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Asthme et grossesse
Asthma and pregnancy
P. Godard *, P. Demoly
Clinique des maladies respiratoires, hôpital Arnaud-de-Villeneuve, avenue du Doyen-Giraud, 34295 Montpellier cedex, France
Reçu le 21 septembre 2004 ; accepté le 15 octobre 2004
Résumé
La grossesse est une éventualité à envisager chez toute personne souffrant d’asthme. D’une façon générale, il n’y a aucune contre-
indication à conduire une grossesse d’une part, à traiter son asthme d’autre part. Les complications pour la mère et pour l’enfant sont rares et
les résultats du suivi de cohortes récentes sont rassurants. Les données de pharmacovigilance sont parfaitement rassurantes, en particulier en
ce qui concerne la tolérance des corticostéroïdes inhalés. Cependant un suivi régulier est nécessaire. Un bon contrôle de l’asthme est en effet
nécessaire.
© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Abstract
Any asthmatic woman in the childbearing age may become pregnant. Generally, asthma is not a contraindication for pregnancy, and drug
treatment of pregnant asthmatic women is indicated. Neither mother nor child are particularly at risk for complications, as demonstrated in
recently published long-term studies. Pharmacologic data are reassuring, especially those concerning inhaled corticosteroids. Nevertheless,
regular follow-up of asthmatic pregnant patients is necessary to assure good control of the patient’s asthma.
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Si l’on admet que la prévalence de l’asthme chez l’adulte • de renforcer la démarche éducative ;
est de 5 % et de 10 % chez l’enfant, entre 5 et 10 % de fem- • d’envisager les mesures de prévention.
mes enceintes devraient souffrir d’asthme [1].
Les visites médicales sont obligatoires, régulières et par- 1. Diagnostic de l’asthme pendant la grossesse
fois nombreuses pendant cette période. C’est l’occasion :
• de faire le diagnostic d’asthme si nécessaire ;
La démarche est classique [7,8] et se fonde d’une part sur
• d’adapter le traitement en cas de non contrôle ou de médi-
les symptômes, d’autre part l’exploration fonctionnelle res-
cament contre-indiqué ;
piratoire.
• de rassurer la future maman sur l’évolution de son asthme
Le diagnostic différentiel est un peu particulier et doit tenir
[2] : le plus souvent le retour à l’état antérieur est obtenu à
compte de la grossesse :
la fin de la grossesse [3] ;
• l’embolie pulmonaire est une cause de dyspnée aiguë
• de lui expliquer les risques de grossesse pathologique et
paroxystique pendant la grossesse et de ce fait le premier
pour l’enfant [4–6] ;
diagnostic différentiel de l’asthme auquel il faut penser ;
* Auteur correspondant. • il convient d’éliminer une cause cardiaque aux sifflements
Adresse e-mail : godard@montp.inserm.fr (P. Godard). perçus durant la grossesse ;
0335-7457/$ - see front matter © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.allerg.2004.10.016
10 P. Godard, P. Demoly / Revue française d’allergologie et d’immunologie clinique 45 (2005) 9–13
• le syndrome d’hyperventilation chronique peut parfois se • une libération de prostaglandine F2alpha induisant une
manifester par des symptômes aigus pouvant évoquer de bronchoconstriction ;
l’asthme. Ils peuvent être déclenchés par de simples ef- • une diminution de la capacité résiduelle fonctionnelle
forts, par l’exposition à des irritants bronchiques, ou le (CRF) avec collapsus bronchique expiratoire modifiant le
stress. Il peut exister des réveils nocturnes. rapport ventilation/perfusion ;
Une embolie pulmonaire de même qu’un syndrome d’hy- • une augmentation de la fréquence des infections virales et
perventilation peut survenir chez une asthmatique authenti- bactériennes des voies aériennes ;
que. • un reflux gastroœsophagien ;
• une augmentation du stress.
2.2.2. Les facteurs susceptibles d’aggraver l’asthme 3. L’asthme est-il un facteur de risque de grossesse
Ils sont les suivants : pathologique ?
• une diminution de la sensibilité pulmonaire aux effets du
cortisol par un mécanisme de compétition au niveau des De multiples études ont comparé l’évolution des grosses-
récepteurs aux glucocorticoïdes avec la progestérone, l’al- ses de femmes asthmatiques par rapport à celles de femmes
dostérone ou la désoxycorticostérone ; non asthmatiques.
P. Godard, P. Demoly / Revue française d’allergologie et d’immunologie clinique 45 (2005) 9–13 11
3.1. Risques pour la mère prééclampsies pendant les grossesses de femmes asthmati-
ques n’est pas liée au contrôle de l’asthme mais plutôt à
L’incidence des pathologies hypertensives (hypertension l’usage des médicaments antiasthmatiques [6], bien que
artérielle, prééclampsie), de placenta previa, d’accouche- l’étude de E.W. Triche et al. [14] semble indiquer que ce n’est
ment par césarienne est augmentée chez les femmes asthma- pas le cas.
tiques [5,14]. Il semble également que la croissance fœtale intra-utérine
soit dépendante du contrôle de l’asthme comme le montrent
Tableau 1 deux études qui ont comparé les poids de naissance d’enfants
Association entre complications maternelles et fœtales et asthme [5]
de mères asthmatiques ayant été hospitalisées pendant leur
Asthmatiques Non OR/RR grossesse pour exacerbation de leur asthme (2764 g dans la
asthmatiques
première étude et 2469 g dans la deuxième étude) aux poids
Nombre 2289 9156
Prééclampsie (%) 4,50 2,10 2,18 (1,68–2,83)
de naissance d’enfants de mère asthmatique n’ayant pas eu
Placenta previa (%) 1,10 0,70 1,71 (1,05–2,79) recours à des traitements en urgence durant leur grossesse
Césarienne (%) 35,90 24,90 1,62 (1,46–1,80) (3284 g et 2838 g [18,19]).
Durée hospitalisation 47,00 32,30 1,86 (1,60–2,15)
pour la mère > 3J (%) 3.4.2. Conclusions
Prématurité (%) 18,00 12,10 1,36 (1,18–1,55) Tous ces résultats suggèrent donc que plus le contrôle de
Petit poids de naissance 9,30 6,10 1,32 (1,10–1,58) l’asthme est bon, meilleures seront l’évolution de la gros-
(%) sesse et la croissance fœtale. Mais les preuves absolues
Malformations congéni- 4,50 3,40 1,37 (1,12–1,68) manquent.
tales (%)
Faut-il également recommander une surveillance des fem-
Durée d’hospitalisation 44,70 31,70 1,44 (1,12–1,68)
pour l’enfant > 3J (%)
mes enceintes asthmatiques par un spécialiste ? La réponse
est probablement oui. L’étude de Dombrowski et al. semble
plaider dans ce sens [20].
3.2. Risques pour l’enfant 3.4.2.1. Les risques sont-ils fonction du traitement [21] ?
• la preuve de l’innocuité des ß2 mimétiques de courte
Le risque relatif de prématurité, d’un petit poids de nais- durée d’action pendant la grossesse est faite [22,23] ;
sance, et de malformations congénitales est également aug- • la théophylline pourrait expliquer l’augmentation de l’in-
menté [4,5,15]. Le risque de prématurité serait en fait dû à un cidence des prééclampsies [16], mais cette notion n’a pas
traitement par corticoïde per os ou théophylline [16]. été confirmée dans une étude plus récente portant sur un
plus grand nombre de patients [22,24] ;
3.3. Risques moins fréquents [17] • les corticostéroïdes inhalés sont indiqués dans toutes les
formes d’asthme persistant. Ils préviennent les exacerba-
• les vomissements de la période gravide ; tions durant la grossesse [10]. La beclométhasone a été
• les hémorragies ; suspectée comme étant responsable d’une augmentation
• les hypoxies ; de l’incidence des petits poids de naissance [25]. Dans
• les hyperbilirubinémies néonatales. cette étude la posologie moyenne était de 336 µg par jour ;
les exacerbations étaient traitées par corticothérapie orale.
3.4. Existe-t-il des explications ? On ne peut donc attribuer aux seuls stéroïdes inhalés les
complications observées. D’autres études plus récentes
Il y a peu de données dans la littérature. Les interactions ont montré l’absence de relation entre l’utilisation des
entre l’asthme lui-même, sa sévérité et les exacerbations corticostéroïdes inhalés et l’incidence des grossesses pa-
d’une part, les traitements antiasthmatiques d’autre part, et la thologiques et des accidents périnataux [22,26,27]. Cette
grossesse sont mal connues. dernière étude [27] a été réalisée de manière prospective, à
partir du fichier suédois médical des naissances L’objectif
3.4.1. Les risques semblent indépendants de la sévérité, était d’évaluer les effets éventuels des corticoïdes inhalés
mais pas du contrôle pris en début de grossesse. Toutes les grossesses depuis
On peut facilement concevoir que lorsque le contrôle de 1994 étaient enregistrées. Plus de 2000 naissances de
l’asthme est mauvais associé à des exacerbations sévères mères asthmatiques, traités par budésonide dans l’im-
pouvant entraîner une hypoxémie maternelle, l’hypoxie fœ- mense majorité des cas, ont été analysées.
tale soit néfaste pour l’enfant. Les résultats [27] sont donnés dans le tableau-ci dessous :
Lorsque l’asthme est traité par un spécialiste, il y a moins • Les corticostéroïdes oraux semblent augmenter les ris-
de mortalité périnatale, moins de prématurité et moins de ques :
petit poids de naissance. En revanche, on ne retrouve aucune C de prééclampsies [15] ;
différence quant à l’incidence des prééclampsies, ce qui C de retard de croissances intra-utérines [16] ;
pourrait vouloir dire que l’augmentation de l’incidence des C et de petits poids de naissance [26].
12 P. Godard, P. Demoly / Revue française d’allergologie et d’immunologie clinique 45 (2005) 9–13
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Biologie et grossesse (1)
Denis Massignona,*
AVANT-PROPOS
L
es progrès techniques, le développement 99 % surviennent en Afrique, Asie et Amérique
des connaissances dans la physiologie latine. La biologie est concernée en première
et les pathologies de la grossesse et une intention dans certaines complications de la
meilleure surveillance encadrée par la régle- grossesse auxquelles nous sommes confrontés
mentation sont à l’origine d’une amélioration de manière récurrente. Nous présentons dans
constante du déroulement de la grossesse au ce numéro spécial certaines complications de
cours de ces trente dernières années, au moins la grossesse dont la prévention ou le diagnostic
dans les pays occidentaux. En France, le taux de impliquent fortement les biologistes. Dans un
mortalité maternelle est d’environ 8 décès pour autre numéro de RFL, seront traités d’autres
100 000 naissances, soit environ 60 décès par aspects biologiques et clinico-biologiques de
an, c’est donc un événement rare, la mortalité la grossesse.
périnatale étant d’environ 7 pour 1 000. Environ
70 000 nouveau-nés nécessitent une prise en Dans un premier article, Cyril Huissoud résume,
charge particulière. Dans le monde, l’Organi- en s’appuyant sur les textes de loi, le calen-
sation mondiale de la Santé estime à 515 000 drier de surveillance biologique à chacun des
le nombre de décès maternels chaque année trimestres, les examens obligatoires, les prin-
provoqués essentiellement par des hémorra- cipaux examens orientés demandés en fonc-
gies, des avortements non médicalisés, des tion d’antécédents spécifiques, les principales
éclampsies, dystocie d’obstacle et infections ; modifications biologiques au cours de la gros-
sesse. Il est nécessaire de connaître le sens et
a Laboratoire d’hémostase l’amplitude de ces modifications biologiques
Groupe hospitalier Lyon Sud (Hospices civils de Lyon) de la grossesse pour ne pas les considérer
165, Chemin du Petit-Revoyet comme pathologiques.
69495 Pierre-Bénite cedex
Chantal Kohler et Marie-Nathalie Sarda nous
*Correspondance exposent les mécanismes multiples impliqués
denis.massignon@chu-lyon.fr dans la tolérance immune du fœtus et qui se
La hanche est une topographie préférentielle des atteintes fréquent. Un avis spécialisé ou une imagerie de la hanche
rhumatologiques survenant au cours de la grossesse. Le duo n’est souvent demandée que lorsque la douleur devient diffi-
classique constitué de l’algodystrophie de la hanche (ADH) cilement compatible avec la marche.
et de l’ostéonécrose aseptique de la tête du fémur (ONTF) Il n’existe aucune étude épidémiologique publiée permet-
s’est récemment changé en trio du fait de l’apparition d’une tant d’évaluer l’incidence ou la prévalence des coxopathies
entité « nouvelle » dans ce contexte : les fissures de contrainte au cours de la grossesse. Une enquête par questionnaire retrou-
de la tête fémorale. Il est possible que la grossesse puisse vait la notion de douleur « de la hanche » chez 38 % des
avoir une incidence sur d’autres coxopathies, comme une dys- femmes venant d’accoucher contre 22 % (odds ratio 3,2) dans
plasie préexistante, ou dans le cadre d’un rhumatisme inflam- le groupe témoin [1]. Outre le fait que le diagnostic d’atteinte
matoire, mais il n’existe aucune donnée dans ce domaine : de la hanche demeurait assez vague, il n’y avait pas de don-
nous n’en parlerons pas. née d’examen clinique, d’imagerie ou de diagnostic précis.
Toutes les publications concernant ADH et ONTF au cours
de la grossesse concernent des cas isolés ou de courtes séries.
1. Les particularités liées à la grossesse L’analyse de la littérature recense environ 120 cas d’ADH et
46 cas d’ONTF [2]. On peut indirectement en déduire que
Aucune de ces trois affections — algodystrophie, ostéo- l’ADH demeure peu fréquente, et que l’ONTF est environ
nécrose, fissure de contrainte — n’est propre à la femme trois fois plus rare...
enceinte, mais un certain nombre de spécificités tiennent à la Nous avons recensé dans notre service neuf cas en 11 ans
grossesse elle-même. (en ne retenant que les diagnostics certains, avec une IRM
La présentation clinique de ces coxopathies ne diffère pas non ambiguë). Les diagnostics ont été ADH chez cinq patien-
de celle observée en dehors de la grossesse. La douleur de tes, fissure de la tête fémorale chez trois patientes, et ONTF
hanche proprement dite est bien connue des rhumatologues. dans un cas seulement. Nous avons également mené une
Toutefois, avant de parvenir au rhumatologue, une douleur enquête prospective dans un service de gynécologie obstétri-
de l’aine, irradiant à la racine ou à la face antérieure de la que. Un médecin a sensibilisé les médecins et sages-femmes,
cuisse est volontiers attribuée à une cruralgie ou plus banale- pour signaler toute suspicion de coxopathie, avec plusieurs
ment à des douleurs de symphyse dans le cadre du « syn- visites « de rappel » dans le service et toute facilité d’accès
drome douloureux pelvien de la grossesse », beaucoup plus pour consultation rhumatologique des femmes concernées.
Avec une bonne collaboration des équipes, sur 1200 grosses-
* Auteur correspondant. ses suivies sur une période de sept mois, nous n’avons pu
Adresse e-mail : plafforgue@ap-hm.fr (P. Lafforgue). dépister qu’une seule coxopathie (fissure de contrainte) [2].
1169-8330/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.rhum.2005.05.002
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Fig. 1. Algodystrophie de la hanche droite ; début des douleurs au 7e mois de la grossesse. L’IRM réalisée six semaines plus tard montre un œdème médullaire
de la tête et du col fémoral ; il n’y a pas de liseré de nécrose ni de trait de fracture.
1a : sur les séquences pondérées en T1, il existe un hyposignal intéressant la totalité de la tête et du col fémoral.
1b : sur les séquences pondérées en T2, il existe un hypersignal hétérogène de même topographie et un épanchement articulaire de faible abondance.
fier la répartition des contraintes ou le retour veineux. sesse. Les bisphosphonates IV ont été utilisés dans cette indi-
L’atteinte est bilatérale dans un tiers des cas ; cation [21–23]. Dans la principale étude, sur 15 patients (dont
• la fracture secondaire du col fémoral est une complication 3 femmes enceintes), l’intensité douloureuse passait de 71 à
non exceptionnelle, avec une vingtaine de cas rapportés 4 mm un mois après trois perfusions de 45 mg de pamidro-
[13–16]. Au cours de l’ADH, elle a été décrite presque nate [21]. Il ne faudra l’envisager qu’après l’accouchement
exclusivement en cas de grossesse. La fracture survient et en l’absence de lactation, en l’absence de donnée fiable sur
spontanément ou en cours d’accouchement, et a du par- l’innocuité pour le fœtus [24]. De plus, se pose le problème
fois faire recourir à une césarienne. Ce risque doit systé- de la rémanence du produit si une autre grossesse est envisa-
matiquement être considéré et signalé à la future mère ; gée à court terme.
• la pathogénie reste hypothétique. Les auteurs francopho-
nes intègrent cette affection dans le cadre des algodystro-
phies. Toutefois, cette algodystrophie est bien particulière 3. L’ostéonécrose de la tête fémorale
par la rapidité de la guérison, le respect habituel du cotyle
(alors que les algodystrophies sont volontiers régionales, La première description d’ONTF associée à la grossesse
sans systématisation anatomique), le caractère le plus sou- est attribuée à Pfeiffer en 1957. Une revue de la littérature
vent mono articulaire ; enfin, les anomalies scintigraphi- dénombrait 46 cas en 1999 [25], auxquels on peut ajouter
ques ou IRM ne sont pas spécifiques ; deux autres cas [26,27]. Toutefois, il faut noter que nombre
• quoi qu’il en soit, le rôle de la grossesse est également de ces cas ne sont pas détaillés mais inclus dans des séries
hypothétique. On a évoqué (entre autres) la possibilité de d’ostéonécroses et que certains d’entre eux, sans IRM ou signe
compression du nerf obturateur [8], du sympathique [17], radiologique typique, auraient probablement été diagnosti-
de gêne au retour veineux [18], voire de microfractures de qués différemment de nos jours. Dans trois séries d’ostéoné-
contrainte [19,20] favorisées par la conjonction d’une fra- crose « tout venant » mentionnant la grossesse comme fac-
gilité osseuse, même modérée, et de la rapide prise de poids teur étiologique, celle-ci représentait 2 % des cas [28–30].
en fin de grossesse. Cette dernière hypothèse paraît la plus L’ONTF associée à la grossesse, tout comme l’ADH, se
convaincante. révèle le plus souvent pendant le 3e trimestre ou dans le post-
Le traitement doit systématiquement associer la réduction partum immédiat, et touche plus souvent la hanche gauche,
d’appui et un antalgique. La calcitonine, bien que n’ayant elle est bilatérale dans environ un quart des cas.
pas fait l’objet d’essai contrôlé et n’ayant plus d’AMM, sem- La pathogénie est, là encore, hypothétique. La grossesse
ble donner quelques satisfactions en pratique courante [10], est souvent le seul facteur de risque, mais d’autres facteurs
et est l’une des rares thérapeutiques autorisées pendant la gros- favorisants sont parfois présents, notamment une corticothé-
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Fig. 3. Il s’agit d’une fissure de la hanche droite. L’IRM réalisée six semaines après le début des douleurs montre un œdème médullaire étendu, un volumineux
épanchement articulaire, et une petite image linéaire (flèches).
3a : séquence pondérée en T1
3b : séquence pondérée en T2
3c : L’IRM réalisée deux mois plus tard montre la disparition de l’œdème et la persistance du trait de fracture.
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17-18 Lapaire 292_f.qxp 21.12.2007 13:39 Uhr Seite 17
Tableau 1. Nom, type des amorces génétiques (primers) et tests, séquence nucléotidique, localisation et spécificité
(d’après [7]).
tion du status Rhésus fœtal a été introduite de groupe sanguin en postpartum. Les coûts totaux
routine par le «British National Blood Service» se montent à 2 987 263 francs par an avec Rhophy-
[10]. L’introduction de la détermination du Rhé- lac® dans toute la Suisse. Les coûts d’un diagnos-
sus fœtal anténatal dans le sang maternel est non tic prénatal non invasif du status Rhésus fœtal se
seulement la première méthode de routine basée montent à 15 francs par examen (sans les charges
sur l’ADN fœtal prélevé de manière non invasive, salariales). Les coûts totaux du matériel néces-
mais en plus une technique automatisée a permis saire pour déterminer dans toute la Suisse le sta-
de le réaliser à moindre frais qu’une seule pro- tus Rhésus D fœtal chez des femmes enceintes
phylaxie par immunoglobulines chez une femme Rhésus négatives se montent à 168 315 francs par
enceinte Rhésus D négative [11]. an (sans les charges salariales). Les économies
En Suisse, selon les recommandations actuelles, annuelles potentielles atteignent donc 2 818 948
un dosage d’anticorps (test de Coomb indirect) est francs. Du fait que cet examen peut être fortement
effectué au début de leur grossesse chez les mères automatisé [13], les charges salariales sont mi-
Rhésus négatives. S’il n’y a aucune raison ren- nimes.
dant indispensable une prophylaxie spécifique
par anti-D, une première dose (300 mg de Rho-
phylac®) est administrée entre la 28e et la 30e se- Perspectives
maine de grossesse, à répéter après 12 semaines.
En cas d’éventuelles transfusions fœto-mater- La détermination non invasive du facteur Rhésus
nelles, après traumatisme abdominal, hémorra- précède d’autres applications cliniques qui révo-
gie vaginale, contractions prématurées ou après lutionneront le diagnostic prénatal.
interventions (par ex. CVS, AC), il faut adminis- Nous avons ainsi pu démontrer que toute une sé-
trer une dose prophylactique d’anti-D dans les rie de maladies hétérozygotes autosomales réces-
72 heures. La même dose doit être injectée à sives, comme la b-thalassémie de l’enfant, peut
une femme Rhésus négative après fausse-couche, être diagnostiquée dans le sang des femmes en-
interruption de grossesse, grossesse extra-uté- ceintes [4].
rine ou môle hydatiforme [12]. Nous avons en outre pu démontrer que des ma-
Le quotient coût–bénéfice d’un diagnostic préna- ladies héréditaires autosomales dominantes d’ori-
tal non invasif du status Rhésus fœtal au niveau gine paternelle, comme l’achondroplasie, peuvent
national se base sur le prix d’un flacon de Rhophy- elles aussi être diagnostiquées de manière non
lac® 300 à 166.50 francs. Si nous prenons le nom- invasive dans le sang de la mère [15]. Après plus
bre de naissances en Suisse en 2005 (n = 74 811), de quinze ans de recherche, dont dix environ pen-
avec 15% environ de femmes enceintes Rhésus D dant lesquelles le résultat est resté incertain, il est
négatives, deux injections (une en prépartum, une réjouissant de voir que le diagnostic prénatal non
en postpartum) seront nécessaires chez 60% des invasif dans le sang maternel est maintenant de-
femmes. Une seule injection sera nécessaire en venu réalité, un bon exemple de développement
prépartum chez les autres 40%, car leur enfant durable «from the bench to the bedside» [16].
Correspondance: sera lui aussi Rhésus D négatif à l’examen du
Prof. Wolfgang Holzgreve
Vorsteher und Chefarzt
Frauenklinik Universitätsspital Références
CH-4031 Basel Vous trouverez les références complètes dans l’édition en ligne
wholzgreve@uhbs.ch de cet article, sous www.medicalforum.ch.
Rhesusfaktor-Bestimmung des Fetus aus dem Blut der
Schwangeren: nicht-invasive genetische Diagnostik mit
Konsequenz für die Praxis?
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Korrespondenz:
Wolfgang Holzgreve
Vorsteher und Chefarzt
Frauenklinik Universitätsspital
CH-4031 Basel
wholzgreve@uhbs.ch
EMC-Gynécologie Obstétrique 1 (2004) 127–135
www.elsevier.com/locate/emcgo
Fibrome et grossesse
Myoma and pregnancy
A. Chauveaud-Lambling (Chef de clinique-assistant),
H. Fernandez (Professeur des Universités, praticien hospitalier) *
Service de gynécologie-obstétrique, Hôpital Antoine Béclère,
157, rue de la Porte-de-Trivaux, 92140 Clamart, France
MOTS CLÉS Résumé La découverte de la présence de myomes chez une femme ayant un désir de
Fibrome ; grossesse ou chez une femme enceinte va susciter questionnements et inquiétudes. Le rôle
Grossesse ; joué par ces myomes sur la fertilité spontanée ou leur impact lors d’une aide médicale à la
Fertilité ; procréation dépend de leur taille, de leur localisation et de leur nombre. Chaque médecin
Embolisation ; confronté à cette situation doit choisir et proposer une attitude expectative ou interven-
Myomectomie
tionniste. Les conséquences doivent être clairement énoncées à la patiente quel que soit le
choix retenu. La grossesse après embolisation pour fibromes est encore une situation assez
rare et ses enjeux doivent être jugés à plus long terme. La prise en charge des myomes
utérins lors de la grossesse doit être aussi peu invasive que possible même si ceux-ci peuvent
entraîner douleurs abdominales, rupture prématurée des membranes, hémorragie de la
délivrance, malposition fœtale. Un utérus myomateux est tout à fait compatible avec une
grossesse et il s’agit de ne pas entraîner d’iatrogénicité.
© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
KEYWORDS Abstract Discovering myomas in a woman who wants to become pregnant or in a pregnant
Myoma;
woman is likely to raise questions and worries. The role played by these myomas on
Pregnancy;
Fertility;
spontaneous fertility or their impact in case of Assisted Reproductive Technology (ART),
Embolization; depends on their size, their localisation and their number. Any doctor who have to cope
Myomectomy with this situation has to choose and suggest either an expectative or an interventionist
behaviour. Consequences must be clearly explained to the patient whatever the position
chosen. Pregnancy after embolisation for myomas is still a fairly rare case and what may
come of it will have to be considered on the long run. The management of uterine myomas
in a pregnant woman should be as little invasive as possible even if these myomas
generate abdominal pain, premature ripping of membranes, delivery haemorrhage, and
fœtal misposition. An uterus with myomas is compatible with pregnancy, and it is
essential to avoid producing iatrogenicity.
© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Dans notre expérience publiée en 2001,15 à partir heureusement n’ont pu que comparer la sévérité
d’une série de 59 résections de myomes sous- des adhérences lors du second look et le taux de
muqueux, le taux de grossesse est de 41,6 % lorsque récidives myomateuses sans avoir assez de recul
le fibrome est le facteur exclusif d’infertilité pour mesurer l’impact sur la fertilité.
(24 patientes). Un autre moyen d’apprécier la relation entre
Après résection chirurgicale, un contrôle hysté- myomes et infertilité est de regarder l’influence de
roscopique en consultation, à 2 mois, est souhaita- ceux-ci sur le taux d’implantation.
ble afin de diagnostiquer et traiter les synéchies
utérines postopératoires toujours possibles.
Vercellini,58 dans une publication de 1999, mon- Fibrome et assistance médicale à
trait des taux de grossesse plus bas après myomec- la procréation (AMP)
tomie chez des femmes de plus de 35 ans et pour
qui le suivi d’infertilité avant la myomectomie était Six études publiées depuis 1994 ont permis de sug-
de plus de 2 ans. gérer un effet délétère des myomes sous-muqueux
Pour certains,7,53 plus le nombre et la taille des et interstitiels chez des patientes suivies dans le
fibromes enlevés sont importants, moins bon est le cadre d’une AMP (Tableau 2).
pronostic de fertilité, mais d’autres auteurs,14,47,57 En effet, pour Farhi13 le taux de grossesse est de
n’ont retrouvé aucune différence. 9 % chez les 18 femmes dont la cavité utérine est
Des études contradictoires ont été publiées sur déformée par la présence de myomes, de 29,1 %
le rôle joué par la localisation du fibrome avec quand la cavité garde une forme normale (28 pa-
peut-être un rôle délétère des myomectomies pos- tientes avec myomes interstitiels) et de 25,1 % pour
térieures responsables d’adhérences périannexiel- les 50 patientes ne présentant qu’une stérilité
les et donc secondairement de stérilité tubaire. d’origine tubaire.
Quand on analyse les résultats globaux des diffé- Eldgar-Geva11 et Healy (2000)23 ont étudié l’ef-
rentes études, le taux de grossesse après myomec- fet des localisations (sous-séreuses, interstitielles
tomie est d’environ 50 % sans différence significa- et sous-muqueuses) des fibromes chez des patien-
tive entre les résections par hystéroscopie20 (45 %), tes traitées en fécondation in vitro (FIV). Ils
par laparoscopie ou par laparotomie (49 %). Des concluent que la présence de myomes sous-
facteurs techniques comme l’expérience du chirur- muqueux et interstitiels, même s’ils ne déforment
gien et la qualité du matériel doivent sûrement pas la cavité, diminue statistiquement le taux de
jouer un rôle. grossesse qui est respectivement de 10 % et de
Y aurait-il une raison de préférer une myomecto- 16,4 % comparé à 34,1 % pour les localisations
mie par laparotomie ou par laparoscopie en termes sous-séreuses et à 30,1 % en cas d’infertilité sans
de pronostic de fertilité ? Seracchioli, en 2000,50 a myome chez 249 patientes ayant bénéficié de
publié la seule étude randomisée comparant les 318 cycles de traitements. Ramzy39 a pratiqué une
taux de grossesse selon la technique employée et étude cas-témoins comparant 39 patientes porteu-
n’a pas retrouvé de différence significative avec ses d’un myome utérin supérieur à 7 cm mais ne
2 ans de recul (41,75 % dans le groupe laparoscopie déformant pas la cavité à 367 patientes sans
versus 47,07 % dans le groupe laparotomie). Le taux myome. Dans cette étude, Ramzy ne retrouve
de récidive (21 % versus 20,3 %) est identique. aucune différence en termes de taux d’implanta-
De nombreuses études dont celles de Dubuisson9 tion et de taux de grossesse (39 % versus 34 %).
et Fauconnier14 ont tenté de trouver des arguments Stovall51 présente la seule étude prospective cas-
en faveur de l’une ou l’autre technique mais mal- témoins non randomisée. Il compare 91 cycles de
Tableau 2 Taux de grossesse (%) chez les femmes porteuses de myomes déformant la cavité (1) ou non (2) et chez des femmes
non porteuses de myomes (3).
(1) (2) (3)
% n % n % n
Eldgar-Geva et al. (1998)11 10 1/10 16,4 9/55 30 98/318
Stovall et al. (1998)51 37 34/91 53 48/91
Farhi et al. (1995)13 9 5/55 29 25/88 25 32/127
Ramzy et al. (1998)39 39 15/39 34 123/367
Surrey et al. (2001)54 50,7 37/73 58,4 191/327
Jun et al. (2001)26 30,5 43/141 41,6 169/406
Total 9 6/65 33,5 163/487 40,4 661/1636
130 A. Chauveaud-Lambling, H. Fernandez
patientes avec myome interstitiel ou sous-séreux à dans la série de Seinera48 publiée en 2000, aucune
91 patientes appariées sans fibrome. Une diminu- des 54 patientes opérées par laparoscopie avec un
tion statistiquement significative du taux de gros- total de 65 grossesses n’a eu de rupture utérine.
sesses, d’implantation et d’accouchements est ob- Quatre-vingt pour cent des patientes ont eu une
servée dans le groupe de patientes avec fibromes césarienne. Les techniques de sutures du myomètre
(37 % versus 53 %). Jun26 ne retrouve pas de diffé- sous contrôle cœlioscopique doivent être évaluées.
rence significative entre les taux d’implantation et Aucune série récente de grossesse après myo-
le devenir de la grossesse chez les femmes porteu- mectomie par laparotomie ne rapporte de cas de
ses d’un myome de taille inférieure à 7 cm ne rupture utérine.
déformant pas la cavité et les femmes indemnes de Le risque est probablement d’autant plus faible
lésion myomateuse (30,5 % versus 41,6 %). que la cavité n’a pas été ouverte. La surveillance
Surrey,54 d’après son étude rétrospective de du travail doit rester vigilante comme pour tout
2001 sur des grossesses obtenues par FIV, a un taux utérus cicatriciel.
d’enfants nés vivants non influencé par la présence Il reste admis de ne pas réaliser de myomectomie
de myomes interstitiels avec cavité utérine d’as- au cours des césariennes compte tenu des risques
pect normal à l’hystéroscopie. hémorragiques et de la fragilité de la cicatrice
On peut donc probablement conclure que l’inté- utérine faite. Cela est d’autant vrai que 75 % des
grité de la cavité utérine est une condition néces- myomes diminuent de taille dans le post-partum.
saire et suffisante au bon déroulement d’une fé- Néanmoins, il peut être nécessaire de réaliser une
condation spontanée ou médicalement assistée et myomectomie première sur un volumineux myome,
qu’il faut donc ne pas hésiter à recourir aux moyens se développant dans le segment inférieur, pour
de résection hystéroscopique quand le myome a un permettre l’extraction fœtale. Un volumineux
développement intracavitaire important. myome sous-séreux dont le pédicule est inférieur à
5 cm peut être une autre exception.
Myomectomie et grossesse
Grossesse après embolisation
Les conséquences des myomectomies ne sont pas pour fibromes
anodines et c’est bien pour cela qu’il faut retenir
des indications reconnues. La majorité des séries publiées d’embolisation
La cicatrice utérine peut être responsable d’une d’artères utérines31,40 pour utérus myomateux rap-
anomalie de l’insertion placentaire (prævia, ac- porte quelques cas de grossesses inattendues, à
creta, percreta) et cause de rupture utérine (taux à distance de la procédure.
peu près estimé à 1 %). Dans la série de Serac- Douze grossesses ont été décrites chez neuf fem-
chioli50 publiée en 2000 qui compare myomecto- mes suivies pour embolisation à l’hôpital Lariboi-
mies par laparoscopie et myomectomie par laparo- sière.41 Il n’y a pas eu de récidives des myomes
tomie, aucune rupture utérine n’est retrouvée. Il pendant la grossesse. Cinq des douze grossesses se
n’y avait pas non plus de différence significative sont terminées par une fausse couche spontanée
entre les pourcentages d’accouchements par voie précoce (toutes chez des femmes de plus de
naturelle (35 % versus 22 %) et les pourcentages 40 ans). Il y a eu deux accouchements prématurés à
d’accouchements par césarienne (65 % versus 78 %). 28 semaines d’aménorrhée (SA) (une patiente au
Il est à noter que la césarienne n’est pas systé- stade syndrome de l’immunodéficience acquise
matique et c’est ce que partagent Daraï,6 Dubuis- [sida] dans un contexte infectieux) et à 35 SA
son10 et Ribeiro.43 Pourtant, le taux de césarienne (grossesse gémellaire après prééclampsie). Trois
est plus élevé chez les femmes porteuses de myo- femmes ont accouché par les voies naturelles et
mes. On peut retenir différents cofacteurs déci- quatre par césarienne. Ces chiffres sont peu impor-
sionnels : les malpositions fœtales, les dystocies au tants pour en déduire une réelle significativité.
cours du travail, les antécédents de myomectomie. L’âge assez avancé des femmes de cette série
Sur les 145 grossesses après myomectomies par (moyenne de 36,5 ans) constitue un groupe à haut
laparoscopie de la série de Dubuisson, il y a eu risque pour le déroulement de la grossesse. Dans
38 fausses couches, 58 accouchements normaux et son article publié en 2003, Ravina42 reprend sa série
42 césariennes. Trois ruptures utérines sont rappor- et rapporte 32 grossesses chez 29 femmes après
tées, toutes avant la mise en travail, et au moins embolisation de myomes. Treize femmes avaient
une attribuée à l’antécédent chirurgical. D’autres moins de 35 ans, quinze femmes avaient plus de
cas de rupture utérine sont décrits après myomec- 35 ans et cinq avaient plus de 40 ans lors de
tomie par laparoscopie.17,18,21,24,35 En revanche, l’embolisation.
Fibrome et grossesse 131
Tableau 3 Récapitulatif des grossesses publiées après embolisation des artères utérines pour fibromes.
Auteurs UAE Grossesses Résultats Terme Poids de Âge de la Remarques
N n naissance mère
Ravina (2003)42 454 31 7 fausses couches Précoce
(27 femmes) 1 IVG
15 naissances
8 grossesses en
cours
Walker (2002)59 400 13 1 fausse couche Précoce
(12 femmes) 1 IVG
1 grossesse en
cours
1 GEU
3 naissances
McLucas et al. 400 17 5 fausses couches Précoces ND ND
(2001)31 (14 femmes) 10 accouchements À terme ND
2 en cours
Ravina et al. (2000)41 184 12 5 fausses couches Précoces 40 à 42 ans
(9 femmes) 3 voies basses 28 SA 1 100 g 42 ans Sida ; septicémie à
streptocoque
39 SA 2 560 g 30 ans
40 SA 3 200 g 23 ans
4 césariennes 35 SA 2 320 g 41 ans Gémellité, toxémie
2 000 g
39 SA 3 630 g 43 ans
38 SA 2 800 g 38 ans Utérus cicatriciel
(myomectomie)
42 SA 3 830 g 42 ans Échec de
déclenchement
Anomalies du RCF
Vashisht et al. 21 1 1 césarienne 38 SA 3 380 g 29 ans
(2000)56
Nicholson et Ettles 24 1 1 césarienne À terme ND ND
(1999)34
Hutchins et al. 305 2 1 voie basse À terme ND ND
(1999)25 1 fausse couche Précoce - ND Gémellité sur FIV
Forman et al. 1 000 14 ND Étude
(1999)16 multicentrique
Pron et al.(1999)38 77 1 ND
Bradley et al. (1998)3 8 1 ND
Total 2 019 49 20 accouchements
ND : non déterminé ; UAE : uterine artery embolisation ; RCF : rythme cardiaque fœtal ; FIV : fécondation in vitro ; sida : syndrome
d’immunodéficience acquise ; IVG : interruption volontaire de grossesse ; GEU : grossesse extra-utérine ; SA : semaines
d’aménorrhée.
Il y a encore douze grossesses en cours mais déjà voie naturelle, il n’y a pas d’anomalies des contrac-
22 enfants sont nés de poids normal avec des déli- tions utérines, de la durée du travail ni des saigne-
vrances normales (dont 12 par césarienne). ments.
L’utilisation de l’embolisation doit être soigneu- Des études à plus grande échelle avec des critè-
sement évaluée en raison des risques d’aménorrhée res bien définis d’inclusion et d’évaluation sont
transitoire ou définitive observés après ce type de nécessaires pour établir la place de cette technique
traitement radiologique. par rapport à la myomectomie qui reste encore le
Trastour55 dans une publication de 2003 récapi- traitement de référence pour les femmes désirant
tule les séries de grossesses publiées (Tableau 3). une grossesse.
Au cours de ces grossesses, on peut noter une
augmentation de taille des fibromes résiduels avec
régression en post-partum. La croissance fœtale Interactions pendant la grossesse
est normale de même que la vascularisation placen-
taire et les dopplers. Le risque de toxémie ne Les myomes peuvent être responsables de compli-
semble pas augmenter. Pour les accouchements par cations gravidiques par plusieurs mécanismes.
132 A. Chauveaud-Lambling, H. Fernandez
Dans une grande cohorte rétrospective de plus tic d’utérus myomateux avec une indication de
de 12 000 femmes, on a estimé qu’une grossesse sur césarienne au décours de la grossesse.
500 avait une complication secondaire à un utérus Il n’est d’ailleurs sûrement pas nécessaire d’aug-
myomateux et que 10 % des femmes avec un utérus menter la fréquence des échographies chez les
myomateux avaient une complication obstétri- femmes porteuses d’un utérus myomateux en de-
cale.27 Malheureusement, il n’y a pas eu de compa- hors d’un suivi pour RCIU (placenta inséré en regard
raisons faites entre les taux de complications chez du fibrome). Lolis,29 recommande une surveillance
les femmes porteuses et les femmes indemnes de échographique des myomes ; ce qui nous semble
pathologie myomateuse. être une attitude inutile et stressante.
Une étude de population de 6 000 enfants nés Les fibromes peuvent comprimer la cavité ovu-
dans l’état de Washington retrouve un risque relatif laire, gêner la distensibilité du myomètre et être
de complications obstétricales de 1,9 chez les fem- responsables de syndrome de compression et de
mes porteuses de myomes.5 déformation fœtale.45 Ils peuvent perturber la ré-
Les myomes antérieurs peuvent gêner considéra- gulation de la quantité de liquide amniotique (en
blement un prélèvement ovulaire par amniocen- général polyhydramnios).
tèse ou biopsie de villosités choriales. Les décolle- Le pourcentage de menace d’accouchement pré-
ments ovulaires peuvent être favorisés par maturé varie de 17 % pour Monnier32 à 24,6 % pour
l’hyperpression veineuse engendrée par la com- Lopes30 avec un accouchement prématuré dans
pression des fibromes. 8,5 %32 à 17 % des cas1 (Tableau 4). Rice44 observe
La fréquence des avortements spontanés varie une augmentation de menace d’accouchement pré-
dans la littérature de 4 %32 à 18 %.19 maturé et d’accouchement prématuré chez les
En fait, ce chiffre est habituellement donné femmes porteuses de fibromes dont le diamètre
comme risque de fausse couche au cours des gros- était supérieur à 3 cm (de 20 à 28 % pour ceux
sesses normales ; compte tenu de l’âge des patien- supérieurs à 5 cm). Il n’y a pas d’augmentation du
tes lors de leur myomectomie, on pourrait s’atten- taux d’accouchement prématuré en cas de myomes
dre à des chiffres plus élevés. de taille inférieure à 3 cm. Les fibromes cervicaux
La localisation du myome doit être prise en ou isthmiques peuvent gêner l’ampliation du seg-
considération ; ainsi les myomes sous-muqueux ment inférieur et l’accommodation de la présenta-
peuvent provoquer des altérations endométriales tion : les observations de présentation du siège ou
mécaniques, vasculaires et induire des altérations transverse sont plus fréquentes. Dans la série de
du stroma comme une atrophie ou une ulcération Lopes,30 la présentation du sommet représente
réduisant les chances de développement placen- 81,2 % des présentations contre 92,7 % dans la
taire.12,44 population témoin (Tableau 5). L’étude de Coro-
Dans son étude cas-témoin, Aydeniz2 montre que nado5 retrouve un risque relatif de 4 de présenta-
les fibromes sous-muqueux en regard de l’insertion tion du siège et de 6,4 de césarienne (95 % IC
placentaire augmentent le risque de retard de 3,0-5,2).
croissance intra-utérin (RCIU) (14 % versus 6,6 %) et Piazze Garnica37 retrouve 76 % (95 % IC 5,5-7,5)
d’hématome rétroplacentaire (HRP) (3,2 % versus de césariennes et Hasan22 73 %.
1,3 %).
Le RCIU expliqué par Rosati46 en cas de fibromes Tableau 4 Accouchements prématurés et utérus myoma-
teux.
volumineux par détournement du flux sanguin n’est
pas retrouvé dans la littérature : il est de 3,5 % dans Auteurs Pourcentage
d’accouchements
la série de Lopes30 et de 3,75 % dans la série de prématurés
Dilucca,8 soit un taux normal de RCIU dans une Dilucca (1981)8 14 %
population générale. Monnier et al. (1986)32 8,5 %
L’étude de Coronado retrouve des taux d’Apgar à Aharoni et al. (1988)1 17 %
5 minutes inférieurs à 7, plus fréquents (taux mul- Lopes et al. (1999)30 8,5 %
tiplié par 2,5) chez les nouveau-nés de mère por-
teuse d’utérus myomateux (95 % intervalle de
confiance [IC] 1,5-4,2) ; 1,9 fois plus de malforma- Tableau 5 Présentation fœtale et utérus myomateux.
tions (95 % IC 1,3-2,3) et deux fois plus d’enfants de
Auteurs Siège Transverse Sommet
poids inférieur à 2 500 g (95 % IC 1,5- 2,6). (%) (%) (%)
Mais il peut y avoir des biais de détection ; les Dilucca (1981)8 7,6 2,7 89,7
femmes chez lesquelles une complication obstétri- Monnier et al. (1986)32 4,7 6,5 84,7
cale est détectée vont avoir de multiples échogra- Lopes et al. (1999)30 10,9 3,6 81,2
phies et donc augmenter les possibilités de diagnos-
Fibrome et grossesse 133
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Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com
Résumé
La grossesse est actuellement largement autorisée au cours du lupus systémique (LS). La fertilité des femmes lupiques est superposable à celle
de la population générale bien que l’âge aux premières règles paraisse plus élevé. Certaines stérilités pourraient être imputables au lupus par le biais
d’une ovarite auto-immune ou des anticorps antiphospholipides (aPL). Ces derniers activeraient les cellules endothéliales et seraient thrombogènes
en jouant sur l’hémostase, en activant le complément, en inhibant la protéine C activée et l’annexine V. Ils seraient délétères pour l’implantation
embryonnaire en adhérant au trophoblaste, en inhibant l’invasion et l’extension dans la muqueuse utérine, en diminuant la sécrétion d’hCG.
La majeure partie des stérilités paraît secondaire à l’utilisation du cyclophosphamide et pourrait être prévenue par l’administration d’acétate
de leuprolide (analogue de la GnRH). La morbidité maternelle paraît liée à l’activité du lupus (contrôlée par la planification de la grossesse),
l’hypertension artérielle, la prééclampsie, le syndrome hemolysis, elevated liver enzymes, low platelets (HELLP), les traitements et les aPL.
L’hydroxychloroquine (HCQ) doit être maintenue pendant la grossesse. L’aspirine seule est prescrite devant des aPL asymptomatiques, et associée
à l’héparine en cas d’antécédents thrombotiques, ou obstétricaux survenus malgré l’aspirine. La morbidité fœtale et néonatale est influencée
par la prématurité, les effets secondaires de la corticothérapie maternelle et la présence d’anticorps anti-SSA maternels avec un risque de bloc
auriculoventriculaire congénital (BAVc) de 1 à 2 %. L’échographie-doppler obstétricale anormale est le meilleur facteur prédictif de l’issue de la
grossesse. Une anomalie de l’artère ombilicale au deuxième trimestre et un antécédent de phlébite sont prédictifs de mort fœtale ou néonatale. La
présence d’un notch sur les artères utérines au deuxième trimestre est prédictive d’une issue pathologique. Les modalités de la prise en charge de
la grossesse lupique sont actuellement bien codifiées en dehors du traitement préventif du BAVc qui reste à préciser.
© 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Abstract
Pregnancy is widely authorized in systemic lupus erythematosus (SLE). Fertility is similar in SLE and in the general population although the age
of menarche seems higher. Some cases of sterility might be attributed to SLE because of autoimmune ovaritis or antiphospholipid antibodies (aPL).
These antibodies might lead to endothelial activation and thrombosis by influencing homeostasis, complement activation, inhibition of protein C and
annexin V. They might have a deleterious effect on embryonic implantation by adhesion to the trophoblast, inhibition of invasion and placentation and
decreased hCG production. The most important part of sterility seems secondary to the use of cyclophosphamide and might be prevented by acetate
leuprolide administration. Maternal morbidity seems correlated to SLE activity (controlled by pregnancy planning), hypertension, preeclampsia,
Hemolysis, Elevated Liver Enzymes, Low Platelets (HELLP) syndrome, therapy and aPL. Hydroxychloroquine (HCQ) should be maintained
throughout pregnancy. Aspirin is prescribed alone in patients with asymptomatic aPL and in addition to heparin if there is a history of thrombosis or
fetal loss with aspirin. Fetal and neonatal morbidity correlate with prematurity, adverse effects or maternal steroid therapy and maternal anti-SSA
antibodies with 1 to 2% risk of congenital atrioventricular block. Abnormal obstetrical echography-doppler examination is the best predictor of
pregnancy outcome. Abnormal ombilical artery flow on the second trimester echodoppler examination and history of thrombophlebitis predict
fetal or neonatal death. Abnormal uterine notch on the second trimester echodoppler examination predicts adverse pregnancy outcome. Except for
the preventive therapy of congenital atrioventricular block, modalities of SLE pregnancy monitoring and therapy are now well established.
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∗ Auteur correspondant.
Adresse e-mail : du.boutin@psl.aphp.fr (D. Lê Thi Huong).
