probablement pas adaptées à la femme
l’influence des facteurs hormonaux sur les rhumatismes enceinte [3].
inflammatoires et, à l’inverse, celle de la grossesse sur l’évo- L’influence de la grossesse sur les manifestations extra-
lution de la PR, reste encore mal connue. Que pouvons-nous articulaires n’est pas connue. De façon très anecdotique, il a
dire aujourd’hui à une femme souffrant d’un rhumatisme été rapporté, dans une étude prospective de 12 femmes encein-
inflammatoire chronique et désirant avoir un enfant ? tes atteintes de PR, une diminution des nodules rhumatoïdes
et des adénopathies périphériques durant la grossesse [4].
Les rémissions complètes sont plus rares, et sont obser-
1. Polyarthrite rhumatoïde et grossesse vées chez 16 à 65 % des patientes selon les études et selon la
définition de la rémission [1,2]. Un traitement actif reste le
L’amélioration de la PR durant la grossesse a été pour la plus souvent nécessaire pendant toute la durée de la gros-
première fois observée en 1938 par Hench et confirmée, par sesse.
la suite, dans de nombreuses études, le plus souvent rétros- L’amélioration de la PR au cours des grossesses n’est,
pectives [1]. Cette amélioration survient chez environ trois cependant, pas constante. Chez un tiers des patientes, l’acti-
patientes sur quatre, habituellement de façon précoce, au cours vité de la PR ne sera pas modifiée. Plus rarement, les dou-
du premier trimestre de la grossesse, et persiste ou s’accen- leurs articulaires peuvent s’accentuer.
tue au cours des deuxième et troisième trimestres. Elle peut Il n’existe pas de facteurs prédictifs connus de l’évolution
apparaître plus tardivement, au cours du second trimestre chez de la maladie pendant la grossesse. Aucune relation entre
20 % des patientes et durant le 3e trimestre chez 5 %. Les l’activité de la polyarthrite pendant la grossesse et l’âge de la
douleurs articulaires, la raideur matinale et des synovites vont mère, la parité, la durée de la maladie, les facteurs rhumatoï-
progressivement s’atténuer. La diminution du handicap fonc- des, le handicap fonctionnel initial, le sexe du fœtus ou le
tionnel, évaluée par le Health Assessment Questionnaire poids du placenta n’a été constatée [5]. Il est admis que l’évo-
(HAQ) semble plus discutable. Dans une large étude prospec- lution de la PR lors des grossesses ultérieures sera souvent
tive de 140 femmes souffrant de polyarthrite, dont 95 PR selon identique à celle observée lors de la première grossesse.
les critères de l’ACR, les variations du HAQ avant et pendant
la grossesse étaient faibles, avec une diminution moyenne de 1.1. L’effet de la PR sur le déroulement de la grossesse
0,2 point, et de très grandes variations d’une femme à l’autre
La présence d’une polyarthrite n’a pas de conséquence
majeure sur le déroulement de la grossesse. Il n’est pas décrit
Adresse e-mail : aleth.perdriger@chu-rennes.fr (A. Perdriger). d’augmentation des complications obstétricales, d’avorte-
1169-8330/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.rhum.2005.04.004
740 A. Perdriger / Revue du Rhumatisme 72 (2005) 739–743

ments spontanés, de prééclampsies ou de prématurité, en indirects, une grande étude rétrospective réalisée à partir d’une
dehors de quelques cas isolés [1,5]. Le pronostic fœtal est cohorte de 63 090 femmes suivies dans un programme de
identique à celui des femmes sans PR, que la maladie sur- dépistage d’un cancer du sein [9]. Chez les patientes décé-
vienne avant ou après la grossesse. Seuls, les cas de polyarth- dées, le diagnostic de PR était retenu s’il était mentionné sur
rite sévère avec vascularite sont susceptibles d’entraîner un le certificat de décès. Le taux de mortalité dans la PR était
retard de croissance fœtale. L’influence d’une atteinte des arti- inversement proportionnel à la durée totale de l’allaitement.
culations coxofémorales sur l’accouchement est soulignée, Dans cette étude, aucune influence de la parité sur le taux de
pouvant rendre parfois nécessaire la césarienne, mais cela mortalité des PR n’a été observée.
n’est pas constant. Une attention particulière doit être appor-
tée à l’atteinte du rachis cervical qui peut rendre difficile 1.4. Grossesse et incidence de la PR
l’anesthésie ou l’intubation [5].
L’apparition des premiers symptômes de PR dans les sui-
1.2. L’évolution de la PR dans le post-partum tes d’un accouchement est également connue de longue date.
En 1953, une analyse rétrospective de 732 PR féminines mon-
Une reprise de l’activité de la PR va survenir, chez 90 % trait que les premières manifestations articulaires étaient appa-
des femmes, dans l’année qui suit l’accouchement [1]. La rues dans l’année qui suivait un accouchement chez 71 patien-
poussée douloureuse articulaire survient le plus souvent entre tes [10]. Il est difficile de déterminer l’incidence exacte de la
la 4e et la 6e semaine mais peut être plus tardive. Environ 9 % PR dans cette période du post-partum, en l’absence de suivi
des patientes vont s’aggraver dans les quinze premiers jours, d’une cohorte importante de femmes enceintes. Avec une
17 % entre la 2e et la 4e semaines, 27 % entre la 4e et la 6e méthodologie originale, Silman et al. [11] ont étudié l’in-
semaines, 12 % entre la 6e et la 8e semaines, et 35 % après fluence des antécédents obstétricaux sur la survenue de la PR
huit semaines. Au final, les femmes retrouvent l’état d’acti- en comparant la date d’apparition de la maladie chez 88 fem-
vité de la maladie qui était présent avant la grossesse, quel mes présentant une polyarthrite évoluant depuis moins de
que soit le degré d’amélioration ressenti pendant la gros- deux ans, avec une date théorique de survenue de la maladie
sesse. Une rechute douloureuse est également observée dans chez 144 femmes sans PR appariées en âge. Les auteurs ont
les suites d’un avortement. L’influence de l’allaitement ou de ainsi observé une diminution de l’incidence de la maladie
la date du retour des couches n’est pas clairement établie [1]. durant la grossesse, avec un odd ratio théorique de 0,3, et une
augmentation de la survenue de la PR dans les trois mois
1.3. Influence de la grossesse sur l’histoire de la PR suivant le post-partum, avec un odd ratio (OR) théorique de
5,6 (IC 95 % 1,8–17,6). Dans les neuf mois suivant l’accou-
L’influence des grossesses sur l’évolution à long terme de chement, le risque diminuait à 2,6. La présence d’une séro-
la PR n’est pas connue avec certitude. L’évolution de la mala- logie rhumatoïde positive avant la grossesse pourrait être un
die pourrait être plus sévère en fonction du nombre de gros- facteur pronostique de survenue d’une PR dans le post-
sesses [6]. La sévérité de la maladie, évaluée sur des critères partum [12]. Le rôle favorisant de l’allaitement dans l’aug-
cliniques et radiologiques, a été analysée en fonction des anté- mentation de l’incidence de la PR a été observé. Dans un
cédents obstétricaux chez 176 femmes qui avaient débuté leur travail rétrospectif [13], la fréquence de l’allaitement mater-
PR après avoir eu au moins un enfant. La PR est apparue nel a été comparée entre 187 femmes qui avaient développé
d’autant plus sévère que les femmes avaient eu au moins trois une PR dans les 12 mois suivant un accouchement et 149 fem-
enfants et que la période totale de l’allaitement était supé- mes, appariées en âge, qui avaient eu une grossesse sans poly-
rieure à six mois. Ce résultat n’a cependant pas été confirmé arthrite. L’apparition de la PR était plus fréquente chez les
dans deux autres études [7,8]. Aucune influence de la parité femmes qui avaient allaité, avec un OR à 5,4 (IC 95 % 2,5–
sur la progression du score de Sharp modifié n’a été observée 11,4), surtout après une première grossesse. Le risque était
dans une étude analysant le score radiographique de 113 PR plus modéré après la seconde grossesse avec un OR à 2, et
en fonction de leurs antécédents obstétricaux [7]. Les anté- nul après une troisième grossesse (OR : 0,6). L’influence de
cédents de fausse-couche étaient, cependant, significative- l’allaitement sur l’incidence de la PR n’est pas toujours retrou-
ment associés à un score plus important de destruction arti- vée. Dans une étude rétrospective des facteurs de risque obs-
culaire. tétricaux chez 179 PR, un rôle protecteur de l’allaitement sur
La grossesse pourrait même protéger contre la dégrada- la survenue de la PR a, à l’inverse, été constaté [14].
tion radiologique. Cent trente-deux PR récentes ont été sui-
vies pendant 12 ans et comparées entre elles selon les événe- 1.5. PR et parité
ments obstétricaux. La dégradation articulaire et la
progression du HAQ étaient moins importantes chez les fem- La PR serait-elle associée à des difficultés pour avoir des
mes qui avaient eu au moins une grossesse, surtout si la gros- enfants ? Les études sur le nombre d’enfants de femmes souf-
sesse était survenue avant le début de la PR [8]. frant d’une PR sont d’interprétation difficile. De nombreux
L’allaitement pourrait également être un facteur de moin- facteurs subjectifs, et en particulier les douleurs ou la crainte
dre sévérité de la PR, comme le montre, avec des arguments de l’avenir, peuvent perturber la vie familiale ou sexuelle des
A. Perdriger / Revue du Rhumatisme 72 (2005) 739–743 741

femmes [15]. La PR ne semble pourtant pas associée à une d’androgène, survenant au cours des phases lutéales et
diminution de la fertilité. L’analyse du nombre d’enfants chez folliculaires du cycle ovarien [25]. Le taux sérique de testos-
des femmes avec ou sans PR ne montre pas de différence térone dans les PR masculines est plus faible que chez les
significative [16]. En revanche, la fécondité est probable- hommes sans PR [19,24]. Les taux sériques de déhydroépian-
ment diminuée dans la PR. La durée nécessaire pour être drostérone (DHEA) et de déhydroépiandrostérone sulfate
enceinte est significativement plus longue chez les femmes (DHEAs) sont significativement diminués chez les femmes
avec une PR que chez des femmes sans PR [7,17]. Les rai- souffrant de PR. Cette diminution est en relation avec une
sons de cette altération de la fécondité ne sont pas connues, plus grande activité de la maladie [24]. L’apport de DHEA
et pourraient être secondaires à des déséquilibres hormo- chez les femmes après la ménopause n’a cependant aucune
naux. influence sur l’activité de la PR [26].
L’augmentation du taux sérique de la prolactine pourrait
1.6. PR et exposition hormonale également jouer un rôle dans les poussées du post-partum
[27]. Pendant la grossesse, le taux de prolactine pourrait être
Il existe des faisceaux d’arguments pour évoquer un rôle compensé par des sécrétions de cortisol. Après la grossesse,
protecteur vis-à-vis de la PR d’une exposition prolongée à surtout si la femme allaite, un taux élevé de prolactine asso-
certaines hormones sexuelles. Au long terme, la survenue cié à une diminution de la cortisolémie conduirait à l’appari-
tion de la poussée de la maladie [19].
d’une PR serait moins fréquente chez les femmes qui ont eu
des grossesses. Dans une étude rétrospective, les antécédents 1.7.2. Hormones et cytokines au cours de la PR
gynécologiques et obstétricaux de 135 femmes souffrant L’équilibre hormonal joue un rôle important dans le
d’une PR depuis deux et cinq ans ont été comparés à ceux de contrôle de la réponse immunitaire [28–30]. Les androgènes
373 femmes souffrant de différentes pathologies rhumatis- ont une action suppressive sur les réponses immunitaires cel-
males non inflammatoires [18]. Le risque de survenue d’une lulaire et humorale. La progestérone favorise une réponse lym-
PR était d’autant plus faible que la durée de la contraception phocytaire T anti-inflammatoire, de type Th2, indispensable
estroprogestative était longue et que la femme avait eu des au maintien de la grossesse [28]. L’action des estrogènes sur
enfants, surtout si le nombre des grossesses était égal ou supé- la réponse immunitaire est variable selon leurs taux sériques.
rieur à 3. Le rôle protecteur de la contraception estroproges- À forte concentration, les estrogènes favorisent une réponse
tative sur l’incidence de la PR a fait l’objet de nombreuses de type Th2 et aux concentrations physiologiques, une réponse
controverses. Il est actuellement admis que, si ce rôle protec- plutôt Th1 [29]. La réponse immunitaire de type Th2 contri-
teur existe, il est faible [19]. La contraception hormonale pour- bue à l’induction d’une tolérance immunitaire qui permet à la
rait cependant retarder la date d’apparition d’une PR [20]. mère de tolérer la semi-allogreffe que représente le fœtus
Les traitements hormonaux substitutifs n’ont pas d’influence [31,32]. La prédominance d’une réponse immunitaire de type
sur l’activité d’une polyarthrite existante [21] et n’augmente Th2, et en particulier la sécrétion d’interleukine 10 (IL-10)
pas l’incidence de la PR chez les femmes ménopausées [22]. pendant la grossesse est indispensable à la survie in utero du
Un déséquilibre hormonal serait susceptible d’influencer fœtus et dans la défense contre les avortements. Au cours de
l’apparition d’une PR. Certaines publications font état d’une la grossesse de femmes souffrant de PR, il existe une aug-
augmentation de pathologies ovariennes chez les femmes en mentation des taux sériques des interleukines de type Th2 et,
âge de procréer [23] ou chez des femmes ménopausées [22]. en particulier, de l’interleukine 1 récepteur antagoniste (IL1-
Ra), du récepteur soluble du TNF (TNFRs) ainsi que d’un
1.7. Influence de la grossesse sur l’apparition de la PR marqueur des lymphocytes T de type Th2, le CD30 soluble
(CD30s) [33]. La réponse de type Th1, qui favorise l’appari-
De nombreuses interprétations ont été avancées pour expli- tion de la PR, est probablement atténuée pendant la grossesse
quer l’influence de la grossesse sur la PR, et une conjonction au profit d’une réponse Th2, ce qui entraînerait une diminu-
de différents facteurs est probable. tion de l’activité de la maladie [34]. La prolactine, par son
activité pro-inflammatoire pourrait favoriser les poussées du
1.7.1. Hormones et PR post-partum [29].
L’influence de facteurs hormonaux semble légitime, mais 1.7.3. Galactosylation des IgG
elle est difficile à mettre en évidence. L’augmentation des Des variations dans la galactosylation des immunoglobu-
différentes hormones observées pendant la grossesse est dif- lines G ont également été observées pendant la grossesse.
ficilement comparable d’une patiente à l’autre, en raison des Dans la polyarthrite, il existe une diminution des résidus galac-
phénomènes d’hémodilution qui rendent l’interprétation des toses à la surface des immunoglobulines G. Cette anomalie,
résultats difficiles. Il ne semble cependant pas exister de dif- acquise, disparaît lors de la grossesse et semble associée à
férence dans les taux sériques de base des estrogènes ou de la une amélioration de l’activité de la maladie [1,35].
progestérone chez les femmes avec ou sans PR [24]. Un désé-
quilibre dans la production des différentes hormones sexuel- 1.7.4. Rôle du système HLA
les a cependant été observé. Dans la PR, Il pourrait exister un Des mécanismes de tolérance immunitaire induite par les
déficit relatif dans les taux sériques de progestérone et molécules HLA du fœtus ont également été évoqués [36].
742 A. Perdriger / Revue du Rhumatisme 72 (2005) 739–743

Dans la grossesse, la présence d’un fœtus avec un haplotype spondylarthrite (SPA) et les modifications ligamentaires et
HLA différent de celui de la mère semble associée à des rémis- posturales induites par la grossesse pourraient concourir à
sions de la maladie. l’augmentation des rachialgies [45]. Des poussées d’arthrites
périphériques peuvent également être observées mais elles
sont plus rares [42,43]. Les complications oculaires ne sont
2. Arthrite chronique juvénile et grossesse pas influencées par la grossesse mais, en revanche, des amé-
liorations du psoriasis cutané [44] ou des inflammations du
Quelques travaux se sont intéressés aux grossesses surve- tube digestif sont observées [42]. La grossesse n’est pas
nant chez des jeunes femmes qui avaient souffert d’une arth- influencée par la SPA et le pronostic fœtal est identique à
rite chronique juvénile (ACJ) [37–40]. Les résultats sont celui d’une femme sans SPA. L’accouchement par voie basse
superposables à ceux observés dans la PR de l’adulte. Chez peut être difficile s’il existe une atteinte des articulations coxo-
les patientes qui ont une arthrite active au moment de la gros- fémorales. La fréquence des césariennes est augmentée dans
sesse, une amélioration des douleurs est observée dans envi- la SPA [43].
ron 60 % des cas, le plus souvent en début de grossesse. Chez L’augmentation des douleurs dans le post-partum est beau-
les patientes qui ont une arthrite non active, la maladie reste, coup moins fréquente que dans la PR. Une diminution des
le plus souvent quiescente pendant toute la durée de la gros- douleurs rachidiennes est même parfois observée de façon
sesse [37,39]. L’amélioration est plus fréquente dans les for- transitoire après l’accouchement. Une aggravation de la SPA
mes de la maladie à début polyarticulaire (59 %) que dans les est observée chez environ 50 % des patientes dans les six
formes oligoarticulaires (36 %) ou dans la maladie de Still mois suivant la grossesse. L’activité de la SPA redeviendra
(29 %) [37]. L’aggravation des douleurs en début de gros- ensuite celle qui était présente avant l’accouchement [43].
sesse est plus fréquemment rapportée que dans la PR de
l’adulte, mais les atteintes articulaires disparaissent le plus
souvent en fin de grossesse. L’arrêt complet de tout traite- 4. Conclusion
ment de l’AJI n’est cependant pas toujours possible [37]. Les
manifestations extra-articulaires, en particulier les uvéites La grossesse est un moment privilégié chez les femmes
chroniques, ne sont pas aggravées [37] et peuvent même souffrant d’une PR, pendant laquelle les douleurs s’atté-
s’améliorer [39]. Un accouchement par césarienne peut être nuent, sans pour autant disparaître totalement. Un traitement
nécessaire s’il existe une atteinte du bassin ou des articula- reste le plus souvent nécessaire. En revanche, dans la SPA,
tions coxofémorales [41], ou s’il existe des atteintes oculai- les douleurs rachidiennes peuvent augmenter. L’influence à
res avec un risque de décollement de la rétine. La fréquence long terme des grossesses sur l’activité des rhumatismes
des accouchements par césarienne n’est pas augmentée dans inflammatoires reste mal connue, mais il n’existe aucun argu-
l’AJI. ment pour déconseiller une grossesse chez une femme souf-
Le post-partum s’accompagne assez souvent d’une pous- frant d’une telle affection. Une recrudescence des douleurs
sée de la maladie, dans les trois à six mois après la grossesse. survient chez la majorité des patientes dans le post-partum.
Les femmes retrouvent l’état clinique qui était le leur avant la Cette poussée douloureuse semble favorisée par les varia-
grossesse. Cette aggravation de l’arthrite peut également sur- tions des taux des hormones sexuelles, mais peut-être égale-
venir lorsque l’AJI n’est pas active en début de grossesse. La ment par l’augmentation des activités liée à la présence d’un
poussée douloureuse est le plus souvent transitoire [37]. enfant. Dans cette période parfois difficile de la maladie, le
La fertilité est normale dans l’AJI mais la fécondité est suivi médical et une prise en charge en ergothérapie ou en
diminuée, avec de plus grandes difficultés pour être enceinte kinésithérapie sont particulièrement importants.
de ces jeunes femmes. Le nombre d’avortement spontané et
les pathologies ovariennes semblent également plus fré-
quents [40]. L’existence d’une AJI n’a pas de conséquence Références
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Communications affichées / La Revue de médecine interne xxx (2008) S1–S125 S81

talité maternelle représente un indicateur essentiel de la qualité sources d’hémorragies rectales, utérines ou vaginales et doivent
des soins en exercice obstétrical. impérativement être recherchées avant toute délivrance qui sera
programmée. Sur le plan fœtal, sont décrits des malformations
doi:10.1016/j.revmed.2008.03.280 cardiaques, des retards de croissance intra-utérin et les formes
familiales justifient d’un conseil génétique.
CA152 Conclusion.– Le SKT est une maladie congénitale qui majore
Syndrome de Klippel-Trenaunay et grossesse : à propos d’un le risque de morbimortalité maternofœtale durant la grossesse et
cas ce, proportionnellement à la sévérité de la maladie. Un conseil
O. Gilly a , P.Y. Jeandel a , L. Marcq a , B. Rossignol a , C. préconceptionnel et une prise en charge optimisée de la grossesse
Trastour b , E. Rosenthal a , J.G. Fuzibet a et du post-partum permet une réduction de cette morbimortalité.
a Médecine interne, CHU, Nice, France
b Gynécologie et obstétrique, CHU, Nice, France doi:10.1016/j.revmed.2008.03.281

Introduction.– Le syndrome de Klippel-Trenaunay (SKT) CA153


est une maladie congénitale rare caractérisée par un angiome Grossesse et vascularite de Churg-Strauss
plan étendu d’un membre associé à une hypertrophie des tissus A. Zoulim a , G. Boza b , M. Dreyfus c , N. Artigues a , Y.
mous, des os et des veines variqueuses. La morbidité est sur-
Ollivier a , B. Bienvenu a , P. Letellier a
tout liée à des complications vasculaires et/ou hémorragiques. a Service de médecine interne, CHU, Caen, France
Toute grossesse dans ce contexte est à risque de complications b Pneumologie, centre hospitalier, Viré, France
maternofœtales. c Gynécologie et obstétrique, CHU, Caen, France
Cas clinique.– Une femme de 37 ans, G2P0, enceinte de
deux mois et demi est hospitalisée pour douleur abdominale Introduction.– Plusieurs cas de grossesses au cours des vas-
isolée évoluant depuis 48 heures. Ses antécédents sont un SKT cularites sont décrits [1,2]. Différents traitements y sont utilisés
localisé au membre inférieur droit, une thrombophlébite du et l’évolution n’est pas toujours défavorable. Nous en rapportons
membre inférieur droit, une IVG, une anémie ferriprive poly- un cas avec un syndrome de Churg-Strauss.
transfusée. À l’admission, il existe un syndrome anémique franc Cas clinique.– Une femme de 26 ans était explorée initia-
bien toléré sans fièvre, ni amaigrissement et sans syndrome lement pour une pneumopathie à éosinophiles avec infiltrats
hémorragique associé. La palpation abdominale ne trouve ni labiles. Elle avait comme antécédents un asthme et des poussées
défense ni contracture, mais une hauteur utérine supérieure à de sinusites maxillaires depuis des années. L’histoire débutait
celle attendue pour le terme. Le reste de l’examen clinique est en juillet 2005 par une asthénie, une toux et des douleurs tho-
normal. La biologie trouve une anémie ferriprive à 4,9 mmol/l raciques migratrices. Le scanner thoracique, la bronchoscopie
et une coagulation intravasculaire disséminée (CIVD). Un volu- avec lavage et les biopsies découvraient des images alvéolaires et
mineux utérus de 28 × 12 × 24 cm, par hypertrophie majeure du une éosinophilie tissulaire sans signe de vascularite ni de parasi-
myomètre (infiltrat de lacis veineux et de varices non thrombo- tose. Le bilan biologique révélait une éosinophilie à 6700/mm3 ,
sées), avec un sac gestationnel normal et un embryon viable un fibrinogène à 7 g/L et une CRP à 17 mg/L. Les ANCA étaient
sont notés en échographie et à l’IRM pelvienne. Un écho- négatifs. En février 2006, survenaient des engourdissements de
doppler veineux des membres inférieurs et une échographie la main et de la langue, un épisode de diplopie. Elle bénéfi-
cardiaque écartent une maladie thromboembolique. Les causes ciait d’une échographie cardiaque et d’une IRM cérébrale qui
classiques hépatobiliaire, pancréatique (biologie, échographie étaient normales. Elle signalait un doute sur une grossesse de six
abdominale normales), ulcèreuse (gastroscopie normale), ainsi semaines confirmée par un taux de bêta-HCG à 5985 unités/L.
qu’infectieuse (absence de syndrome inflammatoire, ECBU et Résultats.– L’électromyogramme était en faveur d’une neu-
hémocultures négatives) sont éliminées. Les douleurs abdomi- ropathie périphérique axonale. La biopsie musculaire objectivait
nales sont rattachées à l’hypertrophie utérine. L’évolution est la présence de nombreux polynucléaires éosinophiles dans les
émaillée d’un épisode de métrorragie révélateur d’un décol- vaisseaux avec signe de diapédèse. Le diagnostic d’un syndrome
lement placentaire ayant, de surcroît, motivé une interruption de Churg-Strauss (SCS) était retenu, une corticothérapie orale
thérapeutique de grossesse. seule à 1 mg/kg par jour était prescrite et le maintien de la gros-
Résultats.– De rares cas de grossesses au cours du SKT ont sesse décidé. Aucune rechute n’avait été constatée chez notre
été décrits dans la littérature avec des évolutions diverses. Les patiente qui avait accouché à terme en octobre 2006, puis une
changements physiologiques liés à la grossesse semblent exacer- seconde fois en février 2008 en contexte de rémission durable
ber les complications classiques de la maladie, notamment les du SCS avec 5 mg/j de Prednisone.
risques thromboembolique et hémorragique. Les malformations Discussion.– Plusieurs arguments plaidaient pour la vascu-
artérioveineuses (MAV) peuvent envahir le pelvis, la vulve et larite, en particulier la présence de neuropathie et l’antécédent
l’utérus (source de douleurs et contre-indiquant l’accouchement d’asthme et de sinusite. L’absence d’ANCA et l’infiltrat paren-
par voie basse), tout comme le système nerveux central, et chymateux labile avaient fait discuter sans les retenir les
favorisent l’apparition de CIVD. Une majoration du risque différentes entités du poumon éosinophile. L’absence de critères
d’accidents vasculaires cérébraux existe lors de la délivrance en de mauvais pronostic du SCS avait justifié la corticothérapie
cas de MAV cérébrales préexistantes. Les MAV pelviennes sont seule. La difficulté se pose en cas de présence de ces cri-

REVMED 3372 1–125


S82 Communications affichées / La Revue de médecine interne xxx (2008) S1–S125

tères ou devant une réponse insuffisante aux corticoïdes, le antiprotéinurique. En 2006 et après arrêt du méthotrexate, elle
Cyclophosphamide® étant contre-indiqué par l’état gravide. a mené une grossesse (sous colchicine), donnant naissance à un
Dans cette situation, l’alternative des immunoglobulines par garçon en bon état de santé. La protéinurie est nulle, la fonction
voie intraveineuse [3] ou de l’azathiprine peut être adoptée. rénale est normale avec un recul de 18 mois.
Conclusion.– Notre observation suggère le bon choix de lais- Conclusion.– Nous venons de rapporter deux observations
ser évoluer toute grossesse dans les formes de bon pronostic d’amylose rénale au cours d’une maladie périodique et au cours
du SCS. Cela demande à être validé par une stratégie codifiée d’une maladie de Still. La grossesse est reconnue comme un
de prise en charge de toute forme et type de vascularites, en facteur d’aggravation de la néphropathie amyloïde avec passage
particulier celles avec critères de gravité. souvent à une insuffisance rénale terminale.
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doi:10.1016/j.revmed.2008.03.282 M. Smiti Khanfir, T. Larbi, T. Ben Salem, A. Braham Sfaxi, I.
Ben Ghorbel, M. Lamloum, M.H. Houman
CA154 Médecine interne, CHU la Rabta, Tunis, Tunisie
Grossesse au cours d’une amylose rénale : à propos de deux
observations Objectif.– Le but de notre étude était de préciser les particu-
S. Marzouk, M. Snoussi, M. Frigui, D. Hsairi, I. Ayedi, N. larités cliniques, immunologiques, thérapeutiques et évolutives
Kaddour, Z. Bahloul du syndrome des antiphospholipides (SAPL) à manifestations
Médecine interne, CHU Hédi-Chaker, Sfax, Tunisie obstétricales comparativement au SAPL à manifestations throm-
boemboliques.
Introduction.– L’amylose regroupe un ensemble de maladies Patients et méthodes.– Nous avons mené une étude rétros-
caractérisées par des dépôts extracellulaires d’une substance pective descriptive et analytique des patients atteints d’un SAPL
amyloïde. La néphropathie glomérulaire est la manifestation la (critères de Sapporo) et suivis entre 1995 et 2007. Les patients
plus fréquente de la maladie amyloïde. Le but de notre travail étaient subdivisés en deux groupes selon l’expression clinique
est de préciser l’influence de la grossesse sur la néphropathie du SAPL : manifestations obstétricales (groupe 1) ou manifes-
glomérulaire à travers deux observations et une revue de la tations thromboemboliques (groupe 2). Les patients de sexe
littérature. masculin et ceux présentant, à la fois, des manifestations obsté-
Patients et méthodes.– Nous rapportons deux cas de grossesse tricales et thrombotiques ont été préalablement exclus. L’étude
survenus au cours de l’évolution d’une amylose rénale colligés statistique a été réalisée au moyen du logiciel SPSS 11.0.
dans le service de médecine interne de Sfax. Résultats.– Nous avons recensé 48 patients atteints d’un
Observation.– Cas no 1 : une femme née en 1960 est hospita- SAPL, 19 d’entre eux ont été exclus. Le groupe 1 était composé
lisée en 1982 pour un syndrome néphrotique pur. Le diagnostic de 13 femmes d’âge moyen au moment de l’apparition des pre-
d’une amylose rénale est confirmé par une biopsie rénale. Paral- mières manifestations du SAPL de 35 ans. L’incident obstétrical
lèlement, le diagnostic d’une maladie périodique est retenu était révélateur de la maladie dans 69,2 % des cas. Les manifes-
devant une symptomatologie clinique ancienne en faveur et la tations obstétricales cumulées étaient à type de fausses couches
présence de cas familiaux. Elle a été traitée par colchicine. De précoces (76,9 %), mort fœtale in utéro (53,8 %), mort néonatale
1982 à 1990, elle était perdue de vue. Durant cette période, elle (7,7 %), prématurité (15,4 %) et d’hématome rétroplacentaire
n’a pas arrêté la colchicine et elle a mené deux grossesses sans (7,7 %).
incident. En 1993, elle reconsulte avec une grossesse évolu- Le groupe 2 était composé de 16 femmes d’âge moyen au
tive de trois mois, qui a été menée à terme normalement malgré début de la maladie de 32 ans. Il s’agissait d’une thrombose
l’arrêt du traitement, donnant naissance à une fille en bon état de veineuse dans 81,3 % et artérielle dans 25 % des cas. L’atteinte
santé. Sa fonction rénale était normale. Cependant, six mois plus veineuse était de siége insolite dans 25 % des cas.
tard, elle aggrave son syndrome néphrotique avec installation La proportion de SAPL primaire et secondaire était compa-
d’une insuffisance rénale qui a continué à se dégrader jusqu’à rable dans les deux groupes, cependant, le groupe 1 comportait
l’installation d’une insuffisance rénale terminale aboutissant en significativement plus de patientes lupiques (37,5 % vs 7,7 %,
hémodialyse chronique. p = 0,038). Les deux groupes étaient comparables aux plans cli-
Cas no 2 : une femme âgée de 33 ans est hospitalisée en 2000 niques et immunologiques. L’anémie hémolytique auto-immune
pour une polyarthrite fébrile. Le diagnostic de maladie de Still a était significativement plus fréquente dans le groupe 2 (1 % ver-
été retenu en l’absence de toute cause infectieuse, néoplasique et sus 31,3 %; p = 0,048). Les patients du groupe 2 étaient plus
inflammatoire. La patiente a été traitée par une corticothérapie fréquemment traités par des antivitamines K (p < 0, 0001) et
associée secondairement au méthotrexate. Deux ans plus tard, ceux du groupe 1 par des antiagrégants plaquettaires (p = 0,004).
elle développe un syndrome néphrotique pur en rapport avec une Conclusion.– Dans notre série, les manifestations cliniques,
amylose AA nécessitant sa mise sous colchicine et un traitement immunologiques et évolutives du SAPL obstétrical et throm-

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EMC-Hématologie 2 (2005) 132–143

www.elsevier.com/locate/emch

Hémostase et grossesse
Haemostasis and pregnancy
C. Boyer-Neumann
Service d’hématologie biologique, hôpital Antoine Béclère, 157, rue de la Porte-de-Trivaux,
92141 Clamart cedex, France

MOTS CLÉS Résumé Les modifications de l’hémostase pendant la grossesse sont très importantes,
Grossesse ; associant un état d’hypercoagulabilité acquise à un état inflammatoire. L’hypercoagula-
Hémostase ; bilité est liée à une augmentation du taux des facteurs de coagulation procoagulants
Inflammation ; d’une part, et à une diminution de l’activité fibrinolytique et du taux des inhibiteurs
Hémorragie ; physiologiques de la coagulation d’autre part. Par ailleurs, la régulation du système
Thrombose ;
immunologique maternel contribue au succès du maintien de la grossesse. Les pathologies
Traitement
anticoagulant
spécifiques de la grossesse sont définies par leur apparition liée à l’état gravidique et leur
guérison par l’arrêt de la grossesse, donc par l’accouchement, effectué le plus souvent en
urgence dans certaines situations : il s’agit de cas de coagulation intravasculaire dissé-
minée, de microangiopathie thrombotique (prééclampsie et syndrome HELLP), de rares
purpuras thrombotiques thrombocytopéniques. Les pathologies à risque hémorragique
sont antérieures à la grossesse ou découvertes à cette occasion : il s’agit de pathologies
héréditaires, comme la maladie de Willebrand, les thrombopathies ou les femmes
conductrices d’hémophilie, ou bien de pathologies auto-immunes, comme le purpura
thrombopénique immunologique. Dans ces cas, les anomalies de l’hémostase sont varia-
blement corrigées et leurs prises en charge dépendent alors du niveau de correction de
chaque anomalie. Les pathologies à risque thrombotique comprennent la thrombophilie
héréditaire (déficits en inhibiteurs de la coagulation, mutations du facteur V et du facteur
II) et la thrombophilie acquise (anticorps antiphospholipides). La grossesse et le post-
partum sont également des facteurs acquis de thrombophilie, avec un risque maximal de
thrombose dans le post-partum. Une bonne évaluation de ce risque est indispensable pour
la mise en place éventuelle du traitement anticoagulant le mieux adapté. Il est actuel-
lement établi que les patientes ayant un antécédent de thrombose doivent bénéficier
d’une prophylaxie anticoagulante. Les anticoagulants, type antivitamines K, passent la
barrière placentaire, avec un effet délétère connu pour l’embryon et leur indication est
donc restreinte. L’héparine, quelle que soit sa forme, ne passe pas le placenta et
représente de ce fait le traitement anticoagulant de choix de la grossesse et du
post-partum.
© 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Abstract Normal pregnancy is an acquired hypercoagulable and inflammatory state.


KEYWORDS
Pregnancy;
Hypercoagulability in normal pregnancy is due to increased levels of procoagulant
Haemostasis; coagulation factors, as well as hypofibrinolysis and decreased levels of natural anticoa-
Inflammation; gulants. In addition, regulation of the maternal immune system contributes to a success-
Bleeding; ful pregnancy outcome. Specific pregnancy diseases are defined by their occurrence in
relation with the gravid state and their recovery when gestation ends, after delivery,

Adresse e-mail : cboyer.neumann@abc.ap-hop-paris.fr (C. Boyer-Neumann).

1638-6213/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
doi: 10.1016/j.emch.2005.01.001
Hémostase et grossesse 133

most of the time in emergency conditions in case of: disseminated intravascular coagu-
Thrombosis; lation, thrombotic microangiopathies, such as preeclampsia, HELLP syndrome, or the rare
Anticoagulant thrombotic thrombocytopenic purpura. On the contrary, diseases that enhance bleeding
treatment risk are present before pregnancy when hereditary, or detected at the time of pregnancy
when acquired: hereditary diseases include von Willebrand disease, thrombopathies, or
conducting state of haemophilia, and acquired states are mainly related to autoimmune
diseases, such as immune thrombocytopenic purpura. Various corrections may be perfor-
med for pregnancy-induced abnormalities and their management and follow-up are
achieved accordingly. Diseases that increase the thrombotic risk involve hereditary
thrombophilia (deficiencies of natural anticoagulants, factors V or II mutations), and
acquired thrombophilia (antiphospholipids antibodies). Normal pregnancy and post-
partum also constitute an acquired thrombotic factor and women with thrombophilic
defects have been shown to be at increased risk. There is a consensus that such women
with a personal history of thrombosis should receive anticoagulant prophylaxis. A good
evaluation of the thrombotic risk is necessary in order to determine the most appropriate
anticoagulant treatment. Warfarin crosses the placenta and has a known teratogenic
effect (warfarin embryopathy). Hence, prophylaxis of gestational thrombosis mainly
relies upon the use of heparin, during pregnancy and post-partum.
© 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Introduction Tableau 1 Paramètres de l’hémostase diminuant pendant la


grossesse (valeurs extrêmes,1 et moyennes et déviations
La grossesse normale s’accompagne de modifica- standards11).
tions majeures de l’hémostase, allant dans le sens Paramètres Semaines de grossesse
d’un état d’hypercoagulabilité acquis. Ce phéno- 11–15 SA 26–30 SA 36–40 SA
mène plurifactoriel, lié à des modifications hémo- Plaquettes (G/l) 106–358 101–331 91–317
dynamiques et vasculaires, protège les femmes Facteur XI (%) 93 ± 23 77 ± 18 56 ± 14
d’une hémorragie pouvant être fatale au moment Protéine S activité (%) 62–112 43–70 34–60
de la délivrance.1,2 En revanche, ces modifications
les prédisposent aux complications thromboembo- le troisième trimestre, comme en témoigne l’aug-
liques. L’hypercoagulabilité augmente progressive- mentation du volume plaquettaire moyen.7,8 Ainsi,
ment pendant la grossesse, pour être maximale au la grossesse est associée à une augmentation de la
moment du terme et dans le post-partum immé- destruction plaquettaire, compensée en partie par
diat.3 La connaissance de ces modifications est une production accrue. Elle s’accompagne d’une
nécessaire au diagnostic et au traitement des com- hyperréactivité plaquettaire à divers agents agré-
plications de type hémorragique et/ou thromboti- gants, liée à une synthèse accrue de thromboxane
que des grossesses pathologiques.4 A2.9 Le diagnostic différentiel entre « thrombopé-
nie gestationnelle » et thrombopénie immunologi-
que n’est pas toujours aisé et repose sur un faisceau
Hémostase et grossesse normale d’arguments en faveur de l’un ou l’autre de ces
diagnostics (cf. infra). Le problème pratique est
Pendant la grossesse celui de l’indication de l’anesthésie péridurale, le
seuil autorisant ce geste étant le plus souvent fixé à
Modifications des plaquettes un taux de plaquettes supérieur ou égal à 95-
Une diminution modérée du nombre des plaquettes 100 G/l, le jour de l’accouchement.
est l’anomalie le plus communément observée. Se-
lon différentes études, cette diminution physiologi- Modifications des facteurs de coagulation
que varie de 7,3 % à 11,6 %1,5,6 entre le cinquième La plupart des facteurs de la coagulation augmen-
mois et le terme, et n’entraîne pas de complication tent pendant la grossesse, particulièrement le fibri-
hémorragique (Tableau 1). Souvent désignée sous nogène, le facteur VIII et le facteur Willebrand
le terme de « thrombopénie gestationnelle », elle (VWF) (Tableau 2), alors que les inhibiteurs physio-
n’existe pas avant la grossesse, se corrige sponta- logiques et la capacité fibrinolytique diminuent.
nément après l’accouchement et sa physiopatholo- Les taux de fibrinogène et des facteurs VII, X, VIII et
gie est discutée : dilution par augmentation du VWF augmentent progressivement au cours de la
volume plasmatique, ou phénomène compensatoire grossesse, avec un taux de multiplication par deux
à une destruction plaquettaire maximale pendant pour le fibrinogène et le facteur VIII, et par trois
134 C. Boyer-Neumann

Tableau 2 Paramètres de la coagulation augmentant ou restant stables pendant la grossesse et le post-partum (moyennes et
valeurs extrêmes1,11,12,13).
Semaines de grossesse Post-partum
Paramètres 11-15 26-30 36-40 1 semaine 8 semaines > 12 semaines
Fibrinogène (g/l) 3,6 (2,6-5,2) 3,8 (2,6-5,4) 4,4 (2,9-6,2) 4,6 2,6 2,7
Facteur VIII (%) 122 (53-283) 188 (67-528) 212 (75-570) 213 86 109
VWF (%) 133 (56-313) 210 (80-492) 376 (133-1064) 351 93 78
Facteur VII (%) 111 (60-206) 158 (75-332) 171 (87-336) 104 94 91
Facteur X (%) 103 (62-169) 126 (74-203) 127 (72-208) 101 91 92
Facteur V (%) 93 (46-188) 82 (34-195) 85 (39-184) 98 80 84
Facteur II (%) 125 (70-224) 120 (73-214) 115 (68-194) 110 106 107
VWF : facteur Willebrand.

pour le VWF.10,11 Le taux de VWF s’élève très Modification du système fibrinolytique


précocement, dès la 10e ou 11e semaine de gesta- La fibrinolyse est un phénomène physiologique,
tion.12 Par ailleurs, l’augmentation des taux des médié par l’activateur tissulaire du plasminogène
facteurs VII et X, pouvant atteindre 120 à 180 %, est (t-pA), qui permet la redissolution des caillots de
responsable du raccourcissement du temps de fibrine, maintenant la balance hémostatique né-
Quick observé à mi-grossesse et jusqu’au cessaire à la fluidité du sang. La capacité fibrinoly-
terme.10,12 Les taux des facteurs V et II ne varient tique diminue progressivement au cours de la gros-
pas pendant la grossesse (Tableau 2), alors que le sesse, pour être minimale au troisième trimestre.10
taux du facteur XI diminue modérément, de 20 à Cette hypofibrinolyse est en relation avec une aug-
30 % (Tableau 1). Le facteur XIII, facteur stabilisant mentation du plasminogène parallèle à celle du
la fibrine, stable ou augmenté en début de gros- fibrinogène, associée à une diminution de libéra-
sesse, diminue ensuite, atteignant 50 % à tion du t-pA et à une augmentation de ses inhibi-
terme.11,12 teurs (en particulier le PAI-2 placentaire). L’ensem-
ble de ces modifications contribue très
Inhibiteurs physiologiques de la coagulation certainement à la prévention de l’hémorragie au
moment de la séparation du placenta.10 De façon
L’antithrombine n’est pas modifiée par les hormo-
en apparence paradoxale, le taux des D-dimères
nes ; on observe cependant une baisse modérée, de
plasmatiques, qui devrait diminuer du fait de l’hy-
15 % environ, dans les dernières semaines de gros-
pofibrinolyse, augmente progressivement tout au
sesse. Cette diminution pourrait être le témoin de
long de la grossesse pour atteindre des chiffres
la formation physiologique de thromboses inter-
allant jusqu’à 1 000-1 200 ng/ml au terme (taux
villeuses placentaires.13 L’évolution de la protéine
normal inférieur à 500 ng/ml).19 Cette augmenta-
C est plus complexe, avec une augmentation au tion est en fait le témoin de la formation excessive
deuxième trimestre, suivie d’une diminution au de caillots de fibrine, par excès de thrombine,
troisième, puis d’une nouvelle augmentation dans entraînant une fibrinolyse réactionnelle physiologi-
le post-partum.14,15 À l’inverse, on note une dimi- que.19,20 La production accrue de thrombine est
nution progressive et importante de la protéine S, maximale en fin de grossesse et contribue à la
voisine de 50 % à terme et persistant 2 mois dans le prévention de l’hémorragie de la délivrance.3,20
post-partum (Tableau 1). Cette diminution Elle est associée à une augmentation significative
concerne les deux formes de la protéine S plasma- et progressive des marqueurs d’activation de la
tique, la forme libre, seule active dans la régulation coagulation (fragments 1 et 2 de la prothrombine,
anticoagulante, et la forme totale inactive com- complexes thrombine-antithrombine et D-dimères
plexée à la C4b-binding protein (C4BP), protéine plasmatiques) dont les taux sont multipliés par trois
médiée par l’inflammation et de ce fait augmentée à huit au troisième trimestre.
pendant la grossesse. Le déficit en protéine S libre
n’est donc pas lié à l’augmentation de la C4BP et Accouchement et post-partum
contribue très certainement à l’état d’hypercoagu-
labilité de la grossesse.14–16 Son association à l’aug- L’augmentation du risque thrombotique est maxi-
mentation des facteurs VIII, IX et X est responsable male dans le post-partum immédiat et perdure
d’une résistance à la protéine C activée acquise de pendant au moins 6 semaines.10 Ce risque accru de
la grossesse, s’accentuant jusqu’au terme et plus thrombose est lié à la correction rapide de la
prononcée chez les femmes ayant un déficit héré- thrombopénie, conjointement à l’accentuation du
ditaire en protéine S.17,18 déficit en protéine S et à la persistance d’un taux
Hémostase et grossesse 135

élevé de VWF.12,21 Dans le même temps, les taux teurs II, V, VIII), augmentation des produits de dé-
des facteurs de coagulation se normalisent (en 3 à gradation de la fibrine et des D-dimères. Le diagnos-
6 semaines en moyenne), ainsi que l’hypofibrino- tic de CIVD en pré-partum est difficile du fait de
lyse de fin de grossesse (30 minutes après la déli- l’augmentation physiologique de la plupart des fac-
vrance). Ainsi, le pic d’activité procoagulante, pro- teurs de coagulation et c’est la répétition des exa-
plaquettaire et hypofibrinolytique survient mens qui met en évidence leur décroissance rapide.
immédiatement après la séparation du placenta et Le tableau clinique est très hétérogène, pouvant
persiste pendant les 3 heures qui suivent, objecti- être latent ou ne s’exprimer que par des saigne-
vée par une importante augmentation du taux des ments aux points de piqûre, ou à l’extrême par une
D-dimères.3,10 hémorragie cataclysmique. La clinique dépend
étroitement de l’étiologie (Encadré).22 En l’ab-
sence de traitement, l’hémorragie massive en-
En résumé traîne un choc hypovolémique et peut être associée
à des lésions tissulaires secondaires aux mi-
Les modifications de l’hémostase observées
crothrombi formés dans la microcirculation. La né-
au cours de la grossesse normale sont proches
crose corticale des reins ou des lésions neurologi-
de celles décrites dans la coagulation intravas-
ques peuvent ainsi compromettre le pronostic vital.
culaire disséminée (CIVD) et le terme « pré-
CIVD » pourrait être employé. Il va de soi que la
connaissance de ces modifications est indispen-
Étiologies des CIVD obstétricales
sable au diagnostic et au traitement des diffé-
rentes pathologies de la grossesse, en particu- • Hématome rétroplacentaire.
lier des CIVD et des prééclampsies. • Mort fœtale in utero.
• Embolie amniotique.
Pathologies spécifiques de la grossesse • Rétention placentaire.
• Infections.
Il s’agit de pathologies extrêmement hétérogènes, • Môle hydatiforme.
au plan tant clinique que biologique, qui se définis- • Prééclampsie et syndrome HELLP (hemolysis,
sent par la survenue soit d’une CIVD, soit d’une elevated liver enzymes, low platelet count).
microangiopathie thrombotique. Dans ces deux si-
tuations, l’activation anormale de la coagulation Le traitement est urgent. Il impose de traiter
est constamment intriquée à une augmentation des d’abord la cause (évacuation utérine, césarienne
marqueurs de l’inflammation.21 en urgence, antibiothérapie), ainsi que le choc par
des transfusions massives de culots globulaires, de
Coagulations intravasculaires disséminées plasma frais congelé, de plaquettes, associé à des
obstétricales drogues antifibrinolytiques, si nécessaire.

Une CIVD est consécutive à une activation très Microangiopathies thrombotiques


anormale de la coagulation, avec formation de
microthromboses de la microvascularisation pou- La prééclampsie et le syndrome HELLP sont des
vant être responsables de défaillances multiviscé- microangiopathies spécifiques de la grossesse, car
rales. Dans les formes les plus graves, on observe de secondaires à une pathologie placentaire.23 À l’in-
surcroît une activation excessive de la fibrinolyse. verse, le purpura thrombotique thrombocytopéni-
Les mécanismes de la CIVD sont l’irruption dans que relève d’une physiopathologie différente
la circulation de substances procoagulantes tissu- puisqu’il survient dans des situations cliniques très
laires (hématome rétroplacentaire, embolie amnio- diverses et peut être déclenché par la grossesse.
tique, rétention de fœtus mort), mais également
une activation cellulaire massive avec libération de Prééclampsie
cytokines (infection après rupture de la poche des La prééclampsie est une pathologie grave, pure-
eaux, toxémie). Un choc hypovolémique par hé- ment gravidique, caractérisée par la triade hyper-
morragie majeure aggrave la CIVD, et un cercle tension artérielle, protéinurie, œdèmes. Elle re-
vicieux s’installe avec évolution fatale en l’absence présente une cause majeure de morbidité et de
de traitement. mortalité maternelle et fœtale, affecte de 5 à 13 %
Le tableau biologique dépend de l’étiologie, mais des grossesses et rend compte de 40 % des naissan-
associe le plus souvent thrombopénie, déficit en ces prématurées. Le fondement de sa pathogénie
certains facteurs de coagulation (fibrinogène, fac- reste l’ischémie placentaire, à l’origine d’une série
136 C. Boyer-Neumann

d’événements altérant la circulation utéroplacen- sance rénale, d’une atteinte neurologique, d’une
taire.24,25 Les lésions de nécrose dans les organes anémie hémolytique mécanique avec schizocytose
maternels sont similaires à celles observées dans et d’une thrombopénie.27 Ces manifestations sont
l’athérosclérose et seraient la conséquence d’une dues à la formation de thrombus plaquettaires de la
activation endothéliale. Le stress oxydatif médié microcirculation, résultant d’une agression endo-
par l’inflammation (les low density lipoproteines théliale initiale, et la grossesse semble être un
oxydées entraînent une activation des monocytes terrain particulièrement propice.28 Cette agression
et des polynucléaires neutrophiles, toxiques pour endothéliale est responsable de la libération de
l’endothélium) apparaît comme l’étiologie la plus VWF de très haut poids moléculaire, qui normale-
plausible dans cette pathogénie complexe.21 La ment est clivé dans le plasma par une protéase
prééclampsie survient chez les primipares ou en cas spécifique du VWF. Un déficit en cette protéase
de nouveau partenaire, suggérant une intolérance entraîne l’accumulation plasmatique de multimè-
immunologique de la mère pour son fœtus, compa- res de très haut poids moléculaire proagrégants, à
rable à celle des rejets de greffe. Le rôle d’une l’origine des manifestations du purpura thromboti-
thrombophilie héréditaire comme facteur favori- que thrombocytopénique.29 Ainsi, la physiopatholo-
sant la survenue de lésions de thromboses placen- gie du purpura thrombotique thrombocytopénique
taires reste discuté selon les auteurs, mais pourrait est bien distincte des autres microangiopathies de
constituer une piste intéressante.25 Il est rare d’ob- la grossesse, comme la prééclampsie.30 Pendant la
server des anomalies de l’hémostase (thrombopénie grossesse, la présentation clinique du purpura
par activation plaquettaire, allongement du temps thrombotique thrombocytopénique est identique à
de Quick par consommation minimale de certains celle décrite dans les autres étiologies et la sensi-
facteurs), et ceux-ci se corrigent rapidement après bilité au traitement est la même. Avant l’introduc-
l’accouchement, programmé en urgence. tion du traitement basé sur l’apport de plasma, la
survie maternelle était rare et la mortalité fœtale
Syndrome HELLP de 80 % environ, par probables microthromboses
Ce syndrome représente la forme sévère de la placentaires.28
prééclampsie, avec hypertension, atteintes rénale
et neurologique, auxquelles s’ajoutent une hémo-
lyse (hemolysis), une augmentation des enzymes Pathologies à risque hémorragique
hépatiques (elevated liver enzymes) et une throm-
bopénie (low platelet count).26 Il survient tardive- Longtemps la morbidité et la mortalité des femmes
ment dans la grossesse et complique 10 % environ enceintes étaient liées à une hémorragie cataclys-
des prééclampsie. La survenue d’une douleur épi- mique, particulièrement au moment de la déli-
gastrique en barre, de nausées et de vomissements vrance, alors qu’actuellement les complications
oriente classiquement le diagnostic. Les anomalies majeures dans les pays anglo-saxons sont de type
biologiques associent anémie hémolytique mécani- thrombotique. Cependant, le risque hémorragique
que avec schizocytose, thrombopénie inférieure à persiste en l’absence de traitement, en cas d’ano-
100 G/l et cytolyse hépatique (transaminases supé- malies constitutionnelles ou acquises de l’hémo-
rieures à trois fois la normale). La CIVD, présente stase.
dans un tiers des cas, est un critère de mauvais
pronostic.11 Le traitement consiste à interrompre Pathologies constitutionnelles
la grossesse par un accouchement en urgence si le
terme le permet (plus de 32 semaines) ou si l’état Maladie de Willebrand
de la mère est alarmant. Dans le cas contraire, une La maladie de Willebrand (MW), la plus fréquente
temporisation est possible en instaurant un traite- des maladies hémorragiques constitutionnelles
ment par glucocorticoïdes pour accélérer la matu- avec une prévalence d’au moins 1 %, est liée à un
ration pulmonaire fœtale, puis en proposant une déficit en VWF. Le VWF est une glycoprotéine mul-
césarienne. De toute façon, une extraction en ur- timérique indispensable à l’adhésion et à l’agréga-
gence est faite au moindre signe de souffrance tion plaquettaires (hémostase primaire) et il est
fœtale, ou en cas de survenue d’hémorragie, de aussi la protéine de transport du facteur VIII dans le
thrombopénie sévère ou de CIVD chez la mère. plasma. Ainsi, tout déficit en VWF s’accompagne
d’un déficit en facteur VIII. L’expression clinique et
Purpura thrombotique thrombocytopénique biologique de la MW est très hétérogène et il en
Le purpura thrombotique thrombocytopénique est existe plusieurs formes ou types : le type 1 est
une microangiopathie thrombotique rare mais caractérisé par un déficit partiel (il représente au
grave, définie par la survenue de fièvre, d’insuffi- moins 75 % des cas), le type 2 par une anomalie
Hémostase et grossesse 137

fonctionnelle (20 % des cas) et le type 3 par un Conductrices d’hémophilie


déficit total (moins de 5 % de la maladie). Compte Les conductrices d’hémophilie A ou B peuvent avoir
tenu de l’augmentation du taux du facteur VIII et du des taux de facteurs VIII ou IX abaissés, voisins de
VWF pendant la grossesse, on observe une amélio- 50 %. Ces deux facteurs se corrigent pendant la
ration satisfaisante des formes modérées de type grossesse et le risque hémorragique est de ce fait
1.31,32 Cependant, cette augmentation n’existe pas très réduit, voire absent pour l’accouchement et le
avant la onzième semaine de grossesse et, de ce post-partum, sauf dans le cas d’un déficit plus
fait, une hémorragie peut survenir en cas de fausse prononcé. S’il s’agit d’une hémophilie familiale
couche ou d’interruption précoce de grossesse.33 sévère et si le fœtus est de sexe masculin, un
En revanche, en fin de grossesse, la normalisation diagnostic anténatal doit être réalisé et la prise en
des taux de VWF et de facteur VIII chez la plupart charge doit être faite par une équipe spécialisée
des patientes de type 1 permet d’éviter toute com- dans le traitement de l’hémophilie.11
plication hémorragique. Cependant, il faut noter
chez certaines patientes la persistance d’anomalies Autres déficits en facteurs de la coagulation
modérées de l’hémostase primaire, qui contre- Ce sont des déficits rares, de transmission récessive
indiquent alors l’anesthésie locorégionale.34 À l’in- le plus souvent, et qui pour la plupart se corrigent
verse, dans les autres types de MW, qu’il s’agisse pendant la grossesse. Seul le déficit en facteur XI se
des types 2 où la correction est partielle ou des majore jusqu’au terme, à un taux voisin de 30 %, ce
types 3 où elle est absente, un traitement doit être qui ne pose pas de problème hémorragique pour
impérativement mis en œuvre et leur prise en l’accouchement mais contre-indique l’anesthésie
charge doit se faire en milieu spécialisé.34 Enfin, péridurale. Celle-ci est également contre-indiquée
dans tous les types de MW, le risque hémorragique dans tous les autres déficits en cas de correction
est retardé et survient au moment du retour de partielle. Dans les très rares formes sévères, l’ac-
couches, donc au domicile. Ce risque hémorragique couchement et le post-partum sont encadrés par un
est fortement diminué par l’allaitement, qui permet traitement substitutif.
le maintien de taux élevés de facteur VIII et VWF et
que l’on doit ainsi encourager à poursuivre autant Thrombopathies
qu’il est possible. Dans le cas contraire, une hormo- Les thrombopathies ou anomalies fonctionnelles
nothérapie œstroprogestative doit être proposée. des plaquettes sont d’expression clinique très va-
riable. Peu de cas de grossesses associées à des
thrombopathies sévères, tels la maladie de Glanz-
Recommandations pratiques pour mann (absence d’un récepteur plaquettaire, la
l’accouchement en cas de maladie GPIIbIIIa) ou le syndrome de Bernard et Soulier
de Willebrand chez la mère (absence de GPIb plaquettaire) sont rapportés dans
la littérature.36,37 Le risque hémorragique existe
• Lors de correction complète du VWF et de
pendant toute la grossesse, avec risque accru de
l’hémostase primaire, abstention thérapeu-
fausse couche, mais ce risque est surtout important
tique et autorisation de l’analgésie locoré-
au moment de l’accouchement et du post-partum
gionale.
en l’absence de traitement. Si les patientes ne sont
• Dans les cas de persistance d’anomalies de
pas allo-immunisées par les nombreuses transfu-
l’hémostase primaire ou de correction insuf-
sions plaquettaires antérieures à la grossesse, la
fisante du VWF, contre-indication de l’anal-
prévention des hémorragies (pouvant mettre en jeu
gésie locorégionale et perfusion de DDAVP
le pronostic vital) se fait pendant toute la période à
(Minirin®) dès l’expulsion fœtale, avant la
risque (accouchement, 10 jours du post-partum et
délivrance. Dans les types 2, une perfusion
retour de couches) par l’utilisation de concentrés
de concentrés de VWF est indispensable,
plaquettaires.38 En cas d’allo-immunisation anté-
pendant 2 à 5 jours en cas de voie naturelle,
rieure à la grossesse, l’utilisation de facteur VII
pendant 10 jours en cas de césarienne. Dans
activé recombinant a été proposée avec succès.39
les types 3, des concentrés de facteur VIII et
La majorité des thrombopathies dites « de sécré-
de VWF sont utilisés à fortes doses, quelle
tion » sont d’expression hémorragique modérée et
que soit la voie d’accouchement, pour éviter
peuvent pour certaines se corriger en fin de gros-
toute hémorragie. Chez de rares patientes
sesse. Dans ces cas, l’attitude est identique à celle
allo-immunisées par des transfusions multi-
préconisée dans la MW, à savoir : contre-indication
ples antérieures à la grossesse, un traitement
de l’anesthésie péridurale si persistance d’anoma-
par des concentrés de facteur VIII et de fac-
lies ; accouchement le plus eutocique possible (du
teur VII activé a été proposé avec succès.35
fait de la transmission possible au nouveau-né) ;
138 C. Boyer-Neumann

incitation à l’allaitement prolongé (retarde et ré- connaître préalablement la sensibilité aux diffé-
duit l’hémorragie du retour de couches) ; hormono- rents traitements, essentiellement les corticoïdes
thérapie. En cas d’hémorragie, le traitement de et les Ig par voie intraveineuse. Ainsi, un « test
choix reste le Minirin® (desmopressine), qui peut thérapeutique » peut être effectué en fin de
être utilisé dès l’expulsion fœtale. deuxième trimestre pour connaître le niveau de la
réponse plaquettaire, en utilisant soit des corticoï-
Pathologies acquises des (1 mg/kg/j) pendant 5 jours, soit une perfusion
intraveineuse d’Ig (1 g/kg), avec, dans les deux cas,
Ces pathologies relèvent de mécanismes auto- contrôle des plaquettes aux jours 3, 5 et 8. Le
immuns. Il s’agit soit de thrombopénies immunes, traitement qui aura montré son efficacité est sus-
par production d’autoanticorps antiplaquettes, fré- pendu, puis repris dans les jours qui précèdent
quemment rencontrées au cours de la grossesse, l’accouchement programmé.42,43 Le choix de la
soit de l’exceptionnelle hémophilie acquise par voie d’accouchement ne dépend pas de la thrombo-
production d’autoanticorps anti-facteur VIII. pénie, comme cela a été longtemps le cas, mais de
l’indication obstétricale. De même, la ponction de
Thrombopénies sang fœtal, qui permet de connaître le statut pla-
La découverte d’une thrombopénie au cours de la quettaire fœtal, n’est plus retenue dans cette indi-
grossesse (plaquettes inférieures à 150 G/l) est une cation, le bénéfice attendu étant inférieur au ris-
situation relativement fréquente. Celle-ci peut sur- que inhérent au geste invasif.42,43 L’incidence
venir dans un contexte de pathologies liées à la d’une thrombopénie néonatale sévère (inférieure à
grossesse (CIVD, toxémie, infection sévère), et le 50 G/l) varie de 8,9 à 14,7 % selon les études, avec
diagnostic et le traitement sont alors ceux de l’af- hémorragie intracrânienne dans 0 à 1,5 % des cas.44
fection causale (cf. supra). À l’inverse, l’existence Il n’existe pas d’éléments prédictifs de la thrombo-
d’une thrombopénie isolée chez une jeune femme pénie fœtale ; la sévérité de la thrombopénie ma-
enceinte, par ailleurs bien portante, pose le pro- ternelle, la positivité de l’immunologie plaquet-
blème du diagnostic différentiel entre thrombopé- taire ou l’antécédent d’une splénectomie ne sont
nie immune et thrombopénie physiologique « ges- pas des éléments retenus. L’antécédent d’un pre-
tationnelle », paradoxalement plus difficile à mier enfant thrombopénique ou d’une hémorragie
établir (cf. supra). Dans 75 % des cas de thrombo- intracrânienne reste un élément prédictif fort.45
pénies, aucune étiologie ne peut être établie et on Dans la recherche étiologique d’une thrombopénie
parle alors de « thrombopénie gestationnelle ».40,41 néonatale, il ne faut pas méconnaître la possible
Le problème posé reste celui de l’indication ou non association à l’auto-immunité maternelle d’une
de l’anesthésie péridurale. En fait, une thrombopé- allo-immunisation maternofœtale.46
nie modérée peut être d’origine immune et, dans
ce cas, ce peut être la découverte d’une throm- Autoanticorps antiacteur VIII
bopénie néonatale par passage placentaire d’anti- Il s’agit d’une hémophilie acquise par production
corps antiplaquettaires maternels de type immu- d’un autoanticorps antifacteur VIII. Bien qu’excep-
noglobulines (Ig) G (de 4 à 13 % des cas de tionnelle, cette complication a été décrite dans le
thrombopénie gestationnelle) qui fait reconsidérer dernier trimestre de la grossesse, mais survient plus
le diagnostic.40 Les thrombopénies immunes ne re- souvent dans le post-partum et il n’est retrouvé de
présentent que 3 % de la totalité des thrombopénies pathologie auto-immune associée que dans 10 % des
de la grossesse Parmi les éléments en faveur d’une cas. Les manifestations hémorragiques peuvent
origine immunologique, on retient l’intensité de la être très importantes, surtout gynécologiques mais
thrombopénie (élément diagnostique majeur si les aussi faites d’ecchymoses et d’hématomes.47 Le
plaquettes sont inférieures à 50 G/l), son existence taux de facteur VIII est le plus souvent inférieur à
antérieure à la grossesse, ou son apparition pré- 5 %, mais il est difficile à mesurer, du fait de la
coce, et la découverte d’une thrombopénie néona- dissociation des complexes facteur VIII/anticorps
tale. Si la thrombopénie est modérée, supérieure à au moment du dosage. Différents traitements sont
50 G/l, une simple surveillance des plaquettes est proposés : perfusion de concentrés de facteur VIII
de mise, mensuelle, puis tous les 15 jours ou cha- humain ou porcin, concentrés de facteurs
que semaine au dernier trimestre. En cas de throm- prothrombiniques activés (FEIBA), Ig par voie intra-
bopénie inférieure à 50 G/l, il est rare d’observer veineuse, corticoïdes. Les immunosuppresseurs
des manifestations hémorragiques en cours de gros- prescrits en cas d’évolution longue avec risque
sesse, probablement en raison de l’hypercoagulabi- hémorragique élevé permettent d’accélérer la dis-
lité. Cependant, des mesures thérapeutiques sont parition de l’anticorps, qui peut dans certains cas
prises lors de l’accouchement. Il est important de perdurer de longs mois.48
Hémostase et grossesse 139

Pathologies à risque thrombotique Déficits en protéine C ou en protéine S


Le risque thrombotique, beaucoup moins important
La thrombophilie peut se définir comme une prédis- que pour les déficits en antithrombine, survient
position héréditaire ou acquise à développer des plus souvent dans le post-partum que pendant la
thromboses vasculaires. grossesse. Plusieurs études51–53 estiment le risque
thrombotique pendant la grossesse à 7 % environ
Thrombophilie héréditaire pour la protéine C et inférieur à 1 % pour la protéine
S, alors que dans le post-partum le risque s’élève à
Elle se définit par un nombre limité d’anomalies 19 % pour la protéine C et 17 % pour la protéine
génétiques, chaque anomalie étant acceptée S.53–55 La prophylaxie anticoagulante est ainsi dis-
comme facteur de risque indépendant de maladie cutée au cas par cas ; obligatoire dans le post-
thromboembolique. Il s’agit soit de déficits en anti- partum, pour une durée d’au moins 6 semaines, elle
thrombine, en protéine C, en protéine S, soit de dépend pendant la gestation de la présence ou non
mutations ponctuelles des gènes de certains fac- d’un antécédent thrombotique. En l’absence de
teurs de coagulation, la mutation Q506 du facteur V thrombose antérieure, une surveillance clinique, le
et la mutation G20210A du facteur II. Ces anomalies port d’une contention élastique, la mesure d’un
entraînent soit une diminution de la capacité anti- marqueur préthrombotique (par exemple les
coagulante, soit un gain de la fonction procoagu- D-dimères plasmatiques) sont des éléments de sur-
lante, l’une et/ou l’autre entraînant une augmen- veillance suffisants. En cas d’antécédent personnel
tation du risque thrombotique.49 Actuellement, la de thrombose, une prophylaxie anticoagulante est
mutation C677T de la methylene tetrahydrofolate impérative, la date d’introduction du traitement
reductase et l’hyperhomocystéinémie ne sont pas étant discutée pour chaque patiente (cf. infra).
retenues comme facteurs pertinents de thrombo-
philie.50 La maladie thromboembolique reste la Mutations Q 506 du facteur V et G20210A
cause majeure de morbidité et de mortalité mater- du facteur II
nelle dans les pays développés. L’incidence des Ces deux mutations, d’une prévalence de 3 à 5 %
grossesses compliquées de thromboses a longtemps dans la population caucasienne, sont les plus fré-
été surestimée, variant de 1 à 2 pour 1 000 grosses- quents des marqueurs de thrombophilie hérédi-
ses.51 Une large étude, portant sur plus de taire. Leur implication dans l’augmentation du ris-
70 000 accouchements, a trouvé une incidence de que thrombotique de la grossesse est controversée,
thromboses de 0,86/1 000 accouchements, soit un risque surestimé pour certains,56,57 véritable enjeu
risque relatif de huit, et de 2,50/1 000 dans le de santé publique pour d’autres.58 La question de
post-partum, soit un risque multiplié par 25.50,51 La leur dépistage a ainsi été posée ; il est réservé aux
grossesse est considérée comme un facteur de ris- patientes ayant un antécédent thrombotique per-
que acquis, surajouté à la thrombophilie hérédi- sonnel ou familial, ou un antécédent de complica-
taire. tion vasculaire obstétricale (cf. supra).59,60

Déficit en antithrombine Thrombophilie acquise


En l’absence de traitement anticoagulant, le risque
thrombotique est très élevé, voisin de 40 %, pour- Il s’agit le plus souvent de la présence d’un anticoa-
centage concordant dans toutes les études.51–53 Il gulant de type lupique ou d’anticorps antiphospho-
est important de noter que les thrombophlébites lipides et/ou anticardiolipides, témoins d’un pro-
peuvent survenir précocement, dès le premier tri- cessus auto-immun dirigé contre les phospholipides
mestre. Quel que soit le terme, le risque thrombo- anioniques des membranes cellulaires. La décou-
tique est majeur, multiplié par 400,51 et impose verte d’un anticoagulant de type lupique ou d’un
une héparinothérapie à dose curative pendant anticorps antiphospholipides peut être fortuite au
toute la grossesse. Dans le post-partum, le traite- cours de la grossesse ou s’inscrire dans une patho-
ment anticoagulant est maintenu pendant au moins logie auto-immune déjà connue. Ces anomalies
3 mois. Un relais par la coumadine est alors pro- sont fréquemment associées à des thromboses,
posé, celle-ci ne contre-indiquant pas l’allaite- mais également à des fausses couches précoces à
ment. Chez les patientes ayant un lourd passé répétition. Leur récurrence peut être prévenue par
thrombotique, la perfusion de concentrés d’anti- un traitement précoce associant l’aspirine à faible
thrombine est nécessaire au moment de l’accou- dose (de 75 à 100 mg/j) à des corticoïdes, ou à une
chement, à une posologie permettant de maintenir prophylaxie anticoagulante en cas d’antécédents
un taux d’antithrombine supérieur à 70 %.52 de thrombose (cf. infra).
140 C. Boyer-Neumann

Thrombophilie, fausses couches fondamental. Les antivitamines K (AVK) passent le


et complications vasculaires obstétricales placenta, avec un risque de tératogénicité et d’hé-
morragie fœtale, et doivent être suspendues avant
Une thrombophilie acquise ou héréditaire peut aug- la huitième semaine d’aménorrhée, sauf dans des
menter le risque de survenue de pathologies obsté- situations exceptionnelles (femme porteuse d’une
tricales, souvent par le biais d’évènements throm- valve mécanique). Les héparines, quelles que
botiques placentaires. Cette problématique a soient leurs formes, ne passent pas le placenta et
entraîné une abondante littérature, aux résultats représentent de ce fait le traitement anticoagulant
souvent discordants. Dans la thrombophilie ac- de choix de la grossesse.64 Les héparines de bas
quise, la survenue de fausses couches précoces est poids moléculaire (HBPM) présentent de nombreux
bien démontrée chez les patientes ayant un syn- avantages par rapport aux héparines non fraction-
drome des antiphospholipides, et la recherche d’un nées : meilleure biodisponibilité, diminution des
anticorps antiphospholipides est justifiée en cas risques d’ostéoporose et de thrombopénie induite
d’antécédents d’au moins trois fausses couches par l’héparine, possibilité d’utiliser une injection
consécutives.51 Dans ces cas, l’efficacité d’un trai- sous-cutanée quotidienne. Par ailleurs, leur inno-
tement antiagrégant plaquettaire (aspirine, de 75 à cuité vis-à-vis du fœtus a été démontrée.61 L’arbre
100 mg/j), associé ou non à un traitement anticoa- décisionnel de prise en charge des traitements anti-
gulant (héparine à dose préventive) a été démon- coagulants chez ces patientes à risque est repré-
trée.51,61 L’association entre la présence d’une mu- senté sur la Figure 1.
tation Q506 du facteur V et la survenue de fausses Chez les femmes sans antécédent de thrombose
couches tardives (second trimestre) a été établie et ayant une seule anomalie de thrombophilie, une
par plusieurs études, alors que cette relation reste simple surveillance clinicobiologique est de mise
encore débattue pour la mutation G20210A du fac- pendant la grossesse (port d’une contention élasti-
teur II.60,61 La relation entre thrombophilie et sur- que, dosage mensuel des D-dimères), alors qu’une
venue de complications vasculaires obstétricales prophylaxie anticoagulante est systématique pen-
(prééclampsie, retard de croissance intra-utérin, dant les 4 semaines du post-partum.
mort fœtale in utero, hématome rétroplacentaire) En cas de thrombose non compliquée antérieure
reste incertaine.51,60,61 Une multiplication du ris- à la grossesse ou de thrombophilie à risque (anoma-
que par quatre à dix a été rapportée par certains, lies combinées), un traitement préventif par HBPM
alors que ce risque est faible ou absent pour est institué, par exemple énoxaparine 40 mg, une
d’autres.51,60,61 La raison de cette discordance injection sous-cutanée par jour, pendant les deux
s’explique en partie par le nombre insuffisant de derniers ou le dernier trimestre, l’indication étant
patientes incluses, par rapport aux patientes discutée au cas par cas. Dans tous les cas, l’accou-
contrôles appariées.60 Une étude récente62 montre chement est programmé, en laissant une fenêtre
une augmentation significative de complications thérapeutique de 48 heures. Dans le post-partum,
obstétricales chez les patientes porteuses d’ano- l’anticoagulation est reprise 12 heures après l’ac-
malies combinées (présence de deux mutations, couchement à la posologie antérieure, pendant 4 à
d’une mutation homozygote, d’une mutation hété- 6 semaines.
rozygote associée à un déficit en un inhibiteur ou à En cas de thrombose constituée pendant la ges-
un anticorps antiphospholipides). Pour les grosses- tation, avec ou sans thrombophilie, un traitement
ses suivantes, le bénéfice d’un traitement anticoa- curatif par HBPM est institué. La posologie initiale
gulant préventif (énoxaparine 40 mg/j ou 80 mg/j est adaptée, afin d’obtenir une activité anti-Xa
en cas d’anomalies combinées ou de surpoids) est comprise entre 0,5 et 1,2 UI/ml, 4 heures après
fortement suggéré, ce d’autant que des lésions l’injection, avec surveillance des plaquettes et port
thrombotiques placentaires ont été obser- d’une contention élastique. La posologie initiale
vées.60,61,63 doit être augmentée pendant la grossesse, adaptée
selon le poids ou après nouveau contrôle de l’acti-
vité anti-Xa.65 Dans les situations à risque thrombo-
Traitement anticoagulant gène très élevé, un relais par héparine à la seringue
électrique est mis en place au moment de l’accou-
Compte tenu de l’augmentation du risque thrombo- chement, en observant une fenêtre la plus courte
tique inhérent à la grossesse et au post-partum (cf. possible.65,66 Dans le post-partum, l’anticoagula-
supra), majorée d’autant par la présence d’une tion par héparine à une posologie identique est
thrombophilie, la mise en place d’un traitement rapidement reprise avec relais par AVK (couma-
anticoagulant est fréquemment discutée, à titre dine, Sintrom®), ceux-ci ne contre-indiquant pas
préventif ou curatif. Le choix de l’anticoagulant est l’allaitement.65
Hémostase et grossesse 141

Figure 1 Arbre décisionnel : algorithme de prise en charge des traitements anticoagulants chez les patientes à risque.
HBPM : héparine de bas poids moléculaire ; AVK : antivitamine K ; SA : semaines d’aménorrhée ; i.v. : intraveineuse.

En cas d’antécédents thrombotiques sévères de 3.65,66 L’accouchement (relais par héparine à la


(patientes à très haut risque) ayant justifié la mise seringue électrique) et le post-partum sont gérés
sous AVK au long cours (embolie pulmonaire récidi- comme chez les patientes à très haut risque avec la
vante, phlébite cérébrale, hypertension artérielle reprise des AVK au long cours.
pulmonaire), les AVK sont suspendues après 6 à
8 semaines de grossesse et relayées par une hépa-
rine curative (HBPM ou héparine non fractionnée) Références
maintenue jusqu’à l’accouchement. Avant l’accou-
chement, l’héparine est administrée à la seringue 1. Stirling Y, Woolf L, North WR, Segatchian MJ, Meade TW.
électrique et l’indication de l’analgésie locorégio- Haemostasis in normal pregnancy. Thromb Haemost 1984;
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l’héparine semble ne pas avoir été prescrite à une 6. Burrows RF. Platelets disorders in pregnancy. Curr Opin
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Pour en savoir plus
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with venous thromboembolism associated with pregnancy. sensus du 14 mars 2004.
Br J Obst Gynaecol 2000;107:565–9. www.alrf.asso.fr/site/obstetrique/fichetech/hbpm00.pdF.
790-796 Moradpour 098_f.qxp 2.10.2008 8:58 Uhr Seite 790

CURRICULUM Forum Med Suisse 2008;8(42):790–796 790

Hépatopathies gravidiques
Darius Moradpoura, Isabelle Pachea, Patrick Hohlfeldb
Centre Hospitalier Universitaire Vaudois, Université de Lausanne, Lausanne
a
Service de Gastroentérologie et d’Hépatologie et b Département de Gynécologie-Obstétrique et Génétique Médicale

Introduction
Quintessence
쎲 Les hépatopathies sont rares au cours de la grossesse, mais peuvent avoir des Parmi les hépatopathies de la grossesse, nous
conséquences dramatiques pour la mère et l’enfant si elles ne sont pas diagnos- distinguons principalement les pathologies spé-
tiquées à temps. cifiques de la grossesse (icterus e graviditate)
des intercurrrentes (icterus in graviditate)
쎲 On différencie principalement les hépatopathies spécifiquement secondaires
(tab. 1 p) [1–3]. Parmi les premières figurent les
à la grossesse des intercurrentes. Parmi les premières, on peut citer les mani-
manifestations hépatiques de l’hyperemesis
festations hépatiques de l’hyperemesis gravidarum, la cholestase intrahépatique
gravidarum (vomissements incoercibles de la
gravidique, les atteintes hépatiques lors d’une (pré-)éclampsie, y compris le syn-
grossesse), la cholestase intrahépatique gravi-
drome HELLP, et la stéatose hépatique aiguë gravidique.
dique, la participation du foie dans la préclamp-
쎲 Le diagnostic différentiel est basé sur l’anamnèse (stade de la grossesse), la sie et l’éclampsie, y compris le syndrome HELLP
clinique, quelques examens de laboratoire et l’échographie comme imagerie de («hemolysis, elevated liver tests, low platelets») et
première intention. la stéatose aiguë gravidique, avec un très im-
portant recoupement entre les derniers. Les
쎲 Le traitement d’une cholestase intrahépatique gravidique par acide ursodé-
hépatopathies spécifiquement gravidiques se
soxycholique améliore le prurit et les tests hépatiques maternels. Une surveil-
produisent à des stades caractéristiques de la
lance rapprochée de la grossesse reste cependant indispensable.
grossesse (fig. 1 x) et sont en principe réver-
쎲 Lors d’un syndrome HELLP ou d’une stéatose hépatique aiguë gravidique, il sibles après l’accouchement. Les hépatopathies
faut procéder à l’accouchement le plus vite possible. intercurrentes comprennent des maladies dans
lesquelles la grossesse peut être le facteur dé-
쎲 Toutes les hépatopathies déjà connues nécessitent un suivi strict durant la
grossesse. clenchant (par ex. cholélithiase, syndrome de Budd-
Chiari), des hépatopathies survenant par hasard
au cours de la grossesse, dont certaines peuvent
Summary
avoir une évolution grave (par ex. hépatite E) et
Pregnancy-associated liver diseases des complications hépatiques d’hépatopathies
쎲 While liver diseases are a rare occurrence in pregnancy, they may have préexistantes, la plupart chroniques. La gros-
dramatic implications for mother and child if not detected in good time. sesse après transplantation hépatique est une
situation à part.
쎲 A distinction is drawn between pregnancy-specific liver diseases and inter-
current liver diseases during pregnancy. The former include hepatic mani-
festations of hyperemesis gravidarum, intrahepatic cholestasis of pregnancy, Variations physiologiques
hepatic involvement in preeclampsia or eclampsia, including the HELLP syn- pendant la grossesse
drome, and acute fatty liver of pregnancy.
쎲 Differential diagnosis of pregnancy-associated liver disorders is based on Au cours d’une grossesse normale se produisent
history (stage of pregnancy), clinical findings, a few laboratory tests and ultra- des variations physiologiques dont il faut tenir
sound as the primary imaging technique. compte dans le diagnostic différentiel des hépa-
topathies gravidiques (tab. 2 p). Le volume, la
쎲 Treatment of intrahepatic cholestasis of pregnancy with ursodeoxycholic morphologie et la perfusion du foie restent prati-
acid improves pruritus and maternal liver tests. Close monitoring of pregnancy quement stables. Suite à l’hémodilution, l’albu-
remains however indispensable. minémie diminue de 10 à 20%. Parallèlement à
쎲 In HELLP syndrome and acute fatty liver of pregnancy the aim should be rapid cela, les taux de bilirubine ont tendance à être plus
delivery. bas pendant une grossesse normale. La phospha-
tase alcaline augmente régulièrement, surtout
쎲 Preexisting liver diseases require intensified monitoring during pregnancy. durant le troisième trimestre, mais n’atteint que
rarement des valeurs supérieures à deux fois la

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norme. Cette augmentation résulte d’une produc- prothrombine reste également stable. Les trigly-
tion placentaire. L’intérêt de la phosphatase alca- cérides et le cholestérol augmentent.
line comme paramètre de cholestase est donc Pendant une grossesse normale, des lésions vas-
limité pendant la grossesse. La g-GT par contre culaires cutanées semblables à celles vues dans
peut légèrement diminuer pendant la grossesse. la cirrhose (angiomes stellaires ou «spider
Les transaminases (alanine-aminotransférase naevi», érythème palmaire) peuvent se manifes-
[ALT] et aspartate-aminotransférase [AST]) res- ter. Ces lésions sont plus marquées à l’approche
tent dans les normes. Elles ont donc une impor- du terme et régressent la plupart du temps dans
tance particulière dans le diagnostic des hépato- les deux mois qui suivent l’accouchement.
pathies au cours de la grossesse. Le temps de

Hépatopathies spécifiques
Tableau 1. Hépatopathies gravidiques de la grossesse
(modifié d’après [1]).

Hépatopathies spécifiques de la grossesse


Le paragraphe suivant résume la pathogenèse,
la clinique, le diagnostic et le traitement des hé-
– Vomissements incoercibles de la grossesse
– Cholestase gravidique patopathies gravidiques. Pour des informations
– Atteinte hépatique dans la (pré-)éclampsie plus détaillées, nous renvoyons les lecteurs aux
– Stéatose hépatique aiguë gravidique excellentes revues de Trauner et al. [1], van Dyke
Hépatopathies intercurrentes pendant la grossesse [2] et Hay [3].
– Grossesse comme facteur déclenchant possible
de pathologies hépatobiliaires
– Hépatopathies intercurrentes survenant au hasard Vomissements incoercibles de la
– Complications d’hépatopathies préexistantes
grossesse (hyperemesis gravidarum)
Les vomissements incoercibles de la grossesse
Tableau 2. Variations physiologiques pendant ne sont pas une hépatopathie stricto sensu. Ils se
la grossesse.
produisent typiquement durant le 1er trimestre
Albumine 4 10–20% et lors de moins de 1% des grossesses. Une aug-
Bilirubine stable ou légèrement 4 mentation des transaminases s’observe jusque
Phosphatase alcaline 2 jusqu’à 2 fois la norme dans 50% et un léger ictère dans quelque 10%
γ-GT stable ou légèrement 4 des cas [1–3] (tab. 3 p). Le pronostic est favora-
Transaminases (ALT, AST) stables
ble, le traitement symptomatique (réhydrata-
tion, antiémétiques).
Temps de prothrombine stable
Cholestérol 2 jusqu’à 2 fois la norme

Cholestase intrahépatique gravidique

1 TM 2 TM 3 TM La cholestase intrahépatique gravidique est


l’hépatopathie spécifique de la grossesse la plus
fréquente [1–3]. Elle se manifeste typiquement
ICP dans la seconde moitié de la grossesse et se ca-
ractérise par un prurit cholestatique, une ascen-
sion des taux sériques d’acides biliaires et une
HG
normalisation rapide après l’accouchement. Son
incidence est variable selon les régions (<1% en
Europe centrale, Amérique du Nord, Asie et
Pré(-éclampsie)
Australie; 1 à 2% en Scandinavie; 5 à 20% au
Chili et en Bolivie).
HELLP
Pathogenèse
Sa pathogenèse est multifactorielle, avec inter-
AFLP
vention de facteurs hormonaux, génétiques et en-
vironnementaux. L’effet cholestatique des taux
augmentés d’œstrogènes et de gestagènes joue un
rôle déterminant. L’incidence de la cholestase gra-
Figure 1 vidique est plus élevée dans les grossesses gémel-
Manifestations au cours du temps des hépatopathies spécifiques de la grossesse (d’après [1]). laires par exemple. Les différences saisonnières
TM trimestre
d’incidence de la cholestase gravidique (plus
ICP «intrahepatic cholestasis of pregnancy» (cholestase intrahépatique gravidique)
HG hyperemesis gravidarum fréquente en hiver qu’en été) sont notamment
HELLP «hemolysis, elevated liver tests, low platelets» considérées comme l’intervention de facteurs
AFLP «acute fatty liver of pregnancy» (stéatose hépatique aiguë gravidique) environnementaux. Une importance particulière
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est attribuée au système de transport canalicu- dive lors d’une grossesse ultérieure est de 45 à 70%.
laire de la bile. Mentionnons ici surtout les muta- Le risque d’accouchement prématuré est d’environ
tions hétérozygotes du gène ABCB4, codant pour 20%, et celui de mort intra-utérine de 1 à 2% [1–3].
le transporteur canaliculaire des phospholipides Les complications fœtales sont en corrélation avec
MDR3 («multidrug resistance protein 3»). le taux sérique d’acides biliaires [6].

Clinique et diagnostic
Le symptôme clinique dominant est le prurit Pré-éclampsie, éclampsie
(pruritus gravidarum). Un ictère se produit dans et syndrome HELLP
quelque 20% des cas, en général avec une latence
de 2 à 3 semaines. Au laboratoire, il y a une ascen- La prééclampsie est caractérisée par une hyper-
sion légère à modérée des transaminases (tab. 3) et tension artérielle et une protéinurie. Elle survient
de la phosphatase alcaline. La g-GT est typiquement dans la seconde moitié de la grossesse, plus
normale ou seulement légèrement augmentée volontiers sur fond d’hypertension, chez des
(tab. 3). Les paramètres diagnostiques, et donc pro- primigestes particulièrement jeunes ou âgées, et
nostiques, sont par conséquent les taux sériques dans les grossesses multiples. Son incidence peut
d’acides biliaires à jeun augmentés (>10 mmol/l). atteindre 5%. Si elle s’accompagne de convulsions,
il est question d’éclampsie (incidence 0,1 à 0,2%).
Traitement Le foie est impliqué dans 10 à 30% des pré-
L’acide ursodésoxycholique est sûr, il améliore le éclampsies et 70% environ des éclampsies [1–3].
prurit, fait baisser le taux sérique d’acides bi- De graves complications telles qu’hématome et rup-
liaires, a un effet bénéfique sur les tests hépa- ture hépatiques s’observent dans 1 à 2% des cas.
tiques maternels et diminue aussi probablement Le syndrome HELLP est une complication de la
l’incidence des accouchements prématurés, grave prééclampsie, et dans 15% des cas, il n’y a
mais aucune diminution du risque de complica- pas d’hypertension artérielle. Il se voit chez 10%
tions fœtales n’a encore pu être confirmé à des patientes souffrant de grave pré-éclampsie,
l’heure actuelle [4, 5]. Comme alternative théra- donc globalement dans 0,5% des grossesses.
peutique, la dexaméthasone peut être envisagée, La plupart des cas s’observent entre la 27e et la
qui stimule en même temps la maturation des 36e semaine de grossesse. Le syndrome HELLP
poumons. La colestyramine peut accentuer une se manifeste cependant en postpartum dans 30%
carence en vitamine K secondaire à la choles- des cas, en général dans les 2 jours suivant l’ac-
tase. Les patientes ayant une cholestase gravi- couchement.
dique doivent être surveillées de très près (CTG,
échographie Doppler, acides biliaires, transami- Pathogenèse
nases et bilirubine). Un accouchement provoqué Pathogénétiquement, c’est une activation endo-
peut parfois s’avérer indispensable, surtout si les théliale, avec vasoconstriction et hypercoagula-
acides biliaires sont très augmentés (>40 mmol/l), tion, qui est au premier plan. L’agrégation des
à titre préventif [6]. thrombocytes et les thrombi fibrineux provo-
quent une thrombopénie, une anémie hémoly-
Pronostic tique microangiopathique et des lésions orga-
La cholestase gravidique est la plupart du temps niques ischémiques.
réversible dans les 1 à 2 jours suivant l’accouche-
ment. Le pronostic maternel est donc bon. Le risque Clinique et diagnostic
de lithiase biliaire est augmenté. Le risque de réci- Le spectre de l’atteinte hépatique dans la pré-
éclampsie et l’éclampsie va d’une discrète ascen-
sion des transaminases à l’infarcissement hépa-
Tableau 3. Examens de laboratoire typiques dans les hépatopathies spécifiquement tique, en passant par le syndrome HELLP, avec les
gravidiques. complications potentiellement fatales que sont
ALT Bilirubine [µmol/l] Acides biliaires TP Tc l’hématome et la rupture hépatiques. Dans le syn-
HG 1–3x 2 <68 = = = drome HELLP, en plus des symptômes typiques des
ICP 1–10x 2 <86 2 = / (2) = éclampsies, il y a des symptômes aspécifiques tels
Pré-éclampsie/ 1–100x 2 <86 = =/2 =/4
que douleurs épigastriques, nausée et vomisse-
éclampsie ment surtout. Un ictère n’est manifeste que dans
Syndrome HELLP 1–10x 2 <86 = =/2 4
5% des cas. Au laboratoire, il y a une anémie hé-
molytique, une thrombopénie et une ascension des
AFLP 1–5x 2 <171 = 2 =/4
transaminases. Des fragmentocytes se voient dans
ALT alanine-aminotransférase
TP temps de prothrombine
les cas typiques.
Tc thrombocytes
HG hyperemesis gravidarum Traitement
ICP «intrahepatic cholestasis of pregnancy» (cholestase intrahépatique gravidique) En cas de pré-éclampsie grave, d’éclampsie et de
HELLP «hemolysis, elevated liver tests, low platelets» syndrome HELLP, l’objectif est un accouchement
AFLP «acute fatty liver of pregnancy» (stéatose hépatique aiguë gravidique)
rapide.
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Pronostic des tests hépatiques. Une insuffisance rénale,


La mortalité maternelle est <1% dans les centres une leucocytose, une thrombopénie et des frag-
spécialisés. Les décès sont dus en tout premier mentocytes les accompagnent souvent.
lieu à des complications cérébrales, et très rare-
ment seulement à des complications hépatiques. Traitement
La mortalité néonatale est de 10 à 35%. L’accouchement dans les plus brefs délais est
Le syndrome HELLP est en principe réversible prioritaire. Une transplantation hépatique n’est
après l’accouchement, mais son importance nécessaire que dans des cas isolés.
peut augmenter passagèrement en postpartum
immédiat. Le risque de syndrome HELLP lors Pronostic
d’une grossesse ultérieure est de 3 à 27% selon Le pronostic est déterminé par le degré d’insuf-
les auteurs. fisance hépatique, et toutes les complications
d’une insuffisance hépatique fulminante peu-
vent être présentes. La mortalité avant 1980
Stéatose hépatique aiguë gravidique allait jusqu’à 85%. Actuellement, avec un diag-
nostic posé plus rapidement, l’accouchement
La stéatose hépatique aiguë gravidique est une rapide et la prise en charge en médecine inten-
complication rare, mais potentiellement fatale, sive, elle est inférieure à 20%. Les récidives lors
dont l’incidence est de 1 pour 10 000 à 15 000 d’une grossesse ultérieure sont très rares. En
grossesses [1–3]. Les cas discrets sont proba- présence d’un déficit de la LCHAD, le risque de
blement plus fréquents. Elle se produit typique- récidive est de 25%.
ment au dernier trimestre, en général après la
35e semaine, mais s’observe également dans
l’immédiat postpartum. Elle est plus fréquente Hépatopathies intercurrentes
chez les primigestes, dans les grossesses gémel- pendant la grossesse
laires et avec un fœtus masculin. Sa caractéris-
tique histologique est une stéatose microvésicu- Les hépatopathies intercurrentes pendant la
laire, tout comme dans le syndrome de Reye et grossesse comprennent des pathologies hépato-
les intoxications au valproate ou aux tétracy- biliaires, pour lesquelles la grossesse peut être
clines (fig. 2 x). un facteur déclenchant, les hépatopathies inter-
currentes survenant au hasard et les complica-
Pathogenèse tions hépatologiques d’hépatopathies préexis-
La pathogenèse est dominée par une augmenta- tantes.
tion des triglycérides et des acides gras libres au
cours de la grossesse, de même que par des
déficits dans la b-oxydation mitochondriale. Dix Grossesse comme facteur déclenchant
à 20% des cas s’accompagnent de déficits enzy- possible de pathologies hépatobiliaires
matiques de la «long chain 3-hydroxyacyl coen-
zyme A dehydrogenase» (LCHAD) [7]. La muta- Cholélithiase
tion du glutamate 474 en glutamine (E474Q) est Une lithogénicité accrue de la bile et la vidange
typique, avec une constellation à risque chez une ralentie de la vésicule biliaire pendant la gros-
mère hétérozygote portant un fœtus homozygote sesse prédisposent à la cholélithiase. Jusqu’à un
ou compound-hétérozygote. Ainsi donc, il est
recommandé de rechercher une mutation
LCHAD-E474Q dans la famille de patientes ayant
développé une stéatose hépatique aiguë gravi-
dique.

Clinique
Lors de toute perturbation des fonctions hépa-
tiques en fin de grossesse, il faut penser à une
stéatose hépatique aiguë gravidique. Les symp-
tômes initiaux sont aspécifiques. En l’absence de
traitement suivent l’ictère et le tableau complet
de l’insuffisance hépatique aiguë. Vingt à 50%
des cas de stéatose hépatique aiguë gravidique
présentent en outre des signes de pré-éclampsie
ou d’un syndrome HELLP.
Figure 2
Les signes de grave insuffisance hépatique (en-
Stéatose hépatique microvésiculaire (cliché fort aimable-
céphalopathie hépatique, hypoglycémie, trou- ment mis à disposition par le Prof. Laura Rubbia-Brandt,
bles de la coagulation) sont souvent frappants Service de Pathologie Clinique, Hôpitaux Universitaires
par rapport à l’ascension relativement modérée de Genève).
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tiers des femmes présenteront pendant leur longé et la bilirubine légèrement augmentée
grossesse un sludge vésiculaire, et à terme, des seulement. La biopsie hépatique et la mise en
calculs vésiculaires se voient chez 10 à 12% des évidence du virus permettent de poser le diag-
parturientes [2]. Après l’accouchement, le nostic.
sludge disparaît pratiquement toujours et les
calculs dans un tiers des cas en l’espace d’une
année. Les coliques biliaires touchent un tiers Complications d’hépatopathies
des femmes enceintes ayant des concrétions préexistantes
vésiculaires. Une cholécystite aiguë apparaît
dans 1 à 8 grossesses sur 10 000. Le diagnostic Chez les femmes souffrant d’hépatopathies chro-
se fait tout d’abord par échographie. Le traite- niques, surtout lors de cirrhose à un stade
ment doit être conservateur dans toute la mesure avancé, les grossesses sont rares. Mais, le cas
du possible, et uniquement en seconde intention échéant, se pose la question du risque pour la
par intervention endoscopique ou chirurgicale. mère et l’enfant qu’elle porte.