0248-8663/$ – see front matter © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.revmed.2008.05.016
726 D. Lê Thi Huong et al. / La Revue de médecine interne 29 (2008) 725–730
L’influence des hormones au cours du lupus systémique (LS) L’efficacité de l’héparine s’expliquerait par le blocage de la fixa-
est clairement établie. Elle est attestée par la prédominance fémi- tion des aPL sur la 2-GPI, par une action anti-inflammatoire et
nine de la maladie : 85 à 90 % des cas, avec une prévalence par une inhibition de l’activation du complément [5].
maximale pendant la période d’activité génitale. L’amélioration L’effet des aPL sur la nidation est moins clair. Les sou-
du pronostic, une meilleure connaissance des facteurs aggra- ris immunisées avec un anticorps anticardiolipide monoclonal
vants et des traitements ont conduit à autoriser plus largement sont plus souvent stériles et ont un nombre accru de fœtus
la grossesse, voire à proposer des techniques de procréation en résorption. Expérimentalement, les aPL se fixent sur la
médicalement assistée. 2-GPI adhérant aux phospholipides anioniques de la sur-
face des trophoblastes, inhibant l’invasion et leur extension
1. Fertilité dans la muqueuse utérine. Ils diminuent également la sécré-
tion d’hCG. Ces mécanismes seraient responsables d’une
La fertilité des femmes lupiques est réputée comparable implantation embryonnaire défectueuse, pouvant conduire à des
à celle de la population générale en dehors de l’aménorrhée situations de stérilité, par ailleurs, inexpliquées. L’héparine res-
accompagnant les poussées sévères. Dans une étude brésilienne, taure in vitro l’invasion placentaire et la différenciation des
l’âge aux premières règles de 23 jeunes femmes ou adolescentes trophoblastes incubés avec des aPL de manière dose dépendante,
lupiques s’est révélé plus élevé que dans la population générale augmente la mobilité des trophoblastes, joue sur l’adhésion et
(13,5 ± 1,4 ans versus 12,5 ± 1,3 ans) et était corrélé à la durée l’invasion des blastocystes dans l’endomètre [5]. En pratique, si
d’évolution de la maladie et à la dose cumulée de corticoïdes. le taux d’aPL est plus élevé chez les femmes stériles prises en
La fonction gonadique était normale chez 70 % des patientes, charge pour FIVETE, les études prospectives n’ont pas montré
sans lien retrouvé avec l’activité du lupus [1]. d’influence significative de ces aPL sur le taux d’implantation
Certains cas de stérilité pourraient être imputables à la mala- et le taux de grossesses [6].
die lupique. L’ovarite auto-immune paraît rare même si Pasoto Finalement, la plus grosse part des causes de stérilité paraît
et al. [2] ont trouvé des anticorps dirigés contre le corps jaune imputable à l’utilisation prolongée du cyclophosphamide. Après
chez 22 % de 87 lupiques de moins de 40 ans. Ces anticorps traitement par le cyclophosphamide intraveineux, le risque
étaient associés à une augmentation de la FSH, marqueur de d’aménorrhée est essentiellement fonction de l’âge : il varie de
dysfonction ovarienne. 12 %, avant 25 ans, à 62 %, après 30 ans [7]. L’effet protecteur
Les anticorps antiphospholipides (aPL), outre leur rôle dans des progestatifs et des analogues de la LHRH (acétate de leupro-
l’ischémie placentaire responsable de retard de croissance intra- lide, par exemple) est en cours d’évaluation [8]. Dans un essai
utérin et de fausse couche, ont aussi été incriminés dans des mené par Somers et al. chez des patientes lupiques traitées par
troubles de l’implantation embryonnaire au cours de fécondation cyclophosphamide [9], seule une femme sur 20 sous acétate de
in vitro avec transfert embryonnaire (FIVETE). Le mécanisme leuprolide a développé une ménopause précoce contre six sur
des pertes fœtales est sans doute le mieux connu. Elles seraient 20 dans le groupe placebo (p < 0,04). Les récentes publications
la conséquence d’une inflammation et d’une ischémie placen- montrant l’efficacité du mycophénolate mofétil, en première
taires. Les aPL activeraient les cellules endothéliales via la intention, dans la néphropathie lupique proliférative va sans
2-GPI adhérant aux phospholipides membranaires en indui- doute tendre à réduire le nombre de cures de cyclophosphamide
sant un phénotype procoagulant. Ils seraient thrombogènes en et/ou à réserver le cyclophosphamide aux échecs ou aux formes
jouant directement sur l’hémostase, en activant les fractions résistantes, limitant ainsi le risque d’infertilité [10].
C3 et C5 du complément et en inhibant la protéine C acti- Chez des femmes traitées pour stérilité, des poussées ont été
vée et l’annexine V [3]. L’annexine V est une protéine dotée signalées après une induction d’ovulation alors que le LS était
d’une puissante activité anticoagulante liée à sa haute affinité stabilisé ou méconnu. Toutefois, le risque de poussée paraît
pour les phospholipides anioniques et sa capacité à déplacer moindre avec le clomiphène qu’avec les gonadotrophines et
les facteurs de la coagulation des surfaces phospholipidiques. des grossesses, après fécondation in vitro planifiée, ont pu être
Elle est exprimée par les trophoblastes et abonde à la surface menées avec succès [4].
des microvillosités des syncytiotrophoblastes. Son expression
est considérablement diminuée au cours du syndrome des anti- 2. Grossesse et morbidité maternelle
phospholipides (SAPL). Expérimentalement, les aPL de classe
IgG diminuent la quantité d’annexine V sur les trophoblastes Au cours de la grossesse, la morbidité maternelle est liée à
et les cellules endothéliales et accélèrent les phénomènes de l’intrication de plusieurs facteurs : activité de la maladie lupique,
coagulation à la surface phospholipidique ainsi exposée des cel- prééclampsie, aPL et effets secondaires des thérapeutiques.
lules. La haute affinité des aPL pour les phospholipides ou les
complexes protéine–phospholipide (2-GPI, prothrombine. . .) 2.1. Activité de la maladie lupique
empêcherait l’annexine V de former une barrière protectrice vis-
à-vis des facteurs de la coagulation [4]. Mais, l’anticoagulation De nombreuses équipes ont confirmé la survenue de pous-
seule ne permet pas de prévenir les pertes fœtales : des études sées durant la grossesse et le postpartum avec une fréquence de
expérimentales sur la souris ont montré que l’hirudine et la l’ordre de 60 % des cas dans les études prospectives [11]. Les
fondaparine ne permettaient pas de prévenir les pertes fœtales poussées sont sévères dans 10 % des cas. Leur date de surve-
malgré une anticoagulation comparable à celle de l’héparine. nue est variable. Dans une enquête nationale menée sous l’égide
D. Lê Thi Huong et al. / La Revue de médecine interne 29 (2008) 725–730 727
de la Société nationale française de médecine interne (SNFMI), des grossesses ont pu être menées à terme chez des patientes
des poussées étaient présentes dans 27 % des cas dès le début lupiques en hémodialyse et après transplantation rénale [19]. En
de la grossesse. Parmi les 73 % de LS stables initialement, 26 % conclusion, il est possible d’obtenir une naissance vivante chez
sont devenus évolutifs pendant la grossesse et 7 % en postpar- une femme porteuse d’une néphropathie lupique sous réserve
tum [12]. Lorsque la grossesse est planifiée, le taux de poussée que la grossesse soit programmée, que la fonction rénale de base
reste de 27 %, mais les poussées sont généralement modestes. soit correcte (créatininémie inférieure ou égale à 100 mol/l),
Lorsqu’elles sont traitées, elles ne semblent pas avoir d’influence avec un risque de prééclampsie et d’accouchement prématuré
défavorable sur l’issue de la grossesse [13]. Notons qu’il a été qui reste toutefois non négligeable.
suggéré qu’une partie de ces poussées étaient liées à l’arrêt
de l’hydroxychloroquine (HCQ), ce traitement étant antérieure- 2.3. Traitements
ment considéré comme contre-indiqué au cours de la grossesse.
Il a longtemps été recommandé d’interrompre l’HCQ chez
2.2. Prééclampsie, syndrome HELLP, atteinte rénale les femmes enceintes. Cela découlait de l’observation de cas de
toxicité rétinienne et auditive chez l’animal et chez l’homme lors
Il peut être difficile de différencier prééclampsie et poussée de l’exposition in utero à la chloroquine. Néanmoins, compte
lupique, ces situations pouvant d’ailleurs coexister. Le syn- tenu de la longue demi-vie de l’HCQ et de son passage trans-
drome hemolysis, elevated liver enzymes, low platelets (HELLP) placentaire [20], cette attitude n’assurait pas une protection
peut d’ailleurs être amélioré par la corticothérapie [14]. En pra- totale vis-à-vis d’éventuels effets secondaires. En outre, la gros-
tique, l’association à des manifestations lupiques extrarénales, sesse constituant en elle-même un facteur de risque de poussée
la baisse des fractions C3 et C4 du complément sont de bons élé- lupique, il est vite apparu que l’arrêt de l’HCQ pouvait être
ments distinctifs, d’autant qu’une augmentation physiologique délétère tant pour la mère que pour l’enfant [21].
du complément est attendue au cours de la grossesse. Actuellement, même si le nombre rapporté de grossesses sous
L’atteinte rénale conditionne la mortalité maternelle. HCQ est encore insuffisant pour éliminer formellement une dis-
L’enquête de la SNFMI a relevé deux décès par infection oppor- crète augmentation du risque fœtal, le caractère très rassurant
tuniste chez des femmes porteuses d’un syndrome néphrotique des données publiées [22,23] et le risque démontré de poussée à
lié à une glomérulonéphrite proliférative diffuse [12]. Chez les l’arrêt de ce traitement conduisent à recommander de maintenir
femmes porteuses d’une insuffisance rénale chronique, la gros- l’HCQ chez les femmes enceintes lupiques [24,25]. Les concen-
sesse peut aggraver la fonction rénale et majorer le risque de trations d’HCQ trouvées dans le lait maternel étant très basses
prééclampsie avec ses risques fœtomaternels (retard de crois- comparées à celles présentes dans le sang du cordon ombilical,
sance). Le taux de naissance vivante dans ce contexte varie de 20 il ne semble pas logique de contre-indiquer l’allaitement lorsque
à 95 % et dépend de la créatininémie de base. Dans notre expé- l’HCQ a été maintenue pendant la grossesse [20].
rience, lorsque la grossesse était programmée (n = 25), l’issue La prednisone et la prednisolone ne traversent pas la barrière
de la grossesse comportait 20 naissances vivantes (14 préma- placentaire contrairement à la bétaméthasone et la dexamétha-
turées) et cinq fausses couches. Une prééclampsie est survenue sone. L’utilisation de fortes doses de corticoïdes majore le risque
dans trois cas et une poussée rénale dans deux cas. Il n’y a pas infectieux (cf. infra).
eu d’altération durable de la fonction rénale [15]. Dans l’étude L’utilisation d’immunosuppresseurs, rare durant la grossesse,
de Soubassi et al. [16], sur 24 grossesses chez 22 femmes, 18 ne semble pas majorer la morbidité et la mortalité fœtales et
naissances vivantes ont été obtenues dont 14 prématurées. Une infantiles, mais leur innocuité à long terme n’est pas établie.
prééclampsie est survenue dans 25 % des cas, une protéinu- Le méthotrexate, le mycophénolate mofétil et le cyclophospha-
rie dans la moitié des cas, irréversible dans quatre cas sur 12. mide sont tératogènes. En cas d’absolue nécessité, le recours
Aucune mort maternelle n’a été observée. Comparant l’issue à l’azathioprine est possible. La cyclosporine a pu être utili-
des grossesses en fonction du type de néphropathie, Carmona sée sans effet tératogène dans quelques observations [26]. Il
et al. [17] n’ont pas trouvé de différence significative en ce en est de même des immunoglobulines à fortes doses et des
qui concerne l’issue de la grossesse et l’âge gestationnel entre échanges plasmatiques qui posent des problèmes particuliers
les femmes porteuses d’une néphropathie de classe III ou IV d’hémodynamique.
(groupe 1 : 42 grossesses chez 35 femmes), II ou V (groupe 2 :
12 grossesses chez dix femmes) ou exemptes de néphropathie 3. Morbidité fœtale et néonatale
(groupe 3 : 54 femmes). Cependant, l’hypertension et la pré-
éclampsie étaient plus fréquentes (37 %) dans le groupe 1 que La morbidité fœtale et néonatale est influencée par trois
dans les groupes 2 et 3 (11 %) et le poids à la naissance plus bas. facteurs : prématurité, effets secondaires de la corticothérapie
Comparant 78 grossesses chez 53 femmes ayant une néphropa- maternelle et présence d’anticorps anti-SSA maternels.
thie lupique à 78 patientes lupiques non enceintes avec atteinte
rénale, Tandon et al. [18] ont constaté l’absence de différence en 3.1. Prématurité
termes de survenue d’une détérioration de la fonction rénale et
une incidence de poussée rénale similaire entre les deux groupes Le taux de survie fœtale (après exclusion des interruptions de
(45 % versus 42 %). Une aggravation persistante de la fonction grossesse et des avortements précoces) varie de 56 à 100 % selon
rénale était observée dans moins de 5 % des cas. Notons que les séries, se situant aux environs de 60 % avant les années 1980
728 D. Lê Thi Huong et al. / La Revue de médecine interne 29 (2008) 725–730
et au-delà de 80 % dans les études plus récentes. La diminution Sjögren primaire ou une connectivite indifférenciée dont la
des pertes fœtales s’est accompagnée d’une augmentation de la symptomatologie clinique se limite souvent à un syndrome sec
prématurité avec un taux de 63 % dans l’étude de la SNFMI, buccal et oculaire ou à quelques arthralgies. En revanche, les
chiffre stable malgré la planification de la grossesse [12]. mères d’enfants ayant une manifestation cutanée de lupus néo-
Nous avons tenté de préciser les facteurs prédictifs (cliniques, natal sont plus fréquemment symptomatiques et semblent avoir
biologiques ou échographiques) de l’issue de la grossesse dans une pathologie plus proche du LS, avec possibilité d’atteintes
une série de 100 grossesses chez des femmes porteuses d’un rénales. Au cours du suivi (allant de 3,7 à 15,8 ans selon les
LS et/ou syndrome des antiphospholipides [27]. Une anoma- études), 21 à 61 % des mères d’enfants ayant un BAVc restent
lie du doppler de l’artère ombilicale sur l’échographie-doppler asymptomatiques versus 13 à 25 % des mères d’enfants ayant
du deuxième trimestre (p = 0,047) et un antécédent de phlébite eu un lupus néonatal cutané [30].
(p = 0,018) sont apparus prédictifs de mort fœtale ou néona- Le risque de lupus néonatal serait d’autant plus élevé que
tale. En analyse multivariée, la présence d’un notch sur un ou les mères présentent l’antigène HLA A1, B8, DR3, MB2 et
deux artères utérines sur l’échographie-doppler du deuxième tri- MT2, et que les anticorps anti-SSA sont de type 52 kd et
mestre était le seul facteur prédictif d’issue pathologique de la associés aux anti-SSB de type 48 kd. La présence d’anticorps
grossesse (p = 0,001). Une équipe italienne a confirmé l’intérêt anti-idiotypiques dirigés contre les anticorps anti-SSB protége-
de l’échographie-doppler obstétricale dans l’identification des rait le fœtus en bloquant les auto-anticorps maternels pathogènes
grossesses à haut risque dans une série de 40 grossesses chez [32]. Les discordances de survenue de BAVc au sein de paires
des femmes atteintes de diverses maladies systémiques [28]. de jumeaux monozygotes indiquent que d’autres facteurs encore
inconnus entrent en jeu.
3.2. Les effets secondaires de la corticothérapie maternelle Concernant le traitement préventif du BAVc, en raison du
risque faible chez une femme sans antécédent (1 à 2 %), le
La prednisone ne traversant pas la barrière placentaire, consensus tend vers l’abstention thérapeutique. Chez les femmes
le risque d’insuffisance surrénalienne néonatale est théorique. ayant eu précédemment un enfant atteint, le risque de récidive
En revanche, ce risque est attendu en cas de prescription de du BAVc est de 10 à 17 % et les modalités de traitements non
bétaméthasone et/ou de dexaméthasone [29] dont le passage définies [30]. L’efficacité de la prednisone n’est pas établie et
transplacentaire est utilisé pour traiter les fœtus in utero dans les corticoïdes fluorés sont associés à un risque fœtal [29]. Les
le cadre du bloc auriculoventriculaire congénital (BAVc). immunoglobulines intraveineuses dans cette indication sont en
L’utilisation de corticoïdes s’accompagne d’un risque infec- cours d’évaluation. Ces patientes doivent bénéficier d’une sur-
tieux. L’enquête de la SNFMI a noté cinq cas d’infections veillance échographique du cœur fœtal tous les 15 jours (toutes
néonatales sévères : quatre septicémies et un cas de toxo- les semaines en cas d’antécédent de BAVc) de la seizième à la
plasmose congénitale [12]. Le risque de réactivation d’une vingt-quatrième semaine d’aménorrhée de façon à dépister au
toxoplasmose maternelle sous l’effet de la corticothérapie jus- plus tôt une anomalie de la conduction afin d’instituer une corti-
tifie de surveiller les taux sériques et, s’ils sont ascendants ou cothérapie par la bétaméthasone dont l’efficacité reste cependant
même stables mais élevés, de proposer un traitement prophy- variable [30]. Des propositions thérapeutiques ont été établies
lactique et de rechercher une infection par l’analyse du placenta dans l’observatoire français des grossesses avec anticorps anti-
et du sang du cordon, voire de discuter un diagnostic anténatal. SSA/Ro et sont disponibles sur simple demande1 .
Lorsque la grossesse est planifiée, le taux d’infection néonatale
de 4 % est similaire à celui de la population générale [13]. 4. Syndrome des antiphospholipides
dans 63 à 100 % des cas à la naissance d’un enfant vivant. Divers daire et a permis, sur un collectif de 62 grossesses ainsi
protocoles ont été proposés, utilisant à des degrés variables planifiées :
l’aspirine à dose antiagrégante, l’héparine, la corticothérapie,
les immunoglobulines intraveineuses et les échanges plasma- • d’observer un taux de naissances vivantes, après exclusion
tiques. Deux études contrôlées ont montré que la corticothérapie, des avortements précoces et des interruptions thérapeutiques
en association à l’aspirine, bien qu’ayant une efficacité simi- de grossesse, de 96 %, ce qui est proche de la population
laire à l’héparine ou l’aspirine seule, exposait à un risque plus générale ;
élevé de rupture prématurée des membranes et de prééclamp- • d’augmenter le taux de naissances vivantes chez les femmes
sie [34,35]. Elle n’a donc pas d’indication en première intention ayant des antécédents de grossesse pathologique ;
dans le SAPL primaire. Des phlébites étant survenues au cours de • d’obtenir un taux de naissances vivantes similaire chez les
grossesses traitées par aspirine, voire sous héparine à doses pro- multipares et chez les nullipares, chez les femmes qui avaient
phylactiques, l’héparine doit donc être prescrite sans discussion, eu un lupus sévère et bénin.
en première intention et à doses efficaces en cas d’antécédents
thrombotiques qu’ils soient veineux ou artériels, associée à Cela se fait au prix d’un taux de prématurité encore élevé avec
l’aspirine à dose antiagrégante plaquettaire. Deux essais [36,37] un taux de morbidité et de mortalité néonatale proche de celui
ont montré la supériorité de l’association héparine plus aspirine de la population générale. Le dépistage d’une anomalie clinique
sur l’aspirine seule. Dans l’étude de Rai et al. [36], l’héparine ou biologique, suggestive d’une poussée lupique, doit conduire
était arrêtée à la trente-quatrième semaine d’aménorrhée. Nous à l’adaptation des doses de corticoïdes. Les poussées sont, en
pensons qu’elle doit être uniquement suspendue pour permettre règle générale, accessibles à l’augmentation de la corticothéra-
l’anesthésie péridurale de l’accouchement et réinstituée aussi- pie et ne justifient pas l’interruption thérapeutique de grossesse.
tôt après en raison de risque thrombotique de la grossesse et Lorsqu’il paraît impossible de différencier une poussée lupique
du postpartum [38]. Les héparines de bas poids moléculaires d’une prééclampsie, le traitement doit être mené sur plusieurs
ont été utilisées dans la prévention des thromboses au cours de fronts : augmentation de la corticothérapie, repos, mise en route
grossesses à haut risque. Elles offrent l’avantage, par rapport ou adaptation du traitement antihypertenseur, voire discussion
à l’héparine non fractionnée, d’une meilleure biodisponibilité, d’une extraction en fonction du terme.
d’une demi-vie plus longue avec un risque moins élevé de throm-
bopénie et peut-être d’ostéoporose.
En pratique, nous prescrivons l’aspirine seule en première Références
intention en l’absence d’antécédents thrombotiques et obsté-
[1] Silva CA, Leal MM, Leone C, Simone VP, Takiuti AD, Saito MI, et al.
tricaux devant des aPL asymptomatiques. L’héparine à dose Gonadal function in adolescents and young women with juvenile systemic
anticoagulante est associée à l’aspirine en première inten- lupus erythematosus. Lupus 2002;11:419–25.
tion en cas d’antécédents thrombotiques. L’héparine à dose [2] Pasoto SG, Viana VS, Mendonca BB, Yoshinari NH, Bonfa E. Anti-corpus
isocoagulante est associée à l’aspirine en cas d’antécédents luteum antibody: a novel serological marker for ovarian dysfunction in
obstétricaux survenus malgré l’aspirine. Ces modalités sont systemic lupus erythematosus ? J Rheumatol 1999;26:1087–93.
[3] Pierangeli SS, Girardi G, Vega-Ostertag M, Liu X, Espinola RG, Salmon J.
adaptées au caractère « précieux » de la grossesse (âge maternel Requirement of activation of complement C3 and C5 for antiphospholipid
élevé, procréation médicalement assistée. . .). Un échec amène antibody-mediated thrombophilia. Arthritis Rheum 2005;52:2120–4.
à discuter l’adjonction d’immunoglobulines intraveineuses dont [4] Le Thi Huong D, Wechsler B, Piette JC. Induction d’ovulation, lupus et
l’indication est affaire de services spécialisés. antiphospholipides. Rev Med Interne 2001;22:111–7.
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5. En pratique [6] Backos M, Rai R, Regan L. Antiphospholipid antibodies and infertility.
Hum Fertil (Camb) 2002;5:30–4.
La grossesse peut actuellement être envisagée de façon [7] Le Thi Huong D, Amoura Z, Duhaut P, Sbai A, Costedoat N, Wechsler B, et
plus sereine lorsque le LS est stable depuis un an. Il s’agit al. Risk of ovarian failure and fertility after intravenous cyclophosphamide.
toutefois d’une grossesse à risque qui demande une collabo- A study in 84 patients. J Rheumatol 2002;29:2571–6.
[8] Manger K, Wildt L, Kalden JR, Manger B. Prevention of gonadal toxicity
ration entre les différents intervenants : interniste, néphrologue and preservation of gonadal function and fertility in young women with
et gynécologue-obstétricien. La consultation préconceptionnelle systemic lupus erythematosus treated by cyclophosphamide: the PREGO
est fondamentale pour identifier les contre-indications devenues study. Autoimmun Rev 2006;5:269–72.
rares, estimer au mieux le risque individuel, le passé obstétri- [9] Somers EC, Marder W, Christman GM, Ognenovski V, McCune WJ. Use of
cal et les facteurs de mauvais pronostic, apprécier l’évolutivité, a gonadotropin-releasing hormone analog for protection against premature
ovarian failure during cyclophosphamide therapy in women with severe
mettre en route une surveillance multidisciplinaire, instaurer lupus. Arthritis Rheum 2005;52:2761–7.
d’éventuels traitements, interrompre les éventuels médicaments [10] Moore RA, Derry S. Systematic review and meta-analysis of randomi-
tératogènes, informer du déroulement de la grossesse et des sed trials and cohort studies of mycophenolate mofetil in lupus nephritis.
éléments d’alarme. Nous proposons une surveillance au moins Arthritis Res Ther 2006;8:R182.
mensuelle, le maintien de l’HCQ et de la corticothérapie, [11] Le Thi Huong D, Wechsler B, Piette JC. Rein, lupus et grossesse. Rev Med
Interne 2002;23:813–8.
associés à de l’aspirine à doses antiagrégantes tant pour un [12] Le Thi Huong D, Wechsler B, Piette JC, Bletry O, Godeau P.
SAPL éventuel que pour diminuer le risque éclamptique. Cette Registre français des grossesses lupiques. Le bilan. Rev Med Interne
politique d’anticipation peut être considérée sans effet secon- 1994;15:305–17.
730 D. Lê Thi Huong et al. / La Revue de médecine interne 29 (2008) 725–730
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Revue du Rhumatisme 72 (2005) 739–743
http://france.elsevier.com/direct/REVRHU/
L’amélioration de la polyarthrite rhumatoïde (PR) lors de [2]. Toutefois, les questions du HAQ portant sur la mobilité
la grossesse est décrite depuis plus de 50 ans et, pourtant, et la souplesse ne sont probablement pas adaptées à la femme
l’influence des facteurs hormonaux sur les rhumatismes enceinte [3].
inflammatoires et, à l’inverse, celle de la grossesse sur l’évo- L’influence de la grossesse sur les manifestations extra-
lution de la PR, reste encore mal connue. Que pouvons-nous articulaires n’est pas connue. De façon très anecdotique, il a
dire aujourd’hui à une femme souffrant d’un rhumatisme été rapporté, dans une étude prospective de 12 femmes encein-
inflammatoire chronique et désirant avoir un enfant ? tes atteintes de PR, une diminution des nodules rhumatoïdes
et des adénopathies périphériques durant la grossesse [4].
Les rémissions complètes sont plus rares, et sont obser-
1. Polyarthrite rhumatoïde et grossesse vées chez 16 à 65 % des patientes selon les études et selon la
définition de la rémission [1,2]. Un traitement actif reste le
L’amélioration de la PR durant la grossesse a été pour la plus souvent nécessaire pendant toute la durée de la gros-
première fois observée en 1938 par Hench et confirmée, par sesse.
la suite, dans de nombreuses études, le plus souvent rétros- L’amélioration de la PR au cours des grossesses n’est,
pectives [1]. Cette amélioration survient chez environ trois cependant, pas constante. Chez un tiers des patientes, l’acti-
patientes sur quatre, habituellement de façon précoce, au cours vité de la PR ne sera pas modifiée. Plus rarement, les dou-
du premier trimestre de la grossesse, et persiste ou s’accen- leurs articulaires peuvent s’accentuer.
tue au cours des deuxième et troisième trimestres. Elle peut Il n’existe pas de facteurs prédictifs connus de l’évolution
apparaître plus tardivement, au cours du second trimestre chez de la maladie pendant la grossesse. Aucune relation entre
20 % des patientes et durant le 3e trimestre chez 5 %. Les l’activité de la polyarthrite pendant la grossesse et l’âge de la
douleurs articulaires, la raideur matinale et des synovites vont mère, la parité, la durée de la maladie, les facteurs rhumatoï-
progressivement s’atténuer. La diminution du handicap fonc- des, le handicap fonctionnel initial, le sexe du fœtus ou le
tionnel, évaluée par le Health Assessment Questionnaire poids du placenta n’a été constatée [5]. Il est admis que l’évo-
(HAQ) semble plus discutable. Dans une large étude prospec- lution de la PR lors des grossesses ultérieures sera souvent
tive de 140 femmes souffrant de polyarthrite, dont 95 PR selon identique à celle observée lors de la première grossesse.
les critères de l’ACR, les variations du HAQ avant et pendant
la grossesse étaient faibles, avec une diminution moyenne de 1.1. L’effet de la PR sur le déroulement de la grossesse
0,2 point, et de très grandes variations d’une femme à l’autre
La présence d’une polyarthrite n’a pas de conséquence
majeure sur le déroulement de la grossesse. Il n’est pas décrit
Adresse e-mail : aleth.perdriger@chu-rennes.fr (A. Perdriger). d’augmentation des complications obstétricales, d’avorte-
1169-8330/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.rhum.2005.04.004
740 A. Perdriger / Revue du Rhumatisme 72 (2005) 739–743
ments spontanés, de prééclampsies ou de prématurité, en indirects, une grande étude rétrospective réalisée à partir d’une
dehors de quelques cas isolés [1,5]. Le pronostic fœtal est cohorte de 63 090 femmes suivies dans un programme de
identique à celui des femmes sans PR, que la maladie sur- dépistage d’un cancer du sein [9]. Chez les patientes décé-
vienne avant ou après la grossesse. Seuls, les cas de polyarth- dées, le diagnostic de PR était retenu s’il était mentionné sur
rite sévère avec vascularite sont susceptibles d’entraîner un le certificat de décès. Le taux de mortalité dans la PR était
retard de croissance fœtale. L’influence d’une atteinte des arti- inversement proportionnel à la durée totale de l’allaitement.
culations coxofémorales sur l’accouchement est soulignée, Dans cette étude, aucune influence de la parité sur le taux de
pouvant rendre parfois nécessaire la césarienne, mais cela mortalité des PR n’a été observée.
n’est pas constant. Une attention particulière doit être appor-
tée à l’atteinte du rachis cervical qui peut rendre difficile 1.4. Grossesse et incidence de la PR
l’anesthésie ou l’intubation [5].
L’apparition des premiers symptômes de PR dans les sui-
1.2. L’évolution de la PR dans le post-partum tes d’un accouchement est également connue de longue date.
En 1953, une analyse rétrospective de 732 PR féminines mon-
Une reprise de l’activité de la PR va survenir, chez 90 % trait que les premières manifestations articulaires étaient appa-
des femmes, dans l’année qui suit l’accouchement [1]. La rues dans l’année qui suivait un accouchement chez 71 patien-
poussée douloureuse articulaire survient le plus souvent entre tes [10]. Il est difficile de déterminer l’incidence exacte de la
la 4e et la 6e semaine mais peut être plus tardive. Environ 9 % PR dans cette période du post-partum, en l’absence de suivi
des patientes vont s’aggraver dans les quinze premiers jours, d’une cohorte importante de femmes enceintes. Avec une
17 % entre la 2e et la 4e semaines, 27 % entre la 4e et la 6e méthodologie originale, Silman et al. [11] ont étudié l’in-
semaines, 12 % entre la 6e et la 8e semaines, et 35 % après fluence des antécédents obstétricaux sur la survenue de la PR
huit semaines. Au final, les femmes retrouvent l’état d’acti- en comparant la date d’apparition de la maladie chez 88 fem-
vité de la maladie qui était présent avant la grossesse, quel mes présentant une polyarthrite évoluant depuis moins de
que soit le degré d’amélioration ressenti pendant la gros- deux ans, avec une date théorique de survenue de la maladie
sesse. Une rechute douloureuse est également observée dans chez 144 femmes sans PR appariées en âge. Les auteurs ont
les suites d’un avortement. L’influence de l’allaitement ou de ainsi observé une diminution de l’incidence de la maladie
la date du retour des couches n’est pas clairement établie [1]. durant la grossesse, avec un odd ratio théorique de 0,3, et une
augmentation de la survenue de la PR dans les trois mois
1.3. Influence de la grossesse sur l’histoire de la PR suivant le post-partum, avec un odd ratio (OR) théorique de
5,6 (IC 95 % 1,8–17,6). Dans les neuf mois suivant l’accou-
L’influence des grossesses sur l’évolution à long terme de chement, le risque diminuait à 2,6. La présence d’une séro-
la PR n’est pas connue avec certitude. L’évolution de la mala- logie rhumatoïde positive avant la grossesse pourrait être un
die pourrait être plus sévère en fonction du nombre de gros- facteur pronostique de survenue d’une PR dans le post-
sesses [6]. La sévérité de la maladie, évaluée sur des critères partum [12]. Le rôle favorisant de l’allaitement dans l’aug-
cliniques et radiologiques, a été analysée en fonction des anté- mentation de l’incidence de la PR a été observé. Dans un
cédents obstétricaux chez 176 femmes qui avaient débuté leur travail rétrospectif [13], la fréquence de l’allaitement mater-
PR après avoir eu au moins un enfant. La PR est apparue nel a été comparée entre 187 femmes qui avaient développé
d’autant plus sévère que les femmes avaient eu au moins trois une PR dans les 12 mois suivant un accouchement et 149 fem-
enfants et que la période totale de l’allaitement était supé- mes, appariées en âge, qui avaient eu une grossesse sans poly-
rieure à six mois. Ce résultat n’a cependant pas été confirmé arthrite. L’apparition de la PR était plus fréquente chez les
dans deux autres études [7,8]. Aucune influence de la parité femmes qui avaient allaité, avec un OR à 5,4 (IC 95 % 2,5–
sur la progression du score de Sharp modifié n’a été observée 11,4), surtout après une première grossesse. Le risque était
dans une étude analysant le score radiographique de 113 PR plus modéré après la seconde grossesse avec un OR à 2, et
en fonction de leurs antécédents obstétricaux [7]. Les anté- nul après une troisième grossesse (OR : 0,6). L’influence de
cédents de fausse-couche étaient, cependant, significative- l’allaitement sur l’incidence de la PR n’est pas toujours retrou-
ment associés à un score plus important de destruction arti- vée. Dans une étude rétrospective des facteurs de risque obs-
culaire. tétricaux chez 179 PR, un rôle protecteur de l’allaitement sur
La grossesse pourrait même protéger contre la dégrada- la survenue de la PR a, à l’inverse, été constaté [14].
tion radiologique. Cent trente-deux PR récentes ont été sui-
vies pendant 12 ans et comparées entre elles selon les événe- 1.5. PR et parité
ments obstétricaux. La dégradation articulaire et la
progression du HAQ étaient moins importantes chez les fem- La PR serait-elle associée à des difficultés pour avoir des
mes qui avaient eu au moins une grossesse, surtout si la gros- enfants ? Les études sur le nombre d’enfants de femmes souf-
sesse était survenue avant le début de la PR [8]. frant d’une PR sont d’interprétation difficile. De nombreux
L’allaitement pourrait également être un facteur de moin- facteurs subjectifs, et en particulier les douleurs ou la crainte
dre sévérité de la PR, comme le montre, avec des arguments de l’avenir, peuvent perturber la vie familiale ou sexuelle des
A. Perdriger / Revue du Rhumatisme 72 (2005) 739–743 741
femmes [15]. La PR ne semble pourtant pas associée à une d’androgène, survenant au cours des phases lutéales et
diminution de la fertilité. L’analyse du nombre d’enfants chez folliculaires du cycle ovarien [25]. Le taux sérique de testos-
des femmes avec ou sans PR ne montre pas de différence térone dans les PR masculines est plus faible que chez les
significative [16]. En revanche, la fécondité est probable- hommes sans PR [19,24]. Les taux sériques de déhydroépian-
ment diminuée dans la PR. La durée nécessaire pour être drostérone (DHEA) et de déhydroépiandrostérone sulfate
enceinte est significativement plus longue chez les femmes (DHEAs) sont significativement diminués chez les femmes
avec une PR que chez des femmes sans PR [7,17]. Les rai- souffrant de PR. Cette diminution est en relation avec une
sons de cette altération de la fécondité ne sont pas connues, plus grande activité de la maladie [24]. L’apport de DHEA
et pourraient être secondaires à des déséquilibres hormo- chez les femmes après la ménopause n’a cependant aucune
naux. influence sur l’activité de la PR [26].
L’augmentation du taux sérique de la prolactine pourrait
1.6. PR et exposition hormonale également jouer un rôle dans les poussées du post-partum
[27]. Pendant la grossesse, le taux de prolactine pourrait être
Il existe des faisceaux d’arguments pour évoquer un rôle compensé par des sécrétions de cortisol. Après la grossesse,
protecteur vis-à-vis de la PR d’une exposition prolongée à surtout si la femme allaite, un taux élevé de prolactine asso-
certaines hormones sexuelles. Au long terme, la survenue cié à une diminution de la cortisolémie conduirait à l’appari-
tion de la poussée de la maladie [19].
d’une PR serait moins fréquente chez les femmes qui ont eu
des grossesses. Dans une étude rétrospective, les antécédents 1.7.2. Hormones et cytokines au cours de la PR
gynécologiques et obstétricaux de 135 femmes souffrant L’équilibre hormonal joue un rôle important dans le
d’une PR depuis deux et cinq ans ont été comparés à ceux de contrôle de la réponse immunitaire [28–30]. Les androgènes
373 femmes souffrant de différentes pathologies rhumatis- ont une action suppressive sur les réponses immunitaires cel-
males non inflammatoires [18]. Le risque de survenue d’une lulaire et humorale. La progestérone favorise une réponse lym-
PR était d’autant plus faible que la durée de la contraception phocytaire T anti-inflammatoire, de type Th2, indispensable
estroprogestative était longue et que la femme avait eu des au maintien de la grossesse [28]. L’action des estrogènes sur
enfants, surtout si le nombre des grossesses était égal ou supé- la réponse immunitaire est variable selon leurs taux sériques.
rieur à 3. Le rôle protecteur de la contraception estroproges- À forte concentration, les estrogènes favorisent une réponse
tative sur l’incidence de la PR a fait l’objet de nombreuses de type Th2 et aux concentrations physiologiques, une réponse
controverses. Il est actuellement admis que, si ce rôle protec- plutôt Th1 [29]. La réponse immunitaire de type Th2 contri-
teur existe, il est faible [19]. La contraception hormonale pour- bue à l’induction d’une tolérance immunitaire qui permet à la
rait cependant retarder la date d’apparition d’une PR [20]. mère de tolérer la semi-allogreffe que représente le fœtus
Les traitements hormonaux substitutifs n’ont pas d’influence [31,32]. La prédominance d’une réponse immunitaire de type
sur l’activité d’une polyarthrite existante [21] et n’augmente Th2, et en particulier la sécrétion d’interleukine 10 (IL-10)
pas l’incidence de la PR chez les femmes ménopausées [22]. pendant la grossesse est indispensable à la survie in utero du
Un déséquilibre hormonal serait susceptible d’influencer fœtus et dans la défense contre les avortements. Au cours de
l’apparition d’une PR. Certaines publications font état d’une la grossesse de femmes souffrant de PR, il existe une aug-
augmentation de pathologies ovariennes chez les femmes en mentation des taux sériques des interleukines de type Th2 et,
âge de procréer [23] ou chez des femmes ménopausées [22]. en particulier, de l’interleukine 1 récepteur antagoniste (IL1-
Ra), du récepteur soluble du TNF (TNFRs) ainsi que d’un
1.7. Influence de la grossesse sur l’apparition de la PR marqueur des lymphocytes T de type Th2, le CD30 soluble
(CD30s) [33]. La réponse de type Th1, qui favorise l’appari-
De nombreuses interprétations ont été avancées pour expli- tion de la PR, est probablement atténuée pendant la grossesse
quer l’influence de la grossesse sur la PR, et une conjonction au profit d’une réponse Th2, ce qui entraînerait une diminu-
de différents facteurs est probable. tion de l’activité de la maladie [34]. La prolactine, par son
activité pro-inflammatoire pourrait favoriser les poussées du
1.7.1. Hormones et PR post-partum [29].
L’influence de facteurs hormonaux semble légitime, mais 1.7.3. Galactosylation des IgG
elle est difficile à mettre en évidence. L’augmentation des Des variations dans la galactosylation des immunoglobu-
différentes hormones observées pendant la grossesse est dif- lines G ont également été observées pendant la grossesse.
ficilement comparable d’une patiente à l’autre, en raison des Dans la polyarthrite, il existe une diminution des résidus galac-
phénomènes d’hémodilution qui rendent l’interprétation des toses à la surface des immunoglobulines G. Cette anomalie,
résultats difficiles. Il ne semble cependant pas exister de dif- acquise, disparaît lors de la grossesse et semble associée à
férence dans les taux sériques de base des estrogènes ou de la une amélioration de l’activité de la maladie [1,35].
progestérone chez les femmes avec ou sans PR [24]. Un désé-
quilibre dans la production des différentes hormones sexuel- 1.7.4. Rôle du système HLA
les a cependant été observé. Dans la PR, Il pourrait exister un Des mécanismes de tolérance immunitaire induite par les
déficit relatif dans les taux sériques de progestérone et molécules HLA du fœtus ont également été évoqués [36].
742 A. Perdriger / Revue du Rhumatisme 72 (2005) 739–743
Dans la grossesse, la présence d’un fœtus avec un haplotype spondylarthrite (SPA) et les modifications ligamentaires et
HLA différent de celui de la mère semble associée à des rémis- posturales induites par la grossesse pourraient concourir à
sions de la maladie. l’augmentation des rachialgies [45]. Des poussées d’arthrites
périphériques peuvent également être observées mais elles
sont plus rares [42,43]. Les complications oculaires ne sont
2. Arthrite chronique juvénile et grossesse pas influencées par la grossesse mais, en revanche, des amé-
liorations du psoriasis cutané [44] ou des inflammations du
Quelques travaux se sont intéressés aux grossesses surve- tube digestif sont observées [42]. La grossesse n’est pas
nant chez des jeunes femmes qui avaient souffert d’une arth- influencée par la SPA et le pronostic fœtal est identique à
rite chronique juvénile (ACJ) [37–40]. Les résultats sont celui d’une femme sans SPA. L’accouchement par voie basse
superposables à ceux observés dans la PR de l’adulte. Chez peut être difficile s’il existe une atteinte des articulations coxo-
les patientes qui ont une arthrite active au moment de la gros- fémorales. La fréquence des césariennes est augmentée dans
sesse, une amélioration des douleurs est observée dans envi- la SPA [43].
ron 60 % des cas, le plus souvent en début de grossesse. Chez L’augmentation des douleurs dans le post-partum est beau-
les patientes qui ont une arthrite non active, la maladie reste, coup moins fréquente que dans la PR. Une diminution des
le plus souvent quiescente pendant toute la durée de la gros- douleurs rachidiennes est même parfois observée de façon
sesse [37,39]. L’amélioration est plus fréquente dans les for- transitoire après l’accouchement. Une aggravation de la SPA
mes de la maladie à début polyarticulaire (59 %) que dans les est observée chez environ 50 % des patientes dans les six
formes oligoarticulaires (36 %) ou dans la maladie de Still mois suivant la grossesse. L’activité de la SPA redeviendra
(29 %) [37]. L’aggravation des douleurs en début de gros- ensuite celle qui était présente avant l’accouchement [43].
sesse est plus fréquemment rapportée que dans la PR de
l’adulte, mais les atteintes articulaires disparaissent le plus
souvent en fin de grossesse. L’arrêt complet de tout traite- 4. Conclusion
ment de l’AJI n’est cependant pas toujours possible [37]. Les
manifestations extra-articulaires, en particulier les uvéites La grossesse est un moment privilégié chez les femmes
chroniques, ne sont pas aggravées [37] et peuvent même souffrant d’une PR, pendant laquelle les douleurs s’atté-
s’améliorer [39]. Un accouchement par césarienne peut être nuent, sans pour autant disparaître totalement. Un traitement
nécessaire s’il existe une atteinte du bassin ou des articula- reste le plus souvent nécessaire. En revanche, dans la SPA,
tions coxofémorales [41], ou s’il existe des atteintes oculai- les douleurs rachidiennes peuvent augmenter. L’influence à
res avec un risque de décollement de la rétine. La fréquence long terme des grossesses sur l’activité des rhumatismes
des accouchements par césarienne n’est pas augmentée dans inflammatoires reste mal connue, mais il n’existe aucun argu-
l’AJI. ment pour déconseiller une grossesse chez une femme souf-
Le post-partum s’accompagne assez souvent d’une pous- frant d’une telle affection. Une recrudescence des douleurs
sée de la maladie, dans les trois à six mois après la grossesse. survient chez la majorité des patientes dans le post-partum.
Les femmes retrouvent l’état clinique qui était le leur avant la Cette poussée douloureuse semble favorisée par les varia-
grossesse. Cette aggravation de l’arthrite peut également sur- tions des taux des hormones sexuelles, mais peut-être égale-
venir lorsque l’AJI n’est pas active en début de grossesse. La ment par l’augmentation des activités liée à la présence d’un
poussée douloureuse est le plus souvent transitoire [37]. enfant. Dans cette période parfois difficile de la maladie, le
La fertilité est normale dans l’AJI mais la fécondité est suivi médical et une prise en charge en ergothérapie ou en
diminuée, avec de plus grandes difficultés pour être enceinte kinésithérapie sont particulièrement importants.
de ces jeunes femmes. Le nombre d’avortement spontané et
les pathologies ovariennes semblent également plus fré-
quents [40]. L’existence d’une AJI n’a pas de conséquence Références
sur le fœtus.
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Communications affichées / La Revue de médecine interne xxx (2008) S1–S125 S81
talité maternelle représente un indicateur essentiel de la qualité sources d’hémorragies rectales, utérines ou vaginales et doivent
des soins en exercice obstétrical. impérativement être recherchées avant toute délivrance qui sera
programmée. Sur le plan fœtal, sont décrits des malformations
doi:10.1016/j.revmed.2008.03.280 cardiaques, des retards de croissance intra-utérin et les formes
familiales justifient d’un conseil génétique.
CA152 Conclusion.– Le SKT est une maladie congénitale qui majore
Syndrome de Klippel-Trenaunay et grossesse : à propos d’un le risque de morbimortalité maternofœtale durant la grossesse et
cas ce, proportionnellement à la sévérité de la maladie. Un conseil
O. Gilly a , P.Y. Jeandel a , L. Marcq a , B. Rossignol a , C. préconceptionnel et une prise en charge optimisée de la grossesse
Trastour b , E. Rosenthal a , J.G. Fuzibet a et du post-partum permet une réduction de cette morbimortalité.
a Médecine interne, CHU, Nice, France
b Gynécologie et obstétrique, CHU, Nice, France doi:10.1016/j.revmed.2008.03.281
tères ou devant une réponse insuffisante aux corticoïdes, le antiprotéinurique. En 2006 et après arrêt du méthotrexate, elle
Cyclophosphamide® étant contre-indiqué par l’état gravide. a mené une grossesse (sous colchicine), donnant naissance à un
Dans cette situation, l’alternative des immunoglobulines par garçon en bon état de santé. La protéinurie est nulle, la fonction
voie intraveineuse [3] ou de l’azathiprine peut être adoptée. rénale est normale avec un recul de 18 mois.
Conclusion.– Notre observation suggère le bon choix de lais- Conclusion.– Nous venons de rapporter deux observations
ser évoluer toute grossesse dans les formes de bon pronostic d’amylose rénale au cours d’une maladie périodique et au cours
du SCS. Cela demande à être validé par une stratégie codifiée d’une maladie de Still. La grossesse est reconnue comme un
de prise en charge de toute forme et type de vascularites, en facteur d’aggravation de la néphropathie amyloïde avec passage
particulier celles avec critères de gravité. souvent à une insuffisance rénale terminale.
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doi:10.1016/j.revmed.2008.03.282 M. Smiti Khanfir, T. Larbi, T. Ben Salem, A. Braham Sfaxi, I.
Ben Ghorbel, M. Lamloum, M.H. Houman
CA154 Médecine interne, CHU la Rabta, Tunis, Tunisie
Grossesse au cours d’une amylose rénale : à propos de deux
observations Objectif.– Le but de notre étude était de préciser les particu-
S. Marzouk, M. Snoussi, M. Frigui, D. Hsairi, I. Ayedi, N. larités cliniques, immunologiques, thérapeutiques et évolutives
Kaddour, Z. Bahloul du syndrome des antiphospholipides (SAPL) à manifestations
Médecine interne, CHU Hédi-Chaker, Sfax, Tunisie obstétricales comparativement au SAPL à manifestations throm-
boemboliques.
Introduction.– L’amylose regroupe un ensemble de maladies Patients et méthodes.– Nous avons mené une étude rétros-
caractérisées par des dépôts extracellulaires d’une substance pective descriptive et analytique des patients atteints d’un SAPL
amyloïde. La néphropathie glomérulaire est la manifestation la (critères de Sapporo) et suivis entre 1995 et 2007. Les patients
plus fréquente de la maladie amyloïde. Le but de notre travail étaient subdivisés en deux groupes selon l’expression clinique
est de préciser l’influence de la grossesse sur la néphropathie du SAPL : manifestations obstétricales (groupe 1) ou manifes-
glomérulaire à travers deux observations et une revue de la tations thromboemboliques (groupe 2). Les patients de sexe
littérature. masculin et ceux présentant, à la fois, des manifestations obsté-
Patients et méthodes.– Nous rapportons deux cas de grossesse tricales et thrombotiques ont été préalablement exclus. L’étude
survenus au cours de l’évolution d’une amylose rénale colligés statistique a été réalisée au moyen du logiciel SPSS 11.0.
dans le service de médecine interne de Sfax. Résultats.– Nous avons recensé 48 patients atteints d’un
Observation.– Cas no 1 : une femme née en 1960 est hospita- SAPL, 19 d’entre eux ont été exclus. Le groupe 1 était composé
lisée en 1982 pour un syndrome néphrotique pur. Le diagnostic de 13 femmes d’âge moyen au moment de l’apparition des pre-
d’une amylose rénale est confirmé par une biopsie rénale. Paral- mières manifestations du SAPL de 35 ans. L’incident obstétrical
lèlement, le diagnostic d’une maladie périodique est retenu était révélateur de la maladie dans 69,2 % des cas. Les manifes-
devant une symptomatologie clinique ancienne en faveur et la tations obstétricales cumulées étaient à type de fausses couches
présence de cas familiaux. Elle a été traitée par colchicine. De précoces (76,9 %), mort fœtale in utéro (53,8 %), mort néonatale
1982 à 1990, elle était perdue de vue. Durant cette période, elle (7,7 %), prématurité (15,4 %) et d’hématome rétroplacentaire
n’a pas arrêté la colchicine et elle a mené deux grossesses sans (7,7 %).
incident. En 1993, elle reconsulte avec une grossesse évolu- Le groupe 2 était composé de 16 femmes d’âge moyen au
tive de trois mois, qui a été menée à terme normalement malgré début de la maladie de 32 ans. Il s’agissait d’une thrombose
l’arrêt du traitement, donnant naissance à une fille en bon état de veineuse dans 81,3 % et artérielle dans 25 % des cas. L’atteinte
santé. Sa fonction rénale était normale. Cependant, six mois plus veineuse était de siége insolite dans 25 % des cas.
tard, elle aggrave son syndrome néphrotique avec installation La proportion de SAPL primaire et secondaire était compa-
d’une insuffisance rénale qui a continué à se dégrader jusqu’à rable dans les deux groupes, cependant, le groupe 1 comportait
l’installation d’une insuffisance rénale terminale aboutissant en significativement plus de patientes lupiques (37,5 % vs 7,7 %,
hémodialyse chronique. p = 0,038). Les deux groupes étaient comparables aux plans cli-
Cas no 2 : une femme âgée de 33 ans est hospitalisée en 2000 niques et immunologiques. L’anémie hémolytique auto-immune
pour une polyarthrite fébrile. Le diagnostic de maladie de Still a était significativement plus fréquente dans le groupe 2 (1 % ver-
été retenu en l’absence de toute cause infectieuse, néoplasique et sus 31,3 %; p = 0,048). Les patients du groupe 2 étaient plus
inflammatoire. La patiente a été traitée par une corticothérapie fréquemment traités par des antivitamines K (p < 0, 0001) et
associée secondairement au méthotrexate. Deux ans plus tard, ceux du groupe 1 par des antiagrégants plaquettaires (p = 0,004).
elle développe un syndrome néphrotique pur en rapport avec une Conclusion.– Dans notre série, les manifestations cliniques,
amylose AA nécessitant sa mise sous colchicine et un traitement immunologiques et évolutives du SAPL obstétrical et throm-
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Hémostase et grossesse
Haemostasis and pregnancy
C. Boyer-Neumann
Service d’hématologie biologique, hôpital Antoine Béclère, 157, rue de la Porte-de-Trivaux,
92141 Clamart cedex, France
MOTS CLÉS Résumé Les modifications de l’hémostase pendant la grossesse sont très importantes,
Grossesse ; associant un état d’hypercoagulabilité acquise à un état inflammatoire. L’hypercoagula-
Hémostase ; bilité est liée à une augmentation du taux des facteurs de coagulation procoagulants
Inflammation ; d’une part, et à une diminution de l’activité fibrinolytique et du taux des inhibiteurs
Hémorragie ; physiologiques de la coagulation d’autre part. Par ailleurs, la régulation du système
Thrombose ;
immunologique maternel contribue au succès du maintien de la grossesse. Les pathologies
Traitement
anticoagulant
spécifiques de la grossesse sont définies par leur apparition liée à l’état gravidique et leur
guérison par l’arrêt de la grossesse, donc par l’accouchement, effectué le plus souvent en
urgence dans certaines situations : il s’agit de cas de coagulation intravasculaire dissé-
minée, de microangiopathie thrombotique (prééclampsie et syndrome HELLP), de rares
purpuras thrombotiques thrombocytopéniques. Les pathologies à risque hémorragique
sont antérieures à la grossesse ou découvertes à cette occasion : il s’agit de pathologies
héréditaires, comme la maladie de Willebrand, les thrombopathies ou les femmes
conductrices d’hémophilie, ou bien de pathologies auto-immunes, comme le purpura
thrombopénique immunologique. Dans ces cas, les anomalies de l’hémostase sont varia-
blement corrigées et leurs prises en charge dépendent alors du niveau de correction de
chaque anomalie. Les pathologies à risque thrombotique comprennent la thrombophilie
héréditaire (déficits en inhibiteurs de la coagulation, mutations du facteur V et du facteur
II) et la thrombophilie acquise (anticorps antiphospholipides). La grossesse et le post-
partum sont également des facteurs acquis de thrombophilie, avec un risque maximal de
thrombose dans le post-partum. Une bonne évaluation de ce risque est indispensable pour
la mise en place éventuelle du traitement anticoagulant le mieux adapté. Il est actuel-
lement établi que les patientes ayant un antécédent de thrombose doivent bénéficier
d’une prophylaxie anticoagulante. Les anticoagulants, type antivitamines K, passent la
barrière placentaire, avec un effet délétère connu pour l’embryon et leur indication est
donc restreinte. L’héparine, quelle que soit sa forme, ne passe pas le placenta et
représente de ce fait le traitement anticoagulant de choix de la grossesse et du
post-partum.