Syndrome de Budd-Chiari Cirrhose


Le syndrome de Budd-Chiari est une complication La morbidité et la mortalité des femmes en-
rare de la grossesse. Il est dominé cliniquement ceintes ayant une cirrhose sont nettement plus
par des douleurs abdominales, une hépato- élevées, selon la fonction hépatique résiduelle et
mégalie et de l’ascite. L’ictère est rare. Le diag- l’importance de l’hypertension portale. Les hé-
nostic se fait essentiellement par échographie- morragies sur varices œsophagiennes sont une
Doppler. Les attitudes thérapeutiques sont les complication redoutée. Avortements et accou-
mêmes qu’en dehors de la grossesse. chements prématurés sont fréquents. Les nou-
veau-nés vivants sont généralement en bonne
santé et se développent normalement.
Hépatopathies intercurrentes
survenant au hasard Hépatite auto-immune
Les patientes ayant une hépatite auto-immune
L’ictère gravidique est le plus souvent imputable bien contrôlée par médicaments tolèrent géné-
à une hépatite virale. L’évolution clinique et le ralement bien leur grossesse. Mais de graves
pronostic ne sont pas différents chez la femme exacerbations et même des décès ont été décrits
enceinte ou non, à l’exception des hépatites A et après arrêt du traitement immunosuppresseur
E et de l’hépatite herpétique (virus de l’Herpes pendant la grossesse. Ce traitement doit donc à
simplex, VHS). tout prix être poursuivi pendant toute la grossesse.
L’azathioprine pendant la grossesse est contro-
Hépatite A versée en raison de son éventuel effet tératogène.
Selon un travail récemment publié, l’hépatite A Les expériences faites jusqu’ici, même chez les
aiguë pendant la grossesse est associée à une patientes transplantées et chez les patientes
incidence accrue de complications et de préma- souffrant de pathologies intestinales inflamma-
turité [8]. toires chroniques, n’ont cependant montré aucun
accroissement du risque de malformations. Il
Hépatite E faut être particulièrement attentif à toute exa-
L’infection par le virus de l’hépatite E (VHE) au cerbation, voire intensifier le traitement en post-
dernier trimestre, avec une mortalité de 15 à partum.
20%, présente un risque considérable pour la
femme enceinte. L’hépatite E est un facteur de Hépatite B chronique
mortalité pour les femmes enceintes en Asie, Dans l’hépatite B chronique, c’est la prévention
Afrique et Amérique centrale. de la transmission au nouveau-né qui est priori-
taire. Le dépistage de l’HBsAg des femmes en-
Hépatite à VHS ceintes est actuellement un standard. En cas de
L’hépatite à VHS est rare chez les adultes par preuve d’une infection à virus de l’hépatite B
ailleurs en bonne santé. Quelque 50% des cas ont (VHB) chez la mère, le nouveau-né doit être im-
cependant été observés pendant une grossesse. munisé activement et passivement immédiate-
Sa mortalité peut atteindre 40%. Un diagnostic ment après sa naissance.
posé rapidement et la mise en route immédiate
d’un traitement antiviral peuvent être salvateurs. Hépatite C chronique
La présentation clinique typique comprend Chez les patientes ayant une hépatite C chro-
fièvre, symptômes d’allure grippale et douleurs nique, les transaminases sont parfois normali-
abdominales. Les lésions mucocutanées sont sées, souvent en association à une augmentation
absentes dans la moitié des cas. Les transami- de la virémie. Un traitement antiviral par inter-
nases sont massivement élevées (typiquement féron-a pégylé et ribavirine est contre-indiqué
>1000 U/l), le temps de prothrombine est pro- pendant la grossesse. Le risque de transmission
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du virus de l’hépatite C (VHC) à l’enfant est d’en- tuellement adaptation des concentrations de
viron 5% [9]. S’il y a en plus une infection à VIH, cyclosporine A et de tacrolimus. L’emploi du
le risque de transmission atteint 20 à 30% en mycophénolate mofétil ou de la rapamycine est
raison d’une virémie VHC plus élevée, mais un déconseillé pendant la grossesse.
traitement antiviral adéquat du VIH parvient à
abaisser nettement ce risque. S’il ne s’agit que
d’une infection à VHC, les données actuelles ne Diagnostic différentiel
permettent pas de recommander une césarienne des hépatopathies gravidiques
élective. Il faut éviter dans toute la mesure du
possible les manipulations invasives (par ex. mo- Si les tests hépatiques augmentent pendant la
nitoring du sang du scalp fœtal). L’amniocentèse grossesse, il faut en principe faire la distinction
est elle aussi déconseillée. L’allaitement est cepen- entre hépatopathies spécifiques de la grossesse
dant considéré comme inoffensif en matière de et intercurrentes. Le stade de la grossesse, l’évo-
transmission du VHC. lution de précédentes grossesses et l’anamnèse
Une virémie transitoire s’observe parfois chez le familiale peuvent donner d’importants éléments
nouveau-né. Les anticorps maternels peuvent diagnostiques. Les symptômes et signes cli-
être présents jusqu’à 18 mois après l’accouche- niques tels que prurit, ictère, épigastralgies, hy-
ment. Le diagnostic d’infection à VHC chez l’en- pertension et œdèmes sont particulièrement im-
fant se base donc sur au moins deux PCR posi- portants. Les principaux examens de laboratoire
tives après le 2e mois de vie et/ou une sérologie sont les transaminases, la bilirubine, les acides
anti-VHC positive après le 18e mois [9]. biliaires sériques, la formule sanguine (throm-
bopénie, anémie), le temps de prothrombine et
Maladie de Wilson la protéinurie (tab. 3). L’échographie est le pre-
Le traitement de la maladie de Wilson doit abso- mier examen d’imagerie diagnostique. Une
lument se poursuivre pendant la grossesse. Des biopsie hépatique n’est que rarement indiquée
réactivations graves de la maladie, fatales dans (par ex. en cas de suspicion de stéatose hépa-
de très rares cas, ont été observées après inter- tique aiguë gravidique ou d’hépatite à VHS).
ruption du traitement par chélateur. Il est re- Si un tableau cholestatique avec prurit se pré-
commandé de réduire la dose de D-pénicillamine sente au dernier trimestre, il faut penser en tout
ou de trientine à 250 à 500 mg par jour durant premier lieu à la cholestase gravidique. Le diag-
le dernier trimestre. La substitution de pyri- nostic différentiel comporte entre autres des pa-
doxine doit elle aussi être poursuivie pendant thologies dermatologiques, une hépatopathie
toute la grossesse. Le zinc en traitement d’en- médicamenteuse, une manifestation cholesta-
tretien est une alternative possible à la D-péni- tique d’une hépatopathie préexistante, comme
cillamine ou à la trientine. une hépatite C ou une cirrhose biliaire primitive,
ou une cholestase sur calculs biliaires. En cas de
Tumeurs hépatiques nausée et de vomissements au 1er trimestre, il
Les adénomes hépatiques peuvent augmenter de s’agit le plus probablement de vomissements in-
volume, voire éclater pendant une grossesse. Il coercibles de la grossesse. Si les mêmes symp-
faut donc prévoir une résection des grands adé- tômes surviennent au cours de la seconde moi-
nomes (>5 cm) avant une grossesse envisagée. tié de la grossesse, accompagnés de céphalées,
œdèmes et douleurs abdominales, il faut penser
Grossesse après transplantation hépatique à la (pré-)éclampsie, au syndrome HELLP et à la
Alors que la cirrhose avec insuffisance hépatique stéatose hépatique aiguë gravidique. L’ascension
à un stade avancé est généralement associée à des transaminases est utile pour le diagnostic
une aménorrhée et à une infertilité, une trans- différentiel. Une ALAT très élevée (>20 fois la
plantation hépatique chez des patientes prémé- norme) parle en faveur d’une hépatite virale
nopausées normalise leur fertilité après quelque aiguë, d’un infarcissement hépatique, d’un hé-
mois [10]. Une contraception sûre doit donc être matome intrahépatique ou d’une rupture du foie,
discutée rapidement après la transplantation complication d’une (pré-)éclampsie. Une ALAT
hépatique. <10 fois la norme se voit dans la cholestase gra-
Une grossesse après transplantation hépatique vidique d’une part, mais typiquement dans le
exige une prise en charge rapprochée et inter- syndrome HELLP, la stéatose hépatique gravi-
disciplinaire. L’incidence de fausse-couche, re- dique et le syndrome de Budd-Chiari aigu. Une
tard de croissance intra-utérine et prématurité thrombopénie, avec ou sans signes de coagula-
est élevée. Ces enfants se développent cependant tion intravasculaire disséminée, se voit dans la
normalement. Une grossesse 1 à 2 ans après (pré-)éclampsie, le syndrome HELLP et la stéa-
transplantation est généralement considérée tose hépatique aiguë gravidique.
comme sûre, pour autant que la fonction de la
greffe soit stable [10]. Le traitement immuno-
suppresseur doit être poursuivi pendant toute la
grossesse, avec surveillance rapprochée et éven-
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EMC-Néphrologie 1 (2004) 44–54

www.elsevier.com/locate/emcnep

Insuffisance rénale aiguë et grossesse


Acute renal failure in pregnancy
X. Belenfant a,*, J.-L. Pallot b, K. Reziz c, S. Saint Léger d
a
Service de néphrologie dialyse, hôpital André-Grégoire, 56, boulevard de la Boissière,
93100 Montreuil-sous-Bois, France
b
Service de réanimation polyvalente adulte, hôpital André-Grégoire, 56, boulevard de la Boissière,
93100 Montreuil-sous-Bois, France
c
Service d’anesthésie, hôpital André-Grégoire, 56, boulevard de la Boissière,
93100 Montreuil-sous-Bois, France
d
Service de gynécologie obstétrique, hôpital André-Grégoire, 56, boulevard de la Boissière,
93100 Montreuil-sous-Bois, France

MOTS CLÉS Résumé L’insuffisance rénale aiguë de la grossesse regroupe toutes les causes de dégra-
Insuffisance rénale dation aiguë de la fonction rénale entre le début et la fin de la grossesse. Le seuil de
aiguë ; créatinine plasmatique définissant une insuffisance rénale aiguë (IRA) est abaissé chez la
Grossesse ; femme enceinte (créatinine plasmatique, 80 lmol l–1) compte tenu d’une augmentation
Prééclampsie ;
physiologique du débit de filtration glomérulaire lors de la grossesse normale. En pratique
Stéatose aiguë
gravidique clinique, les IRA spécifiques de la grossesse ont une distribution bimodale : les IRA du 1er
trimestre regroupent les IRA associées aux avortements septiques et aux vomissements
gravidiques ; les IRA du 3e trimestre sont dominées par les complications rénales liées à la
prééclampsie sévère et plus exceptionnellement à la stéatose aiguë gravidique. Les
autres causes d’IRA demeurent anecdotiques. Dans les pays ayant légalisé l’avortement et
disposant d’un suivi strict et obligatoire des grossesses, l’incidence de cette redoutable
complication obstétricale a considérablement diminué (incidence passant de
1/3 000 naissances à moins de 1/20 000). Cette incidence demeure donc extrêmement
variable selon les législations propres à chaque pays. Le pronostic vital maternel et fœtal
est lié à la précocité du diagnostic et à la célérité du traitement. La prise en charge de
telles patientes au 3e trimestre doit relever d’une structure sanitaire disposant de
« moyens lourds » de surveillance et de traitement pour la mère et le fœtus, structure
associant des compétences obstétricales, pédiatriques, néphrologiques et de réanima-
tion. L’IRA gestationnelle doit être discutée devant toute augmentation du taux de
créatinine plasmatique au-delà de 80 lmol l–1 et/ou d’oligurie. En effet, le seuil de
créatinine est abaissé pendant la grossesse : l’augmentation du débit sanguin rénal
s’accompagne d’une augmentation du débit de filtration glomérulaire responsable d’une
baisse de la créatinine plasmatique.
© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDS Abstract Acute renal failure (ARF) in pregnancy includes all causes of acute impairment
Acute renal failure; of renal function, from the beginning of pregnancy to delivery. The threshold-level of
Pregnancy; plasma creatinin that indicates ARF in the pregnant woman is lowered to 80 lmol l–1 due
to the physiological increase of the glomerular flow during normal pregnancy. In clinical

* Auteur correspondant.
Adresse e-mail : xavier.belenfant@chi-andre-gregoire.fr (X. Belenfant).

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doi: 10.1016/S1638-6248(04)00006-4
Insuffisance rénale aiguë et grossesse 45

practice, specific pregnancy ARFs follow a bi-modal distribution: ARFs of the 1st trimester
Pre-eclampsia; include those ARFs associated to septic abortions and gravidic emesia. 3rd trimester ARFs
Acute gravidic include essentially those renal complications related to severe pre-eclampsia and, more
steatosis exceptionally, to acute gravidic steatosis. The other causes of ARFs remain more rare. In
countries where abortion is legal and where pregnancies are bound to strict follow-up, the
incidence of this dangerous obstetrical complication has considerably regressed (from 1/
3,000 births to less than 1/ 20,000). This incidence remains highly variable from a country
to another, and differs according to the local legislation. The vital prognosis, both for the
foetus and the mother, is related to the earliness of the diagnosis, and the rapidity of
treatment initiation. The management of such patients at the 3rd trimester of pregnancy
should be undertaken in a sanitary environment fully equipped with follow-up and
treatment means, both for the mother and the foetus, and combining competences in
obstetrics, paediatrics, nephrology, and intensive care as well. Gestational ARF is to be
suspected in any case of increased creatinin level (>80 lmol l–1) and/ or oliguria since the
blood creatinin level is normally lowered during pregnancy.
© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Épidémiologie Insuffisance rénale aiguë


du 1er trimestre de la grossesse
La fréquence des insuffisances rénales aiguës (IRA)
de la grossesse est très différente dans les pays Insuffisance rénale aiguë fonctionnelle
développés et dans ceux en voie de développe- associée aux vomissements gravidiques
ment. Les données de prévalence et de pronostic
ne peuvent être interprétées sans tenir compte du Les vomissements22 incoercibles du 1er trimestre
contexte géographique dans lesquelles elles ont été compliquent environ 0,3 % des grossesses avant la
obtenues.1 12e semaine d’aménorrhée (SA). Ils peuvent parfois
L’IRA est devenue, en France, une complication par leur durée, leur intensité et l’intolérance diges-
exceptionnelle de la grossesse.2,3,4,5,6,7 Son inci- tive associée, s’accompagner d’une déshydratation
dence a fortement diminué dans les pays dévelop- extracellulaire importante. Cette hypovolémie
pés3,8,9 depuis la légalisation de l’avortement. plasmatique est responsable d’une hypoperfusion
Ainsi, avant la légalisation de l’avortement en rénale (baisse du débit sanguin rénal) responsable
France, la prévalence de l’IRA était estimée à d’une baisse du débit de filtration glomérulaire
1/3 000 naissances, la plupart des insuffisances définissant une insuffisance rénale fonctionnelle
rénales gestationnelles étant alors imputables aux (aussi appelée insuffisance prérénale).
complications septiques des avortements clandes-
tins du 1er trimestre de la grossesse. Depuis sa Diagnostic positif23,24,25
légalisation (1975), cette prévalence est estimée à Le diagnostic est généralement évoqué au début du
1/20 000.3,6,7,9,10,11 Ces dernières années, les IRA 1er trimestre chez une patiente jeune (< 20 ans)
gestationnelles surviennent surtout au 3e trimestre primipare, présentant depuis plusieurs jours des
dans un contexte le plus souvent de prééclampsie vomissements incoercibles.
sévère. Ces modifications expliquent que les IRA Les examens biologiques (ionogrammes sanguin
gestationnelles ne représentent plus qu’un infime et urinaire) confirment rapidement le diagnostic.
pourcentage des IRA de l’adulte (moins de 1,5 % Les ionogrammes sanguin et urinaire montrent :
dans les années 1990-2000, versus 20-50 % dans les • une hémoconcentration : protidémie et héma-
années 1950-1970).12,13 tocrite élevées ;
La baisse d’incidence de l’IRA gestationnelle est • une alcalose métabolique (perte de HCl + alca-
encore plus forte quand une politique forte visant à lose de contraction) : augmentation générale-
faciliter le suivi des grossesses a été mise en place. ment majeure du taux de bicarbonate plasma-
La mise en place d’un suivi strict et obligatoire de la tique [HCO3–] > 30 mmo l l–1);
grossesse permet de cibler les parturientes à haut • une hypokaliémie souvent majeure
risque de complications fœtales ou maternelles et [K+] < 3 mmo l l–1);
d’optimiser leur prise en charge. • une natrémie normale ou basse (si l’ingestion
L’incidence de l’IRA gestationnelle et ses princi- d’eau demeure possible);
pales étiologies demeurent donc étroitement liées • une natriurèse basse [Na+] u < 20 mmol l–1 ;
aux politiques et aux moyens sanitaires de chaque • une fraction excrétée urinaire de Na+
état.2,8,10,14,15,16,17,18,19,20,21 FE·Na+ < 1 % ;
46 X. Belenfant et al.

• des urines concentrées : [urée] u [urée] p > 10, tion de la fibrine [PDF] (+), D-dimères [DD] (+),
[créatinine]u/[créatinine]u > 40, sans protéi- thrombopénie), une insuffisance rénale.
nurie, sans hématurie à la bandelette urinaire.
Une cétonurie de jeûne est possible sans glyco- Stratégie thérapeutique et pronostic
surie ni hyperglycémie. néphrologique
Une discrète cytolyse hépatique24 (< 5-10 N) et Le traitement sera symptomatique et spécifique :
une augmentation de la bilirubine peuvent être • spécifique :27 antibiothérapie précoce systé-
observées (20 % des cas). matique (ampicilline – acide clavulanique +
aminoside + métronidazole) associée à une la-
Stratégie thérapeutique26 parotomie exploratrice en cas de péritonite ou
Le traitement symptomatique comprend, en cas de suspicion de perforation utérine ;
d’insuffisance rénale, une réhydratation par voie • symptomatique :27 suppléance hémodynami-
parentérale en milieu hospitalier. L’expansion vo- que et des autres défaillances viscérales.
lumique par cristalloïdes (sérum physiologique NaCl
0,9 %) permet de corriger la déplétion sodée ainsi Pronostic13
que l’alcalose métabolique. Le déficit potassique Le pronostic vital peut être compromis en cas de
doit systématiquement être compensé. Le recours défaillance multiviscérale (taux de décès mater-
exceptionnel et transitoire à la dialyse25 peut se nels de 15 %).
révéler nécessaire en cas de nécrose tubulaire Si le cap aigu est passé, le risque d’insuffisance
aiguë secondaire à une déshydratation intense rénale chronique par nécrose corticale13,28 de-
et/ou prolongée. meure non négligeable (8 %). Le diagnostic est
Le traitement symptomatique des vomissements suspecté en cas d’absence de reprise de la diurèse
fera appel aux antiémétiques (métoclopramide ou et d’insuffisance rénale persistante après 3 semai-
doxylamine) ou, dans des formes incoercibles, à la nes de prise en charge symptomatique efficace.
chlorpromazine ou prométhazine.26 L’angio-imagerie par résonance magnétique (angio-
IRM)29 peut établir le diagnostic en montrant l’ab-
Pronostic sence de vascularisation corticale totale ou par-
En cas de traitement précoce, la fonction rénale tielle. En l’absence d’angio-IRM ou d’angioscanner,
récupère ad integrum. l’artériographie29 conventionnelle confirme le dia-
gnostic en montrant un aspect en arbre mort bila-
Insuffisance rénale aiguë dans un contexte téral. Une récupération est possible en cas de né-
septique : avortement septique crose partielle, au prix souvent d’une HTA et d’une
insuffisance rénale séquellaire. La plupart des pa-
Les avortements clandestins dans des conditions ne tientes demeurent malheureusement en dialyse
respectant pas les conditions d’asepsie peuvent se chronique.
compliquer d’infection utérine, de perforation uté-
rine et de choc septique.
Insuffisance rénale aiguë du 3e trimestre
Diagnostic positif13
Le diagnostic doit être évoqué de principe chez une de la grossesse30
femme en âge de procréer dans un contexte de
sepsis à point de départ gynécologique. La gros- Insuffisance rénale aiguë dans un contexte
sesse n’est pas toujours déclarée et ce, d’autant de prééclampsie
que l’accouchement a été « clandestin ». L’examen
clinique permet d’orienter le diagnostic devant des L’insuffisance rénale est une complication rare de
plaies vulvaires, des métrorragies, des leucorrhées la prééclampsie.15,31
et une douleur au toucher vaginal. Une contracture La prééclampsie est caractérisée par une activa-
abdominale fait redouter une perforation utérine tion des cellules endothéliales responsable, au ni-
ou une pelvipéritonite. veau des capillaires et des artérioles, d’une activa-
L’examen clinique et les examens complémen- tion de l’agrégation plaquettaire (thrombose des
taires recherchent des signes de défaillance multi- petites artérioles, thrombopénie), d’une hémolyse,
viscérale : œdème pulmonaire lésionnel (polypnée, d’un syndrome de fuite capillaire (œdème intersti-
hypoxie, hypocapnie), une hépatite cytolytique, tiel, voire œdème pulmonaire lésionnel) et d’une
une coagulation intravasculaire disséminée (taux vasoconstriction aggravant l’ischémie tissulaire
de prothrombine [TP], fibrinogène bas, temps de (HTA et hypoperfusion placentaire).32,33,34,35,36,37
céphaline kaolin [TCK] allongé, produit de dégrada- Le syndrome de fuite capillaire et la vasoconstric-
Insuffisance rénale aiguë et grossesse 47

tion entraînent une hypovolémie plasmatique res- Traitement


ponsable d’une aggravation fonctionnelle de néph- La stratégie thérapeutique est guidée par la sévé-
ropathie organique. L’altération organique rénale rité du tableau maternel (défaillance viscérale uni-
est caractérisée par une endothéliose glomérulaire que ou multiple), la présence ou non d’un héma-
(turgescence des cellules endothéliales du floccu- tome rétroplacentaire, l’existence ou non d’une
lus glomérulaire) associée inconstamment à des souffrance fœtale et le terme de la grossesse.
dépôts sous-endothéliaux d’immunoglobuline M
(IgM) et de fraction C3 du complément.30,38 Ces Interruption rapide de la grossesse43,48
deux lésions élémentaires entraînent une diminu- L’interruption rapide de la grossesse s’impose
tion de la lumière des capillaires glomérulaires. Sur d’emblée :
le plan fonctionnel, ces lésions sont associées à une • pour raison fœtale : en cas de souffrance fœ-
protéinurie de débit variable, plus rarement à une tale aiguë lorsque le terme est supérieur à
insuffisance rénale. 24-26 SA ;
• pour raison maternelle : en cas d’éclampsie,
Diagnostic positif d’hématome ou de rupture hépatique, de dé-
La prévalence39,40,41,42,43,44,45 de l’IRA au cours de tresse respiratoire, d’hématome rétroplacen-
la prééclampsie sévère est estimée entre 0,8-7,4 %, taire.
voire entre 8 à 31 % en cas de syndrome HELLP Les modalités d’interruption de la grossesse se-
ront discutées plus loin.
(hemolysis, elevated liver enzyme, low plate-
let).43,46,47,48,49 Le syndrome HELLP, dans sa forme
Interruption programmée de la grossesse
complète, complique 25 % des prééclampsies sévè-
Si le terme est supérieur à 34 SA, il est inopportun
res.36,50
de poursuivre la grossesse compte tenu des risques
Le diagnostic37 est évoqué après 21 SA chez une
maternofœtaux encourus.37 Le travail est déclen-
parturiente présentant une hypertension artérielle
ché par voie basse sauf contre-indication. Pendant
(HTA) de découverte récente associée à une protéi-
la durée du travail, les complications maternelles
nurie de novo. Dans ce contexte, l’insuffisance et la viabilité fœtale sont régulièrement évaluées.
rénale43 de sévérité variable est associée à une La surveillance maternelle rigoureuse est mainte-
protéinurie généralement de fort débit (syndrome nue pendant au moins 48 heures en post-partum
néphrotique), une inflation hydrosodée souvent compte tenu d’une aggravation possible des attein-
marquée (œdème déclive, ascite, épanchement tes viscérales liées à la prééclampsie pendant cette
pleural) sans habituellement d’hématurie. période.
L’insuffisance rénale s’inscrit souvent dans le ca-
dre d’une atteinte multiviscérale :35,39,43,45,46,48,51 Temporiser sous strict contrôle materno-
Une atteinte hépatique39,52,53 (50 % des cas) peut fœtal27,40,44,57,58,59
survenir, dont l’expression peut être une douleur Cette attitude ne se conçoit que lorsque la struc-
en barre sus-épigastrique associée à une cytolyse ture sanitaire prenant en charge la femme enceinte
hépatique, rarement à un ictère. Plus exception- dispose de moyens de surveillance continue clini-
nellement, l’atteinte hépatique peut se compliquer que et biologique de la mère, et qu’elle a la possi-
d’un hématome ou d’une rupture hépatique.51 bilité d’effectuer un monitorage fœtal au minimum
Une atteinte hématologique39 est caractérisée biquotidien et dispose en son sein d’une unité de
par une hémolyse « mécanique » (augmentation des réanimation néonatale (en France, maternité de
lactodéshydrogénase (LDH) et de la bilirubine niveau III disposant par ailleurs d’une réanimation
conjuguée, baisse de l’haptoglobine, présence de adulte). Sans ces conditions, il paraît dangereux et
schizocytes) et une thrombopénie. En cas d’insuffi- illicite de proposer une attitude attentiste compte
sance rénale, des stigmates biologiques de coagu- tenu du risque de complications vitales maternelles
lation intravasculaire disséminée (CIVD)39,43,48,54 ou fœtales pouvant survenir à tout moment.
sont souvent constatés (84 %). L’objectif visé par cette attitude attentiste dis-
L’association hémolyse, cytolyse hépatique et cutée entre 26-32 SA est d’obtenir une maturation
thrombopénie définit le syndrome HELLP19,36,39,55,56 fœtale, notamment pulmonaire. En pratique, l’ob-
(33-50 %). jectif est de retarder l’accouchement jusqu’au
Une atteinte neurologique12,31,48 (47 %) est d’ex- terme de 32 SA afin de limiter les complications à
pression très diverse : céphalées inhabituelles, court et à long terme des maladies liées à la pré-
troubles du comportement, convulsions (définis- maturité : maladie des membranes hyalines, hé-
sant l’éclampsie), déficits focaux, cécité corticale. morragies cérébrales, etc.
Un hématome rétroplacentaire39,43 (32-40 %) est Les moyens thérapeutiques disponibles et les
souvent, dans ce cas, associé à une CIVD. objectifs à atteindre chez la patiente ayant une
48 X. Belenfant et al.

prééclampsie et une insuffisance rénale sont les cytolyse hépatique.64,65,66 Cependant, aucune
suivants. étude n’a démontré un bénéfice pour le fœtus
• Optimiser la volémie plasmatique.60 ou pour la prolongation de la durée de gesta-
Ces patientes présentent toutes une hypovolé- tion.
mie plasmatique et, à un degré variable, un • Sulfate de magnésium.
syndrome de fuite capillaire.60 On entreprend Dans les pays anglo-saxons et sur la base d’étu-
une expansion volumique prudente (cristal- des prospectives récentes confirmant l’oppor-
loïde ou albumine humaine) sous contrôle tunité de ces pratiques,67,68 le sulfate de ma-
strict de la tolérance pulmonaire (fréquence gnésium administré par voie intraveineuse
respiratoire, oxymétrie de pouls, et ausculta- (dose de charge 2-4 g, entretien 1-3 mg h–1)
tion pulmonaire régulière). Certains auteurs permet de diminuer le risque de convulsions et
proposent d’effectuer cette expansion sous peut-être de retarder la date de l’accouche-
contrôle des mesures obtenues par cathété- ment. Son utilisation en association avec les
risme droit :44,61 le remplissage étant modulé inhibiteurs calciques est déconseillée en raison
en fonction de la pression capillaire pulmo- d’un risque accru de complications liées au
naire (objectifs Pcap 10-15 cmH2O). Le risque sulfate de magnésium (hypoventilation alvéo-
principal est un œdème pulmonaire lésionnel laire). Son intérêt chez la parturiente ayant
et/ou un épanchement pleural massif entraî- une insuffisance rénale n’est pas démontré. De
nant une hypoxie potentiellement délétère plus, l’utilisation du sulfate de magnésium doit
pour le fœtus. En cas d’hypoxie, l’arrêt de être évitée en cas d’insuffisance rénale sévère,
l’expansion volumique, l’oxygénothérapie et la compte tenu d’un risque accru de surdosage
ventilation non invasive permettent générale- (hypoventilation alvéolaire).
ment de passer le cap. • Correction des troubles de l’hémostase.
• Contrôle de la pression artérielle. Les transfusions plaquettaires ne sont envisa-
La pression artérielle (PA) doit être abaissée si gées qu’en cas de saignement ou de césarienne
la pression artérielle diastolique (PAD) excède si le taux de plaquettes est inférieur à
110 mmHg (objectif : PAD : 100-110 mmHg), 30 000 ml–1.42 Dans les cas de CIVD52 associée à
mais son contrôle doit être progressif et mo- une hémorragie de la délivrance (hématome
déré. Toute baisse brutale et/ou excessive de rétroplacentaire), il peut être nécessaire de
la PA entraînerait une aggravation de l’isché- transfuser, outre des culots globulaires, des
mie placentaire dont l’expression la plus dra- culots de fibrinogène et de l’antithrombine III.
matique serait la mort in utero. Le labétalol • Déclenchement de l’accouchement.
est le produit le plus anciennement utilisé et Sous strict contrôle fœtal et maternel, en cas
son innocuité à long terme a pu être établie de souffrance fœtale aiguë (SFA), d’inflation
chez le fœtus. Cependant, ce produit est de hydrosodée incontrôlable (œdème pulmo-
plus en plus remplacé par la nicardipine, à naire, épanchement pleural), de détresse res-
laquelle on attribue par ailleurs une action piratoire, d’IRA oligoanurique, de majoration
tocolytique.62 de la thrombopénie (< 50 000/Ml), de cytolyse
• Corticothérapie. hépatique ou d’hématome hépatique, ou d’ag-
Compte tenu du risque d’accouchement pré- gravation de l’état neurologique, il faut, sans
maturé, une cure brève de corticoï- état d’âme, déclencher l’accouchement, quel
des40,63,64,65,66 est administrée pendant 24 à que soit le terme.
48 heures afin d’accélérer la maturation pul- Cette stratégie thérapeutique, lourde en ter-
monaire fœtale, diminuer la mortalité néona- mes de surveillance, permet de retarder de 7 à
tale, ainsi que les risques de détresse respira- 10 jours en moyenne40,44,69 la date de l’accou-
toire néonatale et d’hémorragie intraven- chement, délai dont le bénéfice est de dimi-
triculaire du nouveau-né. On utilise habituelle- nuer le risque de détresse respiratoire néona-
ment la bétaméthasone à raison de deux injec- tale et d’hémorragie intraventriculaire du
tions de 12 mg par voie intramusculaire à nouveau-né. L’accouchement a lieu dans plus
12 heures d’intervalle. En se fondant sur des de 50 % des cas par césarienne44,50,58 soit pour
séries de cas ou des études rétrospectives cas- des raisons fœtales (terme < 32, SFA) soit plus
témoins, plusieurs équipes notent un bénéfice rarement pour des raisons maternelles (héma-
des corticoïdes en termes de contrôle de la tome hépatique, convulsions, détresse respira-
symptomatologie maternelle : stabilisation, toire). Cette stratégie permet d’obtenir un
voire correction de la thrombopénie et de la terme à la naissance de 30-32 SA.16,39,50,55
Insuffisance rénale aiguë et grossesse 49

Indications de la dialyse protéinurie disparaît en quelques semaines ou


Le recours à la dialyse27,60,70 s’envisage en cas mois sans récidive lors des grossesses ultérieu-
d’insuffisance rénale oligoanurique persistante ou res.
de troubles hydroélectrolytiques menaçant le pro-
nostic vital après extraction fœtale. Moins de 10 % Pronostic fœtal
des patientes nécessitent une prise en charge en De 15 à 38 % des prééclampsies associées à une IRA
épuration extrarénale.39,40,43 sont compliquées de mort périnatale.39,43,45,46 sur-
tout en cas de CIVD et d’hématome rétroplacen-
Indications de la biopsie rénale taire associés, versus 5 % en cas de prééclampsie
Si l’insuffisance rénale s’inscrit dans un cadre noso- sévère50 simple avec ou sans syndrome HELLP. Le
logique clair de prééclampsie sévère, la biopsie pronostic fœtal est avant tout lié au terme49,50 à la
rénale ne saurait se justifier pour confirmer le date de l’accouchement ; il est d’autant plus péjo-
diagnostic. En revanche, en cas de doute diagnosti- ratif que le terme est précoce et le RCIU impor-
que avec d’autres entités nosologiques, l’intérêt tant.58,59,62,80 L’enfant né d’une mère en insuffi-
d’un tel examen doit être discuté en concertation sance rénale présente un taux d’urée et de
avec le néphrologue.71 créatinine à la naissance comparable à celui de sa
En cas de persistance de l’insuffisance rénale mère. Ces désordres métaboliques chez un enfant
au-delà de 3 semaines, on redoute une nécrose ayant une fonction rénale normale peuvent entraî-
corticale. Le diagnostic peut être confirmé par une ner, les premiers jours de vie, une polyurie osmoti-
angio-IRM ou à défaut par l’artériographie.29,30 que.
Une prise en charge « raisonnée » doit permettre
Pronostic d’obtenir une mortalité maternelle nulle et une
Pronostic maternel mortalité périnatale44 ne dépassant pas 15-20 %.
• Pronostic vital.
Les décès sont heureusement exceptionnels Diagnostics différentiels
(0-13 %).11,18,41,46,47,48,72,73,74 Les facteurs pé- En pratique, le diagnostic d’IRA liée à une préé-
joratifs18,43,46,47,48 sont l’association IRA, clampsie sévère ne pose guère de problème et, en
CIVD, hématomes rétroplacentaires (HRP), hé- cas de survenue d’une IRA au-delà de 21 SA, l’évo-
matome intrahépatique rompu indépendam- lution est rapidement favorable en post-partum en
ment du terme.75 Habituellement, en quelques 2-7 jours.37,41
jours, en post-partum, les défaillances viscéra- Mais en cas de survenue plus précoce (< 21 SA),
les s’estompent.41 Les complications vitales76 en cas de persistance de l’anémie hémolytique et
secondaires à la prééclampsie demeurent ce- de la thrombopénie, ou d’aggravation clinique au-
pendant la 2e cause de mortalité obstétricale delà de 1 semaine post-partum se discute une mi-
directe en France. La récidive au cours des croangiopathie34,81 indépendante de la prééclamp-
grossesses ultérieures n’est pas la règle.36 sie (syndrome urémique et hémolytique). Dans ces
• Pronostic rénal. formes, une enquête étiologique approfondie doit
Dans la plupart des cas, la fonction rénale est être réalisée à la recherche d’une pathologie infec-
récupérée ad integrum (97-100 %),20,39,42 tieuse (diarrhée invasive, à Escherichia coli, à shi-
même si une épuration extrarénale5,17,43,70 a gelles, à Campylobacter, à salmonelle), d’une pa-
été initialement nécessaire (0-31 % des patien- thologie dysimmunitaire (notamment syndrome
tes ont requis la dialyse). Plus rarement (< 1 %), primaire des antiphospholipides), d’une cause mé-
surtout en cas d’hématome rétroplacentaire dicamenteuse, etc.
et/ou de CIVD, une insuffisance rénale chroni- Une prise en charge thérapeutique81 incluant
que peut persister. Elle est parfois suffisam- échanges plasmatiques et transfusion de plasma
ment sévère pour justifier la poursuite de la frais congelé peut se discuter en sus du traitement
dialyse. Dans la plupart de ces cas, les investi- symptomatique (contrôle strict de la PA, épuration
gations morphologiques (artériographie, angio- extrarénale, etc.).
IRM, angioscanner) ou histologiques montrent
alors une nécrose corticale.3,11,28,43 En cas
d’intense syndrome néphrotique, il a été dé- Stéatose aiguë gravidique
crit, en sus des lésions glomérulaires de préé-
clampsie, une hyalinose segmentaire et fo- Si une insuffisance hépatique domine le tableau, le
cale.77,78,79 Dans ces cas, le pronostic diagnostic évoqué est celui d’une stéatose hépati-
néphrologique est généralement favorable : la que aiguë gravidique (SHAG).
50 X. Belenfant et al.

Diagnostic positif82,83,84,85 sance rénale. Ce diagnostic d’élimination est


Devant une IRA apparaissant au 3e trimestre, le confirmé a posteriori par la normalisation rapide de
diagnostic de stéatose aiguë gravidique est évoqué la fonction rénale après évacuation utérine.
devant l’association de douleurs abdominales, vo-
missements, ictère, HTA modérée et syndrome po- Diagnostic positif87,88,89,90,91
lyuropolydypsique. Le diagnostic est généralement évoqué devant une
Les examens biologiques montrent une augmen- IRA apparaissant à l’approche du terme chez une
tation du taux de bilirubine libre, une cytolyse parturiente ayant une grossesse jusque-là non com-
souvent modérée (< 10 N), une insuffisance hépati- pliquée. Hydramnios et grossesse gémellaire ont pu
que (baisse du taux de prothrombine, hypoglycé- être considérés comme des facteurs aggravants par
mie, etc.), une baisse du fibrinogène et des stigma- le biais d’une compression mécanique des uretères.
tes biologiques de CIVD. La présence d’un foie À l’échographie, bassinets et uretères apparaissent
« brillant » en échographie est, dans ce contexte, dilatés en amont du promontoire sacré, sans que
évocateur du diagnostic de SHAG. cette image puisse être considérée comme patho-
L’importance de l’insuffisance hépatique, la dis- gnomonique.
crétion de la cytolyse et la présence d’un foie
brillant à l’échographie permettent de porter le Stratégie thérapeutique et pronostic
diagnostic de stéatose aiguë gravidique et d’écar- néphrologique
ter le diagnostic de syndrome HELLP.
L’accouchement permet une normalisation de la
fonction rénale en quelques jours habituellement
Stratégie thérapeutique
sans séquelle, permettant de confirmer rétrospec-
L’arrêt de la grossesse permet d’interrompre le
tivement le diagnostic.
processus pathologique.27,82,85
Cependant, en cas de terme inférieur à 32 SA, en
l’absence de SFA, en l’absence de signe de gravité
(absence d’insuffisance hépatique, d’encéphalopa- Insuffisance rénale aiguë : autres
thie, d’IRA sévère, de CIVD) et dans le cadre d’une étiologies
stricte surveillance maternofœtale (maternité de
niveau III en France) une attitude attentiste peut Glomérulonéphrite aiguë/maladies
être proposée.85 Ce délai est mis à profit pour de système
administrer des corticoïdes afin d’accélérer la ma-
turité pulmonaire fœtale. Cette attitude devra être La survenue d’une insuffisance rénale rapidement
remise en question rapidement en cas d’aggrava- progressive associée à une protéinurie de débit
tion maternelle (encéphalopathie, Tp < 50 %) ou de variable et d’une hématurie doit faire discuter une
SFA. glomérulonéphrite.92,93,94 Ce diagnostic est excep-
tionnellement discuté au 3e trimestre, compte tenu
Pronostic maternel de l’incidence beaucoup plus élevée des atteintes
Actuellement, sous conditions de diagnostic et de rénales liées à la prééclampsie. Cependant une
prise en charge précoce, la mortalité maternelle présentation clinicobiologique atypique au 3e tri-
est inférieure à 10 %. mestre, la présence de signes extranéphrologiques,
ou leur survenue précoce (< 21 SA) doivent donner
Pronostic néphrologique
lieu à une analyse multidisciplinaire (obstétricien,
Le recours à l’épuration rénale est rarement néces-
néphrologue, interniste) afin d’orienter rapide-
saire. Lorsqu’une épuration extrarénale s’impose,
ment la démarche diagnostique. Une biopsie ré-
après l’extraction fœtale, l’hémofiltration ou l’hé-
nale68 doit parfois être pratiquée pour affirmer
modiafiltration veinoveineuse86 continue est préfé-
avec certitude le diagnostic de la néphropathie et
rée à une hémodialyse séquentielle. En cas
pour définir au mieux la prise en charge thérapeu-
d’encéphalopathie hépatique, elle évite en effet
tique. Sa réalisation ne se discute pendant la gros-
les variations brutales de pression intracrânienne à
sesse qu’avant 32 SA.
l’origine de certains décès.
La fonction rénale récupère habituellement ad
integrum à distance de l’épisode aigu. Maladies systémiques95,96

Insuffisance rénale aiguë obstructive La grossesse peut s’accompagner d’une poussée


lupique chez les femmes présentant une maladie
L’obstruction des voies urinaires par l’utérus gravi- dont le contrôle n’avait pas pu être obtenu avant le
dique demeure une cause exceptionnelle d’insuffi- début de la grossesse. Les poussées avec atteinte
Insuffisance rénale aiguë et grossesse 51

rénale surviennent plus volontiers au 3e trimestre faillance viscérale maternelle « majeure », l’accou-
ou en post-partum. Plus exceptionnellement, le chement par voie basse est préféré.
diagnostic de lupus peut être porté au cours de la
grossesse devant une insuffisance rénale aiguë de Indications de la césarienne
profil glomérulaire : insuffisance rénale rapide-
ment évolutive, protéinurie de débit variable, hé- La césarienne est indiquée en cas de SFA, d’héma-
maturie associée à une PA normale ou peu élevée. tome rétroplacentaire et, pour de nombreuses
L’association de signes extranéphrologiques équipes, en cas de terme inférieur à 32 SA.
oriente le diagnostic : polyarthrite, syndrome de L’insuffisance rénale, l’éclampsie, la thrombo-
Raynaud, vespertilio, etc. La recherche d’anticorps pénie et la cytolyse hépatique ne sont pas, à elles
antinucléaires et d’anticorps antiacide désoxyribo- seules, des situations imposant une césarienne.
nucléique (ADN), la baisse du complément permet-
tent de guider le diagnostic biologique. La biopsie
Modalités d’anesthésie : anesthésie
rénale71 se discute avant 32 SA afin de définir au
mieux la stratégie thérapeutique (traitement im- locorégionale ou générale ?
munosuppresseur éventuel).
Une IRA au cours de la grossesse peut aussi être L’anesthésie péridurale (APD)100 est l’anesthésie
révélatrice d’autres maladies systémiques : polyan- de choix en cas de prééclampsie y compris en cas de
géite microscopique, granulomatose de Wegener, césarienne. Elle offre de nombreux avantages ma-
périartérite noueuse, purpura rhumatoïde, etc.). ternels : une analgésie stable permet d’éviter les
à-coups hémodynamiques liés aux stimulations no-
Insuffisance rénale aiguë liée aux ciceptives, et fœtaux, en améliorant le débit san-
thérapeutiques employées pendant guin utéroplacentaire.37
la grossesse : indométacine La contre-indication principale à l’APD reste les
troubles de l’hémostase. Malgré la faible incidence
Exceptionnellement l’indométacine97 utilisée jadis de l’hématome périmédullaire, un temps de sai-
lors des menaces d’accouchement prématuré a pu gnement selon la méthode d’Ivy est nécessaire
se compliquer d’IRA comme chez l’adulte non gra- quand le chiffre des plaquettes est inférieur à
vide. 120 000/mm3, car la thrombopénie est souvent
associée à une dysfonction plaquettaire.48 L’APD
Insuffisance rénale aiguë/pyélonéphrite
peut être pratiquée lorsque le temps de saigne-
Les pyélonéphrites se compliquent exceptionnelle- ment, le temps de Quick, le temps de céphaline
ment d’IRA98 pendant la grossesse, sauf en cas de activé et le fibrinogène sont normaux sur un bilan
diagnostic tardif. En dehors du contexte de choc prélevé moins de 2 heures avant la ponction.
septique, une évolution défavorable de la fonction L’anesthésie générale présente de nombreux in-
rénale en 24-72 heures, malgré la correction des convénients surtout au moment de l’induction
désordres hydroélectrolytiques et une antibiothé- anesthésique : poussées hypertensives responsa-
rapie adaptée peut amener à proposer la montée bles de défaillance ventriculaire gauche avec
de sonde en double J. En effet, une uropathie œdème pulmonaire et/ou hémorragie cérébrale.
obstructive ne peut pas toujours être formellement L’induction anesthésique doit être précédée de
éliminée, compte tenu de la dilatation physiologi- l’ingestion d’un antiacide et d’une expansion volu-
que des cavités pyélocalicielles et des uretères mique (500 ml de cristalloïde). L’utilisation des
durant la grossesse. morphinomimétiques est fortement préconisée (al-
fentanyl 8 à 10 lg kg-1). Le traitement des poussées
Insuffisance rénale/toxicomanie99 hypertensives fait appel aux antihypertenseurs
d’action rapide et de durée brève (nicardipine et le
Comme chez tout adulte toxicomane, la cocaïne
labétalol).
consommée pendant la grossesse peut entraîner
une IRA.
Conclusion
Modalités d’accouchement/anesthésie
Indications de l’accouchement par voie L’IRA doit demeurer une complication exception-
basse nelle de la grossesse. La légalisation de l’avorte-
ment permet d’éviter les IRA liées aux complica-
En cas de terme supérieur à 32 SA, en l’absence de tions septiques des avortements clandestins. La
SFA, d’hématome rétroplacentaire ou de dé- prise en charge précoce des vomissements incoer-
52 X. Belenfant et al.

cibles du 1er trimestre doit éviter leurs complica- 18. Oladokun A, Okewole AI, Adewole IF, Babarinsa IA. Evalu-
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Revue du Rhumatisme 72 (2005) 698–706
http://france.elsevier.com/direct/REVRHU/

Interprétation des examens biologiques au cours de la grossesse


How to interpret biological results during pregnancy
Sylvain Dubucquoi a, Claudine Caron b, Bernadette Hennache c, Damien Subtil d,
Eric Hachulla e,*
a
Laboratoire d’immunologie, hôpital cardiologique, CHRU de Lille, avenue Oscar-Lambret, 59037 Lille cedex, France
b
Laboratoire d’hémostase, hôpital cardiologique, CHRU de Lille, avenue Oscar-Lambret, 59037 Lille cedex, France
c
Laboratoire de biochimie, hôpital cardiologique, CHRU de Lille, avenue Oscar-Lambret, 59037 Lille cedex, France
d
Service de gynécologie et obstétrique, hôpital Jeanne-de-Flandre, CHRU de Lille, avenue Oscar-Lambret, 59037 Lille cedex, France
e
Service de médecine interne, hôpital Claude-Huriez, CHRU de Lille, avenue Oscar-Lambret, 59037 Lille cedex, France

Reçu le 15 mars 2005 ; accepté le 10 mai 2005


Disponible sur internet le 07 juillet 2005

Mots clés : Grossesse ; Anticorps antinucléaires ; Anticorps antiphospholipides ; Inflammation ; Hémostase

Keywords: Biological test; Pregnancy; Antinuclear antibodies; Antiphospholipid antibodies; Inflammation; Haemostasis

Si la grossesse constitue un nouvel équilibre physiologi- grossesse. Nous aborderons donc ce paragraphe en tentant de
que, celui-ci est obtenu au prix de bouleversements transitoi- répondre aux questions suivantes :
res de certains grands systèmes qui participent à l’homéosta- • l’état de grossesse peut-il perturber les résultats d’un dépis-
sie de l’organisme, au rang desquels on trouve le système tage d’anticorps à visée diagnostique ?
immunitaire, l’hémostase et l’inflammation. En effet, pen- • la grossesse justifie-t-elle d’une prescription particulière ?
dant neuf mois, ces systèmes sont sous l’emprise de diffé- • est-il pertinent de modifier la fréquence de suivi des mar-
rents mécanismes de contrôle, notamment hormonaux, géné- queurs biologiques de maladies auto-immunes au cours
rés par l’unité fœtoplacentaire dans le but d’induire sa de la grossesse ?
tolérance et sa croissance. Ces mécanismes vont également
peser sur le développement de certains processus pathologi- 1.1. L’état de grossesse peut-il perturber les résultats
ques, notamment ceux liés à l’état d’hypercoagulabilité et d’un dépistage d’anticorps à visée diagnostique ?
ceux qui président à l’évolution des maladies auto-immunes
La recherche des marqueurs immunologiques associés aux
(MAI) non spécifiques d’organe.
principales maladies de système (résumés dans le Tableau 1),
fait appel à une démarche hiérarchisée, schématisée dans la
Fig. 1. À cette notion de démarche progressive et élaborée,
1. Marqueurs immunologiques de connectivites
l’état de grossesse doit amener la question supplémentaire :
et grossesse
les méthodes et les seuils utilisés pour la recherche de ces
paramètres biologiques sont-ils adaptés à cette circonstance
Les MAI peuvent être influencées par la grossesse, certai-
particulière ?
nes comme la polyarthrite rhumatoïde peuvent bénéficier
Il faut savoir d’emblée qu’il n’y a pas d’interférence spé-
d’une accalmie, d’autres comme le lupus systémique (LES)
cifique liée à l’état de grossesse pour les méthodes utilisées à
sont à risque de poussée. Le clinicien doit donc légitimement
la recherche de paramètres immunologiques de connectivi-
s’interroger quant au risque évolutif d’une MAI pendant la
tes. En revanche, comme dans d’autres domaines de la bio-
logie (mesure de la glycémie ou évaluation de la numération
* Auteur correspondant. sanguine, par exemple), les « valeurs seuil » des méthodes
Adresse e-mail : ehachulla@chru-lille.fr (E. Hachulla). appliquées aux prélèvements de la femme enceinte peuvent
1169-8330/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.rhum.2005.05.007
S. Dubucquoi et al. / Revue du Rhumatisme 72 (2005) 698–706 699

Tableau 1 découverte des aPL lorsque la sérologie syphilitique est dis-


Principaux marqueurs immunologiques dans les connectivites. Intérêt dia- sociée (VDRL positif, TPHA négatif). Les marqueurs les plus
gnostique, pronostique, et en tant que marqueurs évolutifs. Cas particuliers
liés à la grossesse
utiles semblent être ceux qui illustrent la perturbation des tests
fonctionnels de la coagulation (recherche d’anticoagulant
Maladie Marqueur Diagnostic Pronostic Évolution Cas
immunologique particulier lupique [ACC], index de Rosner, test au venin de vipère de
de la Russel, test à la thromboplastine diluée). En effet, ils allient
grossesse les meilleures performances de sensibilité et de spécificité à
PR FR +++ ++ – – une standardisation interlaboratoire permettant une interpré-
(début)
tation optimale des résultats. Leur positivité traduit un risque
Anti-CCP +++ ? – –
important de survenue d’événements cliniques, qu’ils soient
Lupus Ac antinucléaires ++ – – seuil ?
ADN natif a +++ ++ ++ –
thrombotiques ou obstétricaux. La recherche des perturba-
Ac anti-Sm +++ – – – tions fonctionnelles de l’hémostase peut néanmoins s’enri-
Ac anti-RNP b +++ – – – chir de la prescription d’autres marqueurs immunologiques
Ac anti-Ro (La)c +++ – – ++ tels que les Ac anticardiolipine (aCL) et anti-b2-glycoprotéine
Ac anticoagulant ++ + + – 1 (b2-GP1). Alors que les titres d’Ac ne sont pas modifiés
circulant d tout au long de la grossesse, les Ac aCL IgG et l’ACC ont
Ac anti- + + + + tendance à augmenter après l’accouchement. Néanmoins, la
cardiolipine
recherche de ces Ac par les tests de coagulation pourrait man-
Ac anti-bêta 2-GP1 ++ + + ?
Scléro- Ac anticentromère +++ ++ – –
quer de sensibilité en raison des modifications du taux des
dermie facteurs procoagulants observés au cours de la grossesse [1,2].
Ac anti-Scl-70 +++ ++ – – Pour la recherche d’Ac aCL, une démarche cohérente est
Poly- Ac anti-Jo-1 +++ ++ – – plus difficile à mener car il n’existe pas de consensus définis-
myosite sant, pour les différentes trousses de réactifs commerciali-
FR : Facteur rhumatoïde ; anti-CCP : anticorps antipeptide citrulliné. sées, un seuil à partir duquel la présence d’Ac aCL doit être
a
Ac anti-ADN natif : seul le test de Farr (et accessoirement l’immuno-
associée au risque de développer un syndrome des Ac anti-
fluorescence sur Crithidia luciliae, notoirement moins sensible) permet
d’assurer le suivi des titres des Ac anti-ADN natif dans le cadre du LES. À phospholipides (SAPL) [3]. Il a été proposé un seuil arbi-
l’heure actuelle aucun test Elisa n’apporte de performances suffisantes pour traire de 50 U G(M)PL (unités IgG [ou IgM] antiphospholi-
assurer un tel suivi. pide) à partir duquel le risque de thrombose peut être considéré
b
Ac anti-RNP : la recherche s’inscrit dans le cadre du lupus comme celle comme important. Dans le cadre du SAPL obstétrical, ce seuil
des connectivites mixtes.
c pourrait même être ramené à 25 U G(M)PL. La gestion des
Ac anti-Ro (SSA) et La (SSB) : leur recherche s’inscrit dans le cadre du
LES et des syndromes primaires et secondaires de Gougerot-Sjögren. risques par l’intermédiaire de « valeurs seuil » est toutefois
d
Ac anticoagulant circulant : la recherche s’inscrit dans le cadre des syn- entachée du danger de méconnaître un réel processus patho-
dromes primaire et secondaire des antiphospholipides. logique, car si une tendance peut se dégager de l’étude rétros-
pective de populations malades, il est souvent difficile de la
ne pas coïncider avec celles d’adultes du même âge. Ainsi, transposer à visée prospective, à l’échelon individuel.
pour la prescription des anticorps (Ac) antinucléaires (AAN),
la hiérarchie des examens suit-elle la même progression ; tou- 1.2. La grossesse justifie-t-elle d’une prescription
tefois, le seuil à partir duquel les investigations complémen- de paramètres particuliers ?
taires méritent d’être engagées pourrait être ramené au 1/40e,
notamment pour la recherche d’Ac anti-Ro. En pratique cou- Quand le diagnostic de connectivite est déjà établi, la gros-
rante, il peut être difficile pour le biologiste de modifier le sesse peut modifier temporairement la prise en charge de la
seuil d’évaluation pour des raisons liées aux technologies uti- maladie et justifier, notamment, de la prescription de mar-
lisées (automates) ou à l’absence d’information quant à l’état queurs même s’ils ont déjà été recherchés (et surtout si les
de grossesse. Il faut néanmoins retenir qu’il est légitime résultats sont revenus négatifs). Il est évident que cette recher-
d’engager des investigations complémentaires alors même que che se fera avant la conception et que l’information aux futurs
les examens de dépistage se sont avérés négatifs, si le contexte parents doit être la plus explicite possible pour assurer une
clinique le justifie, voire simplement si un doute persiste. C’est prise en charge optimale. Il s’agit pour l’essentiel de la recher-
le cas notamment de la recherche d’Ac anti-Ro chez la jeune che des Ac anti-Ro (SSA) qui peuvent être à l’origine de trou-
femme qui formulerait un souhait de grossesse, alors qu’elle bles de la conduction cardiaque au cours des 25 premières
souffre de connectivite. semaines d’aménorrhée, voire de mort fœtale par myocardite
Un autre paramètre immunologique mérite une attention [4–6]. La prescription se fera donc dans ce sens, en identi-
particulière au cours de la grossesse, il s’agit de la recherche fiant précisément les Ac recherchés et le contexte clinique
d’Ac antiphospholipide (aPL). La sérologie syphilitique n’est qui justifie la prescription (la grossesse). En revanche, il n’est
plus un test à prescrire dans ce cadre puisqu’elle manque de pas sûr qu’il soit important de définir précisément l’isoforme
sensibilité et de spécificité. Néanmoins, c’est un test obliga- de la molécule Ro (SSA) contre laquelle l’Ac est dirigé. En
toire au cours de la grossesse et cela peut être un mode de effet, il existe à l’heure actuelle, une discussion quant à l’inté-
700 S. Dubucquoi et al. / Revue du Rhumatisme 72 (2005) 698–706

Fig. 1. Démarche générée par le biologiste en réponse à la prescription de recherche d’Ac antinucléaires.
En l’absence d’information clinique, le seuil à partir duquel les investigations complémentaires sont engagées, est fixé à une dilution du sérum au 1/80e. Il faut
toutefois savoir, que si le contexte clinique le justifie, et sur simple demande du prescripteur, le biologiste peut engager des explorations complémentaires alors
que les examens de première intention se sont révélés négatifs. C’est le cas de la recherche d’Ac anti-Ro (SSA) chez la femme enceinte.

rêt de rechercher des Ac anti-SSA/Ro 52 kDa. Pour certains, mètre utile pour suivre l’évolution de la maladie, c’est le titre
leur présence peut être associée à certaines maladies de sys- des Ac anti-ADN natif. On peut toutefois regretter que les
tème [7,8] et constituerait un facteur de risque pour le bon méthodes Elisa utilisées par la grande majorité des biologis-
déroulement de la grossesse [6,9]. D’autres contestent jusqu’à tes, aient fait perdre de la crédibilité à ce marqueur qui pour-
l’identité de la protéine de 52 kDa comme issue de l’antigène tant s’il est mesuré par le test de Farr, voire par immunofluo-
Ro (SSA), et rejettent l’intérêt de la recherche des Ac anti-Ro rescence sur Crithidia luciliae (moins sensible, toutefois),
52 kDa dans le domaine des connectivites [10]. En pratique peut renseigner le clinicien quant à l’évolution de la maladie
courante, si la prescription du clinicien ne doit pas distinguer lupique pour les quelques mois qui suivent le dosage. Il est
les Ac anti-Ro 52 et 60 kDa, les méthodes utilisées par les clair que ce marqueur ne suffit pas à lui seul pour traduire une
biologistes se généralisent vers la détection des deux types maladie évolutive ou à risque, mais intégrée dans le contexte
d’Ac. Le biologiste devra préciser l’isoforme de la molécule clinique, et combinée à l’exploration du complément et du
Ro vers laquelle sont ciblés les Ac. La présence d’Ac dirigés syndrome inflammatoire, le titre des Ac anti-ADN natif peut
contre le seul isoforme de 60 kDa ou dirigés de façon com- permettre de juger du moment le plus opportun pour engager
binée vis-à-vis des deux isoformes de 52 et 60 kDa fera consi- une grossesse. Pendant la grossesse, un suivi clinique attentif
dérer le risque comme maximal. La présence d’Ac dirigée peut être proposé tous les trois mois, combiné à l’exploration
contre le seul isoforme de 52 kDa sera interprétée avec plus du syndrome inflammatoire, de la fonction rénale et d’un
de circonspection, quant à l’association potentielle d’une titrage des Ac anti-ADN natif ainsi que de l’activité hémoly-
connectivite. Toutefois, pendant la grossesse, il peut être légi- tique du complément (CH50). Il n’est pas inutile de rappeler
time de gérer le risque et la prise en charge comme pour les que l’exploration du complément se fait de façon optimale
Ac anti-SSA/Ro de 60 kDa. sur tube avec anticoagulant (EDTA) et que le CH50 est le
paramètre le plus utile pour apprécier une activation du com-
1.3. Est-il pertinent de modifier la fréquence de suivi plément potentiellement liée à une poussée de la maladie lupi-
des marqueurs biologiques de maladies auto-immunes au que. En effet, les taux de la protéine C4 du complément peu-
cours de la grossesse ? vent être abaissés du fait de la présence d’une cryoglobuline
[11], ou d’un déficit génétique fréquemment rencontré dans
Parmi les MAI systémiques, celle qui pose le plus grand ce type de pathologie. Ils ne traduisent donc pas aussi fidèle-
problème au cours de la grossesse est le LES. S’il est un para- ment l’activation du complément.
S. Dubucquoi et al. / Revue du Rhumatisme 72 (2005) 698–706 701

Tableau 2 Tableau 3
Aspect comparatif des données cliniques et biologiques comparant la mala- Modifications des paramètres de l’hémostase au cours de la grossesse (d’après
die lupique en poussée rénale et la prééclampsie 13)
Paramètres Poussée rénale Prééclampsie Augmentation Diminution Non
lupique modifié
Protéinurie Progressive ou Brutale Facteurs procoagulants Fibrinogène, Facteur
brutale Facteurs V, VII, XI
Hématurie Fréquente Rare VIII, IX, X
Créatininémie Normale ou élevée Élevée Protéines anticoagulantes Thrombomoduline Protéine S Protéine C
Uricémie Normale ou élevée Élevée soluble Anti-
HTA Oui Oui thrombine
Œdèmes des mem- Possible Oui Protéines adhésives Facteur Willebrand
bres inférieurs Protéines de la fibrinolyse PAI-1, PAI-2 t-PA
Atteinte cutanée ou Oui fréquente Non Anticorps antiphospholi- APLs
articulaire pides (aPL)
Thrombopénie Possible Possible (critère de gravité)
CH50 Diminué Parfois diminué lyse, avec globalement une augmentation des activités pro-
Anti-ADN natif En élévation Stable coagulantes, une diminution des inhibiteurs naturels et de
Anticorps anti- Possible Possible l’activité fibrinolytique (Tableau 3).
phospholipides
Ces modifications aident au maintien de la fonction pla-
centaire pendant la grossesse et l’accouchement, mais peu-
La prééclampsie est une situation particulière qui peut faire
vent prédisposer à la thrombose et aux complications vascu-
porter à tort le diagnostic de poussée lupique. L’élément le
laires placentaires.
plus discriminant entre une poussée rénale du lupus et la préé-
La concentration des facteurs procoagulants augmente pro-
clampsie est surtout le titre des Ac anti-ADN natif stable dans
gressivement et significativement, en particulier les taux de
la prééclampsie, en élévation dans l’atteinte rénale lupique fibrinogène et de facteur VII peuvent doubler [15]. Le taux
(Tableau 2). des facteurs VIII et Willebrand augmentent tout au long de la
La survenue d’une éclampsie, quel que soit le type de mala- grossesse, tout en maintenant un rapport VWF : Ag/VIII entre
dies systémiques associé, doit amener la recherche d’Ac aPL 1 [16], et 1,5 [17]. Le propeptide du facteur Willebrand
car l’éclampsie peut être l’expression clinique d’un authen- (VWF : AgII) est sécrété simultanément au VWF mais éli-
tique SAPL obstétrical [12]. miné plus rapidement de la circulation (demi-vie de 2–3 contre
12 heures pour le VWF), son taux augmente progressivement
au cours de la grossesse et le rapport VWF : AgII/VWF : Ag
2. Hémostase évolue de 1 à 0,5. Celui-ci pourrait être un marqueur sensible
d’un dysfonctionnement endothélial [16].
La grossesse s’accompagne d’un certain nombre de modi- Le système anticoagulant naturel joue un rôle majeur lors
fications physiologiques de la coagulation et de la fibrinolyse de la grossesse. La thrombomoduline, glycoprotéine mem-
[13], et les pathologies inflammatoires ont des répercussions branaire de la paroi endothéliale des vaisseaux et des tropho-
sur ces mêmes paramètres, les systèmes de la coagulation et blastes placentaires, voit le taux de sa forme soluble plasma-
de l’inflammation étant très intriqués [14]. Ainsi, une gros- tique augmenter en fin de grossesse [18]. L’activité de la
sesse chez une femme présentant une pathologie inflamma- protéine C varie en restant dans la fourchette de normalité
toire ou auto-immune, conjugue deux circonstances indui- [19]. Il en est de même pour l’antithrombine [20].
sant des variations des paramètres de l’hémostase, Dès les premières semaines de grossesse, les concentra-
principalement consécutives aux modifications induites au tions de protéine S totale et protéine S libre atteignent des
niveau de l’endothélium. L’endothélium joue un rôle actif à niveaux inférieurs aux valeurs normales observées chez des
la fois dans la régulation de l’hémostase et de l’inflamma- femmes ne prenant pas d’estroprogestatifs [21].
tion ; des modifications structurales et fonctionnelles de Une résistance acquise à la protéine C activée (APC) est
l’endothélium, telles qu’observées dans des circonstances induite par les modifications hormonales de la grossesse [22] ;
physiologiques (comme la grossesse) ou pathologiques (les près de 60 % des femmes développent une résistance acquise
pathologies inflammatoires ou immunitaires) vont avoir des à la protéine C activée, qui est maximale au début du 3e tri-
répercussions sur l’équilibre de ces deux systèmes et induire mestre de grossesse [23]. Il n’y a donc pas lieu de rechercher
des variations des taux des marqueurs explorant leur activité. une telle anomalie au cours de la grossesse.
La grossesse s’accompagne également d’une activité fibri-
2.1. Modifications de l’hémostase pendant la grossesse nolytique diminuée avec notamment l’augmentation signifi-
normale et le post-partum cative du taux des inhibiteurs dont le PAI-2, découvert origi-
nellement dans le placenta, et aussi le PAI-1 [16,20].
La grossesse normale est associée à des modifications allant L’ensemble de ces paramètres se normalise dans les six à
dans le sens d’une hypercoagulabilité et d’une hypofibrino- huit semaines qui suivent l’accouchement. Il est donc préfé-
702 S. Dubucquoi et al. / Revue du Rhumatisme 72 (2005) 698–706

rable d’attendre ce délai pour mesurer les paramètres de réduit à l’état ferreux est couplé à la gastroferrine et trans-
l’hémostase dont le profil est modifié lors de la grossesse. porté jusqu’au duodénum où il peut être absorbé.
Dans le pool sanguin, le fer est pris en charge par la trans-
2.2. Modifications de l’hémostase liées à la pathologie ferrine, transporteur exclusif du fer ; sa demi-vie est de huit
inflammatoire jours. La transferrine intervient dans la régulation de l’absorp-
tion du fer : en cas de besoin ou de carence sa concentration
L’inflammation a un effet procoagulant, dès la phase d’ini- augmente, en cas de surcharge elle diminue. Le fer véhiculé
tiation par l’expression de facteur tissulaire, suivi de la phase par la transferrine sert à la biosynthèse de l’hème au niveau
de propagation par l’exposition de phospholipides chargés de la moelle osseuse (15 à 20 mg /jour). Ce fer est récupéré
négativement à la surface membranaire, puis de la phase lors de la destruction des globules rouges par le système réti-
d’inhibition des mécanismes anticoagulants physiologiques culoendothélial et repris en charge aux trois quarts par la trans-
[14]. Le facteur de Willebrand (VWF) est élevé dans toutes ferrine. La capacité totale de fixation ou de saturation de la
les atteintes de l’endothélium vasculaire, il est à la fois mar- transferrine (CFT) est de 250 à 400 µg/100 ml (45 à 72 µmol/l)
queur de souffrance vasculaire et protéine inflammatoire de ce qui correspond à un coefficient de saturation moyen de
la phase aiguë. l’ordre de 30 %.
Les médiateurs de l’inflammation vont également exercer Le quart restant est stocké sous forme de ferritine, réserve
une régulation négative sur la thrombomoduline (TM) et le labile et mobilisable du fer, et sous forme d’hémosidérine,
récepteur endothélial pour la protéine C (EPC-R), tous deux réserve fixe. La ferritine peut stocker jusqu’à 4500 atomes de
nécessaires à l’activation optimale de la protéine C. De plus, fer ferrique et constitue la forme de réserve échangeable du
la PS libre est souvent réduite accentuant le défaut fonction- fer. L’hypoferritinémie est le premier signe biologique et
nel de cette voie. La présence d’Ac aPL participe également infraclinique de la carence martiale avec une sensibilité pro-
à l’inhibition de la voie de la PC dans les états inflammatoi- che de 100 %. La sidérémie varie au cours du nycthémère,
res associés aux pathologies auto-immunes. elle est plus élevée le matin.
Le taux de PAI-1 est significativement augmenté lors de la Le métabolisme du fer est modifié au cours de la grossesse
réponse inflammatoire, induisant un état d’hypofibrinolyse. et les besoins en fer sont accrus chez la femme enceinte du
fait de l’augmentation de l’érythropoïèse et des besoins fœtaux
2.3. Intérêt du dosage plasmatique des marqueurs qui varient de 200 à 300 mg ; ces besoins sont doublés en cas
endothéliaux de grossesse gémellaire. En revanche, la consommation en
fer est limitée car il n’y a plus de menstruations et l’absorp-
Les marqueurs dont les dosages sont réalisables dans des tion du fer est accrue, les réserves maternelles sont mobili-
laboratoires très spécialisés sont le VWF et son propeptide, sées pour assurer un équilibre. Cependant, un déséquilibre se
le t-PA et le PAI-1 [16], la thrombomoduline soluble (sTM) crée en cas de carence martiale antérieure à la grossesse, en
[18]. Ils ne donnent accès qu’à une exploration indirecte de cas de saignements et lors des grossesses multiples.
l’endothélium, leur spécificité est limitée (VWF et PAI- Le déficit en fer en cours de la grossesse, lié à des apports
1 sont également présents dans les plaquettes) et le bénéfice insuffisants, concerne 38 à 88 % des femmes dans les pays
individuel n’est pas nettement établi. Un suivi en cinétique sous-développés et 18 % des femmes dans les pays industria-
serait probablement plus pertinent qu’une mesure ponc- lisés. Les modifications métaboliques, mobilisation du fer de
tuelle. réserve et augmentation de l’absorption ne permettent pas tou-
jours de répondre à l’accroissement des besoins. L’apport de
fer exogène est nécessaire pour prévenir les anémies de la
3. Bilan martial grossesse et celles du fœtus surtout au troisième trimestre de
grossesse [24]. La carence en vitamine C réduit l’absorption
Le fer, constituant de l’hémoglobine, est un métal indis- intestinale du fer : elle doit être supplémentée si elle est asso-
pensable à l’organisme. Le taux de fer chez un individu nor- ciée.
mal est de 3000 à 5000 mg ; il se répartit en : Au cours de la grossesse le fer sérique chute de 35 % ; le
• fer fonctionnel : taux de transferrine et la capacité totale de fixation augmen-
C hémoglobine : 2000 à 2500 mg (65 %) ; tent par carence d’apport et imprégnation estrogénique ; celui
C myoglobine : 200 à 500 mg (3 à 5 %) ; de la ferritine, s’il augmente lors du 1er trimestre, chute aux
C enzymes : 8 à 15 mg (0,3 %) ; 2e et 3e trimestres. Les valeurs chez la femme enceinte sont :
• compartiment de transport, fer lié à la transferrine ou sidé- • fer sérique :
rophiline 3 à 4 mg (0,1 %) ; C 50 à 100 µg/100 ml (valeur de référence 75 à
• fer des réserves (30 %) : 140 µg/100 ml) ;
C réserve labile liée à la ferritine : 300 à 600 mg ; C 89 à 178 µmol/l (valeur de référence 133 à 248 µmol/l) ;
C réserve fixe liée à l’hémosidérine : 300 à 600 mg. • transferrine 4 à 7 g/l (valeur de référence 2 à 4 g/l) ;
Les pertes quotidiennes de fer s’élèvent à 1 à 2 mg par • coefficient de saturation 15 % (valeur normale 30 %) ;
jour et sont compensées par une alimentation normale. Le fer • ferritine :
S. Dubucquoi et al. / Revue du Rhumatisme 72 (2005) 698–706 703

Tableau 4 (opsonine). Sa synthèse est déclenchée par la production


Variations du fer, de la ferritine et de la transferrine en cas d’inflammation d’interleukine 6 (IL-6) par les macrophages. La CRP est une
de carence martiale ou d’association des deux
protéine à cinétique rapide car sa demi-vie est de six heures
Fer Transferrine Ferritine
et son taux plasmatique est inférieur à 6 mg/l. Seule, l’inflam-
Inflammation diminution diminution augmentation
(CST normal)
mation peut augmenter la CRP qu’elle soit d’origine physi-
Carence en fer diminution augmentation diminution que, chimique, infectieuse ou auto-immune. Le surpoids, lors-
Inflammation + carence diminution normale ou normale ou que l’index de masse corporelle est supérieur à 30 kg/m2,
en fer augmentée diminuée peut augmenter modérément le taux de CRP via la produc-
tion de cytokines (notamment d’IL-6) par le tissu graisseux
C 96 à 98 µg/l au 1er trimestre (valeur de référence 60 à [28].
65 µg/l) ;
C 22 µg/l au 2e trimestre ; 4.2. L’orosomucoïde
C 15 µg/l au 3e trimestre.
Lors d’un processus inflammatoire, les variations de ces L’orosomucoïde est encore appelée a1-glycoprotéine acide
différents paramètres dépendent de l’association ou non d’une parce qu’elle migre, à l’électrophorèse, dans la zone des
carence en fer, qui rappelons-le est fréquente chez la femme a1-globulines. Ses rôles physiologiques sont :
enceinte. Elles sont analysées dans le Tableau 4. • d’inhiber la transformation de la prothrombine au cours
Si l’anémie hypochromique microcytaire hyposidérémi- de la formation du caillot ;
que évoque une carence martiale, l’anémie macrocytaire est • de favoriser l’adhérence des plaquettes aux collagènes ;
quasi synonyme de carence en folates. L’anémie inflamma- • de modérer la réponse immunitaire à médiation cellulaire.
toire doit être recherchée si un syndrome inflammatoire est L’orosomucoïde joue un rôle de protéine de transport
associé. Le diagnostic est fait devant un taux de ferritine nor- (héparine et hormones stéroïdiennes) et inhiberait l’activité
male qui contraste avec une hyposidérémie [25]. Lors de l’ins- de la cathepsine C. La demi-vie de cette protéine est de trois
tallation d’une carence martiale, l’augmentation du taux de jours. Son taux (0,5 à 1,2 g/l) n’augmente que de deux à trois
récepteur soluble de la transferrine (Rs-Tf) intervient après fois lors d’une inflammation aiguë, subaiguë ou chronique
la déplétion des réserves. Contrairement au fer sérique, à la mais on peut observer une diminution discrète lors d’une
transferrine et à la ferritine, la concentration du Rs-Tf n’est imprégnation estrogénique.
pas influencée par l’inflammation. En dehors des pathologies
liées à une stimulation de l’érythropoïèse, une augmentation 4.3. L’haptoglobine
du Rs-Tf est toujours associée à un déficit en fer [26].
L’haptoglobine est une a2-glycoprotéine dont la structure
présente des chaînes lourdes communes à toutes les molécu-
4. Protéines et marqueurs de l’inflammation les et des chaînes légères de deux types. On dénombre trois
groupes sériques d’haptoglobine (Hp 1-1, Hp 2-1 et Hp 2-2).
Dans tout processus inflammatoire et quelle qu’en soit la Elle présente un polymorphisme génétiquement contrôlé.
cause, on peut distinguer deux types de réponse, l’une locale L’Hp participe à la neutralisation de l’hémolyse intravascu-
et l’autre systémique ; c’est cette réponse systémique qui pro- laire physiologique qui concerne les 2/3 du catabolisme de
voque une augmentation très importante de la concentration l’hémoglobine, en formant un complexe Hp-hémoglobine
plasmatique de certaines protéines synthétisées par les hépa- catabolisé par le système réticuloendothélial et permet ainsi
tocytes et appelées « protéines de la réponse inflammatoire ». la récupération du fer de l’hémoglobine. La demi-vie de l’Hp
Il existe une corrélation entre le degré de la réaction inflam- est de trois à cinq jours.
matoire et les concentrations plasmatiques de ces protéines Le taux d’Hp (0,3 à 2 g/l) est diminué dans les déficits
[27]. congénitaux (3 % des sujets de race noire), dans les insuffi-
sances hépatocellulaires sévères et dans les divers processus
4.1. La protéine C-réactive ou CRP d’hémolyse. Un taux abaissé ou effondré d’haptoglobine signe
une hémolyse intravasculaire même minime et quelle qu’en
La protéine C-réactive ou CRP est appelée ainsi parce soit la cause.
qu’elle est précipitable par un polysaccharide pneumococci- Une augmentation, taux multiplié deux à quatre fois, est
que de type C, en présence de calcium ionisé. La CRP pos- observée lors de toute réaction inflammatoire, en phase aiguë,
sède une structure de pentraxine, composée de cinq sous- subaiguë ou chronique. Cette augmentation est corrélée à celle
unités identiques formant une sorte de disque. Son taux de de l’orosomucoïde selon la formule :
synthèse journalier peut être multiplié par 50 en cas d’inflam- haptoglobine % = orosomucoïde % × 3.
mation. Elle ne traverse pas le placenta. La grossesse ne fait Lors d’une réaction inflammatoire, tout taux d’Hp non cor-
pas varier le taux de CRP. Les rôles physiologiques de la CRP rélé à celui de l’orosomucoïde doit faire suspecter une hémo-
sont l’activation de la voie classique du complément, l’acti- lyse intravasculaire. La grossesse ne fait pas varier le taux
vation des leucocytes et la stimulation de la phagocytose d’Hp.
704 S. Dubucquoi et al. / Revue du Rhumatisme 72 (2005) 698–706

4.4. Le fibrinogène (Facteur I) multiples et outre le transport du cuivre et la synthèse du col-


lagène, elle peut oxyder le fer ferreux en fer ferrique.
Le fibrinogène (Facteur I) est la protéine de la coagulation Le taux de céruléoplasmine (0,2 à 0,6 g/l) est diminué dans
la plus anciennement connue (1850) et la plus abondante. les dénutritions sévères, les néphropathies, les hépatites et la
Cette glycoprotéine agit en tant que substrat de protéases et maladie de Wilson. On observe une augmentation dans les
jamais en tant qu’enzyme. Le fibrinogène est une molécule infections aiguës ou chroniques, les syndromes inflammatoi-
dimérique constituée de trois paires de chaînes d’acides ami- res associés à des affections rhumatismales ou dermatologi-
nés (Aa, Bb, c). La thrombine n’agira que sur les chaînes Aa ques, au cours de la grossesse et lors de la prise d’estrogènes.
et Bb pour libérer les fibrinopeptides A et B. Des mutations
génétiques peuvent intéresser la structure du fibrinopeptide 4.7. Vitesse de sédimentation globulaire
A, d’autres mutations portent sur les chaînes a, b et c et sont
responsables de dysfibrinogénémies dont les conséquences Lors de la réaction inflammatoire, l’augmentation du taux
peuvent être de nature hémorragique ou thrombotique. des glycoprotéines accélère ainsi la vitesse de sédimentation
Le fibrinogène est augmenté dans la réaction inflamma- globulaire (VS). L’augmentation associée du taux d’immu-
toire, son rôle est alors de limiter l’hémorragie par coagula- noglobulines est une cause supplémentaire d’élévation de la
tion intra- et extravasculaire et d’élaborer une matrice de VS. Elle reste un test d’orientation tout à fait valable pour
fibrine nécessaire à l’organisation spatiale des fibroblastes. diagnostiquer une réaction inflammatoire aiguë mais ne peut
Les produits de dégradation du fibrinogène, de par leur acti- en quantifier la sévérité ; son intérêt dans la grossesse est
vité anticoagulante, contribuent à réguler la formation de donc limité.
fibrine dans la réaction inflammatoire [29]. Le taux normal Les variations des taux des principales protéines de
de fibrinogène est multiplié par deux au fur et à mesure de l’inflammation et de la VS sont récapitulées dans le Tableau 5.
l’évolution de la grossesse. Le taux de fibrinogène est dimi-
nué lors de l’insuffisance hépatocellulaire mais également par 4.8. Électrophorèse des protéines sériques
excès de consommation dans la coagulation intravasculaire
disséminée (CIVD). Elle permet de séparer les différentes protéines du sérum
en cinq groupes, en fonction de leur charge. Pour être visible
4.5. L’␣1-antitrypsine à l’électrophorèse, la concentration de la protéine doit être de
l’ordre du gramme par litre. Cependant, les techniques actuel-
L’a1-antitrypsine est une glycoprotéine encore appelée les automatisées et la migration en gel d’agarose ont une
a1-antiprotéase ou a1-antiprotéinase inhibiteur. Elle consti- meilleure résolution et peuvent détecter une CRP augmentée
tue 80 % des a1-globulines du protéinogramme, à côté de dans un syndrome inflammatoire (> 250 mg/l). L’électropho-
l’orosomucoïde. C’est un inhibiteur puissant et irréversible rèse capillaire permet d’identifier dix protéines différentes ;
des enzymes protéolytiques (élastase leucocytaire, chy- les valeurs de référence doivent être adaptées à cette techni-
motrypsine, cathepsine G, trypsine, plasmine et thrombine). que.
Cette action protège les tissus de l’action destructrice des pro- Lors de la grossesse, la baisse de la protidémie globale est
téases leucocytaires et bactériennes. Son polymorphisme précoce, de l’ordre de 10 g/l, surtout par un phénomène
constitue le système Pi (protease inhibitor), La détermina- d’hémodilution. La sérum-albumine baisse progressivement
tion des phénotypes protéiques et des génotypes correspon- de 10 g/l. La fraction des a1-globulines augmente de 1 g/l du
dants permet l’exploration des déficits congénitaux. fait de l’augmentation de l’a1-antitrypsine ; la fraction des
Le taux de l’a1-antitrypsine (2 à 4 g/l) est augmenté phy- a2-globulines augmente de 3 g/l car l’a2-macroglobuline et
siologiquement et multiplié par deux au cours de la gros- la céruléoplasmine sont augmentées lors de la grossesse. La
sesse.
Tableau 5
Le taux de l’a1-antitrypsine est augmenté de deux à trois Variation des principales protéines de l’inflammation en situation inflamma-
fois dans la phase aiguë des syndromes inflammatoires ou toire et influence de la grossesse
infectieux. Elle est impliquée dans la phase de restauration Valeur de Inflammation Grossesse
cellulaire post-inflammatoire sous forme de complexes avec référence
les IgA sécrétoires, protégeant ainsi les fibres élastiques néo- CRP < 6 mg/l augmentation normal
formées de la protéolyse. L’a1-antitrypsine est augmentée (× 50)
après l’administration de corticostéroïdes ou de contraceptifs Orosomucoïde 0,5 à 1,2 g/l augmentation
(× 2 à 3)
oraux.
Haptoglobine 0,3 à 2 g/l augmentation normal
(× 2 à 4)
4.6. La céruléoplasmine Fibrinogène 2 à 3 g/l augmentation augmentation
(× 2)
La céruléoplasmine est une a2-globuline de couleur bleu- a1-antitrypsine 2 à 4 g/l augmentation augmentation
foncé car elle transporte six atomes de cuivre : elle contient (× 2 à 3) (× 2)
80 % du cuivre plasmatique. Ses rôles physiologiques sont VS < 10 mm/1°heure augmentation > 50 mm/1°heure
S. Dubucquoi et al. / Revue du Rhumatisme 72 (2005) 698–706 705

Tableau 6
Principales variations de l’électrophorèse des protéines en situations inflammatoires et pendant la grossesse
Sérum-albumine a1-globulines a2-globulines b-globulines c-globulines
Grossesse ↓ ↑ ↑ ↑ N
Inflammation aiguë N ou ↓ ↑ ↑ N N ou ↓
Inflammation subaiguë N ou ↓ N ↑ N N
Inflammation chronique N ou ↓ ↑ ↑ N ou ↑ ↑

fraction des b-globulines est augmentée de 3 g/l par la trans- que ou dyslipidémiques ne doit se faire qu’au moins trois
ferrine. La fraction des c-globulines reste inchangée. mois après l’accouchement.
Lors de la réaction inflammatoire, la synthèse de la sérum-
albumine est diminuée pour pouvoir maintenir la pression
oncotique. L’a1-antitrypsine et l’orosomucoïde font augmen- 6. Conclusion
ter la fraction des a1-globulines. L’a2-macroglobuline et
l’haptoglobine sont responsables de l’augmentation des L’interprétation des paramètres biologiques au cours de la
a2-globulines. On peut noter une augmentation modérée des grossesse, particulièrement chez les femmes suivies pour un
b-globulines par hypercomplémentémie C3. L’augmenta- rhumatisme inflammatoire ou une MAI systémique, ne peut
tion des c-globulines n’est constatée que lors de la phase se faire qu’à la lumière de l’ensemble des données cliniques
secondaire de la réaction inflammatoire (chronicité). tout en restant critique parfois vis-à-vis de la méthodologie
Le Tableau 6 récapitule les variations obtenues à l’électro- de certains tests biologiques. C’est pourquoi, l’optimisation
de la prise en charge des patients ne peut se faire que par une
phorèse des protéines sériques lors de la grossesse et au cours
bonne coordination des efforts des différents partenaires, obs-
du syndrome inflammatoire.
tétriciens, rhumatologues, internistes et biologistes.
4.9. Les immunoglobulines
Références
Les immunoglobulines (Ig) sont augmentées dans la phase
ultime de la réaction inflammatoire qui correspond à une réac- [1] Bokarewa MI, Wramsby M, Bremme K. Reactivity against phospho-
tion immunitaire. Les Ac sont produits par les cellules immu- lipids during pregnancy. Hum Reprod 1998;13:2633–5.
nocompétentes après contact avec l’antigène étranger ou [2] el-Roeiy A, Myers SA, Gleicher N. The prevalence of autoantibodies
and lupus anticoagulant in healthy pregnant women. Obstet Gynecol
devenu étranger à l’organisme. L’augmentation polyclonale 1990;75:390–6.
concerne principalement les IgG et les IgM, moins les IgA et [3] Piette JC, Papo T, Amoura Z, Boffa MC. Anticorps antiphospholip-
les IgE, surtout lors du passage à la chronicité. Les Ig sont les ides, cofacteurs. Qui sont-ils ? Pourquoi, quand et comment les
constituants de variation tardive et renseignent sur l’évolu- rechercher ? Justifient-ils un traitement ? Ann Med Interne 1996;147:
492–7.
tion du processus inflammatoire. La réaction immunologi-
[4] Meyer O. Neonatal lupus erythematosus (NLE). Towards a better
que est d’autant plus notable que l’inflammation est durable knowledge of the physiopathology. Ann Dermatol Venereol 2000;127:
ou étendue. La grossesse n’augmente pas le taux des diffé- 799–804.
rentes classes d’Ig.
Tableau 7
Principales modifications des constantes biologiques au cours de la gros-
sesse
5. Autres modifications des paramètres biochimiques Hémoglobine Seuil inférieur de normalité = 10,6 g/dL
standard Hématocrite Diminution progressive de 40–42 à 31–44 %
Globules Augmentation progressive jusqu’à un pic à 30 semaines
De nombreuses constantes biologiques sont en fait modi- blancs d’aménorrhée, maintien d’un plateau jusqu’à l’accou-
fiées au cours de la grossesse. La chute progressive du taux chement ; le taux de leucocytes peut dépasser
15 000/mm3 surtout lié à l’élévation des neutrophiles
d’hémoglobine est sans doute la plus flagrante d’entre elles. qui peuvent atteindre 9000/mm3 ; pas de modification
Si l’on considère comme 12 g/l la valeur basse du taux significative du taux des lymphocytes
d’hémoglobine normale chez une femme non enceinte, au Plaquettes Légère diminution du fait de l’hémodilution ou par aug-
cours de la grossesse le seuil inférieur de normalité du taux mentation de la consommation
d’hémoglobine est de l’ordre de 10,6 g/dL [30]. Cette baisse Ionogramme Pas de modification significative
du taux d’hémoglobine est essentiellement liée à l’état Créatininémie Diminution progressive de 25 % au moins de la valeur
initiale
d’hémodilution observé au cours de la grossesse. Les princi-
Uricémie Diminution précoce d’environ 30 % de la valeur ini-
pales modifications des « constantes biologiques » au cours tiale, réascension en fin de grossesse
de la grossesse sont présentées dans le Tableau 7. Cholestérol Augmentation progressive jusqu’à 3 g/l voire plus
La recherche d’une anomalie lipidique au cours de la gros- Triglycérides Augmentation progressive jusqu’à 2 à 3 g/l
sesse n’a aucune pertinence et est totalement ininterprétable. Bilan hépati- Pas de modification significative
La réalisation d’une telle exploration chez les femmes à ris- que
706 S. Dubucquoi et al. / Revue du Rhumatisme 72 (2005) 698–706

[5] Miranda-Carus ME, Askanase AD, Clancy RM, Di Donato F, [17] Sanchez-Luceros A, Meschengieser SS, Marchese C, Votta R,
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Gynécologie Obstétrique & Fertilité 36 (2008) 563

DÉBAT
Le dépistage du diabète de la grossesse
Screening for gestational diabetes mellitus
J. Milliez
Service de gynécologie–obstétrique, hôpital Saint-Antoine, Assistance publique–Hôpitaux de Paris, 184,
rue du Faubourg-Saint-Antoine, 75012 Paris, France
Disponible sur Internet le 7 mai 2008

Pour le diabète de la grossesse, le dépistage doit-il être suites de couches, ces mères à risque. À partir de quels chiffres
systématique ? La réponse ne se trouve pas là où on l’attend. En de glycémie ? Là encore on ne sait pas ni pour les complications
premier lieu, le diabète de la grossesse est suffisamment gravidiques ni pour leurs suites, il n’existe pas de valeur limite
fréquent pour se prêter, comme les cancers du sein ou du col significative pour la glycémie [3]. Alors à celui qui croyait au
utérin, à un dépistage systématique. La réponse n’a donc pas seuil et à celui qui n’y croyait pas, la Haute Autorité de Santé
changé [1], c’est toujours oui. Mais pour quels bénéfices ? Ici la (HAS) répond : je ne m’en mêle pas, débrouillez-vous !
vérité est plus obscure. Il a fallu longtemps pour suggérer qu’un Profitons-en. C’est sans doute le seul espace de liberté qui nous
traitement rigoureux réduisait les risques périnatals [2]. Et reste en médecine.
pourtant, si l’on analyse bien les résultats secondaires de
l’étude, on constate que la fréquence des dystocies des épaules, RÉFÉRENCES
le grand ennemi des enfants. . . et des accoucheurs, n’est pas
diminuée dans le groupe traité. Alors à quoi bon ? Eh bien, pas [1] Lejeune V, Milliez J. Dépistage du diabète gestationnel : chez qui ?
vraiment pour les fœtus, mais pour leurs mères et pas pour Comment ? J Gynecol Obstet Biol Reprod 1997;26:760–9.
tout de suite, mais pour plus tard. Le diabète de la grossesse [2] Cowther CA, Hiller JE, Moss JR, et al. Effect of treatment of gestational
diabetes mellitus on pregnancy outcomes. N Engl J Med 2005;352:2477–86.
expose, après dix ou 15 ans, au diabète permanent de type 2, à [3] Jensen DM, et al. Adverse pregnancy outcome in women with mild glucose
ses complications dégénératives [1]. Alors autant le traquer en intolerance: is there a clinically meaningful threshold value for glucose? Acta
amont, orienter vers un suivi immédiat de diabétologie, dès les Obstet Gynecol Scand 2008;87:59–62.

Adresse e-mail : j.milliez@sat.aphp.fr.

1297-9589/$ – see front matter ß 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.gyobfe.2008.03.003
Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com

Gynécologie Obstétrique & Fertilité 36 (2008) 536–542


http://france.elsevier.com/direct/GYOBFE/

Psychosomatique et sexualité
Les femmes face à la douloureuse expérience de l’interruption
médicale de grossesse
Women and the painful experience of therapeutic abortion
C. Gaudet, N. Séjourné *, M.-A. Allard, H. Chabrol
Centre d’études et de recherches en psychopathologie, université de Toulouse II – le Mirail, 5, allée Antonio-Machado, 31058 Toulouse, France
Reçu le 28 septembre 2007 ; accepté le 21 février 2008
Disponible sur Internet le 6 mai 2008

Résumé
Objectif. – Lorsque le diagnostic anténatal révèle une anomalie grave chez le fœtus, le couple peut envisager une interruption médicale de
grossesse (IMG). Cette étude qualitative a pour objectif d’apporter une meilleure compréhension du vécu émotionnel et du deuil périnatal qui suit
une IMG.
Patientes et méthode. – Sept femmes ayant eu recours à une IMG ont participé à un entretien semi-directif.
Résultats. – L’analyse des données recueillies révèle le traumatisme psychique que peut représenter l’IMG, la détresse significative des mères
marquée par des sentiments de culpabilité omniprésents, une symptomatologie anxieuse et dépressive persistante. Des divergences de réactions au
sein du couple sont perceptibles et entraı̂nent un risque de conflits conjugaux.
Discussion et conclusion. – Les résultats mettent en lumière la nécessité d’un soutien individuel, mais également l’intérêt d’une prise en charge
pour le couple.
# 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Abstract
Objective. – When the antenatal diagnosis reveals a serious anomaly of the fetus, the couple can envisage a therapeutic abortion. This
qualitative study aims to bring a better understanding of emotional impact and perinatal grief after a therapeutic abortion.
Patients and methods. – Seven women who have had a therapeutic abortion participated in a semidirective interview.
Results. – The analysis of the collected data reveals the psychological trauma caused by a therapeutic abortion, the significant distress of the
mothers accentuated by omnipresent guilt feelings, persistent symptoms of depression and anxiety. Different reactions within the couple are
perceived and can lead to marital conflict.
Discussion and conclusion. – Results show a need for a psychological follow-up of the individual as well as the couple.
# 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Interruption médicale de grossesse (IMG) ; Psychologie ; Deuil périnatal ; Dépression

Keywords: Therapeutic abortion; Psychology; Perinatal grief; Depression

1. Introduction avec leur futur enfant et conduisent à une personnification


précoce du fœtus. Si les nouvelles techniques d’investigations,
Les progrès de la médecine et l’avènement de la biologie telles que l’échographie ou l’amniocentèse, confirment la
fœtale bouleversent le rapport qu’entretiennent les femmes normalité du fœtus et permettent la poursuite d’une gestation
sans inquiétude, c’est parfois le diagnostic d’une anomalie
fœtale qui est porté et qui bouleverse tous les projets du couple
* Auteur correspondant. parental. Face à l’anomalie de leur enfant, qu’elle soit
Adresse e-mail : natalene.sejourne@laposte.net (N. Séjourné). compatible ou non avec la vie, les parents peuvent décider
1297-9589/$ – see front matter # 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.gyobfe.2008.02.021
C. Gaudet et al. / Gynécologie Obstétrique & Fertilité 36 (2008) 536–542 537

d’interrompre, à n’importe quel stade, le cours de la grossesse. symbolise pour les parents la perte d’un fort investissement
Ils ne devront alors plus envisager la vie de l’enfant, mais sa affectif [9] et « laisse une fracture dans la parentalisation »
mort, et seront confrontés au deuil d’un être qu’ils n’auront [10], entraı̂nant ainsi une impression de vide [11]. Le travail
jamais vu, mais pourtant tant désiré et investi. doit s’effectuer dans l’imaginaire, le symbolique : c’est ce qui
L’interruption médicale de la grossesse (IMG) résonne dès rend le deuil périnatal si difficile, intense et dévastateur [12].
le départ comme un traumatisme. La brutalité du drame peut Sa tendance à la chronicité semble aller de pair avec
engendrer un état de stupeur, de choc [1] et un anéantissement l’impossibilité des parents à se représenter l’enfant qu’ils
du sentiment de soi, pouvant conduire à l’incapacité de viennent de perdre. Ainsi, la substitution d’un corps réel à la
discriminer et de réaliser tout ce qui entoure la personne carence imaginative ou aux représentations fantasmatiques
(bruits, paroles de l’équipe médicale . . .) [2]. Immédiatement liées à l’idée d’un enfant mort ou malformé leur permettrait
après l’interruption, les femmes ressentent fréquemment des d’amorcer un premier travail de deuil et de diminuer l’anxiété.
symptômes de stress et même un état de stress aigu post- En effet, Gauthier et al. [13] retrouvent une corrélation
traumatique composé d’un syndrome de répétition (flash-back, significative entre le score élevé de dépression et l’absence de
pensées, rêves. . .), d’un évitement des stimuli ravivant le visualisations et de contacts physiques avec le bébé. Cette
souvenir et l’angoisse liée au traumatisme, de troubles rencontre, de même que les obsèques et les rituels, semble être
physiques, ainsi que des troubles de l’humeur, des sentiments un élément important du travail de deuil. En effet, elle permet
d’insécurité et des symptômes dissociatifs se manifestant par aux parents de s’assurer de la réalité de l’événement [14,15], de
une dépersonnalisation (le sujet se sent détaché de lui comme percevoir l’enfant comme un enfant réel, et non plus comme
s’il était un observateur extérieur) et une déréalisation (le sujet l’enfant tel qu’ils ont pu se l’imaginer durant la grossesse
a l’impression de vivre un rêve, le monde extérieur lui semble (enfant imaginaire idéal ou au contraire difforme) et de
étrange, irréel) [3]. De nombreuses recherches s’accordent sur constituer et de rassembler des souvenirs de son existence.
le risque dépressif et anxieux que constitue l’IMG [4]. Si Frydman [16], met en avant l’importance des rituels et de
certains auteurs ont observé des troubles psychologiques l’accompagnement dans l’élaboration symbolique et la prise
sévères, marqués et persistants seulement chez 10 % des de conscience de la réalité.
femmes [5], d’autres ont noté des fréquences plus élevées. Le vécu de la perte est donc très dépendant de
Ainsi, à partir d’une étude qualitative, Rousseau et Fierens [6] l’accompagnement qui est proposé et l’attitude de l’équipe
ont observé qu’un quart des femmes a fait état d’un deuil soignante est essentielle pour aider les parents à faire face à
pathologique et que beaucoup ont rapporté des perturbations cette épreuve. Si un accompagnement soutenant, reconnaissant
dans les relations avec leurs enfants et une mésentente au l’existence de l’enfant et du statut de parent paraı̂t important,
sein du couple. De même, Connor et al. [7] ont relevé que deux compte tenu de la complexité des processus psychiques en jeu
ans après l’interruption, 20 % des femmes rapportaient et de la relation parfois difficile à instaurer avec ces femmes en
toujours des pleurs, une humeur triste et une irritabilité. Le souffrance, une meilleure compréhension du vécu psycholo-
vécu de ce deuil à des niveaux à la fois physique (bris du gique est nécessaire afin d’apporter l’aide la plus adéquate au
lien organique), identitaire (perte du rôle parental et d’une couple parental. Des entretiens avec des femmes ayant subi une
partie de soi), narcissique et fantasmatique (perte de l’enfant IMG ont été menés afin de mettre en lumière leur expérience
imaginaire et désiré) explique son intensité [3]. Afin de singulière tout au long de cette épreuve. L’objectif de cette
comprendre la complexité et la pérennisation des affects de étude est de rendre compte du parcours long et douloureux
deuil, Kowalski [8] ajoute qu’il symbolise également la auquel les femmes sont confrontées et de la situation de deuil
perte d’une étape de vie, d’un rêve, d’une création. Bien vécue à l’arrêt de la grossesse à travers des illustrations
qu’aucune relation à l’enfant ne se soit constituée, cette perte cliniques.

Tableau 1
Caractéristiques générales de la population
Numéro de Âge Profession Statut civil Durée de la Temps Causes de l’IMG Pertes Nombre d’enfants
l’observation grossesse depuis périnatales
l’IMG passées
Observation 1 35 ans Informaticienne Mariée 17 SA Cinq mois Trisomie 21 0 Un enfant avant l’IMG
Observation 2 35 ans Sans emploi Mariée 24 SA Six mois Trisomie 21 Grossesse 0
extra-utérine
Observation 3 38 ans Secrétaire médicale Divorcée 35 SA Huit ans Anomalie non identifiée 0 Un enfant après l’IMG
Observation 4 24 ans Sans emploi Concubinage 29 SA Quatre mois Anomalie rénale 0 0
Observation 5 26 ans Fonctionnaire Concubinage 19 SA et Deux ans Syndrome de Meckel IMG 0 et début de diagnostic
21 SA et un an pour les deux IMG pré-implantatoire
Observation 6 28 ans Non renseigné Concubinage 25 SA Sept mois Malformation cardiaque 0 Enceinte de sept semaines
Observation 7 32 ans Non renseigné Mariée 28 SA Un an Malformation du 0 Naissance prématurée du
développement osseux deuxième enfant une
sur un enfant lors d’une semaine après l’IMG
grossesse gémellaire
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2. Patientes et méthode totalement dans le déni de la grossesse au cas où y’ait un


problème» (Observation 2), « La deuxième fois je me suis
2.1. Patientes blindée « Prépare-toi ça va recommencer », l’IMG j’ai du le
revivre mille fois en rêve. Deux fois, coup sur coup, vous avez
Sept femmes ayant vécu une IMG ont participé à l’étude l’impression que vous savez que donner la mort » (Observation
(moyenne d’âge 31 ans ; écart-type 11,7 ; min 24–max 38). 5). Le vécu de la grossesse est également sous le poids d’un
Trois d’entre elles ont été rencontrées grâce à des associations suivi « surmédicalisé » et de multiples examens, source
françaises du deuil périnatal et quatre par le biais de forums d’anxiété : « Cela faisait trois mois que l’on était entre le
de discussion spécialisés sur Internet. Le stade de la grossesse décollement placentaire, les résultats des examens, de
lors de la perte s’étend de 17 SA à 35 SA et les femmes ont l’amniocentèse, on était dans un état de stress permanent »
vécu l’IMG entre quatre mois et huit ans avant le moment de (Observation 2).
l’étude. Les caractéristiques des sujets sont présentées dans le
Tableau 1. 3.1.2. L’annonce
L’annonce de l’anomalie est un réel choc pour les parents qui
2.2. Méthode en un seul instant voient leurs projets s’écrouler et doivent
envisager la mort, et non plus la vie. Dans cet instant nous
Des entretiens semi-directifs à visée de recherche ont été percevons les manifestations psychiques propres à un
menés par une étudiante en master1 de psychologie. Une grille traumatisme telles que la stupeur, des symptômes dissociatifs
d’entretien a été élaborée afin d’aborder plusieurs aspects avec des sentiments de dépersonnalisation et de déréalisation,
essentiels dans l’expérience des femmes, notamment le désir ainsi que des manifestations comportementales comme la
d’enfant, le déroulement de l’interruption, la prise en charge prostration ou les pleurs : « Donc là c’est le monde qui
(médicale et psychologique), le deuil, les relations avec s’écroule. Plus elle parlait, plus on n’entendait rien. Donc on
l’entourage et le conjoint. Les entretiens ont duré en moyenne descend, on n’arrive pas à assimiler tout ce qu’ils nous disent
45 minutes et ont tous été enregistrés, puis retranscrits afin (. . .) je m’en souviens même plus tellement on était sous le
d’être étudiés par analyse thématique. Les différentes situations choc » (Observation 4). S’ensuivent dans un deuxième temps,
évoquées dans cet article diffèrent par la durée de la grossesse des sentiments de colère, d’incompréhension, d’injustice, puis
ou le temps écoulé depuis l’IMG et ne sont donc pas de culpabilité de ne pas avoir conçu un enfant « normal » : « Ben
comparables. De plus, le mode de recrutement des participantes on a l’impression que c’est injuste, on en veut à tout le monde,
implique que les femmes interrogées dans cette étude ont on est en colère contre tout le monde parce qu’on ne peut pas en
montré un besoin de parler de leur expérience et ne sont donc vouloir à personne », « Je leur ai juste demandé si c’était ma
pas représentatives de l’ensemble des femmes qui ont vécu une faute, si j’avais fait quelque chose ou quoi » (Observation 5). Le
IMG. Nous avons précisé le numéro de l’observation à la suite diagnostic est difficile à entendre et à accepter car il heurte le
de chaque citation. narcissisme parental en détruisant en un instant l’image de
l’enfant idéal élaborée depuis le début de la grossesse, pour
3. Résultats faire place à l’image d’un enfant « monstrueux » : « Le
diagnostic, ça c’était très difficile à assumer » (Observation 1).
3.1. Avant l’interruption médicale de grossesse Certaines regrettent alors de n’avoir pas arrêté le chemi-
nement de la grossesse plus tôt et d’avoir retardé un
3.1.1. Désir d’enfant et expérience de la grossesse dénouement source de souffrance pour leur enfant comme
Pour toutes les femmes interviewées, la grossesse était pour elles : « Quand on m’a annoncé une nuque épaisse j’aurais
désirée, programmée et l’enfant futur était perçu comme la voulu l’interrompre tout de suite (. . .) quand on sent l’enfant en
concrétisation de l’union du couple, mais également comme soi, qui bouge, c’est tellement dur dans l’histoire d’une maman,
l’assouvissement du désir d’enfant. Cette situation semble qu’arrêter le plus tôt possible c’est ce qu’il y a de mieux »
d’autant plus difficile que le couple n’a pas d’enfant. De par (Observation 3).
l’expérience sensorielle et la perspective de vie future qu’elle
procure, la grossesse apporte bonheur et satisfaction : « On les a 3.1.2.1. Le choix. Le choix d’une IMG est très douloureux
imaginés, on les a rêvés (. . .) on a envie d’avoir un enfant, on pour ces femmes et il est souvent empreint de culpabilité et
s’imagine tout plein de choses, tous ces projets, tout cet avenir » d’ambivalence. Il est perçu soit comme une possibilité d’éviter
(Observation 5). Du fait du risque de fausse couche, certaines à l’enfant une souffrance présente ou future : « On n’a pas mis
femmes ont attendu les premiers mois et la première longtemps à décider (. . .) parce que c’était déjà trop lourd à
échographie pour investir leur grossesse : « Les trois premiers supporter pour lui, enfin, pour le bébé » (Observation 6), soit en
mois je me suis toujours dit : « t’attache pas », attache-toi à ce rapport avec le choix de vie du couple et la capacité à supporter
bébé en te disant que demain tu peux le perdre » (Observation le handicap : « C’était partagé, on ne voulait pas assumer un
4). Néanmoins, lorsque les femmes ont déjà été confrontées à enfant. . .euh, le mot est moche, mais « anormal ». Je pense que
une perte périnatale, cette grossesse vient faire écho au deuil c’est encore très difficile à gérer encore aujourd’hui, de se dire
passé et l’appréhension, l’anxiété et la peur sont prégnantes : qu’on était aussi sûr de ça, que c’était une solution qui était
« Je n’étais pas du tout en osmose avec mon enfant, j’étais sans appel. . . » (Observation 2). En revanche, si pour certains
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couples la décision est commune, pour d’autres elle peut entre la vie et la mort et avec mon masque à oxygène je respirais
entraı̂ner des différences d’opinion et des discordes. à peine, donc si vous voulez, en fin d’après midi, j’étais plus
traumatisée par la peur de mourir que le, le, le fait de perdre
3.1.3. L’attente avant l’IMG mon bébé » (Observation 6). Cette femme développa par la
Le vécu de la grossesse durant ce temps intermédiaire est suite des symptômes spécifiques d’un état de stress post
marqué par une forte ambivalence, insupportable pour certaines traumatique avec des angoisses réveillées par sa grossesse
femmes. Les femmes oscillent entre le bébé monstrueux dont actuelle.
elles voudraient être débarrassées et le bébé merveilleux
qu’elles voudraient encore porter. L’envie que cela finisse vite, 3.2.2. Les rituels
de rejeter le bébé, qu’il meure enfin peut dominer (« Dès que Toutes les femmes interviewées désiraient rencontrer leur
l’on a su l’anomalie, il fallait que les choses se fassent enfant. L’enfant étant perçu comme un « beau bébé », cette
vite,vite,vite. . . » Observation 1). Cependant, c’est également à rencontre leur a permis de restaurer en partie le narcissisme
ce moment que la majorité des femmes a réinvesti la grossesse parental blessé : « Pour nous, on a quand même fait un beau
et a profité de l’enfant qu’elles n’allaient plus ressentir par la bébé quoi. Il avait un problème à l’intérieur, mais extérieu-
suite (« Pendant le week-end avant, justement l’on s’est mis à rement parlant, il n’était pas du tout difforme et cela nous a
lui parler, à avoir envie d’établir un contact avec elle. De lui beaucoup, beaucoup rassurés » (Observation 3).
apporter de l’amour, et puis on n’avait plus envie d’être dans Malgré quelques appréhensions, cette rencontre avec
l’ignorance, on a réinvesti cette grossesse » Observation 2). La l’enfant leur à permis de se positionner en tant que parent,
relation fusionnelle établie durant la grossesse leur a permis « d’avoir des gestes de maman », et en quelque sorte de
d’interagir avec leur bébé et de nouer des liens avec lui : « Moi soulager leur culpabilité en mettant en acte l’investissement
c’était pour résumer que du bonheur que je n’aurai pas plus affectif porté tout au long de la grossesse : « C’est hyper
tard. Des bons moments que je ne pourrai pas oublier quoi. culpabilisant. Mais voilà des sentiments de vouloir se
C’était des souvenirs, je l’ai senti bouger, c’était voilà j’en ai rapprocher de son enfant, de le faire exister, par tous les
gardé des merveilleux souvenirs parce que je savais que ça moyens dont on dispose (. . .). C’était vraiment essentiel pour
allait se finir et que j’aurai plus rien après » (Observation 5). moi, qu’elle reçoive de l’amour (. . .) ça nous a prouvé notre
Ces différents aspects soulignent l’importance de cette étape identité de parents » (Observation 2).
pour les femmes et la nécessité de ne pas accélérer l’IMG,
notamment pour laisser le temps aux parents de faire leurs 3.2.3. La prise en charge
adieux à l’enfant. Elle nécessite de considérer la douleur morale, mais
également la douleur physique. Tout d’abord, avant l’IMG,
3.2. L’interruption les mères ont besoin d’être guidées et d’avoir des explications
claires afin de pouvoir se préparer psychologiquement et
3.2.1. La prise de médicaments et l’accouchement amoindrir ainsi le traumatisme de l’événement. Concernant la
L’interruption de la grossesse est à l’origine d’une prise en charge, on peut mettre en avant l’importance d’un
expérience possiblement traumatique pour les femmes. La repère fixe, d’une personne privilégiée, présente avant et tout au
prise de médicaments est perçue comme l’acte de tuer long de l’accouchement, reconnaissant l’existence de l’enfant,
intentionnellement l’enfant et contribue à amplifier les de leur statut de mère et de la douleur de la perte. L’aide, la
sentiments de culpabilité : « c’était très important pour moi disponibilité, l’écoute empathique et la compréhension que
de savoir si ça allait l’empoissonner parce que j’avais l’image peut apporter le personnel médical peuvent être pour la mère un
d’un bébé mort dans mon ventre » (observation 1). Le terme soutien important : « Extrêmement bien informés et soutenus,
« fœticide », de par son rapprochement étymologique avec le avant, pendant et après l’IMG » (Observation 2), « Les sages-
mot « homicide » est particulièrement marquant pour les femmes ont été extraordinaires, l’équipe médicale a été
femmes : « Donc y’avait marqué : « Mme X, fœticide ». Donc ça fabuleuse (. . .) ça m’a vraiment aidée» (Observation 4).
vous vous le prenez en pleine face. Je crois que ce problème de Quelques femmes ont mis en avant leur insatisfaction. Le
tuer ma fille je crois que cela vient de là, je pense » déroulement de l’IMG en service de maternité est particuliè-
(Observation 7). rement difficile et rappelle aux femmes leur non-accession à la
L’accouchement est le moment le plus difficile pour les parentalité, la perte de l’enfant et de leur projet fracturé : « Ça a
mères car il s’agit de la confrontation avec la réalité de vraiment été atroce et insupportable pour moi d’être en salle
l’anomalie et de la perte de l’enfant. Elles doivent se détacher d’accouchement et d’entendre trois bébés qui venaient de naı̂tre
de la relation fusionnelle qui les lie à lui, et sont confrontées pleurer et de me dire que les miens ne pleureraient jamais »
dans le même temps à la vie et à la mort. Cette cohabitation (Observation 1). Face à une situation qui leur échappe, leurs
donne à cet instant un caractère surréaliste qui échappe aux choix déjà douloureux ne sont pas toujours respectés par
capacités de mentalisation du sujet. L’enfant est identifié l’équipe médicale : « La secrétaire de l’hôpital nous a forcés à
comme une partie d’elles-mêmes et les femmes demeurent connaı̂tre le sexe de notre ange alors que tout le monde avait
entre ces deux mondes. Peuvent naı̂tre à cet instant des respecté notre choix » (Observation 4). Le manque d’informa-
angoisses de mort, d’autant plus lorsqu’un accouchement tion et les propos tenus par l’équipe soignante renforcent leur
difficile entraı̂ne un risque vital pour la mère : « Moi, j’étais incompréhension et leur douleur : « Vous savez y’a dix ans on
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vous aurait mis un drap sur la tête et on vous aurait endormie » personnelle. En revanche, pour certaines femmes, cette épreuve
(Observation 5). leur a permis de prendre conscience des capacités et d’une
La prise en charge par un psychologue est essentielle et peut maturité qu’elles ne soupçonnaient pas : « Moi, ça m’a révélé
être mise en place immédiatement après l’IMG auprès des une force, un courage des choses que je ne pressentais pas en
couples, mais aussi de l’équipe soignante. Cela semble être un moi » (Observation 3). Nous pouvons percevoir la tendance à la
élément important pour faire face au deuil périnatal et aux chronicité de ce deuil (« moi j’ai longtemps pleuré ».
difficultés conjugales : « Je crois que c’est elle qui nous donne Observation 3). La perception de femmes enceintes, d’enfants,
plein de petites choses pour avancer, pour comprendre ce qui l’approche des dates d’anniversaire entraı̂nent chez elles une
s’est passé et tout ça (. . .). Sans elle, le cheminement aurait été remémoration de la perte et une augmentation des symptômes
beaucoup plus long » (Observation 7). dépressifs : « On repense à tout ce qu’on n’a pas et tout ce
qu’on aurait pu avoir » (Observation 5). Si la souffrance semble
3.3. Le temps de deuil diminuer avec le temps, elle reste présente : « Ça se réveille de
temps en temps. C’est comme une cicatrice, on vit avec, puis
3.3.1. La culpabilité elle cicatrise un peu avec le temps, des fois elle picote un peu,
Face à la décision d’interrompre la grossesse, les mères bon on est obligé de vivre ; c’est pour la vie quoi ! »
éprouvent une importante culpabilité (« Au fond de moi, je me (Observation 4). Les femmes éprouvent le besoin de donner une
sens encore toujours coupable. . . » Observation 5), notamment place à leur enfant, de prouver son existence et de trouver un
par rapport à l’anomalie, aux possibles douleurs infligées à sens à sa perte : « Moi j’avais vraiment besoin d’en parler parce
l’enfant, à la non-acceptation du handicap. Certaines femmes, que j’avais besoin qu’il existe » (Observation 5).
ayant pris conscience de leur statut de mère et de l’existence de
leur enfant au moment de l’IMG, peuvent éprouver de la 3.3.3. Le couple
culpabilité vis-à-vis de ce déni de grossesse. Dans un même L’IMG est une expérience difficile pour les femmes, mais
temps, l’IMG met un terme à l’anxiété causée par les multiples également pour les hommes qui, même s’ils ne vivent pas
examens médicaux et aux souffrances de l’enfant et les femmes l’interruption de la grossesse sur le plan physique, sont
peuvent alors éprouver un certain soulagement et une confrontés à la perte de leur futur enfant. D’après le discours
délivrance : « J’ai décidé de le faire partir dans l’autre monde des femmes interrogées, le soutien du conjoint semble être un
pour ne pas être égoı̈ste. Un enfant handicapé n’a pas la chance élément important de l’intensité, du déroulement et du
de vivre une vraie vie alors j’ai évité ce calvaire à mon fils » dénouement du deuil (« Mon mari était avec moi, chose hyper
(Observation 2). L’interruption les libère de leur fantasme importante ! ». Observation 2). Si le conjoint soutient sa
d’enfant monstrueux et de la représentation de « tombe » que femme, il n’apporte pas toujours l’aide qu’elle souhaiterait : « Il
peut détenir leur corps [17]. fait tout pour m’apporter le soutien dont il pense que j’ai
L’impossibilité ou la difficulté à accompagner l’enfant besoin. Il a du mal à trouver le comment. Il essaie (. . .) en
jusqu’aux obsèques ne permettent pas aux parents de mettre en faisant le pitre, en me faisant rire, en me disant « vas- y sèche
place des gestes compensatoires et entraı̂nent des remords et tes larmes, on va rire ». Mais c’est pas forcement ça qui fait du
une culpabilité supplémentaire : « Je ne savais pas les bien » (Observation 4).
possibilités que j’avais (. . .). C’est un sentiment de culpabilité Contrairement aux femmes, les pères n’expriment pas leurs
qui est très, très lourd à porter » (Observation 5). affects, ce qu’elles vivent avec ambivalence. Elles peuvent
attribuer cette attitude à un désir de montrer une image forte,
3.3.2. Le vécu du deuil contenante et soutenante, et de cacher leur douleur pour ne pas
L’IMG se présente comme l’épreuve la plus difficile et la amplifier celle de leur conjointe, mais elles peuvent le percevoir
plus douloureuse à laquelle ces femmes ont eu à faire face dans comme une fuite : « Il garde beaucoup quand même, il garde
leur vie car elle renvoie à la mort de leur statut de mère et de leur beaucoup de sentiments » (Observation 5) ; « Il a voulu être
enfant et donc à la mort d’une partie d’elles-mêmes. Le fort, il a voulu se détacher pour pas en souffrir, chose qu’il a
sentiment de vide est omniprésent : « Aujourd’hui, il reste cette faite pour moi. Déjà, à la fin de ma grossesse il se détachait, il
preuve d’amour et puis il reste le manque, tous les jours il me touchait plus le ventre, vraiment je sentais qu’il était déjà plus
manque » (Observation 4). L’interruption de la grossesse les là le petit (. . .) Tous les jours il a la tête dans son travail »
confronte au deuil de l’enfant et d’un futur imaginaire : « En (Observation 4). Ces différences au sein du couple peuvent être
fait, on fait un deuil de ce que l’on imaginait neuf mois plus source de complémentarité et de cohésion, mais également
tard » (Observation 2) ; « on fait un deuil sur des rêves, sur des d’incompréhension et de conflits : « Moi j’avais besoin de
choses qui sont dans le futur donc c’est difficile à exprimer » parler d’elle et pas D. (son mari) et du coup c’est très difficile
(Observation 1). d’en parler, d’aborder le sujet » (Observation 7). Le
La symptomatologie dépressive et anxieuse est importante dépassement de cette épreuve grâce à la communication et
et nombre de femmes font part de leurs pensées au partage représente une étape dans l’identité du couple : « Ça
suicidaires (« Dans mes moments de déprime, j’aurais pu nous a énormément renforcés et rapprochés » (Observation 6),
passer à l’acte suicidaire ». Observation 4). Les sentiments de « Ça nous a renforcés dans notre désir d’enfant (. . .) c’est
responsabilité de la perte peuvent être à l’origine d’une tellement fort de sentir que son couple est aussi soudé. On n’a
diminution de l’estime de soi et des sentiments de valeur pas eu forcement d’autres occasions de l’exprimer comme ça »
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(Observation 2). La qualité de la relation conjugale, 3.3.5. L’enfant présent, la grossesse et l’enfant futur
l’ajustement aux réactions de l’autre et l’expression émotion- À la suite d’une IMG naı̂t l’anxiété de ne pas un jour accéder
nelle facilitent la résolution du deuil : « Qu’on n’ait pas à la parentalité : « J’avais incroyablement peur que cela me
forcement les mêmes réactions de la même intensité et cela ne paralyse pour une future grossesse » (Observation 1). Le désir
veut pas dire pour autant qu’il est pas malheureux, qu’il aime d’enfant et l’envie de fonder une famille sont fortement
pas cet enfant (. . .) on ne réagit pas de la même manière et du perceptibles chez ces femmes, mais celles-ci expriment
moment qu’on l’accepte. C’est là aussi l’une des clefs du fait également leur souhait de ne jamais oublier leur enfant décédé.
qu’on s’en soit sorti rapidement et assez bien : c’est la force du Du fait de l’angoisse d’une nouvelle perte, l’investissement de
couple » (Observation 2), « Quand lui était bas, moi j’étais la grossesse se fera plus tardivement, par exemple au moment
haute et quand j’étais basse, il était haut. On a réussi à de la première échographie, voire même pour certaines le jour
s’équilibrer complètement » (Observation 6). de l’accouchement : « Ce n’est pas parce que je suis enceinte
En revanche, les difficultés conjugales contribueraient à que je vais avoir un enfant en fait » (Observation 6).
renforcer les symptômes d’anxiété et de dépression consécutifs
à la perte : « J’ai jamais été aussi seule à partir du moment où 4. Discussion
j’ai mis au monde cet enfant (. . .) J’avais plus du tout l’écoute
et la tendresse dont on a besoin pour se sentir équilibrée quoi » Cette étude a permis de mettre en avant les répercussions
(Observation 3). L’incompréhension, l’irritabilité, la colère et la psychologiques de l’IMG et le risque traumatique que constitue
frustration ont mené certains couples à la séparation : « Ça cet événement. L’hétérogénéité des participantes permet de
casse un couple, moi je le dis et j’en suis persuadée (. . .) mieux appréhender l’évolution et surtout la diversité des
Ça représente 80 % du problème. Parce qu’on ne l’a pas vécu expériences de l’IMG. Il ressort des entretiens l’importance de
pareil, avec une intensité différente, lui il a nié tout ! » la rencontre avec l’enfant et des rituels dans le travail de deuil.
(Observation 3). Pour la femme, cette absence de dialogue et de De par la dimension structurante qu’ils apportent, tous ces
soutien est perçue comme une indifférence à la perte et un signes concrets ou symboliques ont pu aider la majorité des
manque de reconnaissance, et entraı̂ne des sentiments de mères dans l’élaboration du deuil [18], leur absence
frustration, de solitude et une rumination ayant pour effet une apparaissant comme un risque à une instabilité émotionnelle
détresse psychologique intense : « On n’a pas beaucoup parlé. avec symptomatologie anxiodépressive importante [19].
Pour moi, plus je le gardais, plus j’engendrais des souvenirs et Certaines femmes ont vécu leur IMG des années auparavant
plus je le gardais, plus je souffrais. C’était difficile » et la douleur semble encore très présente dans leur discours.
(Observation 7). Plusieurs études ont observé une fréquence élevée de deuil
chronique lors d’une perte en période périnatale. Hunfeld et al.
[20] ont décelé 38 % de détresse cliniquement significative
3.3.4. Le soutien social quatre ans après l’interruption. Pour Legros [21], leur douleur et
La spécificité de ce deuil et du statut de l’enfant semblent leurs pensées seraient pour ces femmes les seuls représentants
inhiber le soutien social, provoquant une gêne et une de l’existence de leur enfant et leur permettraient de préserver
incompréhension. D’après les femmes interrogées, l’entou- le lien à l’objet. Selon Goulet et Lang [22], donner un sens à la
rage ne reconnaı̂t pas cette perte comme le deuil d’une perte est un processus qui permettra la résolution du deuil.
personne à part entière et le soutien, lorsqu’il y en a, est de L’IMG représente également le deuil de la maternité. Les
courte durée, le plus souvent apporté lors de la période de résultats montrent que l’absence d’enfant apparaı̂t comme un
l’IMG. Par la suite, il est fortement réduit, laissant entendre au facteur supplémentaire à la détresse maternelle, de par l’anxiété
couple « qu’il faut passer à autre chose » : « Cette sensation de ne pas un jour accéder au statut de mère. De plus, il
qu’ils aient tout oublié après (. . .) Et à partir du moment où j’ai semblerait que le stade de la grossesse soit un facteur
accouché c’était tout oublié, pour eux c’était passé » important : lors d’une perte à un stade précoce, les sentiments
(Observation 4). Les tentatives de soutien sont maladroites, de culpabilité prédominent, alors que lors d’une IMG à un stade
et l’entourage, en pensant rassurer le couple peut provoquer avancé, la culpabilité cohabite avec une symptomatologie
une souffrance supplémentaire : « Ils sont un petit peu dépressive typique du travail de deuil.
maladroits et puis, ils comprennent pas ce qu’on vit, ils ne Face à cette douleur, les mères élaborent des stratégies pour
peuvent pas comprendre ; c’est des phrases qui font très mal. faire face davantage tournées vers la verbalisation de leurs
Dans le genre « vous êtes jeunes vous allez en avoir d’autres » émotions, avec le désir de communication, de partage et
(Observation 4). Du fait de l’absence de communication et de d’affirmation de soi [23]. Conformément à d’autres études,
reconnaissance, la mère peut ressentir des sentiments de certaines femmes mettent en avant que leur conjoint réprime
solitude, de rejet et de colère : « C’est vrai que l’entourage leur souffrance [24]. Selon Mouras et al. [18], c’est le
proche, ils nous ont pas beaucoup aidés, et cela rajoute à la refoulement de la dimension féminine de la paternité et de
douleur » (Observation 2). Notons que du fait de la spécificité l’identification des hommes aux rôles sociaux qui les pousserait
de la population interrogée, il est apparu dans notre échantillon à vivre le deuil intérieurement. Si Fréchette [25] souligne que
que les couples se replient sur eux-mêmes, s’isolent et cette attitude a pour but de soutenir leur femme et d’être une
certaines femmes se tournent alors vers les forums de figure contenante, un manque de communication dans le couple
discussions spécialisés sur Internet. représente un facteur de vulnérabilité [26]. Du fait des
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difficultés conjugales qui peuvent survenir, il semble nécessaire [4] Rosenfeld A. Emotional responses to a therapeutic abortion. Am Fam
Physician 1992;46(3):665–6.
d’étudier plus spécifiquement le vécu du conjoint et la relation
[5] Zolese G, Blacker CV. The psychological complications of therapeutic
de couple à la suite d’une IMG. abortion. Br J Psychiatry 1992;160:742–9.
Pour finir, notre étude a révélé l’importance du soutien social [6] Rousseau P, Fierens RM. Évolution du deuil des mères et des familles
et les difficultés que peuvent vivre les femmes face à après mort périnatale. J Gynecol Obstet Biol Reprod 1994;23:166–74.
l’incompréhension de leur entourage. Dans ce moment difficile, [7] Connor JM, Ferguson-Smith MA, White-van Mourik MCA. The psycho-
une attitude soutenante et compréhensive de la part de social sequelae of a second trimester termination of pregnancy for fœtal
abnormality. Prenat Diagn 1992;12(3):189–204.
l’entourage social, mais également du personnel médical [8] Kowalski K. No happy ending : pregnancy loss and bereavement. Naacogs
apparaissent essentiels. Brown [27] met notamment en lumière Clin Issu Perinat Womens Health Nurs 1991;2(3):368–80.
les éléments d’ordre affectif, cognitif et instrumental que [9] Oppenheim D. Parents en deuil : le temps reprend son cours. Ramonville
peuvent apporter l’équipe soignante. Saint-Agne: Eres; 2002.
[10] Soubieux MJ, Soulé M. La psychiatrie fœtale. Paris: PUF; 2005.
Tout en montrant l’expérience difficile que constitue l’IMG,
[11] Toedter LJ, Lasker JN, Aldaheff JM. The perinatal grief scale : develop-
les entretiens révèlent aussi l’importance pour les femmes de se ment and initial validation. Amer J Orthopsychiat 1988;58:435–49.
sentir mères et d’être considérées comme telles. Ainsi, entre [12] Flis Treves M. Le deuil de maternité. Paris: Calmann-Lévy; 2004.
l’annonce et l’intervention médicale, la grossesse est réinvestie [13] Gauthier Y, et al. Tragédies à l’aube de la vie, répercussions sur les
et est vécue agréablement. De même, la rencontre avec l’enfant familles. Paris: Bayard edition; 1993.
permet aux femmes de materner leur bébé et l’implication dans [14] Bacqué M-F. Le deuil à vivre. Paris: Odile Jacob; 1995.
[15] Rousseau P. Le deuil périnatal. Psychopathologie et accompagnement. J
les choix liés à l’intervention et au rituel de deuil leur donne la Gynecol Obstet Biol Reprod 1988;17:285–324.
possibilité d’exercer leur rôle de parent. [16] Frydman R. Mourir avant de n’être ?. Paris: Odile Jacob; 1997.
[17] Allouch J. Érotique du deuil au temps de la mort sèche. Paris: EPEL; 1995.
5. Conclusion [18] Mouras MJ, et al. La périnatalité : repères théoriques et clinique. Paris:
Bréal; 2003.
[19] Payne EC, et al. Outcome following therapeutic abortion. Arch Gen
Compte tenu du caractère traumatique de l’IMG et des Psychiatry 1976;33(6):725–33.
nombreuses difficultés qui jalonnent cette expérience, il semble [20] Hunfeld JA, Wladimiroff JW, Passchier J. Prediction and course of grief
particulièrement important de soutenir les femmes et de les four years after perinatal loss due to congenital anomalies : a follow-up
aider à faire face à cet événement. Si le deuil périnatal est study. Br J Med Psychol 1997;70:85–91.
[21] Legros JP. Arrêt de vies in utero ou l’errance des fœtus, un possible deuil.
maintenant reconnu et que les institutions accordent une
Études sur la mort 2001;119:63–75.
attention particulière aux mères confrontées à la perte d’une [22] Goulet C, Lang A. Le deuil des parents qui perdent un enfant pendant la
grossesse, les informations rapportées dans cette étude période périnatale. Frontières 1996;9(2):47–51.
permettent de mieux comprendre l’expérience singulière de [23] Schatz WH. Grief of fathers. In: Rando TA, editor. Parental loss of a child.
ces femmes et de cibler l’aide à leur apporter. Champlain, IL: Res Press; 1986.
[24] McCarthy M.-R. Gender differences in reactions to perinatal loss : A
qualitative study of couples, Dissertation Abstracts International : Section
Références B : The Sciences and Engineering 2002, Vol 62(8-B): 3809.
[25] Fréchette L. Deuil à la suite d’accidents de procréation et de décès de
[1] Kersting. Grief after termination of pregnancy due to fetal malformation. J nourrissons. Frontières 1997;9(3):10–4.
Psychosom Obstet Gynaecol 2004;25(2):163–9. [26] Schaap AH, et al. Long term impact of perinatal bereavement. Compar-
[2] Mytnik B. IVG, fécondité et inconscient, l’absence de la chair. Ramonville aison of grief reactions after intrauterine versus neonatal death. Eur J
Saint-Agne: Eres; 2007. Obstet Gynecol Reprod Biol 1997;75:161–7.
[3] Dayan J. Psychopathologie de la périnatalité. Paris: Masson; 1999. [27] Brown Y. Perinatal death and grieving. Can Nurse 1991;87:26–9.
Revue du Rhumatisme 72 (2005) 554–562
http://france.elsevier.com/direct/REVRHU/

Lupus et grossesse
Lupus and pregnancy
Michel De Bandt
Service de rhumatologie, hôpital Ballanger, 93600 Aulnay-Sous-Bois, France
Reçu et accepté le 8 décembre 2004

Disponible sur internet le 21 février 2005

Mots clés : Lupus érythémateux systémique ; Lupus ; Grossesse ; Anticorps antiphospholipide ; Anticorps anti-Ro

Keywords: Systemic lupus eryhtematosus; Lupus; Pregnancy; Antiphospholipid antibody; Anti-Ro antibody

Depuis quelques années les connaissances et la prise en un profil Th2 en cours de grossesse [4]. On ne parle donc
charge obstétricale des femmes lupiques ont considérable- plus d’immunosuppression, mais d’immunomodulation de la
ment évolué. grossesse, régulée par le TGF-b et l’interleukine (IL)-10.
Les modèles murins ont confirmé cette hypothèse en
démontrant le rôle toxique et néfaste des cytokines Th1 telles
1. Immunologie de la grossesse humaine le TNF-a et l’interféron (IFN)-c et le rôle bénéfique des inhi-
biteurs de ces molécules [5,6].
Les mécanismes qui régissent la tolérance fœtomaternelle
sont encore mal connus malgré des acquisitions récentes Au cours de la gestation, l’augmentation des cytokines
concernant le rôle de la molécule HLA de classe G, [1]. Il est Th2 est dépendante du PIBF (Progesterone Induced Bloc-
très vraisemblable que le « paradoxe » de la persistance de king Factor). Les lymphocytes expriment à leur surface des
l’allogreffe fœtale soit responsable de certaines améliora- récepteurs à la progestérone, qui en présence de l’hormone,
tions cliniques observées dans la polyarthrite rhumatoïde, le libèrent du PIBF, capable d’augmenter la production d’IL-
rhumatisme psoriasique ou la spondylarthrite ankylosante. 10 et d’IL-4. Des travaux, chez la femme enceinte, ont mon-
Mais inversement, l’expérience montre que la maladie lupi- tré l’augmentation de production d’IL-10 et de TGF-b [7,8].
que s’aggrave souvent au cours de la grossesse. Si de façon À l’inverse, il est démontré au cours de la grossesse une dimi-
notoire, il existe une dépression de la réponse immunitaire à nution de l’expression de l’IFN-c de l’IL-2, et du récepteur
médiation cellulaire, il est clair que se développe aussi une de l’IL-2, plus marquée au cours du 3e trimestre. Des études
réponse vis-à-vis des antigènes paternels exprimés par le fœtus ont montré que des femmes non lupiques avec des avorte-
[2]. ments spontanés, exprimaient moins d’IL-10 que celles sans
avortements spontanés et que ceci était corrélé à une chute du
PIBF. Ces modifications cytokiniques sont liées à différents
1.1. Importance de la modulation de la balance
phénomènes, en particulier aux hormones sexuelles qui sont
Th1/Th2 au cours de la grossesse
capable de réduire la sécrétion de TNF-a et d’augmenter celle
d’IL-10, d’IL-4 et d’IL-6. Enfin, les antigènes HLA de classe
La dichotomie entre les populations lymphocytaires T (LT)
CD4 Th1 et Th2 permet d’expliquer les modulations obser- II d’origine paternelle exprimés par les cellules placentaires,
vées. Il semble que les LT Th1 aient des propriétés abortives induisent une augmentation de l’IL-4 par les lymphocytes des
[3] mais qu’il existe de façon physiologique un passage vers femmes enceintes [9]. Ces phénomènes de régulation de la
balance Th1/Th2 sont importants mais tardifs, ce qui ne cor-
respond pas tout à fait chronologiquement à l’amélioration
Adresse e-mail : m.debandt@ch-aulnay.fr (M. De Bandt). observée au cours de la polyarthrite rhumatoïde ou à l’aggra-
1169-8330/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.rhum.2004.12.009
M. De Bandt / Revue du Rhumatisme 72 (2005) 554–562 555

vation de la maladie lupique, qui sont souvent assez préco- 2. Fertilité, fécondité et contraception chez les femmes
ces. D’autres phénomènes inconnus sont probablement en jeu. lupiques

La fertilité des femmes lupiques est normale (2 à 2,4 gros-


1.2. Les cytokines au moment de l’accouchement
sesses par patiente) et la prévalence de stérilité primaire est
similaire à celle observée dans la population générale (10 à
Les mécanismes de contrôle de l’accouchement sont mal 15 %). Ceci peut être remis en question dans des circonstan-
connus. Les variations des taux de certaines cytokines font ces particulières, par exemple après un traitement par le cyclo-
évoquer leur rôle éventuel dans le déclenchement du travail. phosphamide. Lorsque le lupus a débuté dans l’enfance, on
Les taux circulant d’IL-1 et IL1-RA augmentent de façon observe assez souvent un développement pubertaire retardé
parallèle et significative au cours de la grossesse. Le maxi- mais la fertilité est normale dans la majorité des cas [16].
mum est observé au moment de l’accouchement, ceci est éga- Une aménorrhée peut être observée durant une période de
lement valable pour l’IL-6 et son récepteur soluble. Les récep- poussée de la maladie.
teurs p55 et p75 du TNF augmentent également au cours de
la grossesse, mais seul le p55 s’élève de façon notable au 2.1. Les anticorps antiphospholipides
cours du travail. De façon caricaturale, on sait que la chute
brutale de certaines cytokines, en particulier de l’IL-6 séri- Pour certains auteurs, la présence d’un anticorps anticar-
que est corrèlé avec la survenue d’une prééclampsie, d’un diolipine serait associée à un fort risque de stérilité primaire
retard de croissance intra-utérin ou d’un travail prématuré. [17–19]. Des travaux récents montrent que les femmes attein-
tes de stérilité primitive et porteuses d’un anticorps anticar-
1.3. Le rôle de l’interleukine 3 (IL-3) diolipine sont plus à même de développer un échec de la
fécondation in vitro que celle n’ayant pas l’anticorps.
L’IL-3 est une cytokine impliquée dans la croissance des
cellules hématopoïétiques qui participent aussi à deux étapes 2.2. L’atteinte rénale et les immunosuppresseurs
fondamentales de l’implantation embryonnaire : l’invasion
et l’expansion trophoblastique [10,11]. Elle augmente l’acti- L’insuffisance rénale est responsable d’infertilité lorsque
vité d’une enzyme activatrice du plasminogène de type uro- la créatininémie atteint ou dépasse 300 µmol/l. La dialyse
kinase (UtPA) dont l’activité protéolytique permet d’assurer péritonéale peut permettre la persistance de cycles ovulatoi-
l’invasion trophoblastique. L’enzyme convertit le plasmino- res chez ces patientes. Après une transplantation rénale, les
menstruations et les fonctions de reproduction réapparais-
gène des matrices extracellulaires en plasmine, protéase
sent de façon normale. Ainsi des grossesses menées chez des
active, capable de dégrader les matrices extracellulaires [12].
femmes transplantées rénales ou recevant une hémodialyse
L’IL-3 est un support important de l’invasion et de l’implan-
débutée au plus tard à la 20e semaine de gestation peuvent
tation de l’œuf. Son rôle est capital pour éviter la résorption
être menées à terme [20]. Le cyclophosphamide, justifié par
fœtale précoce. Le placenta synthétise des quantités impor-
une atteinte rénale sévère, est associé à un risque définitif
tantes d’IL-3, en particulier sous l’effet de la progestérone.
d’infertilité. Cette complication est liée à l’âge et à la dose
Le taux d’IL-3 augmente tout au long de la grossesse pour
cumulée. Dans l’étude du NIH (États-Unis), chez les femmes
culminer peu avant la délivrance [13].
de moins de 25 ans recevant une dose cumulative inférieure à
Chez des femmes enceintes présentant un syndrome des 7 g, le risque de stérilité définitive est nul. Il est maximal
antiphospholipides, on constate un effondrement du taux d’IL- chez celles de plus de 31 ans recevant en traitement prolongé
3 par rapport à des femmes témoins. Dans le modèle murin du cyclophosphamide (avec une dose cumulée supérieure ou
de la souris BalB/C immunisée contre un anticorps humain égale à 10 g) [21,22]. En revanche, l’azathioprine, le métho-
H3 (inducteur d’un syndrome des antiphospholipides), on trexate et le mycophénolate mofétil ne sont pas responsables
observe aussi un effondrement des taux circulant d’IL-3 au d’infertilité [22]. Ce dernier traitement (Cellcept®) est une
cours de la gestation. L’administration d’IL-3 chez ces sou- alternative très intéressante au cyclophosphamide en cas
ris réduit le nombre de pertes fœtales d’un tiers par rapport d’atteinte sévère car il n’expose pas au risque de stérilité.
au groupe témoin non traité alors que l’injection d’IFN-c, de
TNF-a ou d’IL-2 augmente les pertes. 2.3. L’induction ovulatoire
L’aspirine, dont on connaît l’efficacité dans le traitement
préventif des pertes fœtales du syndromes des antiphospho- L’induction de l’ovulation représente une alternative thé-
lipides, augmente le taux d’IL-3 circulante. Cet effet a été est rapeutique en cas de stérilité. On individualise deux types
démontré in vitro et in vivo avec des splénocytes murins dont d’induction. La première est une induction conventionnelle
la stimulation par l’aspirine provoque une augmentation de en cas d’anovulation ou d’infertilité inexpliquée. On utilise
la synthèse d’IL-3. Fait important, seule l’aspirine à faible alors des agonistes de la LH-RH et les gonadotrophines cho-
dose et non à forte dose possède cette activité stimulante pro- rioniques pour contrôler la croissance folliculaire et déclen-
IL-3 [14,15]. cher l’ovulation. Le but est d’obtenir le recrutement et la matu-
556 M. De Bandt / Revue du Rhumatisme 72 (2005) 554–562

ration d’un follicule qui sera fécondé par voie « naturelle ». Tableau 2
L’autre possibilité est de faire appel aux techniques de repro- Facteurs de risque de prématurité
duction assistée fondées sur les analogues de la GhRH et l’uti- Principaux facteurs de risque de prématurité (< 36e semaine) chez une
femme non lupique :
lisation de gonadotrophines exogènes. L’induction est réali-
• Rupture prématurée des membranes
sée par des fortes doses d’hCG puis les ovocytes sont
• HELLP syndrome
récupérés et la fécondation se fait in vitro. Ces deux procé- • Oligohydramnios
dures augmentent de façon considérable le taux d’estrogène • Infections
circulant, ce qui explique qu’il existe un risque de poussée • Travail prématuré
lupique et surtout de complications thromboemboliques en • Éclampsie
cas de syndrome des antiphospholipides. Ces traitements sont Principaux facteurs de risque de prématurité propres à la femme lupi-
donc à éviter autant que possible mais s’ils sont nécessaires, que :
une thérapeutique associée par corticoïdes et héparine est • Activité de la maladie
• Atteinte rénale
nécessaire [23–25].
• Hypertension artérielle
• Corticothérapie
2.4. La contraception • Syndrome des antiphospholipides
• Autres facteurs : niveau socioéconomique défavorisé, origine afri-
Ce problème très important sera traité dans un chapitre caine, syndrome de Raynaud
spécifique de cette monographie. HELLP syndrome: Hemolysis, Elevated Liver, Low Platelet

défavorable pour l’enfant. Une créatininémie supérieure à


3. Devenir de la mère et des enfants 140 µmol/l et/ou une hypertension artérielle s’accompagnent
d’une mortalité fœtale d’au moins 50 %. Si la créatininémie
3.1. Les risques gestationnels est proche de 400 µmol/l, moins de 20 % des grossesses abou-
tiront. A contrario, des grossesses normales peuvent être
Même si l’on ne tient pas compte du syndrome des anti- menées chez des femmes transplantées rénales ou sous dia-
phospholipides et du lupus néonatal, le devenir des grosses- lyse, sans atteinte rénale évolutive. La présence d’un ACL
ses lupiques est moins bon que celui d’une population géné- et/ou d’un anticoagulant lupique, chez une femme avec une
rale appariée pour l’âge et le sexe (Tableau 1). On constate néphropathie même contrôlée, est un argument supplémen-
une fréquence importante des morts in utero et des prématu- taire de mauvais pronostic.
rités dont les fréquences dans la population générale sont,
respectivement, inférieures à 5 et 8 %. Depuis quelques 3.2. Le devenir des enfants nés de mère lupique
années, on observe que le nombre d’enfants vivants en fin de
la grossesse est en augmentation constante, grâce à la réduc- Le devenir à long terme des enfants nés de mère lupique
tion du nombre d’avortements spontanés et des interruptions est habituellement normal. En dehors du cas particulier du
de grossesse thérapeutiques. Les progrès réalisés ont permis lupus néonatal, il n’y a pas de manifestations cliniques spé-
une meilleure prise en charge des syndromes des antiphos- cifiques [33]. En revanche, un nombre important de ces
pholipides et d’une meilleure définition des contre-indications enfants ont des anticorps antinucléaires à un taux significatif
de la grossesse [26–28]. Cependant, ces progrès ont eu pour qui peuvent persister des années après leur naissance
corollaire une augmentation de la prématurité [29–31]. De (27 contre 6 % dans la population témoin du même âge). Cette
nombreux facteurs contribuent à expliquer la fréquence des anomalie biologique est probablement l’expression du fond
prématurités au cours des grossesses lupiques et sont donnés génétique de la maladie mais ne peut pas être considérée
dans le Tableau 2. comme un facteur prédictif de lupus.
La néphrite lupique est un cas particulier, avec un risque
de perte fœtale qui varie de 13 à 46 % selon les séries, un 3.3. L’évolution du lupus maternel au cours et au décours
risque de prématurité de l’ordre de 30 % et un risque de retard de la grossesse
de croissance intra-utérin proche de 30 % [32]. Ces risques
sont réduits si l’activité de la maladie rénale est nulle. L’insuf- Le lupus va-t-il s’aggraver au cours de la grossesse ? Avant
fisance rénale s’accompagne d’un pronostic particulièrement de répondre, il faut réaliser qu’il n’y a pas de définition uni-
Tableau 1
Devenir fœtal des enfants, d’après une analyse de la littérature pour les 40 dernières années
Période Avortements morts in utero (%) Prématurité (%) IVG thérapeutiques (%) Nombre de grossesses
1960–1970 (2 séries) 28–43 6 4 120
1970–1980 (4 séries) 27–41 36 7 174
1980–1990 (13 séries) 8–34 9–57 11–29 400
1990–1993 (4 séries) 11–22 20–47 0 140
1993–2001 (5 séries) 11–17 39–54 0–1 578
M. De Bandt / Revue du Rhumatisme 72 (2005) 554–562 557

forme de la poussée lupique bien que de nombreuses échel- Ces résultats sont importants car il faut aussi s’attendre en
les d’activité de la maladie soient disponibles. De plus, le pratique à ce que chaque femme lupique enceinte voit sa mala-
taux élevé d’avortements spontanés au cours du premier tri- die s’aggraver. Même si elle atteint le trois trimestre de gros-
mestre de la grossesse chez les femmes lupiques avec ou sans sesse, sans voir sa maladie se manifester, il existe encore une
syndrome des antiphospholipides (SAPL) introduit un biais augmentation du risque d’aggravation au-delà de l’accouche-
important [34–36]. ment.
Les études contrôlées, publiées depuis 15 ans, montrent
des résultats contrastés [37–40]. Les difficultés d’interpréta-
tion de ces résultats tiennent d’une part au défaut de sélection
d’un groupe témoin adéquat ou à l’inclusion de patientes dont
la maladie était déjà active au début de la grossesse. Si l’on 4. Quand autoriser une grossesse ?
exclut ces études, il semble se dégager une tendance en faveur
de l’augmentation de la fréquence des poussées lupiques au
La décision de débuter une grossesse doit être prise de com-
cours de la grossesse (Tableaux 3 et 4).
mun accord entre le rhumatologue et le couple, il est donc
L’expérience du groupe de GR Hughes à l’hôpital Saint-
nécessaire de préparer les femmes de longue date à cette éven-
Thomas à Londres [37] est fondée sur un groupe de 68 fem-
mes lupiques ayant donné le jour à 78 enfants, comparé à un tualité afin d’éviter une grossesse pendant une phase d’acti-
groupe de 50 femmes lupiques sans enfant. L’auteur confirme vité de la maladie [41,42].
une augmentation de la fréquence des poussées au cours de Il y a des contre-indications dont certaines sont définiti-
la grossesse (65 vs 42 %, p = 0,015) ainsi qu’une augmenta- ves : poussée sévère évolutive (rénale, cérébrales, cardiovas-
tion de la fréquence des poussées par patiente et par mois culaire) ; insuffisance rénale (créatinine > 140 µmol/l, clai-
(0,082 vs 0,039, p < 0,001). Ainsi, la probabilité d’être rance < 40 ml par minute) ; HTA sévère, non contrôlée ; HTA
exempte de poussée pendant la grossesse et les trois mois qui pulmonaire ; valvulopathie mal tolérée ; ATCD de thrombose
suivent est de 0,26 (CI 0,16–0,36) comparé à 0,56 (CI 0,49– cérébrale ; ATCD d’atteinte cardiaque ou respiratoire avec
0,61) dans le groupe témoin. Autrement dit, trois quart des séquelles sévères ; corticodépendance (> 0,5 mg/kg de pred-
patientes ont une poussée de la maladie (en majorité cuta-
nisone).
néoarticulaire) avant la fin des trois mois suivant l’accouche-
ment et au moins 50 % d’entre elles avant la fin du troisième Une fois la poussée contrôlée, on peut envisager une gros-
trimestre de grossesse. sesse s’il n’y a pas de séquelle grave. Dans notre expérience,
Deux données supplémentaires sont à considérer : il sem- une grossesse est autorisée si la maladie est inactive depuis
ble que les femmes qui n’ont pas de poussées de la maladie six mois (SLEDAI ≤ quatre à deux examens successifs), avec
durant la grossesse aient un risque plus important de pous- une corticothérapie quotidienne < 10 mg de prednisone, en
sées néonatales (RR 2,4) ; les femmes qui mènent leur gros- l’absence de néphrite lupique ou de neurolupus évolutif depuis
sesse au-delà de la 27e semaine ont une tendance plus fré- plus de six mois. Sur 59 grossesses colligées, on a enregistré
quente à développer des poussées que celles qui ont mené 13 fausses couches précoces (9 non liées à une poussée lupi-
des grossesses plus brèves. que, 4 liées au SAPL), sept interruptions de grossesses (5 IVG
Tableau 3 dont 2 pour poussée lupique) et un mort in utero à 29 semai-
Fréquence des poussées lupiques selon le terme. Revue de la littérature des nes d’aménorrhée. Pour les 38 autres grossesses, on a observé
30 dernières années. D’après M Petri (in 27) 19 naissances à terme (> 38e semaines) et 19 prématurés. Un
1er trimestre 2e trimestre 3e trimestre Post-partum retard de croissance prénatal a été noté dans 11 cas. Un enfant
(%) (%) (%) (%)
prématuré est décédé d’une infection et un autre d’un BAV
1970 0 43 22–29 11–30
1980 0–13 3–13 13–52 17–22
complet lié à un lupus néonatal. Le développement postnatal
1990 18 47 15 21 des enfants à deux ans est normal dans tous les cas sauf un
retard mental léger chez l’un d’entre eux. Une poussée lupi-
Tableau 4 que gestationelle a été notée dans six cas (dont 4 lors d’une
Manifestations principales des poussées du lupus au cours de la grossesse. grossesse non autorisée) et une poussée cutanéoarticulaire du
D’après M Petri (in 27) post-partum a été observée dans six cas (dont 5 lors d’une
Manifestations LES enceintes LES non p grossesse autorisée). Il semble, cependant qu’en utilisant ces
(%) enceintes (%)
critères, le risque de poussée de lupus soit relativement fai-
Signes généraux 57 66 NS
Cutanées 52 47 NS
ble, de l’ordre de 20 %. Si on analyse la fréquence des pous-
Musculoarticulaires 35 58 0,02 sées selon que la grossesse est ou non autorisée, on constate
Sérites 17 12 NS une fréquence de six poussées au cours des dix grossesses
Neurologiques 4 21 0,02 non autorisées contre six poussées au cours des 49 grosses-
Rénales 43 22 0,01 ses autorisées (60 vs 14 %, p < 0,001). Cependant il n’ y a
Pulmonaires 4 7 NS pas de critères validés qui permettent de définir formelle-
Hématologiques 38 17 0,01 ment quels sont les critères autorisant une grossesse [34–36].
558 M. De Bandt / Revue du Rhumatisme 72 (2005) 554–562

5. Atteinte rénale et grossesse lupique peuvent coexister. L’élévation de l’uricémie est un


argument en faveur d’une prééclampsie. La meilleure manière
5.1. Contre-indications de la grossesse en cas d’atteinte de détecter une poussée lupique ou une prééclampsie est le
rénale suivi régulier des grossesses lupiques.
Le syndrome HELLP et la prééclampsie sont aussi plus
Les contre-indications de la grossesse en cas d’atteinte fréquentes chez les patientes avec des anticorps antiphospho-
rénale sont la persistance d’une glomérulonéphrite proliféra- lipides et en cas d’anomalie de type facteur V Leiden [48,49].
tive diffuse, d’un syndrome néphrotique sévère, ainsi que Au total, les facteurs de bon pronostic pour la mère et pour
d’une hypertension artérielle modérée ou sévère. Ces contre- l’enfant sont la présence d’une maladie rénale quiescente
indications sont relatives car elles peuvent être modulées en depuis au moins trois mois avant la conception, une créatini-
cas de traitement efficace. Une contre-indication absolument némie inférieure à 140 µmol/l (avec une clairance de la créa-
définitive est l’insuffisance rénale, en effet, sauf cas particu- tinine supérieure à 60 ml par minute), une protéinurie infé-
lier, au delà d’une valeur de 140 à 180 µmol/l, le risque mater- rieure à 3 g par jour et une pression artérielle parfaitement
nel ainsi que le risque fœtal de complications sont tellement contrôlée.
élevés que ces grossesses ne doivent pas être autorisées.

5.2. Effet de la grossesse sur l’atteinte rénale 6. Le bilan biologique chez une femme lupique enceinte

La prise en charge des grossesse lupique doit être pluridis-


Dans des études anciennes, une grossesse survenant au
ciplinaire : échographiste, biologiste, obstétricien, sage
cours d’une atteinte rénale déclenchait une poussée sévère de
femme, participent au suivi. Idéalement le rhumatologue spé-
la maladie avec une détérioration de la fonction rénale et par-
cialisé en est le chef d’orchestre.
fois le décès de la mère. Des travaux plus récents démontrent
Durant la grossesse, les visites régulières sont recomman-
cependant que le risque d’aggravation de la fonction rénale
dées toutes les quatre à six semaines avec une évaluation cli-
pendant ou juste après la grossesse est relativement réduit
nique et biologique complète (Tableau 5). Le suivi obstétri-
avec une dégradation transitoire de la fonction rénale obser-
cal inclut l’examen ultrasonographique répété à la recherche
vée dans 17 % des cas et une dégradation permanente seule-
d’un retard de croissance fœtal in utero et afin de mesurer la
ment dans 8 % des cas [43–46].
taille du placenta et la mesure du rythme cardiaque fœtal.
Les femmes avec un lupus bien contrôlé et dont la gros-
sesse a débuté après une période de rémission d’au moins
trois mois, ont un faible risque d’exacerbation de l’atteinte 7. Les molécules utilisables au cours d’une grossesse
rénale durant la grossesse et le post-partum. À l’opposé, si la lupique (Tableau 6)
néphropathie reste active, le risque d’exacerbation peut être
supérieur à 50 %. Les corticostéroïdes et l’azathioprine peuvent être pour-
Certains éléments cliniques et biologiques ont une valeur suivis en cas d’affection sévère. Pour la majorité des auteurs,
prédictive d’une poussée rénale au cours de la grossesse : le il n’est pas conseillé d’augmenter de façon préventive ces
sédiment urinaire, l’hypertension artérielle et la valeur de la médications à l’annonce de la grossesse.
créatininémie. Une créatinine > 140 µmol/l est associée avec Il n’est plus jugé utile d’arrêter l’hydroxychloroquine qui
une augmentation du risque d’hypertension artérielle et passe la barrière fœtoplacentaire et se retrouve en forte
d’insuffisance rénale progressive. En cas de dégradation de
la fonction rénale ou d’anomalies massives du sédiment uri- Tableau 5
Bilan biologique de suivi d’une grossesse lupique
naire, une ponction-biopsie rénale peut être réalisée pendant
la gestation [47]. Bilan biologique à demander au cours d’une grossesse lupique :
• Anticorps antinucléaires : aspect et titre a
• Anti-ADN natif : titre
5.3. Le risque de toxémie gravidique • Anticoagulant lupique et anticardiolipine a
• Anticorps antiplaquettes (si thrombopénie) a
La fréquence de prééclampsie, éventuellement compli- • C3, C4, CH5O
quée de toxémie au cours d’une grossesse lupique varie de 3 • Hémogramme, plaquettes
à 30 %. Ce risque augmente lorsqu’il existe une néphropa- • Électrolytes, uricémie et glycémie
thie préexistante. Il est important de différencier une préé- • Enzymes hépatiques
clampsie d’une poussée de lupus car les traitements sont radi- • Protidémie, calcémie
calement différents. La distinction peut être délicate : une • Créatininémie, protéinurie, sédiment urinaire
• Sérologies (toxoplasmose, rubéole)
protéinurie, des oedèmes, une thrombocytopénie, une hyper- a
tension se rencontrent dans les deux situations. Bilan initial à la recherche d’anti-Ro/SS-A et d’anti-La/SS-B doit être
systématique lors du bilan qui permet de déterminer si une grossesse est
Une hypocomplémentémie (C3, C4) et l’élévation des anti- autorisée et lors du bilan initial de la grossesse. En revanche, le suivi des
corps anti-DNA sont utiles pour faire le diagnostic de pous- taux d’anti-Ro/SS-A et d’anti-La/SS-B au cours de la grossesse n’a pas d’inté-
sée lupique mais il faut savoir que prééclampsie et poussée rêt.
M. De Bandt / Revue du Rhumatisme 72 (2005) 554–562 559

Tableau 6 nisme en cause [58]. Trois types d’anomalies histologiques


Les principaux médicaments autorisés ou non au cours d’une grossesse lupi- sont observées : des thromboses utéroplacentaires (ou cho-
que
rioniques) avec dépôts de fibrine, des proliférations cytotro-
Autorisés :
phoblastiques et des lésions vasculitiques des vaisseaux cho-
• Corticoïdes
rioniques avec parfois une nécrose fibrinoïde. Le SAPL se
• Aspirine (faible dose)
• Antipaludéens (surtout l’hydroxychloroquine) caractérise par une vasculopathie non inflammatoire avec
• Azathioprine lésions thrombotiques récurrentes alors que le lupus provo-
• Héparines (toutes formes) que une vasculite inflammatoire avec dépôts de complément
Autorisés uniquement après avis spécialisé : et de complexes immuns . Chez des patients atteints d’un
• Bêtabloquants SAPL, l’étude du placenta montre que la récidive se fait en
• Nifédipine général suivant le même mode histologique. Les lésions pla-
• Antidépresseurs centaires du SAPL sont des thromboses avec parfois de véri-
• Anticonvulsivants
tables micro-infarctus.
• Ciclosporine
• AINS (second trimestre)
• Antivitamine K (second trimestre) 8.2. Les traitements du syndrome des antiphospholipines
Interdits :
• Cyclophosphamide La corticothérapie ne réduit pas le nombre des pertes fœta-
• Méthotrexate les liées au SAPL, en revanche elle augmente la prématurité
• Le flunomide et a différents effets indésirables [59]. Plusieurs études contrô-
• Mycophénolate mofétil lées comparant la corticothérapie associée à l’aspirine ou à
• AINS et aspirine forte dose (au cours du 3e trimestre) l’héparine vs l’aspirine seule [60,61] ont démontré un béné-
• Thiazidiques
fice obstétrical similaire dans les trois groupes mais avec une
• IEC
augmentation des complications (prématurité...) dans le
• Inhibiteurs calciques
groupe traité par corticothérapie. En conséquence, la cortico-
concentration dans le lait maternel mais sans effet toxique thérapie est déconseillée dans le traitement préventif des avor-
chez l’enfant. Son effet bénéfique au cours de la grossesse tements à répétition du SAPL mais elle peut être utile à petite
(réduction des fausses couches et de l’éclampsie) a été docu- dose (prednisone ≤ 10 mg par jour) pour contrôler le lupus.
menté [50–53]. L’association aspirine et héparine s’est imposée comme le
Le cyclophosphamide est contre indiqué et doit être arrêté traitement de choix des avortements itératifs liés au SAPL
trois à six mois avant la conception. Une poussée lupique est [62,63]. Le bénéfice de cette combinaison est supérieur à celui
traitée de façon active par une augmentation des corticoïdes de l’aspirine seule. L’aspirine doit être utilisé à la posologie
[54]. de 1 à 2 mg/kg par jour. On note que l’héparine « classique »
Les AINS et l’aspirine aux doses anti-inflammatoires sont peut être remplacée aussi efficacement par une héparine de
à éviter autant que possible, en raison de leurs multiples effets bas poids moléculaire. Le taux de grossesse menée à terme
toxiques (rénaux, vasculaires, hépatiques...) au cours de la avec cette prévention varie de 66 à 87 % selon les séries les
grossesse en général et de la grossesse lupique en particulier. plus récentes [64,65]. Ce type de stratégie peut aussi s’envi-
Les AINS peuvent être autorisés pendant le 2e trimestre [55]. sager en cas de toxémie gravidique répétée associée à un
SAPL.
Une hyperhomocystéinémie doit être recherchée systéma-
8. Grossesse et syndrome des antiphospholipides tiquement et traitée (apport de folates) car son association à
(SAPL) un SAPL majore le risque d’échec du traitement préventif
héparine/aspirine [66]. Le risque d’ostéopénie liée à l’hépa-
Les complications obstétricales [56] restent une des mani- rine reste encore à évaluer mais ne semble pas négligeable
festations principales du SAPL. Il s’agit d’avortement ou de [67]. La place des perfusions d’immunoglobulines intravei-
perte fœtale à répétition. Un anticoagulant lupique est fré- neuse et ou d’échange plasmatique dans une telle situation
quemment associé aux avortements spontanés (5 à 49 % des
n’est pas clairement définie [68,69].
cas selon les séries). Cependant, la prévalence des anticorps
anticardiolipine est encore plus forte chez des patientes avec
8.3. La prise en charge d’une grossesse en cas de SAPL
des avortements itératives [57]. D’autres marqueurs antiphos-
pholipidiques sont en cours d’études (anti-annexine V, anti-
8.3.1. La surveillance échographique fœtale
phosphatidyléthanolamine...).
Ces femmes doivent être surveillée de très près avec un
8.1. Les anomalies placentaires au cours du lupus bilan fœtal régulier au mieux réalisé par l’analyse échogra-
et du SAPL phique et un doppler des artères ombilicales pouvant évaluer
la fonction placentaire : l’absence ou l’inversion du flux dias-
Le placenta, organe vasculaire, peut être atteint au cours tolique est en général corrélé à un très mauvais pronostic fœtal
du lupus. L’étude histologique permet de déterminer le méca- [70]. L’échographie apprécie aussi la croissance fœtale et le
560 M. De Bandt / Revue du Rhumatisme 72 (2005) 554–562

volume du liquide amniotique, ceci doit être fait régulière- enfants avaient seulement une atteinte hépatique et ou héma-
ment à partir de la 28e semaine. La mesure échographique tologique. L’étude des 87 grossesses, pour lesquelles suffi-
(doppler couleur pulsée) du débit de l’artère utérine peut aider samment d’informations sont disponibles, permet d’observer
à prédire l’apparition d’une prééclampsie, d’un retard de crois- qu’une bradycardie inaugurale est détectable entre la 18e et
sance et d’un mauvais pronostic fœtal, si de telles anomalies la 37e semaine de gestation (médiane 22e semaines) dans plus
sont détectées entre la 20e et la 24e semaine. de 80 % des cas. Toutes les séries récentes vont dans le même
sens, confirmant que le BAV est rare, observé chez moins de
8.3.2. La prévention médicamenteuse primaire du SAPL 2 % des enfants [74,75].
En cas de SAPL sans antécédent d’avortement répété, il La mortalité des enfants présentant un lupus néonatal est
n’y a pas de traitement préventif validé car la fréquence des estimée à 19 %. Parmi ces enfants, 73 % décèdent dans les
complications obstétricales est faible. On peut, si on le sou- trois mois suivants l’accouchement. Soixante-trois pour cent
haite, donner de l’aspirine faible dose. des enfants nés vivants nécessitent un pacemaker majoritai-
rement (52 %) dans les neuf premiers jours de la vie, parfois
8.3.3. La stratégie thérapeutique en cas de SAPL avéré plus tard : au cours de la 1re année (22 %) ou au cours des
Les femmes avec un antécédent de thrombose (artérielle années suivantes (25 %) car la bradycardie peut persister long-
ou veineuse), traitées par antivitamine K doivent l’arrêter dès temps après la naissance [76].
que la grossesse est diagnostiquée et être traitées par hépa- Quarante-sept pour cent des mères ont eu des grossesses
rine et aspirine. Dans quelques rares cas de SAPL particuliè- ultérieures, compliquées dans 16 % des cas d’une récidive de
rement sévères avec des accidents thrombotiques cérébraux l’anomalie cardiaque et dans 6 % des cas d’une atteinte pure-
récurrents sous héparine, l’antivitamine K peut être une thé- ment cutanée. La présence d’un antécédent de lupus néonatal
rapeutique d’exception utilisée dans le second trimestre de est le plus gros facteur de risque permettant de prédire la réci-
grossesse. dive d’un éventuel lupus néonatal lors de la grossesse ulté-
Lorsqu’une femme échappe de façon documentée à un trai- rieure [77].
tement associant aspirine et héparine, on peut envisager l’uti-
lisation des immunoglobulines intraveineuses. 9.2. Les recommandations

Les recommandations thérapeutiques du lupus néonatal ne


9. Le lupus néonatal sont pas bien définies, reposant sur des rapports assez limités
[78,79].
9.1. Les manifestations clinicobiologiques du lupus Il est recommandé un contrôle échographique régulier entre
néonatal la 18e et la 24e semaine de gestation, puisque ceci est la
période pendant laquelle la prévalence de l’atteinte cardia-
La présence d’un anticorps anti-Ro/SS-A et/ou anti- que fœtale est maximale.
La/SS-B chez une femme enceinte est associé au risque du En cas d’atteinte cardiaque sévère, une interruption médi-
lupus néonatal de l’enfant quel que soit son état clinique. Bien cale de la grossesse peut être discutée.
que cette affection soit rare, elle doit demeurer à l’esprit des Il n’y a pas de traitement curatif validé mais des possibi-
praticiens amenés à donner un conseil obstétrical [71]. Cette lités thérapeutiques avec la bêtaméthasone ou la dexamétha-
affection fœtale et néonatale est supposée secondaire au pas- sone qui sont les seuls corticoïdes non dégradés par le pla-
sage transplacentaire des autoanticorps maternels d’isotype centa, lorsqu’il s’agit d’un bloc incomplet ou d’une
IgG [72]. myocardite. Quoi qu’il en soit, dans la plupart des cas, les
La maladie est dénommée lupus néonatal essentiellement blocs de hauts degrés sont irréversibles. De plus, la dexamé-
en raison de l’atteinte cutanée du nouveau-né évoquant celle thasone n’est pas dénuée de risque pour le fœtus avec en par-
observé au cours du lupus maternel [73]. Il existe d’autres ticulier des hypotrophies sévères [80]. Actuellement, il est
manifestations parmi lesquelles la plus sérieuses d’entre elles, préférable d’utiliser la bêtaméthasone à forte dose (12 mg
le bloc auriculoventriculaire congénital, source de complica- par semaine).
tions graves voir fatales. Il peut s’associer à une myocardite. Un fœtus avec un bloc complet doit être suivi régulière-
Par opposition à l’atteinte cardiaque en général irréversible, ment par échocardiographie. Ce fœtus peut parfois justifier
les manifestations non cardiaques sont plus rares et bénignes d’un accouchement prématuré et le nouveau-né doit bénéfi-
(manifestations hépatiques, hématologiques...). Elles ont en cier d’une prise en charge spécialisée, notamment en raison
général disparu après les premiers mois de la vie, parallèle- de la nécessité d’un appareillage (pacemaker).
ment à la disparition des anticorps maternels.
Le registre national américain ouvert à New York apporte
des données intéressantes. En mai 1998, 187 mères et leurs 10. Conclusion
222 enfants ont été enregistrés. Parmi eux, 142 avaient un
bloc néonatal isolé, 42 une atteinte cutanée isolée, 26 avaient La grossesse est une période particulièrement importante
à la fois une atteinte cutanée et une atteinte cardiaque. Cinq pour une femme atteinte du lupus. Il existe indiscutablement
M. De Bandt / Revue du Rhumatisme 72 (2005) 554–562 561

un risque maternel et fœtal mais une prise en charge spécia- [19] Balasch J, Creus M, Fabregues F, Reverter J, Carmona F, Tassies D.
lisée et bien coordonnée permet de réduire très sensiblement Antiphospholipid antibodies and human reproductive failure. Hum
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les risques. Cette période a aussi, pour ces femmes, une [20] Armenti V, Randomski J, Moritz M, Gaugham W, Philips L,
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0 Elsevier, Paris
Mise au point

Mktabolisme phosphocalcique pathologique


pendant la grossesse et l’allaitement

AC Koeger, F Oberlin
Service de rhumatologie, h&pita1 de L.a Pit&Salpe^tri>re, 47-83, boulevard de I’H6pita1, 75651 Paris cedex 13, France

(Re$u le 22 octobre 1996 ; acceptt le 10 fkvrier 1997)

R&urn6 - La grossesse et I’allaitement favorisent I’expression des carences vitaminocalciques, modifient celle des affections
parathyroi’diennes et peuvent s’accompagner d’une ostkoporose t&s particulikre. La plupart de ces troubles ont un retentissement sur le
nouveau-nC. Les auteurs passent en revue le dtpistage et le traitement de ces affections et insistent sur letu prkvention.

grossesse / allaitement / carence vitaminocalcique / ostioporose de la grossesse / ostkoporose hkparinique

Summary - Calcium and hone disorders during pregnancy and lactation. The occurrence of calcium and vitamin D deficiencies
is enhanced during pregnancy and lactation. The presentation of parathyroid diseases is altered during gestation. A peculiar form of
osteoporosis, pregnancy-associated osteoporosis, may be observed. Fetus and newborns suffer the consequences of all these
disorders. The authors have reviewed the early detection and treatment of these diseases and emphasized their prevention.

pregnancy / lactation / calcium and vitamin D deficiency / pregnancy-associated osteoporosis / heparin-induced osteoporosis

Les mkcanismes d’adaptation remarquables mis en


jeu par l’organisme matemel pendant la grossesse En cas d’apport vitaminocalcique insuffisant, les
et l’allaitement [l] peuvent &tre perturb& par signes biochimiques puis cliniques de carence
diverses conditions pathologiques. La grossesse apparaissent d’autant plus volontiers que l’&qui-
favorise l’expression des carences, modifie celle libre avant la gestation Ctait prkaire. L’ostkomala-
des affections parathyroi’diennes et s’accompagne tie patente skit encore & l’ktat endkmique dans les
parfois d’une ostkoporose t&s particuli&re. La plu- pays sous-dCvelopp&. On ne l’observe gukre en
part de ces dksordres retentissent sur le nouveau-n& France que chez des femmes socialement dkfavori-
s&es, et surtout chez des immigrkes originaires
CARENCES VITAMINIQUES d’Afrique du Nord et de Turquie.
ET MINI&ALES Plusieurs facteurs ktiologiques, variables selon
l’ethnie, s’imbriquent : alimentation vCg&uienne, vie
Carences en calcium et vitamine D recluse, port du voile, changement de climat, allaite-
ment prolong6 ; l’hyperpigmentation cutarke et l’ex-
Osttfomalucie cbs de phytates alimentaires ont un r6le plus discutk.
La grossesse et la lactation augmentent les besoins L’6pidCmiologie a Ctk ttudiCe essentiellement en
quotidiens en calcium et vitamine D estimks res- Grande-Bretagne dans la communautk asiatique :
pectivement g 1000-l 200 mg et 1000 UI [2]. Une des indices biochimiques de carence not&s chez 25
alimentation riche en la&ages satisfait, en rkgle, la g 50 % des immigrts existent chez 40 g 80 % des
demande calcique. De mCme un ensoleillement femmes enceintes, dont la moitit prksentent une
correct permet, I’&, une synthkse cutante de vita- ostkomalacie infraclinique, en dtpit d’un niveau
mine D suffisante. Mais en hiver, l’alimentation social relativement ClevC. Ces etudes dkcrivent
ordinaire ne couvre pas les besoins vitaminiques. parfaitement les manifestations de la carence, ses
M&abolisme phosphocalcique pathologique pendant la grossese et I’allaitement 547

complications chez la mere et l’enfant, et l’interet qu’epidemiologiques, car les enquetes sont peu
de la prophylaxie [3-51. nombreuses.Cependant, une etude strasbourgeoise
recente a montre que 11 % des femmes avaient
Clinique pendant la grossessedes apports quotidiens de cal-
L’osteomalacie patente se revele le plus souvent cium t&s insuffisants, estimes a 600 mg (commu-
au dernier trimestre de la grossesseou en debut nication personnelle).
d’allaitement. La carence latente provoquerait chez la mere une
C’est un tableau d’osteomalacie vitaminosen- deperdition minerale et/au osseuse dont le pronos-
sible, mais le diagnostic clinique et paraclinique tic lointain est mal connu. Elle favoriserait la pre-
est ici malaise. En effet, les douleurs pelviennes ou maturite et l’hypotrophie fastale dans 30 % des cas.
la fatigabilite musculaire risque d’etre ma1 inter- Dans une etude controlee chez des immigrees asia-
prede chez une femme enceinte, jusqu’a la surve- tiques, l’administration systematique de 1000 III/j
nue de fissures, voire de fractures et de deforma- de vitamine D au 3e trimestre de la grossessecorri-
tions, notamment pelviennes [3,4]. geait l’abaissement du 25-OH-D plasmatique des
L’interpretation des anomalies biochimiques meres et des enfants, ameliorait le statut pond&al
caracteristiques (hypocalcemie, hypophosphore- des meres, prevenait les hypocalcemies et tttanies
mie, hypocalciurie, elevation des phosphatases neonatales et ameliorait la croissance de l’enfant
alcalines) doit tenir compte des modifications gra- pendant la premiere annee [3,5].
vidiques physiologiques. L’abaissement de la 25
OH-D plasmatique et les signesd’hyperparathyro’i- Traitement
disme secondaire (baisse du TRP, hausse de la Le traitement de l’osdomalacie repose sur l’apport
PTH et de l’Ah4Pc nephrogenique) seraient parti- de vitamine D2 (StCrogyl@, Uvesterol DO, Zyma-
culierement sensibles. D2@) ou de vitamine D3 (Adrigyl@, Uvtdose@
Le bilan radiographique est differe apres l’ac- 100000 UI) et de calcium (1 g/j). A l’administra-
couchement. Toutefois, une suspicion de fracture tion hebdomadaire de fortes doses vitaminiques
peripherique peut justifier un cliche. Surtout, la (une ampoule Cquivaut a 100 000, 200 000 ou
crainte d’une deformation du bassin impose, au 600 000 UI) on prtfere l’administration quoti-
moindre doute, voire systematiquement, une pelvi- dienne de 10 a 20 gouttes (4000 a 8000 UI) jus-
metric ?iterme. qu’a normalisation des parametres biochimiques
surveillts chaque mois. Des douleurs du bassin ou
Retentissement sur l’accouchement et l’enfant des membres inferieurs justifient un repos initial;
Les complications obstetricales (retrecissement et il est en regle bref car l’amtlioration est spectacu-
deformation du pelvis) sont en effet frequentes, lake en 3 a 4 semaines.
parfois revelatrices de l’osteomalacie ; elles neces- Le traitement d’entretien (4000 W/j pendant
sitent souvent une cesarienne. L’ostdomalacie peut plusieurs mois puis chaque hiver) est indispensable
s’accompagner chez la mere de tttanie et convul- pour tviter les rechutes lors des grossesses ou
sions. Elle favorise la prematurit& et l’hypotrophie allaitements ulterieurs.
fcetale qui s’observeraient dans 80 % des cas : l’en- La surveillance de l’enfant et la prophylaxie du
fant, dont le pool vitaminique est insuffisant a la rachitisme seront particulierement vigilantes, a for-
naissance, presente un risque accru d’hypocalce- tiori en cas de prtmaturite.
mie neonatale, d’anomalies dentaires, enfin de Les manifestations tetaniques justifient un
rachitisme precoce [5]. L’allaitement maternel ne apport initial de calcium par voie veineuse, pour
le met pas a l’abri car le lait d’une mere carencee certains auteurs l’utilisation de metabolites vitami-
est tres pauvre en activite vitaminique. niques hydroxyles, d’action plus rapide, et toujours
le traitement d’attaque puis d’entretien de la
Carence latente carence vitaminocalcique.
Extr&mement frequente sinon constante chez les Les carences en fer et en acide folique frequem-
immigrees, elle ne serait pas rare chez les Fran- ment associees doivent Ctre depistees et traitees ;
Gaiseset dans les pays dont l’alimentation n’est une carence magnesienne, qui peut entraver la
pas, comme aux ktats-Unis, enrichie en reponse a la thtrapeutique vitaminocalcique, doit
vitamine D, lorsque la grossesse se deroule en Cgalement Ctre corrigee. Lorsque des substitutions
hiver ou dans une region defavorisee par le climat mintrales multiples sont necessaires,l’horaire des
et la pollution. Les arguments sont plus theoriques prises medicamenteuses sera precise pour Cviter
(apports vitaminiques inferieurs aux besoins) les interferences sur l’absorption intestinale.
548 AC Koeger, F Oberlin

Prtfvention ont CtC attribues: le syndrome douloureux osteo-


Elle est capitale et comporte un regime riche en musculoarticulaire abdominopelvien (syndrome de
laitages, un ensoleillement correct, et selon les cir- Lacomme et Jamain) et les Ctats d’hyperexcitabi-
constances, une supplementation vitaminique [5]. lite et d’hypercinesie uterines (menaces d’avorte-
Chez une FranGaise enceinte en hiver ou dans ment, contractures douloureuses).
une region peu ensoleillee, les aliments riches en Ces manifestations posent un probleme d’impu-
vitamine D (foie de morue, thon, sardines, ceufs, tabilite difficile a resoudre avant le test therapeu-
mayonnaises) sont conseilles ; cependant, ils ne tique. Elles sont en effet depourvues de specificite
couvrent pas la totalite des besoins et realisent un et peuvent s’observer en l’absence de carence
apport calorique et lipidique parfois indesirable. Un magnesienne; de plus des dosages normaux de
apport thtrapeutique parait licite pendant tome la magnesium plasmatique et globulaire ne permet-
grossesse ou le demier trimestre, a raison de 2000 tent pas d’eliminer formellement une carence, car
a 4000 UI de vitamine D2 ou D3 par semaine. l’essentiel du pool tchappe a ces dosages.
En pratique, les donnees epidemiologiques et
Femmes immigre’es et femmes l’innocuite du test therapeutique en l’absence d’in-
avec des ante’ctfdents de carence vitaminocalcique suffisance &ale incitent a effectuer un bilan bio-
Une supplementation thtrapeutique de 1000 UI/j logique (Ca, P, Mg, K) et un test therapeutique
est recommandee. I1 en est de mCme pour les (par exemple trois ampoules par jour de Mag 2@’
femmes qui, pour une raison obstCt.ricale, doivent per OS). L’efficacite se dessine en une quinzaine de
passer leur grossesse alitees. jours. Le traitement est prolong6 1 a 2 mois.
La prophylaxie consiste ?Iconseiller une alimenta-
Adolescente enceinte ou allaitante tion contenant des aliments riches en magnesium:
Les apports calciques quotidiens, alimentaires et si cereales entieres, legumes et fruits sets, oleagineux,
ntcessaire medicamenteux, d’une adolescente chocolat, crustacts, poisson. L’int&&t d’une supple-
enceinte ou allaitante doivent etre de 1 500 a mentation est suggert par la demonstration, dans
2 000 mg. une etude randomisee [8], de correlations significa-
tives entre l’importance et surtout la precocite d’une
Prt%clampsie et hypertension gravidique supplementation et la qualite de la grossesse
Plusieurs essais ont montre que chez les femmes (frequence des avortements, duree de la gestation,
ayant un risque de faire de tels accidents, les sup- taille, p&m&e cr5nien et poids de l’enfant).
plements calciques (l-2 g/j de calcium dans la
seconde moitit de la grossesse) avaient un effet I&s spasmophiliques et manifestations
preventif sur la prt-Cclampsie, l’hypertension gra- pseudocarentielles
vidique et les accouchements prCmaturts [6]. Ces
femmes n’etaient pas car-en&es. Le calcium agirait La plupart des manifestations d’hyperexcitabilite
plus par un mecanisme pharmacologique que sub- neuromusculaire et d’hyperemotivite anxieuse
stitutif. dues a l’hypocalcemie ou a l’hypomagnesemie,
rtgressives avec leur traitement, peuvent aussi
Carence magnksienne s’observer en l’absence de carence objective. L’es-
sentiel est de verifier l’equilibre ionique puis d’ef-
La grossesse augmente les besoins en magnesium et fectuer, pour la majorite des auteurs, un test de
s’accompagne frequemment d’un deficit. L’alimen- recharge en magnesium. Les crampes des membres
tation courante n’apporte pas, en regle, les 450 mg/j inferieurs, frkquentes pendant la grossesse (15 a
recommandes par le US National Research Council. 30 % des cas) peuvent repondre favorablement a
Le diabete favoriserait une hypomagnesemie une courte calcitherapie (2 g/j pendant 15 jours).
gravidique chronique et, chez le nouveau-n& une L’echec de ces traitements incite a proposer une
hypomagnCsie transitoire avec hypocalcemie et relaxation, souvent benefique.
hypoparathyro’idisme fonctionnel [7].
Le deficit peut realiser des tableaux varies, OSTtiOPOROSE
regressifs avec l’apport de magnesium: crises de
tttanie typiques, en particulier a l’accouchement ou I1 nous parait indispensable, contrairement a
equivalents mineurs : crampes, lipothymies, ctpha- d’autres auteurs [9, lo], de &parer l’osteoporose
lees, insomnies, manifestations anxieuses, etc. idiopathique des osteopenies secondaires decom-
Deux types de manifestations obstktricales lui penstes par la grossesse.
MCtabdisme phosphtxcalcique pathologique pendant la gros~rsse et I’allaitement 549

OstCoporose idiopathique de la grossesse dant plusieurs annees en l’absence de grossesse


ulterieure [9].
Elle pourrait &tre moins rare [ 1 l] que ne le suggere Les resultats histologiques des biopsies osseuses
la litterature dans laquelle on ne collige qu’une transiliaques sont Cgalement htdrogenes. Encore
centaine d’observations [ 1 l- 151, dont la plupart faut-il considerer les differences mtthodologiques
ont des points communs : et surtout les delais tres variables (quelques mois a
- les tassements verttbraux, avec douleurs aigues plusieurs annees) entre la survenue des tassements
et cyphose, surviennent le plus souvent en fin de et la biopsie. Tantot l’osteoporose est confirmee,
grossesse ou en post-partum, chez une femme de trabeculaire et parfois aussi corticale, le remode-
25-35 ans sans antecedent, dans deux tiers des cas lage paraissant normal, exagere avec hyper-resorp-
lors de la premiere grossesse, dans les autres, lors tion, ou ralenti, ou comportant une depression
de la deuxieme ; plus rarement il s’agit de douleurs osteoblastique [ 10, 12, 141. Tantot, au contraire, la
de hanches inaugurales [9] ; normalite du volume trabeculaire osseux fait dis-
- le diagnostic, souvent retard& est porte sur les cuter une defaillance de l’histologie, une guerison
radiographies, et eventuellement I’IRM, effect&es de l’osteoporose, une localisation exclusivement
apres l’accouchement; il devrait Ctre Cvoque pre- rachidienne de celle-ci ou encore une osteopathic
cocement sur les signes cliniques ; de nature differente. Dans la plupart des cas, la
- la demineralisation est essentiellement rachi- vitesse de mineralisation est normale. Le volume
dienne, ou pelvirachidienne, mais les radiogra- trabtculaire osseux est diminue dans quelques cas
phies ptripheriques manquent frequemment ; les biopsies apres plusieurs annees [9].
tassements sont multiples ; I’IRM peut montrer des La physiopathologie n’est pas Gclaircie par les
fissures par insuffisance osseuse du femur [9] ; explorations trop succinctes ou tardives des cas
- le bilan phosphocalcique, Ctudie gtneralement a publies. Elle n’est pas obligatoirement univoque car
distance, est sans particularite; en pleine Cvolu- il pourrait s’agir d’une maladie heterogene. Les
tion, il est le plus souvent normal ; formes localiskes d’tvolution cyclique favorable ont
- la densite minerale osseuse (DMO) montre une fait Cvoquer une <qalgodystrophie rachidienne
diminution du Z-score lombaire de 2,7 DS en reflexe B (rrunsien~ osteoporosis des auteurs anglo-
moyenne (A,6 a -0,02) associee en regle a une Saxons), d’autant que certains cas semblaient s’asso-
diminution du Z-score femoral de 2,7 DS (A,6 a tier a une algodystrophie de hanche [12, 141. Les
-1,5) [9, 11, 131 ; formes avec osdopknie <<idiopathique B preexistante
- l’accouchement et le nouveau-m! sont normaux ; pourraient &tre decompensees par une surcharge
- l’evolution est favorable: les signes cliniques mecanique, ou une carence [ 12, 141. Les formes dif-
regressent, les images radiologiques se stabilisent fuses ou tvolutives seraient proches d’une osteopo-
et ne s’aggravent pas lors d’une grossesse ulte- rose idiopathique de l’adulte jeune ; la grossesse ne
rieure. Dans six cas, la DMO effectuee peu de serait qu’un facteur favorisant retrouvt dans 50 %
temps apres l’accouchement a CtC controlee 1 a des cas d’osteoporose de la femme jeune [ 171. Le
3 ans plus tard: elle restait tres basse dans un cas, role des modifications hormonales, physiologiques
s’ameliorait partiellement dans trois cas et s’aggra- ou pathologiques de la grossesse reste a preciser.
vait dans deux cas [9, 12, 15, 161. L’hypothese d’un exces d’hormone de resorption
Certains cas font, semble-t-il, exception. Des (PTH, 1,25-OH,-D) ou d’un deficit en calcitonine
antecedents douloureux ou fracturaires, voire des n’est pas confirmte par les dosages, au demeurant
radiographies anterieures [ 12, 141, suggerent une discordants. L’observation d’une hypercalcemie
osdopathie preexistante revelee par la grossesse. transitoire avec une elevation de PTHrp 1 mois
L’amincissement des corticales, voire des frac- apres l’accouchement, chez une femme allaitante, a
tures ptriphtriques (metatarse, co1 femoral, fait tvoquer le role de cette hormone et d’une
branches du pubis, totes, etc) ou la densitometrie hyper-resorption osseuse, du moins dans ce cas
(DMO basse au co1 femoral) signent une osteopo- [ 131. Enfin, on trouverait dans les antecedents
rose plus diffuse [12]. T&s rarement, une tleva- matemels de ces femmes une prevalence de frac-
tion ou une diminution de la calcemie ou de la tures de l’adulte, souvent precoces, significative-
calciurie [14], une hypovitaminemie D [12, 141 ment plus Clevee que chez les dmoins, ce qui sug-
sont contemporains des tassements ou observes a gererait une prklisposition genetique [ 111.
distance. Des recidives lors des grossesses ulte- En pratique, la suspicion d’un tassement verte-
rieures sont parfois observtes. Exceptionnelle- bral chez une femme enceinte justifie un bilan
ment, de nouveaux tassements s’additionnent pen- phosphocalcique et hormonal, puis, apres l’accou-
550 AC Koeger, F Oberlin

chement, un bilan radiographique, densitometrique, l’installation en quelques jours ou semaines de


et Cventuellement une biopsie osseuse transiliaque. multiples tassements vertebraux et fractures cos-
tales, l’amtlioration symptomatique et la stabilisa-
Le traitement tion radiologique a l’arret de l’heparine. Bilan
11 comporte le repos en p&ode hyperalgique, les phosphocalcique, 25-OH-D, PTH intacte sont
antalgiques autorises et un apport calcique correct. dans les limites de la normale. La biopsie osseuse
L’allaitement maternel est formellement decon- transiliaque effectuee dans deux cas confirmait
seillt. Un traitement vitaminocalcique est utile en l’osteoporose et montrait, dans l’un une augmen-
cas de carence [12]. Dans les formes tres tvolu- tation du remodelage et de l’osteo’ide, dans l’autre
tives, l’utilisation, apres l’accouchement, d’un trai- une hyperosttoclastose avec depression osteoblas-
tement antiosteoclastique par les bisphosphonates tique. La disparitt des etudes experimentales ne
ou la prescription de fluor pour stimuler la forma- permet pas de choisir entre les multiples meca-
tion n’est pas codifie, mais peut Ctre guide par l’as- nismes directs ou indirects invoquts dans l’action
pect biologique et histologique du remodelage. La osteoptniante de l’hbparine. Le traitement repose
surveillance de la DMO pourrait permettre de prC- en principe sur le sevrage d’heparine. Lorsque le
voir l’evolution, d’autoriser ou non les grossesses traitement anticoagulant est indispensable, les
ulttrieures, et de guider la therapeutique [ 161. antivitamines K ne peuvent &tre utilists qu’apres
l’accouchement en interdisant l’allaitement. L’in-
OstCopCnies secondaires d&ompen&es t&&t prophylactique d’un traitement vitaminocal-
par la grossesse cique est en tours d’etude [ 191.

Dans environ 15 % des cas d’osteoporose de la AFFECTIONS PARATHYROjiDIENNES


grossesse, la grossesse ne fait que decompenser
une osteopathic sous-jacente secondaire a une Les anomalies de la calcemie dues a un dysfonc-
maladie associee (affection thyrdidienne, osttoge- tionnement parathyrdidien matemel induisent, chez
n&se imparfaite fruste, antecedent d’anorexie men- le fetus, une reaction parathyroi’dienne inverse.
tale, maladie caeliaque) ou a une osteopenie iatro-
gene : traitement corticoi’de, antitpileptique, Hyperparathyrdidie
heparinotherapie (8 a 10 % des osttoporoses de la
grossesse) [9-l 1, 141. 11 est important de depister La coexistence d’une hyperparathyrdidie et d’une
ces maladies associees qui, dans certains cas, peu- grossesse n’est pas frequente. On recense une cen-
vent beneficier d’un traitement sptcifique. tame de cas dtcouverts pour la plupart a l’occasion
d’une complication [20]. Depuis l’automatisation
Odoporose hbparinique des examens biologiques, le nombre de formes
L’osteoporose est une complication classique de asymptomatiques est en augmentation [2 11.
l’htparinotherapie dont une cinquantaine de cas a
CtC rapportee, avec des posologies en regle tlevees Chez la mbre
(15 000 ?I 40 000 U/j) administrees pendant au Les symptomes peuvent apparaitre a tout moment,
moins 4 mois. Sa rarete, si l’on considbre la frt- mais surtout pendant les 2 premiers trimestres et
quence des prescriptions, suggttre l’association en post-partum : asthtnie, vomissements qui majo-
d’autres facteurs : une grossesse est en cause dans rent l’hypercalctmie, lithiase, plus rarement pan-
p&s de la moitie des cas. Une etude prospective creatite, troubles psychiatriques.
controlee de la densitometrie femorale chez des
femmes enceintes montrait que l’heparine dimi- Chez le f&us
nuait de plus de 10 % la DMO chez un tiers des L’incidence des avortements spontanes, des morts
patientes traitees par heparine [18]. La grossesse fcetales et neonatales est accrue non seulement
potentialiserait l’effet osteoptniant de l’heparine dans les formes patentes non traitees mais proba-
puisque des traitements plus brefs (9 semaines) ou blement aussi dans les formes asymptomatiques.
des posologies plus faibles (10 000 U/j) ont CtC La plus frequente des complications neonatales est
incrimines dans certains cas. La gravite de l’affec- la tetanie hypocalctmique, transitoire ou tenace,
tion a conduit B reconsiderer certaines indications attribuee habituellement a une suppression des
de l’heparinotherapie preventive au tours de la parathyrofdes faetales par l’hypercalcemie chro-
grossesse. L’osteoporose, essentiellement trabecu- nique [22]. L’hypercalcemie neonatale transitoire
laire, se caracterise par la precocite des douleurs, est plus rare.
MCtabolisme phosphocalcique pathologique pendant la yrossesse et I’allaitement 551

Chacune de ces complications justifie un dosage PATHOLOGIE NeONATALE


de la calckmie matemelle. Les vomissements r&p&
tCs du ler trimestre, <<l’infection urinaire B rtkidi- La pathologie nkonatale est d’itiologie variCe.
vante, la tktanie nkonatale m&tent une attention Cependant, toute anomalie phosphocalcique du
spkiale : ils sont frequents et parfois <qbanalids >> nouveau-m? et/au toute ostkopathie diffuse doivent
[20]. Le diagnostic biologique des formes frustes faire rechercher d’abord une anomalie matemelle
est mtconnu si l’on ne tient pas compte de l’abais- ou gravidique [22, 251.
sement gravidique de la calckmie. Le TRP, le
dosage de la PTH intacte et l’tchographie parathy- HypocalcCmie nkonatale
roi’dienne sont les complkments les plus utiles. Un On en distingue schtmatiquement trois types.
cas exceptionnel d’hypercalckmie associke B une
PTH indktectable Ctait dQ B un adknome parathy- L’hypocalct!mie n.konatale prtkoce
rdidien synthitisant du PTHrp [23]. Un autre cas Elle s’observe dans les 3 premiers jours, essentiel-
Ctait dO 2 un taux excessif de PTHrp sans tumeur lement chez les prtmaturts, les enfants nCs de
patente [24]. m&es diabktiques ou ayant souffert d’anoxie. On
Le traitement des formes symptomatiques est, incrimine une inertie des parathyro’ides, un excks
sauf exception, chirurgical. La cervicotomie prk- de calcitonine, une dtpletion magnksienne. En cas
coce, effectke si possible au dkbut du 2e trimestre, d’hypocalctmie franche (infkieure 2 60 mg/L) ou
rkduirait respectivement B 6 % et 0 % la frkquence de convulsions, le traitement fait appel au calcium
des accidents gravidiques (avortements, mort (par voie intraveineuse puis per os), au magnkium
fetale ou neonatale) et des hypocalckmies neona- et aux gouttes de l-a-OH-D.
tales estimkes & 28 % et 32 % dans les formes non
opt&s [7]. L’hypocalct!mie konatale tardive
Ces rksultats incitent la plupart des auteurs 2 Elle survient entre les 5e et 10e jours chez l’enfant
opCrer pendant la grossesse les formes latentes. nk & terme, allaitk dans 70 % des cas au lait mater-
D’autres pkferent l’abstention sous couvert d’une nel. Elle est r&tlCe par des convulsions. La plu-
surveillance clinique et biologique Ctroite et de part des cas sont secondaires & une carence vitami-
prkcautions (hydratation correcte, pas de vitamino- nique matemelle et doivent &tre prkvenus et trait&
thkrapie, etc). par la vitamine D [25]. 11 s’agit plus rarement
Dans tous les cas, le nouveau-nC sera &roite- d’une hypoparathyrdidie fonctionnelle par dCplC-
ment surveillk. tion magnksienne.

Hypoparathyrdidisme et L’hypocalcbmie nt?onatule ultratardive


pseudohypoparathyroiklisme Elle peut tvoluer pendant plusieurs mois, s’accom-
pagner d’un rachitisme s&&e et se kvtler par des
L’augmentation des besoins calciques risque de convulsions ou une insuffisance cardiaque [26].
dkkquilibrer les mbes atteintes d’hypoparathyrdi- Elle atteint le plus souvent des prematurks soumis
disme et de pseudohypoparathyroidisme. Les ti une alimentation inadaptCe 2 leurs importants
posologies de I-a-OH-D ou de 1,25-OH,-D doi- besoins vitaminiques et mintraux. Mais elle peut
vent Etre en g&n&al augmenttes progressivement survenir chez des enfants rks A terme mais insuffi-
au tours de la gestation pour maintenir la calctmie samment suppltmentts en vitamine D. Le rachi-
tisme repksenterait 0,22 % des hospitalisations
maternelle. Certaines formes jusqu’alors bien to&
d’enfants de 0 ?I 1 an en France, et 10 % des nour-
rCes se r&&lent brutalement pendant la grossesse
rissons auraient un apport vitaminique insuffisant
ou apri?s l’accouchement.
en hiver [27]. Sa prevention repose sur la supplk-
Lorsque l’hypocalctmie matemelle a Ctt m&con- mentation en vitamine D (1 200 A 1500 U/j) et en
nue ou insuffisamment corrigCe, le nouveau-w? phosphore (8 B 10 mg de phosphore ClCment pour
prksente une d~minCralisation diffuse, une rCsorp- 100 mL de lait fkminin).
tion sous-p6riostCe et parfois des fractures, asso-
ciCes B une ClCvation t&s importante de sa para- HypercalcCmie nbonatale
thormonCmie ; sa calckmie est habituellement
normale. Le traitement de cet hyperparathyrol- Elle peut Ctre idiopathique [28]. Elle peut aussi
disme secondaire congknital repose sur l’allaite- Ztre iatrogkne, par apport excessif de vitamine D
ment artificiel et la vitamine D. ou prkparations des biberons par une eau trop riche
552 AC Koeger. F Oberlin

en calcium [29]. Elle peut enfin reveler un hyper- 14 Saraux A. Bourgeais F, Ehrhart A, Baron D, Le Goff P.
Osreoporose de la grossesse. Quatre observations. Rev Rhum
parathyroi’disme primitif [30-321 ou surtout une
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Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com

Gynécologie Obstétrique & Fertilité 36 (2008) 413–416


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Cas clinique
Nécrose des surrénales maternelles au troisième trimestre de la grossesse
dans le cadre d’un syndrome des antiphospholipides : à propos d’un cas
Maternal adrenal necrosis in the third trimester of pregnancy:
A rare complication of antiphospholipid syndrome
G. Legendre a,*, D. Vauthier-Brouzes b, A. Cornet b, M. Al Hawari b,
R. Renard-Penna c, J.-C. Piette d, M. Dommergues a
a
Service de gynécologie–obstétrique, groupe hospitalier de la Pitié-Salpêtrière, Assistance publique des Hôpitaux de Paris,
47-83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France
b
Service d’anesthésie–réanimation, groupe hospitalier de la Pitié-Salpêtrière, Assistance publique des Hôpitaux de Paris,
47-83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France
c
Service de radiologie, groupe hospitalier de la Pitié-Salpêtrière, Assistance publique des Hôpitaux de Paris,
47-83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France
d
Service de médecine interne, groupe hospitalier de la Pitié-Salpêtrière, Assistance publique des Hôpitaux de Paris,
47-83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France
Reçu le 17 mai 2007 ; accepté le 14 septembre 2007
Disponible sur Internet le 16 avril 2008

Résumé
La nécrose des surrénales est une complication exceptionnelle du syndrome des antiphospholipides mettant en jeu le pronostic vital, dont le
diagnostic est difficile en péripartum. Nous rapportons le cas d’une femme de 33 ans ayant présenté une nécrose surrénalienne bilatérale au cours
d’une seconde grossesse dans le cadre d’un syndrome des antiphospholipides. La grossesse est marquée par l’admission en urgence à 36 semaines
et cinq jours pour douleurs lombaires bilatérales interprétées comme des contractions utérines. Une induction du travail est réalisée devant la
persistance des douleurs associée à une thrombopénie majeure. La patiente accouche par voie vaginale d’un enfant bien portant. Le diagnostic
d’insuffisance surrénalienne est évoqué au second jour du post-partum, devant l’aggravation des douleurs lombaires, l’altération de l’état général,
une hyponatrémie et une cortisolémie effondrée. La nécrose surrénalienne est confirmée par la tomodensitométrie et l’IRM. Ce cas illustre la
difficulté du diagnostic de nécrose surrénalienne au troisième trimestre de la grossesse.
# 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Abstract
Adrenal necrosis, a rare life threatening complication of antiphospholipid syndrome, is difficult to diagnose during pregnancy. We report the case of
a 33-year-old woman with bilateral adrenal necrosis which started during the third trimester of her second pregnancy. Antiphospholipid syndrome had
been diagnosed few years ago, after a thrombotic event. The pregnancy was uneventful until 36 weeks plus five days, when the patient was admitted for
bilateral back ache, initially considered as uterine contractions. Labour was induced because pain persisted and was associated with major
thrombocytopenia. A healthy infant was delivered vaginally on the second day, adrenal failure was diagnosed based on intense asthenia, persistent
severe lumbar pain, low blood sodium and cortisol. Bilateral adrenal oedema was documented by CT scan and MRI. Symptoms resolved following
administration of hydrocortisone and fludrocortisone. This case illustrates the difficulty to diagnose adrenal necrosis in the third trimester of pregnancy.
# 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Grossesse ; Nécrose des surrénales ; Syndrome des antiphospholipides

Keywords: Pregnancy; Adrenal necrosis; Antiphospholipid syndrome

* Auteur correspondant.
Adresse e-mail : g_legendre@hotmail.com (G. Legendre).