© 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
1638-6213/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
doi: 10.1016/j.emch.2005.01.001
Hémostase et grossesse 133
most of the time in emergency conditions in case of: disseminated intravascular coagu-
Thrombosis; lation, thrombotic microangiopathies, such as preeclampsia, HELLP syndrome, or the rare
Anticoagulant thrombotic thrombocytopenic purpura. On the contrary, diseases that enhance bleeding
treatment risk are present before pregnancy when hereditary, or detected at the time of pregnancy
when acquired: hereditary diseases include von Willebrand disease, thrombopathies, or
conducting state of haemophilia, and acquired states are mainly related to autoimmune
diseases, such as immune thrombocytopenic purpura. Various corrections may be perfor-
med for pregnancy-induced abnormalities and their management and follow-up are
achieved accordingly. Diseases that increase the thrombotic risk involve hereditary
thrombophilia (deficiencies of natural anticoagulants, factors V or II mutations), and
acquired thrombophilia (antiphospholipids antibodies). Normal pregnancy and post-
partum also constitute an acquired thrombotic factor and women with thrombophilic
defects have been shown to be at increased risk. There is a consensus that such women
with a personal history of thrombosis should receive anticoagulant prophylaxis. A good
evaluation of the thrombotic risk is necessary in order to determine the most appropriate
anticoagulant treatment. Warfarin crosses the placenta and has a known teratogenic
effect (warfarin embryopathy). Hence, prophylaxis of gestational thrombosis mainly
relies upon the use of heparin, during pregnancy and post-partum.
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Tableau 2 Paramètres de la coagulation augmentant ou restant stables pendant la grossesse et le post-partum (moyennes et
valeurs extrêmes1,11,12,13).
Semaines de grossesse Post-partum
Paramètres 11-15 26-30 36-40 1 semaine 8 semaines > 12 semaines
Fibrinogène (g/l) 3,6 (2,6-5,2) 3,8 (2,6-5,4) 4,4 (2,9-6,2) 4,6 2,6 2,7
Facteur VIII (%) 122 (53-283) 188 (67-528) 212 (75-570) 213 86 109
VWF (%) 133 (56-313) 210 (80-492) 376 (133-1064) 351 93 78
Facteur VII (%) 111 (60-206) 158 (75-332) 171 (87-336) 104 94 91
Facteur X (%) 103 (62-169) 126 (74-203) 127 (72-208) 101 91 92
Facteur V (%) 93 (46-188) 82 (34-195) 85 (39-184) 98 80 84
Facteur II (%) 125 (70-224) 120 (73-214) 115 (68-194) 110 106 107
VWF : facteur Willebrand.
élevé de VWF.12,21 Dans le même temps, les taux teurs II, V, VIII), augmentation des produits de dé-
des facteurs de coagulation se normalisent (en 3 à gradation de la fibrine et des D-dimères. Le diagnos-
6 semaines en moyenne), ainsi que l’hypofibrino- tic de CIVD en pré-partum est difficile du fait de
lyse de fin de grossesse (30 minutes après la déli- l’augmentation physiologique de la plupart des fac-
vrance). Ainsi, le pic d’activité procoagulante, pro- teurs de coagulation et c’est la répétition des exa-
plaquettaire et hypofibrinolytique survient mens qui met en évidence leur décroissance rapide.
immédiatement après la séparation du placenta et Le tableau clinique est très hétérogène, pouvant
persiste pendant les 3 heures qui suivent, objecti- être latent ou ne s’exprimer que par des saigne-
vée par une importante augmentation du taux des ments aux points de piqûre, ou à l’extrême par une
D-dimères.3,10 hémorragie cataclysmique. La clinique dépend
étroitement de l’étiologie (Encadré).22 En l’ab-
sence de traitement, l’hémorragie massive en-
En résumé traîne un choc hypovolémique et peut être associée
à des lésions tissulaires secondaires aux mi-
Les modifications de l’hémostase observées
crothrombi formés dans la microcirculation. La né-
au cours de la grossesse normale sont proches
crose corticale des reins ou des lésions neurologi-
de celles décrites dans la coagulation intravas-
ques peuvent ainsi compromettre le pronostic vital.
culaire disséminée (CIVD) et le terme « pré-
CIVD » pourrait être employé. Il va de soi que la
connaissance de ces modifications est indispen-
Étiologies des CIVD obstétricales
sable au diagnostic et au traitement des diffé-
rentes pathologies de la grossesse, en particu- • Hématome rétroplacentaire.
lier des CIVD et des prééclampsies. • Mort fœtale in utero.
• Embolie amniotique.
Pathologies spécifiques de la grossesse • Rétention placentaire.
• Infections.
Il s’agit de pathologies extrêmement hétérogènes, • Môle hydatiforme.
au plan tant clinique que biologique, qui se définis- • Prééclampsie et syndrome HELLP (hemolysis,
sent par la survenue soit d’une CIVD, soit d’une elevated liver enzymes, low platelet count).
microangiopathie thrombotique. Dans ces deux si-
tuations, l’activation anormale de la coagulation Le traitement est urgent. Il impose de traiter
est constamment intriquée à une augmentation des d’abord la cause (évacuation utérine, césarienne
marqueurs de l’inflammation.21 en urgence, antibiothérapie), ainsi que le choc par
des transfusions massives de culots globulaires, de
Coagulations intravasculaires disséminées plasma frais congelé, de plaquettes, associé à des
obstétricales drogues antifibrinolytiques, si nécessaire.
d’événements altérant la circulation utéroplacen- sance rénale, d’une atteinte neurologique, d’une
taire.24,25 Les lésions de nécrose dans les organes anémie hémolytique mécanique avec schizocytose
maternels sont similaires à celles observées dans et d’une thrombopénie.27 Ces manifestations sont
l’athérosclérose et seraient la conséquence d’une dues à la formation de thrombus plaquettaires de la
activation endothéliale. Le stress oxydatif médié microcirculation, résultant d’une agression endo-
par l’inflammation (les low density lipoproteines théliale initiale, et la grossesse semble être un
oxydées entraînent une activation des monocytes terrain particulièrement propice.28 Cette agression
et des polynucléaires neutrophiles, toxiques pour endothéliale est responsable de la libération de
l’endothélium) apparaît comme l’étiologie la plus VWF de très haut poids moléculaire, qui normale-
plausible dans cette pathogénie complexe.21 La ment est clivé dans le plasma par une protéase
prééclampsie survient chez les primipares ou en cas spécifique du VWF. Un déficit en cette protéase
de nouveau partenaire, suggérant une intolérance entraîne l’accumulation plasmatique de multimè-
immunologique de la mère pour son fœtus, compa- res de très haut poids moléculaire proagrégants, à
rable à celle des rejets de greffe. Le rôle d’une l’origine des manifestations du purpura thromboti-
thrombophilie héréditaire comme facteur favori- que thrombocytopénique.29 Ainsi, la physiopatholo-
sant la survenue de lésions de thromboses placen- gie du purpura thrombotique thrombocytopénique
taires reste discuté selon les auteurs, mais pourrait est bien distincte des autres microangiopathies de
constituer une piste intéressante.25 Il est rare d’ob- la grossesse, comme la prééclampsie.30 Pendant la
server des anomalies de l’hémostase (thrombopénie grossesse, la présentation clinique du purpura
par activation plaquettaire, allongement du temps thrombotique thrombocytopénique est identique à
de Quick par consommation minimale de certains celle décrite dans les autres étiologies et la sensi-
facteurs), et ceux-ci se corrigent rapidement après bilité au traitement est la même. Avant l’introduc-
l’accouchement, programmé en urgence. tion du traitement basé sur l’apport de plasma, la
survie maternelle était rare et la mortalité fœtale
Syndrome HELLP de 80 % environ, par probables microthromboses
Ce syndrome représente la forme sévère de la placentaires.28
prééclampsie, avec hypertension, atteintes rénale
et neurologique, auxquelles s’ajoutent une hémo-
lyse (hemolysis), une augmentation des enzymes Pathologies à risque hémorragique
hépatiques (elevated liver enzymes) et une throm-
bopénie (low platelet count).26 Il survient tardive- Longtemps la morbidité et la mortalité des femmes
ment dans la grossesse et complique 10 % environ enceintes étaient liées à une hémorragie cataclys-
des prééclampsie. La survenue d’une douleur épi- mique, particulièrement au moment de la déli-
gastrique en barre, de nausées et de vomissements vrance, alors qu’actuellement les complications
oriente classiquement le diagnostic. Les anomalies majeures dans les pays anglo-saxons sont de type
biologiques associent anémie hémolytique mécani- thrombotique. Cependant, le risque hémorragique
que avec schizocytose, thrombopénie inférieure à persiste en l’absence de traitement, en cas d’ano-
100 G/l et cytolyse hépatique (transaminases supé- malies constitutionnelles ou acquises de l’hémo-
rieures à trois fois la normale). La CIVD, présente stase.
dans un tiers des cas, est un critère de mauvais
pronostic.11 Le traitement consiste à interrompre Pathologies constitutionnelles
la grossesse par un accouchement en urgence si le
terme le permet (plus de 32 semaines) ou si l’état Maladie de Willebrand
de la mère est alarmant. Dans le cas contraire, une La maladie de Willebrand (MW), la plus fréquente
temporisation est possible en instaurant un traite- des maladies hémorragiques constitutionnelles
ment par glucocorticoïdes pour accélérer la matu- avec une prévalence d’au moins 1 %, est liée à un
ration pulmonaire fœtale, puis en proposant une déficit en VWF. Le VWF est une glycoprotéine mul-
césarienne. De toute façon, une extraction en ur- timérique indispensable à l’adhésion et à l’agréga-
gence est faite au moindre signe de souffrance tion plaquettaires (hémostase primaire) et il est
fœtale, ou en cas de survenue d’hémorragie, de aussi la protéine de transport du facteur VIII dans le
thrombopénie sévère ou de CIVD chez la mère. plasma. Ainsi, tout déficit en VWF s’accompagne
d’un déficit en facteur VIII. L’expression clinique et
Purpura thrombotique thrombocytopénique biologique de la MW est très hétérogène et il en
Le purpura thrombotique thrombocytopénique est existe plusieurs formes ou types : le type 1 est
une microangiopathie thrombotique rare mais caractérisé par un déficit partiel (il représente au
grave, définie par la survenue de fièvre, d’insuffi- moins 75 % des cas), le type 2 par une anomalie
Hémostase et grossesse 137
incitation à l’allaitement prolongé (retarde et ré- connaître préalablement la sensibilité aux diffé-
duit l’hémorragie du retour de couches) ; hormono- rents traitements, essentiellement les corticoïdes
thérapie. En cas d’hémorragie, le traitement de et les Ig par voie intraveineuse. Ainsi, un « test
choix reste le Minirin® (desmopressine), qui peut thérapeutique » peut être effectué en fin de
être utilisé dès l’expulsion fœtale. deuxième trimestre pour connaître le niveau de la
réponse plaquettaire, en utilisant soit des corticoï-
Pathologies acquises des (1 mg/kg/j) pendant 5 jours, soit une perfusion
intraveineuse d’Ig (1 g/kg), avec, dans les deux cas,
Ces pathologies relèvent de mécanismes auto- contrôle des plaquettes aux jours 3, 5 et 8. Le
immuns. Il s’agit soit de thrombopénies immunes, traitement qui aura montré son efficacité est sus-
par production d’autoanticorps antiplaquettes, fré- pendu, puis repris dans les jours qui précèdent
quemment rencontrées au cours de la grossesse, l’accouchement programmé.42,43 Le choix de la
soit de l’exceptionnelle hémophilie acquise par voie d’accouchement ne dépend pas de la thrombo-
production d’autoanticorps anti-facteur VIII. pénie, comme cela a été longtemps le cas, mais de
l’indication obstétricale. De même, la ponction de
Thrombopénies sang fœtal, qui permet de connaître le statut pla-
La découverte d’une thrombopénie au cours de la quettaire fœtal, n’est plus retenue dans cette indi-
grossesse (plaquettes inférieures à 150 G/l) est une cation, le bénéfice attendu étant inférieur au ris-
situation relativement fréquente. Celle-ci peut sur- que inhérent au geste invasif.42,43 L’incidence
venir dans un contexte de pathologies liées à la d’une thrombopénie néonatale sévère (inférieure à
grossesse (CIVD, toxémie, infection sévère), et le 50 G/l) varie de 8,9 à 14,7 % selon les études, avec
diagnostic et le traitement sont alors ceux de l’af- hémorragie intracrânienne dans 0 à 1,5 % des cas.44
fection causale (cf. supra). À l’inverse, l’existence Il n’existe pas d’éléments prédictifs de la thrombo-
d’une thrombopénie isolée chez une jeune femme pénie fœtale ; la sévérité de la thrombopénie ma-
enceinte, par ailleurs bien portante, pose le pro- ternelle, la positivité de l’immunologie plaquet-
blème du diagnostic différentiel entre thrombopé- taire ou l’antécédent d’une splénectomie ne sont
nie immune et thrombopénie physiologique « ges- pas des éléments retenus. L’antécédent d’un pre-
tationnelle », paradoxalement plus difficile à mier enfant thrombopénique ou d’une hémorragie
établir (cf. supra). Dans 75 % des cas de thrombo- intracrânienne reste un élément prédictif fort.45
pénies, aucune étiologie ne peut être établie et on Dans la recherche étiologique d’une thrombopénie
parle alors de « thrombopénie gestationnelle ».40,41 néonatale, il ne faut pas méconnaître la possible
Le problème posé reste celui de l’indication ou non association à l’auto-immunité maternelle d’une
de l’anesthésie péridurale. En fait, une thrombopé- allo-immunisation maternofœtale.46
nie modérée peut être d’origine immune et, dans
ce cas, ce peut être la découverte d’une throm- Autoanticorps antiacteur VIII
bopénie néonatale par passage placentaire d’anti- Il s’agit d’une hémophilie acquise par production
corps antiplaquettaires maternels de type immu- d’un autoanticorps antifacteur VIII. Bien qu’excep-
noglobulines (Ig) G (de 4 à 13 % des cas de tionnelle, cette complication a été décrite dans le
thrombopénie gestationnelle) qui fait reconsidérer dernier trimestre de la grossesse, mais survient plus
le diagnostic.40 Les thrombopénies immunes ne re- souvent dans le post-partum et il n’est retrouvé de
présentent que 3 % de la totalité des thrombopénies pathologie auto-immune associée que dans 10 % des
de la grossesse Parmi les éléments en faveur d’une cas. Les manifestations hémorragiques peuvent
origine immunologique, on retient l’intensité de la être très importantes, surtout gynécologiques mais
thrombopénie (élément diagnostique majeur si les aussi faites d’ecchymoses et d’hématomes.47 Le
plaquettes sont inférieures à 50 G/l), son existence taux de facteur VIII est le plus souvent inférieur à
antérieure à la grossesse, ou son apparition pré- 5 %, mais il est difficile à mesurer, du fait de la
coce, et la découverte d’une thrombopénie néona- dissociation des complexes facteur VIII/anticorps
tale. Si la thrombopénie est modérée, supérieure à au moment du dosage. Différents traitements sont
50 G/l, une simple surveillance des plaquettes est proposés : perfusion de concentrés de facteur VIII
de mise, mensuelle, puis tous les 15 jours ou cha- humain ou porcin, concentrés de facteurs
que semaine au dernier trimestre. En cas de throm- prothrombiniques activés (FEIBA), Ig par voie intra-
bopénie inférieure à 50 G/l, il est rare d’observer veineuse, corticoïdes. Les immunosuppresseurs
des manifestations hémorragiques en cours de gros- prescrits en cas d’évolution longue avec risque
sesse, probablement en raison de l’hypercoagulabi- hémorragique élevé permettent d’accélérer la dis-
lité. Cependant, des mesures thérapeutiques sont parition de l’anticorps, qui peut dans certains cas
prises lors de l’accouchement. Il est important de perdurer de longs mois.48
Hémostase et grossesse 139
Figure 1 Arbre décisionnel : algorithme de prise en charge des traitements anticoagulants chez les patientes à risque.
HBPM : héparine de bas poids moléculaire ; AVK : antivitamine K ; SA : semaines d’aménorrhée ; i.v. : intraveineuse.
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Hépatopathies gravidiques
Darius Moradpoura, Isabelle Pachea, Patrick Hohlfeldb
Centre Hospitalier Universitaire Vaudois, Université de Lausanne, Lausanne
a
Service de Gastroentérologie et d’Hépatologie et b Département de Gynécologie-Obstétrique et Génétique Médicale
Introduction
Quintessence
쎲 Les hépatopathies sont rares au cours de la grossesse, mais peuvent avoir des Parmi les hépatopathies de la grossesse, nous
conséquences dramatiques pour la mère et l’enfant si elles ne sont pas diagnos- distinguons principalement les pathologies spé-
tiquées à temps. cifiques de la grossesse (icterus e graviditate)
des intercurrrentes (icterus in graviditate)
쎲 On différencie principalement les hépatopathies spécifiquement secondaires
(tab. 1 p) [1–3]. Parmi les premières figurent les
à la grossesse des intercurrentes. Parmi les premières, on peut citer les mani-
manifestations hépatiques de l’hyperemesis
festations hépatiques de l’hyperemesis gravidarum, la cholestase intrahépatique
gravidarum (vomissements incoercibles de la
gravidique, les atteintes hépatiques lors d’une (pré-)éclampsie, y compris le syn-
grossesse), la cholestase intrahépatique gravi-
drome HELLP, et la stéatose hépatique aiguë gravidique.
dique, la participation du foie dans la préclamp-
쎲 Le diagnostic différentiel est basé sur l’anamnèse (stade de la grossesse), la sie et l’éclampsie, y compris le syndrome HELLP
clinique, quelques examens de laboratoire et l’échographie comme imagerie de («hemolysis, elevated liver tests, low platelets») et
première intention. la stéatose aiguë gravidique, avec un très im-
portant recoupement entre les derniers. Les
쎲 Le traitement d’une cholestase intrahépatique gravidique par acide ursodé-
hépatopathies spécifiquement gravidiques se
soxycholique améliore le prurit et les tests hépatiques maternels. Une surveil-
produisent à des stades caractéristiques de la
lance rapprochée de la grossesse reste cependant indispensable.
grossesse (fig. 1 x) et sont en principe réver-
쎲 Lors d’un syndrome HELLP ou d’une stéatose hépatique aiguë gravidique, il sibles après l’accouchement. Les hépatopathies
faut procéder à l’accouchement le plus vite possible. intercurrentes comprennent des maladies dans
lesquelles la grossesse peut être le facteur dé-
쎲 Toutes les hépatopathies déjà connues nécessitent un suivi strict durant la
grossesse. clenchant (par ex. cholélithiase, syndrome de Budd-
Chiari), des hépatopathies survenant par hasard
au cours de la grossesse, dont certaines peuvent
Summary
avoir une évolution grave (par ex. hépatite E) et
Pregnancy-associated liver diseases des complications hépatiques d’hépatopathies
쎲 While liver diseases are a rare occurrence in pregnancy, they may have préexistantes, la plupart chroniques. La gros-
dramatic implications for mother and child if not detected in good time. sesse après transplantation hépatique est une
situation à part.
쎲 A distinction is drawn between pregnancy-specific liver diseases and inter-
current liver diseases during pregnancy. The former include hepatic mani-
festations of hyperemesis gravidarum, intrahepatic cholestasis of pregnancy, Variations physiologiques
hepatic involvement in preeclampsia or eclampsia, including the HELLP syn- pendant la grossesse
drome, and acute fatty liver of pregnancy.
쎲 Differential diagnosis of pregnancy-associated liver disorders is based on Au cours d’une grossesse normale se produisent
history (stage of pregnancy), clinical findings, a few laboratory tests and ultra- des variations physiologiques dont il faut tenir
sound as the primary imaging technique. compte dans le diagnostic différentiel des hépa-
topathies gravidiques (tab. 2 p). Le volume, la
쎲 Treatment of intrahepatic cholestasis of pregnancy with ursodeoxycholic morphologie et la perfusion du foie restent prati-
acid improves pruritus and maternal liver tests. Close monitoring of pregnancy quement stables. Suite à l’hémodilution, l’albu-
remains however indispensable. minémie diminue de 10 à 20%. Parallèlement à
쎲 In HELLP syndrome and acute fatty liver of pregnancy the aim should be rapid cela, les taux de bilirubine ont tendance à être plus
delivery. bas pendant une grossesse normale. La phospha-
tase alcaline augmente régulièrement, surtout
쎲 Preexisting liver diseases require intensified monitoring during pregnancy. durant le troisième trimestre, mais n’atteint que
rarement des valeurs supérieures à deux fois la
Vous trouverez les questions à choix multiple concernant cet article à la page 785 ou sur internet sous www.smf-cme.ch.
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norme. Cette augmentation résulte d’une produc- prothrombine reste également stable. Les trigly-
tion placentaire. L’intérêt de la phosphatase alca- cérides et le cholestérol augmentent.
line comme paramètre de cholestase est donc Pendant une grossesse normale, des lésions vas-
limité pendant la grossesse. La g-GT par contre culaires cutanées semblables à celles vues dans
peut légèrement diminuer pendant la grossesse. la cirrhose (angiomes stellaires ou «spider
Les transaminases (alanine-aminotransférase naevi», érythème palmaire) peuvent se manifes-
[ALT] et aspartate-aminotransférase [AST]) res- ter. Ces lésions sont plus marquées à l’approche
tent dans les normes. Elles ont donc une impor- du terme et régressent la plupart du temps dans
tance particulière dans le diagnostic des hépato- les deux mois qui suivent l’accouchement.
pathies au cours de la grossesse. Le temps de
Hépatopathies spécifiques
Tableau 1. Hépatopathies gravidiques de la grossesse
(modifié d’après [1]).
est attribuée au système de transport canalicu- dive lors d’une grossesse ultérieure est de 45 à 70%.
laire de la bile. Mentionnons ici surtout les muta- Le risque d’accouchement prématuré est d’environ
tions hétérozygotes du gène ABCB4, codant pour 20%, et celui de mort intra-utérine de 1 à 2% [1–3].
le transporteur canaliculaire des phospholipides Les complications fœtales sont en corrélation avec
MDR3 («multidrug resistance protein 3»). le taux sérique d’acides biliaires [6].