1297-9589/$ – see front matter # 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.gyobfe.2007.09.023
414 G. Legendre et al. / Gynécologie Obstétrique & Fertilité 36 (2008) 413–416

1. Introduction Le traitement par anticoagulant à dose curative a été repris


six heures après l’accouchement.
La nécrose des surrénales est une complication rare du Le premier jour post-partum a été marqué par des
syndrome des antiphospholipides (SAPL). Le diagnostic de vomissements initialement attribués à la morphine.
nécrose des surrénales est à évoquer devant des douleurs Le second jour post-partum, une asthénie importante s’est
lombaires atypiques, une asthénie et une fièvre. Ces signes peu ajoutée aux douleurs lombaires et aux nausées. La patiente était
spécifiques rendent difficile le diagnostic, notamment en apyrétique, l’examen physique était sans particularité hormis la
péripartum. Nous rapportons le cas d’une patiente porteuse présence de lésions érythémateuses très fugaces sur les paumes
d’un SAPL primaire ayant présenté en péripartum une nécrose de chaque main et les pavillons des deux oreilles. Le bilan
bilatérale des surrénales. biologique retrouvait une hyponatrémie à 122, une CRP à 230,
une procalcitonine et une créatininémie normales. Le bilan
2. Cas clinique infectieux (ECBU, radiopulmonaire) était négatif. Une
échographie pelvienne éliminait une endométrite du post-
Une patiente âgée de 33 ans a consulté dans le service de partum. Le diagnostic d’insuffisance surrénalienne aiguë était
gynécologie–obstétrique à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière pour évoqué, la cortisolémie étant effondrée confirmait le diagnostic.
le suivi de sa seconde grossesse. Un bilan étiologique de l’insuffisance surrénale comportant un
Cette patiente présentait comme principal antécédent un examen tomodensitométrique était alors demandé. La tomo-
SAPL primaire diagnostiqué en 1996 à l’occasion d’un épisode densitométrie (TDM) abdomino-pelvienne en coupes millimé-
thrombotique. On avait alors retrouvé un anticoagulant triques (Fig. 1) objectivait une augmentation globale et
circulant de type lupique, ainsi qu’un anticorps anticardioli- harmonieuse des deux surrénales sans collection individuali-
pine. Un traitement par antivitamine K (AVK) avait été instauré sable en particulier d’allure hématique, sans rehaussement
au long cours. après injection de produit de contraste, s’accompagnant d’une
Une première grossesse s’était rapidement compliquée d’un infiltration de la graisse des loges surrénaliennes. Ces signes
retard de croissance intra-utérin (RCIU) avec mort fœtale in étaient compatibles avec le diagnostic de nécrose surréna-
utero (MFIU) à 21 semaines d’aménorrhée (SA), malgré un lienne.
traitement par enoxaparine à dose curative et aspirine débutés L’altération isolée de la fonction surrénalienne a permis
au premier trimestre. L’examen fœtopathologique avait d’éliminer un syndrome catastrophique des APL.
retrouvé des lésions d’ischémie placentaire. Un traitement associant fludrocortisone per os (200 mg/
Pour cette seconde grossesse, un traitement par enoxaparine 24 heures), hydrocortisone en perfusion intraveineuse (100 mg
à dose curative (6000 UI anti-Xa  2/24 heures) et aspirine en bolus IVL puis 200 mg/24 heures à la seringue électrique
100 mg/24 heures a également été instauré dès six SA. pendant 72 heures) a été instauré. L’enoxaparine a également été
La grossesse s’est déroulée sans particularité ; la croissance augmentée avec pour objectif une activité anti-Xa entre 0,9 et 1.
fœtale a été satisfaisante cliniquement et échographiquement L’imagerie par résonance magnétique réalisée au huitième
sans anomalies Doppler. L’aspirine a été arrêtée à 36 SA. La fin jour du post-partum a confirmé le diagnostic. L’examen
de grossesse a été marquée par une hospitalisation en urgence à objectivait l’augmentation globale et harmonieuse, non
36 SA plus cinq jours devant des douleurs lombaires bilatérales nodulaire, des surrénales en hypersignal T2 (Fig. 2), en
dans un contexte de bronchite aiguë traitée par amoxicilline. hyposignal T1 (Figs. 3 et 4) sans rehaussement sur les
Les douleurs lombaires ont été attribuées à des contractions
utérines de début de travail. La CRP était à 21 mg/l, avec des
globules blancs à 8700 par mm3 et des plaquettes à 72 000 par
mm3. La protéinurie était négative. Il n’y avait ni ictère, ni
élévation des transaminases hépatiques, ni signe biologique
d’hémolyse. Il a alors été décidé d’interrompre le traitement
anticoagulant dans la perspective d’un accouchement à court
terme.
Vingt-quatre heures plus tard, il n’y avait pas d’améliora-
tion clinique et la thrombopénie s’est aggravée (58 000 par
mm3). Un déclenchement du travail a donc été décidé devant
l’aggravation de la thrombopénie et la persistance des
douleurs. Une analgésie péridurale n’était pas réalisable,
l’activité anti-Xa restant dans la zone curative 36 heures après
l’arrêt des anticoagulants (activité anti-Xa = 0,37). Le travail
s’est déroulé sous pompe à autoadministration de morphine
contrôlée par la patiente (PCA). L’accouchement était
eutocique et la patiente donnait naissance à un foetus de sexe
féminin de 2730 g, dont le score d’Apgar était de 10 à une, cinq Fig. 1. TDM avec injection de produit de contraste.Augmentation bilatérale
et dix minutes. harmonieuse de taille des surrénales sans collection individualisable.
G. Legendre et al. / Gynécologie Obstétrique & Fertilité 36 (2008) 413–416 415

Le traitement hormonal substitutif d’urgence a été relayé par


une hormothérapie associant hydrocortisone et fludrocortisone
per os en quatre semaines. L’anticoagulation a également été
relayée par voie orale et poursuivie en association avec
l’aspirine à dose antiagrégante ; l’objectif thérapeutique de
l’INR pour l’AVK était situé entre 2,5 et 3,5.
Le suivi à six mois a retrouvé une patiente en bon état
général. Aucune récupération de la fonction surrénalienne n’a
été observée. L’association aspirine–AVK a été poursuivie,
ainsi que l’hormonothérapie substitutive de l’insuffisance
surrénalienne (30 mg/j d’hydrocortisone associée à 50 mg/j
de fludrocortisone).

Fig. 2. IRM séquence axiale T2.Aspect en hypersignal des surrénales.


3. Discussion

Le SAPL est défini par l’association de manifestations


cliniques (thromboses ou accidents obstétricaux) et biologiques
(présence d’anticorps antiphospholipides).
Les complications obstétricales du SAPL se manifestent le
plus souvent par des fausses couches survenant avant la
douzième semaine d’aménorrhée. Les fausses couches tardives
et MFIU sont plus rares mais plus évocatrices. Le SAPL expose
également à des accidents obstétricaux tardifs à type de
prééclampsie, d’hématome rétroplacentaire ou de RCIU et
majore le risque d’accidents thromboemboliques chez la mère,
en particulier dans la période encadrant le terme.
Si les complications thrombotiques (artérielles ou veineu-
ses) et les accidents obstétricaux constituent des signes majeurs
de ce syndrome, des signes mineurs ont également été décrits :
atteinte cardiaque (valvulopathies, atteintes coronarienne),
Fig. 3. IRM séquence axiale T1 sans injection.Aspect en hyposignal des néphropathie vasculaire, signes neurologiques [1].
surrénales, sans syndrome de masse, sans collection individualisable. La nécrose des surrénales a été rapportée aussi bien au cours
du SAPL primaire qu’au cours du SAPL associé à un lupus. Elle
peut être le mode de découverte du syndrome ou s’inscrire dans
séquences dynamiques après injection de gadolinium en T1, une forme dite catastrophique avec thromboses multiples et
confirmant l’hypothèse d’une nécrose surrénalienne bilatérale. défaillance multiviscérale. Dans 43 % des cas, un facteur
L’amélioration clinique rapide de la patiente a été patente précipitant (intervention chirurgicale, traumatisme, infection)
dès l’instauration du traitement. est retrouvé [2].
La présentation clinique classique comporte une asthénie,
des douleurs abdominales, une hypotension avec déshydrata-
tion, de la fièvre, des troubles digestifs et une confusion
mentale [1–3]. L’imagerie par tomodensitométrie ou réso-
nance magnétique montre des lésions de nécrose hémorra-
gique. Au plan biologique, la cortisolémie est basse et le
taux d’hormone corticotrope élevé. La mortalité est élevée
(36 %) [1].
Le mécanisme pathogénique de cette nécrose des surrénales
n’est pas clairement établi. La physiopathologie semble, dans la
majorité des cas, liée à une thrombose de la veine de drainage
des surrénales conduisant à un infarctus hémorragique. La
glande surrénale présente, en effet une vascularisation artérielle
riche alors qu’elle n’est drainée que par une veine unique.
Cependant, certaines nécroses des surrénales sans thrombose
sont rapportées dans la littérature [4]. Dans ces cas
Fig. 4. IRM séquence axiale T1 avec injection de gadolinium au temps d’infarcissement surrénalien sans thrombose, une analyse
artériel.Augmentation de volume des surrénales, sans rehaussement visible multivariée isole comme facteurs précipitants : la thrombopé-
après injection. nie, le traitement par héparine et le sepsis [5]. Dans ce cas
416 G. Legendre et al. / Gynécologie Obstétrique & Fertilité 36 (2008) 413–416

clinique, aucune thrombose des veines de drainage n’a été mise diagnostic précoce permet une mise en route rapide du
en évidence sur les coupes de TDM et IRM. traitement et un meilleur pronostic à court, moyen et long
La nécrose des surrénales en cours de grossesse ou dans le terme [6].
péripartum chez les patientes porteuses d’un SAPL est très
rarement rapportée dans la littérature (cinq cas en incluant 4. Conclusion
celui-ci) [6–9].
Dans les quatre cas précédemment décrits, la nécrose des L’association nécrose des surrénales et grossesse est
surrénales s’était produite en post-partum. Le cas clinique exceptionnelle.
présenté rapporte pour la première fois une nécrose bilatérale Nous rapportons le cas d’une patiente de 33 ans porteuse
des surrénales compliquant la fin de grossesse. d’un SAPL ayant développé à 36 SA plus cinq jours une
Le facteur déclenchant retrouvé était pour deux cas une nécrose bilatérale des surrénales. La nécrose surrénalienne s’est
césarienne [7,9] et pour les deux autres cas une MFIU [6,8]. Le manifestée par des douleurs atypiques dans un contexte
facteur précipitant dans cette observation était probablement probablement précipitant de bronchite aiguë. La non-spécificité
une bronchite aiguë. des signes cliniques de nécrose et d’insuffisance surrénalienne,
Les signes cliniques évocateurs de la nécrose surrénalienne ainsi que l’absence de cas décrit en perpartum dans la littérature
dans les précédents cas étaient des signes d’insuffisance ont retardé le diagnostic. L’évolution clinique à court terme de
surrénalienne : vomissements [9], hypotension [7], fièvre [7,8]. la patiente après mise en place d’une hormonothérapie
Des douleurs lombaires intenses étaient constamment décrites substitutive et anticoagulation curative a été satisfaisante.
[6-9]. Des troubles du comportement étaient également La nécrose bilatérale des surrénales en péripartum est une
retrouvés dans deux cas [6,8]. complication du SAPL qui peut mettre en jeu le pronostic vital
Les signes radiologiques retrouvaient les deux surrénales de la patiente. Cet événement bien que rare doit être connu par
augmentées de volume, faisant évoquer le diagnostic de nécrose les cliniciens, afin de débuter rapidement une prise en charge
surrénalienne hémorragique bilatérale [9]. Une IRM réalisée optimale.
pour le cas de Hochfeld et al. retrouvaient une thrombose
étendue de la veine iliaque externe gauche et des veines
pelviennes [8]. Pour les deux cas compliqués d’un décès Références
maternel, l’autopsie retrouvait des thrombi des veines de
[1] Godeau B, Piette JC. The significance and treatment of antiphospholipid
drainage des surrénales confirmant ainsi le diagnostic de antibodies. Presse Med 2004;33:944–52.
nécrose surrénalienne [6,8]. Pour un cas le diagnostic de [2] Espinosa G, Santos E, et al. Adrenal involvement in the antiphospholipid
nécrose surrénalienne était fortement suspecté bien que syndrome. Clinical and immunologic characteristics of 86 patients. Mede-
l’examen tomodensitométrique réalisé en urgence n’objective cine 2003;82(2):106–17.
pas de lésion surrénalienne [7]. [3] Provenzale JM, Ortel TL, et al. Adrenal hemorrhage in patients with
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Le cas clinique présenté rapporte pour la première fois une 1995;165:361–4.
nécrose bilatérale des surrénales compliquant la fin de [4] Luppi M, Marasca R, et al. Spontaneous adrenal gland haematoma in a
grossesse. patient with antiphospholipid antibodies. Eur J Haematol 1995;55:335–8.
Ce cas clinique souligne également la difficulté du [5] Kovacs KA, Lam YM, et al. Bilateral massive adrenal hemorrage. Assess-
diagnostic d’une nécrose surrénalienne au troisième trimestre ment of putative risk factors by the case-control method. Medecine
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de la grossesse. En effet, les signes cliniques sont peu [6] Bendon RW, Wilson J, et al. A maternal death due to thrombotic disease
spécifiques : les douleurs lombaires ou abdominales à ce terme associated with anticardiolipin antibody. Arch Pathol Lab Med
font d’abord évoquer un début de travail. Même les signes 1987;111(4):370–2.
d’insuffisance surrénalienne (asthénie, troubles digestifs, [7] Levy EN, Ramsey-Goldman R, et al. Adrenal insufficiency in two women
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fièvre) sont peu informatifs en post-partum immédiat.
[8] Hochfeld M, Druzin ML, et al. Pregnancy complicated by primary antipho-
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mettent en jeu le pronostic vital maternel (deux décès sur les [9] Vengrove MA, Amoroso. A Reversible adrenal insufficiency after adrenal
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EMC-Médecine 1 (2004) 121–130

www.elsevier.com/locate/emcmed

Néphropathie et grossesse
Nephropathy and pregnancy
P. Jungers (Professeur émérite à la Faculté de médecine) *
Hôpital Necker-Enfants Malades, 149, rue de Sèvres, 75743 Paris cedex 15, France

MOTS CLÉS Résumé Toute grossesse, chez une femme atteinte de néphropathie, doit être considérée
Grossesse ; comme une grossesse à risque. Elle doit être planifiée et bénéficier d’un suivi conjoint par
Néphropathie ; néphrologue et obstétricien, en particulier lorsque la patiente est hypertendue ou lorsque
Dialyse ; sa fonction rénale est altérée. Au prix de ces conditions et grâce aux progrès récents de
Greffe rénale ; l’obstétrique et de la néonatologie, l’espoir d’une maternité sans aggravation de la
Toxémie gravidique
néphropathie est désormais offert à la majorité des patientes souffrant de maladies
rénales.
© 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDS
Abstract Pregnancy in women with kidney disease carries an increased risk of adverse
Pregnancy; events. The pregnancy should be planned. Follow-up should be provided by both a
Nephropathy; nephrologist and an obstetrician, particularly in patients with arterial hypertension or
Dialysis; renal dysfunction. Provided these precautions are taken, recent advances in obstetrics
Renal transplant; and neonatology allow most patients with kidney disease to give birth to normal children
Preeclampsia; without experiencing any deterioration in their condition.
Eclampsia © 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Introduction sur le cours de la néphropathie. En effet, néphro-


pathie et grossesse exercent l’une sur l’autre une
La survenue d’une grossesse chez une femme at- interaction : la néphropathie retentit sur le pronos-
teinte de néphropathie a longtemps constitué un tic fœtal, tandis que la grossesse peut modifier le
sujet de préoccupation et d’inquiétude, en particu- cours de la néphropathie.
lier au cours des glomérulonéphrites chroniques.
Les observations rapportées faisaient état d’une Fort heureusement, au cours des 2 dernières
proportion anormalement élevée de mort fœtale in décennies, des études portant sur de larges effec-
utero, de retard de croissance fœtale et de préma- tifs de patientes atteintes de néphropathie primi-
turité, notamment lorsqu’il existait une hyperten- tive ou entrant dans le cadre d’une maladie systé-
sion artérielle (HTA), un syndrome néphrotique ou mique ont considérablement clarifié le problème et
une insuffisance rénale. De nombreux auteurs ont permis d’identifier les facteurs du pronostic
avaient rapporté une aggravation de la maladie fœtal et maternel. Elles ont montré qu’une gros-
rénale maternelle sous l’influence de la grossesse, sesse survenant chez une patiente dont la fonction
alors que d’autres au contraire rejetaient une quel- rénale est normale ou proche de la normale a en
conque influence défavorable propre à la grossesse règle générale une évolution favorable et ne s’ac-
compagne d’aucune aggravation de la maladie ré-
* Auteur correspondant. 107, boulevard Bineau, 92200 Neuilly-
nale maternelle. En revanche, la présence d’une
sur-Seine.

© 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés.


doi: 10.1016/S1762-4193(03)00018-3
122 P. Jungers

HTA et, plus encore, d’une altération significative impliquent une vasodilatation généralisée d’origine
de la fonction rénale maternelle exerce une in- hormonale, ce qui explique la baisse physiologique
fluence défavorable sur le pronostic fœtal et fait de la pression artérielle observée au cours des
courir un risque d’aggravation de la maladie rénale 2 premiers trimestres de la grossesse normale, où
maternelle. Ces études ont permis de déterminer le s’observe également une diminution de la réacti-
niveau de fonction rénale compatible avec l’espoir vité vasculaire aux stimuli presseurs tels que l’an-
d’une grossesse réussie et ont déterminé les règles giotensine II. Parallèlement, se développe une aug-
de prise en charge des patientes atteintes de néph- mentation du volume du secteur extracellulaire et
ropathie, avec ou sans insuffisance rénale préexis- du secteur plasmatique, atteignant et dépassant
tante. 50 % au cours du 3e trimestre. L’augmentation de la
Nous envisagerons successivement les facteurs filtration glomérulaire se traduit par une diminu-
généraux du pronostic fœtal et maternel chez les tion de la créatininémie, qui passe d’une valeur
patientes atteintes de néphropathie, les problèmes moyenne de 75 lmol/l avant la grossesse à 50 à
spécifiques qui se posent dans les néphropathies 60 lmol/l au cours des 2e et 3e trimestres, et par
primitives (glomérulaires ou non), au cours des une diminution proportionnelle de l’uricémie. La
maladies systémiques, chez les femmes atteintes protéinurie physiologique se majore et peut attein-
d’insuffisance rénale préexistante et chez les pa- dre jusqu’à 300 mg/j. Enfin, l’augmentation du
tientes dialysées ou transplantées, pour définir en- secteur plasmatique entraîne une hémodilution, le
fin les règles de prise en charge optimale des fem- taux de l’albuminémie s’abaissant au voisinage de
mes atteintes de néphropathie.7,8 35 g/l en fin de grossesse.

Modifications fonctionnelles Influence de la néphropathie


sur l’évolution fœtale
et hémodynamiques rénales induites
par la grossesse Majoration du risque fœtal
Au cours de la grossesse normale, il se produit une Le cumul des observations publiées dans la littéra-
augmentation de la filtration glomérulaire de l’or- ture permet d’analyser plus de 900 grossesses
dre de 40 à 50 %, qui apparaît dès le 1er trimestre et survenues chez des femmes atteintes de gloméru-
se maintient jusqu’à la fin du 3e trimestre, avec une lonéphrite chronique primitive, plus de 600 grosses-
augmentation proportionnelle du débit plasmati- ses chez des patientes atteintes de néphropathie du
que rénal (Tableau 1). Le débit cardiaque maternel reflux, et près de 500 grossesses chez des femmes
augmente de 30 % dès le 1er trimestre de manière à atteintes de maladie polykystique rénale, en sa-
compenser l’augmentation du débit utéroplacen- chant que dans ces collectifs, moins de 5 % des
taire et du débit sanguin rénal. Ces modifications patientes avaient une insuffisance rénale significa-
tive, c’est-à-dire une créatininémie supérieure à
Tableau 1 Modifications physiologiques induites par la gros- 135 lmol/l.
sesse. La mortalité fœtale globale est de l’ordre de
Filtration glomérulaire 20 % dans les glomérulonéphrites primitives et de
↑ 40-50 % 10 à 12 % dans les néphropathies du reflux et la
maladie polykystique rénale, si l’on exclut de l’ana-
Débit sanguin rénal lyse les interruptions thérapeutiques de grossesse.
↑ 40-50 % Cette mortalité est due, pour moitié, à des pertes
fœtales au cours des 2 premiers trimestres de gros-
Créatininémie
sesse, en sachant que la fréquence des avortements
75 lmol/l → 50-60 lmol/l
spontanés au cours d’une première grossesse, dans
Pression artérielle
les pays industrialisés, est de l’ordre de 10 %. Les
PAD diminuée de 5-10 mmHg morts fœtales survenues après la 26e semaine
d’aménorrhée représentent environ la moitié des
Secteur extracellulaire et volume plasmatique cas, tant dans les glomérulopathies que dans les
↑ de 40-50 % (albuminémie » 30-35 g/l ; hémoglobine néphropathies interstitielles chroniques.
z12 g/l)
Facteurs du pronostic fœtal (Tableau 2)
Protéinurie physiologique
↑ jusqu’à 300 mg/24 h Plus que le type de la néphropathie elle-même, il
PAD : pression artérielle diastolique.
apparaît clairement que ce sont les facteurs de
Néphropathie et grossesse 123

une incidence élevée de mort fœtale au-delà du 1er


Tableau 2 Facteurs du pronostic fœtal.
trimestre, d’hypotrophie fœtale et de prématurité.
Facteurs de mauvais pronostic
En revanche, lorsque l’HTA est parfaitement
HTA préexistante ou précoce non maîtrisée*
contrôlée par le traitement dès le début de la
Syndrome néphrotique intense
(albuminémie < 25 g/l)*
grossesse, le pronostic fœtal s’en trouve très net-
Insuffisance rénale notable tement amélioré. De même, une HTA apparue uni-
(créatininémie > 160-180 lmol/l)* quement en fin de grossesse n’affecte que très peu
Maladie systémique en phase d’évolutivité le pronostic fœtal.
Facteurs de bon pronostic Il est à noter que la fréquence de la toxémie
Normotension spontanée ou HTA bien contrôlée par mono- gravidique est cinq à dix fois plus élevée chez les
thérapie (albuminémie > 30 g/l) femmes atteintes de néphropathie et hypertendues
Fonction rénale normale ou proche de la normale (créatini-
que chez les femmes normotendues à fonction ré-
némie < 135 lmol/l)
Maladie systémique en rémission stable
nale normale.
Il faut donc surveiller de manière particulière-
* Effet additif de ces facteurs ; HTA : hypertension artérielle.
ment vigilante la pression artérielle de ces patien-
tes, surtout en fin de grossesse.
Syndrome néphrotique Au total, si l’indication d’un traitement antihy-
Hypertension
Insuffisance rénale pertenseur au cours d’une HTA isolée de la gros-
sesse et en dehors de toute néphropathie reste
discutée, le traitement actif de toute HTA chez une
Dès la conception ou patiente atteinte de néphropathie sous-jacente est
En fin de grossesse
en début de grossesse impératif pour améliorer le pronostic fœtal.
L’insuffisance rénale préexistante est le facteur
limitant le plus sévère du pronostic fœtal, ce
Retard de croissance d’autant qu’elle s’accompagne le plus souvent
Mort fœtale Peu de conséquences
Prématurité pour le fœtus d’une HTA, même si une amélioration sensible a pu
Faible poids de naissance être obtenue au cours des dernières années grâce
aux progrès de l’obstétrique et de la néonatologie
Figure 1 Influence des facteurs de risque fœtaux en fonction de
leur date de survenue.
et grâce à une meilleure prise en charge néphrolo-
gique des patientes atteintes de néphropathie.
risque associés à la néphropathie, c’est-à-dire L’influence de l’insuffisance rénale est graduelle,
l’existence d’un syndrome néphrotique, d’une HTA et il est possible de déterminer trois zones de
ou d’une insuffisance rénale, qui jouent un rôle risque fœtal.
déterminant sur l’évolution fœtale (Fig. 1). • Lorsque la créatininémie n’excède pas
La présence d’un syndrome néphrotique, 160 lmol/l, ce qui correspond à une clairance
lorsqu’il existe une hypoalbuminémie marquée, in- de la créatinine supérieure à
férieure à 25 g/l, exerce une influence délétère sur 40 ml/min/1,73 m2, le pronostic fœtal est dans
la croissance fœtale, surtout lorsqu’il est présent l’ensemble bon, dépendant principalement de
dès le début de la grossesse. Dans cette situation, la présence d’une HTA et de la qualité de son
on note une proportion élevée de morts fœtales in contrôle.
utero et d’hypotrophies fœtales ; une corrélation • Lorsqu’elle est comprise entre 160 et
entre un faible poids de naissance de l’enfant et le 220 lmol/l, soit une clairance de la créatinine
degré d’hypoalbuminémie maternelle a été rappor- comprise entre 25 et 40 ml/min/1,73 m2, le
tée. Une biopsie rénale est alors indiquée pour pronostic fœtal est plus réservé, avec une aug-
déterminer la corticosensibilité potentielle du syn- mentation de fréquence des retards de crois-
drome néphrotique. Lorsque les corticostéroïdes sance intra-utérine, des morts fœtales in utero
obtiennent une rémission, au moins partielle, du tardives et des grandes prématurités. Cela dit,
syndrome néphrotique, la croissance fœtale est la probabilité de la naissance d’un enfant vi-
améliorée. En revanche, un syndrome néphrotique vant reste de l’ordre de 80 à 90 %.
d’apparition tardive au cours de la grossesse n’a • Au-delà de 220 lmol/l, ce qui correspond à une
que peu d’influence sur l’évolution fœtale. clairance de la créatinine inférieure à
L’HTA est le facteur de mauvais pronostic fœtal 25 ml/min/1,73 m2, le risque fœtal s’accroît
le plus anciennement reconnu au cours des néphro- considérablement et se double d’un risque
pathies, mais sa date d’apparition conditionne ici d’aggravation irréversible de la fonction rénale
encore le pronostic fœtal. Une HTA préexistante ou maternelle. Ainsi, il est recommandé aux pa-
apparue dès le début de la grossesse est associée à tientes atteintes d’insuffisance rénale débu-
124 P. Jungers

Ccr et la diminution temporaire de la filtration glomé-


(ml/min/1,73m2) rulaire, des altérations irréversibles telles qu’une
90 HTA permanente et surtout une aggravation irré-
versible et anormalement rapide de l’insuffisance
50 rénale maternelle. L’interprétation des modifica-
tions de la fonction rénale et de la pression arté-
40
rielle provoquées par la grossesse chez une femme
25
15
atteinte de néphropathie doit toutefois tenir
compte des modifications fonctionnelles rénales
physiologiques induites par la gravidité.
75 125 160 220 400 Pcr
(µmol/l) Au total, il apparaît que la grossesse ne provoque
Risque fœtal ± + ++ ++ pas de reprise évolutive d’une glomérulonéphrite
Risque maternel ± + ++ +++
chronique ou d’une néphrose lipoïdique primitive
Figure 2 Risques fœtal et maternel en fonction du niveau de la lorsque la patiente est en rémission au moment de
fonction rénale maternelle évaluée par la clairance de la créa- la conception. La majoration d’une protéinurie
tinine. Ccr : clairance de la créatinine ; Pcr : créatininémie. préexistante en cours de grossesse ne doit donc pas
être prise obligatoirement pour un signe d’aggrava-
tante d’entreprendre une grossesse de préfé-
tion de la maladie sous-jacente.
rence tant que la créatininémie n’excède pas
160 à 180 lmol/l. Influence de la grossesse sur la protéinurie,
Au-delà de ce niveau, le pronostic est beaucoup la pression artérielle et la fonction rénale
plus aléatoire, et il peut être conseillé à une pa-
tiente ayant déjà un ou plusieurs enfants de renon- Une majoration transitoire du débit de la protéinu-
cer dans l’immédiat à une nouvelle grossesse et de rie est fréquente en cours de grossesse chez les
ne l’envisager qu’après transplantation rénale. Le femmes atteintes de maladie rénale, notamment
degré du risque fœtal selon le niveau de la fonction dans les néphropathies glomérulaires. Elle est due
rénale maternelle est schématisé sur la Figure 2. La en majeure partie aux modifications hémodynami-
fonction rénale est évaluée par la clairance de la ques induites par la grossesse, ce qui explique son
créatinine, calculée selon la formule de Cockroft et caractère réversible. Une augmentation significa-
Gault appliquée à la femme : tive de la protéinurie (au-delà de 0,3 g/24 h) est
| 140 − âge 共 ans 兲 | × Poids 共 kg 兲 × 1,05 observée dans environ la moitié des cas dans les
Ccr = diverses catégories de néphropathies glomérulai-
Créatininémie 共 lmol⁄l 兲 res. Toutefois, aucune rechute d’un syndrome
néphrotique antérieur et en rémission au moment
de la conception n’est habituellement observée au
Influence de la grossesse cours de la grossesse.
sur la néphropathie maternelle5 Il en est de même en ce qui concerne la pression
artérielle. La majoration d’une HTA préexistante,
Chez une patiente atteinte de néphropathie sous- traitée ou non, est observée dans près de 50 % des
jacente, la grossesse entraîne le plus souvent une cas. L’apparition d’une HTA en cours de grossesse
majoration de la protéinurie et l’extériorisation ou est plus rare, observée dans 10 à 20 % des cas
la majoration d’une HTA, pouvant aller jusqu’à un seulement : l’HTA tend alors soit à persister après
tableau de toxémie gravidique (ou prééclampsie) l’accouchement, soit à réapparaître quelques an-
surajoutée. Toutefois, le problème crucial est de nées plus tard, après un retour temporaire à des
savoir si la grossesse peut provoquer une altération chiffres tensionnels normaux. À long terme, l’appa-
irréversible de la fonction rénale maternelle ou une rition d’une HTA permanente est plus fréquente
aggravation anormalement rapide d’une insuffi- chez les patientes dont une ou plusieurs grossesses
sance rénale préexistante chez les femmes attein- ont été compliquées d’HTA que chez celles qui
tes de néphropathie. Il apparaît clairement étaient restées normotendues au cours de toutes
aujourd’hui que l’influence de la grossesse sur le leurs gestations. La grossesse apparaît ainsi comme
cours de la néphropathie maternelle est principale- révélatrice d’une tendance hypertensive latente
ment déterminée par le niveau de la fonction ré- ou comme facteur majorant d’une HTA déjà éta-
nale au moment de la conception et par la coexis- blie, ce fait paraissant particulièrement fréquent
tence éventuelle d’une maladie systémique. au cours de la glomérulonéphrite à immunoglobu-
Il convient de distinguer les effets transitoires et lines (IgA), ou maladie de Berger.
réversibles de la grossesse que constituent la majo- La persistance d’une protéinurie ou d’une HTA
ration d’une protéinurie ou d’une HTA préexistante au-delà de 3 à 4 mois après la fin de la grossesse
Néphropathie et grossesse 125

suggère fortement l’existence d’une néphropathie (171) (143)


1,0 (105) (69)
antérieure à la grossesse ou ayant débuté au cours (189)
(113) (38)
de celle-ci. De même, la survenue avant le 3e tri- 0,8 (22)
mestre d’une protéinurie associée à une HTA, aussi (61)
bien chez une primipare que chez une multipare, 0,6 (31)
doit faire suspecter l’existence d’une néphropathie (9)
sous-jacente, surtout si l’apparition ou la majora- 0,4
Enceintes
tion de la protéinurie précède celle des chiffres Non enceintes (5)
0,2
tensionnels, alors que dans la toxémie gravidique
pure, l’apparition de l’HTA précède habituellement
celle de la protéinurie. 0 5 10 15 20 25 30
Durée depuis le début de la maladie (années)
Facteurs du pronostic maternel (Tableau 3) Figure 3 Absence d’influence de la grossesse sur l’évolution au
long cours des glomérulonéphrites primitives : les courbes ac-
En ce qui concerne l’influence de la grossesse sur la tuarielles de survie rénale de 171 femmes ayant eu une ou
fonction rénale maternelle, il est désormais établi plusieurs grossesses et de 189 femmes n’ayant pas été enceintes
après le début de la glomérulonéphrite ne diffèrent pas (d’après
que la grossesse n’entraîne pas d’altération de la Jungers et al, reproduite avec autorisation).
fonction rénale maternelle chez les femmes attein-
tes de néphropathie primitive lorsque la fonction vies à l’hôpital Necker), dont la fonction rénale
rénale est normale ou proche de la normale au était normale au début de la grossesse, qui a mon-
moment de la conception. Une augmentation phy- tré que la courbe actuarielle de survie rénale des
siologique de la filtration glomérulaire, marquée 171 patientes ayant eu une grossesse après le début
par la diminution de la créatininémie, s’observe le clinique de la néphropathie ne différait pas de celle
plus souvent comme chez la femme normale. Une des 189 patientes n’ayant jamais eu de grossesse
altération de la fonction rénale maternelle se pro- après le début apparent de leur maladie rénale
duit dans quelques cas, notamment chez les patien- (Fig. 3). De plus, par analyse cas-témoins, la gros-
tes atteintes de glomérulonéphrite primitive, mais sesse n’est pas apparue comme un facteur de risque
elle est le plus souvent modérée et réversible à la de progression vers l’insuffisance rénale, cette der-
fin de la grossesse. En revanche, aucune aggrava- nière étant déterminée par le type de la néphropa-
tion irréversible de la fonction rénale maternelle thie et la présence d’une HTA.
n’est habituellement observée lorsque la fonction Il en va tout autrement lorsqu’il existe une
rénale de la patiente est normale ou proche de la altération significative de la fonction rénale au
normale, c’est-à-dire lorsque la créatininémie est moment de la grossesse, qui peut alors induire une
inférieure à 135 lmol/l au moment de la concep- accélération irréversible de l’insuffisance rénale
tion. Plusieurs études contrôlées ont établi ce fait maternelle, par comparaison à l’évolution habi-
rassurant, et en particulier une étude au long cours tuellement observée dans le même type de néph-
portant sur 360 femmes atteintes de différentes ropathie chez les femmes ayant une insuffisance
variétés histologiques de glomérulonéphrite (sui- rénale de même degré mais non enceintes. Ce
risque reste faible tant que la créatininémie au
moment de la conception ne dépasse pas 160 à
Tableau 3 Facteurs du pronostic maternel. 180 lmol/l, mais il augmente nettement au-delà de
Facteurs de pronostic réservé ce niveau, une aggravation irréversible de la fonc-
Variété de glomérulonéphrite histologiquement sévère tion rénale à l’occasion de la grossesse survenant
Protéinurie abondante alors dans près de 30 % des cas. Chez les patientes
HTA sévère ou mal contrôlée dont la créatininémie dépasse 300 lmol/l, l’aggra-
Insuffisance rénale notable préexistante (créatininé- vation est pratiquement constante, obligeant sou-
mie 180 lmol/l) vent à débuter une dialyse de suppléance au cours
Maladie systémique en période évolutive même de la grossesse.
Facteurs de bon pronostic
Néphropathie lentement évolutive
Protéinurie absente ou minime
Normotension spontanée ou hypertension bien contrôlée
Problèmes posés dans les différents
Fonction rénale normale ou proche de la normale (créatini- types de néphropathies
némie < 135 lmol/l)
Maladie systémique en rémission thérapeutique ou en Des problèmes spécifiques se posent en fonction du
période de quiescence type de néphropathie en cause. Ils diffèrent sensi-
HTA : hypertension artérielle.
blement selon qu’il s’agit d’une néphropathie pri-
126 P. Jungers

mitive ou d’une atteinte rénale dans le cadre d’une génétique, de même que chez les femmes atteintes
affection systémique. de néphropathie héréditaire du type syndrome
d’Alport. Dans cette dernière éventualité, un
Néphropathies primitives conseil génétique préconceptionnel est indiqué
afin d’aider les patientes à prendre la décision
Néphropathies glomérulaires d’une grossesse et pour définir leur attitude selon
Lorsqu’il n’existe pas de syndrome néphrotique, le sexe de l’enfant, qui conditionne la probabilité
d’HTA de contrôle difficile, ni d’altération signifi- d’être atteint ou non de la même néphropathie,
cative de la fonction rénale au moment de la sachant que les filles sont simples transmettrices et
conception, le pronostic fœtal et maternel est bon. que seuls les garçons peuvent être sévèrement
Toutefois, il convient d’être prudent au cours des atteints.
glomérulonéphrites ayant un potentiel évolutif
marqué dont témoigne une protéinurie abondante Lithiase urinaire
ou une HTA sévère, surtout lorsque la créatininé- Celle-ci étant fréquente, elle peut entraîner des
mie est à la limite supérieure de la normale. Cette problèmes chez une femme enceinte. La grossesse
réserve est particulièrement valable en cas de glo- n’augmente pas le risque de former des calculs,
mérulonéphrite à IgA à fort potentiel évolutif at- l’augmentation physiologique de la charge filtrée
testé par des lésions glomérulaires segmentaires de calcium étant compensée par une excrétion
étendues, des lésions vasculaires et tubulo- accrue d’inhibiteurs de la cristallisation dans les
interstitielles marquées à la biopsie rénale et par urines. Toutefois, des calculs préexistants peuvent
une tendance hypertensive franche. Les mêmes compliquer la grossesse lorsqu’il se produit une
réserves s’expriment en cas de hyalinose segmen- migration urétérale, favorisée par la dilatation des
taire et focale des glomérules et à un moindre voies excrétrices. En cas de difficulté à obtenir
degré en cas de glomérulonéphrite extramembra- l’expulsion spontanée du calcul et sachant que la
neuse en phase néphrotique. lithotritie extracorporelle par ondes de choc est
contre-indiquée au cours de la grossesse, la techni-
Néphropathies non glomérulaires que généralement adoptée est la mise en place
Des facteurs particuliers peuvent influencer le pro- d’une sonde urétérale à demeure pendant la durée
nostic fœtal. Au cours de la néphropathie du reflux, de la grossesse, sous couvert d’un traitement anti-
la persistance d’un reflux vésico-urétéral à l’âge bactérien prolongé.
adulte expose au risque de pyélonéphrite aiguë,
facteur de prématurité. Nombre de néphropathies Néphropathies secondaires à une maladie
du reflux sont découvertes au cours d’une grossesse systémique
à l’occasion d’une complication pyélonéphritique.
Il est donc de règle, chez toute femme ayant pré- Au cours des maladies systémiques, le pronostic de
senté une pyélonéphrite aiguë en cours de gros- la grossesse est plus réservé qu’au cours des mala-
sesse, de rechercher un reflux vésico-urétéral par dies rénales primitives. En effet, aux facteurs de
cystographie rétrograde après la fin de la grossesse. risque généraux que constituent la protéinurie,
En cas de reflux vésico-urétéral persistant, lorsque l’HTA et l’atteinte de la fonction rénale, s’ajoutent
des épisodes de pyélonéphrite se sont produits de les manifestations extrarénales de la maladie sys-
manière répétée en dépit d’un traitement antibac- témique et surtout le risque de déclenchement
térien soigneusement conduit, il peut être utile d’une poussée évolutive, notamment dans la mala-
d’en proposer la correction chirurgicale avant une die lupique.
future grossesse.6
Diabète sucré (type I ou II)11
Maladie polykystique rénale Les progrès de la diabétologie et de l’obstétrique
L’insuffisance rénale apparaît rarement avant la 5e ont permis d’obtenir un pronostic fœtal pratique-
décennie, si bien que la grossesse pose, la plupart ment analogue à celui des femmes normales, au
du temps, peu de problèmes, sinon celui d’une HTA prix d’un strict contrôle glycémique dès le début de
éventuelle. En cas d’insuffisance rénale préexis- la grossesse, tant qu’il n’existe pas d’atteinte ré-
tante, les facteurs du pronostic sont les mêmes que nale patente. Une majoration de la microalbuminu-
ceux définis pour les glomérulonéphrites ou la rie peut être observée en cours de grossesse, ainsi
néphropathie du reflux. Il est rare que le volume qu’une augmentation de la fréquence de prématu-
des reins kystiques soit tel qu’il constitue une gêne rité et de prééclampsie. Lorsqu’il existe une at-
pour la poursuite de la grossesse. Le problème teinte rénale patente, marquée par une macropro-
soulevé par ces patientes est de l’ordre du conseil téinurie et, a fortiori, un syndrome néphrotique et
Néphropathie et grossesse 127

une altération de la fonction rénale, le pronostic risque excessif d’aggravation de la fonction rénale
fœtal est plus réservé dès lors que la créatininémie maternelle, peut être espérée tant que la créati-
dépasse 130 à 150 lmol/l, c’est-à-dire une valeur ninémie ne dépasse pas 200 à 220 lmol/l, selon le
inférieure à la valeur seuil au cours des néphropa- poids corporel de la patiente. Au-delà de ces va-
thies primitives, et il existe un risque élevé d’ag- leurs, le pronostic, tant fœtal que maternel, est
gravation irréversible de l’insuffisance rénale ma- beaucoup plus aléatoire, et il apparaît préférable
ternelle. de déconseiller la grossesse à ce stade. Toutefois,
plusieurs études récentes ont montré que chez des
Lupus érythémateux disséminé10,12 patientes atteintes d’insuffisance rénale de ce de-
La grossesse pose un problème très différent selon gré, à condition d’une prise en charge coordonnée
qu’il existe ou non des signes d’activité de la mala- entre néphrologues, obstétriciens et néonatologis-
die au moment de la conception. Chez les patientes tes, dans des maternités ayant l’expérience du
antérieurement atteintes d’une néphropathie lupi- traitement de patientes à haut risque, la grossesse
que, même dans sa forme majeure, proliférative pouvait être couronnée de succès. Dans une étude
diffuse, à condition que la rémission soit stable récente de l’hôpital Necker, la survie fœtale obser-
depuis au moins 6 mois à 1 an, le pronostic fœtal et vée au cours de la période 1986-1995 s’est élevée à
maternel est bon, et le risque de reprise évolutive 91 % (avortements spontanés ou thérapeutiques du
du lupus érythémateux disséminé est très faible. En 1er trimestre non inclus), alors qu’elle était seule-
revanche, lorsque la grossesse survient en période ment de 65 % au cours de la décennie précédente.
d’évolutivité lupique, notamment lorsque le lupus Toutefois, si la proportion des morts fœtales in
érythémateux disséminé se démasque au cours utero et de la mortinatalité a diminué, la propor-
d’une grossesse, le pronostic fœtal est beaucoup tion des grands prématurés a augmenté depuis
plus réservé, avec un risque élevé de mort fœtale in quelques années, imposant une prise en charge en
utero et de prématurité. Dans cette situation, les unité de soins intensifs néonataux dans plus de la
corticostéroïdes à fortes doses, éventuellement as- moitié des cas. Un risque particulièrement élevé
sociés au cyclophosphamide à partir du 2e trimestre d’aggravation irréversible de la fonction rénale ma-
de gestation, peuvent permettre d’améliorer le ternelle existe lorsque la créatininémie dépasse
pronostic et d’aboutir à la naissance d’un enfant 220 lmol/l, soit une clairance de la créatinine
vivant. Dans tous les cas, une corticothérapie doit inférieure à 25 ml/min/1,73 m2, notamment lors-
être maintenue pendant les mois suivant la fin de la que coexistent une HTA et une protéinurie
grossesse afin d’éviter une poussée lupique sévère abondante. Chez les femmes abordant une gros-
dans le post-partum. sesse avec une créatininémie supérieure à 300-
400 lmol/l, il n’est pas rare qu’une dialyse de
Autres maladies de système suppléance, par hémodialyse ou dialyse périto-
Au cours des vascularites, telles que la maladie de néale, soit instituée au cours même de la grossesse
Wegener ou la micropériartérite noueuse, ou au et poursuivie indéfiniment au-delà, la réversibilité
cours de la sclérodermie, le pronostic de la gros- étant rare ou transitoire.
sesse est beaucoup plus réservé. Bien que quelques
succès aient pu être rapportés au prix de traite- Grossesse chez les femmes dialysées1,3
ments associant des corticoïdes à fortes doses et
des immunosuppresseurs, il apparaît préférable de La grossesse chez une femme traitée par dialyse de
renoncer à la grossesse pendant la maladie, sachant suppléance est rare du fait de la diminution de
qu’il existe un risque de réactivation élevé au cours fertilité associée à l’état urémique, mais elle pose
ou au décours d’une grossesse. des problèmes particulièrement difficiles. Toute-
fois, les progrès de la qualité de l’hémodialyse et
de la dialyse péritonéale de suppléance sont tels
Insuffisance rénale, dialyse que de plus en plus de femmes ainsi traitées ont
et transplantation désormais des cycles ovulatoires, si bien que la
grossesse est actuellement un événement nette-
Grossesse et insuffisance rénale chronique4 ment moins rare qu’autrefois. Il en résulte qu’une
contraception appropriée est nécessaire chez les
Un problème particulièrement difficile est celui des patientes dialysées, pour éviter une grossesse non
patientes atteintes d’insuffisance rénale préexis- planifiée ou non désirée. Le diagnostic de grossesse
tante significative, c’est-à-dire dont la créatininé- est souvent difficile, du fait des irrégularités mens-
mie atteint ou dépasse 160 lmol/l au moment de la truelles fréquentes, et est souvent fait à un stade
conception. Une évolution fœtale favorable, sans tardif. Dans plusieurs cas, le diagnostic a été porté
128 P. Jungers

sur l’apparition d’une résistance apparente à


Tableau 4 Conditions optimales pour une grossesse chez les
l’érythropoïétine recombinante. patientes transplantées.
Jusqu’à un passé récent, l’évolution de la gros-
Bon état général depuis au moins 2 ans après la transplanta-
sesse chez les patientes dialysées était le plus tion
souvent défavorable, la proportion des naissances Absence de signes de rejet du transplant
d’enfants vivants étant inférieure à 20 %. Toute- Bonne fonction rénale avec créatininémie ≤ 135 lmol/l
fois, plusieurs enquêtes ont fait état d’une propor- Protéinurie nulle ou minime
tion de succès de l’ordre de 35 % au cours des Normotension ou hypertension modérée et aisément contrô-
dernières années, grâce à une prise en charge inter- lée
Absence de dilatation pyélocalicielle
active très étroite entre les équipes néphrologiques
Traitement immunosuppresseur à dose de maintenance
et obstétricales, mais une grande prématurité et modérée (prednisone ≤ 15 mg/j, azathioprine ≤ 2 mg/j,
une sévère hypotrophie fœtale restent très ciclosporine A ≤ 5 mg/kg/j)
fréquentes. L’intensification des hémodialyses,
jusqu’à cinq ou six séances par semaine (au lieu des
trois séances hebdomadaires habituelles), ou de la moment de la conception. Il est à noter qu’aucune
dialyse péritonéale, voire la combinaison tempo- incidence anormalement élevée d’anomalies du
raire de ces deux méthodes, est indispensable. En développement fœtal n’a été observée chez les
effet, le taux de l’urée sanguine maternelle doit nouveau-nés dont la mère était traitée au cours de
être maintenu au-dessous de 15 mmol/l pour éviter toute la grossesse, soit par l’azathioprine à une
le développement d’un hydramnios (résultant de la dose ne dépassant pas 2 mg/kg/j, soit par la ciclos-
diurèse osmotique produite par les reins fœtaux, porine A à une dose n’excédant pas 5 mg/kg/j.
dont la fonction est normale, sous l’effet d’un taux Avec l’expérience, on s’est aperçu que le meilleur
d’urée sanguine élevé chez la mère). L’institution pronostic était obtenu lorsque la grossesse surve-
ou le renforcement d’un traitement par érythro- nait après un intervalle d’au moins 2 ans après une
poïétine recombinante permet d’améliorer le bien- transplantation réussie (Tableau 4).
être de la mère et la vascularisation fœtale en Un fait rassurant est la démonstration, par plu-
ramenant le taux d’hémoglobine maternel au voisi- sieurs études contrôlées, de l’absence d’effet défa-
nage de 10 g/dl, en sachant que le besoin en vorable de la grossesse sur la fonction du greffon,
érythropoïétine recombinante s’accroît d’environ du moins lorsque la créatininémie au début de la
50 % au cours de la grossesse. Bien que des succès grossesse est normale ou subnormale. Dans ces
soient de plus en plus souvent relatés actuelle- conditions, aucune différence dans l’évolution de
ment, il n’en reste pas moins que la grossesse chez la fonction du greffon n’est apparue entre les fem-
une femme dialysée reste très aléatoire dans ses mes ayant eu une ou plusieurs grossesses et celles
résultats et très contraignante dans sa réalisation. n’ayant eu aucune grossesse au cours d’une période
de temps comparable après leur transplantation
Grossesse chez les femmes transplantées2,9 rénale, avec des reculs supérieurs à 10 ans. En
revanche, un risque élevé de détérioration de la
Le problème de la grossesse chez les patientes fonction du greffon existe lorsque la créatininémie
ayant bénéficié d’une transplantation rénale est excède 160 lmol/l.
tout à fait différent. À l’heure actuelle, plusieurs
milliers de grossesses ont été observées chez des
patientes transplantées, plusieurs centaines d’en- Prise en charge de la grossesse chez
tre elles ayant eu deux grossesses ou plus. une femme atteinte de néphropathie
Au total, sur plus de 3 500 grossesses recensées
chez des patientes porteuses d’un greffon rénal, La principale leçon à tirer des études récentes est
93 % poursuivies au-delà de la 20e semaine se sont que toute grossesse chez une femme atteinte de
terminées par la naissance d’un enfant vivant, mais néphropathie, tout particulièrement lorsqu’il
au prix d’une incidence élevée de prématurité existe une HTA ou une insuffisance rénale, est une
(50 %) et de retard de croissance fœtale (40 %), et grossesse à haut risque. L’optimisation du pronostic
avec un pourcentage élevé de nouveau-nés de fai- fœtal et maternel implique une approche multidis-
ble poids. ciplinaire, avec prise en charge de la patiente dans
Comme dans les néphropathies primitives, l’HTA une unité d’obstétrique expérimentée disposant
constitue le principal facteur du pronostic fœtal d’une unité de néonatologie attenante, en coopé-
avec le niveau de la fonction rénale, la proportion ration étroite avec l’équipe néphrologique. Les
des issues fœtales favorables diminuant nettement principales recommandations concernant le suivi
lorsque la créatininémie dépasse 160 lmol/l au de ces patientes sont résumées dans le Tableau 5.
Néphropathie et grossesse 129

Tableau 5 Règles du traitement et de la surveillance néphro-obstétricale chez les patientes atteintes de néphropathie.
Conseil préconceptionnel, grossesse planifiée
Prise en charge coordonnée entre néphrologue et obstétricien dès le début de la grossesse
Prise en charge en maternité à haut risque avec unité de néonatologie attenante
Contrôle optimal des chiffres tensionnels dès la période de la conception : éviction des inhibiteurs de l’enzyme de conversion
et des diurétiques, utilisation de l’alphaméthyldopa et des bêtabloquants
Pression artérielle diastolique ciblée entre 80 et 90 mmHg
Prévention ou correction de l’anémie : supplémentation martiale et en acide folique (5 mg/j) ; traitement par érythropoïétine
recombinante si hémoglobine < 9 g/dl
Prévention de l’acidose métabolique et de l’hypocalcémie
Apport protéique et calorique adéquat (apport protéique 1 g/kg/j en cas d’insuffisance rénale)
Surveillance régulière de la tension artérielle, de la créatininémie, de l’urée sanguine et de l’uricémie
Institution de la dialyse de suppléance si la créatininémie excède 400 lmol/l ou si l’urée sanguine excède 20 mmol/l
Surveillance fœtale renforcée à partir du terme de viabilité fœtale (26e semaine)
Hospitalisation de la patiente en milieu obstétrical en cas de majoration de l’HTA ou de contractions prématurées
Surveillance de la tension artérielle et de la fonction rénale maternelle dans le post-partum
HTA : hypertension artérielle.

Conseil préconceptionnel à optimiser le déroulement de la grossesse doivent


être mises en œuvre si elle maintient sa décision.
Dans toute la mesure du possible, la grossesse doit Elle doit cependant être informée des risques en-
être planifiée de telle sorte que la conception se courus (mauvaise évolution fœtale et perte de la
produise à un moment où les risques prévisibles fonction rénale avec nécessité d’entreprendre une
sont réduits au minimum. La grossesse peut être dialyse de suppléance avant la date qui aurait été
autorisée sans arrière-pensée chez une patiente possible en l’absence de grossesse).
atteinte de maladie rénale primitive dont la fonc-
tion rénale est normale ou proche de la normale, Traitement de l’HTA
c’est-à-dire lorsque la créatininémie est inférieure
à 135 lmol/l. Les patientes atteintes de maladie de Le facteur le plus important du pronostic fœtal
système, telle qu’un lupus érythémateux dissé- étant l’HTA, la pression artérielle des patientes
miné, ne doivent envisager une grossesse qu’après atteintes de néphropathie doit être étroitement
une période de rémission stable d’au moins 1 an surveillée. Une baisse physiologique de la pression
obtenue après cessation totale des corticostéroïdes artérielle s’observe dans nombre de cas ; le traite-
ou utilisation d’une dose de maintenance ne dépas- ment antihypertenseur doit alors être temporaire-
sant pas 10 mg/j. Dans les maladies rénales hérédi- ment allégé. Lorsque l’HTA est présente dès la
taires, telles que la polykystose rénale, et plus conception, tous les néphrologues sont actuelle-
encore au cours du syndrome d’Alport ou de la ment d’accord pour préconiser son traitement im-
maladie de von Hippel-Lindau, un conseil génétique médiat et actif, en cherchant à maintenir la pres-
préconceptionnel est souhaitable. sion artérielle systolique au-dessous de 160 mmHg
Le problème le plus difficile concerne les patien- et la diastolique entre 80 et 90 mmHg. Une correc-
tes ayant une insuffisance rénale chronique. Une tion plus poussée pourrait entraîner un risque
évolution favorable au plan rénal et maternel peut d’hypoperfusion fœtale et un retard de croissance
habituellement être espérée lorsque la créatininé- intra-utérine, tandis que des chiffres plus élevés
mie n’excède pas 160 à 180 lmol/l, mais le pronos- exposent au risque d’atteinte de la vascularisation
tic, tant fœtal que maternel, est plus réservé au- fœtoplacentaire.
delà de cette limite. La patiente et son conjoint Le choix des agents antihypertenseurs à utiliser
doivent être clairement et complètement informés au cours de la grossesse est important. L’alphamé-
des possibilités et des risques de la grossesse dans thyldopa mérite toujours d’être utilisée en pre-
ces circonstances. En cas d’insuffisance rénale évo- mière intention (500 à 100 mg/j) du fait de son
luée et en attendant une transplantation rénale, il innocuité, prouvée par un long usage. Le labétalol,
peut être souhaitable d’ajourner le projet de gros- qui combine une action alpha- et bêtabloquante,
sesse afin de permettre à la patiente de bénéficier peut également être utilisé en première intention,
de la plus longue période d’autonomie rénale pos- seul ou associé à l’alphaméthyldopa. Les autres
sible. Toutefois, lorsqu’une patiente nullipare dé- bêtabloqueurs, tels que le pindolol, le métoprolol,
sire impérativement tenter une grossesse en dépit l’acébutolol ou l’oxprénolol, peuvent également
d’une insuffisance rénale déjà avancée, son désir être utilisés en première ou en seconde intention,
doit être respecté, et toutes les mesures destinées associés ou non à l’alphaméthyldopa, à dose modé-
130 P. Jungers

rée pour éviter de favoriser un retard de croissance dernières années se sont traduits par une améliora-
fœtale. En cas d’HTA particulièrement résistante, tion sensible du pronostic fœtal et maternel de la
on peut avoir recours à l’hydralazine ou aux inhibi- grossesse chez les femmes atteintes de néphro-
teurs des canaux calciques, mais les inhibiteurs de pathie. Les facteurs du pronostic fœtal sont
l’enzyme de conversion sont formellement contre- aujourd’hui bien définis, et le conseil préconcep-
indiqués, en particulier au cours des 2 derniers tionnel permet d’entreprendre une grossesse dans
trimestres de la grossesse, en raison du risque les meilleures conditions. L’absence d’effet aggra-
d’induction d’une anurie néonatale irréversible. vant de la grossesse sur la fonction rénale mater-
Les diurétiques doivent être proscrits dans toute la nelle, lorsque celle-ci est normale ou encore pro-
mesure du possible de manière à éviter une che de la normale, est actuellement assurée. Même
contraction du secteur extracellulaire et plasmati- chez les patientes ayant une insuffisance rénale
que, aux effets délétères sur la croissance fœtale. préexistante, le pronostic fœtal peut être amélioré
L’utilisation d’aspirine à faible dose, à titre anti- de manière significative grâce à une prise en charge
agrégant plaquettaire, pour prévenir la survenue multidisciplinaire, avec coordination étroite entre
d’une prééclampsie surajoutée, est encore discu- néphrologues et obstétriciens, condition indispen-
tée. Sachant que le risque de prééclampsie est au sable d’un pronostic favorable.
moins cinq fois plus élevé chez les femmes ayant
une HTA préexistante que chez les femmes normo-
tendues, une faible dose d’aspirine, de l’ordre de Références
1 mg/kg/j, apparaît légitime chez les patientes
hypertendues à partir du 4e mois de grossesse, 1. Bagon JA, Vernaeve H, De Muylder X, Lafontaine JJ, Mar-
voire plus tôt chez les patientes atteintes de lupus tens J, Van Roost G. Pregnancy and dialysis. Am J Kidney
érythémateux disséminé avec présence d’anticorps Dis 1998;31:756–765.
anticardiolipidiques ou d’un anticoagulant lupique, 2. Ehrich JH, Loirat C, Davison JM, Rizzoni G, Wittkop B,
Selwood NH, et al. Repeated successful pregnancies after
pour prévenir les microthromboses et l’ischémie du kidney transplantation in 102 women (Report by the EDTA
placenta. Registry). Nephrol Dial Transplant 1996;11:1314–1317.
3. Giatras I, Levy DP, Malone FD, Carlson JA, Jungers P.
Surveillance fœtale et délivrance Pregnancy during dialysis: case report and management
guidelines. Nephrol Dial Transplant 1998;13:3266–3272.
La surveillance régulière de l’état fœtal est fonda- 4. Hou S. Pregnancy in chronic renal insufficiency and end-
stage renal disease. Am J Kidney Dis 1999;33:235–252.
mentale chez les patientes atteintes de maladie
5. Jungers P, Houillier P, Forget D, Labrunie M, Skhiri H,
rénale en raison du risque accru de retard de crois- Descamps-Latscha B. Influence of pregnancy on the course
sance intra-utérine. L’enregistrement des ondes of primary chronic glomerulonephritis. Lancet 1995;346:
artérielles utérines, entre la 2e et la 24e semaine de 1122–1124.
gestation, est utile pour la prédiction du risque de 6. Jungers P, Houillier P, Chauveau D, Choukroun G,
prééclampsie et de retard de croissance intra- Moynot A, Skhiri H, et al. Pregnancy in women with reflux
nephropathy. Kidney Int 1996;50:593–599.
utérine. La surveillance fœtale par échodoppler 7. Jungers P, Chauveau D. Pregnancy in renal disease. Kidney
doit être régulière dès le terme de viabilité, c’est- Int 1997;52:871–885.
à-dire à partir de la 26e semaine gestationnelle. Si 8. Jungers P, Chauveau D, Choukroun G, Moynot A, Skhiri H,
un retard de croissance intra-utérine est décelé, Houillier P, et al. Pregnancy in women with impaired renal
des évaluations répétées de l’état fœtal, compre- function. Clin Nephrol 1997;47:281–288.
9. Levy DP, Giatras I, Jungers P. Pregnancy and end stage
nant la cardiotocographie, l’index amniotique et
renal disease-past experience and new insights. Nephrol
l’enregistrement doppler de l’artère ombilicale et Dial Transplant 1998;13:3005–3007.
des artères cérébrales du fœtus, aident à reconnaî- 10. Moroni G, Quaglini S, Banfi G, Caloni M, Finazzi S,
tre une souffrance fœtale et à décider ou non de Ambroso G, et al. Pregnancy in lupus nephritis. Am J
l’extraction fœtale. Kidney Dis 2002;40:713–720.
11. Purdy LP, Hantsch CE, Molitch ME, Metzger BE, Phelps RL,
Dooley SL, et al. Effect of pregnancy on renal function in
patients with moderate-to-severe diabetic renal insuffi-
Conclusion ciency. Diabetes Care 1996;19:1067–1074.
12. Wechsler B, Le Thi Huong D, Piette JC. Grossesse et lupus
Les progrès de l’obstétrique, de la néonatologie et érythémateux systémique. Ann Méd Interne 1999;
de la prise en charge néphrologique au cours des 150:408–418.
Rev Rhum [Éd Fr] 2001 ; 68 : 729-33
© 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés
S1169833001001661/SSU

Ostéoporose de la grossesse

Paul Le Goff*, Alain Saraux


Service de rhumatologie, hôpital Cavale-Blanche, 29609 Brest cedex, France

grossesse / lactation / ostéoporose


lactation / osteoporosis / pregnancy

Attribuée à Nordin et Rope [1] la description de cas Aspects radiocliniques


d’ostéoporose au cours de la grossesse avait auparavant
été mentionnée [2-4]. En 1993, nous avions colligé 72 Il s’agit le plus souvent de dorsolombalgies, d’horaire
cas dans la littérature et quatre cas personnels [5]. mécanique, modérées ou aiguës à l’occasion d’un tasse-
D’autres séries ont été rapportées [6-14] ainsi que des ment vertébral. À l’examen on observe une raideur
cas isolés [15-21]. Le nombre de cas publiés avoisine les douloureuse du rachis et une réduction fréquente de la
143 mais il est imprécis : certains cas sont mal distin- taille quand elle était connue auparavant [14, 21]. Les
gués d’une algodystrophie de hanche [8, 11] ; d’autres radiographies montrent souvent un ou plusieurs tasse-
établis simplement par questionnaire [6] sont discuta- ments vertébraux ostéoporotiques (17/24 cas dans la
bles. L’affection a été observée en Europe, aux États- série de Smith et al. [8]), des vertèbres biconcaves et de
Unis et au Japon [9, 14]. Elle a fait l’objet de revues transparence augmentée [5, 8, 9]. La « déminéralisa-
générales [22-24] et d’éditoriaux [25-27]. tion » parfois signalée, est sujette à caution [5]. Des
douleurs du bassin et de hanche sont signalées par
SIGNES CLINIQUES ET D’IMAGERIE plusieurs auteurs [8, 11, 15, 21] : douleurs d’appui,
impotence à la marche ; les mouvements de la hanche
Terrain sont douloureux mais peu limités. L’atteinte de la han-
che controlatérale est possible à court terme [8]. En
Les cas concernent des femmes d’un âge moyen de 28 l’absence de radiographie, il est difficile d’éliminer une
ans (extrêmes : 16–38 ans), lors du troisième trimestre algodystrophie ou une fracture de contrainte du col
de la grossesse dans 52 % des cas (69/132), dans le fémoral [8, 11, 17]. Dans le postpartum une déminé-
postpartum dans 41 % des cas (54/132) et lors des deux ralisation de la tête et du col fémoral est objectivée dans
premiers trimestres dans 7 % des cas (9/132). Il s’agit cinq cas sur 24 [8], parfois sans déminéralisation asso-
de primipares dans 72 % des cas (88/125), de deuxiè- ciée du rachis [11], faisant discuter l’appartenance de
mes gestes dans 21 % et de troisièmes gestes dans 7 % ces cas à l’ostéoporose de la grossesse. La reminéralisa-
des cas. L’allaitement maternel a été pratiqué dans tion de la hanche peut être rapide [8, 11]. L’imagerie
74 % des cas pendant sept jours à sept mois [22]. Des par résonance magnétique (IRM), possible pendant la
facteurs associés, sinon étiologiques, ont été signalés : grossesse, montre un épanchement liquidien et des
traitement par héparine [18, 33, 34], corticothérapie au anomalies osseuses (hyposignal en T1, hypersignal en
long cours, anorexie mentale, ostéogénèse imparfaite T2) [8] compatibles avec une algodystrophie ou une
[6, 8]. fracture de contrainte du col fémoral, régressant en
deux à cinq mois [8]. La distinction est parfois difficile
avec une ostéonécrose en l’absence de liseré d’hyposi-
*Correspondance et tirés à part. gnal [8]. Des douleurs fessières peuvent révéler une
730 P. Le Goff, A. Saraux

fracture du sacrum, responsable d’une impotence à la rare [8, 9]. Des signes de résorption accrue ont été
marche [18, 19]. L’IRM pendant la grossesse, le scan- observés [9, 16] mais une dépression ostéoblastique est
ner en postpartum en facilitent le diagnostic. L’ostéo- plus fréquente [5, 8, 31, 36]. L’interprétation est diffi-
densitométrie met parfois en évidence une ostéopénie cile à cause de la petite taille des séries [5, 9, 11, 31, 36],
[18, 19] mais ces fractures peuvent survenir sans qu’il y de la date du prélèvement par rapport à la grossesse :
ait d’ostéoporose [28]. Elles peuvent être bilatérales cinq à 26 mois [9], trois à neuf mois [5], deux à 24 mois
[29]. Des fractures périphériques ont été décrites (os et même cinq ans dans un cas [8]. Une seconde biopsie
longs, côtes) [11, 30, 31]. montre une formation d’os nouveau et une réduction
de la résorption [16].
Signes biologiques
Biochimie du collagène
La calcémie et la phosphatémie sont presque toujours
normales. Quatre cas d’hypercalcémie ont été publiés
Smith et al. ayant rencontré chez une de leurs malades
[1, 14, 32]. Une hyperphosphatémie, associée à une
un cas d’ostéogénèse imparfaite ont étudié la biochimie
hypomagnésémie, a été notée [16]. Des phosphatases
du collagène dans quatre autres cas : le rapport colla-
alcalines augmentées [5, 14, 16, 18, 31] associées à une
gène I/collagène III était normal dans le derme [8]. Il
hypocalciurie [5, 8 ,18] évoquent une hypovitaminose
n’y avait pas d’anomalie de la synthèse par les fibroblas-
D [18]. Une hypercalciurie a été parfois observée [5, 31,
tes dermiques. Dans un cas la quantité de collagène
32], une hypocalciurie également [5, 8, 18]. L’hyperhy-
exportée des fibroblastes n’était que de 25 % de celle
droxyprolinurie est rare [31, 32]. Le taux de la
des témoins (et de seulement 18 % dans le cas d’ostéo-
25(OH)D est parfois bas [5, 8, 18], la 1,25 dihy-
génèse imparfaite).
droxyvitamine D est le plus souvent normale, parfois
abaissée [5, 8, 16, 32] ou augmentée [5]. Le taux de la
ÉVOLUTION
parathormone (PTH) est souvent normal [5, 8] mais il
peut être abaissé [16, 32]. La PTH-rP a été peu étudiée ;
elle était augmentée dans trois cas associés à une hyper- À court terme elle est favorable après l’accouchement
calcémie [14, 32]. Le dosage des hormones thyroïdien- quand l’ostéoporose s’est révélée pendant la grossesse et
nes et du cortisol est toujours normal [22]. lors du sevrage quand elle s’est révélée dans le postpar-
La scintigraphie osseuse, parfois pratiquée, montre des tum. Elle est marquée par la réduction des douleurs du
foyers d’hyperfixation au siège des tassements verté- rachis, la disparition des douleurs de hanche [8, 11, 15,
braux [5, 12, 15, 20]. Elle peut dépister des hyperfixa- 21] ou de la fesse [18, 19], une stabilisation de la taille.
tions sur les membres et révéler des fractures À moyen terme des rachialgies peuvent persister, liées
périphériques ou une algodystrophie. aux modifications de la statique vertébrale. La particu-
L’ostéodensitométrie montre que la perte osseuse pré- larité évolutive de l’ostéoporose de la grossesse est la
domine au rachis lombaire, avec un T-score parfois rareté des rechutes lors des grossesses ultérieures. En
inférieur à – 4 [5, 8]. Elle peut aussi être importante au 1993 nous avions noté dans la littérature quatre cas de
col fémoral [5] où son appréciation peut être faussée par rechute [5]. En 1995 Smith et al. n’ont noté qu’une
une algodystrophie de hanche [8]. En revanche à l’avant- rechute sur 14 grossesses ultérieures ; les patients ont
bras la densité, parfois normale [9], est souvent au été suivis jusque 20 ans après la grossesse et certaines ont
dessous de la moyenne [8], parfois basse [11]. Des atteint l’âge de la ménopause sans subir de nouveau
mesures séquentielles révèlent une amélioration lente tassement vertébral [8]. Une seule patiente, dont l’ostéo-
au rachis et au col fémoral [8, 10] avec retour à des porose s’est révélée par des douleurs de hanche, a eu
valeurs proches de la normale [35]. Au radius proximal ensuite plusieurs tassements vertébraux successifs avant
la densité reste stable, mais s’aggrave au radius distal de décéder à l’âge de 51 ans par insuffisance respiratoire,
[11]. La densité minérale osseuse peut rester basse plu- favorisée par la déformation du rachis. L’évolution
sieurs années après la grossesse [9]. clinique et densitométrique est variable [12]. Une lente
amélioration de la DMO à la fois au rachis lombaire et
Histologie osseuse [5, 7-9, 11, 16, 31, 36] au col fémoral a été observée dans de nombreux cas [8,
10, 13-15, 20, 21, 35] sans toutefois atteindre des
L’os iliaque est parfois normal, mais souvent la biopsie valeurs normales. La DMO peut aussi rester basse pen-
confirme l’ostéoporose trabéculaire. L’ostéomalacie est dant des années après la grossesse [9].
Ostéoporose de la grossesse 731

PHYSIOPATHOLOGIE Jusqu’à présent, les travaux n’ont porté que sur des
grossesses normales. Les travaux (revue in [23]) mon-
Il est incontestable que certaines femmes ont une ostéo- trent une augmentation significative du remodelage
porose pendant leur grossesse et que cette ostéoporose osseux au troisième trimestre de la grossesse, avec une
peut être sévère [5, 8, 9]. La question qui fait débat est augmentation des marqueurs de formation et de
la responsabilité de la grossesse dans la survenue de cette résorption. Des dosages réguliers réalisés tout au long
ostéoporose. Les partisans de cette relation mettent en de la grossesse chez dix femmes [39] ont mis en
avant la survenue de l’ostéoporose à la fin de la grossesse
évidence dans les deux premiers trimestres un décou-
et dans le postpartum immédiat et invoquent certaines
plage du remodelage osseux avec une augmentation
particularités de la grossesse, voire du fœtus [8]. Les
progressive de la résorption, la formation osseuse
opposants citent la rareté de cette ostéoporose, la faible
n’augmentant qu’au troisième trimestre. Ces résultats
déperdition osseuse survenant habituellement au cours
de la grossesse [37], l’existence de signes d’ostéoporose sont en accord avec les résultats de biopsies osseuses
avant la grossesse [5, 17, 15]. Selon eux, la grossesse ne faites à 12–14 semaines de gestation [43]. Aucune
serait qu’un facteur aggravant décompensant une ostéo- étude ne démontre de variations individuelles exces-
pénie pré-existante. Cela se conçoit aisément quand il sives du remodelage au cours des grossesses [44, 45].
existe des facteurs de risque associés (traitement par En postpartum les marqueurs du remodelage sont
héparine, corticoïdes) [18, 33, 34, 38] ou une ostéogé- plus élevés chez les femmes qui allaitent que chez
nèse imparfaite [8]. Il est vrai que la déminéralisation celles qui n’allaitent pas [46]. La physiopathologie de
observée pendant la grossesse reste habituellement la perte osseuse trabéculaire pouvant survenir au cours
modérée [39]. Les résultats d’ostéodensitométrie avant de la grossesse et de l’allaitement n’est pas claire. La
et après la grossesse (l’examen, irradiant, est interdit responsabilité des hormones calciotropes et de la
pendant la grossesse) ou lors de situations particulières PTH-rP a été évoquée [14, 32] mais les facteurs
(fécondation in vitro) ont été comparés [17, 27]. La déterminants semblent être l’hypo-estrogénie et
revue de ces études prospectives longitudinales de DMO l’hyperprolactinémie [23, 41, 42]. Il est probable que
confirme l’existence d’une perte osseuse trabéculaire la grossesse détermine une ostéoporose fracturaire en
significative lors des derniers mois de la grossesse, aggravant une ostéopénie pré-existante, quelle qu’en
entre – 2 et – 4,2 %, malgré l’hyperestrogénie. Elle est soit la cause. Des facteurs génétiques favorisants ont
partiellement récupérée en postpartum chez les patien- été suggérés par certains [6, 10, 11]. Un antécédent
tes qui n’allaitent pas. Malgré des discordances liées aux d’anorexie mentale semble devoir être recherché. Il est
populations étudiées et à la méthodologie, les études rarement cité [8] mais le poids et la taille des patientes
prospectives montrent après trois à six mois d’allaite- sont peu souvent mentionnés [6, 13, 14, 20, 21]. La
ment une perte osseuse trabéculaire : – 3,6 à – 7,5 % guérison d’une anorexie mentale permettant une gros-
au rachis lombaire, – 3 à – 7,1 % au col du fémur, – 1,1 sesse expliquerait l’absence de rechute lors des gros-
à – 7 % au radius ; plus ou moins récupérée après le sesses ultérieures.
sevrage : + 3 à + 6 % au rachis lombaire, plus de 8 % au Les conséquences à long terme des grossesses multi-
col du fémur, + 2,5 à + 7,1 % au radius [23]. La sup- ples sur la masse osseuse sont mal connues. L’allaite-
plémentation calcique n’évite pas cette raréfaction au ment de plusieurs enfants pourrait augmenter la perte
rachis lombaire après un allaitement de trois mois : elle osseuse et aboutir à une ostéoporose, surtout quand le
est de – 4,2 à – 6,3 % malgré l’apport quotidien de pic de masse osseuse est faible [26]. Cependant les
calcium, de – 4,3 à – 4,9 % sous placebo [40, 41]. La études épidémiologiques ou les cohortes cas–témoins
carence vitaminocalcique aggrave toutefois la perte n’ont pas montré de relation nette entre la parité et
osseuse de l’allaitement [42] alors que les apports calci- l’allaitement d’une part, le risque de fracture ou de
ques stimulent le gain de masse osseuse après le sevrage DMO basse d’autre part [47, 48].
[41] ou après l’accouchement, en l’absence d’allaite- Une forme d’algodystrophie vertébrale ne peut être
ment [23, 41]. exclue, même si l’ostéoporose associée à la grossesse
Mécanismes de la perte osseuse n’en réunit pas tous les critères [49]. On est cepen-
dant frappé par le nombre de cas de douleurs de
L’étude des marqueurs du remodelage osseux, possible hanche compatibles avec une algodystrophie [6, 8, 11,
pendant la grossesse, devrait permettre de le préciser. 21].
732 P. Le Goff, A. Saraux

TRAITEMENT 13 Moya F, Peris P, Guanabens N, Monegal A, Mitja J, Centel-


las M, et al. Osteoporosis associated with pregnancy : descrip-
tion of 3 cases. Med Clin 1993 ; 100 : 743-5.
Le traitement préventif consiste à éviter d’autres fac- 14 Anai T, Tomiyasu T, Arima K, Miyakawa I. Pregnancy-
teurs de risque (traitements par corticoïdes ou héparine, associated osteoporosis with elevated levels of circulating par-
immobilisation) et aussi à prescrire un supplément thyroid hormone-related protein : a report of two cases. J Obstet
Gynaecol Res 1999 ; 25 : 63-7.
calcique (1 g/j de calcium élément) et vitaminique D 15 Asquier C, Goupille P, Gobert F, Vedere V, Valat JP. Ostéo-
(800 UI/j). Ce traitement simple, efficace et peu coû- porose de la grossesse. Évolution sur deux ans. Sem Hôp Paris
teux [25] pourrait éviter l’aggravation de l’ostéoporose. 1995 ; 71 : 219-22.
16 Khan AA, Ahmed MM, Pritzker KPH. Osteoporosis associated
Après l’accouchement, l’allaitement maternel est décon- with pregnancy : case report and review. Endocrinol Pract
seillé [22]. 1995 ; 1 : 236-8.
Divers traitements curatifs ont été essayés [5, 8, 10] 17 Khastgir G, Studd JWW, King H, Abdalla H, Jones F, Car-
ter G, et al. Changes in bone density and biochemical markers
mais l’appréciation de leur efficacité est difficile. Le of bone turnover in pregnancy-associated osteoporosis. Br J
fluorure de sodium a échoué dans un cas sévère [12] Obstet Gynaecol 1996 ; 103 : 716-8.
alors qu’il a paru efficace dans deux cas sur trois [13]. Il 18 Breuil V, Brocq O, Euller-Ziegler L, Grimaud A. Insufficiency
n’y a pas d’argument justifiant la prescription d’inhibi- fracture of the sacrum revealing a pregnancy associated osteo-
porosis. First case report. Ann Rheum Dis 1997 ; 56 : 278-80.
teurs de la résorption osseuse mais ils méritent d’être 19 Renoux M, Cormier C, Pessis E, Menkès CJ. Ostéoporose de la
essayés. Le traitement des douleurs passe par le repos, grossesse révélée par une fracture du sacrum [résumé]. Rev
les antalgiques adaptés, les moyens orthopédiques. Une Rhum [Éd Fr] 1997 ; 64 : 795-6.
20 Liel Y, Atar D, Ohana N. Pregnancy-associated osteoporosis :
grossesse ultérieure ne peut pas être déconseillée mais preliminary densitometric evidence of extremely rapid recovery
elle devra faire l’objet d’un suivi attentif. of bone mineral density. South Med J 1998 ; 91 : 33-5.
21 Rillo OL, Di Stephano CA, Bermudez J, Maldonado Cocco JA.
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#*0-0(*&&5(3044&44&
5)Ÿ."5*26&–5"1&3

Paludisme et grossesse
Patrice Bouréea,*, Francine Bisaroa, Carine Couzigoub

RÉSUMÉ
SUMMARY
E milieu
En ili ttropical,
i l il estt ffréquent
é td
de constater
t t une iinfestation
f t ti parasitaire
it i chez
h
une femme enceinte. Le paludisme est la parasitose la plus fréquente avec Summary: Parasitic diseases and pregnancy
un retentissement important sur la grossesse (anémie, accès pernicieux, In tropical areas, parasitic diseases are very fre-
avortement) et sur le fœtus (faible poids de naissance, paludisme congé- quent during pregnancy. Malaria is the most fre-
nital) surtout chez les primipares. Le risque de paludisme congénital est quent, with different complications in pregnant
plus fréquent chez la touriste (10 % des naissances d’enfants de femmes women (anaemia, cerebral malaria, abortion) and
atteintes de paludisme) que chez la femme autochtone (0,5 %). in the fetus (low birthweight, congenital malaria),
Le diagnostic doit être rapidement établi et le traitement est efficace mostly after first pregnancies. The prevalence
avec la plupart des antipaludiques actuels. Outre les protections contre rate of congenital malaria ranges from 0,5% in
les moustiques, la chimioprophylaxie est nécessaire. Elle est proposée pregnant women living in endemic areas to 10%
actuellement en zone d’endémie de façon intermittente par l’association in tourist women travelling in tropical areas. Dia-
sulfadoxine-pyriméthamine. gnosis must be confirmed rapidly and the treat-
Grossesse – paludisme – Plasmodium falciparum – ment is effective with most of antimalarial drugs.
chimioprévention du paludisme. Prophylaxis is possible by protection against the
mosquitoes and intermittent sulfadoxine-pyri-
methamine treatment.
Pregnancy – malaria – Plasmodium falciparum –
antimalarial chemoprophylaxis

1. Introduction
En pays tropical, le paludisme est l’affection parasitaire la
plus fréquente et qui pose le plus de problèmes chez la 2. Le paludisme
femme enceinte, qu’il s’agisse d’une autochtone exposée
depuis son enfance aux piqûres de moustiques ou d’une 2.1. Rappel épidémiologique et clinique
touriste récemment arrivée en zone d’endémie. D’après Plus de deux milliards de personnes vivent en zone à ris-
l‘Organisation mondiale de la Santé (OMS), il y aurait ques de paludisme (figure 1). Chaque année, il y a environ
environ, chaque année, 25 millions de femmes enceintes 400 à 500 millions de malades, dont 1,5 à 2,5 millions
et soumises au risque de paludisme, dont 25 % ont un décèdent, principalement des enfants. Avec l’apparition et
placenta infesté par les Plasmodium au moment de l’ac- la rapide extension des chimiorésistances et de l’accou-
couchement. En Afrique, entre 75 000 et 200 000 enfants tumance des moustiques aux insecticides, le paludisme
naissent de femmes atteintes de paludisme, avec un faible est actuellement en progression.
poids de naissance [47], la mortalité à la naissance des
enfants de mères paludéennes est estimée à 100 000 par
an [18], avec des taux de 0,9 % en zone urbaine au Zaïre Figure 1 – Répartition géographique du paludisme.
à 10,6 % en zone rurale de Gambie [37].

a Unité des maladies parasitaires et tropicales


Hôpital de Bicêtre – Université Paris XI
78, rue du Général-Leclerc
94275 Kremlin-Bicêtre cedex
b Unité des maladies infectieuses
Hôpital Paul-Brousse
12, av. Paul-Vaillant-Couturier
94804 Villejuif cedex

* Correspondance
patrice.bouree@bct.aphp.fr

article reçu le 22 février, accepté le 14 avril 2008.


© 2008 – Elsevier Masson SAS – Tous droits réservés.

REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - MAI 2008 - N°402 // 63


Le paludisme est dû à un protozoaire sanguin, le Plas- Le paludisme viscéral évolutif survient, en zone d’endémie
modium, transmis par un moustique, l’anophèle femelle. chez des individus, insuffisamment prémunis et soumis à
Après multiplication dans les hépatocytes, l’hématozoaire des inoculations massives. Les troubles associent pâleur,
passe dans la circulation et se multiplie dans les hématies. splénomégalie et fièvre à 39°C. L’hémogramme confirme
L’envahissement, puis l’éclatement des globules rouges l’anémie hémolytique et retrouve les Plasmodium. Le trai-
parasités, provoque les accès palustres cycliques. Il existe tement spécifique fait disparaître les troubles. La fièvre
plusieurs espèces de Plasmodium, avec des caractéristi- bilieuse hémoglobinurique est devenue exceptionnelle.
ques différentes (tableau I) [6]. En effet, il s’agit d’une hémolyse aiguë, réaction anaphy-
La phase d’invasion survient chez les sujets sans prému- lactique à la prise de quinine ou plus rarement d’une autre
nition. Elle est marquée par un embarras gastrique fébrile. molécule antipaludique, chez un sujet ayant déjà été, un
Puis, avec P. falciparum, l’accès simple peut se compli- certain temps auparavant, sensibilisé par une prise de
quer en quelques heures d’un accès grave rapidement quinine (ou d’un autre antipaludique).
mortel en l’absence de traitement. Les accès palustres à
fièvre périodique correspondent plus aux autres espèces, 2.2. Diagnostic et traitement
se répétant toutes les 48 (P. ovale, P. vivax) ou 72 heures Le diagnostic repose sur la mise en évidence de l’héma-
(P. malariae), réalisant les accès fébriles tierces ou quartes tozoaire sur le frottis sanguin, permettant l’identification
[1]. Apparaît tout d’abord une sensation de froid avec des du Plasmodium et sa quantification (figure 2). Le test
frissons incontrôlables, puis la fièvre monte à 40°C, la peau de diagnostic rapide immuno-chromatographique basé
du patient est sèche et brûlante. Enfin le malade se couvre sur la détection de protéines spécifiques de Plasmodium
de sueurs abondantes. L’ensemble de ces phénomènes permet d’affirmer rapidement la présence de Plasmodium
dure quelques heures. L’état général du sujet s’améliore falciparum. Il doit être recherché chez la mère et en cas
alors très nettement jusqu’à l’accès suivant. d’accouchement d’une mère atteinte de paludisme, au
L’accès pernicieux ou neuropaludisme, dû exclusivement niveau du placenta (figure 3), de lecture souvent difficile
à Plasmodium falciparum, réalise une encéphalopathie et chez l’enfant.
aiguë. Il peut survenir brutalement, sans signe prémoni- Le sérodiagnostic n’est pas utile au diagnostic d’urgence.
toire ou succéder à un accès typique négligé. La fièvre Mais il est indiqué pour le diagnostic rétrospectif d’une
dépasse 40°C, une hypothermie étant de mauvais pronostic fièvre, pour les enquêtes épidémiologiques et enfin pour
(tableau II). Des convulsions sont fréquentes et le patient éliminer les donneurs de sang paludéens.
sombre dans le coma. Le diagnostic doit être rapidement Le traitement habituel repose, selon le tableau clinique, sur
posé et la prise en charge immédiate (traitement par qui- la quinine intraveineuse ou l’atovaquone-proguanil (Mala-
nine intra-veineuse mis en route d’urgence), l’évolution rone®) pour P. falciparum et sur la chloroquine (Nivaquine®)
spontanée étant fréquemment mortelle. pour les autres espèces. D’autres produits sont utilisables

Tableau I – Caractères des différents Plasmodium.


Espèce Répartition Rythme des accès Gravité Complications Longévité

Toutes les zones Accès pernicieux mortel,


P. falciparum Fièvre tierce Maligne 2 mois
tropicales paludisme viscéral évolutif

Amérique du Sud, Asie,


P. vivax Fièvre tierce Bénigne Asthénie, anémie 3 ans
Afrique du Nord

P. ovale Afrique centrale Fièvre tierce Bénigne Asthénie, anémie 5 ans

P. malariae Zones tropicales (mais rare) Fièvre quarte Bénigne Syndrome néphrotique 20 ans

Tableau II – Critères de gravité Figure 2 – Frottis sanguin :


de l’accès pernicieux (OMS). Plasmodium falciparum.
Cliniques Biologiques
Prostration,
Hypoglycémie (< 2,2 mmol/l)
coma

Convulsions Anémie grave (< 6 g/dl)


généralisées

Collapsus Oligurie (< 400 ml/ j)


cardio-vasculaire

Syndrome Créatininémie (< 265 μmol/l)


hémorragique

Œdème Hémoglobinurie
pulmonaire

Ictère Acidose sanguine (pH < 7,25)

64 // REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - MAI 2008 - N°402


#*0-0(*&&5(3044&44&

dans certaines circonstances : la méfloquine (Lariam®), Les accès fébriles peuvent provoquer un avortement au
l’halofantrine (Halfan®, ce dernier après la réalisation d’un début ou un accouchement prématuré en fin de grossesse.
ECG). De nouveaux antipaludiques sont efficaces, comme C’est essentiellement en cas de paludisme contracté en fin
l’arthémether-luméfantrine (Riamet®, Coartem®, récemment de grossesse que peut survenir une infestation du fœtus
accessible pour les hôpitaux). à l’origine du paludisme congénital (10 % des naissances
d’enfants de femmes atteintes de paludisme). En l’ab-
3. Paludisme et grossesse sence de diagnostic et de traitement rapide, le pronostic
est réservé pour la mère et le fœtus, l’évolution pouvant
être rapidement fatale.
Le paludisme et la grossesse sont deux situations qui
s’aggravent mutuellement. En effet, le paludisme est plus
grave et plus fréquent au cours de la grossesse, provo- Figure 3 – Frottis de placenta infesté.
quant une importante morbidité et mortalité maternelle,
fœtale et périnatale.
Les effets du paludisme sont très variables selon le taux
d’immunité du sujet. En effet, les stimulations antigéniques
répétées dues aux piqûres continuelles de moustiques
entraînent un certain degré d’immunité dû aux IgG, ayant
une spécificité pour des antigènes variants de surface [22].
Aussi les conséquences seront-elles différentes selon qu’il
s’agit d’une femme immunisée ou non.

3.1. Femme vivant en zone d’endémie


La grossesse s’accompagne d’une certaine diminution de
l’immunité acquise, surtout chez la primigeste, entraînant
donc une augmentation de la fréquence et de l’intensité de
la parasitémie. En échange, le taux des anticorps est un
peu modifié. Les besoins élevés en protéines, associés à
une carence nutritionnelle, expliquent une insuffisance de
Figure 4 – Densité parasitaire selon la parité
production des gammaglobulines. Toutefois, du fait d’une
et l’âge de la mère.
certaine immunité résiduelle, le paludisme reste assez
souvent latent et n’est suspecté à la naissance que devant
une anémie et le faible poids du nouveau-né.
La première grossesse réactive plus le paludisme que les
grossesses ultérieures [37] et le paludisme est plus fréquent
et plus grave chez la primipare et son nouveau-né [54]. En
effet, l’utérus et le placenta forment une nouvelle localisation
pour les parasites. Il est très probable que cela induise une
réponse locale, apportant une certaine protection contre
les infestations ultérieures. La parasitémie diminue avec
la parité et l’âge de la mère [8] (figure 4).
En outre, au cours de la grossesse, la prévalence et l’in-
tensité du paludisme augmentent dans les premières
semaines [33] pour revenir à un taux équivalent à celui de
la population environnante dans les dernières semaines.
Une étude réalisée en Gambie montre nettement la prépon-
dérance du paludisme chez les primipares, en zone rurale
avec un maximum au 2e trimestre [24] (tableau III). Une
autre étude au Burkina Faso a confirmé l’infestation plus Tableau III – Prévalence (en pourcentage)
importante chez les primipares que chez les multipares, du paludisme chez la femme enceinte.
avec en outre une prévalence plus élevée en décembre, 1re pare 2e pare 3e pare
saison chaude (32 %) qu’en mai, saison fraîche (12 %) [11].
Village de Keneba
Le fœtus est en général protégé par les anticorps mater- % de femmes infectées 64 39 21
nels, expliquant le taux relativement faible de paludisme Parasitémiea 332 120 63
congénital (0,5 %). Ville 10 8
Brousse 26 16
3.2. Chez la femme non immunisée 1er trimestre 55 33 25
Voyageuse européenne ou femme d’origine africaine reve- 2e trimestre 75 46 17
nant dans son pays après avoir passé plusieurs années 3e trimestre 50 40 20
en Europe, ayant fait un séjour en zone tropicale, toutes Infestation plus importante pour les primipares, en brousse
les formes de paludisme peuvent se rencontrer, allant des et au 2e trimestre de grossesse.
a
Moyenne géométrique.
formes bénignes à l’accès pernicieux.

REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - MAI 2008 - N°402 // 65


3.3. Retentissement de la grossesse normale en grossesse pathologique. Les accès répétés du
sur le paludisme paludisme peuvent perturber le fonctionnement hypophy-
La grossesse, véritable « stress » immunologique, provoque saire et entraîner une stérilité. Par ailleurs, la nidation peut
une chute de l’immunité anti-palustre et, de ce fait, peut être perturbée chez les femmes atteintes de paludisme
démasquer un paludisme latent, ou favoriser la survenue viscéral évolutif, avec une splénomégalie importante.
de formes graves (accès pernicieux). Le taux d’infestation Au début, le paludisme entraîne une accentuation des
du placenta est toujours supérieur à celui du sang. « signes sympathiques » de la grossesse. Dans les gros-
En effet, le Plasmodium est souvent retrouvé dans le pla- sesses avancées, il existe une corrélation entre le taux de
centa, alors que les examens de sang restent négatifs [25]. parasitémie et la durée de la fièvre d’une part et le risque
Ainsi, à Panama, sur 400 placentas examinés, 11 étaient d’avortement d’autre part, surtout en zone endémique.
parasités, alors que les frottis sanguins des mêmes patients La mort fœtale in utero [36], l’accouchement prématuré
étaient négatifs. Il en a été de même à Dakar, où, sur et l’hypotrophie fœtale sont plus fréquents.
130 placentas, 15 % étaient positifs contre seulement Le paludisme provoquant une hémolyse aggrave une anémie
1,6 % des prélèvements de sang fœtal [34]. déjà fréquente dans ces régions, du fait de la malnutrition
Les conséquences sont différentes selon le taux d’en- et d’une carence martiale. Au Malawi, 94 % des femmes
démicité paludéenne de la région considérée. En zone enceintes avaient un taux d’hémoglobine < 11 g/dl et près
d’hyperendémie, l’immunité est solide et les manifestations de 30 % < 8 g/dl (selon les critères de l’OMS), cette anémie
pathologiques sont donc rares. En zone d’hypoendémie, étant plus fréquente chez les primipares [59].
l’immunité est précaire et le risque de contracter un palu- Le placenta est un important réservoir de parasites, même
disme patent est assez élevé chez la femme enceinte. sans parasitémie décelable. Les lésions placentaires à
Les symptômes classiques du paludisme sont accentués. type de réponse inflammatoire et hormonale [46] sont
Quel que soit le stade de la grossesse, Plasmodium fal- plus fréquentes chez la primipare. Les placentas de mères
ciparum risque toujours d’évoluer, sans traitement, vers impaludées ont habituellement un poids plus faible que
l’accès pernicieux. En fin de grossesse, il y a souvent un les placentas sains. L’étude microscopique a montré un
risque de reviviscence et il n’est pas rare de constater, épaississement de la membrane basale du trophoblaste,
lors d’une crise aiguë de paludisme, un accouchement une infiltration inflammatoire intervilleuse importante (mono-
prématuré avec parfois une mort subite de la mère dans cytes et macrophages) [35], une dégénérescence hyaline
les suites immédiates. des villosités des foyers de nécrose syncytiale [43] et la
La découverte de l’hématozoaire est inconstante, en zone présence très fréquente de pigment malarique dans les
d’endémie où l’autotraitement, particulièrement fréquent, espaces intervilleux [60]. Habituellement, chez les patients
suffit à masquer le diagnostic. Les auteurs sont divisés atteints de paludisme, les hématies parasitées adhèrent aux
sur l’existence d’une corrélation possible entre le taux récepteurs CD36 et ICAM-1 de l’endothélium vasculaire par
d’anticorps anti-palustre et l’âge de la grossesse, mais l’expression membranaire d’une protéine synthétisée par
s’accordent pour dire que le paludisme est la principale le Plasmodium PfEMP1 (Plasmodium falciparum erythro-
cause d’anémie au cours de la grossesse [50]. Cette ané- cyte membrane protein 1). Or, chez la femme enceinte,
mie apparaît vers la 20e semaine. Elle est hémolytique, les hématies infestées ont une capacité particulière de
normocytaire et normochrome, surtout importante chez cytoadhérence à la couche de syncytio-trophoblastes du
les primipares [23], et s’aggrave parallèlement aux nom- placenta par le récepteur chondroïtine sulfate A (et non
bres d’accès de paludisme [40]. L’anémie sévère élève le aux récepteurs CD36 et ICAM-1) [16], ce qui provoque
risque de la mortalité maternelle et fœtale. En outre, en une séquestration des parasites dans le placenta [10].
zone tropicale, le paludisme s’ajoute aux autres causes Ceci entraîne une diminution de la circulation au niveau
d’anémie de la grossesse que sont les déficits en fer et en du placenta avec pour conséquence une diminution du
acide folique, les ankylostomes, les hémoglobinopathies passage transplacentaire des éléments nutritifs pour le
et le VIH [51]. Aussi, l’importance d’une chimioprophylaxie fœtus et donc un ralentissement de la croissance fœtale
correcte est-elle démontrée par la disparition des anémies [47] (figure 5).
hémolytiques dans ce cas. Un supplément en acide folique Au cours de sa jeunesse en zone de transmission relative-
est discuté, car s’il est utile dans la correction de l’anémie, ment élevée de paludisme, une femme vivant constamment
il semble qu’il ait un effet antagoniste de l’association en zone d’endémie a acquis une certaine immunité par la
sulfadoxine-pyriméthamine [42]. synthèse d’anticorps IgG contre les antigènes parasitaires
Les formes graves sont rares et semblent plus fréquen- appelés « variants de surface », en particulier les protéines
tes en fin de grossesse. L’accès pernicieux entraîne une PfEMP1. Au cours de la première grossesse, les hématies
mortalité maternelle élevée et une mort fœtale in utero s’agglutinent dans le placenta par la chondroïtine sulfate A
quasiment constante. La mise sous quinine intraveineuse et « ignorent » les anticorps contre PfEMP1, expliquant ainsi
s’impose. L’insuffisance rénale aiguë est une complication la susceptibilité accrue des primigestes au paludisme. Au
rare mais grave, au voisinage du terme. Le déclenchement cours des grossesses suivantes, apparaissent, dès le pre-
de l’accouchement doit être rapide, car cela facilite la mier trimestre, des anticorps contre la chondroïtine sulfate,
reprise de la diurèse. ce qui entraîne une certaine protection contre le paludisme
[12]. D’ailleurs, il a été montré que le sérum des femmes
3.4. Retentissement du paludisme multipares provoquait une inhibition de l’adhérence des
sur la grossesse hématies parasitées à la chondroïtine surface, expliquant
Il est certain qu’un paludisme transforme une grossesse la diminution de la susceptibilité de ces femmes face au

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paludisme. Cette voie de protection contre les parasites montré au Malawi (tableau V) [52]. En revanche, l’aggra-
placentaires qui peut éviter le paludisme chez la femme vation de l’infestation par le VIH n’a pas été démontrée en
enceinte est un axe intéressant de recherche [3, 48]. cas de coïnfection avec le paludisme [10].
Par ailleurs, en cas d’infestation par les autres espèces de Le paludisme de la mère retentit bien évidemment sur le
Plasmodium, il n’y a pas de cytoadhérence des hématies, fœtus. Une fois le risque d’avortement ou d’accouchement
mais cela entraîne néanmoins une anémie maternelle et prématuré écarté, le fœtus naît avec un poids plus faible
un faible poids de naissance [15]. que le fœtus né de mère saine [56] (tableau VI), avec un
À l’approche du terme, le paludisme est un facteur impor- risque de mortalité dans 6 % des cas [20].
tant de prématurité, surtout chez la primigeste. Les dysto- Le risque de paludisme congénital est certain et est plus
cies dynamiques sont fréquentes et probablement liées à fréquent en zone d’hypoendémie du fait d’une faible immu-
une hypoxie utérine. Il faut rester très vigilant et prévenir nisation maternelle. Le mécanisme du passage transpla-
toute hémorragie de la délivrance ou du post-partum, centaire des hématies parasitées est mal élucidé : parasite
qui risquerait d’être mal tolérée, chez une femme déjà migrant à l’état libre ou dans une hématie infestée, néces-
anémiée [2, 57]. sité d’un placenta pathologique, passage au moment des
Dans le post-partum, le paludisme peut évoquer une fièvre pics fébriles [4] ? De toute façon, on estime que la den-
puerpérale [44]. Aussi, en l’absence de diagnostic précis, sité parasitaire reste 300 à 1 000 fois plus faible chez le
en zone d’endémie, est-il conseillé d’associer antibiotiques fœtus que chez la mère. Par ailleurs, il n’y a pas de phase
et antipaludiques. exo-érythrocytaire, étant donné l’absence d’inoculation
Un accès pernicieux doit être distingué d’une éclampsie transcutanée par un moustique et donc l’absence de
(tableau IV), bien que ces deux affections puissent être stade sporozoïte.
associées. La parasitémie est alors importante, due à la Le paludisme congénital est affirmé sur l’élimination de
libération d’hématozoaires par spléno-contraction. Le toutes les possibilités de contamination directe (transfu-
pronostic est assez sombre. Avec l’apparition du sida sion, inoculation naturelle par le moustique) et l’identité
dans les pays tropicaux, s’est posée la question de l’ag-
gravation des affections parasitaires chez les personnes
infectées par le VIH. Après des études contradictoires, il Tableau IV – Eléments distinctifs entre éclampsie
semble actuellement établi que les femmes infectées par et accès pernicieux.
le VIH présentent une élévation de la prévalence et de la Eclampsie Accès pernicieux palustre
parasitémie par P. falciparum, comme cela a été nettement Contexte Hypertension artérielle Paludisme

Symptômes Prise de poids Fièvre à 39°C-40°C


Figure 5 – Physiopathologie du paludisme Œdème des membres Hépato-splénomégalie
au niveau du placenta [d’après Rogerson, 2007]. inférieurs Prostration ou coma
Hyperréflectivité, coma aréactif
Crises convulsives Crises convulsives rares
Plasmodium
itératives

Biologie Protéinurie > 3,5 g/24 h Anémie hémolytique


GR parasités Anémie Cytokines Créatininémie > Frottis sanguin :
100 μmol/L Plasmodium

Chondroïtine sulfate
Tableau V – Prévalence du paludisme chez
les patients VIH positifs, au Malawi.
HIV+* HIV-
Placenta Séquestration Hypoxie
des GR Parasitémie
Primipares 56,3% 36,5 %
Multipares 23,8 % 11 %

Mère Vascularisation
Compliance de la chimiothérapie 13,2 % 7,8 %
*HIV(+) : 20,8 % chez les primipares ; 27,5 % chez les multipares.
Fœtus

Apports
Hypoxie
H po ie fœtale
Tableau VI – Comparaison des poids moyens
nutritifs de naissance (en grammes) des enfants
de femmes atteintes ou non de paludisme.
Nombre de Poids moyen des nouveau-nés
Pays
naissances parasités sains
Retard de croissance Accouchement
intra-utérine prématuré Côte-d’Ivoire 198 2 960 3 080

Ghana 50 2 855 3 033

Nigeria 440 2 778 3 076


Faible poids
de naissance Ouganda 570 2 805 3 068

Tanzanie 413 2 945 3 020

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du Plasmodium chez la mère et l’enfant, retrouvé dans le nine ne sont ni abortives, ni tératogènes [5]. Mais la quinine
sang du cordon à la naissance. Une double infestation peut augmenter les contractions d’un utérus manifestant
fœtale (P. vivax et P. malariae) a déjà été rapportée [39], déjà une tendance contractile prématurée [45].
de même qu’une infestation par P. falciparum chez des S’il s’agit d’une souche de P. falciparum chloroquino-
jumeaux, ayant entraîné une anémie [49]. résistante, cas devenu le plus fréquent, on traite par la
Le paludisme congénital peut se manifester sous deux quinine, l’association atovaquone-proguanil (Malarone®),
formes [7]. Le paludisme congénital-infestation se carac- éventuellement par l’halofantrine (Halfan®) ou encore par
térise par la présence isolée d’hématozaires dans le sang. méfloquine (Lariam®), mais ce dernier produit peut pro-
Cette parasitémie, asymptomatique, est souvent sponta- voquer des effets secondaires non négligeables à type
nément régressive dans 62 % des cas [18]. Le paludisme de troubles digestifs ou même neuropsychiques mais n’a
congénital-maladie est l’association d’une parasitémie pas d’effet abortif ni tératogène [9]. L’association artésu-
et de symptômes cliniques. Le paludisme périnatal est nate-atovaquone-proguanil s’est avérée efficace et bien
acquis au moment de la naissance (traumatisme obstétrical). tolérée [32]. Toutefois, actuellement l’artémisinine, bien que
Il nécessite donc une incubation identique à l’incubation n’ayant provoqué aucun effet néfaste ni chez la mère ni
habituelle de l’espèce plasmodiale en cause et n’est dia- chez le fœtus [13, 30], reste encore déconseillée au cours
gnostiqué qu’après plusieurs jours ou semaines. du premier trimestre de la grossesse, en l’attente d’études
Les troubles cliniques du paludisme congénital peuvent complémentaires [14]. En cas de paludisme congénital, il
apparaître plusieurs mois après la naissance : hépato- faut traiter l’enfant dès la naissance, soit par Nivaquine®
splénomégalie, ictère, pâleur et anémie hémolytique. Un (en sirop) : 100 mg/j pendant 2 jours, puis 50 mg/j pendant
retard de croissance pondérale est souvent retrouvé. Le 3 jours, puis 1 cuillère-mesure (soit 25 mg) 1 jour sur 2
pronostic est favorable sous traitement rapide. pendant 2 mois, soit par la quinine IV ou IM (25 mg/kg/j)
Une certaine hypogalactie est constatée chez les mères pendant 3 jours.
paludéennes, mais cela ne contre-indique pas l’allaitement La prophylaxie est fondamentale chez la femme enceinte,
maternel. Les antipaludiques (chloroquine, quinine) passent plus sensible que d’autres au paludisme et qui « attire » plus
dans le lait mais en quantité infime, sans aucune consé- les moustiques que la femme non enceinte (élévation de la
quence pour le nouveau-né. Par ailleurs, le lait maternel chaleur cutanée et sécrétion de substances volatiles) [26].
est pauvre en acide para-amino-benzoïque, substance Éviter les piqûres de moustiques nécessite de revêtir des
indispensable au métabolisme du Plasmodium. Dans les vêtements légers, mais longs (figure 6) et de dormir sous
trois premiers mois de la vie, les IgG de la mère transmises une moustiquaire si possible imprégnée d’insecticide, les
à l’enfant sont protectrices. La présence d’hémoglobine moustiques piquant essentiellement entre 22 h et 2 h du
fœtale est un facteur supplémentaire, expliquant l’absence matin. Cette moustiquaire ne présente aucun danger pour
habituelle de paludisme chez les nouveau-nés de mères les dormeurs, y compris les très jeunes enfants. Chez la
vivant en zone d’endémie. femme enceinte, aucun répulsif de synthèse ne peut, à
l’heure actuelle, être recommandé en toute sécurité du fait
3.5. Traitement et prophylaxie de l’absence de données fiables sur la non tératogénicité
Le traitement classique de la primo-invasion et de l’accès de ces produits. Seuls les produits naturels (essence de
simple dus à P. vivax, P. ovale et P. malariae repose sur citronnelle, par exemple) peuvent être, en l’absence d’al-
la chloroquine ou Nivaquine®, à raison de 9 comprimés lergie, utilisés sans crainte. En principe, Il convient donc
à 100 mg à J1 (6 comp. + 3 comp. 6 heures plus tard) et d’éviter les produits à base de DEET ou le 35/35 à une
300 mg à J2 et J3. Ce traitement pourra être repris quelques concentration supérieure à 30 %. Toutefois, plusieurs mar-
mois plus tard, en cas de reviviscence [25]. En cas d’accès ques de IR35/35 à une concentration de 20 à 30 % sont
pernicieux, le traitement doit être instauré d’urgence : qui- autorisées par l’AFSSAPS chez les femmes enceintes (BEH
nine 1,5 g à 2 g en perfusion lente par voie intraveineuse 24, 12 juin 2008) [19]. On peut proposer des pastilles ou
pendant 3 à 5 jours. La chloroquine (Nivaquine®) et la qui- spirales auto-combustibles de pyréthrinoïdes. L’applica-
tion de produits insecticides sur les habits (Insect-écran®,
Moustifluid®, Moustidose®) est une précaution utile. L’usage
Figure 6 – Femme enceinte protégée
du DDT, ayant provoqué des retards au développement
par le costume traditionnel.
neurologique du fœtus [17], n’est plus utilisé.
Le vaccin étant toujours au stade de la recherche, la
chimio-prophylaxie était indispensable par la Nivaquine®,
avec une bonne efficacité [41], mais est actuellement
abandonnée dans les zones de chloroquino-résistance
[53]. Il faut lui préférer la Savarine® ou la Malarone®, en

Tableau VII – Chimioprophylaxie antipalustre


chez la femme enceinte.
Zone I Caraïbes Nivaquine

Zone II Afrique de l’Ouest Savarine

Asie, Amérique du Sud, Afrique


Zone III Malarone, Savarine
de l’Est et Afrique centrale

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fonction de la zone où se rend la femme enceinte. Le Congo [27], ou de 24 % à 16 % en Ouganda [29]. Dans les
Lariam®, en prise hebdomadaire, est parfois préféré mais zones d’endémie du paludisme, ces mesures de prévention
avec risques d’effets secondaires comme du prurit ou des ont permis de réduire de 50 % l’infestation du paludisme
troubles digestifs (55). En effet, l’OMS a divisé les pays [21], de 28 % la prévalence de l’anémie de la grossesse,
tropicaux en trois zones selon l’intensité de la résistance de 43 % celle du faible poids de naissance et de 27 %
(tableau VII). En fait, ce tableau est perpétuellement en celle de la mortalité périnatale [15]. Mais ceci suppose
retard sur l’aggravation de la chloroquino-résistance, qui a d’insister sur l’intérêt de ces mesures auprès des popu-
gagné maintenant l’ensemble du monde tropical. De plus, lations [38] et nécessite de poursuivre voire d’intensifier
les intolérances à la méfloquine entraînent une certaine les campagnes de consultations prénatales.
prudence vis-à-vis de cette molécule. Ces produits ne
sont ni abortifs ni tératogènes. Aussi, l’OMS préconise- 4. Conclusion
t-elle actuellement le traitement préventif intermittent par
sulfadoxine-pyriméthamine [58], à raison de seulement Ainsi, le paludisme, le plus fréquent des parasites tropi-
4 prises au cours de la grossesse [28, 29], traitement bien caux survenant au cours de la grossesse, nécessite-t-il un
toléré [42]. La pyriméthamine étant un antagoniste de diagnostic rapide et un traitement adapté pour éviter les
l’acide folique, un complément en acide folique est alors complications éventuelles concernant la femme enceinte
conseillé [52]. Ceci permet, sans être trop astreignant, et le fœtus. À défaut de vaccination, il est fondamental
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grossesses passant, par exemple, de 35 % à 19,7 % au anti-moustiques.

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70 // REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - MAI 2008 - N°402


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La Revue de médecine interne xxx (2008) xxx–xxx

Mise au point

Pathologies hépatiques et grossesse


Liver disease and pregnancy
C. Delluc a , N. Costedoat-Chalumeau a,∗ , G. Leroux a , G. Imbert a , D. Le Thi Huong a ,
D. Vauthier-Brouzes b , J.-C. Piette a , O. Chazouilleres c , P. Cacoub a
a Centre de référence national pour le lupus systémique et le syndrome des antiphospholipides, service de médecine interne, hôpital Pitié-Salpêtrière,
Assistance publique–Hôpitaux de Paris, 47–83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France
b Service de gynécologie-obstétrique, hôpital Pitié-Salpêtrière, Assistance publique–Hôpitaux de Paris,

47–83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France


c Service d’hépatologie, hôpital Saint-Antoine, université Pierre-et-Marie-Curie-Paris-6, 184, rue du Faubourg-Saint-Antoine, 75012 Paris, France

Résumé
Des atteintes hépatiques peuvent être observées chez la femme enceinte, liées ou non à la grossesse. Cette revue a pour objectif de préciser les
différentes causes d’hépatopathie au cours de la grossesse et leur prise en charge. Les hépatopathies observées chez les femmes enceintes peuvent
être soit des hépatopathies aiguës gravidiques, soit des hépatopathies chroniques connues avant la grossesse ou non et dont le cours peut être modifié
par la grossesse, soit enfin des hépatopathies intercurrentes qui nécessitent une prise en charge particulière pendant la grossesse. La connaissance
des différentes atteintes hépatiques pouvant survenir au cours de la grossesse permettra d’assurer une prise en charge multidisciplinaire de la mère
afin d’éviter la survenue de complications maternelles ou fœtales sévères.
© 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Abstract
Liver dysfunction during pregnancy can be related or not to pregnancy itself. The purpose of this review is to summarize the possible causes of
liver dysfunction during pregnancy and their management. Liver dysfunction during pregnancy can be chronic or acute, independent or specific to
pregnancy. Management of liver disease can be different during pregnancy. The knowledge of liver dysfunction during pregnancy is of help for a
better management of the mother in order to avoid maternal and fetal mortality and morbidity.
© 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Grossesse ; Foie ; Hépatite

Keywords: Pregnancy; Liver; Hepatitis

Les hépatopathies observées chez une femme enceinte atteintes hépatiques maternelles, les atteintes hépatiques fœtales
peuvent être ou non liées à la grossesse et peuvent dans cer- ne seront pas abordées.
tains cas engager les pronostics maternel et fœtal. Cette revue
a pour objectif de préciser les différentes causes d’hépatopathie
1. Les fonctions hépatiques au cours de la grossesse
au cours de la grossesse et leur prise en charge. Après un rappel
normale
sur les modifications physiologiques des fonctions hépatiques
chez la femme enceinte, nous aborderons les hépatopathies gra-
Au cours de la grossesse normale, on peut observer
vidiques, puis le retentissement de la grossesse elle-même sur
l’apparition d’angiomes stellaires ou d’une érythrose palmaire
les hépatopathies non gravidiques. Nous nous limiterons aux
qui sont liés à l’imprégnation estrogénique et non à une insuffi-
sance hépatocellulaire.
∗ Auteur correspondant. Les modifications physiologiques des tests hépatiques au
Adresse e-mail : nathalie.costedoat@psl.aphp.fr (N. Costedoat-Chalumeau). cours de la grossesse sont résumées dans le Tableau 1 [1].

0248-8663/$ – see front matter © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.revmed.2008.09.012

Pour citer cet article : Delluc C, et al. Pathologies hépatiques et grossesse. Rev Med Interne (2008), doi:10.1016/j.revmed.2008.09.012
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Tableau 1
Modifications physiologiques des tests hépatiques au cours de la grossesse.
Modifications observées au cours de la grossesse Période de modification (trimestre)

Transaminases (ALAT, ASAT) N –


Taux de prothrombine (TP) N ou augmenté –
Acides biliaires sériques totaux N –
Albumine Diminuée 1, 2 et 3
Bilirubine Diminuée 1, 2 et 3
␥-glutamyl transférase Modérément diminuée 3
Phosphatases alcalines Augmentées 2 et 3
5 -nucléotidase Modérément augmentée 3
Cholestérol total Augmenté 2 et 3
Triglycérides Augmentés 2 et 3

N : normal ; ALAT : alanine aminotransférase ; ASAT : aspartate aminotransférase.

L’activité sérique de la ␥-glutamyl-transpeptidase (GGT) est peut être observé dans les cas les plus sévères [3]. Une asso-
stable, voire modérément diminuée au cours des deuxième et ciation de l’hyperemesis gravidarum avec une infection par
troisième trimestres. L’activité sérique des transaminases n’est Helicobacter pylori a été retrouvée dans une étude [4]. Des
pas significativement modifiée. Une élévation de leur taux au cas d’encéphalopathie de Gayet-Wernicke provoquée par un
cours de la grossesse doit donc faire suspecter une pathologie déficit en thiamine (vitamine B1) lié aux vomissements et par
hépatique. L’activité sérique des phosphatases alcalines (PAL) l’utilisation de solutés glucosés ont été rapportés [4]. Des ano-
augmente à partir du deuxième trimestre en raison d’un pas- malies de la fonction thyroïdienne évoquant une hyperthyroïdie
sage dans le sang maternel de PAL d’origine placentaire. Sauf et associant une élévation de la thyroxine libre et une diminution
dans de rares cas, cette augmentation reste très modérée. La de la TSH, peuvent survenir au cours de l’hyperemesis gravida-
bilirubinémie totale diminue modérément à partir du premier rum, le plus souvent sans manifestations cliniques. La fonction
trimestre ainsi que la bilirubine conjuguée et l’albumine du fait thyroïdienne se normalise spontanément ensuite au cours de
de l’hémodilution liée à la grossesse. la grossesse [5]. En l’absence de signe clinique évoquant une
hyperthyroïdie, il n’y a donc pas d’indication formelle à doser la
2. Hépatopathies spécifiques de la grossesse TSH ou à instituer un traitement antithyroïdien chez ces patientes
[5].
Les principales hépatopathies spécifiques de la grossesse sont Le traitement comporte l’isolement de la patiente, la correc-
indiquées dans le Tableau 2 en fonction du terme de la grossesse. tion des troubles hydroélectrolytiques, la mise au repos digestif
associée à une nutrition parentérale avec apport vitaminique
(notamment de vitamine B1) et le traitement symptomatique
2.1. Hyperemesis gravidarum des vomissements [2]. La corticothérapie est inefficace [2].
Les symptômes régressent habituellement après la vingtième
L’hyperemesis gravidarum est une pathologie du premier semaine d’aménorrhée (SA). Le pronostic fœtal est bon [2].
trimestre de la grossesse dont la physiopathologie reste indé- Néanmoins, lorsque la prise de poids maternel est inférieure
terminée et qui se manifeste par des vomissements incoercibles à 7 kg, les nouveaux-nés sont plus souvent hypotrophes, pré-
[2]. La prévalence est de 0,3 à 2 % des grossesses. Les patientes maturés et ont un score d’APGAR plus bas à cinq minutes
concernées souffriraient plus fréquemment de troubles psychia- [2].
triques à type de dépression ou d’anxiété sans qu’un lien causal
ait pu être établi [2].
Les vomissements conduisent à une déshydratation et à des 2.2. Cholestase intrahépatique de la grossesse ou
troubles hydroélectrolytiques aboutissant souvent à une hospita- cholestase gravidique
lisation. Une élévation généralement modérée des transaminases
survient dans 50 % des cas. Cette augmentation peut atteindre La cholestase intrahépatique de la grossesse (CIG) survient
50 fois la valeur supérieure de la normale (N) et un ictère généralement au cours du deuxième ou troisième trimestre. Sa

Tableau 2
Hépatopathies rencontrées en fonction du terme de la grossesse.
1er trimestre 2e trimestre 3e trimestre Postpartum

Hyperemesis gravidarum X +/−


Cholestase intrahépatique de la grossesse X X
Prééclampsie/HELLP syndrome X X X (HELLP)
Stéatose hépatique aiguë gravidique X
Hépatites virales X X X X

HELLP : hemolysis, elevated liver enzymes, low platelet count.

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prévalence en France varie entre 0,2 et 0,7 % des grossesses et sa diminuer le risque de prématurité [9]. Le risque de mort fœtale
fréquence augmente avec l’âge maternel et en cas de grossesse in utero varie d’1 à 3 %, les décès étant attribués à une toxicité
gémellaire. fœtale des acides biliaires ou à des micro-infarctus placentaires
Plusieurs hypothèses physiopathologiques de la CIG ont été [7]. Des récidives peuvent survenir au cours des grossesses sui-
proposées. Sa fréquence, plus élevée dans les pays scandinaves vantes et, plus rarement, lors de la prise d’une contraception
et au Chili ou en Bolivie [3], a fait évoquer une origine géné- estrogénique.
tique. Le gène multidrug resistance 3 (MDR3) code pour une
protéine impliquée dans la sécrétion des phospholipides dans 2.3. Prééclampsie/HELLP syndrome
la bile [6]. Des mutations de MDR3 ont été mises en évidence
dans des formes familiales de cholestase avec une augmentation La prééclampsie ou toxémie gravidique est définie par une
de la GGT en dehors de la grossesse. Jacquemin et al. [6] ont pression artérielle systolique supérieure à 140 mmHg ou une
montré que le statut hétérozygote pour MDR3 était un facteur pression artérielle diastolique supérieure à 90 mmHg associée à
prédisposant de CIG. Les auteurs recommandent d’effectuer une une protéinurie supérieure à 0,3 g toutes les 24 heures. Elle sur-
étude génétique de MDR3 chez les patientes atteintes de CIG vient lors du deuxième ou du troisième trimestre de la grossesse.
avec une élévation de la GGT compte tenu du risque de récur- Cette complication est observée dans 1 à 10 % des grossesses et
rence. Les modifications hormonales liées à la grossesse jouent concerne principalement les primipares. L’éclampsie est définie
probablement un rôle dans la CIG puisque les estrogènes ont par la survenue de convulsions.
un effet cholestatique et que le métabolisme de la progestérone Deux à 5 % des femmes enceintes ayant une prééclampsie
est modifié chez les patientes présentant une CIG [3,7]. Enfin, auraient une atteinte hépatique [7]. Les symptômes comportent
des variations saisonnières de la fréquence de cette pathologie des épigastralgies en barre ou des douleurs de l’hypochondre
suggèrent que des facteurs environnementaux sont impliqués droit, un ictère étant plus rarement constaté [3,7]. Les lésions
[7]. hépatiques consistent en des dépôts de fibrine dans les sinusoïdes
Typiquement, la CIG se traduit par un prurit généralisé, pré- périportaux conduisant à des foyers de nécrose hépatocytaire
dominant sur le tronc, la paume des mains et la plante des puis d’infarctus et d’hémorragie intrahépatique. Ces lésions
pieds, pouvant être insomniant. L’examen clinique est normal en peuvent évoluer vers un hématome sous-capsulaire dont la rup-
dehors de lésions de grattage et d’un ictère qui peut apparaître à ture est de pronostic redoutable et surviendrait dans 1 % des cas
un stade tardif. Le meilleur marqueur de CIG est l’augmentation, [10].
constante, de la concentration sérique des acides biliaires avec Quatre à 12 % des prééclampsies se compliquent d’un hemo-
des concentrations pouvant dépasser 100 ␮mol/l [8]. L’activité lysis, elevated liver enzymes, low platelet count (HELLP)
sérique des transaminases, notamment de l’alanine aminotrans- syndrome, caractérisé par une élévation des transaminases pou-
férase (ALAT), est le plus souvent augmentée à 10N, voire 30N vant atteindre 50N, une thrombopénie et une hémolyse. Le
mais elle peut être normale initialement. Contrairement à ce que HELLP syndrome survient généralement au cours du troi-
suggère le terme CIG, la GGT est habituellement normale sauf sième, voire du deuxième trimestre de la grossesse mais il peut
en cas de mutation hétérozygote de MDR3 [6]. Les PAL sont s’aggraver, voire être diagnostiqué seulement dans le postpar-
également normales ou peuvent être modérément augmentées tum. Au troisième trimestre de grossesse, le principal diagnostic
du fait du passage physiologique de PAL d’origine placentaire différentiel est la stéatose hépatique aiguë de la grossesse. La dis-
dans le sang maternel. Le TP peut diminuer en cas d’ictère et doit tinction entre HELLP syndrome, syndrome catastrophique des
alors être corrigé par l’administration parentérale de vitamine antiphospholipides, purpura thrombotique thrombocytopénique
K. Il n’y a pas d’anomalie échographique des voies biliaires. La ou syndrome hémolytique et urémique peut être difficile. Le
ponction–biopsie hépatique n’est pas indispensable au diagnos- HELLP syndrome n’est pas toujours associé à une prééclamp-
tic. sie. La mortalité maternelle varie entre 1 et 3,5 % et survient
Le traitement le plus efficace est la délivrance, le prurit dis- alors dans un contexte de coagulation intravasculaire dissémi-
paraissant dans les heures ou jours qui suivent l’accouchement. née ou d’hématome rétroplacentaire. Un cas de calcifications
Lorsque le terme est trop précoce, le traitement vise à diminuer intrahépatiques compliquant un HELLP syndrome a été décrit
le prurit et la cholestase. L’hydroxyzine peut améliorer la tolé- [11]. Le HELLP syndrome peut être un des modes de révéla-
rance du prurit. La cholestyramine a une efficacité inconstante tion du syndrome des antiphospholipides (SAPL) et doit donc
et requiert un traitement préventif de la carence en vitamine K. conduire à rechercher la présence d’une biologie antiphospho-
L’acide ursodésoxycholique (AUDC) est efficace dans la CIG et lipide. Dans ce contexte, le HELLP syndrome est souvent plus
à l’autorisation de mise sur le marché (AMM), en France, dans précoce et sévère [12].
les formes sévères de CIG, aucune toxicité fœtale n’ayant été Le traitement du HELLP syndrome repose principalement
rapportée. La posologie est augmentée progressivement jusqu’à sur l’évacuation utérine. Le bénéfice pour la mère de la corti-
1 g/j, le délai d’action étant d’une à deux semaines. cothérapie est discuté et ce traitement n’est, à l’heure actuelle,
Le pronostic maternel est bon. La surveillance fœtale doit pas recommandé [13]. La guérison des infarctus et des héma-
être rapprochée, le pronostic fœtal étant plus réservé. La CIG tomes intrahépatiques se fait habituellement sans séquelle. La
est associée à un risque d’accouchement prématuré qui pourrait prévention de la récidive au cours d’une grossesse ultérieure
être en rapport avec une augmentation de la contractilité utérine repose sur un traitement par aspirine à faible dose. Une anti-
liée aux acides biliaires. Le traitement par AUDC permettrait de coagulation préventive, voire efficace par héparine de bas poids

Pour citer cet article : Delluc C, et al. Pathologies hépatiques et grossesse. Rev Med Interne (2008), doi:10.1016/j.revmed.2008.09.012
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moléculaire sera associée en cas de SAPL, avec une surveillance La vaccination, qui utilise un virus inactivé, est possible pendant
adaptée. la grossesse.

2.4. Stéatose hépatique aiguë gravidique (SHAG) 3.1.2. Hépatite B


La symptomatologie et l’évolution de l’hépatite B aiguë ne
La SHAG survient principalement au cours du troisième tri- sont pas différentes chez la femme enceinte.
mestre de la grossesse. Sa prévalence en France n’est pas connue L’existence d’une hépatite B préexistante, qui n’est pas une
mais elle est beaucoup plus rare que la CIG. La SHAG est contre-indication à la grossesse, a des conséquences pratiques
plus fréquente en cas de grossesse gémellaire. Une prééclampsie pour la prévention de la transmission maternofœtale. En France,
et/ou un HELLP s’associent dans 50 % des cas [14]. le dépistage d’un portage chronique de l’hépatite B repose sur
La physiopathologie de la SHAG est imparfaitement la recherche obligatoire de l’antigène HBs chez la mère au qua-
connue. Elle pourrait être liée à un déficit de la « long- trième mois de grossesse, y compris chez les femmes vaccinées
chain 3-hydroxyacyl CoA dehydrogenase », enzyme contre l’hépatite B. On estime que ce portage varie de 0,9 à 2,8 %
mitochondriale ayant un rôle dans la bêtaoxydation des en France. La contamination du nouveau-né se fait essentielle-
acides gras. Certains cas de SHAG ont été rapportés ment au moment de l’accouchement et en période néonatale. Le
chez des femmes ayant un déficit hétérozygote de cette risque de contamination est plus élevé si le virus est en phase
enzyme, leurs fœtus étant porteurs d’un déficit homozygote de réplication (antigène HBe et ADN viral détectables dans le
[15]. sang maternel).
Les symptômes associent des nausées et des vomissements Lorsque la mère a une hépatite B (antérieurement connue ou
qui doivent alerter à ce stade de la grossesse. Des épigastralgies, dépistée pendant la grossesse), la prévention de la transmission
des douleurs de l’hypochondre droit et un syndrome polyuro- maternofœtale repose sur la sérovaccination de l’enfant dès la
polydipsique sont fréquents. Un ictère associé à des signes naissance [16] avec une première injection vaccinale intramus-
d’insuffisance hépatocellulaire apparaît dans les formes diagnos- culaire associée à une injection de gammaglobulines anti-HBs
tiquées tardivement. L’évolution peut aller jusqu’à la défaillance intramusculaire dans un site différent. La seconde injection de
hépatique sévère [14]. gammaglobulines est réalisée à l’âge d’un mois, en association
Le tableau biologique est dominé par l’insuffisance hépa- avec la seconde vaccination, puis la vaccination doit suivre le
tocellulaire avec notamment une hypoglycémie, une baisse du schéma habituel. La sérologie virale B peut être contrôlée à
taux de prothrombine et du facteur V, associée à une insuffisance l’âge d’un an. Avec cette prise en charge, l’allaitement n’est pas
rénale, une thrombopénie, voire une coagulation intravasculaire contre-indiqué [16].
disséminée. L’activité sérique des transaminases reste infé- L’institution d’un traitement antiviral chez la mère se dis-
rieure à 10N [15]. La bilirubine est généralement augmentée cute essentiellement après l’accouchement et l’allaitement.
et une insuffisance rénale est fréquente. La biopsie hépatique, Cependant, chez les mères ayant une réplication virale éle-
lorsqu’elle est réalisée par voie transjugulaire, montre une stéa- vée (> 106 UI/mL), se pose la question de la prophylaxie de la
tose microvacuolaire. L’échographie abdominale ou le scanner transmission in utero par l’utilisation de la lamivudine dans les
montre un aspect non spécifique de stéatose [15]. dernières semaines de la grossesse, cela ne dispensant pas de la
Le traitement repose sur l’évacuation utérine en urgence sérovaccination des enfants [17].
ainsi que sur la prévention des complications infectieuses et
liées à l’insuffisance hépatocellulaire [15]. Le diagnostic pré- 3.1.3. Hépatite C
coce avec une prise en charge adaptée permet d’espérer un La symptomatologie et l’évolution de l’hépatite C aiguë ne
pronostic maternel favorable. Les complications fœtales sont sont pas différentes chez la femme enceinte.
la souffrance fœtale et la mort in utero ou néonatale, le taux de Il est préférable de traiter une hépatite C avant d’envisager
mortalité étant d’environ 15 % dans la littérature [14]. Après une grossesse. Toutefois, la grossesse n’est pas contre-indiquée
la naissance, il parait souhaitable de rechercher un déficit chez les femmes ayant une hépatite C chronique. Le traitement
complet de la long-chain 3-hydroxyacyl CoA dehydrogenase par ribavirine est strictement contre-indiqué pendant la grossesse
chez l’enfant, cela l’exposant à des hypoglycémies sévères et et doit donc être associé à une contraception efficace poursuivie
à une encéphalopathie hépatique pouvant être fatales [15]. Un quatre mois après l’arrêt du traitement [18].
suivi pédiatrique adapté est alors nécessaire. Chez une patiente ayant une hépatite chronique C active, la
La récidive au cours des grossesses ultérieures a été rarement grossesse s’accompagne généralement d’une diminution, voire
rapportée [15]. d’une normalisation de l’activité sérique des transaminases pen-
dant les deuxième et troisième trimestres parallèlement à une
3. Hépatopathies non liées à la grossesse élévation de la charge virale. Après l’accouchement, l’activité
sérique des transaminases augmente de nouveau tandis que
3.1. Hépatites virales la charge virale diminue. Ces résultats seraient liés à une
« immunotolérance » au cours de la grossesse avec une dimi-
3.1.1. Hépatite A nution de la nécrose hépatocytaire, la cytolyse étant liée à la
La symptomatologie et l’évolution de l’hépatite A dans les destruction par le système immunitaire des hépatocytes infectés
pays occidentaux ne sont pas différentes chez la femme enceinte. [8,18].

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Le dépistage du virus de l’hépatite C n’est pas obligatoire en inexpliquée, généralement au troisième trimestre, une cytolyse
France au cours de la grossesse, mais est recommandé en pré- hépatique parfois majeure qui peut aboutir à une hépatite fulmi-
sence de facteurs de risque [18]. La prévalence chez les femmes nante, une leucopénie ou des troubles de la coagulation [22,23].
enceintes, en France, varie de 0,3 à 7,7 % selon les études. Le La mortalité maternelle est estimée à 39 %, le pronostic fœtal
risque de transmission maternofœtale varie dans la littérature étant également réservé avec une mortalité liée à la prématurité
de 0 à 10 %. Il est plus important si la mère est co-infectée par et au risque de transmission de l’infection [22,23]. Le traitement
le VIH (le risque étant alors estimé à 15,5 %), si la virémie est par acyclovir doit être institué en urgence dès la suspicion cli-
élevée et serait nul lorsque la charge virale maternelle est indé- nique. Il n’est pas contre-indiqué pendant la grossesse et permet
tectable [18]. Le mode exact de transmission n’est pas connu. d’améliorer le pronostic [22,23].
L’accouchement par voie basse n’est pas contre-indiqué [18]. La primo-infection à cytomégalovirus (CMV) est souvent
Un consensus se dégage permettant d’autoriser l’allaitement, en asymptomatique mais elle peut se traduire par une élévation
l’absence de lésions cutanées maternelles. des transaminases, voire mimer un HELLP syndrome [7]. Un
Le diagnostic d’infection chez l’enfant repose sur la traitement par ganciclovir est possible pendant la grossesse si
recherche par PCR de l’ARN viral [18,19]. En cas de trans- l’atteinte hépatique maternelle est sévère.
mission, l’ARN apparaît dans les trois premiers mois de la vie,
mais il peut disparaître de façon durable par la suite. Il est donc 3.2. Hépatopathies auto-immunes
raisonnable d’attendre l’âge d’un an avant de faire une PCR
pour le diagnostic d’infection virale C chez l’enfant. Compte 3.2.1. Hépatite auto-immune
tenu du passage physiologique d’anticorps maternels, la sérolo- L’hépatite auto-immune (HAI) est une hépatopathie peu
gie est plus difficile à interpréter et est évocatrice de transmission fréquente touchant principalement les femmes jeunes. Les
lorsqu’elle reste positive à 18 mois [18,19]. symptômes peuvent associer une asthénie, un ictère fluc-
tuant et des arthralgies. Les critères diagnostiques positifs
3.1.4. Hépatite D sont une histologie hépatique évocatrice avec notamment une
Le virus de l’hépatite D ou delta est un virus à ARN dit défec- hépatite d’interface, une élévation souvent modérée des trans-
tif : le virus D utilise l’enveloppe du virus B (antigène HBs). La aminases, une hypergammaglobulinémie à IgG et la présence
co-infection B–D peut être simultanée ou être le résultat d’une d’autoanticorps sériques [24]. On distingue habituellement
surinfection. Une transmission maternofœtale est possible [8]. plusieurs types d’HAI selon les anticorps présents mais cette dis-
L’influence de la grossesse sur l’évolution de l’hépatite D n’est tinction ne modifie pas l’indication thérapeutique. L’évolution
pas connue. La prise en charge repose sur l’immunoprophylaxie spontanée se fait vers la cirrhose qui est parfois déjà consti-
antivirale B de l’enfant [8]. tuée au moment du diagnostic. Le traitement repose sur
la corticothérapie et les immunosuppresseurs, essentiellement
3.1.5. Hépatite E l’azathioprine.
Le virus de l’hépatite E est un virus à ARN dont le mode Compte tenu de la rareté de cette pathologie, la plupart des
de contamination est orofécal et pour lequel il n’existe pas de descriptions au cours de la grossesse sont des cas rapportés.
traitement spécifique. Ce virus est endémique en Asie et en Toutefois, trois études [25–27] et une revue de la littérature [28]
Afrique mais des cas européens autochtones ont étés rapportés, recensant 206 grossesses chez 115 femmes ont évalué le reten-
notamment en France [20]. tissement de la grossesse sur l’évolution de l’HAI (Tableau 3).
L’évolution de l’infection est habituellement favorable. Aucune malformation fœtale liée au traitement immunosup-
Cependant, c’est surtout au cours de la grossesse que le virus peut presseur maternel n’était constatée, l’azathioprine notamment
être responsable d’atteintes sévères. Une étude récente regrou- pouvant être poursuivie pendant la grossesse sans risque pour
pant 132 cas d’hépatite virale E survenue chez des femmes la mère ou l’enfant [29]. Cette innocuité de l’azathioprine
enceintes retrouvait une hépatite fulminante dans 55 % des pendant la grossesse contraste avec une étude danoise [30]
cas, celle-ci étant plus fréquente lorsque l’infection survenait concernant des patientes ayant une maladie de Crohn, certaines
au cours du dernier trimestre de la grossesse [21]. La morta- ayant été traitées par azathioprine ou 6-mercaptopurine qui est
lité maternelle globale était de 41 % et atteignait 74 % en cas un métabolite de l’azathioprine. Cette étude met en évidence
d’hépatite fulminante [21]. L’infection par le virus de l’hépatite un taux de malformation fœtale de 15,4 % ainsi qu’un risque
E était également responsable de morts fœtales et de prématu- d’accouchement prématuré en partie lié à l’activité de la mala-
rité. Il est donc déconseillé aux femmes enceintes de voyager en die [30]. La 6-mercaptopurine étant hépatotoxique, elle n’est pas
zone d’endémie. utilisée dans le traitement de l’HAI et cette molécule est habi-
tuellement contre-indiquée au cours de la grossesse. On ne peut
3.1.6. Autres virus hépatotropes exclure que le taux de malformation fœtale rapporté dans cette
Les Herpes simplex virus (HSV) 1 et 2 peuvent être rare- étude soit en partie lié à l’emploi de cette molécule. Notons
ment responsables d’une atteinte hépatique. Norvell et al. [22] enfin, qu’un risque accru d’infection maternofœtale, en parti-
ont récemment rapporté 137 cas d’hépatites liées à HSV, parmi culier à CMV, est possible en raison de l’immunosuppression
lesquels 32 étaient survenus chez des femmes enceintes. Des induite par le traitement [29].
vésicules herpétiques n’étaient retrouvées que dans 44 % des Dans le travail de Schramm et al. [26], un risque de
cas [22]. Le diagnostic doit donc être suspecté devant une fièvre fausse couche spontanée ou d’accouchement prématuré était

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Tableau 3
Hépatite auto-immune et grossesse.
Auteur Nombre de Nombre de Nombre de Nombre de grossesses avec poussées (%) Morbidité maternelle
patientes grossesses naissances vivantes
Pendant la grossesse Après l’accouchement

Candia et al. [28] 58 101 82a 35 (35) 12 (12) 2 DC


(revue littérature) 1 transplantation
Werner et al. [25] 35 63b 62 6 (10) 18 (29) NR
Schramm et al. [26] 22 42 35 9 (21) 22 (52) 1 DC
1 transplantation

NR : non renseigné ; DC : décès.


a Parmi ces enfants, quatre sont décédés en période néonatale.
b Les fausses couches ne sont pas clairement comptabilisées dans ce travail (étude rétrospective par questionnaires). L’article de Heneghan et al. [27] est inclus

dans la revue de Candia et al. [28].

significativement associé à la présence d’anticorps anti-Ro/SSA 3.2.3. Cholangite sclérosante primitive


et SLA/LP chez la mère. Le diagnostic de cholangite sclérosante primitive repose sur
L’évolution de l’HAI chez les femmes enceintes est imprévi- une cholestase chronique associée à une cholangite fibreuse et
sible, des poussées pouvant survenir au cours de la grossesse oblitérante sur la biopsie hépatique, des anomalies des voies
ou dans le postpartum. Pour certains auteurs [26], il existe- biliaires sur l’imagerie et l’association possible à une colite
rait un phénomène d’immunotolérance au cours de la grossesse inflammatoire.
qui expliquerait la stabilité, voire la normalisation du taux Quelques grossesses ont été rapportées dans ce contexte
de transaminases chez certaines patientes enceintes, parfois [32]. Le prurit était souvent majoré en raison de l’imprégnation
sans traitement immunosuppresseur. Les rechutes, fréquentes hormonale, l’AUDC, utilisé après le premier trimestre, ayant
dans le postpartum, pourraient être en partie expliquées par alors une efficacité inconstante [32]. Les enzymes hépa-
la diminution des traitements pendant la grossesse (du fait tiques restaient normales dans 13 grossesses sur 14 rapportées
d’une amélioration du bilan hépatique ou par crainte d’un [32].
effet malformatif) [25]. Ces poussées pourraient être prévenues
par une majoration précoce des traitements en postpartum. En 3.3. Hépatopathies de surcharge
l’absence de facteurs prédictifs de rechute, une surveillance rap-
prochée de ces patientes est donc nécessaire mais non codifiée 3.3.1. Maladie de Wilson
[25]. La maladie de Wilson est une affection génétique autoso-
mique récessive qui est liée à un défaut d’excrétion du cuivre.
3.2.2. Cirrhose biliaire primitive L’accumulation du cuivre dans le foie conduit à une cirrhose.
La cirrhose biliaire primitive (CBP) est une maladie rare dont Le traitement repose sur des chélateurs du cuivre, principale-
le diagnostic repose sur la présence d’une cholestase chronique ment la d-pénicillamine, moins fréquemment la trientine ou sur
(PAL > 1,5N ou GGT > 3N) associée à une cholangite destruc- l’acétate de zinc [33]. Ces traitements peuvent être poursuivis
trice lymphocytaire sur la biopsie hépatique et à des anticorps chez la femme enceinte et permettent d’obtenir des grossesses
antimitochondries de type M2. Cette maladie peut être révélée ou sans particularités [33]. En revanche, il existe un risque élevé
aggravée par la grossesse en raison des perturbations hormonales d’hémolyse et d’insuffisance hépatocellulaire en cas d’arrêt du
[7]. traitement [33].
Poupon et al. [31] ont rapporté neuf grossesses chez six
patientes atteintes de CBP traitées par AUDC, sauf pendant le 3.3.2. Hémochromatose génétique
premier trimestre de la grossesse en raison d’une potentielle téra- L’hémochromatose génétique est une affection autosomique
togénicité à ce terme. Le déroulement des grossesses était sans récessive qui aboutit à une hyperabsorption du fer. Cette sur-
particularité et les neuf enfants étaient en bonne santé à l’âge de charge hépatique en fer peut conduire à une cirrhose. Les femmes
quatre ans. Concernant la CBP, une rémission complète clinique en âge de procréer sont relativement protégées de la cirrhose en
et biologique était constamment observée pendant la grossesse raison des pertes liées aux menstruations. La grossesse n’est pas
avec une rechute dans les trois mois du postpartum et un retour contre-indiquée chez les patientes atteintes. Il n’y a pas de lien
à l’état basal à un an dans sept cas. avec l’hémochromatose néonatale qui est une pathologie fœtale
En pratique, il est délicat d’arrêter l’AUDC chez une jeune ou néonatale se traduisant par une insuffisance hépatique et dont
femme ayant une CBP bien contrôlée par ce traitement et ayant l’étiologie est allo- ou auto-immune.
un désir de grossesse. Le risque tératogène n’ayant été démon-
tré que chez l’animal et à très fortes doses, la poursuite de 3.3.3. Maladie de Fabry, maladie de Gaucher
l’AUDC est habituellement autorisée pendant toute la grossesse. La maladie de Fabry est une maladie de surcharge touchant
L’allaitement n’est pas contre-indiqué sous AUDC. le foie, liée à un déficit en ␣-galactosidase A. Une grossesse

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normale a été rapportée chez une patiente recevant un traitement L’adénome hépatique est hormonosensible et se développe
substitutif [34]. chez les femmes utilisant une contraception orale. Sa croissance
La maladie de Gaucher est due à un déficit en glucocérébro- peut être accélérée par les estrogènes au cours de la grossesse
sidase. Des grossesses, avec et sans traitement substitutif, sont [40]. La résection des lésions de taille supérieure à 5 cm est
rapportées [35]. habituellement recommandée pour éviter l’hémorragie qui est
la principale complication. La résection chirurgicale est pos-
3.4. Autres hépatopathies sible jusqu’au deuxième trimestre de la grossesse [40]. Une
surveillance adaptée est nécessaire, y compris dans le postpar-
3.4.1. Lithiase biliaire tum [40].
La lithiase et le sludge vésiculaires sont plus fréquents au Les tumeurs hépatiques malignes peuvent être primitives
cours de la grossesse. Les estrogènes augmentent la concen- (carcinome hépatocellulaire et cholangiocarcinome) ou secon-
tration en cholestérol de la bile et la progestérone diminue la daires. La grossesse aggrave le pronostic du carcinome
vidange vésiculaire [8]. Les petits calculs vésiculaires peuvent hépatocellulaire [40]. Cela serait dû à une sensibilité de
disparaître après l’accouchement [36]. La cholécystite aiguë est cette tumeur aux estrogènes ou à l’immunotolérance liée à la
préférentiellement traitée par antibiothérapie, le recours à la chi- grossesse. Le mauvais pronostic des tumeurs malignes diagnos-
rurgie par voie laparoscopique est toutefois possible pendant les tiquées au cours de la grossesse fait discuter une interruption de
deux premiers trimestres [37]. La cholangiopancréatographie celle-ci afin de traiter la lésion [40].
rétrograde endoscopique avec sphinctérotomie est envisageable
au cours de la grossesse en cas de complication de la lithiase 3.4.6. Cirrhose
vésiculaire [3]. Les grossesses sont peu fréquentes au cours de la cirrhose
en raison d’une diminution de la fertilité liée à une dysfonction
3.4.2. Hépatites médicamenteuses hypothalamohypophysaire [8]. Toutefois, la cirrhose, si elle est
Des hépatites médicamenteuses cytolytiques, cholestatiques compensée, n’est pas une contre-indication à la grossesse.
ou mixtes peuvent se voir au cours de la grossesse. Elles peuvent Chez la femme enceinte, la principale complication de
être liées à un médicament prescrit au cours de la grossesse, la cirrhose est la rupture de varices œsophagiennes liées à
comme la méthyldopa qui est utilisée dans l’hypertension arté- l’hypertension portale [8], principalement pendant le troisième
rielle gravidique, ou à des antibiotiques. Il est fréquent (30 à trimestre. La prévention primaire repose sur les bêtabloquants,
50 % des cas) d’observer une élévation transitoire des transami- principalement le propanolol et le nadolol qui sont utilisables en
nases lors de l’institution d’un traitement par héparine de bas cours de grossesse et pendant l’accouchement et/ou la ligature
poids moléculaire. La recherche de prise médicamenteuse est endoscopique. En cas d’hémorragie digestive, la ligature endo-
donc indispensable si une hépatopathie survient au cours de la scopique est possible [8]. La vasopressine peut conduire à une
grossesse. ischémie placentaire et à des nécroses distales chez le fœtus et
est donc contre-indiquée en cours de grossesse [8]. En l’absence
3.4.3. Infection urinaire de données spécifiques, la présence d’un cavernome portal n’est
Une infection urinaire peut entraîner ou aggraver une cho- pas une contre-indication à la grossesse.
lestase [7]. Un examen cytobactériologique des urines doit donc
être systématique chez une femme enceinte ayant une cholestase. 3.4.7. Transplantation hépatique
La transplantation hépatique permet de restaurer la ferti-
3.4.4. Thrombose des vaisseaux hépatiques lité chez les femmes atteintes de cirrhose en âge de procréer.
La grossesse est associée à un état d’hypercoagulabilité : le Il est recommandé d’attendre un an après la transplantation
taux de certains facteurs de coagulation augmente, notamment avant une grossesse pour limiter le risque de prématurité,
les facteurs I, VII, VIII et X. Un épisode thrombotique veineux d’hypertension artérielle gravidique et de rejet du greffon [41].
survient dans 0,1 % des grossesses [38] et peut se traduire par Les traitements immunosuppresseurs comme le tacrolimus, la
un syndrome de Budd-Chiari qui correspond à la thrombose ciclosporine ou l’azathioprine peuvent être poursuivis sans
d’une ou de plusieurs veines sus-hépatiques, plus rarement par complication maternofœtale en dehors d’une augmentation de
une thrombose de la veine porte. Un traitement par héparine de fréquence de l’hypertension artérielle et de la prééclampsie
bas poids moléculaire à dose efficace doit alors être prescrit en associée à l’utilisation de la ciclosporine [41]. En revanche, le
milieu spécialisé [39]. mycophénolate mofétil est contre-indiqué en raison notamment
de la survenue de malformations de l’oreille. Les fonctions du
3.4.5. Tumeurs hépatiques greffon ne sont pas modifiées par la grossesse [41].
La plupart des tumeurs diagnostiquées pendant la gros-
sesse sont bénignes [40]. Les principales tumeurs bénignes 4. Conclusion
du foie sont l’hémangiome, l’hyperplasie nodulaire focale et
l’adénome. La découverte de ces lésions est souvent fortuite. Une cytolyse ou une cholestase au cours de la grossesse
L’hémangiome et l’hyperplasie nodulaire focale se compliquent doit alerter le praticien et conduire à réaliser un bilan exhaustif
rarement et ne sont pas des contre-indications à la grossesse rapide. L’âge gestationnel peut aider à différencier les hépatopa-
[40]. thies (Tableau 2) : hyperemesis gravidarum au premier trimestre,

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CIG commençant au deuxième trimestre et syndrome HELLP [19] Grange JD, Antoine JM, Amiot X. Virus de l’hépatite C et grossesse.
dans la seconde moitié de la grossesse. Les hépatites virales Gastroenterol Clin Biol 1999;23:1033–9.
peuvent survenir à tous les stades mais sont plus sévères au [20] Buisson Y, Nicand E. Hépatite E autochtone en France. Bull Acad Natl
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troisième trimestre. Enfin, une hépatopathie chronique n’est pas [21] Patra S, Kumar A, Trivedi SS, Puri M, Sarin SK. Maternal and fetal out-
une contre-indication à la grossesse. Cette grossesse doit toute- comes in pregnant women with acute hepatitis E virus infection. Ann Intern
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Pour citer cet article : Delluc C, et al. Pathologies hépatiques et grossesse. Rev Med Interne (2008), doi:10.1016/j.revmed.2008.09.012
Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com

Gynécologie Obstétrique & Fertilité 36 (2008) 773–775


http://france.elsevier.com/direct/GYOBFE/

Cas clinique
Place de la sismothérapie dans la prise en charge
des dépressions graves de la grossesse
Use of sismotherapy during pregnancy for severe depression
P.-F. Ceccaldi a,*, C. Dubertret b, H. Keita c, L. Mandelbrot a
a
Service de gynécologie–obstétrique, CHU Louis-Mourier, Assistance publique–Hôpitaux de Paris (AP–HP),
université Paris-VII, 178, rue des Renouillers, 92700 Colombes, France
b
Service de psychiatrie, CHU Louis-Mourier, Assistance publique–Hôpitaux de Paris (AP–HP),
université Paris-VII, 178, rue des Renouillers, 92700 Colombes, France
c
Département d’anesthésie–réanimation, CHU Louis-Mourier, Assistance publique–Hôpitaux de Paris (AP–HP),
université Paris-VII, 178, rue des Renouillers, 92700 Colombes, France
Reçu le 15 janvier 2008 ; accepté le 3 juin 2008
Disponible sur Internet le 23 juillet 2008

Résumé
L’électro-convulsivothérapie (ECT) ou la sismothérapie est une option thérapeutique chez les patients présentant des dépressions graves. Elle
consiste à provoquer une crise comitiale, sous brève anesthésie générale avec curarisation. Sa réalisation au cours de la grossesse est un événement
peu fréquent et mal évalué. Une primigeste ayant pour antécédent un trouble bipolaire présenta un épisode dépressif majeur au cours du deuxième
trimestre, modestement amélioré par traitement médical. Une sismothérapie fut réalisée (dix séances prévues de 26 à 30 semaines d’aménorrhée
[SA]), après accord de la patiente. Une nette amélioration de son état a été constatée dès les premières séances. En raison d’ une menace
d’accouchement prématuré (MAP), la dernière séance ne fut pas réalisée. La patiente bénéficia d’un traitement médical antidépresseur dans le mois
précédant l’accouchement. À 36 SA, l’accouchement fut naturel et rapide, d’un enfant bien portant (3120 g, Apgar 10-10-10). La relation mère–
enfant fut bonne. Si la littérature est rassurante, il a été récemment rapporté le cas d’un enfant présentant de multiples infarctus cérébraux chez une
patiente prééclamptique ayant bénéficié d’une sismothérapie. C’est pourquoi la survenue de toute pathologie obstétricale surajoutée (prééclampsie,
menace d’accouchement prématuré) doit faire rediscuter cette option thérapeutique. Compte tenu des complications possibles, elle exige une
surveillance stricte de la grossesse en milieu hospitalier.
# 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Abstract
Electroconvulsive therapy (ECT), also known as electroshock, is a treatment option for patients with severe depression. It involves inducing a
comitial crisis under short general anesthesia with curarization. Its use during pregnancy is a rare event and a poorly studied one. A primigravida
with a prior bipolar disorder presented a major depressive episode during the second trimester, slightly improved by medical treatment.
Electroshocks were performed (10 sessions planned from 26 to 30 weeks of amenorrhea [WA]), with the agreement of the patient. A marked
improvement in her condition was recorded in the early sessions. Following a threat of premature birth, the last session was not carried out. She
received antidepressant medical treatment in the months preceding childbirth. At 36 WA, the birth was natural and fast to a healthy child (3120 g,
Apgar 10-10-10). The mother–child relationship was good. Even if publications are reassuring, the case of a child with multiple cerebral infarctions
in a preeclamptic patient was recently reported. The occurrence of any superimposed obstetrical pathology (preeclampsia, premature delivery)
should revise this treatment. Given the possible complications, it requires strict supervision of the pregnancy in a hospital setting.
# 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Sismothérapie ; Dépression ; Grossesse

Keywords: Electroconvulsive therapy; Depression; Pregnancy

* Auteur correspondant.
Adresse e-mail : pfceccaldi@gmail.com (P.F. Ceccaldi).

1297-9589/$ – see front matter # 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.gyobfe.2008.06.009
774 P.-F. Ceccaldi et al. / Gynécologie Obstétrique & Fertilité 36 (2008) 773–775

1. Introduction pas sa réalisation [4]. Elle peut être utilisée tout au long de la
grossesse. Il est conseillé une surveillance du fœtus lors de
Une dépression au cours de la grossesse peut être source de chaque séance de sismothérapie et lors du réveil maternel. Les
complications tant pour la mère que pour l’enfant si elle n’est situations à risque obstétrical ou la proximité du terme
pas traitée : malnutrition, menace d’accouchement prématuré demandent un monitorage accru, et la présence d’un obsté-
(MAP), consommation de toxiques, violence, suicide. . . tricien est souhaitable lors des séances de sismothérapie. Les
Récemment, certaines études ont rapportées l’existence de récentes recommandations professionnelles pour le suivi et
malformations congénitales ainsi que des complications l’orientation des femmes enceintes en fonction des situations à
néonatales (troubles respiratoires et métaboliques, convulsions, risque identifiées envisagent pour les maladies psychiatriques
prématurité) sous antidépresseurs [1,2]. sévères (schizophrénie, troubles bipolaires et syndromes
La sismothérapie est un traitement éprouvé en pathologie dépressifs sévères), le suivi en structure adaptée avec la
psychiatrique [3]. C’est une alternative en cas d’échec ou nécessité d’un avis d’un gynécologue–obstétricien [5]. Dans
d’intolérance au traitement médical. Elle peut être aussi notre observation, la grossesse était anticipée par l’arrêt de tout
proposée en urgence lorsqu’il existe un risque vital à court traitement médical et la poursuite du suivi psychiatrique.
terme (idées suicidaires, dénutrition). Réalisée sous brève L’instauration des séances de sismothérapie exige l’accord
anesthésie générale et curarisation, elle consiste à provoquer de la patiente avant chaque séance. L’innocuité et la bonne
une crise comitiale généralisée, plusieurs séances étant tolérance fœtale de cette thérapie reposent sur d’anciennes
nécessaires. Ses contre-indications sont celles de l’anesthésie études. Repke et Berger suggèrent que c’est un traitement de
générale et de l’hypertension intracrânienne. Une observation, choix pour les patientes présentant une dépression sévère lors
ainsi qu’une revue récente de la littérature permettront de de la grossesse et Abrams semble le préférer aux traitements
discuter les indications et les risques chez la femme enceinte. médicamenteux [6,7]. Les effets indésirables (Tableau 1)
rapportés chez la femme enceinte sont le fait d’observations
2. Cas clinique éparses. Miller et al. publièrent en 1994 la revue de la littérature
la plus importante à ce jour de femmes enceintes ayant
Madame F., 28 ans, primigeste, avait pour antécédent un bénéficié d’une électro-convulsivothérapie [8]. Ils rapportèrent
trouble bipolaire depuis l’âge de 16 ans. Un traitement par sur une série de 300 patientes, de 1942 à 1991, 9,3 % de
venlafaxine et paroxétine fut instauré lors d’une hospitalisation complications (28 patientes). Les anomalies du rythme
pour un syndrome dépressif sévère et idées suicidaires. Ce cardiaque fœtal sont les plus fréquentes [9]. Cinq fausses
traitement fut interrompu 11 mois plus tard en vue d’une couches spontanées sont rapportées, soit 1,6 % des cas. Trois
grossesse. Au cours du deuxième trimestre, elle présenta un décès néonatals sont décrits, deux présentaient une pathologie
épisode dépressif majeur, nécessitant une hospitalisation et associée. Une patiente avait un premier traitement comportant
l’instauration d’un traitement par clomipramine 100 mg/j et huit séances de coma hypoglycémique induit par insulino-
chlorpromazine. thérapie et présentait une importante perte de poids et des
À l’apparition d’une hypotension orthostatique invalidante et vomissements, la deuxième était à distance de la sismothérapie
devant l’absence d’efficacité thérapeutique, une électro-convul- avec une fin de grossesse compliquée sans autre précision, et le
sivothérapie (ECT) fut proposée en dix séances prévues de 26 à troisième enfant est mort d’une surinfection pulmonaire
30 semaines d’aménorrhée (SA), avec l’accord de la patiente et compliquant une malformation kystique adénomatoı̈de congé-
de sa famille. L’anesthésie générale comporta de l’étomidate, du nitale du poumon. Récemment, Pinette et al. s’interrogèrent sur
propofol et une courte curarisation par suxaméthonium. Une le cas d’un enfant présentant de multiples infarctus cérébraux
surveillance du rythme cardiaque fœtal (RCF) était réalisée au décours d’une électro-convulsivothérapie se déroulant
avant et après chaque séance de sismothérapie. Une nette pendant toute la grossesse chez une patiente présentant une
amélioration clinique fut observée. Devant une menace prééclampsie à 36 SA [10].
d’accouchement prématuré, la dixième et dernière séance ne
put être réalisée. La patiente bénéficia d’un traitement par Tableau 1
fluoxétine dans le mois précédant l’accouchement. Complications fœtomaternelles décrites chez des patientes bénéficiant d’une
sismothérapie [8,10,12]
À 36 SA, elle donna naissance par voie basse, rapidement sous
analgésie péridurale, à un foetus de sexe féminin, bien portant Premier trimestre Deuxième trimestre Troisième trimestre
(3120 g, Apgar 10-10-10), sans syndrome de sevrage dans les Métrorragies Métrorragies Contractions utérines
heures suivant la naissance. La relation mère–enfant fut bonne et Fausse couche spontanée Fausse couche tardive Accouchement
la patiente reprit un traitement thymorégulateur en post-partum. prématuré
Kystes pulmonaires Décès néonatal Douleurs abdominales
Le suivi neurologique de l’enfant ne révéla aucune anomalie.
Hématurie Placenta praevia
Hypertélorisme, atrophie Infarctus cérébraux
3. Discussion optique, retard mental
Pied bot, difficulté
Les recommandations des indications et modalités de respiratoire
Cécité
l’électro-convulsivothérapie de 1998 rappellent que si la
Bradycardie fœtale
grossesse est une situation particulière, elle ne contre-indique
P.-F. Ceccaldi et al. / Gynécologie Obstétrique & Fertilité 36 (2008) 773–775 775

Il est difficile d’établir une causalité entre les évènements tant le suivi prospectif des femmes enceintes bénéficiant d’une
rapportés et la sismothérapie. Son efficacité n’est pas remise en sismothérapie.
cause lors de la grossesse, mais son implication dans les faits
décrits reste non prouvée. Ainsi, si le lien entre la menace Références
d’accouchement prématuré de notre patiente et la sismo-
thérapie demeure incertain, cette complication obstétricale eut [1] Bar-Oz B, Einarson T, Einarson A, et al. Paroxetine and congenital
pour conséquence d’interrompre les séances et de reprendre un malformations: meta-analysis and consideration of potential confounding
factors. Clin Ther 2007;29:918–26.
traitement médical. Richards suggère dans l’éditorial accompa- [2] Davis RL, Rubanowice D, McPhillips H, et al. Risks of congenital
gnant l’observation de Pinette que le risque maternofœtal est malformations and perinatal events among infants exposed to antidepres-
probablement plus important en l’absence de traitement que sant medications during pregnancy. Pharmacoepidemiol Drug Saf
celui non évalué de la sismothérapie, voire de celui des 2007;16:1086–94.
[3] Lisanby SH. Electroconvulsive therapy for depression. N Engl J Med
antidépresseurs qui repose sur des études pharmacologiques
2007;357:1939–45.
[11]. Il conclut que si la littérature se veut rassurante, la [4] Collectif. Recommandations pour la pratique clinique : indications et
sismothérapie doit être envisagée comme l’alternative d’un modalités de l’électroconvulsivothérapie. HAS; 1998.
traitement médical jugé inefficace ou lors de formes [5] Collectif. Recommandations professionnelles : suivi et orientation des
particulièrement graves de dépression. Nous ajoutons à sa femmes enceintes en fonction des situations à risque identifiées. HAS; 2007.
réflexion que la sismothérapie se doit d’être rediscutée lors de la [6] Repke JT, Berger NG. Electroconvulsive therapy in pregnancy. Obstet
Gynecol 1984;63:39S–41S.
survenue d’une pathologie obstétricale surajoutée (prééclam- [7] Abrams R. Electroconvulsive Therapy. New York: Oxford University
psie, menace d’accouchement prématuré) et la reprise d’un Press; 2002.
traitement médical évoquée dans ce cas. [8] Miller LJ. Use of electroconvulsive therapy during pregnancy. Hosp
Community Psychiatry 1994;45:444–50.
[9] DeBattista C, Cochran M, Barry JJ, Brock-Utne JG. Fetal heart rate
4. Conclusion decelerations during ECT-induced seizures: is it important? Acta Anaes-
thesiol Scand 2003;47:101–3.
La sismothérapie est une alternative au traitement médical, [10] Pinette MG, Santarpio C, Wax JR, Blackstone J. Electroconvulsive
sous réserve d’une réévaluation de son indication en présence therapy in pregnancy. Obstet Gynecol 2007;110:465–6.
[11] Richards DS. Is electroconvulsive therapy in pregnancy safe? Obstet
de tout nouvel événement obstétrical. En l’absence de Gynecol 2007;110:451–2.
perspective d’un essai thérapeutique difficilement réalisable, [12] Kasar M, Saatcioglu O, Kutlar T. Electroconvulsive therapy use in
une alternative acceptable serait d’établir un registre compor- pregnancy. J ECT 2007;23:183–4.
Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com

Nutrition clinique et métabolisme 22 (2008) 100–107

Article original

Prévalence de l’anémie ferriprive au cours de la grossesse dans la wilaya


de Blida (Nord de l’Algérie)
Prevalence of iron deficiency anaemia during pregnancy
in Blida (north of Algeria)
Arezki Bitam ∗ , Naima Belkadi
Département de biologie, faculté des sciences agrovétérinaires et biologique, université Saad Dahleb-Blida, Blida, Algérie
Reçu le 14 avril 2008 ; accepté le 19 juillet 2008
Disponible sur Internet le 11 septembre 2008

Résumé
Notre étude a été réalisée chez 90 femmes enceintes, qui sont équitablement réparties en trois groupes (30 femmes de trois mois de grossesse,
30 femmes de six mois de grossesse et 30 autres femmes de neuf mois de grossesse), venues en consultation prénatale dans un laboratoire privé
ainsi qu’au niveau de l’hôpital de Blida, prés d’Alger. La carence martiale au cours de cette étude est de 10 % pour le groupe G1 et G2 et G3
respectivement. À l’issue de ce travail, il ressort également une prévalence de l’anémie de (10 %, 33,33 %, 46,66 %) respectivement pour les
femmes de trois, six et neuf mois de grossesse. On remarque que la prévalence de l’anémie est d’autant plus élevée que l’âge de la grossesse
est avancé. Ainsi, le défaut de la supplémentation martiale est d’après notre étude un facteur majeur dans l’apparition de l’anémie. Cependant, il
apparaît indispensable d’envisager un programme de supplémentation systématique en fer á partir du second trimestre de la grossesse.
© 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Abstract
The study was carried out among 90 pregnant women divided equitably into three groups (30 pregnant women of three months and 30 of pregnant
women of six months, 30 of other pregnant women of nine months) recruited at the hospital and a private laboratory located at Blida near Algiers.
The definite World Health Organisation anemia at the pregnant women showing lower rate has 11 g/dl. The prevalence of martial deficiency is 10%
for groups G1 and G2 and G3 respectively. The results showed us a high prevalence of anaemia (10%, 33.33%, 46.66%) for the three, six and nine
month of pregnancy. The prevalence of anaemia is all the more high as the age of the pregnancy is more advanced. However, it appears essential
to consider a program of systematic iron supplementation from the second quarter of the pregnancy.
© 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Carence nutritionnelle ; Fer ; Hémoglobine ; Supplémentation martiale

Keywords: Haemoglobin; Nutritional deficiency; Iron; Martial supplementation

Les anémies de la femme enceinte sont fréquentes d’une Selon l’OMS l’anémie est définie par un taux d’hémoglobine
manière générale et dépendent en partie du statut nutritionnel inférieur à 11 g/dl pendant la grossesse et inférieur à 10 g/dl dans
de la population. Dans les pays développés, elles touchent 10 à la phase du postpartum [2]. En sa présence, les ajustements de
20 % des femmes de milieux aisés et plus de 30 % des femmes l’organisme maternel à la grossesse (adaptation volumique, car-
de milieux défavorisés [1]. diovasculaire, coagulation, coagulolytique) et la mise en jeu des
mécanismes de défense au cours des agressions de tout ordres
(bactériologiques, parasitaires, hémorragiques, chirurgicales,
etc.) sont profondément altérés, elles contribuent directement ou

indirectement à majorer le taux de mortalité maternel et néonatal
Auteur correspondant.
Adresse e-mail : bitam a@yahoo.fr (A. Bitam).
au cours de la période gravidopuerpérale [3].

0985-0562/$ – see front matter © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.nupar.2008.07.005
A. Bitam, N. Belkadi / Nutrition clinique et métabolisme 22 (2008) 100–107 101

Dans les pays en voie de développement et particulièrement discriminatif d’England « IDE », Mentzer « IDM » et de Binet
en Afrique saharienne où le fer alimentaire est peu biodispo- « IDB ».
nible [4,5]. La déficience en fer reste la cause la plus principale Indice discriminatif d’England « IDE » :
de l’anémie, spécialement chez les femmes en âge de pro-
IDE = VGM − GR − (5 × Hb) − 3, 4
créer. L’anémie peut aussi résulter d’autres causes parmi elles
la déficience en folates, en vitamine B12 et en vitamine B6. Indice discriminatif de Mentzer « IDM » :
De nombreuses études ont mis en évidence l’association entre VGM
l’anémie durant la grossesse et les accouchements précoces et IDM =
GR
les avortements [6,7].
Des études ont montré qu’il existait une relation entre l’âge, Indice discriminatif de Binet « IDB » :
la classe socioéconomique, le travail, l’éducation des parents et IDB = (0, 0379 × VGM) + GR − 1, 8
l’apparition de l’anémie par déficience en fer [8,9].
Par conséquent, il est nécessaire de déterminer la prévalence Les prélèvements sur tubes secs ont subi une centrifugation à
de l’anémie chez les femmes enceintes et de préconiser une 3000 tours/min pendant dix minutes afin de recueillir le plasma
stratégie de prévention. C’est dans ce but que nous avons mené servant à déterminer le taux de fer sérique (fer.s) et du TIBC,
la présente étude. tous deux évalués par des méthodes colorimétriques par points
finaux, à l’aide d’un spectrophotomètre.
1. Matériel et méthodes On calcule la capacité de fixation des sites insaturés « UIBC »,
la transferrine ou sidérophiline, le coefficient de saturation de
1.1. Population la transferrine « Csat », ainsi que la capacité totale de fixa-
tion du fer par la transferrine « TIBC ». À l’aide des formules
L’étude suivante a été mené durant la période de mars à suivantes :
 μg   μg 
juin 2006 dans la wilaya de Blida (Nord de l’Algérie). Quatre- UIBC = TIBC − concentration en fer.s
vingt-dix femmes enceintes venues en consultation prénatale dl dl
sont recrutées au niveau du CHU de Ben-Boulaid et du labo-  mg  TIBC(μg)
ratoire d’analyses médicales privé situés tous deux dans la Transferrine =
wilaya de Blida. Ces femmes ont été réparties en trois groupes : dl 1, 2
30 femmes enceintes de trois mois de grossesse (groupe G1),
concentration en fer.s
30 femmes de six mois de grossesse (groupe G2) et 30 autres Csat(%) =
femmes de neuf mois (groupe G3). TIBC × 100
Le plasma recueilli sert aussi à l’évaluation de la protéine C
1.2. Mesures pondérales réactive « CRP » ; à l’état normal la valeur de la CRP est infé-
rieure à 6 mg/l, on conclut alors à une absence d’inflammation.
Ces femmes ont fait l’objet d’un questionnaire anonyme
comportant des données cliniques : âge, poids, taille, parité, afin 1.3. Analyses statistiques
d’établir une moyenne et de calculer l’indice de masse corporelle
(IMC) : L’étude statistique permettant le calcul des moyennes, des
  écart-types à été effectué. Un test de Levenne à p < 0,05 à
kg Poids(kg)
IMC = été réalisé a l’aide du logiciel XLSTAT 2006 permettant la
m2 Taille2 (m2 ) comparaison des variances entre les trois échantillons étudiés.
D’autres renseignements ont été noté : l’espacement inter- Une étude de corrélation permettant de corréler les paramètres
génésique, la classe sociale, le type de contraception, la prise hématobiochimiques entre eux dans les différents groupes
thérapeutique et enfin la pathologie (les femmes présentant des étudiés. Aussi le test de Student t à p < 0,05 permettant la compa-
pathologies sont exclues de l’étude). raison des moyennes des paramètres hématobiochimiques entre
Chacune de ces femmes a subi un prélèvement sanguin de les différents groupes.
10 ml. Le sang recueilli sur des sujets à jeun par voix veineuse
a été réparti dans des tubes secs et tubes avec EDTA. 2. Résultats
Le sang sur tube avec EDTA a été utilisé dans la détermination
de la formule et numération sanguine (FNS). Cet examen a été Les 90 femmes étudiées ont été réparties en trois groupes
réalisé à l’aide d’un appareil (Coulter type Beckman) qui compte à nombre équivalent, 30 femmes de trois mois de grossesse,
les différents éléments cellulaires du sang : globules rouges, glo- 30 autres femmes de six mois de grossesse, et enfin 30 femmes de
bules blancs, l’hémoglobine, l’hématocrite, plaquettes, ainsi que neuf mois de grossesse, les caractéristiques de ces trois groupes
les indices hématologiques (VGM, TGMH, CCMH). Ce qui sont consignées dans le Tableau 1.
permet la classification des anémies et d’orienter parfois leur Le Tableau 1 montre les moyennes ainsi que les écart-types
traitement. des paramètres anthropométriques chez les différents groupes
Les différents paramètres évalués par le Coulter nous a permis étudiés. Le test de Levene montre qu’il n’existe aucune dif-
également de calculer les indices discriminatifs que sont l’indice férence significative (DNS) entre les variances des différents
102 A. Bitam, N. Belkadi / Nutrition clinique et métabolisme 22 (2008) 100–107

Tableau 1
Caractéristiques des femmes étudiées
3 mois (moyenne ± ET) 6 mois (moyenne ± ET) 9 mois (moyenne ± ET) Test de Levene

Âge (ans) 27,5 ± 5,6 31,3 ± 4,8 28,3 ± 5,1 DNS


Poids (kg) 65,1 ± 11,1 68,5 ± 9,0 69,5 ± 8,0 DNS
Taille (cm) 163,0 ± 6,7 167,1 ± 7,6 167,5 ± 6,6 DNS
IMC (kg/cm2 ) 24,5 ± 4,13 24,5 ± 3,34 25,9 ± 4,09 DNS

DNS : différence non significative.

Tableau 2
Les caractéristiques hématobiochimiques des femmes dans les différents groupes étudiés

Âge de la grossesse 3 mois 6 mois 9 mois

Nombre % Nombre % Nombre %

Hb : (g/dl)
Hb < 7 0 0 0 0 0 0
7 ≤ Hb < 9 3 10 1 3 3 10
9 ≤ Hb < 11 6 20 9 30 11 37
11 ≤ Hb 21 70 20 67 16 53
Fer sérique (␮g/dl)
Fer sérique < 50 4 13 4 13 4 13
50 ≤ fer sérique ≤ 100 19 64 21 70 19 64
100 ≤ fer sérique 7 23 5 17 7 23
TIBC (␮g/dl)
TIBC < 250 5 17 3 10 2 7
250 < TIBC < 400 15 50 16 53 16 53
400 < TIBC 10 33 11 37 12 40

paramètres étudiés, les indices de masses corporelles (IMC) La détermination du taux de fer sérique ainsi que du TIBC
du groupe des femmes du groupe G1 ainsi que les femmes du nous permet de calculer le coefficient de saturation de la trans-
groupe G2 présentent un poids santé ; les femmes du groupe G3 ferrine (Csat), ainsi que l’UIBC et également la transferrine, ce
quant à elles présentent un embonpoint. qui nous permet de déterminer les carences en fer, de l’anémie
L’OMS définit l’anémie lorsque le taux d’hémoglobine est ferriprive.
inférieur à 11 g/dl lors de la grossesse [2]. Le Tableau 2 montre La Fig. 1 montre que 10 % des femmes de trois mois, de six
les résultats hématobiochimiques des femmes sélectionnées mois et de neuf mois de grossesse respectivement présentent une
dans les trois groupes d’étude. carence en fer. La carence en fer est caractérisée par la combinai-
Le Tableau 2 montre que sur les 90 femmes étudiées, 30 % des son des trois paramètres suivants (Hb < 11 g/dl, TGMH < 27 pg
femmes issues du groupe 1 présentent un taux d’hémoglobine et un VGM, soit < 80 fl, soit > 90 fl) dans le cas suivant la fré-
inférieur à 11 g/dl, soit une anémie, 10 % de ces femmes pré- quence de carence en fer est de 10 % pour les trois groupes
sentent une anémie modérée (7 ≤ Hb < 9 g/dl) et 20 % d’entre étudiés.
elles ont une anémie légère (9 ≤ Hb < 11 g/dl) ; néanmoins, on L’anémie ferriprive quant à elle, est caractérisée par
note qu’aucune femme de ce groupe ne présente d’anémie la combinaison des trois paramètres suivants (Hb < 11 g/dl,
sévère. TGMH < 27 pg, Csat < 15 %). Au cours de cette étude, l’anémie
Pour les femmes de six mois de grossesse, la fréquence de
l’anémie est de 33 % ; parmi ces femmes, 3 % d’entre elles pré-
sentent une anémie modérée et le reste des femmes une anémie
légère (30 %).
La prévalence de l’anémie pour les femmes de neuf mois de
grossesse est de 47 %. Dix pour cent de ces femmes présentent
une anémie modérée, et le reste, 37 % présentent une anémie
légère.
La détermination des autres constantes hématologiques
(volume globulaire moyen en hémoglobine VGM, la teneur
globulaire moyenne en hémoglobine TGMH et concentra-
tion corpusculaire moyenne en hémoglobine CCMH) permet
Fig. 1. Détermination des types morphologiques des anémies chez les différents
d’évaluer l’intensité et le type des anémies. groupes étudiés.
A. Bitam, N. Belkadi / Nutrition clinique et métabolisme 22 (2008) 100–107 103

ferriprive chez les femmes de trois mois de grossesse est estimée

thalassémique
à 10 %, pour les femmes de six mois de grossesse elle est de 7 %,

Syndrome
IDB > 5,7
ainsi que pour les femmes de neuf mois de grossesse.
La détermination des indices discriminatifs est une méthode

6,66

23,33
10
qui permet de distinguer une carence en fer d’un syndrome tha-
lassémique, c’est une méthode peu coûteuse, fiable et précise. Le

carencée en fer)
Tableau 3 montre le nombre ainsi que le pourcentage de femmes

IDB < 5,7 (non


selon les différents indices discriminatifs calculés.
Dans le cas présent, on note que deux, soit 6,66 % des femmes

83,33

66,66
80
de trois mois de grossesse, présentent un syndrome thalas-
sémique avec un IDB > 5,7 (le résultat du calcul des indices
discriminatifs doit cependant être confirmé par une électropho-

(carencée en fer)
rèse d’hémoglobine qui confirmera le syndrome). Le calcul des
indices discriminatifs chez les femmes de six mois de grossesse

IDB < 5,7


montre que trois femmes, soit 10 %, présentent des syndromes
thalassémiques, et enfin ce taux est de sept femmes, soit 23,33 %

10
10
10
pour les femmes de neuf mois de grossesse.
Une corrélation des paramètres hématobiochimiques ainsi

thalassémique)
que les indices discriminatifs entre eux chez les trois groupes

(syndrome
IDM < 13
étudiés montre les résultats illustrés dans le Tableau 4.
Cette étude de corrélation a été effectuée à l’aide du logiciel

0
0
0
XLSTAT 2006 à p < 0,05, le Tableau 4 illustre les fortes cor-
rélations positives et négatives entre les différents paramètres

carencée en fer)
étudiés chez les trois groupes.

IDM > 3 (non


2.1. Prévalence et sévérité de l’anémie en fonction de l’âge
des différents échantillons

90
90
90
(carencée en fer)
La Fig. 2 montre que 30 % des femmes du groupe G1 pré-
sentes ont une anémie. Dix pour cent de ces anémies sont IDM > 13
modérées et 20 % sont légères. L’anémie est plus fréquente
chez les femmes dont l’âge est inférieur à 25 ans (16,66 %
Évaluation des indices discriminatifs selon leurs propriétés dans les différents groupes étudiés

10
10
10
d’anémie) comme illustré dans la Fig. 3. Pour les femmes de
six mois de grossesse, 33,33 % des femmes présentent une ané-
mie, 3,33 % de ces femmes présentent une anémie modérée,
thalassémique)

30 % sont légères. L’anémie est plus fréquente chez les femmes


(syndrome
IDE < 0

dont l’âge est compris entre 25 et 35 ans (20 % anémie) qui sont
3,33

de type légères.
0
0

Enfin, les femmes de neuf mois de grossesse présentent une


prévalence de 47 % d’anémie (Fig. 2 et 3). Dix pour cent de
carencée en fer)

ces anémies sont modérées et 36,66 % sont légères. L’anémie


IDE > 0 (non

est plus fréquente chez les femmes dont l’âge varie entre 25 et
35 ans (23,33 %) avec 3,33 % de cas modéré, et 20 % de cas
86,66
90
90

léger, cependant l’anémie est plus sévère chez les femmes dont
l’âge est inférieur à 25 ans (16,66 %) avec 6,66 % de cas modérés
(carencée en fer)

et 10 % de cas d’anémie légère.


Dans l’ensemble, sur les 90 femmes étudiées, l’anémie est
présente avec une fréquence de 10 % chez les femmes de trois
IDE > 0

mois de grossesse. Elle est de 11 % chez les femmes de six mois


10
10
10

de grossesse, et enfin elle est plus importante chez les femmes de


neuf mois de grossesse avec une prévalence de 16 % (Fig. 4). Plu-
% des femmes (3 mois)
% des femmes (6 mois)
% des femmes (9 mois)

sieurs études ont démontré que la fréquence de l’anémie était liée


à l’âge gestationnel. Cette prévalence est d’autant plus élevée
que l’âge de la grossesse est avancé.
Tableau 3

Sur les 90 femmes étudiées, 7 % des femmes présentent une


anémie modérée et 30 % d’entres elles présentent une anémie
légère (Fig. 5).
104 A. Bitam, N. Belkadi / Nutrition clinique et métabolisme 22 (2008) 100–107

Tableau 4
Étude de corrélation des différents paramètres étudiés et dans les différents groupes

Âge de la grossesse 3 mois 6 mois 9 mois


Corrélations positives Hb : Hte (0,989), IDB (0,850) Hb : Hte (0,976), IDB (0,788) Hb : Hte (0,932), IDB (0,825)
Hte : IDB (0,854) Hte : IDB (0,795) Hte : IDB (0,772)
VGM : TGMH (0,893), IDB (0,727) VGM : TGMH (0,935), IDM (0,784) IDE : IDM (0,723)
Fer sérique : CFT (745) TGMH : IDM (0,761) TIBC : UIBC (0,975), CFT (0,982),
transferrine (0,941).
TIBC : UIBC (0,967), Csat (0,983), Fer sérique : Csat (0,732) UIBC : CFT (0,964), transferrine
transferrine (0,993) (0,911).
UIBC : Csat (0,935), transferrine TIBC : UIBC (0,969), CFT (1,000), CFT : transferrine (0,893)
(0,956) transferrine (0,998)
Csat : transferrine (0,976) UIBC : CFT (0,969), transferrine
(0,965)
CFT : transferrine (0,997)
Corrélations négatives TIBC : CFT (−0,747) UIBC : Csat (−0,748) IDM : IDB (−0,755)
UIBC : CFT (−0,879) UIBC : Csat (−0,792)
Csat : CFT (−0,707)
CFT : transferrine (−0,733)

Fig. 2. Prévalence de l’anémie chez les femmes des trois groupes en fonction de l’âge.

Fig. 3. Prévalence de l’anémie chez les femmes des trois groupes en fonction de la sévérité.

Fig. 4. Prévalence de l’anémie en fonction de l’âge de la grossesse. Fig. 5. Sévérité de l’anémie en fonction de l’âge de la grossesse.
A. Bitam, N. Belkadi / Nutrition clinique et métabolisme 22 (2008) 100–107 105

Tableau 5 gestation était présente avec une fréquence de 6,66 % dans un


Différences significatives entre les différents paramètres étudiés dans les diffé- cas de notre étude.
rents groupes
L’estimation des syndromes thalassémiques évaluée chez les
Différence significative entre les femmes de trois mois de grossesse sélectionnées au cours de
paramètres à p < 0,05 cette étude était de 6,66 %, cela dit ce résultat doit être confirmé
G1 versus G2 Hb, Hte, IDE, IDB par une électrophorèse de l’hémoglobine.
G1 versus G3 Hb, IDE, IDM, IDB À trois mois de grossesse, le fœtus ne présente pas autant de
G2 versus G3 Hb, Hte, TGMH, IDB, TIBC, besoins que pour les mois qui suivront. Cependant, la préparation
Csat, transferrine
de l’organisme maternel à une grossesse commence avant le
G1 : représente les femmes de trois mois de grossesse. début de cette dernière, des menstruations abondantes avant la
G2 : représente les femmes de six mois de grossesse. grossesse associée à une malnutrition influencent l’apparition
G3 : représente les femmes de neuf mois de grossesse.
de l’anémie menant ainsi à une mal préparation de l’organisme
maternel et pouvant augmenter le risque d’anémie.
Un test de Student t (significatif à p < 0,05) a été réalisé afin Pour les femmes de six mois de grossesse sélectionnées au
de déterminer les différences significatives entre les différents cours de cette étude la prévalence est de 33,33 % (Blida). L’OMS
paramètres hématobiochimiques et indices discriminatifs entre évalue l’anémie chez les femmes de 15 à 45 ans de six mois
les différents groupes étudiés, les résultats sont illustrés dans le de grossesse à 95 % dans les pays en voie de développement
Tableau 5. [15].
Le test de Student montre qu’il existe une différence signi- Dans d’autres pays d’Afrique, le cas de la Tunisie en 1999,
ficative (p < 0,05 %) entre l’hémoglobine, l’hématocrite, l’IDE, l’anémie serait présente avec une prévalence de 41 % chez les
ainsi qu’entre l’IDB des deux groupes sélectionnés. femmes de six mois de grossesse [13]. En Mauritanie, l’anémie
Cette étude réalisée entre le groupe G1 et le groupe G3 montre a été estimée à 50 % [16], un taux tout aussi important que celui
également des différences significatives en ce qui concerne les trouvé à l’Ouest d’Afrique à Burkina Fasso 1995–1996, estimé
paramètres de l’hémoglobine, l’IDE, l’IDM, ainsi que l’IDB. à 67,8 % [14].
Enfin, cette étude réalisée entre les groupes G2 (les femmes La fréquence des femmes carencées en fer estimée au cours
de six mois de grossesse) et G3 (les femmes de neuf mois de gros- de cette étude se trouvant dans la même période de gestation est
sesse) montre des différences significatives entre l’hémoglobine de 10 % (Blida).
de l’hématocrite, de la teneur globulaire moyenne en hémoglo- L’anémie ferriprive quant à elle, chez les femmes de six mois
bine, de l’IDB, la TIBC, la Csat, ainsi que la transferrine. de grossesse est présente avec une fréquence de 6,66 % à Blida.
Enfin, la prévalence de syndromes thalassémiques chez les
3. Discussion femmes de six mois de grossesse sélectionnées au cours de cette
étude est de 10 %.
L’anémie de la grossesse est le reflet de l’état nutritionnel On remarque une augmentation de la fréquence de l’anémie,
précaire de la plupart des femmes. Des apports insuffisants liés cela est du aux différentes modifications et adaptations physio-
à des régimes pauvres en fer biodisponibles sont responsables logiques dû à la croissance fœtale. Cette évidence est également
d’une carence préexistante à la grossesse. Au cours de cette notée par d’autres auteurs [17,18].
étude, la fréquence de l’anémie chez les femmes de trois mois Il existe cependant d’autres facteurs qui jouent sur
de grossesse à Blida (Nord Algérie), est estimée à 30 %. l’apparition de l’anémie chez les femmes enceintes tels que le
À Sidi Bel Abèss (Alger) une fréquence de 34,1 % de cas de nombre de grossesses ainsi que l’espacement intergénésique qui
femmes anémiées a été constatée [11]. contribuent à une prévalence plus importante de l’anémie ainsi
Donc, selon les différentes données ici présentes, en moyenne qu’à sa sévérité.
32,05 % des femmes de trois mois de grossesse présentent une Finalement, les femmes de neuf mois de grossesse présentent
anémie au Nord de l’Algérie. une anémie avec un taux de 46,66 %,
D’autres études menées en Afrique afin de déterminer la En Tunisie, la fréquence de l’anémie chez les femmes se trou-
prévalence de cette pathologie qui répond essentiellement à vant à la même période de gestation en 1999 est de 37,5 % [22].
un mécanisme carentiel : nutritionnel, martial et en folates, En Mauritanie, 60,8 % des femmes de neuf mois de grossesse
qui est généralement liée à une carence en fer [12] ont été présentaient une anémie lors d’une étude réalisée en 1996 [16].
réalisées, comme celles effectuées en Tunisie en 1990 qui Le pourcentage des femmes de neuf mois de grossesse caren-
montre une fréquence de 41 % sur des femmes de trois mois cées en fer au cours de cette grossesse est de 10 %.
de grossesse [13]. Ainsi qu’à l’Ouest d’Afrique, précisément à En Tunisie, l’anémie hypochrome a été estimée à 24 % en
Burkina Fasso (1995–1996), qui montre une prévalence de 25 % 1999 [19], chez les femmes de neuf mois de grossesse. En 1980,
[14]. une étude réalisée au Niger sur 94 femmes enceintes se trouvant
La prévalence de la carence en fer est estimée à 10 % au cours dans cette même période de gestation estime que plus de 90 %
de cette étude sur les femmes de trois mois de grossesse. de ces femmes étaient carencées en fer [20].
En Tunisie, 46 % des femmes de trois mois de grossesse ont L’anémie ferriprive chez les 30 femmes de neuf mois de gros-
été déclarées être anémiées d’après une étude menée en 1990 sesse de cette étude était présente avec un pourcentage de 20 %.
[13]. L’anémie ferriprive chez les femmes à cette période de En Algérie en 1987, un taux de 22,5 % a été trouvé [21].
106 A. Bitam, N. Belkadi / Nutrition clinique et métabolisme 22 (2008) 100–107

En 1999, le taux d’anémie ferriprive chez les femmes tuni- Références


siennes a été évalué à 97,3 % [19].
Enfin le pourcentage des femmes de neuf mois de grossesse [1] Barbarino, Monnier P. Anémies de la grossesse : mécanismes, prévention.
De la théorie à la pratique. Gazette Transfus 1994;104:11–9.
au cours de cette étude présentant un syndrome thalassémique
[2] World Health Organisation. Nutritional anaemias technical report series.
est de 23,33 %. 1972; p. 503.
Cette étude montre d’autres phénomènes de santé qui contri- [3] Brette. JP, Collet. M. Anémie en milieu tropical, Édition technique-Encycl.
buent à la survenue de l’anémie chez la femme enceinte tels que Med. Chir (Paris-France) Obstétrique, 1993. 5-043- A-30:7.
l’hémoglobinopathie. La détermination des indices discrimina- [4] Guiro A.T. La carence en fer au Sénégal : Intérêt de l’étude de la biodis-
ponibilité du fer alimentaire dans l’estimation de la couverture des besoins
tifs est une méthode qui permet de distinguer une carence en fer
en fer. [Thèse] Médecine Université Paris 7 France, 1991, 291 p.
d’un syndrome thalassémique, c’est une méthode peu coûteuse, [5] Hercberg S. La carence en fer en nutrition humaine : un problème
fiable et précise qui aide à gagner du temps en définissant et en d’actualité dans le monde. In: Hercberg S, Galan P, Dupin H, editors. Aspect
ciblant la pathologie dès le départ. actuel des carences en fer en folates dans le monde, 197. Éd. colloque
Des enquêtes d’observations à travers le monde ont été réali- Inserm; 1990. p. 715.
[6] Murphy JF, O’Riordon J, Newcombe RG, Coles EC, Pearson JF. Relation
sées et avaient pour objectif d’étudier la prévalence de l’anémie
of hemoglobin levels in first and second trimesters to outcome of pregnancy.
chez les femmes enceintes afin de chercher de meilleures stra- Lancet 1986;1:992–5.
tégies de lutte contre cette pathologie. [7] Zhou LM, Yang WW, Hua JZ, Deng CQ, Tao X, Stoltzfus RJ. Relation of
Quelques unes de ces études rapportent une prévalence de hemoglobin measured at different times in pregnancy to preterm birth and
8 % au Nord du Cameroun [22], 34 % en Zambie [23], 41 % low birth weight in Shanghai, China. Am J Epidemiol 1998;148:998–1006.
[8] Hagshenass M, Mahloudgi RJ, Mohammadi N. Iron deficiency anemia in
en Tunisie [19], environ 45 % au Togo [24,25], 48 % au Bénin
Iranian population associated with high intake of iron. Am J Clin Nutr
[26]. 10,9 % de ces femmes présentent une hémoglobinopathie, 1972;25:143–6.
et entre 41 et 59 % au Mali [27], en Inde elle est estimé à 50 % [9] Gompakis N, Economou M, Tsantali C, Kouloulias V, Keramida M,
[28] et 52 % au Niger [29]. Athanasiou-Metaxa M. The effect of dietary habits and socioeconomic
En France, la fréquence des carencées en fer au cours de la status on the prevalence of iron deficiency in children of northern Greece.
Acta Haematol 2007;117:200–4.
grossesse (toucherait plus des deux tiers des femmes enceintes)
[10] Blot I, Diallo D, Tchernia G. Iron deficiency in pregnancy: effects on the
ont une déplétion totale des réserves en fer en fin de grossesse, newborn. Curr Opin Hematol 1999;6:65–70.
aboutissant même a une anémie ferriprive enfin de grossesse [11] Moulessehoul S, Demmouche A, Chafi Y, Benali M. Impact de la supplé-
chez 20 à 30 % des femmes enceintes [30]. mentation en fer chez des femmes enceintes suivies au centre de Protection
En Chine un peu plus de 80 % des femmes enceintes maternelle et infantile de Sidi Bel Abbès (Ouest algérien). Cahiers d’études
et de recherches francophones/Santé 2004;4:21–9.
ont été pronostiquées comme étant anémiées, avec un taux
[12] Jackson T, Robert, Lathan C, Michael. Anemia of pregnancy in Liberia,
d’hémoglobine inférieur à 12 g/dl, près de 18 % de ces femmes West Africa: A therapeutic trial. Am J Clin Nutr (USA) 1982;35(4):710–4.
présentaient un taux de ferritine inférieur a 12 ␮g/L. [31]. [13] Hamdaoui M, Sakly R, Alguemi CC, Bennour A, Jallouli K, Daghri T.
Les femmes enceintes constituent un groupe à haut risque de Anémie nutritionnelle de la femme enceinte dans la région de Kairouan
carence en fer, compte tenu de leurs besoins physiologiques éle- (Tunisie). In: Hersberg S, Galan P, Dupin H, editors. Aspect actuel des
carences en fer et en folates dans le monde, 197. Éd. Colloque Inserm;
vés, d’autant plus que la majorité des femmes enceintes débutent
1990. p. 83–5.
leur grossesse avec des niveaux de réserves en fer faibles ou nuls [14] Meda N, Mandelbrot L, Cartoux M, Dao B, Ouangre A, Dabis F. Anémie de
[30]. la grossesse a Burkina Fasso (Afrique de l’Ouest) 1995–1996 : Prévalence
L’anémie maternelle par carence martiale semble entraîner et facteurs associés. Bull WHO 1999;77(11):916–22.
une diminution du poids placentaire et du poids à la naissance [15] Demayer E, Adiels-Tegman M. The prevalence of anaemia in the World
Health Stat 1985. Q 38:302–316.
du nouveau-né, de réserves en fer de plus en plus faible et
[16] Baidy BLO, Kone Y, Bassirou LY. Anémie nutritionnelle de la grossesse à
un risque plus élevé de développer une anémie ultérieurement Nouatchott (Mauritanie). Med Afr Noire 1996;43(6).
[30,28]. [17] Heng W, Xuencuen C, Wenguang W. Nutritional status of gestating Chinese
Il est clair qu’une valeur basse d’hémoglobine pendant la women and its influence upon neonates, with emphasis on iron. Nutr Res
grossesse a des effets nocifs sur le déroulement de la gros- (USA) 1990;10(5):493–502.
[18] Xue Cun Chen. Iron deficiency anemia of pregnant women in china. In:
sesse et le développement de l’enfant in utero, cette carence
Hersberg S, Galan P, Dupin H, editors. Aspect actuel des carences en fer
peut être corrigée par l’apport de supplémentation en fer et et folates dans le monde, 197. Éd. Colloque Inserm; 1990. p. 65–8.
en acide folique nécessaire à la biosynthèse de l’hème et de [19] Chenoufi. B, Essafi. B, Sfar. E, Chelli. H, Ben Hamida. A, Ben Ammar.
l’hémoglobine afin de prévenir à la fois les anémies de la gros- S, Ben Tanfous. N, Ben Abdallah. K, Kastalli. R. Dépistage de l’anémie
sesse et celles du nourrisson [10], compte tenu des risques pour carentielle chez la femme enceinte : Étude prospective. À propos de 200
cas (Screening et carential anemia in pregnant women: A prospective study
le déroulement de la grossesse et l’issu de la gestation, il appa-
about 200 cases). Tunis Med ISSN 0041-4131 CODEN TUMEAF. 2001,
raît souhaitable de recommander une stratégie de prévention vol. 79, no. 8–9, pp. 423–428. (13 ref).
comprenant une supplémentation systématique en fer des [20] Hercberg S. La carence en fer en nutrition humaine. Éd. Médicales Inter-
femmes enceintes [30]. nationales; 1988. p. 203.
Dans les pays industrialisés, cette supplémentation doit cou- [21] Assami M, Hercberg S, Galla T, Assami A, Decouncy G. Iron folate status
of pregnant women. Ecol Food Nutr 1987;21:187.
vrir le troisième trimestre de la grossesse (période où les besoins
[22] Coulibaly M, Costagliola D, Zittoun J, Mary JT. Évaluation de l’état nutri-
sont majeurs). Dans les pays en voie de développement, elle tionnel de femmes enceintes à partir de paramètres hématologiques suite
devra être initiée précocement car les femmes débutent leur à un déplacement de population au Nord Cameroun. IIIe Journées Scienti-
grossesse avec des réserves faibles, voire inexistantes [10]. fiques Internationales du GERM 1987:46.
A. Bitam, N. Belkadi / Nutrition clinique et métabolisme 22 (2008) 100–107 107

[23] Fleming AF. Anaemia in pregnancy in Ndola, Zambia: Frequency and aetio- In: Hercberg S, Galan P, Dupin H, editors. Aspect actuel des carences en
logy. In: Hercberg S, Galan P, Dupin H, editors. Aspect actuel des carences fer et folates dans le monde, 197. Colloque Inserm; 1990. p. 55–63.
en fer et folates dans le monde, 197. Colloque Inserm; 1990. p. 75–7. [29] Fleming AF. Malaria deficiences of iron and folate, and anaemia in pre-
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nouveau-né. IIIe Journées Scientifiques Internationales du GERM 1987:37. Colloque Inserm; 1990. p. 71–4.
[25] Dyck JL, Blot C, Dop MC, Schneider D, Hodonou AFK, Doh A. Anémie, [30] Hercberg S, Galan P, Preziosi P., La déficience en fer au cours de la grossesse
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[28] Madan N, Rusia U, Sharmas S, Sood SK. Occurrence, causes and control of Soc Nutr Sci.
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Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com

Gynécologie Obstétrique & Fertilité 36 (2008) 365–372


http://france.elsevier.com/direct/GYOBFE/

Faits et arguments
Prise en charge des volumineux cancers invasifs du col
de l’utérus pendant la grossesse
Management of pregnant women with advanced cervical cancer
C. Vincens, D. Dupaigne, R. de Tayrac *, P. Mares
Service de gynécologie–obstétrique, CHU Carémeau, place du professeur-Robert-Debré, 30009 Nı̂mes cedex 9, France
Reçu le 16 mai 2007 ; accepté le 5 décembre 2007
Disponible sur Internet le 2 avril 2008

Résumé
L’objectif de cette étude est de faire un état des lieux de la prise en charge thérapeutique actuelle des volumineux cancers invasifs du col de
l’utérus chez la femme enceinte. Nous avons ainsi effectué une revue de la littérature indexée dans Medline1 (de 1980 à 2006 en utilisant comme
mots clés : cervical cancer, pregnancy, delay, treatment, chemotherapy), ScienceDirect (1990 à 2006 en utilisant les mots clés : cancer de l’utérus,
délai, chimiothérapie et grossesse) et l’Encyclopédie Médico-Chirurgicale. Ainsi, la grossesse est une période privilégiée pour dépister le cancer du
col de l’utérus, les stades précoces notamment. Il est nécessaire de prêter attention à des symptômes comme des métrorragies, qui peuvent être
banalisées au cours de la grossesse. Les biopsies dirigées associées à la colposcopie sont les techniques de choix afin de confirmer le diagnostic. Le
bilan d’extension se résume en une IRM abdomino-pelvienne, une échographie abdomino-pelvienne et une radiographie thoracique pour les
cancers localement avancés. La décision d’interruption de la grossesse doit être multidisciplinaire et dépend du désir de grossesse de la patiente, du
stade et du type histologique du cancer, de l’âge gestationnel et de l’évolution de la maladie. Le mode d’accouchement recommandé est la
césarienne, même si le taux de survie semble identique à l’accouchement voie basse. La césarienne protége des complications immédiates et des
récidives sur l’épisiotomie, mais le type d’hystérotomie est controversé dans la littérature. Le pronostic du cancer ne semble pas être modifié par la
grossesse. La prise en charge thérapeutique est donc identique à celle des patientes en dehors d’une grossesse, même si quelques adaptations sont
nécessaires du fait de l’état gravide. La chimiothérapie néoadjuvante pendant la grossesse pourrait être une solution chez des patientes atteintes
d’un cancer avancé et refusant l’interruption de la grossesse, malgré le manque de preuve de son efficacité et de son innocuité. En conclusion, le
dépistage par un frottis cervico-vaginal (FCV) doit être systématique pendant la grossesse. Lorsque le cancer est diagnostiqué, la césarienne est le
mode d’accouchement privilégié. La grossesse ne modifie pas le pronostic de la maladie. Ainsi, le choix thérapeutique dépend uniquement du stade
de la maladie.
# 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Abstract
The purpose of this study is to update the management of pregnant women with advanced cervical cancer, thanks to a literature review indexed
in Medline1 (from 1980 till 2006 using those keywords: advanced cervix cancer, neoadjuvant chemotherapy and pregnancy), ScienceDirect (from
1990 till 2006) and the French Encyclopédie Médico-Chirurgicale. It occurs that pregnancy is a privileged period to diagnose cervical cancer,
particularly in early stages. We ought to beware of symptoms such as vaginal bleeding, which could be underestimated during pregnancy.
Colposcopically selected biopsies are reference techniques to comfirm the diagnostic. The assessment of extension includes an abdominal and
pelvic MRI and echography and a radiography of the chest for locally advanced stages. The decision to interrupt pregnancy should be based on a
collegial evaluation and depends on state and histology of disease, patient’s desire for pregnancy, as well as gestational age and disease evolution.
Cesarean is preferred to natural delivery even though survival rates are the same. The cesarean section prevents from short-term complications and
recurrence on the episiotomy, but the hysterotomy type is controversial throughout literature. The prognosis of cervical cancer does not seem to be
influenced by pregnancy. Management is the same, even though we have to adapt the treatment from the pregnancy state. No study could show the
benefit and the safety of neoadjuvant chemotherapy during pregnancy, due to few cases, but it could be a solution with patients suffering from an

* Auteur correspondant.
Adresse e-mail : renaud.detayrac@chu-nimes.fr (R. de Tayrac).