Clinique et diagnostic
Le symptôme clinique dominant est le prurit Pré-éclampsie, éclampsie
(pruritus gravidarum). Un ictère se produit dans et syndrome HELLP
quelque 20% des cas, en général avec une latence
de 2 à 3 semaines. Au laboratoire, il y a une ascen- La prééclampsie est caractérisée par une hyper-
sion légère à modérée des transaminases (tab. 3) et tension artérielle et une protéinurie. Elle survient
de la phosphatase alcaline. La g-GT est typiquement dans la seconde moitié de la grossesse, plus
normale ou seulement légèrement augmentée volontiers sur fond d’hypertension, chez des
(tab. 3). Les paramètres diagnostiques, et donc pro- primigestes particulièrement jeunes ou âgées, et
nostiques, sont par conséquent les taux sériques dans les grossesses multiples. Son incidence peut
d’acides biliaires à jeun augmentés (>10 mmol/l). atteindre 5%. Si elle s’accompagne de convulsions,
il est question d’éclampsie (incidence 0,1 à 0,2%).
Traitement Le foie est impliqué dans 10 à 30% des pré-
L’acide ursodésoxycholique est sûr, il améliore le éclampsies et 70% environ des éclampsies [1–3].
prurit, fait baisser le taux sérique d’acides bi- De graves complications telles qu’hématome et rup-
liaires, a un effet bénéfique sur les tests hépa- ture hépatiques s’observent dans 1 à 2% des cas.
tiques maternels et diminue aussi probablement Le syndrome HELLP est une complication de la
l’incidence des accouchements prématurés, grave prééclampsie, et dans 15% des cas, il n’y a
mais aucune diminution du risque de complica- pas d’hypertension artérielle. Il se voit chez 10%
tions fœtales n’a encore pu être confirmé à des patientes souffrant de grave pré-éclampsie,
l’heure actuelle [4, 5]. Comme alternative théra- donc globalement dans 0,5% des grossesses.
peutique, la dexaméthasone peut être envisagée, La plupart des cas s’observent entre la 27e et la
qui stimule en même temps la maturation des 36e semaine de grossesse. Le syndrome HELLP
poumons. La colestyramine peut accentuer une se manifeste cependant en postpartum dans 30%
carence en vitamine K secondaire à la choles- des cas, en général dans les 2 jours suivant l’ac-
tase. Les patientes ayant une cholestase gravi- couchement.
dique doivent être surveillées de très près (CTG,
échographie Doppler, acides biliaires, transami- Pathogenèse
nases et bilirubine). Un accouchement provoqué Pathogénétiquement, c’est une activation endo-
peut parfois s’avérer indispensable, surtout si les théliale, avec vasoconstriction et hypercoagula-
acides biliaires sont très augmentés (>40 mmol/l), tion, qui est au premier plan. L’agrégation des
à titre préventif [6]. thrombocytes et les thrombi fibrineux provo-
quent une thrombopénie, une anémie hémoly-
Pronostic tique microangiopathique et des lésions orga-
La cholestase gravidique est la plupart du temps niques ischémiques.
réversible dans les 1 à 2 jours suivant l’accouche-
ment. Le pronostic maternel est donc bon. Le risque Clinique et diagnostic
de lithiase biliaire est augmenté. Le risque de réci- Le spectre de l’atteinte hépatique dans la pré-
éclampsie et l’éclampsie va d’une discrète ascen-
sion des transaminases à l’infarcissement hépa-
Tableau 3. Examens de laboratoire typiques dans les hépatopathies spécifiquement tique, en passant par le syndrome HELLP, avec les
gravidiques. complications potentiellement fatales que sont
ALT Bilirubine [µmol/l] Acides biliaires TP Tc l’hématome et la rupture hépatiques. Dans le syn-
HG 1–3x 2 <68 = = = drome HELLP, en plus des symptômes typiques des
ICP 1–10x 2 <86 2 = / (2) = éclampsies, il y a des symptômes aspécifiques tels
Pré-éclampsie/ 1–100x 2 <86 = =/2 =/4
que douleurs épigastriques, nausée et vomisse-
éclampsie ment surtout. Un ictère n’est manifeste que dans
Syndrome HELLP 1–10x 2 <86 = =/2 4
5% des cas. Au laboratoire, il y a une anémie hé-
molytique, une thrombopénie et une ascension des
AFLP 1–5x 2 <171 = 2 =/4
transaminases. Des fragmentocytes se voient dans
ALT alanine-aminotransférase
TP temps de prothrombine
les cas typiques.
Tc thrombocytes
HG hyperemesis gravidarum Traitement
ICP «intrahepatic cholestasis of pregnancy» (cholestase intrahépatique gravidique) En cas de pré-éclampsie grave, d’éclampsie et de
HELLP «hemolysis, elevated liver tests, low platelets» syndrome HELLP, l’objectif est un accouchement
AFLP «acute fatty liver of pregnancy» (stéatose hépatique aiguë gravidique)
rapide.
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Clinique
Lors de toute perturbation des fonctions hépa-
tiques en fin de grossesse, il faut penser à une
stéatose hépatique aiguë gravidique. Les symp-
tômes initiaux sont aspécifiques. En l’absence de
traitement suivent l’ictère et le tableau complet
de l’insuffisance hépatique aiguë. Vingt à 50%
des cas de stéatose hépatique aiguë gravidique
présentent en outre des signes de pré-éclampsie
ou d’un syndrome HELLP.
Figure 2
Les signes de grave insuffisance hépatique (en-
Stéatose hépatique microvésiculaire (cliché fort aimable-
céphalopathie hépatique, hypoglycémie, trou- ment mis à disposition par le Prof. Laura Rubbia-Brandt,
bles de la coagulation) sont souvent frappants Service de Pathologie Clinique, Hôpitaux Universitaires
par rapport à l’ascension relativement modérée de Genève).
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tiers des femmes présenteront pendant leur longé et la bilirubine légèrement augmentée
grossesse un sludge vésiculaire, et à terme, des seulement. La biopsie hépatique et la mise en
calculs vésiculaires se voient chez 10 à 12% des évidence du virus permettent de poser le diag-
parturientes [2]. Après l’accouchement, le nostic.
sludge disparaît pratiquement toujours et les
calculs dans un tiers des cas en l’espace d’une
année. Les coliques biliaires touchent un tiers Complications d’hépatopathies
des femmes enceintes ayant des concrétions préexistantes
vésiculaires. Une cholécystite aiguë apparaît
dans 1 à 8 grossesses sur 10 000. Le diagnostic Chez les femmes souffrant d’hépatopathies chro-
se fait tout d’abord par échographie. Le traite- niques, surtout lors de cirrhose à un stade
ment doit être conservateur dans toute la mesure avancé, les grossesses sont rares. Mais, le cas
du possible, et uniquement en seconde intention échéant, se pose la question du risque pour la
par intervention endoscopique ou chirurgicale. mère et l’enfant qu’elle porte.
du virus de l’hépatite C (VHC) à l’enfant est d’en- tuellement adaptation des concentrations de
viron 5% [9]. S’il y a en plus une infection à VIH, cyclosporine A et de tacrolimus. L’emploi du
le risque de transmission atteint 20 à 30% en mycophénolate mofétil ou de la rapamycine est
raison d’une virémie VHC plus élevée, mais un déconseillé pendant la grossesse.
traitement antiviral adéquat du VIH parvient à
abaisser nettement ce risque. S’il ne s’agit que
d’une infection à VHC, les données actuelles ne Diagnostic différentiel
permettent pas de recommander une césarienne des hépatopathies gravidiques
élective. Il faut éviter dans toute la mesure du
possible les manipulations invasives (par ex. mo- Si les tests hépatiques augmentent pendant la
nitoring du sang du scalp fœtal). L’amniocentèse grossesse, il faut en principe faire la distinction
est elle aussi déconseillée. L’allaitement est cepen- entre hépatopathies spécifiques de la grossesse
dant considéré comme inoffensif en matière de et intercurrentes. Le stade de la grossesse, l’évo-
transmission du VHC. lution de précédentes grossesses et l’anamnèse
Une virémie transitoire s’observe parfois chez le familiale peuvent donner d’importants éléments
nouveau-né. Les anticorps maternels peuvent diagnostiques. Les symptômes et signes cli-
être présents jusqu’à 18 mois après l’accouche- niques tels que prurit, ictère, épigastralgies, hy-
ment. Le diagnostic d’infection à VHC chez l’en- pertension et œdèmes sont particulièrement im-
fant se base donc sur au moins deux PCR posi- portants. Les principaux examens de laboratoire
tives après le 2e mois de vie et/ou une sérologie sont les transaminases, la bilirubine, les acides
anti-VHC positive après le 18e mois [9]. biliaires sériques, la formule sanguine (throm-
bopénie, anémie), le temps de prothrombine et
Maladie de Wilson la protéinurie (tab. 3). L’échographie est le pre-
Le traitement de la maladie de Wilson doit abso- mier examen d’imagerie diagnostique. Une
lument se poursuivre pendant la grossesse. Des biopsie hépatique n’est que rarement indiquée
réactivations graves de la maladie, fatales dans (par ex. en cas de suspicion de stéatose hépa-
de très rares cas, ont été observées après inter- tique aiguë gravidique ou d’hépatite à VHS).
ruption du traitement par chélateur. Il est re- Si un tableau cholestatique avec prurit se pré-
commandé de réduire la dose de D-pénicillamine sente au dernier trimestre, il faut penser en tout
ou de trientine à 250 à 500 mg par jour durant premier lieu à la cholestase gravidique. Le diag-
le dernier trimestre. La substitution de pyri- nostic différentiel comporte entre autres des pa-
doxine doit elle aussi être poursuivie pendant thologies dermatologiques, une hépatopathie
toute la grossesse. Le zinc en traitement d’en- médicamenteuse, une manifestation cholesta-
tretien est une alternative possible à la D-péni- tique d’une hépatopathie préexistante, comme
cillamine ou à la trientine. une hépatite C ou une cirrhose biliaire primitive,
ou une cholestase sur calculs biliaires. En cas de
Tumeurs hépatiques nausée et de vomissements au 1er trimestre, il
Les adénomes hépatiques peuvent augmenter de s’agit le plus probablement de vomissements in-
volume, voire éclater pendant une grossesse. Il coercibles de la grossesse. Si les mêmes symp-
faut donc prévoir une résection des grands adé- tômes surviennent au cours de la seconde moi-
nomes (>5 cm) avant une grossesse envisagée. tié de la grossesse, accompagnés de céphalées,
œdèmes et douleurs abdominales, il faut penser
Grossesse après transplantation hépatique à la (pré-)éclampsie, au syndrome HELLP et à la
Alors que la cirrhose avec insuffisance hépatique stéatose hépatique aiguë gravidique. L’ascension
à un stade avancé est généralement associée à des transaminases est utile pour le diagnostic
une aménorrhée et à une infertilité, une trans- différentiel. Une ALAT très élevée (>20 fois la
plantation hépatique chez des patientes prémé- norme) parle en faveur d’une hépatite virale
nopausées normalise leur fertilité après quelque aiguë, d’un infarcissement hépatique, d’un hé-
mois [10]. Une contraception sûre doit donc être matome intrahépatique ou d’une rupture du foie,
discutée rapidement après la transplantation complication d’une (pré-)éclampsie. Une ALAT
hépatique. <10 fois la norme se voit dans la cholestase gra-
Une grossesse après transplantation hépatique vidique d’une part, mais typiquement dans le
exige une prise en charge rapprochée et inter- syndrome HELLP, la stéatose hépatique gravi-
disciplinaire. L’incidence de fausse-couche, re- dique et le syndrome de Budd-Chiari aigu. Une
tard de croissance intra-utérine et prématurité thrombopénie, avec ou sans signes de coagula-
est élevée. Ces enfants se développent cependant tion intravasculaire disséminée, se voit dans la
normalement. Une grossesse 1 à 2 ans après (pré-)éclampsie, le syndrome HELLP et la stéa-
transplantation est généralement considérée tose hépatique aiguë gravidique.
comme sûre, pour autant que la fonction de la
greffe soit stable [10]. Le traitement immuno-
suppresseur doit être poursuivi pendant toute la
grossesse, avec surveillance rapprochée et éven-
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MOTS CLÉS Résumé L’insuffisance rénale aiguë de la grossesse regroupe toutes les causes de dégra-
Insuffisance rénale dation aiguë de la fonction rénale entre le début et la fin de la grossesse. Le seuil de
aiguë ; créatinine plasmatique définissant une insuffisance rénale aiguë (IRA) est abaissé chez la
Grossesse ; femme enceinte (créatinine plasmatique, 80 lmol l–1) compte tenu d’une augmentation
Prééclampsie ;
physiologique du débit de filtration glomérulaire lors de la grossesse normale. En pratique
Stéatose aiguë
gravidique clinique, les IRA spécifiques de la grossesse ont une distribution bimodale : les IRA du 1er
trimestre regroupent les IRA associées aux avortements septiques et aux vomissements
gravidiques ; les IRA du 3e trimestre sont dominées par les complications rénales liées à la
prééclampsie sévère et plus exceptionnellement à la stéatose aiguë gravidique. Les
autres causes d’IRA demeurent anecdotiques. Dans les pays ayant légalisé l’avortement et
disposant d’un suivi strict et obligatoire des grossesses, l’incidence de cette redoutable
complication obstétricale a considérablement diminué (incidence passant de
1/3 000 naissances à moins de 1/20 000). Cette incidence demeure donc extrêmement
variable selon les législations propres à chaque pays. Le pronostic vital maternel et fœtal
est lié à la précocité du diagnostic et à la célérité du traitement. La prise en charge de
telles patientes au 3e trimestre doit relever d’une structure sanitaire disposant de
« moyens lourds » de surveillance et de traitement pour la mère et le fœtus, structure
associant des compétences obstétricales, pédiatriques, néphrologiques et de réanima-
tion. L’IRA gestationnelle doit être discutée devant toute augmentation du taux de
créatinine plasmatique au-delà de 80 lmol l–1 et/ou d’oligurie. En effet, le seuil de
créatinine est abaissé pendant la grossesse : l’augmentation du débit sanguin rénal
s’accompagne d’une augmentation du débit de filtration glomérulaire responsable d’une
baisse de la créatinine plasmatique.
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KEYWORDS Abstract Acute renal failure (ARF) in pregnancy includes all causes of acute impairment
Acute renal failure; of renal function, from the beginning of pregnancy to delivery. The threshold-level of
Pregnancy; plasma creatinin that indicates ARF in the pregnant woman is lowered to 80 lmol l–1 due
to the physiological increase of the glomerular flow during normal pregnancy. In clinical
* Auteur correspondant.
Adresse e-mail : xavier.belenfant@chi-andre-gregoire.fr (X. Belenfant).
practice, specific pregnancy ARFs follow a bi-modal distribution: ARFs of the 1st trimester
Pre-eclampsia; include those ARFs associated to septic abortions and gravidic emesia. 3rd trimester ARFs
Acute gravidic include essentially those renal complications related to severe pre-eclampsia and, more
steatosis exceptionally, to acute gravidic steatosis. The other causes of ARFs remain more rare. In
countries where abortion is legal and where pregnancies are bound to strict follow-up, the
incidence of this dangerous obstetrical complication has considerably regressed (from 1/
3,000 births to less than 1/ 20,000). This incidence remains highly variable from a country
to another, and differs according to the local legislation. The vital prognosis, both for the
foetus and the mother, is related to the earliness of the diagnosis, and the rapidity of
treatment initiation. The management of such patients at the 3rd trimester of pregnancy
should be undertaken in a sanitary environment fully equipped with follow-up and
treatment means, both for the mother and the foetus, and combining competences in
obstetrics, paediatrics, nephrology, and intensive care as well. Gestational ARF is to be
suspected in any case of increased creatinin level (>80 lmol l–1) and/ or oliguria since the
blood creatinin level is normally lowered during pregnancy.
© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
• des urines concentrées : [urée] u [urée] p > 10, tion de la fibrine [PDF] (+), D-dimères [DD] (+),
[créatinine]u/[créatinine]u > 40, sans protéi- thrombopénie), une insuffisance rénale.
nurie, sans hématurie à la bandelette urinaire.
Une cétonurie de jeûne est possible sans glyco- Stratégie thérapeutique et pronostic
surie ni hyperglycémie. néphrologique
Une discrète cytolyse hépatique24 (< 5-10 N) et Le traitement sera symptomatique et spécifique :
une augmentation de la bilirubine peuvent être • spécifique :27 antibiothérapie précoce systé-
observées (20 % des cas). matique (ampicilline – acide clavulanique +
aminoside + métronidazole) associée à une la-
Stratégie thérapeutique26 parotomie exploratrice en cas de péritonite ou
Le traitement symptomatique comprend, en cas de suspicion de perforation utérine ;
d’insuffisance rénale, une réhydratation par voie • symptomatique :27 suppléance hémodynami-
parentérale en milieu hospitalier. L’expansion vo- que et des autres défaillances viscérales.
lumique par cristalloïdes (sérum physiologique NaCl
0,9 %) permet de corriger la déplétion sodée ainsi Pronostic13
que l’alcalose métabolique. Le déficit potassique Le pronostic vital peut être compromis en cas de
doit systématiquement être compensé. Le recours défaillance multiviscérale (taux de décès mater-
exceptionnel et transitoire à la dialyse25 peut se nels de 15 %).
révéler nécessaire en cas de nécrose tubulaire Si le cap aigu est passé, le risque d’insuffisance
aiguë secondaire à une déshydratation intense rénale chronique par nécrose corticale13,28 de-
et/ou prolongée. meure non négligeable (8 %). Le diagnostic est
Le traitement symptomatique des vomissements suspecté en cas d’absence de reprise de la diurèse
fera appel aux antiémétiques (métoclopramide ou et d’insuffisance rénale persistante après 3 semai-
doxylamine) ou, dans des formes incoercibles, à la nes de prise en charge symptomatique efficace.
chlorpromazine ou prométhazine.26 L’angio-imagerie par résonance magnétique (angio-
IRM)29 peut établir le diagnostic en montrant l’ab-
Pronostic sence de vascularisation corticale totale ou par-
En cas de traitement précoce, la fonction rénale tielle. En l’absence d’angio-IRM ou d’angioscanner,
récupère ad integrum. l’artériographie29 conventionnelle confirme le dia-
gnostic en montrant un aspect en arbre mort bila-
Insuffisance rénale aiguë dans un contexte téral. Une récupération est possible en cas de né-
septique : avortement septique crose partielle, au prix souvent d’une HTA et d’une
insuffisance rénale séquellaire. La plupart des pa-
Les avortements clandestins dans des conditions ne tientes demeurent malheureusement en dialyse
respectant pas les conditions d’asepsie peuvent se chronique.
compliquer d’infection utérine, de perforation uté-
rine et de choc septique.
Insuffisance rénale aiguë du 3e trimestre
Diagnostic positif13
Le diagnostic doit être évoqué de principe chez une de la grossesse30
femme en âge de procréer dans un contexte de
sepsis à point de départ gynécologique. La gros- Insuffisance rénale aiguë dans un contexte
sesse n’est pas toujours déclarée et ce, d’autant de prééclampsie
que l’accouchement a été « clandestin ». L’examen
clinique permet d’orienter le diagnostic devant des L’insuffisance rénale est une complication rare de
plaies vulvaires, des métrorragies, des leucorrhées la prééclampsie.15,31
et une douleur au toucher vaginal. Une contracture La prééclampsie est caractérisée par une activa-
abdominale fait redouter une perforation utérine tion des cellules endothéliales responsable, au ni-
ou une pelvipéritonite. veau des capillaires et des artérioles, d’une activa-
L’examen clinique et les examens complémen- tion de l’agrégation plaquettaire (thrombose des
taires recherchent des signes de défaillance multi- petites artérioles, thrombopénie), d’une hémolyse,
viscérale : œdème pulmonaire lésionnel (polypnée, d’un syndrome de fuite capillaire (œdème intersti-
hypoxie, hypocapnie), une hépatite cytolytique, tiel, voire œdème pulmonaire lésionnel) et d’une
une coagulation intravasculaire disséminée (taux vasoconstriction aggravant l’ischémie tissulaire
de prothrombine [TP], fibrinogène bas, temps de (HTA et hypoperfusion placentaire).32,33,34,35,36,37
céphaline kaolin [TCK] allongé, produit de dégrada- Le syndrome de fuite capillaire et la vasoconstric-
Insuffisance rénale aiguë et grossesse 47
prééclampsie et une insuffisance rénale sont les cytolyse hépatique.64,65,66 Cependant, aucune
suivants. étude n’a démontré un bénéfice pour le fœtus
• Optimiser la volémie plasmatique.60 ou pour la prolongation de la durée de gesta-
Ces patientes présentent toutes une hypovolé- tion.
mie plasmatique et, à un degré variable, un • Sulfate de magnésium.
syndrome de fuite capillaire.60 On entreprend Dans les pays anglo-saxons et sur la base d’étu-
une expansion volumique prudente (cristal- des prospectives récentes confirmant l’oppor-
loïde ou albumine humaine) sous contrôle tunité de ces pratiques,67,68 le sulfate de ma-
strict de la tolérance pulmonaire (fréquence gnésium administré par voie intraveineuse
respiratoire, oxymétrie de pouls, et ausculta- (dose de charge 2-4 g, entretien 1-3 mg h–1)
tion pulmonaire régulière). Certains auteurs permet de diminuer le risque de convulsions et
proposent d’effectuer cette expansion sous peut-être de retarder la date de l’accouche-
contrôle des mesures obtenues par cathété- ment. Son utilisation en association avec les
risme droit :44,61 le remplissage étant modulé inhibiteurs calciques est déconseillée en raison
en fonction de la pression capillaire pulmo- d’un risque accru de complications liées au
naire (objectifs Pcap 10-15 cmH2O). Le risque sulfate de magnésium (hypoventilation alvéo-
principal est un œdème pulmonaire lésionnel laire). Son intérêt chez la parturiente ayant
et/ou un épanchement pleural massif entraî- une insuffisance rénale n’est pas démontré. De
nant une hypoxie potentiellement délétère plus, l’utilisation du sulfate de magnésium doit
pour le fœtus. En cas d’hypoxie, l’arrêt de être évitée en cas d’insuffisance rénale sévère,
l’expansion volumique, l’oxygénothérapie et la compte tenu d’un risque accru de surdosage
ventilation non invasive permettent générale- (hypoventilation alvéolaire).
ment de passer le cap. • Correction des troubles de l’hémostase.
• Contrôle de la pression artérielle. Les transfusions plaquettaires ne sont envisa-
La pression artérielle (PA) doit être abaissée si gées qu’en cas de saignement ou de césarienne
la pression artérielle diastolique (PAD) excède si le taux de plaquettes est inférieur à
110 mmHg (objectif : PAD : 100-110 mmHg), 30 000 ml–1.42 Dans les cas de CIVD52 associée à
mais son contrôle doit être progressif et mo- une hémorragie de la délivrance (hématome
déré. Toute baisse brutale et/ou excessive de rétroplacentaire), il peut être nécessaire de
la PA entraînerait une aggravation de l’isché- transfuser, outre des culots globulaires, des
mie placentaire dont l’expression la plus dra- culots de fibrinogène et de l’antithrombine III.
matique serait la mort in utero. Le labétalol • Déclenchement de l’accouchement.
est le produit le plus anciennement utilisé et Sous strict contrôle fœtal et maternel, en cas
son innocuité à long terme a pu être établie de souffrance fœtale aiguë (SFA), d’inflation
chez le fœtus. Cependant, ce produit est de hydrosodée incontrôlable (œdème pulmo-
plus en plus remplacé par la nicardipine, à naire, épanchement pleural), de détresse res-
laquelle on attribue par ailleurs une action piratoire, d’IRA oligoanurique, de majoration
tocolytique.62 de la thrombopénie (< 50 000/Ml), de cytolyse
• Corticothérapie. hépatique ou d’hématome hépatique, ou d’ag-
Compte tenu du risque d’accouchement pré- gravation de l’état neurologique, il faut, sans
maturé, une cure brève de corticoï- état d’âme, déclencher l’accouchement, quel
des40,63,64,65,66 est administrée pendant 24 à que soit le terme.