1297-9589/$ – see front matter # 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.gyobfe.2007.12.018
366 C. Vincens et al. / Gynécologie Obstétrique & Fertilité 36 (2008) 365–372

advanced cancer and not willing to stop pregnancy. To conclude, the detection by cervical smears should be systematic during pregnancy. When
cancer is diagnosed, cesarean section is the favourite way to deliver. Pregnancy does not modify disease’s prognosis and the therapeutic choice
depends on the stage of the disease.
# 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Cancer de l’utérus ; Grossesse ; Traitement ; Délai ; Chimiothérapie

Keywords: Cervical cancer; Pregnancy; Treatment; Delay; Chemotherapy

1. Introduction et al., le FCV systématique permettait le diagnostic de 60 % des


cancers du col pour le groupe des femmes enceintes contre
Le diagnostic d’un cancer du col est un fait relativement rare seulement 40 % pour le groupe des femmes non enceintes [7].
pendant la grossesse, mais c’est le cancer le plus fréquemment Le frottis à la cytobrush ou à la spatule n’entraı̂ne pas de
découvert chez la femme enceinte. Son incidence, selon les complication pour la grossesse de même que la colposcopie [8].
populations, varie entre un et dix pour 10 000 grossesses [1–3]. En outre, les études de Lee et Sivanesaratnam et al. affirment
Ce sont en majorité des femmes de la trentaine ayant une parité que l’éversion et l’hypertrophie gravidique du col facilitent le
élevée (quatre à cinq selon les études) [1,2]. diagnostic des lésions, notamment l’évaluation colposcopique
Par ailleurs, environ 30 % des patientes atteintes d’un cancer des zones de transformation [1,9]. Cette technique doit être
du col sont en âge de procréer au moment du diagnostic et 1 à réalisée par un colposcopiste entraı̂né, car les modifications du
3 % des cancers du col sont découverts pendant la grossesse [4]. col, secondaires à la grossesse (exposition à l’acidité vaginale,
La grossesse représente une exceptionnelle opportunité de apparition de métaplasie épidermoı̈de), peuvent donner
dépistage du cancer du col à des stades peu avancés et l’apparence de point et de mosaı̈que acidophile. De plus, les
opérables, grâce aux examens cliniques répétitifs et aux frottis réactions déciduales et l’augmentation de la vascularisation
cervico-vaginaux (FCV), qui font partie de l’examen de routine peuvent donner l’aspect de polype suspect.
anténatal. En effet, une part non négligeable de la population La biopsie est le moyen le plus employé pour confirmer le
n’a de suivi gynécologique qu’au moment des grossesses. diagnostic, avec un taux de complication faible, de 0,6 à 3 %
Le diagnostic cette année dans notre service d’une patiente selon les études [4,10], essentiellement de type hémorragique
atteinte d’un volumineux cancer du col invasif à 28 semaines (exceptionnellement responsable de menace d’accouchement
d’aménorrhée (SA) a mis en exergue la difficulté de la prise en prématuré). Le curetage endocervical est, bien entendu, contre-
charge du cancer du col pendant la grossesse. En effet, le bien- indiqué pendant la grossesse.
être maternel et fœtal est mis en balance : comment obtenir un La conisation a une place à part. En effet, de nombreuses
traitement efficace du cancer du col sans compromettre la études ont mis en évidence la morbidité maternelle et fœtale de
grossesse ? La faible fréquence de cette situation n’a pas permis cette technique.
la réalisation d’études randomisées. D’un côté, il existe un risque de complication de type
Nous avons réalisé une revue de la littérature afin de faire le hémorragique (5–15 %), de menace d’accouchement prématuré
point sur les connaissances scientifiques actuelles et tenter de (MAP), de prématurité et d’infection au troisième trimestre et
répondre aux multiples questions soulevées concernant les d’avortement spontané (25 %) (prédominant sur les premier et
particularités du diagnostic, le bilan d’extension et le pronostic deuxième trimestres). Des études plus récentes obtiennent des
du cancer du col pendant la grossesse. Nous avons également taux d’avortement plus bas. Robova et al. ont retenu un cas
étudié la possibilité de retarder le traitement jusqu’à maturation d’avortement spontané sur 23 patientes ayant eu une conisation
fœtale, les modalités d’accouchement recommandées et la entre 13 et 23 semaines de grossesse (SG), soit un taux de 4 %
conduite thérapeutique à tenir. [11]. L’étude de Demeter et al. sur 48 patientes ayant eu une
conisation au bistouri froid met en évidence deux avortements
2. Diagnostic tardifs à 21 SG (soit 4 %) [12].
Une étude, dernièrement réalisée par Fambrini et al., montre
Le diagnostic peut être fait à l’occasion de signes cliniques. que la conisation par laser CO réalisé à 18 semaines
Des métrorragies spontanées ou postcoı̈tales sont observées d’aménorrhée (SA) n’a entraı̂né aucune complication fœtale
chez 43 à 54 % des patientes aux stades précoces et chez 81 % et une bonne efficacité chez 26 patientes [13]. Il s’agit dans ces
des patientes à des stades avancés [4,5]. Les douleurs trois études de traitement curatif pour des carcinomes in situ ou
pelviennes sont observées principalement lors de stades microinvasifs.
évolués. Ces symptômes s’observent fréquemment lors de la De l’autre côté, il existe un taux important de lésion
grossesses. Il faudra donc dans ces situations prêter une résiduelle (plus de 50 %) et de marge positive pendant la
attention particulière à l’examen clinique et aux FCV lors des grossesse [14].
consultations anténatales. Sa seule indication absolue durant la grossesse est à visée
Le diagnostic peut également être posé chez des patientes diagnostique, afin de confirmer ou d’infirmer la maladie
asymptomatiques, grâce au FCV systématique ; dans 20–50 % invasive car cela modifie le délai de prise en charge et le mode
des cas voire 76 % selon les études [6,7]. Dans l’étude de Sood d’accouchement (différenciation stade IA et IB1). Dans ce cas,
C. Vincens et al. / Gynécologie Obstétrique & Fertilité 36 (2008) 365–372 367

la période optimale pour sa réalisation est le deuxième trimestre 4. Interruption de grossesse ou délai de prise en charge
entre 14 et 20 SG en raison du moindre risque de complication.
[14–19]. De plus, Method et al. recommandent la réalisation Une fois le diagnostic de cancer invasif posé, la question de
d’une conisation plus superficielle afin de minimiser le l’interruption ou non de la grossesse se pose. C’est une décision
traumatisme du canal cervical et l’utilisation de nombreuses complexe à prendre par les patientes et les praticiens.
sutures hémostatiques [5]. Traditionnellement, avant 22 SA, le traitement est immédiat,
La colposcopie avec des biopsies dirigées est donc la entraı̂nant l’interruption de la grossesse.
technique de choix dans le diagnostic du cancer du col pendant Après 22 SA, aucune étude n’a étudié l’intérêt du délai
la grossesse. thérapeutique pour les stades avancés.
Il est à noter que la majorité des études rétrospectives n’a pas De multiples facteurs doivent être pris en compte : le désir des
montré de différence dans la répartition des types histologiques parents, les caractéristiques de la tumeur (taille, stades et type
du cancer du col chez les femmes enceintes par rapport aux histologique), l’âge gestationnel et l’évolution de la maladie.
femmes non enceintes (95 % épidermoı̈de, 5 % adénocarci- Aucune conclusion définitive ne peut être donnée en raison
nome [1–20]). du manque de cas et de l’absence d’étude randomisée. Le
Tableau 1 décrit la série de cas, relevée dans la littérature,
3. Bilan d’extension concernant des stades Ib ou II qui ont eu un délai thérapeutique
[1,6,7,9,15,18,20,23–28,2].
Il est bien connu que les radiations ionisantes sont Dudan et al. rapportent deux cas, ayant des stades Ib, de
délétères pour le fœtus. Le bilan d’extension recommandé progression de la maladie lors d’un délai thérapeutique de deux
comprend donc une échographie abdomino-pelvienne afin et six mois [18]. Nisker et al. décrivent un décès après un délai
d’évaluer le foie et les voies urogénitales et une IRM de 24 semaines, chez une patiente avec un stade Ib [26]. Une
abdominopelvienne pour déterminer le volume tumoral, patiente, parmi les six de l’étude de Van Vliet chez qui le
l’extension aux organes de voisinage et l’existence d’éven- diagnostic d’adénocarcinome stades Ib1 a été fait à 40 SA, a eu
tuelles adénopathies [21–23]. un délai de deux semaines avant d’accoucher par voie basse.
La radiographie du thorax, réalisée avec une ceinture Elle est morte 14 mois après une hystérectomie radicale et une
abdominale, est justifiée à partir du stade IB2 et pour les types radiothérapie. Les cinq autres patientes ont été césarisées entre
histologiques à haut risque (adénocarcinome, cancer à petite 32 et 34 SA et étaient en rémission plus d’un an après. En
cellule) [21]. additionnant ces cas on obtient un taux de récidive de dix pour
L’examen clinique sous anesthésie générale et la cystoscopie cent : 47 patientes sur 51 stades Ib (délai thérapeutique allant de
sont généralement réalisés après la grossesse. Aucune trois et 24 semaines) ont eu une évolution favorable (remarque :
évaluation cœlioscopique, pendant la grossesse, de l’extension taux de survie à cinq ans des femmes non enceinte pour les
tumorale n’a été relevée dans la littérature. stades Ib épidermoı̈de : 95 %, les stades Ib global : 81 %).

Tableau 1
Conséquence d’un délai thérapeutique sur une série de cas à partir de la littérature
Auteur Figo Âge gestationnel Nbre de Délai en Traitement Suivi (mois)
stades du diagnostic SG patient semaine
Prem et al. [23] I ND 9 6–17 NM 34–64
Dudan et al. [18] Ib ND 2 8–24 progression
Lee et al. [1] Ib ND 3 1–12 VB/CS HR,RT PP
II 5
Nisker et al. [26] Ib 2e trimestre 1 24 CS HR D
Greer et al. [27] Ib 20–24 5 6–17 CS HR 4NM 13–35 1D
Monk et al. [28] Ib 19 à 23 4 10–16 CS HR NM 2–6
Duggan et al. [2] Ib1 15 à 30 5 7–21 CS/VB HR NM 3–34
Sivanesaratnam et al. [9] Ib 30–32 2 4–2 CS HR NM 60
Allen et al. [15] Ib1 16–10 2 18–19 CS HR NM 62–69
Sorosky et al. [20] Ib1 8 à32 7 3–29 CS/VB HR NM 19–68
Sood et al. [7] Ia 3e trimestre 8 3–32(16) CS HR NM 12–360
Ib1 3
Van Vliet et al. [25] Ib1- 23–26–40 3 10–6–2 CS,HR/VB,HR,RT NM16–106–D<!–LBREAK-->NM 92–54
Ib2- 28–32 2 4–3 CS,HR,RT/CS,HR NM142
IIa 34 1 2 CS RT
Takushi et al. [24] Ib1- 18,17 2 13,15– CS RH RT NM 97,108
Ib2 26 1 6 NM 84
Germann et al. [6] Ib 1er trimestre 5 12 à 24 NM 60
2e trimestre 4 4 à 6 NM 60
CS : césarienne ; VB : voie basse ; HR : hystérectomie radicale + lymphadénectomie pelvienne ; RT : radiothérapie ; NM : non malade ; D : décédé ; PP : pas de
progression.
368 C. Vincens et al. / Gynécologie Obstétrique & Fertilité 36 (2008) 365–372

En pratique, la majorité des auteurs s’accorde pour dire maladie. En conséquence, il proposerait l’indication d’une
qu’un délai doit être proposé dans le cas des stades Ib1 chimiothérapie systématique lorsque l’accouchement est fait
épidermoı̈des diagnostiqués après 22 SA, la patiente étant par voie basse [20].
prévenue des risques. Ce délai peut être envisagé pour des De même l’étude de Jones et al., en 1996, mettait en
stades plus avancés dans le cas de patientes désireuses de évidence une survie plus basse quand l’accouchement était
poursuivre leur grossesse en informant celles-ci des risques effectué par voie basse plutôt que par césarienne (55 %/75 %),
encourus [6,7,15,20,21,24,29]. La durée de ce délai, en mais la valeur de cette étude est discutée car la signification
revanche, n’est pas facile à évaluer puisqu’elle est très variable n’est pas donnée, le nombre de voie basse était peu important
dans les cas étudiés ci-dessus. Il est communément accepté (six voies basses/32 césariennes), et il n’y avait pas de
qu’un délai de six semaines est raisonnable, mais cette donnée stratification par stades des résultats [4].
pas scientifiquement prouvé [30]. Par ailleurs, plusieurs complications secondaires à l’accou-
Nguyen et Duggan et al. ont préconisé une interruption et un chement voie basse chez les patientes atteintes d’un cancer du
traitement immédiat en cas de grossesse non désirée, de tumeur col ont été décrites, et orientent vers l’indication systématique
localement avancée, de types histologiques épidermoı̈des peu de césarienne.
différenciés ou d’adénocarcinome ou de progression de la « Il existe un risque de complications immédiates, d’autant
maladie pendant la grossesse [10,2]. Van Vliet a conclu à plus que le cancer est volumineux (hémorragie, dilacération
travers son étude couplée à une revue de la littérature qu’un cervico-vaginale, infection dans le post-partum et dystocie
délai thérapeutique est une option raisonnable si l’âge cervicale) » [3,4,33].
gestationnel est supérieur à 22 SA, le stade inférieur à IIB, Onze cas de récidives sur épisiotomie ont également été
et la taille de la tumeur inférieure à 4 cm, car les facteurs de décrits dans la littérature. Ils ont été découverts entre six mois et
mauvais pronostic, étaient l’invasion lymphatique, les embols cinq ans après l’accouchement et avec un taux de survie bas :
vasculaires et la taille de la tumeur (supérieure à 4 cm) [24]. 55 % [7,10,21]. Ce risque impose donc, en cas d’accouchement
Il semblerait donc qu’il n’y ait pas de place à un délai voie basse, une surveillance étroite et à long terme du périnée et
thérapeutique raisonnable , dans une prise en charge curative de l’épisiotomie. En cas de récidive sur l’épisiotomie, il est
d’un volumineux cancer du col. recommandé de pratiquer une résection de celle-ci et une
La décision doit ainsi être prise de manière multidisci- irradiation locale.
plinaire (pédiatres, obstétriciens, psychologues) afin de fixer Il existe également des cas de récidive pariétale sur la cicatrice
une date de terme de grossesse raisonnable. Elle dépend du de césarienne (trois cas d’après l’étude de Brost). Certains
stade de la maladie, de l’histologie, de l’âge gestationnel au auteurs ont rendu l’incision transverse du segment inférieur
moment du diagnostic, et du désir de la patiente vis-à-vis de la responsable de ces récidives et d’une moins bonne survie. Ils ont
grossesse et de la maladie. donc recommandé la réalisation d’une césarienne classique avec
Dans les cas où le délai est acceptable, un suivi régulier hystérotomie verticale, qui aurait de plus l’avantage d’évaluer
clinique et radiologique mensuel est nécessaire, le traitement précisément la taille de la tumeur et son extension au segment
devant être débuté si une progression de la maladie est inférieur [9,33,34]. À l’inverse, l’incision transverse du segment
observée. inférieur est privilégiée par d’autres auteurs afin de limiter la
perte sanguine et la dissémination de la maladie, si le placenta est
5. Modalité d’accouchement antérieur et potentiellement métastatique [21].
L’ensemble des données de la littérature considère donc la
La décision de la voie d’accouchement est controversée : césarienne comme le mode d’accouchement le plus sûr à ce
lorsqu’une femme enceinte est atteinte d’un cancer invasif du jour, mais il existe des avis controversés concernant le type
col, peut-on accepter l’accouchement par voie basse sans d’hystérotomie [30,31,33]. Une hystérotomie transversale
crainte de dissémination ? haute semble être donc la technique la plus raisonnable.
De nombreuses études n’ont pas mis en évidence de
différence significative en terme de survie, entre l’accou- 6. Pronostic
chement voie basse et la césarienne. L’étude de Lee et al. a
montré la même survie (90 %) chez 20 patientes ayant un 6.1. Du cancer pendant la grossesse
cancer de stades I par rapport à un groupe témoin. L’étude de
Van der Vange (30 patientes) et Zemlickis (21 patientes) ne Quelques études rétrospectives [26,35] ont mis en évidence
montrent pas non plus de différence significative, mais sans une moins bonne survie chez les patientes atteintes d’un cancer
stratification par stades des groupes [31,32]. En revanche, Sood du col pendant la grossesse par rapport à des patientes non
et al. en 2000 [20], décrivent à travers l’étude de patientes dont enceintes au même stade, ainsi qu’une atteinte ganglionnaire
le diagnostic a été posé en post-partum, un taux de récidive plus importante (25 % pendant la grossesse versus 9,5 % chez
vaginale trois fois plus important quand l’accouchement s’est les patientes non enceintes). L’hypothèse, soulevée pour
fait par voie basse (59 %) plutôt que par césarienne (14 %). expliquer ces résultats, a été la sous- estimation clinique du
À travers une analyse univariée, l’accouchement voie basse stade de la maladie, car l’appréciation de l’extension
devient le premier facteur de récidive et le second facteur de paramétriale par l’examen clinique est plus difficile pendant
mauvais pronostic en terme de survie après le stade de la la grossesse à cause de l’hyperlaxité ligamentaire [36].
C. Vincens et al. / Gynécologie Obstétrique & Fertilité 36 (2008) 365–372 369

En effet, la majorité des études ne montre pas de différence 7. Traitement


en terme de survie [1,4,7,9,31,37] même après stratification par
stades et par trimestre de découverte de la maladie [10,32,34]. Les facteurs à prendre en compte dans la prise en charge du
Le lien entre le moment du diagnostic pendant la grossesse cancer invasif du col pendant la grossesse sont nombreux : le
et la survie est controversé. terme de la grossesse au moment du diagnostic, le stade tumoral
L’étude de Sood et al., en 2000, décrit une survie moins (sa taille, l’extension ganglionnaire et métastatique), l’âge, la
bonne, quand le diagnostic est fait en post-partum, mais ce parité, le désir de la patiente et du conjoint pour cette grossesse.
résultat peut être biaisé par une proportion importante de stade Le traitement curatif des volumineux cancers du col est
avancé et de voie basse dans cette population. En effet, après constitué de deux possibilités thérapeutiques :
une analyse multivariée, seul le mode d’accouchement et le
stade de la maladie sont des facteurs de mauvais pronostic [20].  la chimiothérapie néoadjuvante pendant la grossesse ;
Les études de Van der Vange et al., en 1997, et de Nisker  la radiochimiothérapie concomitante lorsque le fœtus n’est
et al., en 1983, n’ont pas mis en évidence d’effet de l’âge pas viable ou après l’accouchement.
gestationnel et du post-partum en terme de survie chez 43
femmes [31,26]. Les indications restent identiques à celles des femmes non
Comme nous l’avons vu précédemment, il existe une enceintes, puisque la grossesse ne modifie pas le pronostic de la
répartition identique des différents types histologiques chez les maladie, basées sur le stade de la tumeur. Selon l’Encyclopédie
femmes enceintes et chez les femmes non enceintes. L’histoire Médico-Chirurgicale et la méta-analyse de Green, le traitement
ne modifie donc pas le pronostic du cancer pendant la grossesse. des stades avancés et des tumeurs volumineuses fait appel à la
radiothérapie plus ou moins associée à la chirurgie ou à la
6.2. De la grossesse avec un cancer du col chimiothérapie [39–41].

L’étude de Sood et Sorosky, en 1996, montre qu’il existe 7.1. Chimiothérapie néoadjuvante
davantage de prématurité, un poids de naissance plus bas, et un
nombre plus élevé de morts fœtales (principalement avant La chimiothérapie néoadjuvante dans les cancers avancés du
25 SA) chez les femmes enceintes atteintes d’un cancer du col col entraı̂ne une régression de la taille tumorale et est
par rapport au femme enceinte non atteinte de cancer du col [7]. considérée comme une technique prometteuse dans la prise
En revanche, dans l’étude de Zemlickis et al., les bébés nés en charge curative [39].
de femmes atteintes avaient le même âge gestationnel, le même Mais l’utilisation de cette technique pendant la grossesse est
taux de prématurité, et le même taux de mort-nés que les mères controversée puisque son impact sur la croissance et la santé
non atteintes de cancer. Ils avaient, de plus, un poids de fœtale est mal connu et potentiellement dangereux. En effet, les
naissance plus bas, mais sans différence en terme d’hypotrophie données existantes à ce sujet sont peu nombreuses (six cas sont
[32]. rapportés dans la littérature) (Tableau 2).
Par ailleurs, l’efficacité des différentes thérapeutiques ne La chimiothérapie néoadjuvante durant la grossesse a pour
semble pas être modifiée par la grossesse. Les complications de but, dans les cas où la mère refuse le sacrifice de sa grossesse, de
la radiothérapie peuvent être plus importants, du fait de la prolonger le délai thérapeutique pour atteindre la viabilité
difficulté de la dosimétrie chez les femmes enceintes [7,38]. fœtale en faisant régresser ou stabiliser la maladie.

Tableau 2
Revue de la littérature des cas de chimiothérapie néoadjuvante durant la grossesse
Auteur Âge Stades/ Âge gestationnel Chimiothérapie pendant la Âge gestationnel Traitement Suivi Suivi Suivi
(an) Grades/ du diagnostic (SA) grossesse et posologie (SA) de la néoadjuvant (mois) maternel enfant
Histo et du début du chirurgie. Poids
traitement de naissance (g)
Giacalone et al. [42] 34 IB1/II/Epi 17 3P 75 mg/m2 tous les 21 jours 32 aucun 12 PEM BS
2120
Tewari et al. [33] 36 IB2/II/Epi 20/21 4 V 1 mg/m2 4P 50 mg/m2 tous 32 aucun 24 PEM BS
les 21 jours 1700
Tewari et al. [33] 34 IIA/III/Epi 16/21 3 V 1 mg/m2 6P50 mg/m2 tous 34 Radiothérapie 5 DDM BS
les 21 jours 2160 externe
Marana et al. [43] 26 IIB/ 14/17 2P 50 mg/m2 2B 30 mg tous 38 Aucun, pas 36 DDM BS
II/Epi les 21 jours 2850 d’hystérectomie
Caluwaerts et al. [44] 28 IB1/ 15/17 6P 75 mg/m2 tous les 10 jours 32 aucun 10 PEM BS
II/Epi 1715
Bader et al. [45] 38 IIA/III/Epi 19/23 4P 50 mg/m2 4 V 1 mg/m2 tous 33 3 P+3 V+3 B 80 PEM BS
les 21 jours 1920
V : vincristine ; P : cisplatine ; B : bléomycine ; Epi : épidermoı̈de ; DDM : décédé de la maladie ; PEM : pas d’évolution de la maladie ; BS : bonne santé
développement normal.
370 C. Vincens et al. / Gynécologie Obstétrique & Fertilité 36 (2008) 365–372

Tewari et al., en 1997, ont présenté deux cas traités par  des complications immédiates ;
vincristine et cisplatine pendant la grossesse à 34 et 36 SA, avec  l’hémorragie secondaire à l’hyper vascularisation gravi-
des stades IIA et IB respectivement [33]. Chez les deux dique,
patientes, une diminution de la taille de la tumeur a été  les infections après curiethérapie,
démontrée, et les enfants n’ont pas présenté d’effet secondaire.  les complications digestives radiques (22 % chez les
La première patiente est décédée 13 mois plus tard et la seconde patientes enceintes et six pour cent chez les non enceintes,
est en rémission. d’après Nisker et al. [26]), qui seraient dues à la difficulté
Un cas est décrit par Van Calsteren et al., stade Ib1 de réaliser une dosimétrie correcte pendant la grossesse,
diagnostiqué à 15 SA et traité par six cures de cisplatine à  des complications à long terme ;
17 SA, marqué seulement par une thrombopénie [44]. Le bébé  altération des fonctions ovariennes et sexuelles,
est né par césarienne à 32 SA en bonne santé, eutrophe, et à six  lésions du tractus gastrointestinal et génito-urinaire.
mois son développement psychomoteur, l’examen cardiaque,
neurologique, auditif, et sa croissance étaient normaux. Lors de L’étude de Dudan et al. rapporte trois morts et une
l’hystérectomie suivant la césarienne, l’étude histologique n’a complication sur cinq patientes et Thompson décrit cinq
pas mis en évidence de progression de la taille de la tumeur ni complications sur neuf patientes [18,49].
d’envahissement ganglionnaire. En revanche, l’étude de Sood, en 1997, n’a pas mis en
Parmi ces six cas, une patiente a eu une réponse complète et évidence d’augmentation des complications à court et à long
les cinq autres ont eu une réponse partielle en diminuant la taille terme chez 26 patientes par rapport au groupe témoin [38]. De
tumorale. Deux patientes sont mortes de la maladie et tous les même chez les 21 patientes de l’étude de Lee et al.(ayant reçu
enfants ont eu une évolution normale. 4000 rads sur 33 jours), aucune n’a eu de complications
L’administration de chimiothérapie est contre-indiquée majeures et l’incidence des complications mineures est la
pendant la période d’organogenèse, jusqu’à 13 SA [46,47]. même que chez les femmes non enceintes [1].
L’étude de Doll et al. a décrit les complications fœtales Lorsque le fœtus n’est pas viable, de nombreux auteurs
possible lors de l’utilisation d’une chimiothérapie pendant les préconisent, malgré les problèmes éthiques que cela peut
deux derniers trimestres de la grossesse : retard de croissance soulever, de laisser le fœtus in utero au premier trimestre pour
intra-utérin (RCIU), mort-nés, prématurité, altération du éviter les problèmes infectieux de l’évacuation utérine
développement mental, tératogénicité, petit poids de naissance, chirurgicale et la perte sanguine.
avortement spontané, stérilité maternelle [46]. Mais le taux Après une dose reçue de 40 Gray, l’avortement est spontané,
d’anomalie à la naissance quand l’exposition est faite aux dans 70 à 100 % des cas, entre le vingtième et le soixante-
deuxième et troisième trimestres est similaire à celui de la cinquième jour après le début du traitement selon les études.
population générale (1–3 %) [22]. Sood et al. pensent qu’une hystérotomie au deuxième trimestre,
Les données de la littérature sur l’exposition au cisplatine souvent verticale, entraı̂ne trop de perte sanguine et qu’il vaut
(agent alkylant neurotoxique) pendant la grossesse sont aussi mieux faire une radiothérapie même si le délai d’expulsion est
très faibles. Sur 21 cas rapportés, deux avaient un RCIU, un plus long.
avait une surdité partielle bilatérale, et un dernier avait une Lorsqu’une césarienne ou une hystérotomie est pratiquée, il
dilatation ventriculaire idiopathique avec des séquelles faut réaliser dans le même temps un prélèvement iliaque et
neurologiques [21,47,48]. lomboaortique (si extemporanée positive ou tumeur volumi-
Lorsque ce traitement est administré, l’accouchement doit neuse) afin de définir les champs de radiothérapie [4]
être programmé trois à quatre semaines après la dernière cure Une chimiosensibilisation par des cures hebdomadaires de
pour permettre à la moelle osseuse fœtale de se régénérer cisplatine a tendance à être associée à la radiothérapie externe
[21,47]. La chimiothérapie ne doit donc pas être administrée [40]. En effet, cinq essais réalisés chez des patientes en dehors
après 35 SA du fait du risque de mise en travail spontané. de la grossesse ont démontré le bénéfice de l’association
Par ailleurs, une hypothèse a été soulevée par Polish et radiochimiothérapique utilisant du cisplatine avec une amé-
Twiggs, en 1993, sur la possibilité de sélection de cellules lioration de la survie globale de 12 % selon la méta-analyse de
résistantes par cette chimiothérapie néoadjuvante [49]. Green [39–41].
Le manque de cas dans la littérature ne permet pas d’établir Le traitement complet doit être fait en huit semaines, car il
l’innocuité et l’efficacité de la chimiothérapie néoadjuvante. existe une diminution de la survie et du contrôle pelvien avec
Mais lorsqu’une patiente refuse le sacrifice de sa grossesse, l’augmentation du temps de traitement.
cette thérapeutique peut être une alternative, afin d’attendre la La radiochimiothérapie est recommandée pour les stades
viabilité fœtale, en stabilisant la maladie. Elle pose bien supérieurs ou égaux à IIb, l’existence de facteurs de mauvais
entendu un problème éthique qui nécessite l’avis d’une pronostiques tels que les ganglions positifs, les embols
commission multidisciplinaire. vasculaires, la profondeur de la pénétration stromale et chez
les femmes avec un haut risque de morbidité et mortalité
7.2. Radiochimiothérapie concomittante chirurgicale [5,50].
Par ailleurs, Sood et al. ont reconsidéré l’indication première
Certains auteurs ont démontré un taux de complication de la chirurgicale des stades Ib2 au profit de la radiothérapie, car
radiothérapie accru pendant la grossesse : 33 % de ces patientes se sont révélées être envahies au niveau
C. Vincens et al. / Gynécologie Obstétrique & Fertilité 36 (2008) 365–372 371

Tableau 3 concertation multidisciplinaire avec chirurgien, gynécologue,


Prise en charge en fonction de l’âge gestationnel de la grossesse
oncologue, radiothérapeute, obstétricien, et pédiatre.
Avant 22 SA Après 22 SA Viable La césarienne semble être le mode d’accouchement le
Traitement immédiat Délai raisonnable ? Maturation pulmonaire fœtale plus sûr.
IB1 : oui 12 semaines Césarienne L’évolution actuelle de la réanimation néonatale va permettre
IB2 : oui 6 semaines Traitement immédiat de rapprocher les intérêts maternels et fœtaux dans ces situations
II ou + : non complexes. La chimiothérapie néoadjuvante est aussi une
possibilité thérapeutique dans les cas difficiles, malgré le
ganglionnaire (d’où l’intérêt d’un picking ganglionnaire lors de manque de preuve de son efficacité et de son innocuité.
la césarienne).
L’association ou non à la curiethérapie est encore débattue.
Un geste chirurgical complémentaire, associant une Références
hystérectomie et une lymphadénectomie, semble apporter un
bénéfice pour les volumineux cancers du col utérin ne dépassant [1] Lee RB, Neglia W, Park RC. Cervical carcinoma in pregnancy. Obstet
Gynecol 1981;58:584.
pas 6 cm et lorsque l’on suspecte l’existence d’un résidu [2] Duggan B, Muderspach LI, Roman LD, Curtin JP, Gerry d’Ablaing III,
tumoral après radiochimiothérapie [39]. Morrow CP. Cervical cancer in pregnancy: Reporting on planned delay in
therapy. Obstet Gynecol 1993;82:598.
8. Stratégie de prise en charge [3] Smith L, Danielsen B, Allen M, Cress R. Cancer associated with obstetric
delivery: Results of linkage with the California cancer registry. Am J
Obstet Gynecol 2003;189:1128–35.
Nous avons vu que la grossesse ne semble pas influencer le [4] Jones WB, Shingleton HM, Russel A, et al. Cervical carcinoma and
pronostic de la maladie. Un traitement identique aux patientes pregnancy: A patterns of care of the american college of surgeons. Cancer
non enceintes est donc indiqué, fondé sur le stade de la maladie 1996;77:1479.
(premier facteur de mauvais pronostic). Le dilemme repose sur [5] Method MW, Brost BC. Management of cervical cancer in pregnancy.
le conflit entre les intérêts maternels et fœtaux. Semin Surg Oncol 1991;16:251.
[6] Germann N, Haie meder C, Morice P, et al. Management and clinical
La littérature propose la même stratégie thérapeutique à outcomes of pregnant patients with invasive cervical cancer. Ann Oncol
quelques détails près. Il existe un consensus selon lequel les 2005;16:397.
patientes atteintes d’une tumeur inférieure à 2 cm, découverte à [7] Sood AK, Sorosky JI, Krogman S, et al. Surgical management of cervical
plus de 22 SA ont un délai de prise en charge potentiel de six cancer complicating pregnancy: A case-control study. Gynecol Oncol
semaines [30]. Mais ces paramètres ne sont fondés sur aucune 1996;64:294.
[8] Woodrow N, Permezel M, Butterfield L, et al. Abnormal cervical cytology
donnée scientifique prouvée et sont débattus (Tableau 3). in pregnancy: Experience of 811 cases. Aust N Z J Obstet Gynaecol
Pour les stades avancés, à partir de IIB, et les tumeurs 1998;38:161–5.
volumineuses mesurant plus de 4 cm, une radiochimiothérapie [9] Sivanesaratnam V, Jayalakshmi P, Loo C. Surgical management of early
est recommandée. invasive cancer of the cervix associated with pregnancy. Gynecol Oncol
1993;48:68.
Pour les stades précoces l’hystérectomie radicale associée à
[10] Nguyen C, Montz FJ, Bristow RE. Management of stage I cervical cancer
la lymphadénectomie est largement considérée comme le in pregnancy. Obstet Gynecol 2000;55:633.
traitement de référence, car il préserve la fonction ovarienne, [11] Robova H, Rob L, Pluta M, et al. Squamous intraepithelial lesion-micro-
est moins morbide, et conserve les fonctions sexuelles d’autant invasive carcinoma of the cervix during pregnancy. Eur J Gynaecol Oncol
plus que les femmes enceintes sont jeunes [4,21,32]. Il faut 2005;26(6):611–4.
spécifier que la conservation ovarienne est possible que pour les [12] Demeter A, Sziller I, Csapo Z, Szantho A, Papp Z. Outcome of pregnan-
cies after cold-knife conization of the uterine cervix during pregnancy. Eur
carcinomes épidermoı̈des inférieurs à quatre centimètres [51]. J Gynaecol Oncol 2002;23(3):207–10.
Par ailleurs, le risque doit être clairement expliqué à la [13] Fambrini M, Penna C, Fallani MG, et al. Feasibility and outcome of laser
patiente qui, si elle le désire, préférera une annexectomie CO2 conization performed within the 18th week of gestation. Int J
complémentaire sous couvert d’un traitement hormonal Gynecol cancer 2007 Jan–Feb;17(1):127–31.
[14] Hannigan EV, Whitehouse HH, Atkinson WD, et Becker SN. Cone biopsy
substitutif (d’autant plus qu’il n’y a pas d’antécédent familiaux
during pregnancy. Obstet Gynecol 1982;60:450–5.
de cancer du sein). [15] Allen DG, Planner RS, Tang PT, et al. Ivasive cervical cancer in preg-
nancy. Aust N Z J Obstet Gynaecol 1992;35:408.
9. Conclusion [16] Averette HE, Nasser N, Yankow SL, et al. Cervical conization in preg-
nancy. Am J Obstet Gynecol 1970;106:543–9.
Il est important de souligner le rôle crucial de l’examen au [17] Robinson WR, Webb S, Tirpack J, Degefu S, O’Quinn AG. Management
of cervical intraepithelial neoplasia during pregnancy with loop excision.
spéculum, et du frottis systématique dans le suivi de grossesse Gynecol Oncol 1997;64:153.
normal, car la grossesse est une situation privilégiée pour [18] Dudan RC, Yon JL, Ford JH, et al. Carcinoma of the cervix and pregnancy.
dépister les cancers à des stades précoces et opérables. Il ne faut Gynecol Oncol 1973;1:283.
pas hésiter à réaliser des colposcopies chez les femmes [19] Blomfield PI, Buxton J, Dunn J, et al. Pregnancy outcome after large loop
enceintes par des opérateurs entraı̂nés. excision of the cervical transformation zone. Am J Obstet Gynecol
1993;169/620.
En ce qui concerne la conduite à tenir thérapeutique, il [20] Sood AK, Sorosky JI, Mayr N, Anderson B, Buller RE, Niebyl J. Cervical
faut prendre en compte les principes explicités précédemment cancer diagnosed shortly after pregnancy: Prognostic variables and deliv-
dans le cadre d’une prise en charge au cas par cas et d’une ery routes. Obstet Gynecol 2000;95:832–8.
372 C. Vincens et al. / Gynécologie Obstétrique & Fertilité 36 (2008) 365–372

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Revue du Rhumatisme 72 (2005) 750–754
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Quelle imagerie au cours de la grossesse ?


C. Musielak-Zanetti a, R.M. Flipo b, A. Cotten a,*
a
Service de radiologie ostéoarticulaire, CHRU de Lille, hôpital Roger-Salengro, boulevard du Professeur-Jules-Leclercq, 59037 Lille, France
b
Service de rhumatologie, CHRU de Lille, hôpital Roger-Salengro, boulevard du Professeur-Jules-Leclercq, 59037 Lille, France
Reçu le 19 juillet 2004 ; accepté le 15 mai 2005

Disponible sur internet le 27 juin 2005

Mots clés : Femme enceinte ; Grossesse ; Irradiation ; Imagerie ; Radiographie

Keywords: Pregnancy; Irradiation; Pregnant woman; Imaging; Radiographs

1. Introduction que lorsque le volume exploré contient l’utérus, comme c’est


le cas pour la tomodensitométrie pelvienne où la dose effi-
L’exposition radiologique d’une femme enceinte engen- cace reçue par le fœtus (25 mSv) est égale à la dose totale
dre très souvent une inquiétude disproportionnée au risque et délivrée (25 mGy). En revanche, une tomodensitométrie de
des conduites inadaptées [1]. Nous rappellerons brièvement la tête ou du cou ne délivre pas de dose significative à l’uté-
les ordres de grandeur de l’exposition médicale en radiodia- rus (Tableau 2) [1].
gnostic, la physiopathologie des risques encourus par l’enfant
à naître en fonction de la période de grossesse, puis nous pro- 2.1.1. Effets des rayonnements ionisants au cours
poserons une conduite à tenir fondée sur les récentes recom- de la grossesse
mandations de la Commission internationale de protection Les effets néfastes des rayons X sur la grossesse sont repré-
radiologique [1]. Nous terminerons cette mise au point par sentés par les effets tératogènes (effets déterministes n’appa-
les principales pathologies musculosquelettiques de la femme raissant qu’au-dessus d’un certain seuil) et les effets cancé-
enceinte et aborderons leur prise en charge radiologique.
Tableau 1
Ordre de grandeur des doses délivrées à l’utérus en mGy, d’après YS. Cor-
doliani et H. Foehrenbach [1]
2. Risque des différentes techniques d’imagerie Dose à l’entrée Dose à
mi-épaisseur
2.1. Radiologie conventionnelle et tomodensitométrie Rachis lombaire face 15 1,5
Rachis lombaire de profil 30 2,5
Abdomen sans préparation 12 1,5
Ces deux techniques d’imagerie utilisent le rayonnement
Bassin de face 12 1,5
X. Leur utilisation est, de ce fait, fréquemment limitée au
Pelvimétrie 50 6
cours de la grossesse. En radiologie conventionnelle, il
importe de retenir des ordres de grandeur de doses délivrées Tableau 2
à l’utérus (Tableau 1) [1]. En tomodensitométrie, les doses Ordre de grandeur des doses délivrées au volume exploré et à l’utérus en
délivrées au volume exploré sont en règle plus importantes et mGy en tomodensitométrie (pour une seule série), d’après YS. Cordoliani et
plus homogènes qu’en radiographie en raison de la rotation H. Foehrenbach [1]
du tube autour du patient (Tableau 2) [1]. Cependant, en ce Tomodensitométrie Dose au Dose à
qui concerne l’exposition utérine, le scanner utilisant un fais- volume l’utérus
Rachis lombaire (sans inclinaison du statif) 15 10
ceau étroitement collimaté ne délivre de dose significative
Pelvis 25 25
Pelvimétrie 3 3
Crâne 40 < 0,01
* Auteur correspondant.
Adresse e-mail : acotten@chru-lille.fr (A. Cotten). Thorax 15 0,1

1169-8330/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.rhum.2005.05.006
C. Musielak-Zanetti et al. / Revue du Rhumatisme 72 (2005) 750–754 751

rigènes (risque aléatoire augmentant avec la dose reçue, mais 0,05 % pour 10 mGy reçus in utero, c’est-à-dire que le risque
sans seuil). passe de 0,25 % (risque spontané) à 0,3 % pour 10 mGy [1].

2.1.1.1. Les effets tératogènes (malformatifs). Ils sont secon- 2.1.2. En pratique
daires à un mécanisme de mort cellulaire. L’embryon ne pré- Les situations à risque en radiodiagnostic au cours de la
sente pas la même sensibilité au cours de la grossesse : grossesse ne sont à envisager que lorsque l’utérus est suscep-
• lorsque l’œuf est au stade de morula (J8 postconception), tible d’être exposé à une dose non négligeable, soit, en prati-
c’est-à-dire avant l’implantation de l’œuf, chaque cellule que, pour une exploration du diaphragme au pubis (Tableau 3)
isolée peut aboutir au développement d’un embryon nor- [1]. Lorsque l’examen n’intéresse pas ce volume, les doses à
mal. Ainsi, une irradiation peut aboutir à deux cas de figu- l’utérus sont négligeables et l’examen peut être pratiqué sans
res : risque [1].
C soit toutes les cellules sont lésées et la grossesse est arrê-
2.2. L’imagerie par résonance magnétique (IRM)
tée avant même le retard de règles ;
C soit une partie des cellules est épargnée et la grossesse se L’IRM est une technique d’investigation non-irradiante et
poursuit normalement. C’est la loi du « tout ou rien » [1] ; non-invasive au cours de la grossesse. En effet, aucun effet
• l’organogenèse (de J9 au début de la neuvième semaine néfaste sur le fœtus n’a été rapporté ou observé dans les condi-
postconception) est la période au cours de laquelle l’em- tions de pratique clinique. Kanal et al. [2] n’ont pas observé
bryon est le plus sensible (en particulier entre les troi- de différence significative dans l’évolution des grossesses et
sième et cinquième semaines postconception). La mort cel- de leur issue chez des femmes exposées à un champ magné-
lulaire peut être à l’origine de malformations majeures tique au cours de leur activité professionnelle par rapport à
telles que l’arrêt du développement total ou partiel d’un un groupe de femmes non-exposées. Dans l’étude de Baker
membre ou d’un organe. Ce risque n’apparaît qu’au- et al. [3], 20 fœtus exposés à une IRM in utero ont été suivis
dessus d’un seuil situé à 200 mGy ; pendant trois ans, sans mettre en évidence d’effet délétère.
• la troisième période de la grossesse est représentée par la Les conséquences éventuelles sur l’audition des niveaux
maturation fœtale (de la neuvième semaine au neuvième acoustiques élevés liés aux variations de gradient de champ
mois). Les organes sont alors formés et la mort cellulaire magnétique ont été étudiées et aucune altération n’a été obser-
est à l’origine d’une malformation mineure ou partielle vée. En revanche, Magin et al. [4] ont montré que des effets
d’un organe, exception faite du cerveau qui présente une biologiques pouvaient être observés chez la souris soumise
phase de développement cruciale (migration neuronale) de manière prolongée à des champs élevés de 4 teslas. Mais
jusqu’à la 15e semaine. Un risque de retard mental peut les champs magnétiques des appareils utilisés en routine ne
par conséquent s’observer à partir d’un seuil estimé à sont pas supérieurs à 1,5 tesla et les expositions sont brèves.
500 mGy, mais des diminutions de QI ont été rapportées Cependant, les incertitudes persistantes quant aux effets de
pour un seuil de 200 mGy [1]. l’IRM, ainsi qu’une grande sensibilité du fœtus à de nom-
breux agents physiques au cours du premier trimestre, condui-
2.1.1.2. Les effets cancérigènes. Ils sont liés à des modifica- sent à adopter une attitude prudente ; il est ainsi proposé
tions non létales de la cellule et surviennent de façon aléa- d’exclure autant que possible l’IRM au cours du 1er trimestre
toire, sans seuil. Le calcul du risque est extrapolé à partir de de grossesse, et de ne l’indiquer au cours de la grossesse que
fortes doses, ce qui ne prend pas en compte les possibilités de lorsque les autres méthodes non-irradiantes ne sont pas per-
réparation des lésions et est à l’origine d’une évaluation volon- formantes, et en alternative aux méthodes irradiantes quand
tairement pessimiste du risque, en accord avec le principe de le bénéfice de l’examen pour la mère et l’enfant est supérieur
précaution. L’augmentation du risque est alors estimée à au risque éventuel [5].
Tableau 3
Conduite à tenir en pratique lorsque l’utérus est susceptible d’être exposé, d’après YS. Cordoliani et H. Foehrenbach [1]
Absence de retard de règles mais grossesse possible.
• Examen réalisable après validation de l’indication.
• Pas de risque réel pour une grossesse éventuelle (loi du « tout ou rien »).
Grossesse probable ou avérée.
• Report de l’examen après l’accouchement ou l’exclusion d’une grossesse, avec l’accord de la patiente, si ce report est sans dommage pour la mère.
• Si l’examen diagnostique est indispensable, discussion avec la patiente en prenant en compte le risque spontané de malformations ou de cancers tar-
difs, et en mettant en balance le risque ajouté avec le risque que ferait courir à la mère et l’enfant un retard de prise en charge par non-réalisation de l’exa-
men. L’examen doit être réalisé avec la technique la moins irradiante possible, l’estimation de la dose délivrée doit être notée sur le compte-rendu.
Grossesse méconnue lors de la réalisation d’examens radiologiques.
• Reconstituer l’ordre de grandeur de l’irradiation.
• Expliquer le risque aux parents, en fonction du terme de la grossesse.
• Une dose de 100 mGy n’est que rarement dépassée, et donc une interruption thérapeutique de grossesse exceptionnellement indiquée (toujours évo-
quer la possibilité de malformations spontanées (3 %)).
752 C. Musielak-Zanetti et al. / Revue du Rhumatisme 72 (2005) 750–754

En ce qui concerne l’injection de gadolinium, elle doit être L’« ostéoporose de la grossesse » est une entité particu-
évitée au cours de la grossesse. En effet, il existe un passage lière caractérisée par l’apparition de douleurs le plus souvent
transplacentaire du produit de contraste qui est détecté dans lombaires, plus rarement de la hanche, secondaires à des frac-
la vessie du fœtus, puis excrété dans le liquide amniotique, tures ostéoporotiques. Le pronostic est généralement bon, sans
avalé par le fœtus, refiltré et à nouveau excrété par la vessie, récidive au cours des grossesses ultérieures [13]. Une prédis-
suivant plusieurs cycles [6]. Ainsi, tant qu’aucune donnée ne position génétique est avancée [14].
peut prouver l’innocuité du gadolinium pour le fœtus, son Les conflits discoradiculaires sont rares au cours de la gros-
injection ne doit pas être réalisée au cours de la grossesse, sesse (0,1–1,2 %). Weinreb et al. [15] n’ont pas observé, en
sauf si le bénéfice est supérieur au risque, et l’on informera IRM, de différence significative dans la fréquence des pro-
dans ce cas la patiente, en demandant par ailleurs, un consen- trusions ou hernies discales lombaires chez les femmes
tement écrit. Au cours de l’allaitement, comme un passage enceintes comparativement à des femmes non enceintes en
en très faible quantité du produit de contraste dans le lait âge de procréer.
maternel a été mis en évidence pendant environ 33 heures
(< 0,011 % de la dose totale injectée) [7], par mesure de pré- 3.1.1. Imagerie
caution, un arrêt de l’allaitement pendant 36–48 heures après En cas de lombalgies inhabituelles ou intenses, les radio-
une injection de gadolinium est requis. graphies peuvent être réalisées en première intention chez la
femme enceinte en limitant les incidences (essentiellement
2.3. L’échographie le profil), à la recherche d’une raréfaction osseuse, d’un tas-
sement vertébral, d’un antélisthésis dégénératif et d’associa-
Elle n’est pas contre-indiquée au cours de la grossesse. tions pathologiques fortuites. Dans un second temps, en fonc-
Elle peut être utile pour la recherche d’un épanchement intra- tion des données du bilan radiographique initial et de la
articulaire, d’une ténosynovite, l’exploration d’une étiologie suspicion clinique, peut être proposée une IRM en évitant
à un syndrome de canal carpien, et peut guider une ponction. l’injection de gadolinium. Les douleurs pelviennes de la gros-
sesse ne justifient que rarement un bilan radiologique en
2.4. La scintigraphie osseuse
dehors d’une suspicion d’infection ou de fracture par insuf-
Les doses reçues par le fœtus sont de 5 mSv en début de fisance osseuse (sacrum).
grossesse et de 2 mSv en fin de grossesse pour les scintigra-
phies au 99 mTc, et sont plus élevées pour les scintigraphies 3.2. Les infections
au 67Ga (16 et 25 mSv respectivement) [1]. En pratique, si la
scintigraphie (au technétium) est justifiée, elle peut être réa- La grossesse correspond à une allogreffe naturelle sans
lisée en limitant au maximum l’irradiation de l’enfant et après déficit immunitaire patent ni augmentation significative de la
information et consentement des parents. En revanche, l’injec- susceptibilité aux infections. Cependant, certains auteurs ont
tion d’131I (examen thérapeutique) expose la thyroïde du fœtus évoqué la possibilité d’une immunosuppression plus mar-
à une très forte irradiation. La thyroïde étant fonctionnelle quée au cours des 2e et 3e trimestres et dans le postpartum
dès la 8e semaine de grossesse, une scintigraphie à l’131I peut [16]. Les infections sont en fait essentiellement observées dans
être à l’origine d’une insuffisance thyroïdienne grave depuis le postpartum et affectent alors volontiers le rachis, les arti-
ce terme jusqu’à la fin de la grossesse et doit donc être diffé- culations sacroiliaques et la symphyse pubienne [17–19]. En
rée après l’accouchement. cas de suspicion d’arthrite au cours de la grossesse, l’image-
Il faut également rappeler le problème des patients ayant rie repose essentiellement sur l’IRM étant donné l’important
eu une scintigraphie (notamment une dose thérapeutique pour retard radioclinique (Fig. 1). On rappellera l’intérêt de l’écho-
cancer de la thyroïde) et qui peuvent être en contact avec une
femme enceinte. Bien que la dose limite arbitraire fixée à
1 mSv ne soit probablement pas atteinte par le fœtus, on
recommande à ces patients d’éviter tout séjour prolongé au
contact d’une femme enceinte (décroissance complète en dix
semaines) [1].

3. Principales affections musculosquelettiques


de la femme enceinte

3.1. Lombalgies, radiculalgies et douleurs pelviennes

Les lombalgies et/ou douleurs pelviennes sont fréquentes


au cours de la grossesse (20–70 % des femmes) [8–10]. Leur Fig. 1. Sacro-iliite droite infectieuse (séquence axiale pondérée T2 avec sup-
physiopathogénie est encore mal connue [8,10–12]. pression du signal de la graisse).
C. Musielak-Zanetti et al. / Revue du Rhumatisme 72 (2005) 750–754 753

graphie pour guider la ponction articulaire en cas d’articula-


tion superficielle. En cas de suspicion de fasciite nécrosante
d’un membre inférieur, l’imagerie ne doit pas retarder la prise
en charge thérapeutique. Les radiographies (recherche de gaz
dans les tissus mous) et l’échographie peuvent être propo-
sées, l’IRM étant plus difficilement accessible en pratique
[16].

3.3. Douleurs de hanche

Les trois principales affections à évoquer sont l’algodys-


trophie de hanche, l’ostéonécrose aseptique de la tête fémo-
rale et la fracture par insuffisance osseuse. Elles surviennent
le plus souvent lors du troisième trimestre.
Les facteurs favorisant l’algodystrophie de hanche de la
femme enceinte restent encore très incertains. Cette affection
se traduit en radiographie (hanche de face) par une hyper-
transparence osseuse hétérogène à prédominance sous-
chondrale de la tête fémorale, mais dont l’apparition est retar-
dée de quatre à huit semaines par rapport aux symptômes
cliniques. L’IRM permet en revanche, un diagnostic précoce
Fig. 3. Ostéonécrose de la tête fémorale (coupe frontale pondérée T2 avec
de l’affection : œdème médullaire en hyposignal T1 et hyper-
suppression du signal de la graisse).
signal T2 de contours flous, d’étendue variable mais affec-
tant l’os sous-chondral (Fig. 2). Un épanchement intra-
articulaire non spécifique est volontiers associé mais l’œdème
des parties molles est moins fréquent qu’aux extrémités. Une nomènes mécaniques et hormonaux (augmentation du corti-
fracture sous-chondrale associée, cause ou conséquence de sol, des estrogènes et de la progestérone à l’origine d’une
l’algodystrophie, doit être recherchée (hyposignal linéaire hyperpression intraosseuse). Une atteinte plus fréquente de
parallèle à la surface de la tête fémorale). L’injection de gado- la hanche gauche a été rapportée. Elle pourrait s’expliquer
linium, déconseillée sur ce terrain, est inutile. par la disposition anatomique de la veine iliaque gauche sur-
La cause de l’ostéonécrose aseptique de la tête fémorale croisée par l’artère iliaque droite, et par conséquent, davan-
est probablement multifactorielle : hypercoagulabilité, phé- tage sujette aux compressions exercées par le fœtus [20]. Les
radiographies de hanche sont initialement normales chez la
majorité des patientes. L’IRM permet le diagnostic positif de
l’ostéonécrose (nécrose cerclée d’un liseré de démarcation
hypo-intense en T1) (Fig. 3) et l’évaluation du pronostic (topo-
graphie en zone portante, étendue et signal de la nécrose,
œdème osseux adjacent).
Les fractures par insuffisance osseuse sont rares mais elles
peuvent s’observer, notamment au col fémoral [11,21]. Leur
reconnaissance est essentielle car elles sont initialement
incomplètes. Parfois décelables en radiographie, elles sont
parfaitement objectivées par l’IRM (trait hypo-intense au sein
d’une réaction œdémateuse de la moelle osseuse).

3.4. Syndrome du canal carpien et ténosynovite


de De Quervain

Le syndrome du canal carpien et la ténosynovite de De


Quervain sont secondaires à l’infiltration des tissus mous
observée au cours de la grossesse [11]. Une échographie n’est
que rarement réalisée (confirmation diagnostique, recherche
Fig. 2. Algodystrophie de la hanche droite (coupe frontale pondérée T2 avec d’éventuels facteurs étiologiques (Fig. 4), infiltration écho-
suppression du signal de la graisse). guidée).
754 C. Musielak-Zanetti et al. / Revue du Rhumatisme 72 (2005) 750–754

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Rachis lombaire et grossesse


Lumbar spine and pregnancy
Bernard Fouquet *, Marie Joelle Borie, Sybille Pellieux
Fédération universitaire interhospitalière de médecine physique et de réadaptation, hôpital Trousseau, CHU de Tours, 37044 Tours cedex 01, France
Reçu le 3 janvier 2005 ; accepté le 13 avril 2005

Disponible sur internet le 27 juin 2005

Mots clés : Rachis lombaire ; Lombalgie ; Douleurs pelviennes ; Grossesse ; Douleur

Keywords: Lumbar spine; Low back pain; Pelvic pain; Pregnancy; Pain

1. Introduction saxons) doivent être recherchées attentivement. Ainsi, mal-


gré leur rareté, la possibilité de lombalgies symptomatiques
La grossesse est l’occasion de multiples modifications phy- doit toujours être évoquée, qu’il s’agisse de fracture métas-
siologiques, notamment l’augmentation de poids et d’élasti- tatique, en particulier du sein [4] ou de tumeur primitive. La
cité des tissus, modifications qui entraînent un fonctionne- survenue d’une lomboradiculopathie sciatique ou crurale par
ment différent du rachis lombaire et des contraintes sur les hernie discale serait observée dans 1 à 4 % des grossesses ;
structures ostéoarticulaires. Ces modifications de la char- toutefois, les formes neurologiques déficitaires motrices sem-
nière lombosacrée et les dysfonctionnements ligamentaires blent suffisamment rares pour être publiées [5]. Elles auraient
pelviens, en particulier des structures sacro-iliaques, ne per- une incidence d’un cas pour 10 000 grossesses, des cas excep-
mettent pas de séparer l’analyse sémiologique du rachis lom- tionnels de syndrome de la queue-de-cheval, d’évolution favo-
baire et du bassin au cours de la grossesse [1]. Les lombal- rable, ayant été décrits [5,6].
gies sont rarement isolées mais fréquemment associées à des Une scoliose peut également entretenir des rapports privi-
douleurs fessières. Elles posent, pour la majorité d’entre elles, légiés avec la grossesse. La progression naturelle de la sco-
le problème de leur origine, de leur physiologie, et se carac- liose lombaire non opérée, en général de 0,4 par an, n’est pas
térisent par leur date de survenue au cours de la grossesse. modifiée par l’existence d’une ou plusieurs grossesses [7].
Enfin, les phénomènes douloureux lombopelviens s’intè- L’évolution pendant la grossesse des scolioses de l’adoles-
grent dans une situation physiologique particulière émaillée cence, opérées ou traitées par corset, est plutôt bonne [8].
d’autres manifestations somatiques (Figs. 1 et 2) [2]. La lom-
balgie et les douleurs lombopelviennes ont parfois un impact
sévère sur le plan socioprofessionnel, provoquant un arrêt de
travail, de sept jours en moyenne, chez 20 % des femmes [3].
Enfin, les phénomènes douloureux lombaires et fessiers posent
des problèmes thérapeutiques, influencés par les limites de la
prise médicamenteuse et les modalités de la physiothérapie.

2. Situations particulières

Comme en dehors du contexte de la grossesse, certaines


anomalies (« red flags » ou drapeaux rouges des anglo-

* Auteur correspondant. Fig. 1. Fréquences de quelques manifestations somatiques, décrites comme


Adresse e-mail : Fouquet@med.univ-tours.fr (B. Fouquet). occasionnelles, au cours de la grossesse (d’après Rodriguez) [2].

1169-8330/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.rhum.2005.04.003
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femmes auraient des lombalgies pendant la grossesse, chif-


fres très variables d’une série à l’autre. Les études de cohor-
tes de femmes enceintes, chez qui la lombalgie est systéma-
tiquement recherchée, montrent une prévalence très élevée
qui peut atteindre 68 à 76 % [17,18]. Toutefois, les chiffres
rapportés dans les séries médicales sont de l’ordre de 30 %
[19]. Cette discordance est expliquée, en partie, par la bonne
tolérance chez les parturientes qui ne rapportent pas les dou-
leurs ou qui ne consultent pas pour celles-ci.
La fréquence des lombalgies n’est pas également répartie
au cours de la grossesse ; celles-ci apparaissent vers la 18e
semaine (soit environ six semaines après l’obtention du taux
maximum de relaxine [20]), et augmentent progressivement
Fig. 2. Fréquences de quelques manifestations somatiques, décrites comme
de fréquence jusqu’à l’accouchement. Dans le post-partum,
fréquentes, au cours de la grossesse (d’après Rodriguez) [2].
si des fréquences de 30 à 45 % peuvent parfois être obser-
vées, environ 90 % des lombalgies disparaissent dans des
L’évolution des courbures non fusionnées n’évolue pas, ni délais de 12 semaines en moyenne [17,19].
en fonction du nombre de grossesses, ni en fonction de l’âge L’existence d’un dysfonctionnement pelvien semble très
de survenue de la première grossesse [7,9]. La prévalence fréquente, plus que la lombalgie pure. Ainsi, dans l’étude
des lombalgies semble légèrement supérieure en cas de sco- d’Albert [1], sur 2269 femmes enceintes, 23,6 % avaient un
liose, 35 % contre 28 % chez les témoins [10,11], et le recours dysfonctionnement douloureux pelvien postérieur pour seu-
à une césarienne est parfois plus fréquent (23 % vs 15 %) [9]. lement 6,5 % de lombalgies isolées ; cette atteinte du bassin
La survenue d’une scoliose au cours d’une grossesse est un se répartissait comme suit :
événement rare (0,029 % des cas [12]) et doit faire suspecter • 6 % de dysfonctionnement postérieur, au voisinage des
une cause intercurrente (traumatisme, fracture pathologique, sacro-iliaques ;
infection, poliomyélite antérieure aiguë). L’existence d’une • 2,1 % de pubalgie ;
scoliose opérée expose à plus de complications lors de l’anes- • 5,6 % de souffrance sacro-iliaque unilatérale ;
thésie péridurale (impossibilité à repérer l’espace péridural, • 7,8 % de souffrance sacro-iliaque bilatérale ;
hématomes, anesthésie inefficace) [13]. Bien différentes sont • 2 % de douleurs lombopelviennes non systématisées.
les scolioses dorsales ou évoluant en contexte neurologique, La survenue de lombalgies intriquées à des douleurs pel-
responsables d’une déficience respiratoire aggravée pendant viennes postérieures semble fréquente, peut-être liée au nom-
la grossesse du fait de l’augmentation de volume de l’abdo- bre de grossesses (21 % chez des primipares et 31 % chez des
men [14], qui imposent un suivi multidisciplinaire rigoureux multipares) [21] et associée à des pubalgies comme dans la
en particulier pneumologique [15]. C’est dans ce groupe série de Bjorklund (Tableau 1) [1,22]. Contrairement aux lom-
qu’ont été observées des évolutions létales [16]. balgies, les douleurs postérieures et fessières apparaissent plus
précocement et augmentent tout au long de la grossesse
[22,23].
3. Douleurs lombopelviennes bénignes et grossesse

3.1. Fréquence 3.2. Grossesse et physiologie rachidienne et pelvienne

La survenue de lombalgies et de douleurs lombofessières Il est dit qu’Hippocrate avait déjà évoqué le relâchement
au cours de la grossesse semble très fréquente ; 20 à 50 % des de la ceinture pelvienne pendant la grossesse. C’est ainsi que

Tableau 1
Manifestations douloureuses lombaires et pelviennes chez 68 parturientes (d’après Bjorklund) [22]
Paramètres Groupe A Groupe B Groupe C P
Douleurs minimes Douleurs intenses Douleurs intenses
du pubis du pubis du pubis
n = 38 n = 11 Patientes vues à
35 SA n = 19
Délai de survenue des douleurs 26,1 semaines 20,7 semaines 14,3 semaines 0,0001
Fréquence des lombalgies pures 10,5 % 9,1 % 26,3 %
Fréquence des lombalgies associées à des douleurs pelviennes 13,1 % 36,3 % 68,4 % 0,01
Antécédents douloureux pendant une grossesse précédente 14,3 % (3/21) 87,5 % (7/8) 75 % (12/16) 0,001
35 SA : 35 semaines d’aménorrhée.
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sont expliquées de possibles instabilités des articulations parallèle et non plus alterné, associée à un recrutement impor-
sacro-iliaques et du pubis au cours de la grossesse. L’intrica- tant des membres inférieurs et une modification des amplitu-
tion des douleurs lombaires et pelviennes est un élément des articulaires des hanches au cours des efforts de soulève-
important à prendre en compte ; la parturiente lombalgique a ment.
plus de risque de développer des douleurs multiples et d’avoir Le relâchement des structures ligamentaires, du système
des douleurs au cours d’une grossesse ultérieure. Cela impose de soutien conjonctif musculaire et tendineux serait secon-
donc une évaluation globale des contraintes appliquées sur le daire à l’imprégnation hormonale (estrogènes, relaxine). Le
socle pelvien et le rachis. rôle de la relaxine, hormone insuline-like, reste controversé,
Les contraintes sur les enthèses (sur le pubis en particu- et initialement, à partir de travaux expérimentaux chez la truie,
lier) sont liées aux tractions des muscles abdominaux sur il avait été suggéré qu’elle était responsable de la distension
celles-ci. La masse commune des muscles érecteurs spinaux, pubienne. En fait, il n’a pas été montré de lien entre les taux
s’opposant au moment de force induit par le poids du corps, de relaxine à la 12e semaine de grossesse et la distension de
produit une traction verticale sur les charnières sacro- la symphyse pubienne à la 12e semaine ou à la 35e semaine
iliaques. Les muscles abducteurs de hanches (moyens fes- [22], ni de lien entre les phénomènes douloureux lombopel-
siers, pelvitrochantériens) sont plus sollicités au cours de la viens et le taux initial mesuré chez 950 parturientes [26]. Si
marche pour maintenir le bassin équilibré. Cela a pour consé- l’effet de la relaxine est controversé, les modifications hor-
quence d’entraîner une ouverture de la symphyse pubienne monales, progestatives en particulier, pourraient jouer un rôle.
et une ouverture des articulations sacro-iliaques en avant. Ces En effet, alors que les contraintes biomécaniques sont fai-
modifications mécaniques du bassin sont à l’origine d’ano- bles, l’étude de Kristiansson chez des femmes ayant une gros-
malies structurelles démontrées par l’imagerie : sclérose des sesse provoquée par fécondation in vitro a montré une fré-
berges sacro-iliaques, élargissement de la symphyse pubienne quence anormalement élevée de douleurs lombopelviennes
ou clarté intra-articulaire. Ces contraintes accrues peuvent (Fig. 3) [27]. Dans cette série de 31 femmes, les taux séri-
donner naissance à des douleurs irradiées dans le territoire ques de relaxine étaient particulièrement élevés et corrélés
sciatique, à des douleurs fessières, postérieures et externes à aux phénomènes douloureux, mais il existait également une
la cuisse, et à des sensations de membre inférieur « fan- forte corrélation entre la fréquence des douleurs et le nombre
tôme » [24]. de fœtus en gestation. Une des hypothèses pour expliquer ces
Cette augmentation du travail des muscles extenseurs spi- données contradictoires serait une hyperstimulation ova-
naux peut conduire à plus de lordose et plus d’antéversion du rienne induite pour la fécondation in vitro qui serait respon-
bassin. Toutefois, cette modification de l’exercice des mus- sable des phénomènes douloureux observés, hyperstimula-
cles extenseurs spinaux est limitée par l’augmentation de tion ovarienne qui induit également une hypersécrétion de
l’élasticité des tissus de soutien qui peut être à l’origine d’une relaxine.
mise en rétroversion par perte d’efficacité du tissu muscu- Enfin, les modifications hormonales de la grossesse ont
laire [17]. L’activité des muscles extenseurs spinaux semble des effets indirects sur la capacité de gestion des stimuli noci-
profondément modifiée ; ainsi, l’étude électromyographique ceptifs en particulier en situation de stress [28]. Si le phéno-
de surface de ces muscles a montré la disparition du phéno- mène de dépression est rare pendant la grossesse, identique à
mène de flexion-relaxation, habituellement observé [25]. Cette la population féminine, le « blues » du post-partum (26 à 85 %
modification de l’organisation motrice peut admettre plu- des femmes selon les critères diagnostiques) serait lié à la
sieurs hypothèses : un évitement, par protection, du fait de baisse brutale des hormones progestatives et à la perte liée à
l’instabilité potentielle induite par le surpoids ; une flexion l’accouchement [29].
incomplète du rachis lombaire ; une modification des affé-
rences proprioceptives. Dans l’étude de Sihvonen [25], il exis-
tait un lien entre les modifications de l’activité des muscles
extenseurs spinaux et la survenue de phénomènes doulou-
reux au cours du dernier trimestre de grossesse ; toutefois, au
cours de l’antéflexion du tronc, les diminutions du niveau
d’activité des muscles extenseurs spinaux, pendant le 1er tri-
mestre, étaient associées à une plus grande fréquence des lom-
balgies et à un niveau d’incapacité plus grand pendant le 3e
trimestre. Potentiellement, ces modifications musculaires
pourraient être à l’origine d’un risque accru de lésions disca-
les et de lésions des structures articulaires postérieures.
Des modifications proprioceptives complexes surviennent
au cours de la grossesse ; on note ainsi, au fur et à mesure de Fig. 3. Comparaison entre les fréquences des manifestations douloureuses
la grossesse, une modification de la coordination des ceintu- lombaires et sacrées au cours de grossesses par fécondation in vitro (FIV) et
res, au cours de la marche, les ceintures ayant un mouvement de grossesses normales (d’après Kristiansson) [27].
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3.3. Facteurs de risque d’origine africaine consultaient plus et prenaient plus de trai-
tement antalgique que les femmes de Norvège ou de Suède
Débutant avant que la prise de poids soit importante, les [34].
lombalgies ne sont pas liées directement à la composante bio-
mécanique de majoration de la charge physique. Il n’a pas 3.4. Caractéristiques des lombalgies
été observé de corrélation entre le diamètre antéropostérieur
de l’abdomen et les douleurs lombaires, et la survenue plus Par leur intensité, les lombalgies au cours de la grossesse
fréquente au cours de mouvements de flexion ou de torsion sont majoritairement peu intenses et bien tolérées. Dans envi-
du tronc n’est pas spécifique à la survenue d’une lombalgie ron 50 % des cas, elles ont une intensité inférieure à 50 mm
au cours de la grossesse [21]. (échelle visuelle analogique de 0 à 100 mm), entre 75 et
De nombreuses études ont été consacrées aux facteurs de 50 mm pour 25 % et au-delà de 75 mm pour 25 % [19]. Sou-
risque pendant et après la grossesse. Globalement, apparais- vent de rythme mécanique, elles sont majorées par la marche
sent comme facteurs de risque significatifs, pendant la gros- et les postures antéfléchies. L’incapacité qu’elles entraînent
sesse, la présence d’une activité professionnelle intense, phy- est modérée. Au cours du dernier trimestre de grossesse, il a
sique, stressante, des antécédents de lombalgie, en général été montré que 31 % avaient un score de Roland et Morris à
ou pendant une première grossesse ou dans le post-partum 0, 41 % d’entre elles entre 1 et 4, 21 % entre 5 et 10 et 8 %
précédent. Une étude récente retient la multiparité [17], mais avaient un score supérieur à 10 [35]. Dans 58 % des cas, les
les données dans ce domaine sont contradictoires. Il en est de lombalgies entraînaient des troubles du sommeil et dans 57 %
même de l’âge de la mère au moment de la grossesse [19]. une gêne dans la vie quotidienne [18]. Ces chiffres sont pro-
Comme dans la lombalgie commune, hors le contexte de ches d’une autre série, où des effets sur la vie quotidienne ont
grossesse, il est important de préciser les autres composantes été observés de façon minime dans 53,6 % des cas, modérée
somatiques. Les phénomènes douloureux lombaires s’intè- dans 33,2 % des cas, sévère dans 11,2 % des cas [17]. Glo-
balement, sur l’ensemble de la grossesse, une incapacité dans
grent dans un contexte plus large de manifestations somati-
la vie quotidienne serait observée dans 28 % des cas [17].
ques multiples (Figs. 1 et 2) [2] à type de fatigue, de troubles
Toutefois, la coexistence des phénomènes douloureux lom-
du sommeil, de douleurs musculaires. Toutes ces manifesta-
baires avec des douleurs pelviennes complique la sémiologie
tions sont significativement corrélées à la prise de poids, au
de la douleur par son intensité et ses conséquences fonction-
tabagisme, au stress environnemental en particulier profes-
nelles. Les douleurs pelviennes ont un retentissement fonc-
sionnel, aux cognitions négatives et à l’absence de soutien
tionnel plus important sur l’ensemble des activités de la vie
social [2]. Plus fréquemment, en cas de lombalgie de la gros-
quotidienne (ménage, marche, loisirs). La conjonction de dou-
sesse, intervient le contexte environnemental social : niveau
leurs lombaires et pelviennes majore très nettement l’incapa-
socioéconomique plus faible, facteurs psychoaffectifs, socio-
cité [19].
logiques (soutien social, statut marital, vécu pendant des gros-
sesses précédentes, relations maternelles) [30]. Fait remar-
3.5. Examen physique
quable, ces facteurs, qui rejoignent ceux de la lombalgie
commune, sont très proches de ceux de la dépression de la
Les douleurs étant largement plus étendues que dans la
grossesse et surtout du post-partum [28].
lombalgie commune, l’examen physique doit, systématique-
Les conditions environnementales professionnelles stres- ment, comporter l’évaluation rachidienne lombaire et de la
santes jouent un rôle important non seulement sur la fré- région sacro-iliaque [1,36]. Parmi l’ensemble des tests faci-
quence des lombalgies mais aussi sur d’autres affections de lement réalisables en décubitus dorsal, trois semblent appor-
la grossesse [31,32]. Les lombalgies sont ainsi beaucoup plus ter suffisamment d’informations pour orienter l’examen vers
fréquentes lorsqu’il y a une concentration élevée et une anxiété une souffrance sacro-iliaque [37] :
au travail ; le manque de contrôle au travail augmente le ris- • le premier est le test de provocation d’une douleur posté-
que de petit poids de naissance (risque relatif [RR] de 2,5), rieure : le sujet étant couché, genoux et hanches fléchis à
de prééclampsie (RR de 1,6) et de manifestations lombopel- 90°, l’examinateur effectue une pression vers le bas sur le
viennes (RR de 1,3 pour les lombalgies et de 1,6 pour les genou. Ce test a une sensibilité de 0,90 et une spécificité
douleurs pelviennes postérieures) [33]. de 0,98 ;
Le nombre de consultations et de journées d’incapacité • le deuxième est le test de Menell ; le sujet étant couché, un
semble augmenter dans le monde occidental du fait des dou- membre inférieur en abduction à 30° et 10° de flexion,
leurs lombopelviennes au cours des grossesses. Cela suggé- l’examinateur effectue une poussée vers le bassin puis un
rerait que la perception d’inconfort au cours de la grossesse relâchement. Ce test aurait une sensibilité de 0,70 et une
serait maintenant perçue comme une situation « pathologi- spécificité de 1 ;
que » plus fortement médicalisée [34]. Une étude compara- • le troisième est le test de Patrick ; il consiste sur un mem-
tive entre différentes populations du nord de l’Europe et bre inférieur fléchi en abduction et rotation, de telle sorte
d’Afrique n’a pas montré de différence de fréquence en fonc- que la cheville repose sur le genou controlatéral, à la pro-
tion du niveau social et culturel ; au contraire, les femmes vocation d’une douleur postérieure sacro-iliaque. Ce test a
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une sensibilité de 0,70 et une spécificité de 0,99. Ce test a grossesse, et les facteurs de survenue et de pérennisation font
été trouvé comme fortement corrélé à l’incapacité fonc- appel à d’autres facteurs. Ainsi, l’approche biomédicale pure
tionnelle [37]. n’est pas en mesure de permettre une évaluation de la dou-
Un dysfonctionnement pelvien postérieur peut être sus- leur dans toutes ses composantes ni dans la lombalgie com-
pecté pendant et après la grossesse par l’élévation active du mune, ni dans les douleurs lombopelviennes de la grossesse.
membre inférieur. L’intensité et la positivité de ce test ont Seule une approche globale, biopsychosociologique, est satis-
semblé étroitement corrélées à l’incapacité fonctionnelle faisante. Les facteurs de détresse psychologique au cours de
mesurée par l’échelle de Québec [38]. Enfin, une sensibilité la grossesse sont proches de ceux de la lombalgie commune :
accrue à la palpation des ligaments lombosacrés, au-dessus niveau de ressources plus faible, situations conflictuelles fami-
des sacro-iliaques doit être recherchée. liales, nombre d’évènements stressants dans les 12 mois qui
Au terme de cet examen, le tableau douloureux lombopel- précèdent la grossesse, antécédents de dépression, faible sou-
vien peut être classé en quatre groupes qui peuvent s’intri- tien social, précarité du travail [43]. L’intrication de facteurs
quer : pubalgie, souffrance sacro-iliaque, dysfonctionnement psychologiques dans la non-gestion d’un stimulus nociceptif
pelvien postérieur, lombalgie [39]. n’est plus à démontrer. Cela conduit à proposer un modèle
tenant compte des interactions entre les facteurs non spécifi-
3.6. Évolution après l’accouchement ques (non liés à la grossesse mais mettant la parturiente en
situation d’échec de la gestion des informations douloureu-
Dans la grande majorité des cas, l’évolution des douleurs ses) et d’autres plus spécifiques via les modifications hormo-
lombopelviennes est favorable, le plus souvent dans les six nales d’une part, et la situation inhabituelle et l’anxiété pro-
mois suivant l’accouchement [30]. À trois mois, 54 % gar- pres à la grossesse d’autre part.
dent des douleurs avec pour facteur de risque principal le taba- Ainsi, les perturbations émotionnelles au cours de la gros-
gisme [40], sans que le poids du nouveau-né n’ait une inci- sesse sont plus fréquentes au cours du premier trimestre ainsi
dence. Au-delà, des douleurs sont mentionnées dans 10 à 23 % que les tracas et évènements stressants. Le lien des douleurs
des cas, associées à une incapacité pour les activités ménagè- lombopelviennes au tabagisme, suggéré par certaines études,
res, la marche, les activités physiques de loisirs [41]. peut être rattaché à d’autres facteurs environnementaux : fai-
Plusieurs facteurs semblent être prédictifs de la persis- ble niveau éducatif, anxiété, difficultés financières, manque
tance de lombalgies après l’accouchement : une perte de force de soutien social [44–46]. Le nombre de manifestations soma-
et d’endurance des extenseurs spinaux, des abdominaux et tiques au cours de la grossesse est significativement associé à
des abducteurs de hanche [41], un contexte professionnel l’anxiété liée à la grossesse mais aussi aux risques qu’elle
stressant ou une insuffisance de repos pendant le travail [30], fait peser sur l’avenir professionnel. En conséquence, le
la précocité d’apparition des douleurs pendant la grossesse modèle de la diathèse douloureuse de Gatchel peut parfaite-
[30]. Alors qu’une diminution d’intensité des lombalgies a ment s’appliquer à cette situation (Fig. 4) [47].
été observée pendant le dernier mois, plus le niveau de dou-
leur était élevé pendant celui-ci, plus le risque de conserver 5. Aspects thérapeutiques
des douleurs à six ans était élevé [22].
Ces données sont à rapprocher de celles concernant la lom- En dehors du traitement symptomatique par voie générale
balgie commune : dès lors que des facteurs environnemen- (recours au paracétamol) ou de l’acupuncture [48–50], diver-
taux favorisent la survenue des douleurs et l’incapacité, il est ses mesures peuvent être proposées. Elles reposent sur le
logique en l’absence de correction de ces facteurs, que le même principe que dans la lombalgie commune : éducation à
défaut de gestion de la douleur se poursuive au-delà de garder une activité physique régulière, même aérobique, qui
l’accouchement, indépendamment des facteurs biomécani- n’a pas de conséquence sur le fonctionnement placentaire et
ques que sont la prise de poids pendant la grossesse ou le la régulation thermique du nourrisson [51]. En améliorant la
poids du nouveau-né [19]. Ce qui semble être au cœur de la qualité de vie, cette pratique physique peut permettre une
persistance de la douleur, voire être à l’origine de sa récidive meilleure gestion des douleurs. De même, la pratique d’exer-
à l’occasion d’une nouvelle grossesse, est le comportement cices de relaxation peut être préconisée. Les thérapies manuel-
d’évitement anxieux. Si à ce jour l’approche de la stratégie les ostéopathiques peuvent aussi être proposées par des thé-
d’évitement anxieux n’a pas été évaluée comme dans la lom- rapeutes expérimentés compte tenu de la détente ligamentaire
balgie commune, la peur d’une nouvelle grossesse du fait de et musculotendineuse. En outre, les thérapies habituelles doi-
la lombalgie a été rapportée dans 19 % des cas [42]. vent être adaptées en raison de modifications de l’application
des forces [49].
Peu d’études méthodologiquement correctes ont évalué la
4. Approche « biopsychosociologique » des phénomènes rééducation massokinésithérapique : la balnéothérapie rédui-
douloureux lombopelviens rait l’incapacité et le nombre de jours d’arrêt de travail mais
aurait peu d’impact sur l’intensité douloureuse, alors que
Le modèle biomécanique rend incomplètement compte des l’acupuncture serait plus efficace sur la douleur que la réédu-
phénomènes douloureux lombopelviens au cours et après la cation fonctionnelle [23,52].
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Fig. 4. Modélisation des processus douloureux au cours de la grossesse et processus chronique.

Compte tenu du fait que le manque de force et d’endu- après six ans d’évolution, traduisant l’impact éducatif de la
rance des muscles abdominaux et extenseurs spinaux est asso- méthode appliquée pendant la grossesse [23].
cié à une plus grande fréquence de lombalgies et de douleurs
pelviennes, il était logique de proposer un entretien voire un
6. Conclusion
renforcement de ces muscles. Une étude contrôlée a montré
que la pratique d’exercices de renforcement musculaire (mul- Les phénomènes douloureux lombopelviens au cours de
tifidus, muscles grands dorsaux, abdominaux obliques, car- la grossesse sont le plus souvent bénins et d’évolution favo-
rés des lombes, abducteurs et adducteurs de hanches) 30 minu- rable après l’accouchement ; ils peuvent dans certains cas
tes, trois fois par semaine, pendant 20 à 30 semaines, être source d’incapacité, pendant et après la grossesse. L’éva-
comparativement à une rééducation conventionnelle repo- luation rigoureuse doit permettre d’éliminer une douleur
sant sur des exercices d’assouplissement, était significative- symptomatique et une très exceptionnelle complication neu-
ment associée à des valeurs plus faibles de douleurs, d’inca- rologique associée, et de préciser la topographie des dou-
pacité (échelle d’Oswestry), de qualité de vie (SF36) aussi leurs. Les formes douloureuses précoces, souvent diffuses,
bien dans les dimensions physiques que de fonctionnement parfois prolongées, justifient une approche globale. En cas
[23]. Ce résultat favorable, observé à un an, s’est confirmé d’échec de thérapeutiques physiques et symptomatiques médi-
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camenteuses, le recours à une approche multidisciplinaire peut [21] Endresen EH. Pelvic pain and low back pain in pregnant women - an
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Stérilité/infertilité –
étiologies et investigations
Bruno Imthurna, Estilla Maurer-Majorb, Ruth Stillera
a
Klinik für Reproduktions-Endokrinologie, Departement Frauenheilkunde, Universitätsspital Zürich
b
Fachärztin für Gynäkologie und Geburtshilfe, Baumackerstrasse 46, 8050 Zürich

Introduction
Quintessence
% L’incidence de la stérilité est en progression, en premier lieu à cause du Le désir non satisfait d’avoir des enfants, une
décalage du désir de maternité vers un âge plus élevé. maladie reconnue par l’OMS, représente un pro-
blème toujours plus important dans notre société.
% La fertilité de la femme baisse à partir de l’âge de 35 ans pour tomber dix ans La toute première cause en est que le désir de
plus tard à pratiquement zéro.
grossesse est repoussé à un âge toujours plus
% La fertilité de l’homme diminue linéairement avec l’âge. avancé. La question de savoir si les modifications
du spermogramme jouent aussi un rôle est très
% Les causes non spécifiques les plus fréquentes de la stérilité sont l’âge et le
exploitée par les médias, mais très controversée
stress excessif.
dans la littérature scientifique.
% Les causes spécifiques les plus fréquentes de la stérilité sont les troubles Le succès des traitements de la stérilité s’est
endocriniens de la maturation folliculaire, les anomalies tubaires et celles du considérablement amélioré ces dernières décen-
spermogramme. nies. Dans les années 80 du siècle dernier par
exemple, les chances de grossesse après fertili-
% La courbe de température basale, auparavant très répandue, n’a plus qu’un
sation in vitro (FIV) n’étaient que de quelques
intérêt minime actuellement dans le diagnostic de la stérilité.
pourcents, alors qu’actuellement deux couples
% Si les cycles sont réguliers, le dosage sérique de la FSH au début du cycle sur trois voient leur désir d’avoir des enfants sa-
et celui de la TSH indépendamment du cycle suffisent à l’exploration du facteur tisfait dans les centres suisses de qualité. Leurs
endocrinien. résultats peuvent se mesurer à ceux des meilleurs
centres européens. Et ceci malgré le fait que la
% Les spermogrammes ne devraient être établis que selon les normes de l’OMS.
médecine de la reproduction en Suisse soit sou-
% En raison de sa sensibilité et de sa spécificité très faibles, le dosage des anti- mise à l’une des lois les plus restrictives au
corps anti-spermatozoïdes est obsolète. monde, la Loi sur la Procréation Médicalement
Assistée (LPMA).
Summary Avant de poser l’indication à la procréation médi-
calement assistée, il faut effectuer des investi-
Sterility/Infertility – Aetiologies and diagnostic tests gations approfondies, parfois longues et compli-
% Prevalence of infertility increases mainly due to the postponement of the quées. Ce n’est qu’à ce prix qu’il est possible de
childwish into a higher age range. trouver le traitement offrant les plus grandes
chances de succès et ne présentant qu’un mini-
% Female fecundity declines starting from the age of 35 years and drops within
mum de risques pour la mère et son futur enfant.
10 years to close to zero.
La manière d’explorer la stérilité/infertilité a pas-
% Male fertility decreases age-dependent in a linear fashion. sablement changé ces dernières années. Elle n’est
pas devenue plus complexe, mais au contraire
% The most frequent unspecific infertility factors are aging and excessive stress.
plus simple et structurée, ce qui fait que les pre-
% The most frequent specific infertility factors are endocrine disorders, blocked miers examens peuvent sans autre être effectués
tubes and sperm pathology. par le médecin généraliste. Cet article présente
l’état actuel des connaissances des étiologies et
% Measuring basal body temperature has largely lost the importance it had in
de l’exploration d’une stérilité/infertilité.
the past.

Vous trouverez les questions à choix multiple concernant cet article à la page 111 ou sur internet sous www.smf-cme.ch.
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Chaque maladie grave a une influence directe ou


% In women with regular cycles the measurement of FSH and TSH is sufficient indirecte (médicaments, stress psychique ou so-
to screen for the presence of endocrine disorders. matique) sur les gonadotrophines contrôlant la
% Sperm analysis should be performed only by following the corresponding maturation folliculaire et spermatique.
WHO guidelines. Avec la progression de l’âge, plus tôt chez la
femme que chez l’homme, il faut s’attendre à une
% The assay of sperm antibodies in the serum is obsolete due to the low sensi- baisse de la fertilité. Alors que chez l’homme elle
tivity and specifity of these tests. diminue linéairement et peut être associée à une
impuissance, la fertilité de la femme diminue dra-
matiquement dans les dix ans suivant son 35e an-
Définition niversaire. La fertilité relative d’une femme de
35 ans n’est plus que de la moitié environ de celle
Il est question de stérilité lorsque, malgré des rap- d’une femme de 20 ans, et à 45 ans elle n’est plus
ports sexuels réguliers et sans protection pendant que d’un vingtième environ (fig. 1 x) [2]. Ce pro-
un an, aucune grossesse ne se présente. Avec la blème est encore accentué par le fait que le risque
baisse rapide de la fertilité chez la femme de plus de fausse-couche augmente avec l’âge et atteint
de 35 ans, les premières investigations peuvent 50% entre 40 et 45 ans (fig. 2 x) [3].
être mises en route après six mois déjà à partir Si l’on envisage d’utiliser une méthode telle que
de cet âge. la FIV ou l’ISCI (injection intracytoplasmatique
Il est inutile d’attendre en présence de facteurs de spermatozoïdes), il faut respecter la Loi sur
de stérilité manifestes, par ex. une aménorrhée la Procréation Médicalement Assistée (LPMA).
ou un status après salpingectomie bilatérale. Il L’article 3 de la LPMA exige que les techniques
faut alors élargir le champ des investigations et de procréation ne soient utilisées que chez «des
mettre en route le traitement sans lequel une couples qui, en considération de leur âge et de
grossesse restera impossible, et cela dès le mo- leur situation personnelle, paraissent être à
ment où le désir de grossesse se manifeste. même d’élever l’enfant jusqu’à sa maturité.»
Dans la plupart des couples, la stérilité n’est pas Une autre étiologie non spécifique fréquente est un
absolue, mais relative. C’est-à-dire que les chan- mode de vie malsain, marqué surtout par le stress
ces de grossesse sont certes réduites (partielle- excessif et la nicotine [4]. Ces deux facteurs agis-
ment ou massivement), mais en aucun cas nulles. sent sur la qualité des gamètes et leur maturation.
Pour des raisons humaines, mais aussi juridi- Une correction des étiologies aspécifiques amé-
ques, il ne faut parler de chances nulles qu’en cas liore non seulement les chances de grossesse
de certitude absolue, une situation qui est excep- naturelle, mais aussi celles de réussite d’une
tionnelle. éventuelle intervention médicale. La question de
Le terme d’«infertilité» («infertility»), couram- savoir si l’amélioration de la tolérance au stress
ment utilisé par les Anglo-Saxons, est de plus en par un coaching psychologique, ou des mesures
plus utilisé chez nous aussi, bien qu’il ne se ré- de médecine complémentaire comme l’acupunc-
fère, au sens strict, qu’aux fausses-couches à ré- ture augmentent les chances de réussite est
pétition. controversée. Mais il est certain que tout cela
améliore la satisfaction des patients.
Alors que la maigreur (BMI <18) est un facteur de
Incidence stress résultant en une stérilité par trouble de la
maturation folliculaire, nul ne peut dire si l’excès
La stérilité n’est pas un problème de couple rare. pondéral (BMI >30) a une influence sur les chan-
Selon de nouvelles études, 10–15% des couples ces de grossesse. Mais quoi qu’il en soit, il est
en Europe centrale ont des difficultés à réaliser indiqué de chercher à normaliser le poids avant
leur rêve d’être parents [1]. tout traitement d’une stérilité, en raison des
risques accrus pour la grossesse.

Etiologies
Etiologies spécifiques
Il faut faire la distinction entre les étiologies spé-
cifiques génitales et celles non spécifiques non Parmi les étiologies génitales les plus fréquentes
génitales d’une stérilité. figurent les anomalies de maturation des folli-
cules (facteur endocrinien), le facteur mécanique
(par ex. lésions tubaires ou adhérences péritu-
Etiologies aspécifiques baires), empêchant la rencontre entre spermato-
zoïdes et ovocytes, de même que le facteur mas-
Les facteurs de stérilité non spécifiques les plus culin avec les pathologies du spermogramme.
importants sont l’état de santé et l’âge. Ils in- Parmi les étiologies moins fréquentes, citons les
fluencent les chances et du même fait le pronos- problèmes immunologiques ainsi que les facteurs
tic d’une éventuelle grossesse. cervical et psychogène primaire.
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Courbe de température basale


100%
93% La courbe de température basale a fortement
85% perdu en importance avec l’avènement des
analyses hormonales et des examens écho-
graphiques modernes. La valeur de l’interpréta-
tion de ces courbes, très souvent cryptiques,
55%
est plutôt limitée, diplomatiquement dit. En
médecine générale, une courbe de température
30% basale sur deux à trois mois peut encore avoir
un sens. Mais des courbes sur plusieurs années
doivent être remplacées par des examens plus
5% concrets d’une stérilité. Même la biopsie endo-
métriale, souvent pratiquée par le passé, n’a pas
donné les résultats spécifiques qu’on en atten-
20–24 25–29 30–34 35–39 40–44 45–49 ans dait.
Figure 1
Fertilité relative de la femme en fonction de son âge (chiffres tirés de [2]).
Analyse hormonale
Chez les femmes dont les cycles sont réguliers, on
dose la FSH, la TSH et la progestérone dans le
45% sérum.
La FSH dosée au 3e jour du cycle renseigne sur la
réserve du pool folliculaire ovarien. En règle gé-
30%
nérale, plus elle est haute, moins il y a d’ovocytes
capables de parvenir à maturité. Un premier seuil
pronostique important, qui ne devrait dans le
meilleur des cas pas être dépassé, est de 8–10 UI/l.
14% Le dosage de la FSH est de plus en plus remplacé
12%
10%
par celui de l’AMH (hormone anti-Müllerienne) in-
dépendamment du cycle, car il y a une meilleure
corrélation entre l’AMH et le pool folliculaire ova-
rien qu’avec la FSH.
20–24 25–29 30–34 35–39 40–44 ans Une fonction thyroïdienne pathologique peut
avoir un effet négatif sur la maturation follicu-
Figure 2
laire. Avec le dosage de la TSH, indépendamment
Risque d’avortement en fonction de l’âge (chiffres tirés de [3]).
du cycle, il faut tout d’abord diagnostiquer à
temps une éventuelle hypothyroïdie maternelle
Comme une stérilité est due dans un tiers des cas qui serait délétère pour le futur enfant.
à un facteur masculin, à la partenaire dans un Le dosage de la prolactine, auparavant demandé
autre tiers, et aux deux dans le dernier tiers (stéri- de routine chez les femmes stériles ayant des
lité mixte), toute exploration d’une stérilité impose cycles réguliers, est actuellement controversé.
un examen aussi bien de l’homme que de la femme. Car des taux éventuellement pathologiques de
prolactine ne sont que légèrement augmentés
si les cycles sont réguliers, et le fait de les corri-
Exploration ger n’améliore pas les chances de grossesse [5].
Un dosage de la progestérone au 21e jour du
L’exploration d’une stérilité est basée sur les étio- cycle permet de diagnostiquer presque à coup sûr
logies actuellement connues. une ovulation (>15 nmol/l) et une phase lutéale
L’anamnèse – c’est banal mais excessivement intacte (>30 nmol/l). Des taux inférieurs témoi-
important à cet égard – renseigne sur l’âge, le gnent par conséquent d’une anovulation ou d’une
stress et d’éventuelles intoxications. Le poids cor- insuffisance du corps jaune. Comme pour le do-
porel révèle des déviances pondérales peu pro- sage de la prolactine, l’intérêt de l’examen de la
pices. phase lutéale est discuté, car des cycles avec
phase d’insuffisance lutéale se produisent aussi
sporadiquement chez les femmes fertiles, et le
Facteur endocrinien seul traitement d’une insuffisance lutéale n’aug-
mente pas les chances de grossesse [5].
Le facteur endocrinien, c’est-à-dire une anoma- Si par contre les cycles sont irréguliers, les in-
lie de la maturation folliculaire d’origine hormo- vestigations doivent aller plus loin et sont du res-
nale, est investigué par une analyse hormonale sort des spécialistes en gynécologie ou en méde-
du sérum et par des examens fonctionnels, dont cine de reproduction.
surtout l’échographie.
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Echographie Chromolaparoscopie et hystéroscopie


L’échographie transvaginale permet de visualiser Ces deux techniques endoscopiques sont les
les ovaires, l’utérus et les structures environnan- variantes à la fois les plus compliquées et les
tes. Un examen vers le 12e–13e jour permet de plus invasives des différentes options d’explora-
voir un follicule de taille normale et donc mature tion, mais elles représentent aussi le «gold stan-
(fig. 3 x), de même qu’un endomètre normale- dard» car leur sensibilité et spécificité diagnos-
ment régénéré (fig. 4 x), ou des anomalies, par tiques sont les plus élevées.
ex. des kystes ovariens ou des myomes/polypes La laparoscopie permet de visualiser les struc-
dans la cavité utérine. tures extérieures à l’utérus et aux trompes, de
même que le péritoine, ce qui est surtout impor-
tant pour le diagnostic d’une endométriose. Elle
Facteur mécanique permet en outre d’extirper les éventuels foyers
d’endométriose. L’instillation de bleu de méthy-
Pour le facteur mécanique, c’est l’examen de lène dans la cavité utérine et la confirmation
l’anatomie de la cavité utérine et des trompes qui de son écoulement dans la cavité péritonéale
prime. La cavité utérine est explorée à la recher- (chromopertubation) par les pavillons permet
che de malformations, myomes sous-muqueux, de prouver la perméabilité des trompes.
polypes endométriaux intracavitaires et syné- Une hystéroscopie est en plus pratiquée pour exa-
chies, ces dernières étant plutôt rares. La per- miner la cavité utérine.
méabilité des trompes est vérifiée en premier
lieu, mais on recherche aussi les adhérences Hystérosalpingographie (HSG)
péritubaires, fréquentes après les annexites et L’hystérosalpingographie est toujours et presque
dans l’endométriose. partout l’examen standard de la perméabilité
Il y a différentes méthodes d’exploration du fac- tubaire. Sa sensibilité et sa spécificité n’atteignent
teur mécanique, qui toutes ont leurs avantages pas, il est vrai, celles de la chromolaparoscopie,
et inconvénients, de même que leurs indications. et elle impose une irradiation indésirable, même
si elle est minime. Elle peut se faire en ambula-
toire, avec ou sans narcose et, last but not least,
ses coûts sont nettement inférieurs.
L’instillation d’un produit de contraste par le
col utérin permet de visualiser la configuration
et les contours de la cavité utérine dilatée, avant
que le produit radio-opaque ne s’écoule dans les
trompes et la cavité péritonéale. Si les trompes
sont obstruées, aucun liquide n’en sort.
A la différence de la laparoscopie, qui permet de
diagnostiquer en toute sécurité des adhérences,
l’HSG permet tout au plus de les suspecter. Au-
quel cas ce diagnostic devra être confirmé par
laparoscopie.
Après que la sérologie chlamydienne ait bien failli
Figure 3 disparaître, elle vit actuellement une renais-
Visualisation par échographie transvaginale d’un follicule sance. Il s’est avéré que des titres sériques d’IgG
préovulatoire (flèche).
anti-chlamydias 01:128 impliquent un très grand
risque d’adhérences, très difficiles à diagnosti-
quer par HSG [6]. C’est pourquoi une chromola-
paroscopie est indiquée en première intention
dans une telle situation.