48 heures afin d’accélérer la maturation pul- Cette stratégie thérapeutique, lourde en ter-
monaire fœtale, diminuer la mortalité néona- mes de surveillance, permet de retarder de 7 à
tale, ainsi que les risques de détresse respira- 10 jours en moyenne40,44,69 la date de l’accou-
toire néonatale et d’hémorragie intraven- chement, délai dont le bénéfice est de dimi-
triculaire du nouveau-né. On utilise habituelle- nuer le risque de détresse respiratoire néona-
ment la bétaméthasone à raison de deux injec- tale et d’hémorragie intraventriculaire du
tions de 12 mg par voie intramusculaire à nouveau-né. L’accouchement a lieu dans plus
12 heures d’intervalle. En se fondant sur des de 50 % des cas par césarienne44,50,58 soit pour
séries de cas ou des études rétrospectives cas- des raisons fœtales (terme < 32, SFA) soit plus
témoins, plusieurs équipes notent un bénéfice rarement pour des raisons maternelles (héma-
des corticoïdes en termes de contrôle de la tome hépatique, convulsions, détresse respira-
symptomatologie maternelle : stabilisation, toire). Cette stratégie permet d’obtenir un
voire correction de la thrombopénie et de la terme à la naissance de 30-32 SA.16,39,50,55
Insuffisance rénale aiguë et grossesse 49
rénale surviennent plus volontiers au 3e trimestre faillance viscérale maternelle « majeure », l’accou-
ou en post-partum. Plus exceptionnellement, le chement par voie basse est préféré.
diagnostic de lupus peut être porté au cours de la
grossesse devant une insuffisance rénale aiguë de Indications de la césarienne
profil glomérulaire : insuffisance rénale rapide-
ment évolutive, protéinurie de débit variable, hé- La césarienne est indiquée en cas de SFA, d’héma-
maturie associée à une PA normale ou peu élevée. tome rétroplacentaire et, pour de nombreuses
L’association de signes extranéphrologiques équipes, en cas de terme inférieur à 32 SA.
oriente le diagnostic : polyarthrite, syndrome de L’insuffisance rénale, l’éclampsie, la thrombo-
Raynaud, vespertilio, etc. La recherche d’anticorps pénie et la cytolyse hépatique ne sont pas, à elles
antinucléaires et d’anticorps antiacide désoxyribo- seules, des situations imposant une césarienne.
nucléique (ADN), la baisse du complément permet-
tent de guider le diagnostic biologique. La biopsie
Modalités d’anesthésie : anesthésie
rénale71 se discute avant 32 SA afin de définir au
mieux la stratégie thérapeutique (traitement im- locorégionale ou générale ?
munosuppresseur éventuel).
Une IRA au cours de la grossesse peut aussi être L’anesthésie péridurale (APD)100 est l’anesthésie
révélatrice d’autres maladies systémiques : polyan- de choix en cas de prééclampsie y compris en cas de
géite microscopique, granulomatose de Wegener, césarienne. Elle offre de nombreux avantages ma-
périartérite noueuse, purpura rhumatoïde, etc.). ternels : une analgésie stable permet d’éviter les
à-coups hémodynamiques liés aux stimulations no-
Insuffisance rénale aiguë liée aux ciceptives, et fœtaux, en améliorant le débit san-
thérapeutiques employées pendant guin utéroplacentaire.37
la grossesse : indométacine La contre-indication principale à l’APD reste les
troubles de l’hémostase. Malgré la faible incidence
Exceptionnellement l’indométacine97 utilisée jadis de l’hématome périmédullaire, un temps de sai-
lors des menaces d’accouchement prématuré a pu gnement selon la méthode d’Ivy est nécessaire
se compliquer d’IRA comme chez l’adulte non gra- quand le chiffre des plaquettes est inférieur à
vide. 120 000/mm3, car la thrombopénie est souvent
associée à une dysfonction plaquettaire.48 L’APD
Insuffisance rénale aiguë/pyélonéphrite
peut être pratiquée lorsque le temps de saigne-
Les pyélonéphrites se compliquent exceptionnelle- ment, le temps de Quick, le temps de céphaline
ment d’IRA98 pendant la grossesse, sauf en cas de activé et le fibrinogène sont normaux sur un bilan
diagnostic tardif. En dehors du contexte de choc prélevé moins de 2 heures avant la ponction.
septique, une évolution défavorable de la fonction L’anesthésie générale présente de nombreux in-
rénale en 24-72 heures, malgré la correction des convénients surtout au moment de l’induction
désordres hydroélectrolytiques et une antibiothé- anesthésique : poussées hypertensives responsa-
rapie adaptée peut amener à proposer la montée bles de défaillance ventriculaire gauche avec
de sonde en double J. En effet, une uropathie œdème pulmonaire et/ou hémorragie cérébrale.
obstructive ne peut pas toujours être formellement L’induction anesthésique doit être précédée de
éliminée, compte tenu de la dilatation physiologi- l’ingestion d’un antiacide et d’une expansion volu-
que des cavités pyélocalicielles et des uretères mique (500 ml de cristalloïde). L’utilisation des
durant la grossesse. morphinomimétiques est fortement préconisée (al-
fentanyl 8 à 10 lg kg-1). Le traitement des poussées
Insuffisance rénale/toxicomanie99 hypertensives fait appel aux antihypertenseurs
d’action rapide et de durée brève (nicardipine et le
Comme chez tout adulte toxicomane, la cocaïne
labétalol).
consommée pendant la grossesse peut entraîner
une IRA.
Conclusion
Modalités d’accouchement/anesthésie
Indications de l’accouchement par voie L’IRA doit demeurer une complication exception-
basse nelle de la grossesse. La légalisation de l’avorte-
ment permet d’éviter les IRA liées aux complica-
En cas de terme supérieur à 32 SA, en l’absence de tions septiques des avortements clandestins. La
SFA, d’hématome rétroplacentaire ou de dé- prise en charge précoce des vomissements incoer-
52 X. Belenfant et al.
cibles du 1er trimestre doit éviter leurs complica- 18. Oladokun A, Okewole AI, Adewole IF, Babarinsa IA. Evalu-
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Revue du Rhumatisme 72 (2005) 698–706
http://france.elsevier.com/direct/REVRHU/
Keywords: Biological test; Pregnancy; Antinuclear antibodies; Antiphospholipid antibodies; Inflammation; Haemostasis
Si la grossesse constitue un nouvel équilibre physiologi- grossesse. Nous aborderons donc ce paragraphe en tentant de
que, celui-ci est obtenu au prix de bouleversements transitoi- répondre aux questions suivantes :
res de certains grands systèmes qui participent à l’homéosta- • l’état de grossesse peut-il perturber les résultats d’un dépis-
sie de l’organisme, au rang desquels on trouve le système tage d’anticorps à visée diagnostique ?
immunitaire, l’hémostase et l’inflammation. En effet, pen- • la grossesse justifie-t-elle d’une prescription particulière ?
dant neuf mois, ces systèmes sont sous l’emprise de diffé- • est-il pertinent de modifier la fréquence de suivi des mar-
rents mécanismes de contrôle, notamment hormonaux, géné- queurs biologiques de maladies auto-immunes au cours
rés par l’unité fœtoplacentaire dans le but d’induire sa de la grossesse ?
tolérance et sa croissance. Ces mécanismes vont également
peser sur le développement de certains processus pathologi- 1.1. L’état de grossesse peut-il perturber les résultats
ques, notamment ceux liés à l’état d’hypercoagulabilité et d’un dépistage d’anticorps à visée diagnostique ?
ceux qui président à l’évolution des maladies auto-immunes
La recherche des marqueurs immunologiques associés aux
(MAI) non spécifiques d’organe.
principales maladies de système (résumés dans le Tableau 1),
fait appel à une démarche hiérarchisée, schématisée dans la
Fig. 1. À cette notion de démarche progressive et élaborée,
1. Marqueurs immunologiques de connectivites
l’état de grossesse doit amener la question supplémentaire :
et grossesse
les méthodes et les seuils utilisés pour la recherche de ces
paramètres biologiques sont-ils adaptés à cette circonstance
Les MAI peuvent être influencées par la grossesse, certai-
particulière ?
nes comme la polyarthrite rhumatoïde peuvent bénéficier
Il faut savoir d’emblée qu’il n’y a pas d’interférence spé-
d’une accalmie, d’autres comme le lupus systémique (LES)
cifique liée à l’état de grossesse pour les méthodes utilisées à
sont à risque de poussée. Le clinicien doit donc légitimement
la recherche de paramètres immunologiques de connectivi-
s’interroger quant au risque évolutif d’une MAI pendant la
tes. En revanche, comme dans d’autres domaines de la bio-
logie (mesure de la glycémie ou évaluation de la numération
* Auteur correspondant. sanguine, par exemple), les « valeurs seuil » des méthodes
Adresse e-mail : ehachulla@chru-lille.fr (E. Hachulla). appliquées aux prélèvements de la femme enceinte peuvent
1169-8330/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.rhum.2005.05.007
S. Dubucquoi et al. / Revue du Rhumatisme 72 (2005) 698–706 699
Fig. 1. Démarche générée par le biologiste en réponse à la prescription de recherche d’Ac antinucléaires.
En l’absence d’information clinique, le seuil à partir duquel les investigations complémentaires sont engagées, est fixé à une dilution du sérum au 1/80e. Il faut
toutefois savoir, que si le contexte clinique le justifie, et sur simple demande du prescripteur, le biologiste peut engager des explorations complémentaires alors
que les examens de première intention se sont révélés négatifs. C’est le cas de la recherche d’Ac anti-Ro (SSA) chez la femme enceinte.
rêt de rechercher des Ac anti-SSA/Ro 52 kDa. Pour certains, mètre utile pour suivre l’évolution de la maladie, c’est le titre
leur présence peut être associée à certaines maladies de sys- des Ac anti-ADN natif. On peut toutefois regretter que les
tème [7,8] et constituerait un facteur de risque pour le bon méthodes Elisa utilisées par la grande majorité des biologis-
déroulement de la grossesse [6,9]. D’autres contestent jusqu’à tes, aient fait perdre de la crédibilité à ce marqueur qui pour-
l’identité de la protéine de 52 kDa comme issue de l’antigène tant s’il est mesuré par le test de Farr, voire par immunofluo-
Ro (SSA), et rejettent l’intérêt de la recherche des Ac anti-Ro rescence sur Crithidia luciliae (moins sensible, toutefois),
52 kDa dans le domaine des connectivites [10]. En pratique peut renseigner le clinicien quant à l’évolution de la maladie
courante, si la prescription du clinicien ne doit pas distinguer lupique pour les quelques mois qui suivent le dosage. Il est
les Ac anti-Ro 52 et 60 kDa, les méthodes utilisées par les clair que ce marqueur ne suffit pas à lui seul pour traduire une
biologistes se généralisent vers la détection des deux types maladie évolutive ou à risque, mais intégrée dans le contexte
d’Ac. Le biologiste devra préciser l’isoforme de la molécule clinique, et combinée à l’exploration du complément et du
Ro vers laquelle sont ciblés les Ac. La présence d’Ac dirigés syndrome inflammatoire, le titre des Ac anti-ADN natif peut
contre le seul isoforme de 60 kDa ou dirigés de façon com- permettre de juger du moment le plus opportun pour engager
binée vis-à-vis des deux isoformes de 52 et 60 kDa fera consi- une grossesse. Pendant la grossesse, un suivi clinique attentif
dérer le risque comme maximal. La présence d’Ac dirigée peut être proposé tous les trois mois, combiné à l’exploration
contre le seul isoforme de 52 kDa sera interprétée avec plus du syndrome inflammatoire, de la fonction rénale et d’un
de circonspection, quant à l’association potentielle d’une titrage des Ac anti-ADN natif ainsi que de l’activité hémoly-
connectivite. Toutefois, pendant la grossesse, il peut être légi- tique du complément (CH50). Il n’est pas inutile de rappeler
time de gérer le risque et la prise en charge comme pour les que l’exploration du complément se fait de façon optimale
Ac anti-SSA/Ro de 60 kDa. sur tube avec anticoagulant (EDTA) et que le CH50 est le
paramètre le plus utile pour apprécier une activation du com-
1.3. Est-il pertinent de modifier la fréquence de suivi plément potentiellement liée à une poussée de la maladie lupi-
des marqueurs biologiques de maladies auto-immunes au que. En effet, les taux de la protéine C4 du complément peu-
cours de la grossesse ? vent être abaissés du fait de la présence d’une cryoglobuline
[11], ou d’un déficit génétique fréquemment rencontré dans
Parmi les MAI systémiques, celle qui pose le plus grand ce type de pathologie. Ils ne traduisent donc pas aussi fidèle-
problème au cours de la grossesse est le LES. S’il est un para- ment l’activation du complément.
S. Dubucquoi et al. / Revue du Rhumatisme 72 (2005) 698–706 701
Tableau 2 Tableau 3
Aspect comparatif des données cliniques et biologiques comparant la mala- Modifications des paramètres de l’hémostase au cours de la grossesse (d’après
die lupique en poussée rénale et la prééclampsie 13)
Paramètres Poussée rénale Prééclampsie Augmentation Diminution Non
lupique modifié
Protéinurie Progressive ou Brutale Facteurs procoagulants Fibrinogène, Facteur
brutale Facteurs V, VII, XI
Hématurie Fréquente Rare VIII, IX, X
Créatininémie Normale ou élevée Élevée Protéines anticoagulantes Thrombomoduline Protéine S Protéine C
Uricémie Normale ou élevée Élevée soluble Anti-
HTA Oui Oui thrombine
Œdèmes des mem- Possible Oui Protéines adhésives Facteur Willebrand
bres inférieurs Protéines de la fibrinolyse PAI-1, PAI-2 t-PA
Atteinte cutanée ou Oui fréquente Non Anticorps antiphospholi- APLs
articulaire pides (aPL)
Thrombopénie Possible Possible (critère de gravité)
CH50 Diminué Parfois diminué lyse, avec globalement une augmentation des activités pro-
Anti-ADN natif En élévation Stable coagulantes, une diminution des inhibiteurs naturels et de
Anticorps anti- Possible Possible l’activité fibrinolytique (Tableau 3).
phospholipides
Ces modifications aident au maintien de la fonction pla-
centaire pendant la grossesse et l’accouchement, mais peu-
La prééclampsie est une situation particulière qui peut faire
vent prédisposer à la thrombose et aux complications vascu-
porter à tort le diagnostic de poussée lupique. L’élément le
laires placentaires.
plus discriminant entre une poussée rénale du lupus et la préé-
La concentration des facteurs procoagulants augmente pro-
clampsie est surtout le titre des Ac anti-ADN natif stable dans
gressivement et significativement, en particulier les taux de
la prééclampsie, en élévation dans l’atteinte rénale lupique fibrinogène et de facteur VII peuvent doubler [15]. Le taux
(Tableau 2). des facteurs VIII et Willebrand augmentent tout au long de la
La survenue d’une éclampsie, quel que soit le type de mala- grossesse, tout en maintenant un rapport VWF : Ag/VIII entre
dies systémiques associé, doit amener la recherche d’Ac aPL 1 [16], et 1,5 [17]. Le propeptide du facteur Willebrand
car l’éclampsie peut être l’expression clinique d’un authen- (VWF : AgII) est sécrété simultanément au VWF mais éli-
tique SAPL obstétrical [12]. miné plus rapidement de la circulation (demi-vie de 2–3 contre
12 heures pour le VWF), son taux augmente progressivement
au cours de la grossesse et le rapport VWF : AgII/VWF : Ag
2. Hémostase évolue de 1 à 0,5. Celui-ci pourrait être un marqueur sensible
d’un dysfonctionnement endothélial [16].
La grossesse s’accompagne d’un certain nombre de modi- Le système anticoagulant naturel joue un rôle majeur lors
fications physiologiques de la coagulation et de la fibrinolyse de la grossesse. La thrombomoduline, glycoprotéine mem-
[13], et les pathologies inflammatoires ont des répercussions branaire de la paroi endothéliale des vaisseaux et des tropho-
sur ces mêmes paramètres, les systèmes de la coagulation et blastes placentaires, voit le taux de sa forme soluble plasma-
de l’inflammation étant très intriqués [14]. Ainsi, une gros- tique augmenter en fin de grossesse [18]. L’activité de la
sesse chez une femme présentant une pathologie inflamma- protéine C varie en restant dans la fourchette de normalité
toire ou auto-immune, conjugue deux circonstances indui- [19]. Il en est de même pour l’antithrombine [20].
sant des variations des paramètres de l’hémostase, Dès les premières semaines de grossesse, les concentra-
principalement consécutives aux modifications induites au tions de protéine S totale et protéine S libre atteignent des
niveau de l’endothélium. L’endothélium joue un rôle actif à niveaux inférieurs aux valeurs normales observées chez des
la fois dans la régulation de l’hémostase et de l’inflamma- femmes ne prenant pas d’estroprogestatifs [21].
tion ; des modifications structurales et fonctionnelles de Une résistance acquise à la protéine C activée (APC) est
l’endothélium, telles qu’observées dans des circonstances induite par les modifications hormonales de la grossesse [22] ;
physiologiques (comme la grossesse) ou pathologiques (les près de 60 % des femmes développent une résistance acquise
pathologies inflammatoires ou immunitaires) vont avoir des à la protéine C activée, qui est maximale au début du 3e tri-
répercussions sur l’équilibre de ces deux systèmes et induire mestre de grossesse [23]. Il n’y a donc pas lieu de rechercher
des variations des taux des marqueurs explorant leur activité. une telle anomalie au cours de la grossesse.
La grossesse s’accompagne également d’une activité fibri-
2.1. Modifications de l’hémostase pendant la grossesse nolytique diminuée avec notamment l’augmentation signifi-
normale et le post-partum cative du taux des inhibiteurs dont le PAI-2, découvert origi-
nellement dans le placenta, et aussi le PAI-1 [16,20].
La grossesse normale est associée à des modifications allant L’ensemble de ces paramètres se normalise dans les six à
dans le sens d’une hypercoagulabilité et d’une hypofibrino- huit semaines qui suivent l’accouchement. Il est donc préfé-
702 S. Dubucquoi et al. / Revue du Rhumatisme 72 (2005) 698–706
rable d’attendre ce délai pour mesurer les paramètres de réduit à l’état ferreux est couplé à la gastroferrine et trans-
l’hémostase dont le profil est modifié lors de la grossesse. porté jusqu’au duodénum où il peut être absorbé.
Dans le pool sanguin, le fer est pris en charge par la trans-
2.2. Modifications de l’hémostase liées à la pathologie ferrine, transporteur exclusif du fer ; sa demi-vie est de huit
inflammatoire jours. La transferrine intervient dans la régulation de l’absorp-
tion du fer : en cas de besoin ou de carence sa concentration
L’inflammation a un effet procoagulant, dès la phase d’ini- augmente, en cas de surcharge elle diminue. Le fer véhiculé
tiation par l’expression de facteur tissulaire, suivi de la phase par la transferrine sert à la biosynthèse de l’hème au niveau
de propagation par l’exposition de phospholipides chargés de la moelle osseuse (15 à 20 mg /jour). Ce fer est récupéré
négativement à la surface membranaire, puis de la phase lors de la destruction des globules rouges par le système réti-
d’inhibition des mécanismes anticoagulants physiologiques culoendothélial et repris en charge aux trois quarts par la trans-
[14]. Le facteur de Willebrand (VWF) est élevé dans toutes ferrine. La capacité totale de fixation ou de saturation de la
les atteintes de l’endothélium vasculaire, il est à la fois mar- transferrine (CFT) est de 250 à 400 µg/100 ml (45 à 72 µmol/l)
queur de souffrance vasculaire et protéine inflammatoire de ce qui correspond à un coefficient de saturation moyen de
la phase aiguë. l’ordre de 30 %.
Les médiateurs de l’inflammation vont également exercer Le quart restant est stocké sous forme de ferritine, réserve
une régulation négative sur la thrombomoduline (TM) et le labile et mobilisable du fer, et sous forme d’hémosidérine,
récepteur endothélial pour la protéine C (EPC-R), tous deux réserve fixe. La ferritine peut stocker jusqu’à 4500 atomes de
nécessaires à l’activation optimale de la protéine C. De plus, fer ferrique et constitue la forme de réserve échangeable du
la PS libre est souvent réduite accentuant le défaut fonction- fer. L’hypoferritinémie est le premier signe biologique et
nel de cette voie. La présence d’Ac aPL participe également infraclinique de la carence martiale avec une sensibilité pro-
à l’inhibition de la voie de la PC dans les états inflammatoi- che de 100 %. La sidérémie varie au cours du nycthémère,
res associés aux pathologies auto-immunes. elle est plus élevée le matin.
Le taux de PAI-1 est significativement augmenté lors de la Le métabolisme du fer est modifié au cours de la grossesse
réponse inflammatoire, induisant un état d’hypofibrinolyse. et les besoins en fer sont accrus chez la femme enceinte du
fait de l’augmentation de l’érythropoïèse et des besoins fœtaux
2.3. Intérêt du dosage plasmatique des marqueurs qui varient de 200 à 300 mg ; ces besoins sont doublés en cas
endothéliaux de grossesse gémellaire. En revanche, la consommation en
fer est limitée car il n’y a plus de menstruations et l’absorp-
Les marqueurs dont les dosages sont réalisables dans des tion du fer est accrue, les réserves maternelles sont mobili-
laboratoires très spécialisés sont le VWF et son propeptide, sées pour assurer un équilibre. Cependant, un déséquilibre se
le t-PA et le PAI-1 [16], la thrombomoduline soluble (sTM) crée en cas de carence martiale antérieure à la grossesse, en
[18]. Ils ne donnent accès qu’à une exploration indirecte de cas de saignements et lors des grossesses multiples.
l’endothélium, leur spécificité est limitée (VWF et PAI- Le déficit en fer en cours de la grossesse, lié à des apports
1 sont également présents dans les plaquettes) et le bénéfice insuffisants, concerne 38 à 88 % des femmes dans les pays
individuel n’est pas nettement établi. Un suivi en cinétique sous-développés et 18 % des femmes dans les pays industria-
serait probablement plus pertinent qu’une mesure ponc- lisés. Les modifications métaboliques, mobilisation du fer de
tuelle. réserve et augmentation de l’absorption ne permettent pas tou-
jours de répondre à l’accroissement des besoins. L’apport de
fer exogène est nécessaire pour prévenir les anémies de la
3. Bilan martial grossesse et celles du fœtus surtout au troisième trimestre de
grossesse [24]. La carence en vitamine C réduit l’absorption
Le fer, constituant de l’hémoglobine, est un métal indis- intestinale du fer : elle doit être supplémentée si elle est asso-
pensable à l’organisme. Le taux de fer chez un individu nor- ciée.
mal est de 3000 à 5000 mg ; il se répartit en : Au cours de la grossesse le fer sérique chute de 35 % ; le
• fer fonctionnel : taux de transferrine et la capacité totale de fixation augmen-
C hémoglobine : 2000 à 2500 mg (65 %) ; tent par carence d’apport et imprégnation estrogénique ; celui
C myoglobine : 200 à 500 mg (3 à 5 %) ; de la ferritine, s’il augmente lors du 1er trimestre, chute aux
C enzymes : 8 à 15 mg (0,3 %) ; 2e et 3e trimestres. Les valeurs chez la femme enceinte sont :
• compartiment de transport, fer lié à la transferrine ou sidé- • fer sérique :
rophiline 3 à 4 mg (0,1 %) ; C 50 à 100 µg/100 ml (valeur de référence 75 à
• fer des réserves (30 %) : 140 µg/100 ml) ;
C réserve labile liée à la ferritine : 300 à 600 mg ; C 89 à 178 µmol/l (valeur de référence 133 à 248 µmol/l) ;
C réserve fixe liée à l’hémosidérine : 300 à 600 mg. • transferrine 4 à 7 g/l (valeur de référence 2 à 4 g/l) ;
Les pertes quotidiennes de fer s’élèvent à 1 à 2 mg par • coefficient de saturation 15 % (valeur normale 30 %) ;
jour et sont compensées par une alimentation normale. Le fer • ferritine :
S. Dubucquoi et al. / Revue du Rhumatisme 72 (2005) 698–706 703
Tableau 6
Principales variations de l’électrophorèse des protéines en situations inflammatoires et pendant la grossesse
Sérum-albumine a1-globulines a2-globulines b-globulines c-globulines
Grossesse ↓ ↑ ↑ ↑ N
Inflammation aiguë N ou ↓ ↑ ↑ N N ou ↓
Inflammation subaiguë N ou ↓ N ↑ N N
Inflammation chronique N ou ↓ ↑ ↑ N ou ↑ ↑
fraction des b-globulines est augmentée de 3 g/l par la trans- que ou dyslipidémiques ne doit se faire qu’au moins trois
ferrine. La fraction des c-globulines reste inchangée. mois après l’accouchement.