Hystérohydrosonographie
S’il s’agit d’examiner l’intégrité de la cavité uté-
rine et non la perméabilité tubaire, il suffit d’y ins-
tiller une solution saline isotonique. Cette cavité
dilatée par le liquide peut être examinée aussi
simplement que sûrement par échographie
(fig. 5 x). Cette méthode non compliquée permet
de diagnostiquer élégamment des polypes intra-
cavitaires ou myomes sous-muqueux.
En y ajoutant un produit de contraste échogra-
Figure 4
Coupe longitudinale de l’utérus avec endomètre prolifératif, phique, cette technique permet également de voir
préovulatoire (les flèches indiquent l’épaisseur de l’endo- si les trompes sont perméables (hystérosalpingo-
mètre). contraste sonographie, HyCoSy). Mais du fait de
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la complexité de cette technique d’examen, elle l’option d’une caryotypisation périphérique, car
n’est réservée qu’à des spécialistes en échogra- dans un tel cas le risque d’aneuploïdie, non seu-
phie très expérimentés. lement des spermatozoïdes mais aussi des éven-
tuels embryons et fœtus, peut s’en trouver aug-
menté [8, 9]. La recherche d’une mutation MV
Facteur masculin (mucoviscidose) est également indiquée si, en
présence d’une azoospermie, aucun canal défé-
Spermogramme rent n’est palpable. Dans les cas défavorables,
L’investigation de base du facteur stérilité mas- un conseil génétique est obligatoire. L’intérêt
culine se fait par le spermogramme. Mais il faut d’autres examens génétiques périphériques est
bien savoir qu’il doit être réalisé conformément controversé et ceux-ci ne font pas partie des in-
aux normes de l’OMS (Organisation mondiale de vestigations initiales.
la santé) [7] si l’on veut garantir la reproductibi-
lité des analyses de sperme faites dans différents
laboratoires. Le test postcoïtal, auparavant très Facteur immunologique
répandu, n’a plus aucune importance, sa valeur
étant par trop limitée. Le facteur de stérilité le plus controversé, et aussi
le plus difficile à diagnostiquer, est le facteur im-
Examen urologique-andrologique munologique. Il faut rechercher des anticorps
Si le spermogramme est pathologique, il faut le anti-spermatozoïdes, présents aussi bien chez la
répéter de manière à pouvoir exclure les varia- femme que dans l’éjaculat.
tions physiologiques parfois fort marquées de la Les dosages des anticorps anti-spermatozoïdes
qualité du sperme. Une fois confirmée la patho- sériques ne devraient plus se faire en raison de
logie spermatique, un examen urologique-andro- leur sensibilité et spécificité très faibles.
logique est indiqué, sans oublier bien sûr l’exa-
men clinique. Il faut préciser dans quelle mesure Investigations chez l’homme
les anomalies spermatiques sont le symptôme Il y a plusieurs tests chez l’homme permettant
d’une maladie méritant un traitement (par ex. de démontrer des spermatozoïdes chargés d’anti-
infections ou tumeurs). L’examen urologique- corps. L’examen le plus courant est la MAR (Mixed
andrologique permet en outre d’évaluer les op- Antiglobulin Reaction), mais il n’est pas très sensi-
tions thérapeutiques médicamenteuses ou chi- ble. La démonstration de spermatozoïdes aggluti-
rurgicales. Celles-ci sont limitées, non pas dans nés dans le spermogramme est un indice en faveur
leur nombre mais dans leur effet, ce qui fait que de la présence d’anticorps anti-spermatozoïdes.
des méthodes propres à la médecine de repro-
duction doivent être indiquées. Les tests fonction- Investigations chez la femme
nels, parfois effectués sur un mode inflationniste, Si, après un rapport sexuel en milieu de cycle, le
ont sans aucun doute un intérêt académique, mucus cervical ne montre que des spermato-
mais en pratique courante ils n’ont quasi aucune zoïdes immobiles, avec un spermogramme nor-
conséquence thérapeutique. mal, cela est très suspect d’une production d’an-
ticorps anti-spermatozoïdes chez la femme. Cet
Examens génétiques examen correspond au test postcoïtal. Bien que
Si la concentration de spermatozoïdes est très ce test ait pratiquement totalement disparu en
basse (<5 mio./ml), il faut discuter avec le patient tant que remplaçant du spermogramme, il a
conservé tout son intérêt dans la recherche du
facteur immunologique.

Facteur cervical

Après une conisation avec prélèvement d’une


grande partie des glandes cervicales, dans les
infections du col mais aussi sous certaines hor-
monothérapies de stimulation, par ex. par clomi-
fène, le mucus cervical peut être très visqueux
et ne pas laisser passer les spermatozoïdes, ce
qui est normal la plupart du temps, mais pas au
milieu du cycle au moment de l’ovulation.
Dans des circonstances favorables, l’orifice ex-
terne du col est ouvert en milieu de cycle. Le mu-
Figure 5
Hystérohydrosonographie: coupe longitudinale d’une cavité cus est alors plus fluide et abondant, et prélevé
utérine de forme normale, dilatée après instillation de solu- entre les branches d’une pincette, il peut être
tion saline isotonique (flèche). étiré sur 8–12 cm. Le mucus cervical séché sur un
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porte-objet cristallise pour donner une image en nieuse. Malheureusement, la recommandation


fougère. L’index cervical est indiqué pour objec- des psychologues de laisser au couple ici et là des
tiver ces résultats [10]. moments de répit se heurte souvent à l’épée de
Damoclès que représente le temps qui passe à
partir d’un certain âge.
Paramètres infectieux Les arguments en faveur d’un facteur psychogène
sont révélés par l’anamnèse ou parfois par un test
Sauf pour le diagnostic des chlamydias, le scree- postcoïtal négatif: si, malgré un rapport sexuel en
ning des paramètres infectieux n’a pas pour but milieu de cycle et un spermogramme normal, le
d’identifier des facteurs de stérilité. Il est bien plus mucus cervical ne contient pas de spermato-
question de préciser le status immunitaire et de zoïdes, il faut penser soit à une pratique sexuelle
savoir s’il y a des infections qui pourraient être inadéquate, soit même à l’éventualité de l’ab-
transmises au partenaire ou à l’enfant. En plus des sence de rapport sexuel.
chlamydias déjà citées (frottis cervical et sérolo-
gie), il s’agit de la rubéole, la varicelle, les hépatites
B et C et le VIH. D’autres examens, par ex. pour la Stérilité inexplicable
syphilis, peuvent venir s’y ajouter en fonction des
indications. Mais avant de rechercher des infec- Si toutes les investigations se révèlent négatives,
tions, il faut en informer le couple et obtenir son nous parlons de stérilité inexplicable ou d’étiolo-
accord, ce qui est une évidence médicale. gie indéterminée. Il ne s’agit de loin pas toujours
d’une stérilité psychogène, comme cela était pré-
cédemment admis. En plus de discrètes dysfonc-
Facteur psychogène tions hormonales et de troubles de la fertilité
masculine non explicables, le spermogramme
Le facteur psychogène au sens strict, en tant étant normal, des interactions pathologiques en-
que trouble psychosexuel, est un facteur de stéri- tre spermatozoïdes et ovocyte au niveau molécu-
lité primaire plutôt rare. Mais un tel problème laire jouent sans doute un rôle important.
peut assez souvent se développer secondaire-
ment, il est alors d’origine iatrogène, après l’ex-
ploration d’une stérilité et son traitement sou- Séquence des investigations
vent de longue haleine. Alors que cette période
d’un, voire deux ans d’examens et de traitement Une exploration initiale simple, prenant peu de
représente un stress évident en soi, il vient s’y temps, est présentée au tableau 1 p. Bien que
ajouter l’incertitude quant à l’éventuelle réali- théoriquement la durée d’un cycle suffise, un
sation du désir d’être parents. Les perpétuelles rythme d’investigation trop rapide est à décon-
exigences du médecin d’avoir des rapports quasi seiller, car cela représente déjà un stress et peut
«sur ordre» à tel ou tel moment ne sont pas très réduire les chances de conception.
motivantes pour une sexualité saine et harmo-

Tableau 1. Investigations initiales de la stérilité/infertilité avec un cycle menstruel régulier.

Jours du cycle Examen Paramètre


1–5 Prise de sang FSH, TSH
Chlamydias, hépatites B et C, VIH (sérologie pour
rubéole et varicelle uniquement si doutes
anamnestiques ou refus de la vaccination)
6–11 Hystérosalpingographie ou Perméabilité tubaire
chromolaparoscopie/hystéroscopie Cavité utérine
Hystérohydrosonographie Examen de la cavité utérine uniquement
12–14 Index cervical Ouverture du museau de tanche
Quantité de mucus
Extensibilité
Phénomène de la fougère
Test postcoïtal Spermatozoïdes mobiles
Frottis cervical Chlamydies
Echographie transvaginale Diamètre des follicules
Epaisseur de l’endomètre
21 Prise de sang Progestérone
Spermogramme selon OMS Concentration
Motilité
Morphologie
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Perspectives thérapeutiques mencer par un monitoring du cycle avec des rap-


ports sexuels parfaitement programmés. Cette
Le type de traitement de la stérilité dépend tou- seule mesure suffit souvent pour obtenir le résul-
jours du résultat des investigations. S’il s’agit tat escompté. Sinon, l’intensité du traitement est
d’une stérilité d’étiologie indéterminée, le traite- progressivement élevée avec stimulation, insé-
ment est empirique. En fonction de l’âge de la mination et FIV, pour terminer par l’ICSI.
patiente et de la durée de la stérilité, il faut com-

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BIOLOGIE
THÉMATIQUE
ET GROSSESSE
À TAPER

Surveillance biologique de la grossesse :


le point de vue du clinicien
Cyril Huissouda,b,*, Catherine Boissonc, René-Charles Rudigoza,d, Pernelle du Mesnildota

RÉSUMÉ
SUMMARY
L surveillance
La ill biologique
bi l i prénatale
é t l d de lla grossesse normale l s’inscrit
’i it d
dans
Biological supervision of pregnancy : the cli-
une démarche de dépistage et de prévention des complications mater-
nician’s point of view
nelles ou fœtales au même titre que l’examen clinique ou l’échographie
As clinical exams and ultrasound screening the
dont elle est indissociable. En France, les modalités de cette surveillance
biological monitoring during pregnancy is of pri-
reposent sur des dispositions réglementaires et des recommandations
mary importance in order to detect and to prevent
professionnelles. Certains examens revêtent ainsi un caractère obligatoire
maternal or fetal adverse outcome. In France, the
pour la déclaration de grossesse ou son suivi alors que d’autres ne seront
supervision of pregnancy is advocated by regle-
prescrits qu’en fonction du contexte clinique et des facteurs de risque
mentary texts, laws and professional recommen-
préalablement identifiés. Notre travail de synthèse répond à trois objectifs
dations. Laboratory tests may be obligatory or
principaux : (i) résumer les principes fondamentaux du calendrier de sur-
performed to address conditions or complications
veillance biologique de la grossesse ; (ii) rappeler l’influence de la grossesse
arising during pregnancy. We have (i) summari-
sur les principaux paramètres biologiques ; (iii) et préciser l’intérêt clinique
zed the laboratory tests to carry out at specified
des tests biologiques standards ou spécifiques de la grossesse.
times throughout the pregnancy. We have also (ii)
emphasized the impact of the normal pregnancy
Grossesse – surveillance – examens biologiques – valeurs de références.
on biological parameters (iii) and highlighted the
clinical interest of the pregnancy-related tests.

Pregnancy – monitoring – biologicals tests –


1. Introduction reference values.

La surveillance prénatale a pour objectif d’optimiser la


prise en charge maternelle et fœtale. Des dispositions
réglementaires et des recommandations professionnel- d’améliorer les indicateurs périnatals de santé [9, 14]. La
les définissent les principes de la surveillance clinique, plupart des dispositions réglementaires sont énoncées par
échographique et biologique de la grossesse dans le voie de décrets et ont force de loi. Les recommandations
but d’uniformiser les pratiques professionnelles afin de des bonnes pratiques professionnelles sont établies par
répondre au mieux à l’attente de toutes les femmes et différentes sociétés savantes ou comité d’experts et par
les recommandations édictées par la Haute Autorité de
Santé (HAS) (http://www.has-sante.fr).
Les examens biologiques jouent un rôle crucial dans la
a Département d’obstétrique-gynécologie
surveillance de la grossesse en dépistant des pathologies
Hôpital de la Croix-Rousse (Hospices civils de Lyon)
infracliniques ou en délivrant des informations à visée
93, Grande-Rue de la Croix-Rousse
diagnostique ou pronostique.
69317 Lyon cedex 04
b INSERM U846 – Stem Cell and Brain Research Institute
18, av. Doyen-Lepine 2. Consultation
69500 Bron
France Université de Lyon – Lyon 1 – UMR-S 846
préconceptionnelle
c Département de biochimie
La consultation préconceptionnelle a pour but principal le
Hôpital de la Croix-Rousse (Hospices civils de Lyon)
dépistage des patientes à risque accru de complication
93, Grande-Rue de la Croix-Rousse
gravidique. Le risque peut intéresser plus spécifiquement
69317 Lyon cedex 04
la mère ou le fœtus mais il concerne souvent les deux.
d Coordonnateur médical du Réseau de périnatalité Aurore
Les patientes pourront ensuite s’orienter vers des centres
adaptés pour optimiser la surveillance de leur grossesse.
* Correspondance
Les recommandations édictées par la HAS en mai 2007 [18]
cyril.huissoud@chu-lyon.fr
concernant le suivi et l’identification des femmes à risque
spécifient les examens à prescrire en préconceptionnel.
article reçu le 12 février, accepté 14 mars 2008. Le calendrier des examens biologiques de la grossesse
© 2008 – Elsevier Masson SAS – Tous droits réservés. est résumé dans le tableau I.

REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - MAI 2008 - N°402 // 23


Tableau I – Calendrier des examens biologiques du suivi de grossesse.
Dates Déclaration
Pré-
de 4e mois 5e mois 6e mois 7e mois 8e mois 9e mois
Examens conceptionnel
grossesse
Albuminurie glycosurie

Groupage sanguin phénotypé Si non fait Si non fait

RAI si Rhésus +

RAI si rhésus- ou transfusée


Si RAI+ : titrage +/- dosage
Tous les 15 j Tous les 15 j Hebdo Hebdo Hebdo Hebdo
pondéral si risque fœtal
Toxoplasmose Si négatif Si négatif Si négatif Si négatif Si négatif Si négatif

Rubéole Si négatif Si négatif

TPHA VDRL

HIV Recommandé
Si facteur
Hépatite C
de risque
AgHbs Ou au 6e mois

14 SA
Marqueurs sériques T21 A
17 SA + 6j

NFP Facultatif

Systématique
Dépistage diabète gestationnel ou si facteur
de risque

Prélèvement vaginal STB 35 à 38 SA


TP, TCA, plaquettes,
Si non fait
fibrinogène
Les cases grisées correspondent aux dates optimales pour la prescription des examens obligatoires ou recommandés.

En l’absence d’immunité acquise vis-à-vis de la rubéole, masquées par les modifications physiologiques liées à la
une vaccination doit être proposée après s’être assuré grossesse ou nécessiter une prise en charge ou un traite-
de l’absence de grossesse et de la mise en œuvre d’une ment antéconceptionnels spécifiques. Leur identification
contraception efficace. Une information précise doit être durant cette période est donc cruciale et souligne l’impor-
délivrée sur les moyens de prévention de la contamina- tance de la consultation préconceptionnelle – coïncidant
tion toxoplasmique en cas de sérologie négative [6]. Le souvent avec la consultation post-natale d’une grossesse
rapport ne stipule pas la pratique systématique d’une précédente – qui demeure trop souvent négligée par les
sérologie de l’hépatite B, mais si celle-ci est négative on patientes et les professionnels.
peut proposer également une vaccination. En revanche,
la recherche d’anticorps irréguliers est obligatoire. Si le
test est positif l’anticorps doit être caractérisé. L’évalua-
3. Consultations du premier
tion du risque hémolytique pour le fœtus reposera ensuite trimestre
sur la nature de l’anticorps et sur le phénotype voire le
génotype paternel. Le décret n° 92-143 du 14 février 1992 spécifie que les
Mais à ce stade, le dépistage des femmes à risque repo- examens médicaux obligatoires de la femme enceinte
sera avant tout sur l’interrogatoire et l’examen clinique. prévus par l’article L.154 du Code de la Santé publique
L’existence d’antécédents spécifiques peut conduire à sont au nombre de sept pour les grossesses atteignant
demander des examens orientés. Il peut s’agir d’examens leur terme théorique avec une consultation postnatale
génétiques (cytogénétique ou de biologie moléculaire) qui obligatoire au plus tard huit semaines après l’accouche-
peuvent être prescrits à l’issue d’une consultation de conseil ment. Il est recommandé aux patientes d’effectuer dans
génétique et pour lesquels le recueil du consentement écrit la mesure du possible la surveillance des sérologies dans
de la patiente est obligatoire. Il peut s’agir au contraire le même laboratoire qui a l’obligation légale de conserver
d’examens non génétiques à la recherche par exemple les sérums maternels pendant un an.
d’une diathèse hémorragique (après une hémorragie du Le plan de périnatalité du 12 avril 1994 a facilité la rédaction
post-partum), d’une thrombophilie (après un accident collaborative d’un « Guide de surveillance de la grossesse »
thrombo-embolique, une pré-éclampsie sévère associée édité par l’Agence nationale pour le développement de
à un retard de croissance intra-utérin) ou d’une anomalie l’évaluation médicale (ANDEM) [5]. Le guide fait la syn-
immunitaire suspectée après une mort du fœtus in utero thèse des différents examens cliniques, échographiques
par exemple. Certaines de ces anomalies peuvent être et biologiques à pratiquer en cours de grossesse.

24 // REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - MAI 2008 - N°402


BIOLOGIE ET GROSSESSE

Une première consultation doit avoir lieu obligatoirement (deux déterminations), la première détermination aura lieu
avant la 14e semaine d’aménorrhée (SA) mais elle peut lors du premier examen prénatal et la deuxième détermi-
être précédée d’une consultation plus précoce qui per- nation lors du sixième ou du septième examen comme le
mettra d’établir le diagnostic de grossesse et de la dater stipule le décret n° 92-143 du 14 février 1992.
en confrontant la date des dernières règles et les données
biométriques fœtales enregistrées à partir d’une échogra- 3.1.2. La recherche d’agglutinines irrégulières est obli-
phie précoce. Le dosage des BhCG n’est pas obligatoire gatoire lors du premier examen prénatal. Elle permet d’anti-
pour poser le diagnostic de grossesse et ne permet pas de ciper des complications transfusionnelles maternelles mais
la dater avec fiabilité. En revanche, l’analyse de la cinéti- elle vise surtout à dépister en anténatal l’existence d’une
que des concentrations est capitale en cas de suspicion allo-immunisation anti-érythrocytaire. En cas de positivité,
de grossesse extra-utérine (GEU). Dans ces conditions, il il faut identifier et titrer les anticorps pour évaluer le risque
est nécessaire de recourir à des dosages dans un même d’anémie fœtale. Un dosage pondéral des anticorps anti-D
laboratoire afin de comparer les résultats. En cas de gros- (RH1) doit impérativement être pratiqué pour la surveillance
sesse normalement évolutive, la concentration de BhCG des allo-immunisations anti-D lorsque le titre est élevé et
double toutes les 40 heures environ. En cas de GEU, on le fœtus à risque d’hémolyse (rhésus positif). Les anti-Kell
peut observer une diminution brutale des hCG, mais par- (KEL1) et les anti-c (RH4) sont également fréquemment
fois un taux stable ou une croissance normale peuvent en impliqués dans la survenue d’anémies fœtales sévères. Le
imposer pour une fausse couche ou pour une grossesse taux des anticorps, son évolution, le terme de la grossesse
évolutive. Dans la majorité des cas, le diagnostic de GEU et les données échographiques conditionnent les modalités
est posé sur un faisceau d’arguments, ce qui souligne la de prise en charge obstétricale et le renouvellement du
difficulté du diagnostic. Un taux élevé d’hCG au premier dosage ou des titrages des anticorps. Le Centre national
trimestre de la grossesse doit faire évoquer une erreur de de référence en hémobiologie périnatale (CNRHP) coor-
terme, une grossesse multiple ou une maladie trophoblas- donne au plan national la prévention et les soins en cas
tique gravidique comme la môle (hydatiforme, partielle ou d’immunisation fœto-maternelle. Chez les femmes rhésus
invasive) ou le choriocarcinome. Seule la tumeur du site négatif (15 % de la population française environ) ou aux
d’implantation ne sécrète pas d’hCG en quantité élevée. antécédents de transfusion, la recherche d’anticorps sera
La première consultation est capitale pour définir la straté- répétée aux 6e, 8e et 9e mois de la grossesse (décret n° 92-
gie de surveillance de la grossesse. Elle se conclut par la 143 du 14 février 1992) mais certaines équipes proposent
déclaration de grossesse qui mentionne obligatoirement la une recherche mensuelle des anticorps réguliers chez les
date présumée du début de grossesse et la prescription des femmes rhésus négatif (tableau I). Chez les femmes rhé-
examens biologiques obligatoires par le signataire (sage- sus positif sans antécédent transfusionnel, une recherche
femme, médecin traitant ou gynécologue-obstétricien). des anticorps irréguliers peut être effectuée sans obligation
La grossesse doit être déclarée par la patiente avant la fin au cours du 8e mois afin d’éliminer une allo-immunisation
de la 14e semaine selon la loi n° 2004-806 du 9 août 2004 survenant sur transfusion fœto-maternelle occulte.
relative à la politique de santé publique, titre VI, article 101. L’injection de 200 μg de gammaglobulines anti-D chez
La déclaration doit être adressée à la caisse primaire d’as- les femmes rhésus négatif dans des situations à risque
surance maladie et à la caisse d’allocations familiales. Elle d’immunisation a permis de diminuer considérablement
donne droit aux congés de maternité et aux allocations le risque d’allo-immunisation anti-D. Le Collège des gyné-
familiales. De la déclaration de grossesse au dernier jour du cologues-obstétriciens [19] a établi des recommandations
cinquième mois de grossesse (24 SA), les frais médicaux pour la prévention systématique entre 28 et 30 SA de l’allo-
sont remboursés aux tarifs habituels. Seuls les examens immunisation anti-D au troisième trimestre de la grossesse
prénatals obligatoires sont pris en charge à 100 %, dans survenant en cas d’hémorragie fœto-maternelle occulte. La
la limite des tarifs de base de l’Assurance Maladie. Les prévention systématique repose sur l’injection de 300 μg
examens génétiques (analyse du caryotype fœtal) sont de gammaglobulines spécifiques chez les femmes rhésus
entièrement pris en charge après l’établissement d’une négatif dont le fœtus est, ou risque d’être, rhésus positif.
demande d’entente préalable auprès du service médical de En cas d’allo-immunisation maternelle anti-D, la détermina-
la caisse d’Assurance Maladie. À partir du premier jour du tion du phénotype fœtal peut désormais être effectuée sur
sixième mois de grossesse, les examens biologiques sont sang maternel dès 12 SA afin d’éviter une amniocentèse
pris en charge à 100 %, dans la limite des tarifs de base ou un prélèvement de villosités choriales. Cette technique
de l’Assurance Maladie. Cette prise en charge à 100 % se repose sur la mise en évidence dans la circulation maternelle
poursuit jusqu’au douzième jour suivant l’accouchement. de séquences spécifiques d’ADN fœtal codant pour l’anti-
Durant la période de prise en charge à 100 %, la partici- gène D. Si le fœtus est rhésus négatif, il n’y a pas de risque
pation forfaitaire de 1 euro ne s’applique pas. d’anémie lié à la présence des anticorps anti-D ; si le fœtus
est rhésus positif, en revanche, il faut surveiller le titre des
3.1. Examens obligatoires anti-D et pratiquer un dosage pondéral. Une surveillance
pour la déclaration de la grossesse spécifique reposant sur des critères cliniques, biologiques
et échographiques dans un centre spécialisé doit alors être
3.1.1. Deux déterminations dans le système ABO, phé- mise en œuvre à la recherche d’une anémie fœtale.
notypes Rhésus complet et Kell, sont obligatoires. Si la
patiente ne possède pas de carte de groupe sanguin 3.1.3. La sérologie de la syphilis (TPHA, VDRL) est la
complète à jour et conforme aux règles d’établissement seule infection bactérienne faisant l’objet d’un dépistage

REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - MAI 2008 - N°402 // 25


obligatoire lors de la déclaration de grossesse notam- survenue d’une glycosurie sans caractère pathologique. De
ment parce que son traitement est simple et efficace même, l’augmentation du débit de filtration glomérulaire
pour la mère et l’enfant. Sa pratique doit être poursuivie conduit à une augmentation de l’albuminurie. Au cours de
parce qu’on observe actuellement une recrudescence des la grossesse normale, la protéinurie sur 24 heures aug-
infections materno-fœtales syphilitiques [2]. En cas de sé- mente mais ne dépasse pas 0,3 g/24 heures quel que soit
rologie discordante (VDRL+, TPHA-), il faudra rechercher le terme. Seule l’albuminurie des 24 heures doit être prise
en particulier un syndrome des anticorps antiphospho- en compte pour l’interprétation des résultats.
lipides qui nécessite un traitement spécifique en cours
de grossesse. 3.1.7. Une recherche de l’Ag Hbs du virus de l’hépatite B
doit être effectuée au 6e mois d’après le décret n° 92-143
3.1.4. La sérologie de la toxoplasmose (IgG et IgM) est de 1992. Néanmoins sa réalisation peut être effectuée dès
obligatoire en l’absence de résultat écrit prouvant l’immu- le premier trimestre afin de mener une enquête familiale
nité de la patiente. Si la patiente n’est pas immunisée, des (tableau I) [5]. En cas d’infection maternelle évolutive, le
consignes de prévention [6] doivent lui être transmises et risque de transmission fœtale survient surtout lors de la
la sérologie toxoplasmique surveillée mensuellement. Un naissance. Une sérovaccination est alors initiée rapide-
avis dans un laboratoire de référence sera demandé en ment chez le nouveau-né diminuant le risque de plus de
cas de suspicion de séroconversion. Des sérums anté- 95 % [17].
rieurs pourront être testés a posteriori pour confirmer et
dater la contamination. Un protocole de prise en charge 3.1.8. Une sérologie du VIH doit être proposée systé-
des séroconversions toxoplasmiques peut être consulté matiquement (loi du 27 janvier 1993). Le dépistage sera
sur le site du réseau de périnatalité Aurore (http://www. répété en cours de grossesse en cas de situation à risque
aurore-perinat.org). (conjoint séropositif, partenaires multiples, toxicomanie).
En cas de séroconversion prouvée, un diagnostic prénatal Les risques de transmission materno-fœtale sont liés à
est possible par amniocentèse. Le prélèvement de liquide la charge virale maternelle, au nombre de CD4, au mode
amniotique est réalisé à partir de 18 SA en respectant un d’accouchement et à la durée d’ouverture de l’œuf. L’allai-
délai d’au moins quatre semaines par rapport à la date de tement maternel est contre-indiqué chez la femme infectée
la séroconversion. La recherche de Toxoplasma gondii est par le VIH. La trithérapie et les mesures de prévention ré-
effectuée par PCR et inoculation à la souris. La présence duisent les taux de transmission materno-fœtale de 40 %
du parasite dans le liquide amniotique n’est pas synonyme à moins de 1 % [22].
d’infection grave mais justifie une intensification du traite-
ment médical et de la surveillance échographique.
3.2. Examens biologiques non obligatoires

3.2.1. Un hémogramme est proposé en cas de signes


3.1.5. La sérologie de la rubéole est également obligatoire
cliniques d’anémie (pâleur, asthénie), chez les grandes
si la patiente ne présente pas de résultat écrit prouvant son
multipares ou en cas de grossesse multiple. Il est obliga-
immunité. En cas de sérologie négative (IgG) ou douteuse
toire au 6e mois de grossesse et a pour objectif principal
(valeur seuil variable en fonction des kits de dosage), un
contrôle mensuel de la sérologie est recommandé jusqu’à d’identifier et de traiter les anémies par carence martiale.
22 SA [5] en raison du risque de rubéole congénitale. En En cas de thrombopénie, des examens à visée étiologique
pratique, si l’infection a eu lieu avant 18 SA, un diagnostic seront effectués et un contrôle régulier devra être instauré.
prénatal est proposé et repose soit sur la mise en évidence L’interprétation de la numération sanguine et de la poly-
des IgM rubéoliques dans le sang fœtal, soit sur la mise en nucléose notamment doit tenir compte des modifications
évidence du génome viral dans le liquide amniotique. La physiologiques liées à la grossesse (tableau II) [6, 10]. Il n’y
spécificité de ces deux procédures est voisine de 100 % a pas d’indication à doser systématiquement le fer sérique
et leur sensibilité supérieure à 90 %. Un délai d’au moins ou la ferritinémie si l’hémogramme est normal.
6 semaines entre l’infection et les prélèvements est néces- Le dépistage d’une hémoglobinopathie par l’électrophorèse
saire. La vaccination est proposée dans le post-partum de l’hémoglobine chez les patientes à risque doit être pro-
chez toute femme non immunisée. posé. Il permet de prévenir les risques de décompensation
gravidique chez la femme asymptomatique en dehors de
3.1.6. Les dosages de la glycosurie et de l’albuminurie la grossesse (double hétérozygotes S/C ou S/bêta thalas-
peuvent permettre d’identifier une pathologie précédant la sémique) et de proposer un diagnostic prénatal s’il existe
grossesse (pas d’impact de la grossesse sur la glycosurie un risque fœtal grave au sein du couple.
et l’albuminurie à ce terme). La glycosurie et la protéinurie
sont dosées mensuellement. Les dosages doivent être 3.2.2. Le dépistage des infections urinaires par l’examen
interprétés avec discernement et ont pour rôles respec- cytobactériologique des urines (ECBU) est réalisé devant
tifs de dépister le diabète gestationnel et les syndromes tout signe fonctionnel urinaire. Le rapport de l’ANAES de
vasculo-rénaux (e.g. pré-éclampsie). Ces examens sont 1996 [9] ne préconise pas le dépistage de la bactériurie
sensibles mais très peu spécifiques. La glycosurie de- asymptomatique bien qu’elle soit associée à un risque
meure un examen obligatoire mais sa rentabilité diminue accru de prématurité et que son traitement en diminue
avec l’instauration du dépistage systématique du dia- l’incidence [16]. En revanche, la conférence de consen-
bète gestationnel par l’hyperglycémie provoquée orale sus de 1990 de la Société de pathologie infectieuse de
(HGPO). Au cours de la grossesse, on constate une dimi- langue française recommande l’utilisation de bandelette
nution de la réabsorption tubulaire du glucose favorisant la urinaire pour le dépistage systématique de la bactériurie

26 // REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - MAI 2008 - N°402


BIOLOGIE ET GROSSESSE

asymptomatique [11]. Le rapport de l’HAS 2007 sur le suivi Les marqueurs dosés au deuxième trimestre sont l’al-
des femmes à risque préconise la pratique mensuelle d’un phafœtoproteine et les hCG (fraction libre) pour le « dou-
ECBU en cas d’antécédent d’infection urinaire, de diabète ble test » auxquels s’ajoute l’estriol pour le « triple test ».
ou de bandelette urinaire positive [18]. Une amniocentèse sera prise en charge pour un risque
estimé supérieur à 1/250. En France, ce dépistage séri-
3.2.3. Le dépistage de l’hépatite C est indiqué pour toutes que est encadré par l’arrêté ministériel du 27 mai 1997
les femmes à risque (toxicomanie, hémophilie, transfusion et le décret N° 97-578 et N° 97-579 du 28 mai 1997 :
avant 1995, infection à HIV ou HBV). Le diagnostic est Art. R.162-16-7 qui obligent le prescripteur à recueillir
suspecté par la recherche des anticorps spécifiques et un consentement signé relatif à l’information délivrée
confirmé par la présence de l’ARN viral en PCR. sur le dépistage.
La feuille d’information rédigée par le prescripteur doit
3.2.4. Cas du CMV : environ 50 % des femmes encein- comporter des informations précises pour l’estimation du
tes en France sont séronégatives pour le CMV. Le taux risque (origines ethniques, poids, nombre de fœtus… et
de séroconversion pendant la gestation est de 0,6 à 2 % surtout date précise du début de grossesse et tabagisme).
environ. Le risque de séquelle neurosensoriel est imprévi- Un tabagisme d’une seule cigarette par jour conduit à l’ap-
sible et varie de 35 à 45 % en cas d’infection au premier plication d’un facteur correctif significatif pour l’estimation
trimestre, 8 à 25 % au deuxième trimestre et 0 à 7 % au du risque. Le dosage doit être effectué rapidement parce
troisième trimestre. En l’absence de traitement spécifique qu’il existe une scission spontanée des hCG dans le sang
et de méthode d’identification fiable des fœtus à risque total ou centrifugé qui conduit à l’augmentation artificielle
de séquelles en anténatal, il est recommandé de ne pas de la fraction libre dosée majorant artificiellement le risque
effectuer de dépistage systématique du CMV au cours d’anomalie chromosomique.
de la grossesse sauf en cas de signe d’appel clinique ou Les données actuelles concernant les performances du
échographique. dépistage de la trisomie 21 par les marqueurs sériques du
premier trimestre i.e. hCG et PAPP-P (pregnancy-associa-
ted plasma protein A) sont contradictoires [12], justifiant
4. Consultations du deuxième des évaluations complémentaires avant la mise en œuvre
trimestre en routine de ce dépistage biologique précoce.

Les examens biologiques à pratiquer lors des différentes 4.2. Le dépistage du diabète gestationnel
consultations du deuxième trimestre sont résumés dans Par définition, ne s’adresse pas aux patientes diabéti-
le tableau I. Nous rappelons les points importants relatifs ques en dehors de la grossesse (diabète constitutionnel)
aux examens spécifiques de cette période. pour lesquelles il existe des risques malformatifs fœtaux
spécifiques. Les experts du Collège national des gyné-
4.1. Le dépistage de la trisomie 21 cologues obstétriciens français (http://www.cngof.asso.
Par le dosage des « marqueurs sériques » doit être proposé fr) recommandent depuis 1996 que le dépistage soit pra-
systématiquement entre 14 et 17 SA plus 6 jours en cas tiqué chez toutes les femmes enceintes, entre 24 et 28
de grossesse monofœtale. La tendance actuelle est de le SA et pas uniquement en cas de facteur de risque. Cette
proposer à toutes les patientes même après 38 ans puisque recommandation a été reprise récemment par la HAS [13]
l’estimation du risque tient compte de l’âge maternel. En qui rappelle la validité des deux stratégies reposant sur
revanche, une amniocentèse peut être effectuée d’emblée l’hyperglycémie provoquée oralement. Elles sont résu-
et remboursée à 100 % sur le seul motif d’un âge supé- mées dans la figure 1. Lorsqu’il existe des facteurs de
rieur à 38 ans le jour de la ponction. Le « test sérique » risque de diabète constitutionnel, il est conseillé de faire
ne remet donc pas en cause les indications habituelles un dépistage au premier trimestre et de le répéter en cas
de l’amniocentèse. Actuellement, l’estimation du risque de négativité entre 24 et 28 SA.
d’anomalie chromosomique repose de plus en plus sou-
vent sur le résultat du test sérique combiné à des critères 5. Surveillance du dernier
échographiques comme la mesure de la clarté nucale lors
de l’échographie du premier trimestre permettant de cal- trimestre de la grossesse
culer un « risque intégré ». En cas de grossesse multiple, il
est souhaitable de privilégier l’évaluation du risque par la 5.1. Examens biologiques
seule mesure des clartés nucales intégrée à l’âge. du troisième trimestre
Le dosage ne peut être effectué que dans un centre agréé. Ils sont résumés dans le tableau I.
La réglementation prévoit qu’une autorisation soit délivrée Il n’y a pas d’examens biologiques spécifiques à demander
pour une durée de 5 ans par l’agence régionale de l’hos- dans le cadre de la consultation d’anesthésie obligatoire en
pitalisation aux laboratoires qui pratiquent ces analyses fin de grossesse. Un bilan de coagulation (TP, TCA, fibri-
(articles L. 2131-1 et R. 2131-5-5 à R. 2131-9 du CSP). nogène, plaquettes) est demandé par certaines équipes et
Le rapport de la HAS sur l’évaluation des stratégies de peut être complété en cas d’antécédent hémorragique ou
dépistage de la trisomie 21 [7] rappelle que l’Agence de la de thrombophilie. Cependant, l’évaluation des anomalies de
biomédecine délivre également un agrément aux praticiens l’hémostase est limitée par les modifications de la coagulation
biologistes valable pour une durée de cinq ans (articles liées à la grossesse [1, 3, 4, 20]. Les tests standards de coa-
R. 2131-3 à R. 2131-5-4 du CSP). gulation sont peu modifiés par la grossesse et l’élévation de la

REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - MAI 2008 - N°402 // 27


l’absence de récurrence clinique, un prélèvement doit être
Figure 1 – Dépistage gestationnel.
pratiqué lors de l’accouchement.
1. Qui ? Quand ? (Recommandations HAS juillet 2005)
6. Autres examens biologiques
➥ Chez toutes les patientes entre 24 et 28 SA
de la grossesse
➥ Patientes à risque : dépistage dès le début de grossesse
à renouveler entre 24 et 28 SA si 1er test négatif 6.1. Test de Kleihauer-Betké
Il vise à mettre en évidence sur un frottis sanguin préa-
4 Âge maternel > 35 ans
lablement traité des hématies fœtales dans la circulation
4 Surcharge pondérale
(IMC avant la grossesse > 27) [IMC = poids (kg)/taille (m)2]
maternelle en les identifiant grâce aux propriétés physico-
chimiques différentes de l’hémoglobine (Hb) A et F. L’inter-
4 Origine ethnique (femme caucasienne à plus faible risque)
prétation du test est limitée en cas d’hémoglobinopathie
4 Antécédents familiaux de diabète
maternelle (HbF constitutionnelle). Ce test est utilisé dans
4 Antécédents personnels de diabète gestationnel, de mort fœtale in utero deux situations surtout : le diagnostic et le pronostic des
ou de macrosomie
hémorragies fœto-maternelles sources d’anémies fœtales
graves et la prévention de l’allo-immunisation anti-D en
2. Comment ? Deux stratégies possibles aidant à déterminer la dose d’immunoglobulines à injecter
(http://www.cngof.asso.fr/D_TELE/rpc_rhesus2005.
Soit stratégie en 2 temps (recommandations ALFEDIAM et CNGOF) pdf). Dans cette indication, les modifications récentes des
➤ O’ Sullivan 50 g [Définition : quelle que soit l’heure du dernier repas ou recommandations pour la prévention de l’allo-immunisation
le moment de la journée, avec dosage de la glycémie une heure après la anti-D ont conféré au test de Kleihauer-Betké une place
charge orale]
importante dans la pratique obstétricale courante. Il s’agit
➥ Si glycémie post charge après O’sullivan > 1,40 g/L, faire HGPO 100 g d’un test manuel non standardisé nécessitant un personnel
➤ HGPO [dosage à jeun puis jusqu’à la 3e heure après ingestion de 100 g] formé et entraîné dans sa réalisation et qui pourrait être
remplacé à terme par des techniques de cytométrie en flux
À jeun 1 heure 2 heures 3 heures
déjà mises en œuvre par les centres équipés pour quantifier
précisément une hémorragie fœto-maternelle.
Seuils en g/l
0,95 1,8 1,55 1,40
après HGPO 100 g
6.2. Acides biliaires
Les acides (sels) biliaires sont dosés en cas de suspicion
➠ Diabète gestationnel de cholestase intrahépatique gravidique. La cholestase
si au moins 2 valeurs anormales parmi les 4 mesures
gravidique est évoquée en cours de grossesse devant un
prurit souvent nu et généralisé prédominant aux extrémités.
Soit stratégie en 1 temps Le dosage doit être effectué à jeun. La cholestase com-
➤ HGPO 75 g (OMS) [glycémie à jeun puis 2 heures après charge] porte un risque vital fœtal par toxicité des sels biliaires.
Les troubles de la coagulation liés à la malabsorption de
➠ Diabète gestationnel la vitamine K constituent le risque maternel principal et
si glycémie à jeun > 1,26 g/l et/ou glycémie à 2 heures > 1,40 g/l
doivent être prévenus par un apport parentéral de vita-
mine K. Le bilan hépatique peut montrer une élévation des
phosphatases alcalines (PAL) plus importante que ne le
concentration en fibrinogène plasmatique constitue certaine- voudrait le terme de la grossesse avec une augmentation
ment la modification la plus marquante (tableau II). intéressant surtout la 5’Nucléotidase isoforme hépatique
des PAL (tableau II). La bilirubinémie est généralement
5.2. Cas du dépistage microbiologique normale ou peu augmentée. Une cytolyse hépatique modé-
du streptocoque B rée est souvent observée. Le diagnostic différentiel avec
Le dépistage du streptocoque B (STB : Streptococcus les hépatopathies gravidiques ou aspécifiques est parfois
agalactiae) dans la région génitopérinéale est fortement difficile. Le traitement repose notamment sur l’acide urso-
recommandé entre 35 et 38 SA [18]. Le portage de STB desoxycholique (sel biliaire) qui permet une diminution de
est asymptomatique le plus souvent et concerne 15 % des la concentration des sels biliaires dosés et une amélioration
femmes en France. Le STB est responsable d’infections de la symptomatologie.
materno-fœtales graves qui peuvent être prévenues par une
antibiothérapie préventive. Des tests de détection rapides 6.3. Diagnostic d’embolie amniotique
et fiables sont en cours d’évaluation et pourraient permet- Le diagnostic d’embolie amniotique est suspecté sur des
tre de mieux cibler les patientes à risque que la culture. arguments anamnestiques et cliniques. Il peut être confirmé
Les prélèvements vaginaux ou endocervicaux au cours de par des tests biologiques. Il s’agit d’une pathologie rare,
la grossesse sont effectués en cas de symptomatologie grave et imprévisible. Son diagnostic a un intérêt clinique
clinique (e.g. cervicite, menace d’accouchement préma- et médicolégal mais il est difficile à poser. Il repose sur le
turée) ou en cas de rupture prématurée des membranes dosage de la tryptase sérique dans les formes à prédomi-
précoce (risque de chorio-amniotite par colonisation rétro- nance anaphylactoïde et sur la mise en évidence de cellules
grade). En cas d’antécédent d’herpès génital, même en épithéliales fœtales dans le sang maternel ou dans le liquide

28 // REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - MAI 2008 - N°402


BIOLOGIE ET GROSSESSE

BTableau II – Évolution des principaux paramètres biologiques pendant la grossesse.

PARAMÈTRES BIOLOGIQUES MODIFICATIONS GESTATIONNELLES

Numération globulaire et plaquettaire

Hémoglobine Diminution dès la fin du premier trimestre, limite inférieure 105 g/L

Volume érythrocytaire Aucune (sauf si carence martiale importante)

Augmentation jusqu’à 16 Giga/l intéressant proportionnellement toutes les lignées


Leucocytes
La corticothérapie anténatale augmente le compte des polynucléaires neutrophiles

Thrombopénie gestationnelle entre 120 et 150 G/L fréquente en fin de grossesse (5 % environ).


Plaquettes Surveillance régulière obligatoire : attention au contexte clinique et à la cinétique de décroissance
(protocole réseau Aurore : http://www.aurore-perinat.org)

Inflammation

Augmentation (valeurs à la première heure : 30-90 mm) limitant considérablement son intérêt pendant
Vitesse de sédimentation
la grossesse

CRP (protéine C réactive) Aucune

Triglycérides Augmentation jusqu’à 2-3 g/l si > 10 g/l : hypertriglycéridémie maligne gestationnelle

Cholestérol Augmentation linéaire jusqu’à 3 g/l

Enzymes sériques

Transaminases Aucune et toute cytolyse est suspecte

Augmentation progressive à partir de 20 SA jusqu’à 80 UI/l liée au passage des PAL placentaire et
Phosphatases alcalines (PAL)
osseuse fœtales. La concentration de l’isoforme 5’Nucléotidase hépatique n’est pas modifiée

Gamma-glutamyl transpeptidase Aucune

Lacticodéshydrogénase Aucune

Amylasémie-Lipasémie Aucune

Coagulation

TP, INR Inchangés

TCA Inchangé

Fibrinogène Augmenté jusqu’à 5-6 g/l

D-Dimères Souvent augmentés, interprétation difficile. Intérêt de la cinétique

Électrolytes

Sodium, potassium, chlore, phosphore Aucune (pas de modification significative)

Calcium, magnésium Diminution de 10 %

Bicarbonates Baisse importante (alcalose respiratoire compensée)

Composants azotés non protéiques

Créatinémie Diminution progressive (maximum 75 μmol/l)

Uricémie Diminution progressive (maximum 350 μmol/l)

Gaz du sang

pO2, pH Inchangés

pCO2 Diminution inconstante en fin de grossesse (30 mm Hg = 4 kPa) (dyspnée fréquente)

Protéines

Protéines totales Baisse précoce de 10 g/l

Albumine sérique Baisse progressive de 10 g/l

Osmolalité Baisse précoce de 10 mosm/kg d’eau

Urines

Glycosurie Positive avec des glycémies normales car abaissement du seuil rénal du glucose

Albuminurie Augmentée, normale jusqu’à 300 mg/24 heures

REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - MAI 2008 - N°402 // 29


Figure 2 – Diagnostic biologique d’embolie amniotique : protocole de prélèvement (http://www.aurore-perinat.org).

Situations cliniques pouvant évoquer une embolie amniotique :


troubles cardio-respiratoires brutaux inexpliqués, hémorragie sans cause évidente, coma

A. Prélèvements à réaliser 1. Dosage de tryptase


Prélèvement périphérique
Prélève
ou voie centrale sur 1 tube EDTA (violet 5 ml)

2. Recherche de cellules amniotiques


Analyse possible à partir de 25 SA
A

sur sang maternel sur le liquide de lavage


ET bronchoalvéolaire (LBA)

De préférence sur voie centrale


Par injection et aspiration
Comment ? ou voie périphérique
(ou par ponction intracardiaque de 20 ml de sérum physiologique
en cas de décès) dans la sonde d’intubation

1 tube EDTA Aspirateur Par l’intermédiaire


Matériel (violet 5 ml) à mucosité 80 ml(1) d’un fibroscope avec l’aspirateur
à mucosité pour fibroscope(2)

Si l’aspiration n’est pas très productive,


aspirer du sérum physiologique pour récolter
les mucosités restées dans le tuyau

B. Précautions d’envoi

1. Joindre un courrier sommaire de renseignements :


2. Prévenir le service de l’envoi
sIDENTITÏCOMPLÒTEDELAPATIENTE des examens
sCONTEXTECLINIQUEÊGEGESTATIONNEL HEUREACCOUCHEMENT HEUREDE
Secrétariat : 04 72 07 18 55
CHOC HEUREDUPRÏLÒVEMENT 
sCOORDONNÏESTÏLÏPHONIQUESPOURTRANSMETTRELERÏSULTAT C. Boisson : 04 72 07 18 57
sNOMDESMÏDECINSOBSTÏTRICIENS ANESTHÏSISTESETRÏANIMATEURS Ch. Bon : 04 72 00 41 87
concernés.

3. Transmettre rapidement et obturer correctement

C. Lieu d’envoi

Envoyer les 3 prélèvements, avec 4 étiquettes patientes en plus, à l’adresse suivante :


UF Biologie fœto-maternelle – Fédération de biochimie
Centre de biologie Nord des HCL – Hôpital de la Croix-Rousse
103, Grande Rue de la Croix-Rousse – 69317 Lyon cedex 04

(1) par ex. de marque CAIR, réf. AM 014


(2) marque CAIR, réf. AM 040
Source : Réseau périnatal AURORE, validation 28/09/2006

30 // REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - MAI 2008 - N°402


BIOLOGIE ET GROSSESSE

de lavage broncho-alvéolaire. Dans le sang maternel, il est membranes, en revanche sa valeur prédictive négative en
capital d’effectuer des prélèvements avant toute transfusion. cas de menace d’accouchement prématurée est excellen-
Le prélèvement s’effectuera de préférence sur le sang d’origine te [15]. La recherche d’IGFBP1 (insulin growth factor binding
centrale mais à défaut le sang périphérique peut être protein 1) est l’examen le plus utilisé pour le diagnostic
utilisé (figure 2). Le diagnostic peut être posé même de rupture des membranes. C’est un examen simple qui
rétrospectivement 24 à 48 heures après l’accident [8]. peut être pratiqué dès 13 SA au lit du patient grâce à des
Le protocole est disponible sur le site du réseau Aurore kits de détection (seuil 25 μg/L, Actim®-PROM, PROM-
(http://www.aurore-perinat.org). test®) et dont la sensibilité et la spécificité en l’absence
de contamination sanguine sont bonnes [21].
6.4. Diagnostic de la rupture
des membranes
Le diagnostic biologique de la rupture prématurée des
7. Conclusions
membranes revêt une importance capitale parce que la
fissuration asymptomatique de la poche des eaux expose Les examens biologiques effectués chez la femme enceinte
au risque de chorio-amniotite. L’injection d’un colorant constituent un élément fondamental de la surveillance de la
dans la cavité amniotique est l’examen de référence mais grossesse. Les modifications physiologiques doivent être
ce geste invasif n’est pas envisageable en routine et doit connues des biologistes et des cliniciens. L’interprétation
être réservé à des situations spécifiques de diagnostic des résultats dépend habituellement du contexte clinique
prénatal. Des prélèvements vaginaux permettent de pra- mais des perturbations biologiques peuvent parfois précé-
tiquer différents tests diagnostiques. Chacun des tests der la symptomatologie ou parfois même constituer le seul
présente ses propres inconvénients [21]. Le test à la nitra- point d’appel pour une pathologie. Le biologiste joue donc
zine (réaction colorimétrique pH dépendante, Amnicator®) un rôle central dans la surveillance de la femme enceinte.
est simple d’utilisation mais aspécifique, la recherche de En cas d’anomalie, il est important d’avertir directement le
diamine oxydase manque de sensibilité surtout avant clinicien car certaines pathologies peuvent se développer
20 SA et sa technique de dosage est lourde (dosage radio- rapidement. De la qualité de cette interaction dépend la
isotopique). Le dosage de la fibronectine fœtale n’est pas qualité de la surveillance mise en œuvre pour la sécurité
performant pour le diagnostic de rupture prématurée des de la mère et du fœtus.

trisomie 21 : étude ECHO-BIOCH 1T, Méd. Fœtale Echogr. Gynécol.


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REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - MAI 2008 - N°402 // 31


609-612 Strub 152_f.qxp 7.8.2008 15:21 Uhr Seite 609

CABINET Forum Med Suisse 2008;8(34):609–612 609

Syndrome des ovaires polykystiques


Christian De Geyter a, Sabine Strub b, Sabine Steimann c
a
Abteilung für Gynäkologische Endokrinologie und Reproduktionsmedizin, Frauenklinik, Universitätsspital, Basel,
b
Fachärztin FMH für Gynäkologie und Geburtshilfe, Basel, c Abteilung für Gynäkologische Endokrinologie
und Reproduktionsmedizin, Frauenklinik, Universitätsspital Basel

hirsutisme, une acné et une séborrhée. La mala-


Quintessence die se manifeste au niveau ovarien par une ab-
쎲 Le syndrome des ovaires polykystiques (SOPK) est un trouble endocrinien sence partielle ou complète d’ovulation (anovula-
fréquent chez la femme en âge de procréer. Il est caractérisé par un hyper- tion), si bien que les ovaires sont non seulement
androgénisme et/ou des manifestations androgéniques combinées avec des globalement très augmentés de volume, mais ils
troubles du cycle menstruel et associées à des altérations typiques, mais pas présentent de plus une surface blanche, lisse et
pathognomoniques de l’aspect des ovaires à l’échographie endovaginale. sans aucune cicatrice d’ovulation. Le terme de
«polykystique» est trompeur, car il n’est en fait pas
쎲 Chez de très nombreuses femmes atteintes de SOPK, on observe de plus une question de kystes au sens classique, mais plutôt
résistance à l’insuline. Celle-ci n’a en soi pas de signification particulière pour le de petits follicules typiquement localisés sous la
diagnostic du SOPK, mais joue un rôle important dans les complications à long surface des ovaires (fig. 1 x). Ces follicules ne
terme de l’affection. sont pas de nature dégénérative, comme on l’avait
쎲 Le traitement des symptômes d’hyper-androgénisme du SOPK fait surtout d’abord pensé. Ils sont plutôt potentiellement ca-
appel aux progestatifs antiandrogéniques associés à des œstrogènes. pables de répondre de façon exagérée à l’adminis-
tration de FSH exogène. Les ovaires contiennent
쎲 En cas de désir de grossesse, l’anovulation chronique doit primairement être
en leur centre un tissu conjonctif hyperplasique,
traitée par le citrate de clomiphène sous surveillance ultrasonographique. L’ad-
correspondant à la thèque et qui est le siège de la
jonction de metformine ne devrait être prescrite que si le citrate de clomiphène
production excessive des androgènes responsa-
n’a pas donné de résultats.
bles de la symptomatologie du SOPK. Au-delà du
tableau clinique et des examens de laboratoire,
Summary l’image typique du SOPK à l’examen ultrasono-
Polycystic ovary syndrome graphique endovaginal, même si elle n’est pas pa-
thognomonique, joue aujourd’hui un rôle essen-
Despite its frequency in women of child-bearing age, polycystic ovary syndrome
tiel dans le diagnostic (fig. 1).
(PCO-S) remains an ill-defined entity characterised by disturbances of men-
Chez certains praticiens, le diagnostic du SOPK
strual cyclicity, high androgen levels and associated symptoms of androgen
se fonde malheureusement trop souvent exclusi-
action. The typical morphological sign of polycystic ovaries, as visualised in
vement sur l’imagerie ultrasonographique des
ultrasound, is seen in the majority of women with PCO-S. Although many women
ovaires, ce qui conduit régulièrement à des erreurs
with PCO-S have clear signs of insulin resistance, measurement of insulin levels
de diagnostic. L’appréciation anamnestique du
is not considered an inherent part of the diagnostic protocol. Treatment of the
cycle menstruel doit impérativement faire partie
androgenic symptoms of PCO-S should still be based primarily on antiandro-
intégrante de la démarche, car la présence d’un
gens and oestrogens, whereas clomiphene citrate is the first-line drug for treat-
cycle ovulatoire normal constitue un critère d’ex-
ment of chronic anovulation in infertile women with PCO-S.
clusion. Un SOPK sans aucun signe d’hyper-an-
drogénisme – que ce soit clinique ou biologique –
n’est pas non plus concevable. Les examens de
laboratoire comprennent une détermination des
Introduction et définition taux sériques de testostérone totale, incluant aussi
du tableau clinique bien la fraction circulante libre, que celle liée au
récepteur des androgènes. Environ 98% de la tes-
Le syndrome des ovaires polykystiques (SOPK) tostérone circulante sont liés aux protéines, en
touche environ 5% des femmes en âge de pro- particulier à sa protéine de transport spécifique,
créer. Il s’agit ainsi de la maladie endocrinienne la SHBG. Comme les taux circulants de testosté-
la plus fréquente chez la femme. Le SOPK donne rone sont relativement faibles chez la femme, la
lieu à une série de tableaux cliniques hétéro- détermination de la fraction libre est très impré-
gènes, répondant unitairement aux critères dits cise. On recommande la détermination de la tes-
de Rotterdam [1, 2] (tab. 1 p). Le SOPK se mani- tostérone totale dans le sérum, car celle-ci est plus
feste typiquement par un trouble du cycle mens- élevée et s’inscrit donc mieux dans l’intervalle
truel et il est principalement caractérisé par des mesurable par la méthode, avec pour conséquence
signes d’hyper-androgénisme, en particulier un des valeurs plus reproductibles.

Vous trouverez les questions à choix multiple concernant cet article à la page 601 ou sur internet sous www.smf-cme.ch.
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Tableau 1. Critères diagnostiques du SOPK. line y provoquent une hyperplasie de la granu-


leuse et encore plus des cellules thécales. L’hy-
Les critères diagnostiques du SOPK ont été définis en 2003 à l’occasion d’une réunion
perplasie de la thèque augmente les taux locaux
de consensus qui s’est tenue à Rotterdam par la Société Européenne de Médecine
de Reproduction et d’Embryologie (ESHRE) et par la Société Américaine de Médecine d’androgènes, inhibant ainsi la croissance des fol-
de Reproduction (ASRM): licules ovariens, si bien que la plupart des follicules
Oligo- ou anovulation, reconnaissable aux troubles menstruels tels que l’oligo- ou l’aménorrhée. se retrouve sous la capsule des ovaires, figés à ce
Hyper-androgénisme et/ou signes cliniques d’une élévation des androgènes (androgénisation).
stade du développement. Il en résulte le tableau
morphologique caractéristique du SOPK. Bien
Diagnostic échographique des ovaires polykystiques (OPK): présence d’au moins douze follicules
d’un diamètre de 2 à 9 mm par ovaire et/ou d’un ovaire dont le volume est supérieur à 10 ml. que la résistance à l’insuline associée au SOPK re-
lève d’un mécanisme pathogénique aujourd’hui
Diagnostic différentiel d’exclusion: M. Cushing, syndrome andrénogénital (AGS), tumeur
ovarienne ou surrénalienne sécrétrice d’androgènes, médicaments ou anabolisants. bien compris, le dosage de l’insulinémie ne fait
pas partie des critères diagnostiques. La mise en
évidence endocrinologiquement correcte d’une
résistance à l’insuline est compliquée et elle n’est
donc pas réalisable dans la routine clinique.
La combinaison du SOPK avec une résistance à
l’insuline peut cependant être lourde de consé-
quences. Les patientes atteintes d’un SOPK sont
souvent obèses, ce qui accentue la résistance à
l’insuline et entraîne un risque accru de syndrome
métabolique avec diabète de type 2. Il est donc re-
commandé de procéder, dès qu’un diagnostic de
SOPK a été posé, à un test oral de tolérance au
glucose avec 75 g de glucose [4]. Environ 7,5%
des patientes souffrant du SOPK présentent un
diabète de type 2 manifeste, 31,1% un trouble de
la tolérance au glucose mesuré par le second pic
d’hyperglycémie (120 minutes après la prise de
la préparation glucosée). La réalisation d’un test
oral de tolérance au glucose est particulièrement
importante chez les femmes venant consulter
parce qu’elles désirent avoir un enfant, car l’ap-
parition d’un diabète gestationnel n’est pas rare
durant la grossesse. Celle-ci, et plus particulière-
Figure 1
ment l’état hormonal qui lui est propre, induit en
Image d’ovaire polykystique à l’échographie endovaginale.
soi une résistance à l’insuline qui va s’ajouter à
la résistance déjà augmentée dans le SOPK.
Les modifications hormonales dues à un SOPK
La détermination de la SHBG donne d’autre part préexistant chez la mère et au renforcement de
des informations sur le degré de résistance à l’in- la résistance à l’insuline durant la grossesse pour-
suline, qui est un paramètre étroitement lié à l’im- raient être responsables du développement d’un
portance du SOPK: plus la résistance à l’insuline SOPK chez la fille. A ce jour, on n’a pas pu iden-
est marquée, moins la production de SHBG par le tifier de génotype pour le tableau phénotypique
foie est importante. L’hormone lutéïnisante (LH), du SOPK, et cela malgré de nombreuses années
que l’on dosait autrefois systématiquement et qui de recherche tous azimuts [5]. Bien que l’on ob-
est en général plus élevée que l’hormone follicu- serve régulièrement la présence de plusieurs cas
lostimulante (FSH) chez les femmes minces avec dans une même famille, l’existence d’une prédis-
un SOPK, ne figure plus dans les critères diag- position génétique pour le SOPK apparaît au-
nostiques de Rotterdam du SOPK. jourd’hui peu probable. On discute en revanche
davantage d’une imprégnation androgénique du
complexe du récepteur de l’insuline et/ou de l’hy-
La résistance à l’insuline pothalamus au cours du développement fœtal [6].
dans la pathogenèse du SOPK L’instillation de testostérone dans la cavité am-
niotique, dans le cadre d’expériences chez le ma-
De nombreuses patientes avec un SOPK présentent caque rhésus, a simultanément induit, dans la
également une résistance à l’insuline [3], situa- descendance femelle, une inversion à vie du mo-
tion dans laquelle les concentrations physiolo- dèle pulsatile de la sécrétion de LH et une résis-
giques de l’insuline plasmatique ne suffisent pas tance à l’insuline [6]. Une observation récemment
pour déclencher une réponse métabolique nor- publiée s’inscrit dans cette même perspective: les
male dans le tissu adipeux, la musculature et le mères de filles souffrant d’un SOPK présentent
foie. Comme les ovaires contiennent eux aussi des souvent un hyper-androgénisme associé à une ré-
récepteurs à l’insuline, les taux elevés de l’insu- sistance à l’insuline [7].
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La signification de l’hyper-androgénisme Le traitement des symptômes


et de la résistance à l’insuline pour de l’hyper-androgénisme
l’avenir des femmes concernées
La dualité «hyper-androgénisme et résistance à
Bien que la preuve d’une relation directe entre une l’insuline» du SOPK se reflète aussi dans le traite-
augmentation de l’exposition androgénique chez ment du complexe symptomatique. Les différents
les fœtus de sexe féminin et le développement symptômes de l’hyper-androgénisme, dont notam-
ultérieur d’un SOPK n’ait pas été formellement ment l’hirsutisme, l’acné et quelques autres, sont
établie, différentes observations ont contredit l’an- déjà traités depuis longtemps avec succès par les
cienne conception selon laquelle la probléma- médicaments anti-androgènes. En plus des anta-
tique du SOPK ne concernerait que les femmes en gonistes du récepteur des androgènes, en particu-
âge de procréer. Une relation a en effet été établie lier l’acétate de ciprotérone, l’acétate de chlorma-
entre un faible poids à la naissance, une adré- dinone et la drospérinone, les œstrogènes oraux
narque excessive avec hyper-androgénisme pro- tels l’éthinylœstradiol et le valérate d’œstradiol,
noncé et l’évolution ultérieure vers un SOPK [8]. sont efficaces, car ils stimulent la production de
Les complications à long terme du SOPK ont été «sex hormone-binding globulin» (SHBG) dans le
bien décrites et incluent l’obésité, l’hypertension foie, diminuant ainsi la disponibilité des andro-
artérielle et le diabète sucré [1, 2], soit tous les gènes en circulation. Les médicaments hypo-
stigmates du syndrome métabolique. Il convient insulinémiants, comme la metformine, la rosigli-
donc de voir dans le SOPK chez la femme en âge tazone ou la pioglitazone [9], sont peu efficaces
de procréer un syndrome de passage, causant du- dans le traitement des signes cliniques de l’hyper-
rant cette période particulière de la vie des trou- androgénisme, malgré le net abaissement des taux
bles propres à cet âge, notamment une stérilité et d’androgènes qu’ils induisent. Un autre inconvé-
un hirsutisme. Toutefois, si l’on suit l’évolution du nient lié au traitement de l’hirsutisme à l’aide des
syndrome de la naissance à la ménopause, on de- hypoinsulinémiants est la suppression de l’effi-
vrait plutôt parler du syndrome «hyper-androgé- cacité contraceptive d’une inhibition de l’ovula-
nisme et résistance à l’insuline», susceptible de tion par les progestatifs anti-androgènes. Toutes
produire à chaque période de la vie des symp- les études prospectives avec les médicaments
tômes différents, mais déterminants pour la santé hypoinsulinémiants, en particulier la metformine,
à long terme. A cet égard, la problématique du la rosiglitazone et la pioglitazone, font état de gros-
SOPK dépasse le simple cadre de la gynécologie sesses non désirées [9].
et constitue en fait un défi pour la médecine au
sens large du terme.
Traitement du SOPK et désir
de grossesse
Compte tenu de l’association de l’anovulation
chronique avec le SOPK, le diagnostic de ce dernier
est souvent posé à l’occasion des investigations
effectuées dans le cadre d’une stérilité (fig. 2 x).
Depuis des décennies, on utilise largement dans
Stérilité masculine 57,9 cette indication l’anti-œstrogène citrate de clomi-
phène, qui stimule la sécrétion endogène des gona-
Stérilité tubaire 12 dotrophines et induit donc la maturation du fol-
Insuffisance ovarienne licule. Un traitement par le citrate de clomiphène
10,1 est relativement économique, n’entraîne que peu
hypergonadotrope
Stérilité d'origine d’effets indésirables et ne provoque que rarement
7,2
indéterminée des grossesses gémellaires – sous surveillance
SOPK 6,5 échographique adéquate. Dans une proportion
non négligeable des cas (environ 20%), la matu-
Endométriose 1,7 ration folliculaire reste cependant absente sous
citrate de clomiphène chez les patientes avec
Insuffisance ovarienne
0,8 SOPK. Celles-ci doivent alors passer à un traite-
hypogonadotrope
Insuffisance ovarienne ment de gonadotrophines beaucoup plus lourd et
0,2
hyperprolactinémique davantage sujet aux complications. La metfor-
mine, qui est classiquement utilisée dans le trai-
0 10 20 30 40 50 60 70
tement du diabète de type 2, diminue la propor-
Proportion (%) tion des patientes ayant un SOPK réfractaire au
clomiphène [10]. L’utilisation de la metformine en
Figure 2
Fréquence des causes les plus importantes d’infertilité. Données provenant de 475 femmes
guise de préparation à un traitement programmé
qui se sont présentées à la consultation de stérilité de l’Hôpital cantonal de Bâle suite à l’absence de citrate de clomiphène a d’abord suscité un
d’une grossesse pourtant désirée. grand enthousiasme et elle s’est rapidement gé-
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grossesses était près de 10% plus élevé après le


50 Taux de grossesses
traitement combiné qu’après celui au citrate de
Taux de naissances vivantes clomiphène seul (fig. 3 x). Ces données reflètent
en réalité une augmentation des taux de compli-
Proportion par couple (%)

40
cations durant la grossesse. Dans l’étude citée, la
metformine était immédiatement interrompue
30 en cas de test de grossesse positif. Ces résultats
suggèrent clairement que la metformine seule
n’est guère efficace, et qu’elle ne devrait être don-
20 née, en association avec le citrate de clomiphène,
qu’en cas de non réponse au citrate de clomiphène
seul. On remarquera à ce propos que la prescrip-
10 tion de la metformine dans le SOPK revient, dans
notre pays, à une utilisation «off label», dans la
mesure où cette indication n’a pas été enregis-
0 trée. Bien que la metformine ne semble pas être
Metformine Citrate de clomiphène Metformine + citrate tératogène aux doses usuelles, elle reste à l’heure
de clomiphène actuelle contre-indiquée durant la grossesse.
Figure 3
Les taux de grossesses par couple et de naissances de fœtus vivants étaient statistiquement
significativement supérieurs sous citrate de clomiphène seul et en association avec la metformine Conclusion
que ceux constatés avec la metformine seule (500 mg par jour) (p <0,01) [12].
Bien que le syndrome des ovaires polykystiques
néralisée, comme d’ailleurs dans le traitement (SOPK) constitue la maladie endocrinienne la plus
primaire de la stérilité associée au SOPK. Comme fréquente chez les femmes en âge de procréer, le
cette pratique était fondée sur des résultats d’es- tableau clinique est hétérogène et reste difficile à
sais obtenus chez un petit nombre de cas [11], définir clairement. Les troubles du cycle menstruel,
une grande étude multicentrique a été mise sur les signes d’hyper-androgénisme et l’élévation des
pied pour tester de manière prospective l’effica- taux de testostérone sont des critères obligatoires
cité dans le SOPK de la metformine seule (208 pa- pour ce diagnostic. Chez la plupart des patientes,
tientes), du citrate de clomiphène seul (209 pa- on observe à l’ultrasonographie l’image typique
tientes) et de l’association metformine plus citrate de follicules arrangés en collier de perles à proxi-
de clomiphène (208 patientes) [12]. Le taux de mité de la surface des ovaires. Si une résistance
naissances de fœtus vivants s’est avéré significa- à l’insuline est souvent présente chez les patientes
tivement plus bas sous metformine seule (500 mg avec SOPK, la détermination de l’insulinémie ne
par jour) qu’avec le citrate de clomiphène seul et fait pas partie des examens diagnostiques. Le trai-
le traitement combiné. Ce dernier a bien induit tement symptomatique fait appel aux substances
un taux de naissances de fœtus vivants plus élevé antiandrogéniques et aux œstrogènes. En cas de
que le citrate de clomiphène seul (+4,3%), mais la désir de grossesse, le citrate de clomiphène reste
différence n’était pas statistiquement significa- le traitement de choix pour inverser l’anovulation
tive. Ce qui est intéressant, c’est que le taux de chronique.

Références
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ANCAAN-418; No. of Pages 2 ARTICLE IN PRESS
Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com

Annales de Cardiologie et d’Angéiologie xxx (2008) xxx–xxx

Fait clinique

Takayashu et grossesse
Takayashu and pregnancy
L. Belyamani a,∗ , H. Azendour a , A. Elmoqadem a , J. Kouach b , S. Zidouh a , N. Drissi Kamili a
a Service d’anesthésiologie, hôpital militaire Mohamed-V, BP 2561, Rabat, Maroc
b Service de gynécologie obstétrique, hôpital militaire Mohamed-V, Rabat, Maroc
Reçu le 21 juin 2007 ; accepté le 13 juillet 2008

Résumé
La maladie de Takayashu est une artérite touchant l’aorte et la portion initiale de ses branches. La grossesse au cours de la maladie de Takayashu
peut entraîner des complications maternelles et/ou fœtales. Nous rapportons le cas d’une patiente, âgée de 33 ans, primipare, suivie pour maladie
de Takayashu qui a présenté à 37 semaine d’aménorrhées une pré-éclampsie avec une insuffisance ventriculaire gauche. Après mise en condition
et stabilisation de l’état de la patiente, une césarienne prophylactique a été indiquée, sous anesthésie générale et a permis l’extraction d’un bébé
à terme hypotrophe. La grossesse est licite en cas de maladie de Takayashu non ou peu compliquée, à la condition d’une surveillance médicale
stricte ayant pour objectif principal la bonne gestion de l’HTA. La grossesse sera évitée, voire même interrompue dans les formes sévères de
l’aorto-artérite.
© 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Abstract
Takayashu arteritis is a chronic inflammatory disease of the large arteries, usually affecting the aorta and its large branches and the pulmonary
arteries, with a higher incidence during the childbearing years. We report the case of a 33-year-old patient, primigravida with Takayashu arteritis
diagnosed three years ago. At 37 weeks of gestation, she was admitted for a pre-eclampsia and a left ventricular insufficiency. Elective caesarean
section under general anesthesia after joint decision between the attending obstetrician and the medical and anesthetic consultants, and allowed the
extraction of a hypotrophic baby. The association of pregnancy with Takayashu’s arteritis is almost always uneventful. It is associated with high
values of maternal blood pressure and severe intra-uterine growth retardation.
© 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Takayashu ; Grossesse ; Césarienne

Keywords: Takayashu; Pregnancy; Caesarean section

La maladie de Takayashu est une artérite touchant l’aorte logiques a été discutée mais la maladie de Takayashu n’est en
et la portion toute initiale de ses branches : principalement les aucun cas contagieuse [1]. La grossesse au cours de la mala-
artères rénales, les artères iliaques, les artères sous-clavières et die de Takayashu peut entraîner des complications maternelles
les artères carotides. L’inflammation de l’aorte (aortite) entraîne et/ou fœtales. Nous rapportons le cas d’une patiente, âgée de
l’épaississement de sa paroi, le rétrécissement de sa lumière 33 ans, primipare, suivie pour des accidents vasculaires céré-
et réduit donc le flux de sang oxygéné qu’elle distribue aux braux ischémiques multiples sur maladie de Takayashu sous
différents organes. La cause de la maladie de Takayashu reste corticothérapie et anti-agrégants plaquettaires. Le diagnostic de
inconnue si bien que l’on parle souvent « d’aorto-artérite non la maladie de Takayashu a été établi il y a trois ans. L’angio IRM
spécifique ». La possibilité de causes infectieuses ou immuno- cérébrale a montré un accident vasculaire cérébral ischémique
(AVCI) dans le territoire de la cérébrale moyenne, AVCI ancien
au niveau de la capsule interne droite, paraventriculaire gauche
∗ Auteur correspondant. et au niveau du tronc cérébral, avec un aspect grêle et irrégu-
Adresse e-mail : lbelyamani@hotmail.com (L. Belyamani). lier des vaisseaux à destiné encéphalique en rapport avec des

0003-3928/$ – see front matter © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.ancard.2008.07.008

Pour citer cet article : Belyamani L, et al. Takayashu et grossesse. Annales de Cardiologie et d’Angéiologie (2008),
doi:10.1016/j.ancard.2008.07.008
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2 L. Belyamani et al. / Annales de Cardiologie et d’Angéiologie xxx (2008) xxx–xxx

lésions de vascularite. Une TDM thoraco-abdominale a mon- être introduite. L’hypertension artérielle doit être traitée énergi-
tré une sténose étagée de l’aorte abdominale avec sténose totale quement avec les inhibiteurs calciques ou les ␣- et ␤-bloquants.
de l’aorte sous rénale. L’échocardiographie a montré une cardio- Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion sont contre-indiqués
myopathie hypertrophique du VG. L’écho-doppler des vaisseaux du fait de leur toxicité fœtale. En cas d’atteinte des artères sous-
du cou a montré une atteinte artérielle diffuse non athéroma- clavières, ce qui est particulièrement fréquent au cours de la
teuse. Le fond d’œil a montré un œdème du pole postérieur maladie de Takayashu, la prise de la pression artérielle au bras
bilatéral intéressant la macula avec un syndrome subocclusif devient non fiable car sous-estime la pression systémique. La
de l’artère centrale de la rétine. La patiente a été hospitalisée prise de pression artérielle à la jambe est alors l’élément de
à 37 semaines d’aménorrhées pour pré-éclampsie avec dyspnée référence en l’absence de sténose sur l’aorte descendante [3].
stade III de la NYHA et hypertension artérielle. À l’admission, Les femmes jeunes étant atteintes plus fréquemment que les
la patiente était consciente, polypneique avec une fréquence à hommes, la question de la possibilité d’une grossesse se pose.
35 cycles par minutes, des râles crépitants au niveau des deux Il est important d’en discuter longuement et à plusieurs reprises
champs pulmonaires, et une hypertension artérielle estimée à avec son médecin, qui pourra évaluer les risques pour la gros-
189/123, L’examen neurologique trouvait une mono parésie sesse dus à la maladie et les risques d’aggravation de la maladie
du membre supérieur droit, prédominant aux extenseurs, des dus à la grossesse. Dans certains cas, une contraception devra
réflexes ostéotendineux vifs et diffus aux quatre membres, un être mise en route pendant un certain temps, notamment au cours
réflexe cutané plantaire présent à droite, pas de trouble de la sen- d’un traitement par un immunosuppresseur. Dans d’autres cas,
sibilité superficielle ni arthrokinétique, la paire crânienne étaient une grossesse sera possible tout en continuant le traitement, sous
intacts ; pas de trouble de coordination. L’échographie obstétri- contrôle médical régulier. Chaque cas est particulier, en fonction
cale a montré une grossesse monofœtale évolutive. Après mise de la localisation des lésions artérielles, des complications liées
en condition et stabilisation de l’état de la patiente sous anti- à la maladie, du stade évolutif de celle-ci et des traitements en
hypertenseurs : inhibiteurs calciques ; la nicardipine en continu cours. Par ailleurs, Sharma et al. ont trouvé que parmi 17 nais-
en pousse seringue électrique et un dérivée nitré, une césa- sances à terme, cinq bébés ont eu un faible poids à la naissance
rienne prophylactique a été indiquée, sous anesthésie générale dû à un retard de croissance. Intra-utérin, cette incidence élevée
et a permis l’extraction d’un bébé à terme hypotrophe, de a été liée à une hypertension non contrôlé et à la participation
poids de naissance 1700 g, avec un Apgar à 8 à la première de l’aorte abdominale des mères [4]. Le retard du traitement
minute et devenu 10 à la cinquième minutes. Les suites ont été entraîne un environnement défavorable pour le fœtus. Ishikawa
simples. et Matsuura [5], et Wong et al. [6] ont rapporté une incidence
La maladie de Takayashu affecte des femmes dans l’âge de élevée de retard de croissance intra-utérine et d’hypertension et
procréation. L’âge moyen d’apparition est habituellement dans la participation de l’aorte abdominale maternelle ont été citées
la deuxième et troisième décade de la vie. Par conséquent, il comme facteurs étiologiques pour la même chose.
n’est pas rare de rencontrer cette maladie pendant la grossesse. En conclusion, la grossesse est licite en cas de maladie de
Et c’est le niveau de pression artérielle qui détermine l’évolution Takayashu non ou peu compliquée, à la condition d’une sur-
au cours de la grossesse [1]. De ce fait, les patientes présen- veillance médicale stricte ayant pour objectif principal la bonne
tant la maladie de Takayashu doivent avoir une surveillance très gestion de l’HTA. La grossesse sera évitée, voire même inter-
rapprochés avant et pendant la grossesse pour avoir un équi- rompue dans les formes sévères de l’aorto-artérite.
libre stricte de la tension artérielle. Par ailleurs, les grossesses
rapportées au cours de la maladie de Takayashu sont à haut Références
risque d’hypertension artérielle et d’éclampsie, particulièrement
lorsqu’il y a une atteinte des artères rénales. Les artères pulmo- [1] Matsumura A, Moriwaki R, Numano F. Pregnancy in Takayashu arteritis
naires sont touchées près d’une fois sur deux dans la maladie from the view of internal medicine. Heart Vessels Suppl 1992;7:120–4.
[2] Doria A, Iaccarino L, Ghirardello A, Briani C, Zampieri S, Tarricone E.
de Takayashu. La grossesse peut en être un mode de révéla-
Pregnancy in rare autoimmune rheumatic diseases: UCTD, MCTD, myositis,
tion du fait de l’augmentation du volume plasmatique pouvant systemic vasculitis and Behçet disease. Lupus 2004;13:690–5.
révéler ou aggraver une HTAP. C’est un risque qui peut concer- [3] Hachulla E, Launay D. Complications maternelles graves des maladies sys-
ner jusqu’à un quart des grossesses survenant au cours de la témiques auto-immunes. Reanimation 2007;16(5):393–402.
maladie de Takayashu [2]. En cas de poussée de la maladie au [4] Sharmaa BK, Jaina S, Vasishtab K. Outcome of pregnancy in Takayashu
arteritis. Int J Cardiol 2000;75:S159–62.
cours de la grossesse, le traitement recommandé associe habi-
[5] Ishikawa K, Matsuura S. Occlusive thromboaortopathy (Takayashu’s
tuellement les bolus de Solumédrol® 15 mg/kg par jour (sans disease) and pregnancy. Am J Cardiol 1982;50:1293–300.
dépasser 1 g) trois jours consécutifs avec relais de prednisone [6] Wong VCW, Wang RYC, Tse TF. Pregnancy and Takayashu’s arteritis. Am
1 mg/kg par jour. Dans les cas réfractaires, l’azathioprine peut J Med 1983;75:597–601.

Pour citer cet article : Belyamani L, et al. Takayashu et grossesse. Annales de Cardiologie et d’Angéiologie (2008),
doi:10.1016/j.ancard.2008.07.008
EMC-Endocrinologie 2 (2005) 105–120

http://france.elsevier.com/direct/EMCEND/

Thyroïde et grossesse
Thyroid and pregnancy
J.-L. Wémeau a,*, M. d’Herbomez b, P. Perimenis a, F.-L. Vélayoudom a
a
Clinique endocrinologique Marc Linquette, Centre hospitalier régional universitaire,
59037 Lille cedex, France
b
Laboratoire de médecine nucléaire, Hôpital Roger Salengro, Centre hospitalier régional universitaire,
59037 Lille cedex, France

MOTS CLÉS Résumé La grossesse accroît les besoins en hormones thyroïdiennes et majore le volume
Grossesse ; thyroïdien. Des décompensations sont possibles si se révèle une situation de carence en
Hormones iode, si le parenchyme thyroïdien est fragilisé par une auto-immunité antithyroïdienne,
thyroïdiennes ; telle qu’elle s’observe chez 10 à 20 % des femmes en âge de procréer. L’équilibre de la
Goitre ; fonction thyroïdienne est d’autant plus impératif que précocement le développement
Hyperthyroïdie ;
cérébral du fœtus est dépendant de la fourniture maternelle transplacentaire en hormo-
Hypothyroïdie ;
Carence en iode ;
nes thyroïdiennes. La grossesse majore le volume du goitre, favorise son remaniement
Allaitement ; nodulaire et potentiellement la croissance d’éventuels nodules cancéreux. L’hyperthy-
Thyroïdite du roïdie doit être reconnue et précocement traitée ; en particulier recommandation est
post-partum faite de majorer la substitution hormonale d’environ 30 % dès l’initiation des grossesses.
L’hyperthyroïdie gravidique est présente chez 2 % des femmes enceintes et ce risque
s’accroît en cas de vomissements gravidiques et de grossesses gémellaires. Elle est à
distinguer de la maladie de Basedow de la grossesse qui requiert une surveillance
hormonale et immunitaire, et systématiquement une surveillance du développement
fœtal si le titre des anticorps antirécepteur de la thyroid stimulating hormone est
significativement accru. Les situations de dysfonction thyroïdienne transplacentaire et de
dysthyroïdie néonatale requièrent une étroite coopération entre endocrinologue, obsté-
tricien et pédiatre. Le traitement antithyroïdien ne constitue pas une contre-indication à
l’allaitement. Des réflexions existent quant à l’opportunité d’un dépistage des dysfonc-
tions thyroïdiennes maternelles pré- et postconceptionnelles, et d’une supplémentation
iodée systématique au cours de la grossesse.
© 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Abstract Pregnancy increases the requirements in thyroid hormones and raises thyroid
KEYWORDS
volume. Thyroid disorders may appear in case of iodine deficiency, if the thyroid
Pregnancy;
parenchyma is weakened by thyroid autoimmunity, as observed in 10 to 20% of women of
Thyroid hormone;
Goiter; child-bearing age. The equilibrium of the thyroid function is all the more imperative as
Hyperthyroidism; precociously the cerebral development of the foetus depends on the maternal transpla-
Hypothyroidism; centar supply in thyroid hormones. Pregnancy raises the volume of the goiter, supports its
Iodine deficiency; nodular reorganization and potentially the growth of possible cancerous nodules. Hyper-
Breast feeding; thyroidism must be recognized and early treated; in particular, recommendation is made
Post partum thyroiditis to raise hormonal substitution by approximately 30% as soon as the beginning of pre-
gnancy. Hyperthyroidism during pregnancy is present in 2% of pregnant women and this

* Auteur correspondant.
Adresse e-mail : jl-wemeau@chru-lille.fr (J.-L. Wémeau).

1762-5653/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
doi: 10.1016/j.emcend.2005.01.002
106 J.-L. Wémeau et al.

risk increases in case of hyperemesis gravidarum and twin pregnancies. It should be


distinguished from pregnancy Graves’ disease which requires hormonal and immunizing
monitoring, and systematic monitoring of the foetal development in case of significantly
increased TSH antireceptor antibodies. Transplacentar thyroid dysfunction and neonatal
dysthyroidism require close cooperation between endocrinologist, obstetrician and pae-
diatrician. Treatment using antithyroid drugs is possible with breast feeding. Appropria-
teness of tracking pre and postconception maternal thyroid disorders and systematic
iodine supplementation during pregnancy are discussed.
© 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Introduction

En dépit de l’apparente latence clinique, la gros-


sesse (comme la période du post-partum) constitue
une épreuve pour la glande thyroïde. Celle-ci pos-
sède d’importantes capacités d’adaptation qui lui
permettent dans l’ensemble de faire face à l’ac-
croissement des besoins hormonaux, à l’appauvris-
sement de la charge en iode. Mais des déséquilibres
sont possibles, ce qui n’est pas sans conséquence
sur la situation maternelle et fœtale.
Les intérêts actuels de cette thématique concer-
nent :
• l’authentification en Europe occidentale d’une
carence en iode relative des femmes enceintes ;
• les modifications du statut immunitaire de la Figure 1 Facteurs de goitrogenèse au cours de la grossesse.
grossesse et le rôle péjoratif des anticorps anti- TBG : thyroxin binding globulin ; T3 : tri-iodo-3,5,3’ thyronine ;
thyroïdiens maternels ; T4 : thyroxine ; hCG : human chorionic gonadotropin.
• la fréquence des hypothyroïdies maternelles du
• l’hyperœstrogénie est responsable d’une aug-
début de la grossesse, et leur effet délétère sur
mentation des protéines de transport, surtout
le pronostic intellectuel du fœtus ;
de la thyroxin binding globulin (TBG). De ce
• l’opportunité de la mise en place d’un dépistage
fait, s’accroissent les besoins en hormones thy-
des dysfonctions thyroïdiennes au cours de la
roïdiennes, ce qui conduit la thyroïde à augmen-
grossesse, et d’une supplémentation iodée sys-
ter sa production d’au moins 40 % au 1er mois, de
tématique.
75 % au 3e mois ;1
On décrira les modifications physiologiques de la
• la diminution de la disponibilité en iode. Dans le
morphologie et de la fonction thyroïdienne au cours
même temps où la thyroïde est sollicitée pour
de la grossesse et leurs mécanismes. On verra les
accroître sa production, la quantité d’iode se
facteurs auto-immuns et nutritionnels qui vulnéra-
réduit du fait de la fourniture d’iode au fœtus
bilisent particulièrement la situation maternelle et
(par passage transplacentaire), de l’augmenta-
fœtale. On précisera les conduites pratiques dans
tion de la clairance rénale de l’iode : celle-ci est
les différentes situations que le clinicien est amené
physiologiquement de 30 ml/min et s’accroît
à gérer : goitre simple, nodule et cancer, hypo- et
significativement parallèlement à la filtration
hyperthyroïdies de la grossesse, thyroïdite du post-
glomérulaire.2 On a reconnu récemment aussi le
partum.
rôle délétère des œstrogènes sur l’activité du
symporteur de l’iodure (NIS) ; le NIS assure le
cotransport actif de l’iode et du sodium, depuis
Modifications de la physiologie le secteur vasculaire jusqu’à l’intérieur des cel-
thyroïdienne au cours de la grossesse lules vésiculaires ; son activité est réduite par
l’imprégnation œstrogénique,3 ce qui contribue
Mécanismes à l’appauvrissement du contenu intrathyroïdien
en iode ;
Elles sont la conséquence de trois facteurs essen- • enfin l’effet thyréostimulant de l’human chorio-
tiels (Fig. 1) : nic gonadotropin (hCG) placentaire. L’hCG pos-
Thyroïde et grossesse 107

sède une homologie structurale avec les autres maine, correspondant à une valeur proche de
hormones glycoprotéiques (luteinizing hormone 2,5 fois le taux usuel. Cette forte concentration de
[LH], follicle stimulating hormone [FSH] et thy- la TBG à haute affinité hormonale contribue au
roid stimulating hormone [TSH]) dont la sous- nécessaire accroissement de la production hormo-
unité a est commune ; les sous-unités b sont nale : cette augmentation de 1 à 3 % par jour est
spécifiques, mais de structure protéique pro- indispensable pour maintenir un taux stable de T4
che ; l’homologie atteint 85 % entre b-hCG et libre, dont l’équilibre avec la T4 totale répond à la
b-TSH. De ce fait, l’hCG se lie au récepteur de la loi d’action de masse. Les affinités des concentra-
TSH (RTSH). Elle stimule la croissance de l’épi- tions d’albumine et de transthyrétine sont peu mo-
thélium thyroïdien et les différentes étapes de difiées durant la grossesse, et leurs concentrations
la production hormonale.4,5 sont réduites d’environ 10 % du fait de l’hémodilu-
On évoque aussi le rôle d’un autre élément : tion.13
l’importante activité de la désiodase placentaire. En liaison avec la TBG accrue, les concentrations
Cette désiodase de type III est plus active sur la des formes totales d’hormones thyroïdiennes (T4,
tri-iodo-3,5,3’ thyronine (T3) que sur la thyroxine T3) augmentent très précocement dès le début de
(T4). Elle contribue à l’inactivation hormonale en la grossesse, se stabilisent à un plateau proche de
transformant la thyroxine maternelle en rT3 (re- 1,5 fois la valeur usuelle et reviendront aux valeurs
verse T3 ou T3 inverse) dans l’unité fœtoplacentaire prégestationnelles dans les 6 à 8 semaines qui sui-
au cours de la deuxième moitié de la gestation.6,7 vent l’accouchement.14 Les concentrations des for-
mes libres (FT4, FT3) sont peu modifiées tout au
Modifications du volume thyroïdien long de la grossesse. Malgré tout, une augmentation
ou une diminution des hormones libres est possible,
L’accroissement du volume thyroïdien au cours de dépendante des populations étudiées et des métho-
la grossesse est une notion connue depuis l’Anti- dologies utilisées.15 Recommandation est faite par
quité. Elle a été authentifiée et quantifiée par les sociétés (National Academy of Clinical Bioche-
l’échographie.1,8,9 À Bruxelles, Glinoer et al. ont mistry [NACB]) d’interpréter les résultats au cours
montré que le volume thyroïdien s’accroît chez de la grossesse en fonction des normes spécifiques
80 % des femmes enceintes : de 20 à 130 %, en de la méthode de dosage.16 Le plus souvent est
moyenne de 30 %. Ceci est lié à l’action de l’hCG observée une réduction relative des concentrations
placentaire, éventuellement d’autres hormones hormonales (de l’ordre de 20 à 30 %), ce qui résulte
trophiques (comme les œstrogènes, l’hormone de de l’hémodilution, de la carence en iode et de
croissance et l’insulin-like growth factor [IGF]1, et raisons méthodologiques.17
la TSH en fin de grossesse). Contribue aussi à l’ac- La TSH s’abaisse au premier trimestre, et parfois
croissement du volume thyroïdien le déficit iodé. jusqu’au début du second trimestre, en miroir de
La sensibilité du parenchyme thyroïdien à l’action l’accroissement de l’hCG placentaire (une augmen-
trophique de la TSH est inversement corrélée au tation de l’hCG de 10 000 U/ml réduit la TSH de
contenu intrathyroïdien en iode.10 À Bruxelles, 0,1 mU/ml)1 (Fig. 2). En pratique, 10 à 20 % des
comme à Toulouse, l’augmentation du volume thy- femmes enceintes ont, en début de grossesse, une
roïdien était inversement corrélée avec le degré de diminution de la TSH. À ce stade, une hyperthyroï-
la carence en iode.11,12 die ne saurait être reconnue que par l’accroisse-
ment des concentrations de FT4 et/ou FT3. En fin de
Modifications hormonales et protéiques grossesse, peut se démasquer une augmentation
discrète de la TSH.
Physiologiquement les hormones thyroïdiennes sont
transportées par trois protéines : l’albumine, la
transthyrétine (thyroxin binding pre albumin,
TBPA) et la TBG. La TBG possède la concentration la
plus faible, mais une très forte affinité pour les
hormones thyroïdiennes, de sorte qu’elle assure le
transport d’environ 68 % de la T4 et de 80 % de la T3.
Au cours de la grossesse, l’hyperœstrogénie d’une
part accroît la synthèse hépatique de la TBG,
d’autre part majore sa sialylation, ce qui prolonge
sa demi-vie.1,2 De ce fait, la concentration de la Figure 2 Courbes en miroir de thyroid stimulating hormone
TBG augmente progressivement dès le début de la (TSH) et de human chorionic gonadotropin (hCG) au cours de la
grossesse, et atteint un plateau vers la 20e se- grossesse selon Glinoer et al.14.
108 J.-L. Wémeau et al.

L’augmentation de la thyroglobuline est le reflet la présence de titres élevés d’anticorps antithy-


de l’accroissement du volume et de l’activité de la roïdiens définit la situation de thyroïdite auto-
thyroïde. Cette élévation est visible dès le premier immune asymptomatique. L’auto-immunité
trimestre et s’accentue ultérieurement. La NACB s’atténue discrètement au cours des 2e et 3e
recommande d’éviter les dosages de thyroglobuline trimestres de la grossesse (période de tolérance
au cours de la grossesse des patientes surveillées immunitaire) mais s’accroît durant la période du
pour cancer thyroïdien, pour éviter d’inutiles in- post-partum. La présence d’anticorps anti-
quiétudes.16 thyroïdiens est un facteur qui contribue à
l’infertilité,21,22 à la survenue d’avortements
spontanés, d’hypothyroïdie précoce, et ulté-
Vulnérabilité thyroïdienne et fœtale au rieurement au risque de thyroïdite du post-
partum. Ces risques sont corrélés avec l’impor-
cours de la grossesse
tance des titres des anticorps anti-TPO.2
Des études récentes ont mis en évidence de
Ces modifications habituelles au cours de la gros-
possibles répercussions sur le développement intel-
sesse traduisent-elles un état adaptatif ou déjà une
lectuel du fœtus et de l’enfant des situations de
situation de déséquilibre ?
déficience fonctionnelle thyroïdienne ou d’auto-
Deux facteurs contribuent à détériorer le fragile immunité des mères durant leur grossesse.23,24
équilibre : L’étude de Haddow parue dans le New England
• la carence iodée de la grossesse. Selon l’Organi- Journal of Medicine en 199925 a concerné 62 en-
sation mondiale de la santé (OMS), il y a carence fants dont la mère avait une valeur élevée de la TSH
en iode lorsque l’iodurie médiane d’une popula- et basse de T4 libre au début du 2e trimestre de la
tion est inférieure à 100 lg/l, avec plus de 20 % grossesse (vers la 17e semaine), du fait d’une hypo-
de valeurs à moins de 50 lg/l. L’apport optimal thyroïdie le plus souvent liée à une auto-immunité
en iode recommandé est de 150 lg/j chez antithyroïdienne. Ces enfants ont été évalués entre
l’adulte et de 200 lg/j durant la grossesse.11 Or l’âge de 7 et 9 ans. Les tests psychomoteurs ont
l’enquête menée à Bruxelles par Glinoer, en révélé un quotient intellectuel réduit de quatre
1995, avait révélé que 43 % des femmes encein- points chez les enfants nés de mère hypothyroxiné-
tes avaient une iodurie inférieure à 50 lg/l ; mique, par comparaison à un groupe d’enfants té-
seules 15 % des femmes avaient une iodurie moins dont la mère n’avait pas d’anomalie thyroï-
supérieure à 100 lg/l. Des constatations analo- dienne. Le quotient intellectuel (QI) était réduit de
gues ont été faites par Caron et al. à Toulouse,12 sept points si la mère avait une hypothyroïdie non
où 75 % des femmes enceintes avaient une ex- diagnostiquée et non traitée lors de la grossesse. En
crétion d’iode inférieure à 100 lg/l, avec une revanche, le QI était normal si la mère avait une
médiane de 50 lg/l ; 12 % des femmes enceintes hypothyroïdie correctement substituée. Les caren-
avaient une iodurie à 20 lg/l. Cet effet est très ces hormonales maternelles, même subtiles et
dommageable pour la situation thyroïdienne de asymptomatiques, ont donc des conséquences sur
la mère et aussi du fœtus. La carence iodée le développement neuropsychique des enfants ;
contribue à accroître le volume thyroïdien ma- celles-ci peuvent être prévenues par la supplémen-
ternel, son remaniement nodulaire. Elle favo- tation thyroxinique.
rise l’hypothyroxinémie et démasque des hypo- Une autre étude réalisée en Europe26 a caracté-
thyroïdies dont témoigne déjà une valeur de TSH risé aussi des perturbations du développement psy-
excédant 2 mU/l (puisque la TSH est physiologi- chomoteur d’enfants en bas âge dont la mère avait
quement réduite au cours de la grossesse nor- une hypothyroxinémie vers la 12e semaine de la
male). La glande thyroïde fœtale est fonction- grossesse. Elles peuvent résulter d’un défaut du
nelle dès le 2e mois de la grossesse, et la passage transplacentaire des hormones thyroïdien-
diminution de la disponibilité de l’iode réduit nes maternelles ; elles peuvent aussi traduire une
ses capacités de synthèse. Il est établi qu’une situation de carence iodée altérant la synthèse
supplémentation iodée (IK : 100 lg/j) est sus- hormonale par la thyroïde fœtale.
ceptible de réduire à la fois le volume thyroïdien D’autres études ont évoqué le rôle délétère des
maternel et celui de l’enfant nouveau-né ;11 anticorps antithyroïdiens maternels : on a fait état
• l’auto-immunité antithyroïdienne. Elle est at- d’une réduction de dix points du QI des enfants,
testée par la présence d’anticorps antithyroï- lorsqu’ils sont nés de mère ayant des anticorps
diens circulants (surtout antithyroperoxydase antithyroperoxydase accrus à la 28e semaine.27
[anti-TPO]) chez environ 10 % des femmes adul- Mais on ne peut exclure que cette situation était
tes en âge de procréer.18–20 En l’absence de liée à une plus grande prédisposition à l’hypothy-
goitre et de signe de dysfonction thyroïdienne, roxinémie maternelle.
Thyroïde et grossesse 109

En dépit des incertitudes pathogéniques, il appa- Faut-il traiter ? Il n’y a pas de gêne à supplémen-
raît dès à présent évident que le développement ter par l’hormone thyroïdienne (exemple : lévothy-
psychomoteur des enfants à naître est intimement roxine 75 à 100 lg/j), qui stabilise ou réduit le
dépendant du statut thyroïdien maternel. Des ré- volume du goitre. La médication agit d’une part en
percussions sur le pronostic intellectuel, même diminuant la concentration de TSH, d’autre part
subtiles, sont possiblement liées à une carence par un freinage direct des cellules thyroïdiennes.
iodée, à une auto-immunité antithyroïdienne mé- Potentiellement, l’hormone thyroïdienne qui ré-
connue, ou une hypothyroïdie insuffisamment équi- duit la TSH et l’activité du symporteur de l’iodure
librée. est susceptible d’inhiber la pénétration intrathyroï-
dienne de l’iode et d’aggraver le déficit en iode de
la glande thyroïde. L’iodure de sodium, l’associa-
Vers un dépistage tion iodure de sodium et lévothyroxine, devraient
être prochainement disponibles, et sur de meilleu-
Ceci conduit à une réflexion sur l’opportunité d’un res bases physiopathologiques, permettre une cor-
dépistage individuel ou collectif, puisque la pré- rection de la goitrogenèse liée à la grossesse.
vention et le traitement de la dysfonction thyroï-
dienne sont possibles.28 Celui-ci doit-il être réalisé Nodule thyroïdien et grossesse
systématiquement ou seulement dans les popula-
tions exposées (antécédent personnel ou familial Environ 1 à 2 % des femmes jeunes en âge de
de maladie thyroïdienne, présence d’un goitre) ? procréer sont porteuses d’un nodule thyroïdien pal-
Faut-il l’envisager avant la conception, ou au pre- pable. Si parmi ces nodules la proportion des can-
mier trimestre de la grossesse ? Les mesures cers est de 5 à 10 %, environ une femme enceinte
doivent-elles porter sur la seule TSH, ou sur FT4 et sur 1 000 aurait par conséquent un nodule cancé-
TSH ? Faut-il déterminer les titres d’anticorps anti- reux palpable.31,32 La prévalence des nodules s’ac-
thyroïdiens (anti-TPO et en cas de négativité, anti- croît avec la parité.19,33,34
thyroglobuline) ? La mesure de l’iodurie est-elle En dépit des impressions initiales, liées à des
utile ? biais de sélection,35,36 il ne semble pas que la
On pressent à quel point les incidences économi- proportion de nodules cancéreux soit plus impor-
ques et psychologiques de ce dépistage seront tante durant la grossesse, ni que la grossesse soit un
considérables. facteur d’aggravation du pronostic.30,32,34 L’éva-
D’ores et déjà, il est sûr que la supplémentation luation se fonde comme traditionnellement sur les
par l’apport physiologique d’iodure (100 à 200 lg/j) taux de TSH, l’évaluation échographique et le re-
ne pose aucun risque, même si la femme enceinte cours à la ponction pour étude cytologique (Fig. 3).
dispose déjà d’un apport en iode suffisant.29 Elle Celle-ci reste fiable et sans danger à tous les tri-
pourrait être largement diffusée, comme elle l’est mestres de la grossesse.37,38 Il est recommandé
déjà en Belgique, indépendamment de toute déter- d’intervenir chirurgicalement au 2e trimestre pour
mination biologique. opérer les nodules cliniquement ou cytologique-
ment suspects (Fig. 3).

Situations pathologiques : conduite Cancer thyroïdien et grossesse


pratique
Cliniquement, échographiquement ou cytologique-
Goitre simple et grossesse ment suspectée, la malignité conduit à envisager la
chirurgie d’exérèse. Longtemps les risques de l’in-
Il s’agit par définition des situations d’hypertrophie tervention ont conduit à la reporter au-delà du
thyroïdienne diffuse, non inflammatoire, non can- terme. En réalité, plusieurs études ont démontré
céreuse et normofonctionnelle du parenchyme thy- que la chirurgie est réalisable en cours de gros-
roïdien. Cette pathologie est favorisée par le sexe sesse.36,38–40 On recommande ordinairement d’évi-
féminin, une prédisposition génétique, le taba- ter le premier trimestre où le risque d’avortement
gisme et la carence en iode relative. Nulle surprise est majoré, et le 3e trimestre en raison du risque
dès lors de constater habituellement une aggrava- d’accouchement prématuré. L’intervention au 2e
tion du volume des goitres simples du fait de la trimestre est particulièrement impérative si l’as-
réduction de la disponibilité en iode et de la stimu- pect clinique se modifie, si la croissance tumorale
lation par l’hCG placentaire. La grossesse prédis- est rapide, ou si le degré d’inquiétude de la pa-
pose aussi à l’augmentation et au remaniement tiente le justifie. Dans le cas contraire, elle ne
nodulaire du parenchyme thyroïdien.30 constitue pas une absolue nécessité (Fig. 3).
110 J.-L. Wémeau et al.

Figure 3 Arbre décisionnel. Évaluation et prise en charge des nodules thyroïdiens au cours de la grossesse, d’après30. TSH : thyroid
stimulating hormone ; FT3 : tri-iodo-3,5,3’ thyronine libre ; FT4 : thyroxine libre.

Hypothyroïdie et grossesse latrice d’une forme fruste,1,46,47 liée à une thyroï-


dite auto-immune asymptomatique, incapable
On estime à plus de 2 % la proportion des femmes d’accroître sa production hormonale à l’occasion
enceintes atteintes d’hypothyroïdie ; la fréquence des besoins spécifiques de la grossesse.
des hypothyroïdies traitées préalables à la gros- Elle peut également être la conséquence d’une
sesse avoisinerait 0,3 % des grossesses.1,41–43 Cette carence en iode modérée ou sévère.23,28 En effet,
situation a longtemps été méconnue et négligée. la diminution du pool iodé disponible au cours de la
L’hypothyroïdie est en effet source d’infertilité par grossesse est sans conséquence lorsque l’apport
troubles de l’ovulation.44 De plus, on considérait iodé est abondant. Mais dans les zones où les
qu’il n’y avait pas de passage transplacentaire des apports sont inférieurs à ceux recommandés
hormones thyroïdiennes, que le fœtus assurait lui- (200 lg/j), la négativité du bilan iodé par élévation
même ses besoins en hormones thyroïdiennes à des clairances rénale et transplacentaire de l’io-
partir du 2e mois. En réalité, les besoins en hormo- dure peut être responsable d’hypothyroïdie.1,46
nes thyroïdiennes s’expriment dès le tout début de Enfin, l’hypothyroïdie peut être connue et pré-
la grossesse. Elles interviennent dans l’ontogenèse céder la grossesse. Les besoins en hormones thyroï-
cérébrale,45 et l’impact sur le fœtus et le diennes peuvent s’avérer insatisfaits si la précau-
nouveau-né des carences en hormones thyroïdien- tion n’a pas été prise de majorer la posologie du
nes maternelles peut être grave. Ceci justifie la traitement. Il ne faut pas négliger alors l’accroisse-
reconnaissance et la prise en charge thérapeutique ment des besoins hormonaux auxquels contri-
précoces, des mesures préventives, sinon prochai- buent l’augmentation de la TBG, l’activité de la
nement un dépistage. désiodase de type III, l’augmentation du volume de
distribution hormonale.1,47 L’augmentation des be-
Étiologies soins hormonaux est en moyenne de 47 % durant la
Dans la majorité des cas, l’hypothyroïdie est modé- grossesse49 avec une importante disparité (entre
rée, et relève d’un mécanisme auto-immun dont 20 et 80 %), et quelquefois inexistante dans les
témoigne la présence d’anticorps anti-TPO ou anti- formes frustes d’hypothyroïdie par thyroïdite auto-
thyroglobuline. La grossesse est possiblement révé- immune.
Thyroïde et grossesse 111

Conséquences maternelles la naissance.46,55 La T4 n’est pas sécrétée par le


fœtus avant la 18e ou la 20e semaine. Or, les
Circonstances de découverte hormones thyroïdiennes sont indispensables au dé-
• L’hypothyroïdie peut être découverte à l’occa- veloppement cérébral, impliquées dans la neuroge-
sion d’un dosage effectué de principe du fait des nèse, la migration neuronale, la myélinisation, la
antécédents de thyroïdectomie totale ou par- synaptogenèse, la formation des axones et la régu-
tielle, de dysthyroïdie antérieure à la grossesse, lation de la neurotransmission45,56 (Fig. 4). Les
de thyroïdite du post-partum ou lors d’une gros- besoins en hormones thyroïdiennes du fœtus sont
sesse précédente, ou simplement d’antécédent donc essentiellement assurés par la mère au cours
familial de maladie thyroïdienne. du 1er et du 2e trimestres de grossesse et dépendent
• Ailleurs, c’est la découverte d’un goitre ou de du passage transplacentaire des hormones.46
nodules ou la présence de signes d’hypométabo- L’hypothyroïdie fœtale et/ou néonatale n’est
lisme qui conduisent au dosage de la TSH. L’hy- pas rare. Son incidence est de 1 pour 4 000 naissan-
pothyroïdie maternelle doit aussi être évoquée ces.57 Un développement thyroïdien anormal : dys-
si est découvert un goitre lors de l’échographie génésie (agénésie, hypoplasie ou glande ectopique)
fœtale. ou des erreurs dans la biosynthèse hormonale résu-
ment la plupart des causes d’hypothyroïdie congé-
Signes cliniques nitale. Les dysgénésies sont les plus fréquentes : 80
La reconnaissance clinique de la carence en hor- à 85 % des cas.57,58 Elles sont dues à des mutations
mone thyroïdienne apparaît difficile pendant la de gènes impliqués dans la différenciation des cel-
grossesse, la plupart des signes étant souvent attri- lules folliculaires : gènes codant pour des facteurs
buée à la grossesse elle-même tels la fatigue, la de transcription thyroïdiens (TTF-1 ; TTF-2 ; PAX-8 ;
constipation, les crampes musculaires, la rétention Pit-1 ; Prop-1 ; LHX3).57,58 Les erreurs de la biosyn-
hydrique, la prise pondérale.1,50 Néanmoins, une thèse hormonale peuvent toucher toutes les éta-
bradycardie doit attirer l’attention.50 Mais le plus pes, que ce soit la synthèse, la sécrétion ou la mise
souvent l’hypothyroïdie est complètement asymp- en jeu des hormones.57 Plus récemment, des muta-
tomatique, biologiquement découverte.1,47 tions du symporteur des iodures ont été décrites.58
Des cas de résistance à la TSH en sont également
Signes biologiques responsables.57
L’accroissement de la TSH est quasiment pathogno- Les causes d’hypothyroïdies fœtales et/ou néo-
monique de l’hypothyroïdie primitivement thyroï- natales secondaires à une cause maternelle sont
dienne. Seuls des artefacts méthodologiques liés à plus rares : 1 sur 100 000 naissances.57 Une hypo-
des anticorps hétérophiles pourraient déterminer thyroïdie présente à la fois chez la mère et chez le
de fausses élévations de la TSH.51 Cependant, du fœtus résulte le plus souvent d’un déficit iodé
fait de la diminution physiologique de la TSH en modéré ou sévère. Un transport d’origine mater-
début de grossesse,1 une TSH supérieure à 2 mU/l nelle d’anticorps anti-RTSH (TBII ou thyroid binding
est suffisante pour évoquer ce diagnostic. Dans la inhibitory immunoglobulin) peut aussi être impli-
plupart des cas, la FT4 reste dans les normes, mais qué.1,46
elle peut être abaissée.52
Risques chez le fœtus
Risques chez la mère L’hypothyroïdie peut être permanente ou transi-
L’augmentation de l’incidence de l’hypertension toire disparaissant après la naissance.46 La forme
artérielle, de la prééclampsie, des avortements transitoire résulte en général d’un passage trans-
prématurés, des fausses couches, de l’anémie, de placentaire d’anticorps bloquants, de médicaments
l’hémorragie du post-partum est constatée.42,53 La iodés ou d’une immaturité de l’axe hypothalamo-
plupart des femmes présentant des complications hypophysaire chez le prématuré.46
au cours du 1er trimestre ont un titre d’anticorps L’hypothyroïdie congénitale peut être manifeste
antithyroïdiens élevé.19 Cependant, des grossesses à la naissance (tableau de retard de croissance,
non compliquées dans des formes d’hypothyroïdie hypothermie, myxœdème, macroglossie, micro-
sévères ont été décrites.54 gnathie, retard de fermeture de la fontanelle pos-
térieure, sécheresse cutanée, hernie ombilicale,
Conséquences chez le fœtus ictère).57
Dans les cas d’hypothyroïdie d’origine mater-
Mécanismes responsables de l’hypothyroïdie nelle, le développement du fœtus est le plus sou-
L’ontogenèse de la thyroïde fœtale débute entre la vent normal sans séquelle à la naissance.1 Le déficit
10e et la 12e semaine de grossesse et s’achève après en hormones thyroïdiennes chez le fœtus durant le
112 J.-L. Wémeau et al.

Figure 4 Ontogenèse du système nerveux central (SNC) durant la vie fœtale et postnatale. Relations avec la disponibilité en hormones
thyroïdiennes d’origine maternelle et fœtale, d’après45. ESA : espaces sous-arachnoidiens.

1er trimestre peut aussi engendrer un petit poids de est conseillé de réduire la consommation de sel
naissance,1,46 un déficit intellectuel modéré à sé- durant la grossesse. La mesure de l’iodurie (en lg/l
vère :57 crétinisme (QI plus bas que la moyenne, ou lg/24 h) est assez peu performante à titre
développement plus lent du langage avec mutisme individuel, puisqu’elle représente un reflet instan-
parfois, performances scolaires inférieures) ainsi tané de l’apport iodé. C’est de plus un dosage hors
qu’un déficit moteur spastique plus ou moins pro- nomenclature, non pris en charge par l’assurance
noncé.1,46 maladie. D’où l’opportunité pratique d’une supplé-
Quelques rares cas d’hyperthyroïdie fœtale ont mentation iodée systématique (100 lg/j, soit
été décrits chez des patientes enceintes atteintes 1 comprimé à 130 lg d’iodure de potassium) dont
de thyroïdite d’Hashimoto avec présence d’anti- les comprimés seront disponibles en France en
corps anti-RTSH se comportant chez le fœtus 2006.
comme des anticorps thyréostimulants (TSAb ou Besoins en hormones thyroïdiennes. Si l’hypothy-
thyroid stimulating antibodies).57 roïdie est connue avant la grossesse, il est en pra-
tique recommandé d’augmenter d’environ 30 %
Prise en charge thérapeutique l’apport en hormone thyroïdienne dès qu’a été
obtenue la confirmation de la grossesse, et de
Prévention procéder ultérieurement à une adaptation de la
Carence iodée. La carence iodée sévère constitue posologie pour obtenir l’équilibre hormonal.49 La
un problème de santé publique majeur. Le but est TSH doit être surveillée régulièrement et la posolo-
de traiter le déficit préventivement avant ou au gie substitutive augmentée de façon à obtenir une
tout début de la grossesse pour permettre l’aug- TSH proche de 1 mU/l tout au long de la grossesse.
mentation de la production thyroïdienne avant le Diagnostic précoce. Un dosage de TSH et des anti-
2e trimestre et prévenir les complications.48 corps anti-TPO est à recommander avant la 12e se-
L’OMS recommande 200 lg/j d’apports en iode. maine de grossesse en cas d’antécédents familiaux
La consommation de sel marin enrichi (Cérébos de thyropathie, d’antécédent de thyroïdite du
iodé, La Baleine), de fruits de mer, de certains post-partum ou de dysthyroïdie antérieure, de mé-
poissons y contribue, mais insuffisamment puisqu’il dication iodée, de zone géographique de carence
Thyroïde et grossesse 113

iodée ou en cas de suspicion d’hypothyroïdie. En La reconnaissance de l’hyperthyroïdie en cas de


raison de la gravité des complications et le carac- grossesse n’est pas aisée du fait des similitudes
tère souvent asymptomatique de l’hypothyroïdie, avec les signes sympathiques mimant la thyrotoxi-
le dosage systématique de la TSH, peut-être des cose : souffle systolique, tachycardie modérée,
anticorps anti-TPO avant la 12e semaine de gros- mains chaudes et moites. La perte de poids peut
sesse chez toutes les femmes enceintes, est mis en être masquée par la prise pondérale habituelle de
question. la grossesse. La présence d’un goitre, d’une tachy-
cardie supérieure à 100 battements par minute et
Traitement de l’hypothyroïdie découverte lors persistante après la manœuvre de Valsalva, la mé-
de la grossesse diocrité de la prise pondérale ou l’amaigrissement,
En cas d’hypothyroïdie franche, il faut débuter l’onycholyse doivent faire évoquer le diagnostic.
immédiatement un traitement substitutif à une On s’attachera à rechercher une ophtalmopathie
posologie de 1,8 à 2 lg/kg/j, soit une dose supé- basedowienne, un myxœdème prétibial, des anté-
rieure à celle utilisée en l’absence de grossesse.42 cédents familiaux de thyropathies (notamment
Si l’hypothyroïdie est discrète (< 10 mU/l), une chez la mère), de traitement par iode 131 ou
posologie plus faible, de l’ordre de 100 lg/j est de chirurgie cervicale, de pathologies auto-
possible. Wiersinga recommande de traiter si la TSH immunes.1,60,62
est supérieure à 2 mU/l avec anticorps anti-TPO
Hyperthyroïdie gestationnelle transitoire
positifs, et si la TSH est supérieure à 5 mU/l avec
C’est la première cause d’hyperthyroïdie pendant
anticorps anti-TPO négatifs en début de grossesse,
la grossesse et sa prévalence avoisine 2 %. Elle est
en réévaluant la TSH après 6 semaines, et en adap-
liée à la stimulation directe de la thyroïde mater-
tant la thérapeutique pour obtenir une TSH proche
nelle par l’hCG qui se lie au RTSH du fait de son
de 1 mU/l.59
homologie structurale. La sévérité clinique est
fonction de l’amplitude du pic de l’hCG, notam-
Hyperthyroïdie et grossesse ment à la fin du 1er trimestre. Ceci explique sa
fréquence plus importante en cas de grossesse gé-
Cette situation concerne 1 à 3 % des grossesses. La mellaire où le taux de l’hCG excède fréquemment
prévalence de l’hyperthyroïdie cliniquement expri- 50 000 U/l. Dans cette situation, des signes clini-
mée est estimée à 0,2 %.60,61 Comme dans la popu- ques de thyrotoxicose sont possibles, constatés une
lation générale, les différentes causes d’hyperthy- fois sur deux. Une augmentation du volume thyroï-
roïdie peuvent être rencontrées. Les goitres dien est possible, mais il n’y a pas de signe oculaire,
multinodulaires et adénomes toxiques, thyroïdites pas d’accroissement du titre des anticorps anti-
subaiguës, hyperthyroïdies liées à la surcharge en RTSH (Tableau 1). L’évolution est spontanément
iode, les thyrotoxicoses factices par prise subrep- régressive entre le 3e et le 5e mois de la grossesse,
tice ou surdosages en hormones thyroïdiennes, sé- et la réduction des concentrations de T4 libre est
crétion inappropriée de TSH représentent 10 % des parallèle à la baisse de l’hCG.60,63–65
hyperthyroïdies pendant la grossesse. Les tumeurs La prescription d’un antithyroïdien est ordinaire-
trophoblastiques en constituent une cause plus spé- ment inutile (du fait de la discrétion des signes
cifique. Néanmoins au cours de la grossesse, les cliniques) et non souhaitable (du fait du risque
deux étiologies les plus fréquentes et les plus pro- d’hypothyroïdie in utero par transfert transplacen-
blématiques sont constituées d’une part par la ma- taire de la médication) (Fig. 5). On peut éventuel-
ladie de Basedow, d’autre part par l’hyperthyroïdie lement s’aider d’une médication bêtabloquante
gravidique ou gestationnelle transitoire dont l’hy- (exemple : propranolol 20 mg toutes les 8 heures) si
peremesis gravidarum est une variante. les signes sont invalidants.

Tableau 1 Comparaison des hyperthyroïdies gestationnelles et des hyperthyroïdies liées à la maladie de Basedow.
Hyperthyroïdie gravidique Maladie de Basedow
Signes antérieurs à la grossesse non habituels
Intensité des signes thyrotoxiques discrète à modérée discrète, modérée, intense
Nausées, vomissements habituels rares
Goitre absent ou discret habituel
Signes oculaires non possibles
Anticorps anti-RTSH non habituels
RTSH : récepteur de la thyroid stimulating hormone.
114 J.-L. Wémeau et al.

hyperaffine pour l’hCG sans modification de l’affi-


nité pour la TSH. L’hyperthyroïdie et les vomisse-
ments ont persisté tout au long de la grossesse. La
situation s’est normalisée après l’accouchement et
a récidivé à chaque grossesse. La mère de la pa-
tiente avait une histoire clinique similaire.67

Hyperthyroïdie par tumeurs placentaires


L’hyperthyroïdie s’observe dans environ la moitié
des môles hydatiformes, dont la prévalence est
estimée à 1/1 500 à 1/2 000 grossesses en Europe
Figure 5 État du passage transplacentaire des hormones, des et aux États-Unis, 1/100 à 1/500 grossesses en Asie.
anticorps et des médicaments. T4 : thyroxine ; T3 : tri-iodo- Les choriocarcinomes placentaires sont beaucoup
3,5,3’ thyronine ; FT4 : thyroxine libre ; FT3 : tri-iodo-3,5,3’
plus rares. Ces tumeurs produisent des quantités
thyronine libre ; Ac : anticorps ; TSH : thyroid stimulating
hormone ; TPO : thyroperoxydase ; RTSH : récepteur de la TSH ; très élevées (> 300 U/ml) ou considérables d’hCG
ATS : antithyroïdiens de synthèse. dont les modifications moléculaires (diminution de
la teneur en acide sialique) expliqueraient une très
Hyperemesis gravidarum forte affinité pour le RTSH.
C’est une variante de la thyrotoxicose gestation- L’hyperthyroïdie est parfois modérée, se résu-
nelle transitoire. Elle est décrite en début de gros- mant à une tachycardie, ou plus importante. La
sesse, fréquemment entre la 6e et la 9e semaine de môle hydatiforme prend le masque d’une grossesse
gestation. Elle s’accompagne d’une hyperthyroïdie à volume utérin excessif pour le terme, avec vomis-
dans deux tiers des cas avec élévation de la T4 libre sements, métrorragies dans un tiers des cas. Les
et chute de la TSH. Elle est assez bien corrélée avec choriocarcinomes avec hyperthyroïdie s’observent
les taux d’hCG et la gémellarité. Définie par des souvent à un stade avancé de diffusion métastati-
vomissements incoercibles, elle est responsable de que.
troubles hydroélectrolytiques (hyponatrémie, hy- L’hyperthyroïdie est contrôlée par le traitement
pokaliémie, alcalose hypochlorémique) avec une de la tumeur primitive : exérèse chirurgicale de la
perte de poids supérieure à 5 %, déshydratation, môle. Les choriocarcinomes sont très chimiosensi-
cétonurie, anomalies fonctionnelles hépati- bles.62,66,68
ques dans 20 % des cas. Il n’y a pas de goitre et pas
d’anticorps anti-RTSH. Les taux d’hCG sont généra- Maladie de Basedow
lement supérieurs à 200 000 U/l, et le degré de
l’hyperthyroïdie est apprécié par l’augmentation Prévalence
des concentrations de FT3, FT4. La sévérité clinique La prévalence de la maladie de Basedow au cours
peut justifier l’hospitalisation pour une réhydrata- de la grossesse est estimée à près de 2 %. Chez les
tion parentérale, correction hydroélectrolytique, femmes en âge de procréer, c’est l’étiologie la plus
supplémentation vitaminique (apport de thiamine), fréquemment rencontrée. Dans les cas typiques,
antiémétique. Un soutien psychologique peut être l’évolution naturelle est possiblement marquée par
utile. Ordinairement, l’amélioration clinique et une augmentation transitoire de l’hyperthyroïdie
biologique constatée est parallèle à la baisse du pendant le 1er trimestre du fait de l’action thyréo-
taux de l’hCG, et l’obtention de l’euthyroïdie est stimulante de l’hCG. À partir du 2e trimestre, une
obtenue après 16-20 semaines de gestation.65,66 atténuation de l’hyperthyroïdie est habituelle, ex-
Si les mesures symptomatiques s’avèrent peu plicable par l’immunotolérance liée à l’état de
efficaces, la prescription d’un antithyroïdien (dé- grossesse, ce qui permet l’arrêt du traitement anti-
rivé du thiouracile) est proposée, à posologie mo- thyroïdien dans un tiers des cas au 3e trimestre.
deste, et réduite dès que possible car elle n’est pas Dans le post-partum immédiat et jusqu’à 12 mois,
sans conséquence pour la fonction thyroïdienne la surveillance hormonale doit être particulière-
fœtale. ment attentive car des rebonds d’auto-immunité
expliquent la survenue possible, parfois précoce-
Hyperthyroïdie par mutation du récepteur ment d’épisodes de thyroïdite du post-partum, ty-
de la TSH hyperaffine pour l’hCG (maladie piquement de rechutes de la maladie de Basedow,
de Rodien) ordinairement à partir du 5e-6e mois. Les rechutes
Un cas d’hyperthyroïdie gestationnelle familiale a sont fréquentes, justifiant le maintien d’une sur-
été décrit, correspondant à une mutation activa- veillance endocrinologique chez la mère. Plusieurs
trice du RTSH. Celui-ci s’est révélé électivement mécanismes expliquent ces fluctuations : la gros-
Thyroïde et grossesse 115

sesse implique une immunosuppression relative divers auteurs.57 L’hyperthyroïdie fœtale est géné-
pour éviter le rejet semi-allogénique du fœtus, ce ralement liée au passage transplacentaire des anti-
qui rend compte de la baisse des anticorps anti- corps anti-RTSH, souvent diagnostiquée au 2e tri-
RTSH ; de plus, l’élévation rapide des taux de TBG mestre.72 La thyrotoxicose congénitale chez les
sérique pendant le 1er trimestre s’associe à une prématurés est rare (environ une grossesse sur 70)
augmentation de la capacité de liaison avec les indépendamment de l’état hormonal maternel, ex-
hormones thyroïdiennes, ce qui minore les fractions plicable par le passage transplacentaire des anti-
libres de T4 et T3 ; enfin la perte d’iode réduit la corps anti-RTSH stimulants. Le risque relatif de
disponibilité en iodures pour la synthèse des hormo- petit poids de naissance augmente avec l’obtention
nes.1,63,64,69 tardive de l’euthyroïdie. L’hyperthyroïdie néona-
Les complications liées à l’hyperthyroïdie pen- tale retardée se manifeste par une tachycardie
dant la grossesse, qu’elles soient maternelles, fœ- supérieure à 170 battements par minute, l’absence
tales ou néonatales, justifient l’étroite collabora- de prise de poids, une érythrose, une insuffisance
tion entre obstétricien, endocrinologue et cardiaque. Un traitement par ATS à la posologie de
pédiatre. 1 mg/kg/j pour le carbimazole ou 3 à 5 mg/j pour le
propylthiouracile (PTU) est prescrit. La maladie de
Risques maternels de l’hyperthyroïdie chez Basedow néonatale se résout souvent spontané-
la mère ment après 3 à 12 semaines avec l’élimination des
La prééclampsie, les fausses couches spontanées et anticorps anti-RTSH maternels.73
accouchements prématurés, les décompensations La surveillance par échographie fœtale est re-
cardiaques des cardiopathies congestives, les rup- commandée dès le 5e mois de grossesse. Elle per-
tures placentaires, la majoration du risque d’ané- met de rechercher les signes d’hyperthyroïdie fœ-
mie et d’infections, et les états de thyrotoxicose tale. Le goitre fœtal peut être lié, soit à l’apport
sévère s’observent dans 21 % des cas. L’intensité des ATS (goitrigène) chez la mère, soit au passage
mais aussi la durée de la thyrotoxicose sont un des anticorps anti-RTSH. L’étude doppler permet
facteur de risque maternofœtal important.63,64 de rechercher une hypervascularisation. Le monito-
ring fœtal montre une tachycardie supérieure à
Retentissements de l’hyperthyroïdie maternelle 170 battements par minute et peut justifier la
chez le fœtus réalisation d’une échographie cardiaque fœtale.
Le retard de croissance intra-utérin, l’hydrops, la La détermination des anticorps anti-RTSH chez
défaillance cardiaque, la craniosynostose, l’accélé- la mère doit donc être précoce (en début du 2e ou
ration de la motilité fœtale et de la maturation en fin du 1er trimestre) et fonction de la clinique.
osseuse, le goitre fœtal, la prématurité (53 %), Des taux élevés augmentent le risque d’hyperthy-
l’hyperthyroïdie fœtale et néonatale (0,1 à 0,2 % à roïdie fœtale du fait du passage transplacentaire
l’accouchement), la mort néonatale sont observés des anticorps (1 à 10 % des enfants nés de mères
(24 %). Le goitre néonatal peut être responsable atteintes ou ayant des antécédents de maladie de
d’une dystocie mécanique par déflexion de la tête Basedow). Le devenir fœtal et maternel est direc-
et de sténose trachéale. En cas de maladie de tement lié au contrôle de l’hyperthyroïdie.
Basedow diagnostiquée avant l’âge de 20 ans ou Des recommandations pour le dosage des anti-
évoluant depuis 10 ans ou plus, de diagnostic d’hy- corps anti-RTSH ont été établies par l’European
perthyroïdie après 30 semaines de grossesse, il Thyroid Association (ETA) en 1997 :74 le dosage des
existe un risque significativement plus élevé de anticorps anti-RTSH n’est pas recommandé en cas
petit poids de naissance. L’hyperthyroïdie non d’antécédents de maladie de Basedow guérie par
contrôlée chez la mère peut s’accompagner d’une les ATS avec obtention d’une euthyroïdie mais il
augmentation de l’incidence des malformations reste de mise en cas d’antécédents de chirurgie ou
congénitales (anencéphalie, fente palatine, imper- de traitement par iode 131. Si les taux d’anticorps
foration anale) : 6 % chez les mères non traitées, sont supérieurs à 50 U/l selon la technique par
1,7 % chez les mères traitées par méthimazole et radiocompétition, ou supérieurs à 7 UI/l pour le
0,2 % chez les femmes en euthyroïdie. La mortalité Trak humain et/ou avec une activité stimulante
néonatale par insuffisance cardiaque varie de 15 à supérieure à 300 %, un contrôle doit être réalisé au
25 %, justifiant la mise en route précoce d’un 2e trimestre ainsi que la recherche systématique
traitement par ß-bloquants (propranolol 2 mg/ d’une hyperthyroïdie fœtale (tachycardie, retard
kg/j) et antithyroïdien de synthèse [ATS] (carbima- de croissance, accélération de la motilité fœtale et
zole : 0,5 à 1 mg/kg/j) chez le nouveau-né.70,71 de la maturation osseuse, échographie fœtale avec
L’hyperthyroïdie fœtale et/ou néonatale est évaluation thyroïdienne et recherche d’un goitre)
rare avec une incidence de 1/4 000 à 40 000 selon (Tableau 2). L’intérêt du dosage de la TSH dans le
116 J.-L. Wémeau et al.

Tableau 2 Critères diagnostiques des dysthyroïdies transplacentaires.76.


Hypothyroïdie fœtale Hyperthyroïdie fœtale
État maternel
Dose d’ATS élevée absente ou modérée
Anticorps anti-RTSH absents ou bas présents ou très élevés
État fœtal
Volume thyroïdien goitre goitre
Doppler thyroïdien hypervascularisation périphérique normale hypervascularisation diffuse
Pouls normale > 160/min
Maturation osseuse retardée avancée
Autres signes hydramnios
ATS : antithyroïdiens de synthèse ; RTSH : récepteur de la thyroid stimulating hormone.

liquide amniotique par amniocentèse reste contro- • Maladie de Basedow en rémission ou guérie
versé. Dans certains cas, une cordocentèse pour le après traitement par ATS, iode 131 ou chirurgie.
dosage des hormones thyroïdiennes peut être réa- Une évaluation hormonale et immunitaire est
lisée entre 25 et 27 semaines de gestation après recommandée.
avoir expliqué à la mère les risques de ce geste • Maladie de Basedow non diagnostiquée avant la
(perte fœtale dans 2,7 % des cas, bradycardie fœ- grossesse. Il faudra rechercher des antécédents
tale dans les 24 heures suivant la ponction, mort familiaux de thyropathies auto-immunes, de
fœtale in utero dans moins de 1 % des cas, héma- goitre, d’ophtalmopathies ; dans ce contexte,
tome rétroplacentaire, accouchement prématuré, deux signes sont évocateurs d’hyperthyroïdie :
chorioamniotite). Elle est particulièrement utile l’absence de prise de poids, voire l’amaigrisse-
lorsqu’on s’interroge sur la signification d’un goitre ment pendant la grossesse contrastant avec un
fœtal : hyperthyroïdie du fœtus liée à un passage appétit conservé, et la tachycardie supérieure à
transplacentaire des anticorps stimulants ? Hypo- 90 battements par minute. La présence d’une
thyroïdie fœtale liée aux ATS, ou à des anticorps ophtalmopathie et d’un goitre hypervascularisé
bloquants ? Si se confirme le diagnostic d’hyperthy- et homogène constitue un argument supplémen-
roïdie fœtale, elle permet d’adapter les doses taire en faveur de la maladie de Basedow.1,60
d’ATS administrées à la mère pour traiter l’hyper- Les ATS, PTU, benzylthiouracile et carbimazole,
thyroïdie fœtale.75,76 ont une pharmacodynamique similaire ; ils ont
Le titre des anticorps anti-RTSH chez la mère est une courte durée d’action ; les dérivés du thio-
en effet prédictif du risque d’hyperthyroïdie fœ- uracile sont réputés responsables d’un moindre
tale ou néonatale. La fréquence des complications passage transplacentaire du fait de leur liaison
(autres que les malformations) chez les femmes aux protéines plasmatiques. Un rôle tératogène
traitées est identique à celle de la population géné- des ATS est évoqué, même si leur imputabilité
rale en termes de prématurité (19 % contre 50 % en directe n’a pas été démontrée.78 On a fait état
l’absence de traitement), de thyropathies (100 % en en effet d’aplasie du cuir chevelu (aplasia cutis)
l’absence de traitement), de répercussions obsté- rapportée dans plus de 20 cas sous méthimazole.
tricales (cardiopathies congestives, troubles du On a observé aussi diverses malformations :
rythme, prééclampsie).64,77 atrésie choanale,79 atrésie de l’œsophage, fis-
tule œsotrachéale, hernie diaphragmatique,
Traitement anomalies du septum interventriculaire, dys-
La prise en charge thérapeutique doit être précoce, morphie faciale, omphalocèle. Ces embryopa-
l’objectif étant de réduire le risque maternel et thies sont non spécifiques, aussi observées en
fœtal. l’absence de maladie thyroïdienne et de théra-
Le diagnostic est porté dans trois situations dif- peutique. Toutes ont été constatées sous méthi-
férentes. mazole, jamais sous propylthiouracile. De ce
• Maladie de Basedow active et diagnostiquée fait, lorsque le diagnostic est posé en début de
avant la grossesse, traitée par ATS. Si le traite- grossesse (avant 7 semaines), c’est le PTU qui
ment est débuté avant ou pendant la grossesse, sera préférentiellement utilisé, à posologie mo-
il faut mesurer les anticorps anti-RTSH. Si la deste mais adaptée à l’intensité de l’hyperthy-
valeur est basse ou indétectable, il n’y a guère roïdie (exemple 150 à 300 mg/j). Si la mère
de risque d’hyperthyroïdie fœtale ou néonatale. reçoit du carbimazole, celui-ci sera remplacé
Si le titre des anticorps est accru, il faut recher- par le PTU. Si la grossesse est diagnostiquée
cher une hyperthyroïdie fœtale et néonatale. après 7 semaines d’aménorrhée (SA) et que la
Thyroïde et grossesse 117

patiente reçoit déjà du carbimazole, celui-ci Quelle surveillance sous traitement ?


peut être poursuivi. Un contrôle biologique est Chez la mère. Le taux de T4 libre maternel est un
recommandé toutes les 2 à 4 semaines, l’euthy- indice utile pour connaître le statut thyroïdien du
roïdie étant généralement obtenue dès la 3e à la fœtus. L’évolution du titre des anticorps anti-RTSH
8e semaine de traitement. Il ne faut pas associer est également primordiale puisqu’ils sont corrélés
de substitution par lévothyroxine car celle-ci avec le taux de la T4 libre fœtale.82
passe peu la barrière placentaire, contraire- Le traitement est généralement bien toléré avec
ment aux ATS, et risque d’aggraver l’hypothy- des effets secondaires mineurs (2 %) à type de
roïdie fœtale (Fig. 5). Dès l’obtention de prurit, de rash cutané, de fièvre, de nausées. Ils
l’euthyroïdie, on réduit les doses jusqu’à la plus sont décrits généralement les 4 premières semaines
petite posologie efficace adaptée aux données de traitement. Le PTU peut être remplacé par le
cliniques, aux taux de TSH et T4 libre. La recom- méthimazole et vice versa. Des effets secon-
mandation habituelle est de maintenir une T4 daires plus graves comme l’agranulocytose sont
libre dans le tiers supérieur de la norme pour rapportés, nécessitant l’arrêt immédiat du traite-
éviter l’hypothyroïdie fœtale. On essaie d’at- ment.
teindre les posologies minimales quotidiennes Effets du traitement chez le fœtus et le
de 50 mg pour le PTU et 5 mg pour le carbima- nouveau-né. Le risque de dysthyroïdie néonatale
zole, permettant l’arrêt du traitement au 3e est estimé entre 2 et 10 % (un cas pour 50 000 nais-
trimestre dans 30 % des cas.64 La persistance de sances) que ce soient une hyperthyroïdie par pas-
taux élevés d’anticorps anti-RTSH justifie la sage transplacentaire d’anticorps stimulants (en
poursuite du traitement, afin de diminuer le cas de traitement inefficace) ou d’hypothyroïdie
risque de récurrence en fin de grossesse ou dans liée au passage transplacentaire des ATS ou des
le post-partum.80,81 anticorps de type bloquant. La présence d’un goitre
Quelle place pour les ß-bloquants ? Du fait de et d’une hypothyroïdie fœtale justifie l’injection
leur passage transplacentaire (Fig. 5), ils peuvent intra-amniotique de thyroxine. L’hypothyroïdie
être responsables de troubles de la croissance néonatale est souvent transitoire, liée au passage
intra-utérine, d’un travail prolongé, d’une brady- transplacentaire des ATS bloquant la thyroïde fœ-
cardie néonatale, d’hypotension, d’hypoglycémie tale. Un traitement hormonal substitutif en lévo-
avec hyperbilirubinémie néonatale. Leur usage doit thyroxine doit être instauré, respectant les besoins
être exceptionnel et n’est pas recommandé au long du nouveau-né de 10-15 lg/kg/j (soit 250 à 500 lg
cours. On utilisera préférentiellement les par semaine). Du fait de la demi-vie des ATS d’envi-
ß-bloquants non cardiosélectifs comme le propra- ron 20 jours, l’élimination complète peut varier de
nolol à la posologie de 20 à 40 mg/j pour initiale- 2 à 3 mois justifiant de maintenir une surveillance
ment maintenir la fréquence cardiaque de la mère néonatale jusqu’à ce terme.57,75
entre 70 et 90/min.60,69 En cas d’allaitement. Longtemps, les cliniciens
Quelle place pour la chirurgie ? Compte tenu du ont recommandé l’arrêt de l’allaitement chez les
risque plus élevé de fausses couches spontanées mères traitées par méthimazole dans la crainte de
lors du 1er trimestre, la chirurgie n’est recomman- provoquer une hypothyroïdie chez les nouveau-nés.
dée qu’au-delà du 3e mois. Elle est particulière- Le PTU et le méthimazole sont tous deux retrouvés
ment indiquée en cas d’allergie, de contre- dans le lait. On a montré que la concentration du
indications aux ATS, de problèmes de compliance, méthimazole dans le lait maternel est inférieure à
et rarement en cas d’inefficacité des ATS ; on la concentration plasmatique (réduite d’un facteur
l’envisage aussi s’il existe des titres très élevés 10) et que celle du PTU correspond à 0,025-0,077 %
d’anticorps anti-RTSH, ou du fait des particularités de la concentration sérique. On recommande ainsi
morphologiques du goitre. La thyroïdectomie est traditionnellement la prescription du PTU, celle du
possible au 2e trimestre sans risque particulier avec méthimazole restant justifiée en cas d’intolérance
une surveillance fœtale plus rapprochée (monito- au PTU.83
ring cardiaque, échodoppler de la thyroïde fœ- Toutefois, on a pu montrer que le méthimazole à
tale).60,69 Au 3e trimestre s’accroît le risque d’ac- de faibles posologies (de 5 à 20 mg/j) n’est pas
couchement prématuré. délétère chez les nouveau-nés pour ce qui est du
Radiothérapie métabolique par iode 131. Elle développement intellectuel et de la fonction thy-
est formellement contre-indiquée tout au long de roïdienne. Le développement des enfants de mères
la grossesse, même si des traitements intempesti- traitées par méthimazole est analogue à celui des
vement délivrés avant le 2e mois n’ont pas déter- nouveau-nés dont les mères ne recevaient plus
miné d’altération thyroïdienne fœtale.60,69 d’ATS pendant l’allaitement.84,85
118 J.-L. Wémeau et al.

Thyroïdite du post-partum persistent chez la mère des titres accrus d’anti-


corps anti-RTSH. Ni le traitement par l’hormone
Elle peut survenir dans les 6 à 8 mois suivant thyroïdienne, ni même les antithyroïdiens de syn-
l’accouchement. Sa prévalence varie de 5 à 9 %. Sa thèse ne constituent des contre-indications à l’al-
survenue est attribuée au « rebond » de l’activité laitement.
immunitaire qui succède à la grossesse.86
L’hypothyroïdie suit généralement la phase de
thyrotoxicose, s’observe entre le 5e et le 8e mois Références
mais peut survenir d’emblée. Elle est ordinaire-
1. Glinoer D. The regulation of thyroid function in pregnancy:
ment transitoire, mais définitive dans 20 % des cas. pathways of endocrine adaptation from physiology to
L’absence de goitre en situation d’hypothyroïdie pathology. Endocr Rev 1997;18:404–33.
constitue souvent un marqueur annonciateur d’une 2. Glinoer D, de Nayer P, Bourdoux P, Lemone M, Robyn C,
atrophie de la glande et d’un hypofonctionnement Van Steirteghem A, et al. Regulation of maternal thyroid
définitif.87 Le diagnostic peut être méconnu, la during pregnancy. J Clin Endocrinol Metab 1990;71:276–
87.
dépression et la fatigue souvent rapportées au 3. Furlanetto TW, Nguyen LQ, Jameson JL. Estradiol
« baby blues » du post-partum. Les anticorps anti- increases proliferation and down-regulates the sodium/
TPO sont positifs. Le traitement consiste en la iodide symporter gene in FRTL-5 cells. Endocrinology 1999;
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L-thyroxine pendant environ 1 an avec contrôle de 4. Guillaume J, Schussler GC, Goldman J. Components of the
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Même si elle ne s’exprime pas avec éloquence, la pregnancy. J Endocrinol Invest 1993;16:881–8.
thyroïde est soumise à rude épreuve au cours de la 6. Galton VA, Martinez E, Hernandez A, St Germain EA,
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ticorps antithyroïdiens ou une carence en iode. Les 7. Bianco AC, Salvatore D, Gereben B, Berry MJ, Larsen PR.
conséquences, les moyens de détection et la pré- Biochemistry, cellular and molecular biology, and physio-
vention de cette souffrance thyroïdienne sont en- logical roles of the iodothyronine selenodeiodinases.
core imparfaitement évalués. D’ores et déjà doit Endocr Rev 2002;23:38–89.
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mode de cuisson (en papillotte, au four à micro- 10. Bray GA. Increased sensitivity of the thyroid in iodine-
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La Baleine, sel Cérébos iodé). Il faudra dès que 11. Glinoer D, De Nayer P, Delange F, Lemone M, Toppet V,
possible assurer une supplémentation iodée chez Spehl M, et al. A randomized trial for the treatment of mild
les sujets à risques, et peut-être chez toutes les iodine deficiency during pregnancy: maternal and neonatal
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Thyroïde et grossesse 119

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Toxoplasmose et grossesse
Marie-Hélène Bessièresa,*, Sophie Cassainga, Judith Fillauxa, Alain Berrebib

RÉSUMÉ
SUMMARY
L ttoxoplasmose
La l estt une parasitose
it cosmopolite,
lit très
t è répandue
é d chez h
l’homme et l’animal due à Toxoplasma gondii protozoaire intracellulaire. Toxoplasmosis and pregnancy
L’infection en cours de la grossesse peut provoquer une infection congé- Toxoplasma gondii is an ubiquitous intracellular
nitale dont la manifestation clinique la plus fréquente est la choriorétinite. protozoan parasite. Infection during pregnancy
Elle est dépistée dès la naissance ou plus tard avant 10 ans dans 95 % can result in fetal infection. Retinochoroiditis is the
des cas. L’enquête périnatale effectuée en France en 2003 a montré que main complication of congenital toxoplasmosis.
la prévalence d’une immunité chez les femmes enceintes était de 44 %. Retinochoroiditis was diagnosed at birth or may
Il est essentiel pour prévenir l’infection de fournir des recommandations develop later in life before 10 years in 95% of ca-
hygiéno-diététiques, lavage des mains et des instruments de cuisine, ses. The results from the 2003 national perinatal
cuisson des aliments (viande et légumes), peler les fruits, porter des gants survey showed that toxoplasmosis prevalence in
pour tout contact avec la terre, ne pas changer la litière du chat…). La pregnant women was 44%. Prevention of infection
prévention impose aux femmes enceintes séronégatives une surveillance is based on health education (wash hands and
sérologique mensuelle. Le nombre de cas de toxoplasmose congéni- knives, cook meat and vegetables, peel fruits, wear
tale a été estimé en 2000 à 700 par an, soit une incidence de 1 pour gloves after any exposure to soil, don’t change
1 000 naissances vivantes. Un traitement précoce maternel par la spira- litter box of cats). Prevention requires serological
mycine puis par l’association pyriméthamine et sulfamides (sulfadiazine ou surveillance of seronegative pregnant women. The
sulfadoxine) en cas d’infection fœtale prouvée par le diagnostic prénatal number of congenital toxoplasmosis is evaluated
ou néonatal réduit le risque de manifestations cliniques. to 700 every year (incidence 1 for 1000). Mater-
Toxoplasmose congénitale – grossesse – prévention – diagnostic – traitement. nal treatment by spiramycine and combination
of pyrimethamine and sulfonamide (sulfadiazine
or sulfadoxine) when fetal infection is proved by
antenatal or neonatal screening reduces the risk
of clinical manifestations.
La toxoplasmose est une anthropozoonose très répan-
Congenital toxoplasmosis – pregnancy – prevention
due et cosmopolite, due à Toxoplasma gondii (T. gondii),
– diagnosis – treatment.
protozoaire appartenant au Phylum Apicomplexa.

1. L’agent pathogène
Toxoplasma gondii [20, 21, 45] fait par les tachyzoïtes, les bradyzoïtes enkystés ou bien
par les sporozoïtes contenus dans les oocystes.
Le tachyzoïte, forme asexuée à multiplication rapide, de
1.1. Morphologie 6 à 8 μm de long sur 2 à 4 μm de large, a une forme de
Toxoplasma gondii est une coccidie à développement intra-
croissant avec une extrémité antérieure effilée et l’extrémité
cellulaire obligatoire. Il réalise son développement de chat
postérieure arrondie. Il pénètre en 15 secondes dans le
à chat, d’hôte intermédiaire à hôte intermédiaire ou du chat
macrophage par un phénomène actif, différent de la pha-
à un hôte intermédiaire. La transmission du toxoplasme se
gocytose. Ces formes, présentes dans le sang, des liquides
biologiques et les tissus, parasites intracellulaires obliga-
toires, sont fragiles et détruites par l’acidité gastrique. Elles
a Service de parasitologie-mycologie ne sont pas infectantes par voie orale mais le sont par voie
Centre hospitalier universitaire de Rangueil sanguine pour le fœtus dans la toxoplasmose congénitale.
TSA 50032 Elles survivent à 4°C au moins une semaine.
31059 Toulouse cedex 9 Le bradyzoïte est une forme intervenant également dans
b Fédération de gynécologie obstétrique le cycle asexué du parasite, légèrement plus petite que le
Hôpital Paule-de-Viguier tachyzoïte, et de structure très proche mais des différences
TSA 70034 antigéniques et biologiques existent. Des dizaines à des
31059 Toulouse cedex 9 centaines de bradyzoïtes sont enfermés à l’intérieur d’une
structure kystique. La paroi des kystes est constituée de
* Correspondance composants cellulaires et parasitaires. Le kyste permet au
bessieres.mh@chu-toulouse.fr parasite de résister aux mécanismes immunitaires de l’hôte.
Des études in vitro ont montré qu’ils peuvent être détectés
article reçu le 12 février, accepté 14 mars 2007. une semaine après l’infestation. Les bradyzoïtes peuvent se
© 2008 – Elsevier Masson SAS – Tous droits réservés. transformer à nouveau en tachyzoïtes. Les kystes mesurent

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de 15 à 100 μm de diamètre et persistent à l’état latent dans et de nombreux hôtes intermédiaires oiseaux, rongeurs
les tissus toute la vie, particulièrement dans les tissus nerveux et mammifères. Le cycle est dixène dans le cas où l’hôte
et musculaires. Ce sont des formes de résistance qui ne définitif le chat ou des félidés sauvages et des hôtes inter-
sont pas affectées par des températures inférieures à 45°C, médiaires interviennent (figure 1). Le cycle est monoxène
ni par l’acidité gastrique. Elles survivent plus de 2 mois à si le toxoplasme est transmis d’hôte intermédiaire à hôte
4°C mais sont détruits après une congélation de plusieurs intermédiaire sans infester l’hôte définitif. Le cycle se
jours à –20° C, par la cuisson à 70°C, par la chaleur 30 min déroule alors sans reproduction sexuée.
à 55°C, par la salaison dans des conditions bien définies.
C’est un des modes de contamination de l’homme par voie 1.2.1. Cycle chez l’hôte définitif : le chat
orale par ingestion de viande parasitée. Le chat s’infeste par ingestion d’oocystes sporulés à partir
Le sporozoïte est un des stades infectants du parasite de végétaux ou d’eau souillés ou à partir de bradyzoïtes
résultant de la sporulation dans l’oocyste, élément issu intrakystiques présents dans de la viande parasitée (sou-
de la reproduction sexué. Lorsqu’il est éliminé avec les ris, oiseaux). La membrane des kystes et des oocystes
fèces des chats, l’oocyste est ovoïde et ne contient qu’une est lysée par les enzymes protéolytiques au niveau de
masse granuleuse. Il mesure de 9 à 11 μm de large sur 11 l’estomac et de l’intestin grêle. Les bradyzoïtes et sporo-
à 14 μm de long et est limité par une membrane externe zoïtes sont libérés dans la lumière intestinale et vont se
résistante. Après sporulation dans le milieu extérieur, deux transformer en tachyzoïtes.
sporoblastes se différencient. Ils s’allongent et forment
deux sporocystes ovoïdes (6 à 8 μm) à l’intérieur des- 1.2.1.1. Cycle intestinal
quels se différencient 4 sporozoïtes qui mesurent 7 μm On assiste à un cycle coccidien dans l’intestin à l’origine de
de long sur 1,5 μm de large. L’organisation interne est la reproduction sexuée du parasite. Le cycle entéroépithélial
identique à celle des tachyzoïtes. Les oocystes sont se développe d’abord asexué puis sexué aboutissant à
résistants dans le milieu extérieur, aux températures l’excrétion d’oocystes. La première phase asexuée est un
usuelles, dans les déjections, le sol et l’eau y compris processus de multiplication par schizogonie. Les cellules
l’eau de mer. Il n’est pas détruit par l’acidité gastrique de l’iléon sont parasitées. La phase de reproduction sexuée
et est responsable de la contamination des herbivores ou gamétogonie survient ensuite. Elle peut être observée
et de l’homme par voie orale (consommation de végé- 48 heures après l’ingestion de kystes par le chat. Elle
taux ou fruits souillés par la terre). Les acides, alcalis et correspond au développement des stades sexués avec
détergents communs ne les détruisent pas. Ils sont peu différenciation de gamètes mâles et de gamètes femelles.
résistants à la chaleur et détruits en 1 minute à 60°C mais L’oocyste qui résulte de la fécondation d’un microgamète
résistent à la congélation. et d’un macrogamète tombe dans la lumière intestinale
et est éliminé, encore immature, avec les fèces du chat.
1.2. Cycle évolutif du toxoplasme Dans le cas d’infection du chat par carnivorisme (ingestion
Le cycle comprend 2 phases, une de multiplication asexuée des kystes), les oocystes sont relargués 5 à 6 jours après
puis sexuée dans l’épithélium intestinal du chat, hôte défi- dans les fèces. Lors d’infection par ingestion d’oocystes,
nitif et une phase de prolifération asexuée chez le chat la période est plus longue (20 à 40 jours).

Figure 1 – Cycle de Toxoplasma gondii.

hôte définitif (chat)

oocystes non
sporulés éliminés
avec les féces

kystes tissulaires

ingestion
contamination de kystes
Toxoplasmose transplacentaire par le chat Sporulation > 24 h
congénitale (tachyzoïtes) Survie > 1 an 20 °

ingestiopn
contamination d’oocystes
par l’eau
et la nourriture (nourriture,
eau, terre)
hôtes intermédiaires oocystes sporulés

D’après Dubey [20].

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1.2.1.2. Cycle extra-intestinal


Les tachyzoïtes prolifèrent par une multiplication asexuée Figure 2 – Séroprévalence de la toxoplasmose
(endodyogénie). Ils sont disséminés dans l’organisme par la chez les femmes enceintes par région (2003).
circulation sanguine et lymphatique et, en 15 à 40 secondes,
peuvent pénétrer dans n’importe quelle cellule nucléée.
Une membrane d’origine parasitaire et cellulaire se forme
puis une vacuole parasitophore qui permet sa survie dans 43

la cellule. Divers organes rein, foie, poumon, muscle strié,


46
système nerveux central sont envahis. Progressivement, 51
les bradyzoïtes se différentient à l’intérieur de formations 45 35 30
52
kystiques. Les premiers kystes apparaissent dans les 29
39
10 jours suivant l’infection et se maintiennent dans
les tissus toute la vie de l’hôte. 36 44
37 30

1.2.2. Evolution des oocystes


dans le milieu extérieur : sporogonie 39
Les oocystes, non sporulés, sont excrétés par milliers dans 41 37
36
les fèces du chat. Un seul et même chat répand dans son
environnement des centaines de milliers voire des millions
d’oocystes. La période pendant laquelle le chat excrète des 56
oocystes est brève (1-3 semaines). Ils sont résistants et peu- 45 45
46
vent être retrouvés dans le sol humide jusqu’à un an après
l’émission par le chat. La probabilité de rentrer en contact Séroprévalence
avec des oocystes à proximité des lieux d’habitation est ≤ 30
très élevée. La sporulation est plus ou moins rapide suivant 31 – 40 39
les conditions climatiques. Elle a lieu entre le premier et le 41 – 50
cinquième jour après l’excrétion à des températures entre ≥ 50
15 et 25°C. Une température de 37°C ou supérieure lui est
défavorable Elle ne se produit pas à 4°C. En revanche, les
oocystes sporulés restent infectants après 12 à 18 mois à Rapport INVS 2003 [4).
4°C. Ils sont viables après 28 jours à –20°C. Ils sont très
résistants aux désinfectants usuels. Au stade d’oocystes
sporulés, le cycle se poursuit selon deux voies : soit un
La part de la population humaine atteinte de toxoplasmose
chat s’infeste en ingérant les oocystes et le cycle sexué se
est très variable suivant les pays de 7 à 80 %.
renouvelle, soit des hôtes intermédiaires les ingèrent et le
cycle de multiplication asexué se déroule. Cette variabilité s’explique de plusieurs manières :
- par des différences climatiques, l’infection est plus com-
1.2.3. Cycle asexué chez les hôtes intermédiaires mune dans les régions chaudes et de plaines qu’en alti-
Il se déroule chez de nombreux animaux (oiseaux, mammi- tude et dans les régions froides. Les facteurs climatiques
fères y compris l’homme). L’infestation des hôtes intermé- influencent la survie et la sporulation des oocystes ;
diaires se fait, chez les herbivores, par ingestion d’oocystes - par l’hygiène de vie et le régime alimentaire : dans les
présents sur les végétaux, la terre ou l’eau souillée et chez pays en voie de développement, la prévalence est généra-
les carnassiers par des kystes contenus dans la viande. lement élevée et l’acquisition d’une immunité plus précoce
Après l’ingestion, les sporozoïtes ou les bradyzoïtes tra- que dans les pays occidentaux. La présence de félidés
versent l’épithélium intestinal. On observe tout d’abord la augmente la prévalence. Les populations se nourrissant
phase aiguë puis la phase chronique de l’infection telle de viande crue ou saignante comme en France ont des
qu’elle se déroule chez le chat. Chez l’homme, la partie du taux plus élevés ;
cycle asexué se déroule de la même manière. Il constitue - l’âge : la prévalence augmente avec l’âge au sein d’une
un cul de sac évolutif ne permettant pas de boucler le cycle population.
évolutif du parasite. Chez la femme enceinte, l’infection
en cours de grossesse peut par voie sanguine et transpla- 2.1.1. Prévalence chez la femme enceinte
centaire induire une toxoplasmose congénitale. L’enquête nationale, réalisée en France en 1995 par le
Laboratoire national de la Santé, parmi les femmes en âge
2. Epidémiologie de procréer, a démontré une séroprévalence de 54,3 %.
Reconduite en 2003, la prévalence est de 44 %, ce qui
de la toxoplasmose signifie que 56 % des femmes enceintes non immunisées
courent un risque de contracter la toxoplasmose pendant
2.1. Répartition géographique leur grossesse. On observe une hétérogénéité dans la
et prévalence de l’infection [1, 45] prévalence selon les régions, de 34 à 70 %. On distingue
La toxoplasmose est une maladie cosmopolite. Un tiers quatre grandes zones de prévalence (figure 2) [4]. Des
de la population mondiale est exposé à cette parasitose. facteurs climatiques peuvent expliquer ces différences.

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L’incidence de la toxoplasmose au cours de la grossesse cellule infectée. En revanche, dans les organes pauvres en
a pu être estimée à travers différentes études françaises. anticorps, le passage de cellule à cellule (œil, cerveau) se
En 2000, selon le rapport de l’AFSSA, le nombre de séro- poursuit. Dans la troisième phase ou phase chronique, les
conversions est de 2 700 (3 cas pour 1 000 grossesses) bradyzoïtes demeurent intracellulaires à l’intérieur des kystes.
et le nombre de toxoplasmose congénitale de 600 (1 cas Ils continuent à s’y multiplier, puis entrent dans un état de
pour 1 000 naissances), 175 avec signes cliniques dont quiescence qui dure de nombreuses années. Les kystes se
42 avec des séquelles sévères. forment dans tous les tissus mais sont plus nombreux là où
la multiplication du parasite a été le plus longtemps tolérée
2.1.2. Prévalence animale (œil, système nerveux central). Ce phénomène est à l’origine
Les animaux d’élevage, mouton, chèvre, porc, bovin, cheval, des lésions observées dans l’infection congénitale. Dans
volaille et oiseaux peuvent être infectés avec une prévalence la toxoplasmose congénitale, la première phase dure plus
variable suivant les études et les pays. Ils constituent une longtemps du fait du système immunitaire immature.
source de contamination pour l’homme. Le mouton est Concernant les souches de toxoplasmes isolées chez
une espèce particulièrement exposée. La fréquence de la l’homme et chez l’animal, la variabilité de la pathogénicité
toxoplasmose chez le chat varie en fonction de son mode et de la virulence chez la souris, ainsi que la diversité des
de vie et de l’alimentation. Elle est plus élevée chez les manifestations cliniques chez l’homme ont laissé suppo-
chats sauvages que les chats domestiques. Les animaux ser un polymorphisme génétique important de T. gondii.
sauvages, petits rongeurs et carnivores sauvages, jouent Cependant, l’analyse de marqueurs génétiques montre
un rôle majeur dans le maintien du cycle. en France métropolitaine et en Europe un faible degré de
polymorphisme avec une appartenance des isolats à seu-
2.2. Mode de contamination lement trois lignées clonales ou type I, II et III avec un type
dans la toxoplasmose humaine [1, 20, 21, 45] II majoritaire dans les infections humaines et animales. Des
Dans la toxoplasmose acquise, l’homme s’infeste le plus génotypes atypiques peuvent être retrouvés dans d’autres
souvent par voie orale. La principale source d’infection continents, notamment en Guyane française, à l’origine de
est due à l’ingestion de kystes contenus dans la viande formes cliniques sévères [2].
insuffisamment cuite. Elle est également possible par
ingestion d’oocystes présents dans le sol ou sur les ali- 3.1.1. Immunité humorale
ments contaminés par la terre. La transmission par l’eau Dans la toxoplasmose acquise, suite à la contamination,
est suspectée. La contamination par les tachyzoïtes par l’immunité humorale se met en place. Elle ne joue pas un
transfusion sanguine est très rare. Elle est possible suite à rôle essentiel dans la résistance à l’infection. Des anticorps
une transplantation d’organe. Dans la toxoplasmose congé- IgM, IgA, IgG et IgE peuvent être détectés. Ils lysent les
nitale, les tachyzoïtes sont infectants par voie sanguine toxoplasmes extracellulaires en présence de complément
pour le fœtus. Les trois formes parasitaires, tachyzoïtes, alors que les formes intracellulaires ne sont pas affectées,
bradyzoïtes, oocystes peuvent donc être infectantes pour ce qui permet la dissémination du parasite dans l’orga-
l’homme. nisme par voie sanguine et lymphatique. Ils limitent donc
la dissémination des parasites dans l’organisme mais sont
3. Physiopathologie, insuffisants pour stopper l’infection. Des études expérimen-
tales ont montré qu’ils ne sont pas protecteurs puisque le
mécanismes immunitaires transfert passif d’anticorps ne protège pas les souris contre
et clinique de la toxoplasmose l’infection. De plus, de nombreux essais d’immunisation par
les toxoplasmes morts ou irradiés ainsi que par des extraits
acquise et congénitale antigéniques entraînent la production d’anticorps sans pour
autant apporter une protection contre ce parasite.
3.1. Physiopathologie et mécanismes Dans la toxoplasmose congénitale, l’immunité se met
immunitaires dans la toxoplasmose en place plus lentement. Conjointement au transfert passif
acquise et congénitale [1, 9, 20, 45] des immunoglobulines maternelles IgG, le fœtus peut syn-
Quel que soit le mode de contamination, la première phase thétiser des immunoglobulines IgA, IgG et IgM dès la ving-
correspond à la phase de dissémination dans l’organisme. tième semaine de gestation. Les anticorps IgG augmentent
Les toxoplasmes pénètrent dans les cellules du système progressivement au cours de la gestation pour atteindre et
histiomonocytaire et s’y multiplient. Ils sont ensuite libérés parfois dépasser à la naissance ceux de la mère. Ils ont un
des cellules et envahissent celles adjacentes diffusant ainsi effet protecteur très limité. Reçus passivement, ils ont à
dans tout l’organisme. Le foie est le premier organe atteint. la fois une action sur le parasite et sur l’hôte. Ils lysent les
Les toxoplasmes se multiplient dans les hépatocytes. Les toxoplasmes extracellulaires, favorisant la multiplication
tissus lymphoïdes, les poumons, le cerveau, le tissu mus- dans la cellule et leur enkystement mais surtout ils peuvent
culaire, la rétine sont ensuite le siège de la multiplication. induire chez le fœtus une tolérance spécifique.
Cette phase de dissémination dure environ 1 à 2 semai-
nes chez un sujet immunocompétent. C’est à ce stade 3.1.2. Immunité cellulaire
que le toxoplasme peut se localiser dans le placenta. Au Le rôle de l’immunité à médiation cellulaire est essentiel
cours de la deuxième phase, les défenses immunitaires de dans la lutte contre l’infection. Ainsi, des souris nudes
l’hôte commencent à être effectives. Les tachyzoïtes libres athymiques ne développent pas d’immunité protectri-
se raréfient car ils sont lysés dès qu’ils sont libérés de la ce tandis que le transfert de cellules spléniques et de

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nodules lymphatiques transfère une immunité spécifique


vis-à-vis de T. gondii. En début d’infection, les toxoplasmes Figure 3 – Transmission materno-fœtale du toxoplasme.
se multiplient à l’intérieur des macrophages et résistent à
leur lyse en s’opposant à la fusion phagosome-lysosome.
Une réponse immune cellulaire induite implique les macro- Primo infection
parasitémie
phages, les cellules natural killer (NK), les cellules T et la femme enceinte tachyzoïtes
production de cytokines associées. Le développement
de l’immunité limite l’infection mais n’est pas capable
d’éradiquer le parasite. Les barrières hémato-méningée
et hémato-oculaire limitent le flux des cellules immuno- Infection
compétentes et des médiateurs. du placenta

3.2. Clinique
3.2.1. Toxoplasmose acquise du sujet
immunocompétent [20, 45] Toxoplasmose Sang fœtal
Les formes asymptomatiques sont les plus fréquentes Une congénitale parasitémie

étude rapporte 5 % de formes cliniques chez les femmes


enceintes [24]. Les formes cliniques associent des adé-
Kyste
nopathies, en général dans la sphère cervicale, une fièvre intratissulaire
modérée mais inconstante, une asthénie et éventuellement
des modifications de la formule leucocytaire (syndrome
mononucléosique sanguin). Elle présente une gravité
particulière lorsqu’elle survient chez la femme enceinte
Plusieurs événements doivent survenir pour qu’il y’ait
en raison du risque encouru par le fœtus. La présence transmission materno-fœtale et infection du fœtus. La
d’adénopathies doit être recherchée lorsque les examens contamination maternelle doit se produire pendant la
sérologiques sont en faveur d’une infection récente. Les grossesse, le toxoplasme doit se localiser dans le pla-
réinfestations sont asymptomatiques chez les patients centa, enfin le parasite doit passer dans la circulation
immunocompétents et entraînent exceptionnellement fœtale (figure 3). La fréquence et la gravité de l’atteinte
une infection du fœtus [33]. Les infections congénitales, fœtale dépendent de la date de la contamination et de la
suite à une reprise évolutive d’une infection ancienne chez parasitémie maternelle de durée très courte, estimée à une
des femmes enceintes immunodéprimées, sont possibles dizaine de jours, du délai entre l’infection placentaire et la
mais rares [23]. contamination fœtale, de l’état immunitaire du fœtus, du
passage transplacentaire d’anticorps maternels et du trai-
3.2.2. Toxoplasmose congénitale [1, 9, 20] tement maternel mis en œuvre. Au cours de la parasitémie,
L’infection fœtale, conséquence d’une primoinfection de le toxoplasme peut se localiser dans le placenta induisant
la femme enceinte, peut provoquer une interruption spon- la formation de micro-abcès. Il passe secondairement la
tanée de la grossesse, une maladie mortelle in utero, une barrière fœto-placentaire et infecte le fœtus. L’infection
forme clinique ou cas le plus fréquent actuellement, être placentaire est plus fréquente en fin de grossesse, lorsque
totalement asymptomatique. le placenta est parcouru par un flux sanguin maximum.
Il est classique de décrire trois stades. La transmission au fœtus n’est pas forcément immédiate.
t Premier stade : si l’infection est tardive, survenant dans Cette hypothèse a été proposée par Romand et al. pour
le dernier trimestre de la grossesse, le nouveau-né présente expliquer les faux négatifs du diagnostic prénatal chez les
à la naissance une toxoplasmose à la phase primaire. Les enfants contaminés [43].
formes inapparentes sont les plus fréquentes. On peut L’infection du fœtus est fonction de la durée du délai pla-
parfois observer un ictère néonatal avec hépatomégalie et centaire et de la date plus ou moins retardée de la trans-
splénomégalie, une atteinte cardiaque ou oculaire. mission du parasite au fœtus.
t Deuxième stade : si la contamination maternelle a eu lieu t Si le délai est long, le fœtus reçoit une immunité d’ori-
au deuxième trimestre, le tableau à la naissance peut être gine maternelle avant d’être contaminé. Les anticorps
celui d’une encéphalite évolutive. La toxoplasmose congé- maternels transmis au fœtus limitent l’infection en lysant
nitale est à la phase secondaire de la maladie. Les signes les parasites extracellulaires et freinent leur dissémination.
cliniques sont neurologiques. Si l’évolution n’est pas fatale, Mais ils inhibent l’immunisation du fœtus. Cette tolérance
l’enfant est exposé à des lésions nerveuses irréductibles. spécifique ne cesse qu’avec la disparition des anticorps
Les formes infracliniques ou bénignes sont fréquentes. maternels transmis, entre 6 et 12 mois. La transmission
t Troisième stade : si la mère a été contaminée pendant tardive du parasite se traduit dans la majorité des cas à la
les premiers mois de la gestation, la totalité de la maladie naissance par des atteintes cliniques minimes voire nulles,
s’est développée in utero. Les formes les plus graves sont mais l’infection peut évoluer après la naissance.
alors observées. L’importance des séquelles est variable. t Si le délai est nul ou bref, l’infection du fœtus est conco-
Le tableau clinique associe hydrocéphalie ou microcéphalie, mitante de celle du placenta, la contamination s’effectue
crises convulsives, retard psychomoteur et choriorétinite. avant la transmission des anticorps maternels et concerne
Le pronostic est redoutable. alors un fœtus immunitairement immature. Elle peut être

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responsable de fœtopathies graves selon le stade de la liée à l’absence de développement cérébral est très rare.
grossesse. D’autres signes neurologiques sont possibles : hypotonie,
La date de la contamination maternelle est le facteur convulsions, atteintes motrices, retard psychomoteur,
essentiel pour déterminer la fréquence et la gravité de anomalies. Les autres manifestations cliniques sont plus
l’atteinte fœtale [9, 10, 24, 30]. Lors d’une primo-infection rares : prématurité, retard de croissance intra-utérin, atteinte
toxoplasmique chez la mère en cours de grossesse, environ hépatique se traduisant par un ictère souvent associée à
1/3 des fœtus sont infectés. La fréquence de la transmis- une hépatosplénomégalie, ascite fréquente dans les for-
sion est d’autant plus élevée que la grossesse est avancée mes généralisées et constatée in utero, atteintes rénale,
au moment de la contamination maternelle, soit 6 % à pulmonaire ou cardiaque (myocardite).
12 semaines de gestation, 40 % à 26 et 72 % à 36 dans Dans l’étude menée par Wallon et al. à Lyon, incluant
l’étude lyonnaise [24]. Inversement, plus la contamination 327 enfants infectés, 71 % sont asymptomatiques. L’inci-
maternelle est précoce plus l’atteinte fœtale est sévère. dence de la choriorétinite chez les enfants traités avant et
Cependant, des enfants infectés et traités, nés de mères infec- après la naissance pendant au moins un an est de 24 %;
tés au 1er trimestre, peuvent être asymptomatiques [6). 9 % des cas ont été diagnostiqués le premier mois de vie, la
moitié avant un an et 95 % avant 10 ans. 29 % des enfants
3.2.2.1. Aspects cliniques de la toxoplasmose qui avaient une lésion choriorétinienne ont présenté une
congénitale [1, 5, 8, 9, 18, 23, 25] nouvelle lésion, 11 % ont des séquelles neurologiques [50].
Les formes infracliniques sont les plus fréquentes. Les Une étude prospective a été menée pendant 20 ans, de
manifestations cliniques les plus courantes sont oculaires 1985 à 2005, au CHU de Toulouse. Elle porte sur 676 séro-
et neurologiques conversions maternelles traitées par la spiramycine et/ou
La choriorétinite est la conséquence clinique la plus fré- l’association pyriméthamine-sulfadoxine. Toutes ont eu un
quente de la toxoplasmose congénitale. Elle peut être prélèvement de liquide amniotique ainsi qu’une surveillance
néonatale, ou plus tardive, due à la réactivation des kystes échographique mensuelle. 666 enfants sont nés vivants
intra-rétiniens. Elle est diagnostiquée à l’examen du fond et 112 (17 %) ont présenté une toxoplasmose congéni-
d’œil. Uni ou bilatérale, elle siège au niveau de la macula tale. 107 enfants ont pu être suivis pendant 99 ± 66 mois
ou à la périphérie rétinienne. La lésion récente est faite en moyenne. 74 % sont parfaitement asymptomatiques.
d’une zone d’œdème; la lésion ancienne est beaucoup 26 % présentent une choriorétinite, périphérique dans
plus caractéristique représentée par un placard blan- 79 % des cas et maculaire dans 21 % des cas. Un seul
châtre centré par une zone grise surélevée qui est limitée enfant a présenté une forme neurologique grave, nettement
par des bords festonnés mais taillés à l’emporte-pièce. À améliorée par le traitement antiparasitaire [7].
leur niveau, il existe une accumulation pigmentaire. Cet Ainsi, la toxoplasmose congénitale apparaît comme une
aspect de la choriorétinite pigmentaire est extrêmement maladie d’une très grande hétérogénéité clinique. À l’heu-
évocateur de la toxoplasmose congénitale. Elle peut être re actuelle, le problème principal reste de prévenir les
responsable d’une amputation plus ou moins importante choriorétinites qui surviennent des mois ou des années
du champ visuel. La localisation centrale maculaire est plus après la naissance.
grave que celle périphérique. D’autres lésions peuvent être
observées, microphtalmie, strabisme, nystagmus, atteintes 4. Prévention et traitement
du segment antérieur : iridocyclite, cataracte, glaucome.
Les manifestations neurologiques sont plus rares. Les cal- 4.1. Prévention [1]
cifications intracrâniennes de découverte échographique Un programme français de prévention de la toxoplasmose
anté ou postnatale correspondent à des foyers de nécrose congénitale a été mis en place depuis 1978. Un dépistage
qui se calcifient secondairement. Elles peuvent être uni ou sérologique systématique des femmes a été instauré dans
bilatérales, le plus souvent multiples et siéger dans n’im- le cadre de l’examen prénuptial (1978), puis au cours du
porte quelle région de l’encéphale, mais principalement 1er examen prénatal (1985). Depuis 1992, une surveillance
dans les régions périventriculaires et au niveau des noyaux sérologique mensuelle des femmes enceintes non immu-
gris centraux. Elles se présentent radiologiquement sous nisées est obligatoire jusqu’à l’accouchement.
trois aspects : en coups d’ongle de plusieurs millimètre de
long au niveau des noyaux gris centraux et du thalamus, 4.1.1. La prévention primaire est essentielle et repose
nettement curvilignes, en traînées continues ou discontinues sur des règles prophylactiques hygiéno-diététiques. La
dans les territoires périventriculaires, nodulaires, en tête 1re mesure a consisté en la diffusion aux médecins d’une
d’épingle, isolées ou groupées en amas dans l’ensemble circulaire (27/09/1983) pour informer les femmes enceintes
de l’encéphale. Les crises convulsives en sont souvent non immunes sur les moyens de prévention de la toxo-
le signe révélateur. Le traitement favorise leur régression, plasmose. Une étude de 1995 montre qu’il est nécessaire
parfois leur disparition. de renforcer le programme de prévention primaire. Les
L’atteinte neurologique avec modifications du volume du femmes enceintes ne connaissent pas toujours les modes
crâne est dépistée échographiquement pendant la gros- de contamination dans la toxoplasmose [3].
sesse. L’hydrocéphalie, due à l’obstruction de l’aqueduc Une liste de recommandations a été publiée dans le
de Sylvius, est actuellement rarement observée en France Bulletin Épidémiologique Hebdomadaire en 1996 [3] et
(< à 1 % des cas). Une dilatation ventriculaire uni ou bila- est schématisée dans la figure 4.
térale en est le signe. Cliniquement, le périmètre crânien t Bien cuire la viande (bœuf, mouton, porc, cheval), c’est-
est augmenté, les fontanelles tendues. La microcéphalie à-dire une cuisson d’au moins 65°C dans toute l’épaisseur

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Figure 4 – Règles hygiéno-diététiques de prévention de la toxoplasmose.

T. gondiii dans déjections du chat contaminé Infection porc, mouton,


eau, litière, sol bœuf…

Prévention de la toxoplasmose

Consommer bien
Se laver les mains Porter des gants Manger cuits ou
c ite la viande
cuite iande
après contact Ne pas changer pour jardiner pelés les fruits et
de porc, mouton,
avec la viande, la litière du chat et lors de contact légumes souillés
bœuf…
avant les repas avec la terre par de la terre
ou congelée

de la viande. Eviter la consommation de viande mari- 4.1.3. La prévention tertiaire repose sur le dépistage des
née, fumée ou grillée (comme cela peut être le cas pour toxoplasmoses congénitales grâce au diagnostic prénatal,
le gibier). néonatal et postnatal.
t Lors de la préparation des repas : laver soigneusement
les légumes et les plantes aromatiques surtout s’ils sont 4.2. Traitement [1, 9, 16, 19, 25, 36]
terreux et consommés crus. Laver soigneusement les
ustensiles de cuisine, ainsi que le plan de travail. Se laver 4.2.1. Les médicaments
les mains après contact avec des légumes, des fruits ou de Une des voies métaboliques de Toxoplasma gondii,
la viande crue avant de passer à table. Une bonne hygiène commune à de nombreux protozoaires, est la voie de la
des mains et des ustensiles de cuisine est importante synthèse des folates. Cette voie fait intervenir deux enzy-
pour éviter la transmission de la toxoplasmose pendant mes, la déhydroptéroate synthétase et la dihydrofolate
la grossesse. réductase (DHFR). Les sulfamides et la pyriméthamine,
t Lors des repas pris en dehors du domicile : éviter la en inhibant ces enzymes, provoquent un blocage de la
consommation de crudités et préférer les légumes cuits. La synthèse de l’acide folique chez le parasite. Il en résulte
une carence en folates responsable secondairement d’al-
viande doit être consommée bien cuite ou bien privilégier
térations de la synthèse des bases puriques et de troubles
la consommation de volaille ou de poisson.
de la division cellulaire.
t Eviter les contacts directs avec les objets qui pourraient
La pyriméthamine (Malocide®) antipaludéen de synthèse
être contaminés par les excréments de chats (comme les
a une action antimétabolite en empêchant la transforma-
bacs des litières, la terre) et porter chaque fois des gants
tion de l’acide folique en acide folinique par inhibition de la
en cas de manipulation de ces objets. Désinfecter les bacs
DHFR. La pyriméthamine est parasiticide sur les tachyzoïtes
des litières de chat avec de l’eau de javel.
mais est inactive sur les kystes. Elle a une bonne diffusion
t Eviter le contact direct avec la terre et porter des gants tissulaire placentaire et méningée. Elle a aussi une synergie
pour jardiner. Se laver les mains après des activités de d’action avec les sulfamides et certains macrolides. Sa
jardinage même si elles sont protégées par des gants. demi-vie longue permet son association aux sulfamides
retard. Cette thérapeutique a une toxicité hématologique
4.1.2. La prévention secondaire repose sur le dépistage (anémie, leucopénie, thrombopénie) et doit s’accompagner
des séroconversions en cours de grossesse. Le décret d’une surveillance biologique hebdomadaire. Ces effets
n° 92-144 du 14 février 1992 impose une surveillance sé- secondaires sont réversibles et peuvent être prévenus ou
rologique mensuelle des femmes enceintes séronégatives, corrigés par l’acide folinique.
depuis la déclaration de la grossesse jusqu’à l’accouche- Les sulfamides sont des antifoliques qui agissent en
ment dont l’objectif est de dépister une séroconversion. En inhibant la synthèse d’acide folique par compétition de la
revanche, toute patiente immunocompétente, immunisée déhydroptéroate synthétase, autre étape du métabolisme
antérieurement à la grossesse, ne fait pas l’objet d’une des folates, ce qui explique la synergie avec la pyrimé-
surveillance sérologique particulière. Le diagnostic séro- thamine In vivo, les sulfamides les plus efficaces sont la
logique doit préciser la date de survenue de l’infestation sulfadiazine (Adiazine®) : sulfamide d’action rapide et la
maternelle. Cela est essentiel car fréquence et gravité de sulfadoxine : sulfamide retard.
l’atteinte fœtale en dépendent. Un traitement immédiat La pyriméthamine et les sulfamides agissent en synergie
par la spiramycine doit être institué dès qu’une infection sur la voie de synthèse des folates. Cet effet synergique
de la mère est suspectée pour limiter la multiplication du permet d’utiliser un plus faible dosage de pyriméthamine
parasite. et donc de limiter les risques hématotoxiques.

REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - MAI 2008 - N°402 // 45


L’association pyriméthamine (Malocide®) et sulfadiazine ficultés persistent pour l’interpréter. Il faut rappeler qu’il
(Adiazine®) est la thérapeutique la plus active contre le est inutile de faire une nouvelle sérologie si l’immunité est
toxoplasme. Elle augmente de 6 fois l’efficacité de la pyri- acquise antérieurement à la grossesse et qu’Il faut pra-
méthamine sur le toxoplasme. Elle nécessite une surveillance tiquer 2 sérologies à 3 semaines d’intervalle pour fournir
hématologique hebdomadaire du fait de la toxicité sur les une interprétation. La nomenclature des actes de biologie
cellules hématopoïétiques. Le traitement doit être interrompu médicale (arrêté du 25 /04/1995) fixe les conditions de
en cas de leucopénie, anémie ou thrombopénie. Ce phéno- réalisation et la cotation des actes.
mène est réversible. L’association de la pyriméthamine et
de sulfadoxine (Fansidar®), a la même toxicité que les pré- 5.1.1. Techniques de mise en évidence
cédentes et nécessite la même surveillance. La survenue de des anticorps [9, 11, 27, 29, 32, 37, 40]
troubles cutanés due à la sulfadoxine doit faire interrompre De nombreuses méthodes dont les tests immunoenzy-
le traitement (risque de syndrome de Lyell). Les sulfamides matiques sont proposées au biologiste sur la détection
sont contre-indiqués s’il existe une allergie, une leucopénie des anticorps IgG et IgM et de plus en plus automatisées.
ou un déficit en glucose 6 phosphodeshydrogénase. Elles détectent des anticorps dirigés contre des antigènes
L’acide folinique est donné per os et exerce une action de membrane du parasite notamment la protéine P 30 et
préventive sur les effets secondaires hématologiques. contre des antigènes solubles cytoplasmiques.
La spiramycine (Rovamycine®) est un antibiotique macro-
lide utilisée depuis plus de 30 ans. Elle a une action para- 5.1.1.1. Détection des IgG spécifiques
sitostatique : elle agirait sur les ribosomes et aurait une Les méthodes doivent être sensibles pour détecter les
action inhibitrice mais non lytique. Elle est active sur les anticorps synthétisés en début d’infection mais également
tachyzoïtes. Sa concentration tissulaire dans le placenta les taux résiduels et spécifiques pour conclure avec certi-
est remarquable et elle franchit la barrière fœto-placentaire. tude à une immunité. Les résultats sont exprimés en unités
Elle ne diffuse pas dans le parenchyme cérébral. internationales. Chaque fabricant réalise son étalonnage
par rapport à un sérum étalon international OMS. Malgré
4.2.2. Indications d’un traitement cet étalonnage, les résultats ne sont pas superposables
d’un réactif à un autre, ce qui est une difficulté pour inter-
4.2.2.1. Toxoplasmose de la femme enceinte préter les sérologies. La nature des antigènes, le mode de
L’administration de spiramycine à la dose de 9 millions révélation expliquent ces différences. Le titre des anticorps,
d’unités/jour en 3 prises, sans interruption jusqu’à la fin de
quel qu’en soit la valeur, doit être indiqué même en des-
la grossesse, est entrepris chez toute femme suspecte de
sous du seuil de spécificité pour interpréter correctement
toxoplasmose. Ce traitement est bien toléré chez la mère
les variations observées dans le suivi.
et ne présente pas de toxicité fœtale. Son efficacité sur la
transmission materno-fœtale est contestée [44]. L’adminis-
5.1.1.2. Détection des IgM spécifiques
tration de pyriméthamine et de sulfamide est indiquée en cas
Les méthodes immunoenzymatiques et le test ISAGA
de contamination fœtale prouvée par le diagnostic prénatal
(immunosorbent agglutination assay) sont les plus utilisés.
[14]. Le traitement par la spiramycine ou la pyriméthamine-
L’immunofluorescence est plus rarement pratiquée du fait
sulfamide dans les 4 semaines suivant la contamination
des difficultés de lecture et du manque de sensibilité. La
réduit le risque de lésions intracrâniennes [30].
spécificité des réactifs commercialisés n’est pas excel-
lente. Aucun test de détection des IgM n’a une spécificité
4.2.2.2. Toxoplasmose congénitale
de 100 %, le maximum observé étant de 92 % ; le test le
Quel que soit l’aspect de la maladie, la toxoplasmose
plus sensible l’ISAGA (100 %) a seulement une spécificité
congénitale objectivée par le diagnostic prénatal et néonatal
impose un traitement en continu associant pyriméthamine de 61 %. Les IgM sont détectées pratiquement dans tous
et sulfamides, d’au minimum un an. Plusieurs études cli- les cas de séroconversion lorsque l’on utilise une techni-
niques ont démontré l’efficacité de cette thérapeutique que sensible par immunocapture. On ne détecterait pas
sur l’apparition des lésions oculaires et l’évolution des d’IgM dans 1 % des cas suite à une séroconversion. Les
symptômes cliniques [1, 25, 30, 36, 48]. faux positifs sont fréquemment liés à la présence d’im-
On observe toutefois des choriorétinites, malgré un traitement munoglobulines dénommées anticorps naturels révélant
des fœtus infectés. Cela peut s’expliquer par le délai relative- des antigènes du toxoplasme [17, 39]. Ces anticorps ne
ment long entre la contamination maternelle et le diagnostic peuvent pas être différenciés des IgM spécifiques mais
d’infection fœtale instituant un traitement tardif. sont absents du sang du nouveau-né.
Le test de mesure de l’avidité des IgG est une méthode
complémentaire pour dater l’infection [35]. La force de
5. Diagnostic biologique liaison des anticorps vis-à-vis des antigènes est mesurée
de la toxoplasmose acquise par méthodes immunoenzymatiques. Au cours de la réponse
immunitaire, on observe une augmentation progressive
et congénitale de l’avidité des IgG. L’introduction au cours du test d’un
agent perturbant la liaison antigène-anticorps, habituel-
5.1. Diagnostic de l’infection maternelle lement l’urée, a peu d’effet sur la liaison des anticorps de
Il repose sur les examens sérologiques dont la détection forte avidité mais dissocie celle de faible avidité. Ce sont
des anticorps IgG et IgM. La sérologie de la toxoplasmose des méthodes non standardisées. Différents facteurs,
étant rarement pratiquée avant une grossesse, des dif- individuels, institution d’un traitement interfèrent dans la

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Figure 5 – Cinétique des anticorps Figure 6 – Dépistage sérologique chez la femme enceinte
dans la toxoplasmose. immunocompétente.

Titre
IgG
négatives
< seuil

IgM
g absentes IgM
g présentes
p

Absence 1ers jours de l’infection ou IgM non


IgM IgA IgG d’immunité spécifiques (à confirmer sans délai)

IgG négatives IgG


Surveillance sérologique Délai 2 mois positives
mensuelle

Contamination Séroconversion

IgG positives
> seuil méthode
maturation des anticorps [34]. Un indice d’avidité élevé
exclut une infection acquise dans les 3 à 5 mois précé-
IgM absentes IgM
g présentes
p
dents. Un indice avidité bas peut être le marqueur de la
Immunité Infection récente possible
phase aiguë mais insuffisant pour l’affirmer.
probable
IgG
5.1.1.3. Détection des IgA spécifiques élevées
Mesure de l’avidité des IgG
Les anticorps IgA peuvent être mis en évidence par des 2e sérologie
méthodes comparables à celles détectant les IgM. Il est 21 jours plus tard forte faible
primordial de détecter les IgA pour le diagnostic de la toxo- IgG
plasmose congénitale ou pour différencier une réactivation augmentées Exclusion infection suivi
IgG stables
sérologique d’une primoinfection. Leur mise en évidence récente > 4 à 5 mois* sé
sérologique
peut aider au diagnostic d’une infection récente. Infection ancienne
* en fonction du réactif

5.1.2. Evolution des anticorps au cours


d’une toxoplasmose acquise et Interprétation Mesure de l’avidité des IgG
des résultats sérologiques [8, 9, 15, 32, 40]
faible
5.1.2.1. Les premiers anticorps synthétisés sont les IgM,
8 à 10 jours après la contamination. La détection d’IgM fait
suspecter une séroconversion mais seule l’apparition des 2e sérologie 21 jours plus tard
IgG authentifie la primo-infection. Les IgM augmentent le
mois suivant puis diminuent et persistent durant une période
IgG stables IgG augmentées
plus ou moins longue. Le maximum de production est atteint
entre la 4e et la 8e semaine. Elles sont détectées au-delà du Infection Infection récente
de 2 à 3 mois minimum < 2 à 3 mois au 1er controle*
stade aigu de l’infection, fréquemment 1 an après la conta-
au 1er controle*
mination, par la méthode ISAGA 2 ans après la contami- * en fonction du réactif
nation chez 27 % de patientes. Les variations individuelles
dans la durée et l’intensité de la réponse IgM limitent son
utilité pour dater l’infection. Des anticorps non spécifiques Algorithme décisionnel (laboratoire de parasitologie – CHU Toulouse).

peuvent aussi être détectés sans qu’il y ait infection, ce


qui complique l’interprétation. L’erreur à ne pas commettre
est de conclure d’emblée à une primoinfection sur la seule
5.1.2.3. Les anticorps IgA ont dans le premier mois une
présence d’IgM ou d’IgG associées à des IgM.
cinétique proche de celle des IgG. Les IgA, détectés dans
5.1.2.2. Les anticorps IgG, les premiers synthétisés, sont 80 à 95 % des cas selon les études ont une production
dirigés contre la membrane du parasite (protéine P 30) et maximale 2 à 3 mois après la contamination. Elles disparais-
détectés environ 1 semaine après les IgM. Ils augmen- sent plus rapidement que les anticorps IgM. Leur présence
tent ensuite pour atteindre habituellement leur maximum inconstante limite leur usage dans le diagnostic. Lors de
2 mois après. Des titres élevés persistent plusieurs mois réactivation sérologique, on observe une augmentation
puis diminuent lentement. La détection des IgG vis-à-vis du titre des anticorps IgG associée ou non à la présence
des antigènes solubles est retardée jusqu’à 2 mois après d’anticorps IgA.
la contamination et le maximum atteint plus tardivement, Une courbe théorique d’évolution des anticorps au cours
En l’absence de détection d’anticorps IgM, les anticorps d’une primoinfection est schématisée dans la figure 5 et
IgG sont le témoin d’une immunité. un algorithme décisionnel dans la figure 6.

REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - MAI 2008 - N°402 // 47


RE répétée 200 à 300 fois plus sensible que B1 [12]. La
Figure 7 – Immunoblot. PCR en temps réel appliqué à ce diagnostic par Costa
et al. est un processus automatisé basé sur la détection
A B et la quantification d’un émetteur fluorescent directement
immunoblot positif immunoblot négatif proportionnel à la quantité d’amplicons générés pendant
IgG IgM IgG IgM
la PCR [13]. Elle est rapide (moins de 2 h) et reproductible.
L’absence de manipulation post-PCR réduit le risque de
contamination par les amplicons. Elle permet de quantifier
M C M C M C M C
l’ADN amplifié et d’estimer la charge parasitaire du LA qui
est variable, dans 46 % des cas <10 toxo/ml, dans 30 %
entre 10 et 100 toxo/ml et dans 24 % > 100 toxo/ml dont
8 % > 1000 /ml. Une charge parasitaire élevée est un signe
d’infection sévère [43].

5.2.1.2. Isolement du toxoplasme


par inoculation à la souris
Cette technique fut la première utilisée pour ce diagnostic.
Le culot de centrifugation de liquide amniotique est inoculé à
des souris par injection intrapéritonéale. Des contrôles sont
effectués 4 et 6 semaines après et l’infection est prouvée par
la présence de kystes au niveau du cerveau des souris. Elle
confirme les résultats obtenus par PCR et permet d’isoler
Comparaison des profils immunologiques révélés par les souches pour des études épidémiologiques.
immunoblot pour le diagnostic de toxoplasmose congénitale
La technique PCR a une meilleure sensibilité que l’inoculation
Sang maternel (M) – Sang de cordon (C)
à la souris [9, 31]. Toutefois, dans 10 à 30 % des études, le
A. Profil immunologique différent sérum maternel et sang de cordon : diagnostic anténatal est négatif alors que l’enfant est infecté
présence d’anticorps IgG et IgM néosynthétisés par le fœtus. justifiant la poursuite du traitement par la spiramycine jus-
B. Profil immunologique identique sérum maternel et sang de cordon :
absence d’anticorps IgG et IgM néosynthétisés par le fœtus. qu’à l’accouchement.

5.2.2. Le dépistage néonatal


5.2. Dépistage de la toxoplasmose Il comporte, outre le bilan clinique et paraclinique (examen
congénitale : diagnostic prénatal, du fond d’œil et échographie transfontanellaire), un bilan
biologique avec la détection du parasite dans le placenta
néonatal et postnatal
et le sang de cordon et un bilan sérologique sur le sang
Il concerne les enfants dont la mère a contracté la
du cordon avec détection des anticorps IgG, IgM et IgA
toxoplasmose durant la grossesse [9, 47].
[8, 45]. Le diagnostic parasitologique associe la détec-
5.2.1. Dépistage de l’infection in utero tion du parasite dans le placenta et le sang de cordon par
Il comporte un suivi échographique mensuel et un dia- PCR et inoculation à la souris (12, 26, 41]. Les techniques
gnostic prénatal (DPN) établi par amniocentèse dès la sérologiques utilisées dans le dépistage de la toxoplas-
18e semaine d’aménorrhée. Il est pratiqué pour dépister mose acquise ne sont pas toutes adaptées à ce diagnos-
l’infection fœtale et traiter in utero le fœtus. Il associe la tic. Seuls, les tests par immunocapture des IgM ou des
recherche du parasite dans le liquide amniotique (LA) par IgA validés pour ce diagnostic doivent être pratiqués. En
inoculation à la souris et techniques de biologie molécu- cas de tests positifs pour les IgM ou les IgA, il faut confir-
laire (PCR). Le décret n° 95-559 du 6 mai 1995 précise mer le résultat sur le sang du nouveau-né prélevé avant le
les dispositions légales relatives aux analyses de biologie 10e jour. Des tests analytiques complémentaires comme
pratiquées en vue d’établir un diagnostic prénatal in utero. la comparaison des profils immunologiques mère-enfant
Une autorisation ministérielle est nécessaire au laboratoire immunoblot (figure 7) ou ELIFA permettent de mettre en
et au praticien pour ce diagnostic. Un consentement écrit évidence la synthèse d’anticorps IgG et IgM par l’enfant [38,
des patientes est requis. Les copies doivent être adressées 42]. La présence d’anticorps néosynthétisés dans le sérum
au praticien réalisant les analyses et doivent être conservées du nouveau-né est la preuve absolue de l’atteinte congénitale
avec le compte rendu (J.O., arrêté du 12 /11/ 1997). et doit conduire au traitement de l’enfant. La présence des
isotypes dépend du moment de la contamination maternelle
5.2.1.1. Mise en évidence d’ADN toxoplasmique [8, 15, 28]. Pour les séroconversions maternelles du premier
La réaction de polymérisation en chaîne (PCR) a été appli- et du deuxième trimestre, ce sont les IgA qui sont le plus
quée au diagnostic de la toxoplasmose depuis plus de fréquemment détectées alors que les IgM spécifiques le
10 ans [31]. Les méthodes ne sont pas standardisées et sont plus souvent pour des infections du troisième trimestre.
diffèrent, suivant les équipes, au niveau de l’extraction de Ces deux tests doivent être associés. Dans 30 % des cas
l’ADN, du choix du gène cible, des séquences d’amorces environ, cette recherche est négative bien que l’enfant soit
et des sondes, ce qui peut expliquer les différences de contaminé [49]. En associant les méthodes de diagnostic
sensibilité [41, 43, 46]. La majorité des équipes amplifie parasitologique et sérologique, le diagnostic de l’infection
une séquence répétée 35 fois du gène B1 ou une séquence est porté dans la majorité des cas [10, 26, 41].

48 // REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - MAI 2008 - N°402


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5.2.3. Le diagnostic postnatal


Figure 8 – Stratégie du diagnostic
Il consiste en une surveillance sérologique du nourrisson
de la toxoplasmose congénitale.
durant la première année. La persistance des anticorps
IgG affirme ou confirme l’infection congénitale. Si l’enfant
n’est pas atteint, les anticorps IgG transmis par la mère Infection maternelle pendant la grossesse
s’éliminent et la sérologie devient négative avant 12 mois.
Des profils sérologiques particuliers sont observés chez
Ponction de LA
les enfants traités par pyriméthamine et sulfamides. Le PCR, inoculation à la souris
traitement inhibe la production d’anticorps. Des rebonds
Diagnostic
sérologiques sont fréquemment observés à l’arrêt du trai- anténatal
tement, sans répercussion clinique.
LA+ TC LA - ou LA NF

6. Conclusion
Pour conclure, malgré une prévention mise en place depuis
1978, la toxoplasmose congénitale pose toujours un problème AC IgA, IgM, IgC+IB
AC IgA, IgM, IgG+IB
Diagnostic
de santé publique en France. De ce fait, le dépistage doit + Diagnostic
Diagnostic parasitologique
être poursuivi. En cas de toxoplasmose survenant en cours parasitologique
néonatal à discuter
de grossesse, un traitement maternel doit être institué le plus
rapidement possible et le diagnostic prénatal de l’infection Bilan + ou - Bilan - Bilan +
fœtale est à préconiser. Si le DPN est négatif et l’échographie
normale, le traitement par la spiramycine est poursuivi jusqu’à
l’accouchement. S’il est positif et l’échographie normale, un
traitement par pyriméthamine et sulfamides est institué en TC TC

continu jusqu’à l’accouchement et poursuivi après la nais-


sance au minimum un an. Dans les 2 cas, la surveillance
échographique est mensuelle. Un bilan néonatal et postnatal
de l’enfant est pratiqué. Si le DPN est positif et l’échogra- Suivi sérologique IgC 1 an
phie détecte une malformation, une interruption médicale de
grossesse est envisagée (figure 8). La persistance de cas
Diagnostic
de toxoplasmose congénitale avec manifestations cliniques postnatal
notamment oculaires peut être due au délai trop long entre la
contamination et le traitement maternel ainsi qu’à la qualité + -
du passage transplacentaire des médicaments et à leur dif-
TOXOPLASMOSE ABSENCE
fusion dans les tissus fœtaux. L’amélioration du diagnostic CONGÉNITALE D’INFECTION
et de nouvelles recherches de thérapeutiques notamment (TC)°
actives sur les kystes sont à préconiser pour diminuer la
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50 // REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - MAI 2008 - N°402

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