Lors de la réaction inflammatoire, la synthèse de la sérum-
albumine est diminuée pour pouvoir maintenir la pression
oncotique. L’a1-antitrypsine et l’orosomucoïde font augmen- 6. Conclusion
ter la fraction des a1-globulines. L’a2-macroglobuline et
l’haptoglobine sont responsables de l’augmentation des L’interprétation des paramètres biologiques au cours de la
a2-globulines. On peut noter une augmentation modérée des grossesse, particulièrement chez les femmes suivies pour un
b-globulines par hypercomplémentémie C3. L’augmenta- rhumatisme inflammatoire ou une MAI systémique, ne peut
tion des c-globulines n’est constatée que lors de la phase se faire qu’à la lumière de l’ensemble des données cliniques
secondaire de la réaction inflammatoire (chronicité). tout en restant critique parfois vis-à-vis de la méthodologie
Le Tableau 6 récapitule les variations obtenues à l’électro- de certains tests biologiques. C’est pourquoi, l’optimisation
de la prise en charge des patients ne peut se faire que par une
phorèse des protéines sériques lors de la grossesse et au cours
bonne coordination des efforts des différents partenaires, obs-
du syndrome inflammatoire.
tétriciens, rhumatologues, internistes et biologistes.
4.9. Les immunoglobulines
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rentes classes d’Ig.
Tableau 7
Principales modifications des constantes biologiques au cours de la gros-
sesse
5. Autres modifications des paramètres biochimiques Hémoglobine Seuil inférieur de normalité = 10,6 g/dL
standard Hématocrite Diminution progressive de 40–42 à 31–44 %
Globules Augmentation progressive jusqu’à un pic à 30 semaines
De nombreuses constantes biologiques sont en fait modi- blancs d’aménorrhée, maintien d’un plateau jusqu’à l’accou-
fiées au cours de la grossesse. La chute progressive du taux chement ; le taux de leucocytes peut dépasser
15 000/mm3 surtout lié à l’élévation des neutrophiles
d’hémoglobine est sans doute la plus flagrante d’entre elles. qui peuvent atteindre 9000/mm3 ; pas de modification
Si l’on considère comme 12 g/l la valeur basse du taux significative du taux des lymphocytes
d’hémoglobine normale chez une femme non enceinte, au Plaquettes Légère diminution du fait de l’hémodilution ou par aug-
cours de la grossesse le seuil inférieur de normalité du taux mentation de la consommation
d’hémoglobine est de l’ordre de 10,6 g/dL [30]. Cette baisse Ionogramme Pas de modification significative
du taux d’hémoglobine est essentiellement liée à l’état Créatininémie Diminution progressive de 25 % au moins de la valeur
initiale
d’hémodilution observé au cours de la grossesse. Les princi-
Uricémie Diminution précoce d’environ 30 % de la valeur ini-
pales modifications des « constantes biologiques » au cours tiale, réascension en fin de grossesse
de la grossesse sont présentées dans le Tableau 7. Cholestérol Augmentation progressive jusqu’à 3 g/l voire plus
La recherche d’une anomalie lipidique au cours de la gros- Triglycérides Augmentation progressive jusqu’à 2 à 3 g/l
sesse n’a aucune pertinence et est totalement ininterprétable. Bilan hépati- Pas de modification significative
La réalisation d’une telle exploration chez les femmes à ris- que
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Gynécologie Obstétrique & Fertilité 36 (2008) 563
DÉBAT
Le dépistage du diabète de la grossesse
Screening for gestational diabetes mellitus
J. Milliez
Service de gynécologie–obstétrique, hôpital Saint-Antoine, Assistance publique–Hôpitaux de Paris, 184,
rue du Faubourg-Saint-Antoine, 75012 Paris, France
Disponible sur Internet le 7 mai 2008
Pour le diabète de la grossesse, le dépistage doit-il être suites de couches, ces mères à risque. À partir de quels chiffres
systématique ? La réponse ne se trouve pas là où on l’attend. En de glycémie ? Là encore on ne sait pas ni pour les complications
premier lieu, le diabète de la grossesse est suffisamment gravidiques ni pour leurs suites, il n’existe pas de valeur limite
fréquent pour se prêter, comme les cancers du sein ou du col significative pour la glycémie [3]. Alors à celui qui croyait au
utérin, à un dépistage systématique. La réponse n’a donc pas seuil et à celui qui n’y croyait pas, la Haute Autorité de Santé
changé [1], c’est toujours oui. Mais pour quels bénéfices ? Ici la (HAS) répond : je ne m’en mêle pas, débrouillez-vous !
vérité est plus obscure. Il a fallu longtemps pour suggérer qu’un Profitons-en. C’est sans doute le seul espace de liberté qui nous
traitement rigoureux réduisait les risques périnatals [2]. Et reste en médecine.
pourtant, si l’on analyse bien les résultats secondaires de
l’étude, on constate que la fréquence des dystocies des épaules, RÉFÉRENCES
le grand ennemi des enfants. . . et des accoucheurs, n’est pas
diminuée dans le groupe traité. Alors à quoi bon ? Eh bien, pas [1] Lejeune V, Milliez J. Dépistage du diabète gestationnel : chez qui ?
vraiment pour les fœtus, mais pour leurs mères et pas pour Comment ? J Gynecol Obstet Biol Reprod 1997;26:760–9.
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ses complications dégénératives [1]. Alors autant le traquer en intolerance: is there a clinically meaningful threshold value for glucose? Acta
amont, orienter vers un suivi immédiat de diabétologie, dès les Obstet Gynecol Scand 2008;87:59–62.
1297-9589/$ – see front matter ß 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.gyobfe.2008.03.003
Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com
Psychosomatique et sexualité
Les femmes face à la douloureuse expérience de l’interruption
médicale de grossesse
Women and the painful experience of therapeutic abortion
C. Gaudet, N. Séjourné *, M.-A. Allard, H. Chabrol
Centre d’études et de recherches en psychopathologie, université de Toulouse II – le Mirail, 5, allée Antonio-Machado, 31058 Toulouse, France
Reçu le 28 septembre 2007 ; accepté le 21 février 2008
Disponible sur Internet le 6 mai 2008
Résumé
Objectif. – Lorsque le diagnostic anténatal révèle une anomalie grave chez le fœtus, le couple peut envisager une interruption médicale de
grossesse (IMG). Cette étude qualitative a pour objectif d’apporter une meilleure compréhension du vécu émotionnel et du deuil périnatal qui suit
une IMG.
Patientes et méthode. – Sept femmes ayant eu recours à une IMG ont participé à un entretien semi-directif.
Résultats. – L’analyse des données recueillies révèle le traumatisme psychique que peut représenter l’IMG, la détresse significative des mères
marquée par des sentiments de culpabilité omniprésents, une symptomatologie anxieuse et dépressive persistante. Des divergences de réactions au
sein du couple sont perceptibles et entraı̂nent un risque de conflits conjugaux.
Discussion et conclusion. – Les résultats mettent en lumière la nécessité d’un soutien individuel, mais également l’intérêt d’une prise en charge
pour le couple.
# 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Abstract
Objective. – When the antenatal diagnosis reveals a serious anomaly of the fetus, the couple can envisage a therapeutic abortion. This
qualitative study aims to bring a better understanding of emotional impact and perinatal grief after a therapeutic abortion.
Patients and methods. – Seven women who have had a therapeutic abortion participated in a semidirective interview.
Results. – The analysis of the collected data reveals the psychological trauma caused by a therapeutic abortion, the significant distress of the
mothers accentuated by omnipresent guilt feelings, persistent symptoms of depression and anxiety. Different reactions within the couple are
perceived and can lead to marital conflict.
Discussion and conclusion. – Results show a need for a psychological follow-up of the individual as well as the couple.
# 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Interruption médicale de grossesse (IMG) ; Psychologie ; Deuil périnatal ; Dépression
d’interrompre, à n’importe quel stade, le cours de la grossesse. symbolise pour les parents la perte d’un fort investissement
Ils ne devront alors plus envisager la vie de l’enfant, mais sa affectif [9] et « laisse une fracture dans la parentalisation »
mort, et seront confrontés au deuil d’un être qu’ils n’auront [10], entraı̂nant ainsi une impression de vide [11]. Le travail
jamais vu, mais pourtant tant désiré et investi. doit s’effectuer dans l’imaginaire, le symbolique : c’est ce qui
L’interruption médicale de la grossesse (IMG) résonne dès rend le deuil périnatal si difficile, intense et dévastateur [12].
le départ comme un traumatisme. La brutalité du drame peut Sa tendance à la chronicité semble aller de pair avec
engendrer un état de stupeur, de choc [1] et un anéantissement l’impossibilité des parents à se représenter l’enfant qu’ils
du sentiment de soi, pouvant conduire à l’incapacité de viennent de perdre. Ainsi, la substitution d’un corps réel à la
discriminer et de réaliser tout ce qui entoure la personne carence imaginative ou aux représentations fantasmatiques
(bruits, paroles de l’équipe médicale . . .) [2]. Immédiatement liées à l’idée d’un enfant mort ou malformé leur permettrait
après l’interruption, les femmes ressentent fréquemment des d’amorcer un premier travail de deuil et de diminuer l’anxiété.
symptômes de stress et même un état de stress aigu post- En effet, Gauthier et al. [13] retrouvent une corrélation
traumatique composé d’un syndrome de répétition (flash-back, significative entre le score élevé de dépression et l’absence de
pensées, rêves. . .), d’un évitement des stimuli ravivant le visualisations et de contacts physiques avec le bébé. Cette
souvenir et l’angoisse liée au traumatisme, de troubles rencontre, de même que les obsèques et les rituels, semble être
physiques, ainsi que des troubles de l’humeur, des sentiments un élément important du travail de deuil. En effet, elle permet
d’insécurité et des symptômes dissociatifs se manifestant par aux parents de s’assurer de la réalité de l’événement [14,15], de
une dépersonnalisation (le sujet se sent détaché de lui comme percevoir l’enfant comme un enfant réel, et non plus comme
s’il était un observateur extérieur) et une déréalisation (le sujet l’enfant tel qu’ils ont pu se l’imaginer durant la grossesse
a l’impression de vivre un rêve, le monde extérieur lui semble (enfant imaginaire idéal ou au contraire difforme) et de
étrange, irréel) [3]. De nombreuses recherches s’accordent sur constituer et de rassembler des souvenirs de son existence.
le risque dépressif et anxieux que constitue l’IMG [4]. Si Frydman [16], met en avant l’importance des rituels et de
certains auteurs ont observé des troubles psychologiques l’accompagnement dans l’élaboration symbolique et la prise
sévères, marqués et persistants seulement chez 10 % des de conscience de la réalité.
femmes [5], d’autres ont noté des fréquences plus élevées. Le vécu de la perte est donc très dépendant de
Ainsi, à partir d’une étude qualitative, Rousseau et Fierens [6] l’accompagnement qui est proposé et l’attitude de l’équipe
ont observé qu’un quart des femmes a fait état d’un deuil soignante est essentielle pour aider les parents à faire face à
pathologique et que beaucoup ont rapporté des perturbations cette épreuve. Si un accompagnement soutenant, reconnaissant
dans les relations avec leurs enfants et une mésentente au l’existence de l’enfant et du statut de parent paraı̂t important,
sein du couple. De même, Connor et al. [7] ont relevé que deux compte tenu de la complexité des processus psychiques en jeu
ans après l’interruption, 20 % des femmes rapportaient et de la relation parfois difficile à instaurer avec ces femmes en
toujours des pleurs, une humeur triste et une irritabilité. Le souffrance, une meilleure compréhension du vécu psycholo-
vécu de ce deuil à des niveaux à la fois physique (bris du gique est nécessaire afin d’apporter l’aide la plus adéquate au
lien organique), identitaire (perte du rôle parental et d’une couple parental. Des entretiens avec des femmes ayant subi une
partie de soi), narcissique et fantasmatique (perte de l’enfant IMG ont été menés afin de mettre en lumière leur expérience
imaginaire et désiré) explique son intensité [3]. Afin de singulière tout au long de cette épreuve. L’objectif de cette
comprendre la complexité et la pérennisation des affects de étude est de rendre compte du parcours long et douloureux
deuil, Kowalski [8] ajoute qu’il symbolise également la auquel les femmes sont confrontées et de la situation de deuil
perte d’une étape de vie, d’un rêve, d’une création. Bien vécue à l’arrêt de la grossesse à travers des illustrations
qu’aucune relation à l’enfant ne se soit constituée, cette perte cliniques.
Tableau 1
Caractéristiques générales de la population
Numéro de Âge Profession Statut civil Durée de la Temps Causes de l’IMG Pertes Nombre d’enfants
l’observation grossesse depuis périnatales
l’IMG passées
Observation 1 35 ans Informaticienne Mariée 17 SA Cinq mois Trisomie 21 0 Un enfant avant l’IMG
Observation 2 35 ans Sans emploi Mariée 24 SA Six mois Trisomie 21 Grossesse 0
extra-utérine
Observation 3 38 ans Secrétaire médicale Divorcée 35 SA Huit ans Anomalie non identifiée 0 Un enfant après l’IMG
Observation 4 24 ans Sans emploi Concubinage 29 SA Quatre mois Anomalie rénale 0 0
Observation 5 26 ans Fonctionnaire Concubinage 19 SA et Deux ans Syndrome de Meckel IMG 0 et début de diagnostic
21 SA et un an pour les deux IMG pré-implantatoire
Observation 6 28 ans Non renseigné Concubinage 25 SA Sept mois Malformation cardiaque 0 Enceinte de sept semaines
Observation 7 32 ans Non renseigné Mariée 28 SA Un an Malformation du 0 Naissance prématurée du
développement osseux deuxième enfant une
sur un enfant lors d’une semaine après l’IMG
grossesse gémellaire
538 C. Gaudet et al. / Gynécologie Obstétrique & Fertilité 36 (2008) 536–542
couples la décision est commune, pour d’autres elle peut entre la vie et la mort et avec mon masque à oxygène je respirais
entraı̂ner des différences d’opinion et des discordes. à peine, donc si vous voulez, en fin d’après midi, j’étais plus
traumatisée par la peur de mourir que le, le, le fait de perdre
3.1.3. L’attente avant l’IMG mon bébé » (Observation 6). Cette femme développa par la
Le vécu de la grossesse durant ce temps intermédiaire est suite des symptômes spécifiques d’un état de stress post
marqué par une forte ambivalence, insupportable pour certaines traumatique avec des angoisses réveillées par sa grossesse
femmes. Les femmes oscillent entre le bébé monstrueux dont actuelle.
elles voudraient être débarrassées et le bébé merveilleux
qu’elles voudraient encore porter. L’envie que cela finisse vite, 3.2.2. Les rituels
de rejeter le bébé, qu’il meure enfin peut dominer (« Dès que Toutes les femmes interviewées désiraient rencontrer leur
l’on a su l’anomalie, il fallait que les choses se fassent enfant. L’enfant étant perçu comme un « beau bébé », cette
vite,vite,vite. . . » Observation 1). Cependant, c’est également à rencontre leur a permis de restaurer en partie le narcissisme
ce moment que la majorité des femmes a réinvesti la grossesse parental blessé : « Pour nous, on a quand même fait un beau
et a profité de l’enfant qu’elles n’allaient plus ressentir par la bébé quoi. Il avait un problème à l’intérieur, mais extérieu-
suite (« Pendant le week-end avant, justement l’on s’est mis à rement parlant, il n’était pas du tout difforme et cela nous a
lui parler, à avoir envie d’établir un contact avec elle. De lui beaucoup, beaucoup rassurés » (Observation 3).
apporter de l’amour, et puis on n’avait plus envie d’être dans Malgré quelques appréhensions, cette rencontre avec
l’ignorance, on a réinvesti cette grossesse » Observation 2). La l’enfant leur à permis de se positionner en tant que parent,
relation fusionnelle établie durant la grossesse leur a permis « d’avoir des gestes de maman », et en quelque sorte de
d’interagir avec leur bébé et de nouer des liens avec lui : « Moi soulager leur culpabilité en mettant en acte l’investissement
c’était pour résumer que du bonheur que je n’aurai pas plus affectif porté tout au long de la grossesse : « C’est hyper
tard. Des bons moments que je ne pourrai pas oublier quoi. culpabilisant. Mais voilà des sentiments de vouloir se
C’était des souvenirs, je l’ai senti bouger, c’était voilà j’en ai rapprocher de son enfant, de le faire exister, par tous les
gardé des merveilleux souvenirs parce que je savais que ça moyens dont on dispose (. . .). C’était vraiment essentiel pour
allait se finir et que j’aurai plus rien après » (Observation 5). moi, qu’elle reçoive de l’amour (. . .) ça nous a prouvé notre
Ces différents aspects soulignent l’importance de cette étape identité de parents » (Observation 2).
pour les femmes et la nécessité de ne pas accélérer l’IMG,
notamment pour laisser le temps aux parents de faire leurs 3.2.3. La prise en charge
adieux à l’enfant. Elle nécessite de considérer la douleur morale, mais
également la douleur physique. Tout d’abord, avant l’IMG,
3.2. L’interruption les mères ont besoin d’être guidées et d’avoir des explications
claires afin de pouvoir se préparer psychologiquement et
3.2.1. La prise de médicaments et l’accouchement amoindrir ainsi le traumatisme de l’événement. Concernant la
L’interruption de la grossesse est à l’origine d’une prise en charge, on peut mettre en avant l’importance d’un
expérience possiblement traumatique pour les femmes. La repère fixe, d’une personne privilégiée, présente avant et tout au
prise de médicaments est perçue comme l’acte de tuer long de l’accouchement, reconnaissant l’existence de l’enfant,
intentionnellement l’enfant et contribue à amplifier les de leur statut de mère et de la douleur de la perte. L’aide, la
sentiments de culpabilité : « c’était très important pour moi disponibilité, l’écoute empathique et la compréhension que
de savoir si ça allait l’empoissonner parce que j’avais l’image peut apporter le personnel médical peuvent être pour la mère un
d’un bébé mort dans mon ventre » (observation 1). Le terme soutien important : « Extrêmement bien informés et soutenus,
« fœticide », de par son rapprochement étymologique avec le avant, pendant et après l’IMG » (Observation 2), « Les sages-
mot « homicide » est particulièrement marquant pour les femmes ont été extraordinaires, l’équipe médicale a été
femmes : « Donc y’avait marqué : « Mme X, fœticide ». Donc ça fabuleuse (. . .) ça m’a vraiment aidée» (Observation 4).
vous vous le prenez en pleine face. Je crois que ce problème de Quelques femmes ont mis en avant leur insatisfaction. Le
tuer ma fille je crois que cela vient de là, je pense » déroulement de l’IMG en service de maternité est particuliè-
(Observation 7). rement difficile et rappelle aux femmes leur non-accession à la
L’accouchement est le moment le plus difficile pour les parentalité, la perte de l’enfant et de leur projet fracturé : « Ça a
mères car il s’agit de la confrontation avec la réalité de vraiment été atroce et insupportable pour moi d’être en salle
l’anomalie et de la perte de l’enfant. Elles doivent se détacher d’accouchement et d’entendre trois bébés qui venaient de naı̂tre
de la relation fusionnelle qui les lie à lui, et sont confrontées pleurer et de me dire que les miens ne pleureraient jamais »
dans le même temps à la vie et à la mort. Cette cohabitation (Observation 1). Face à une situation qui leur échappe, leurs
donne à cet instant un caractère surréaliste qui échappe aux choix déjà douloureux ne sont pas toujours respectés par
capacités de mentalisation du sujet. L’enfant est identifié l’équipe médicale : « La secrétaire de l’hôpital nous a forcés à
comme une partie d’elles-mêmes et les femmes demeurent connaı̂tre le sexe de notre ange alors que tout le monde avait
entre ces deux mondes. Peuvent naı̂tre à cet instant des respecté notre choix » (Observation 4). Le manque d’informa-
angoisses de mort, d’autant plus lorsqu’un accouchement tion et les propos tenus par l’équipe soignante renforcent leur
difficile entraı̂ne un risque vital pour la mère : « Moi, j’étais incompréhension et leur douleur : « Vous savez y’a dix ans on
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vous aurait mis un drap sur la tête et on vous aurait endormie » personnelle. En revanche, pour certaines femmes, cette épreuve
(Observation 5). leur a permis de prendre conscience des capacités et d’une
La prise en charge par un psychologue est essentielle et peut maturité qu’elles ne soupçonnaient pas : « Moi, ça m’a révélé
être mise en place immédiatement après l’IMG auprès des une force, un courage des choses que je ne pressentais pas en
couples, mais aussi de l’équipe soignante. Cela semble être un moi » (Observation 3). Nous pouvons percevoir la tendance à la
élément important pour faire face au deuil périnatal et aux chronicité de ce deuil (« moi j’ai longtemps pleuré ».
difficultés conjugales : « Je crois que c’est elle qui nous donne Observation 3). La perception de femmes enceintes, d’enfants,
plein de petites choses pour avancer, pour comprendre ce qui l’approche des dates d’anniversaire entraı̂nent chez elles une
s’est passé et tout ça (. . .). Sans elle, le cheminement aurait été remémoration de la perte et une augmentation des symptômes
beaucoup plus long » (Observation 7). dépressifs : « On repense à tout ce qu’on n’a pas et tout ce
qu’on aurait pu avoir » (Observation 5). Si la souffrance semble
3.3. Le temps de deuil diminuer avec le temps, elle reste présente : « Ça se réveille de
temps en temps. C’est comme une cicatrice, on vit avec, puis
3.3.1. La culpabilité elle cicatrise un peu avec le temps, des fois elle picote un peu,
Face à la décision d’interrompre la grossesse, les mères bon on est obligé de vivre ; c’est pour la vie quoi ! »
éprouvent une importante culpabilité (« Au fond de moi, je me (Observation 4). Les femmes éprouvent le besoin de donner une
sens encore toujours coupable. . . » Observation 5), notamment place à leur enfant, de prouver son existence et de trouver un
par rapport à l’anomalie, aux possibles douleurs infligées à sens à sa perte : « Moi j’avais vraiment besoin d’en parler parce
l’enfant, à la non-acceptation du handicap. Certaines femmes, que j’avais besoin qu’il existe » (Observation 5).
ayant pris conscience de leur statut de mère et de l’existence de
leur enfant au moment de l’IMG, peuvent éprouver de la 3.3.3. Le couple
culpabilité vis-à-vis de ce déni de grossesse. Dans un même L’IMG est une expérience difficile pour les femmes, mais
temps, l’IMG met un terme à l’anxiété causée par les multiples également pour les hommes qui, même s’ils ne vivent pas
examens médicaux et aux souffrances de l’enfant et les femmes l’interruption de la grossesse sur le plan physique, sont
peuvent alors éprouver un certain soulagement et une confrontés à la perte de leur futur enfant. D’après le discours
délivrance : « J’ai décidé de le faire partir dans l’autre monde des femmes interrogées, le soutien du conjoint semble être un
pour ne pas être égoı̈ste. Un enfant handicapé n’a pas la chance élément important de l’intensité, du déroulement et du
de vivre une vraie vie alors j’ai évité ce calvaire à mon fils » dénouement du deuil (« Mon mari était avec moi, chose hyper
(Observation 2). L’interruption les libère de leur fantasme importante ! ». Observation 2). Si le conjoint soutient sa
d’enfant monstrueux et de la représentation de « tombe » que femme, il n’apporte pas toujours l’aide qu’elle souhaiterait : « Il
peut détenir leur corps [17]. fait tout pour m’apporter le soutien dont il pense que j’ai
L’impossibilité ou la difficulté à accompagner l’enfant besoin. Il a du mal à trouver le comment. Il essaie (. . .) en
jusqu’aux obsèques ne permettent pas aux parents de mettre en faisant le pitre, en me faisant rire, en me disant « vas- y sèche
place des gestes compensatoires et entraı̂nent des remords et tes larmes, on va rire ». Mais c’est pas forcement ça qui fait du
une culpabilité supplémentaire : « Je ne savais pas les bien » (Observation 4).
possibilités que j’avais (. . .). C’est un sentiment de culpabilité Contrairement aux femmes, les pères n’expriment pas leurs
qui est très, très lourd à porter » (Observation 5). affects, ce qu’elles vivent avec ambivalence. Elles peuvent
attribuer cette attitude à un désir de montrer une image forte,
3.3.2. Le vécu du deuil contenante et soutenante, et de cacher leur douleur pour ne pas
L’IMG se présente comme l’épreuve la plus difficile et la amplifier celle de leur conjointe, mais elles peuvent le percevoir
plus douloureuse à laquelle ces femmes ont eu à faire face dans comme une fuite : « Il garde beaucoup quand même, il garde
leur vie car elle renvoie à la mort de leur statut de mère et de leur beaucoup de sentiments » (Observation 5) ; « Il a voulu être
enfant et donc à la mort d’une partie d’elles-mêmes. Le fort, il a voulu se détacher pour pas en souffrir, chose qu’il a
sentiment de vide est omniprésent : « Aujourd’hui, il reste cette faite pour moi. Déjà, à la fin de ma grossesse il se détachait, il
preuve d’amour et puis il reste le manque, tous les jours il me touchait plus le ventre, vraiment je sentais qu’il était déjà plus
manque » (Observation 4). L’interruption de la grossesse les là le petit (. . .) Tous les jours il a la tête dans son travail »
confronte au deuil de l’enfant et d’un futur imaginaire : « En (Observation 4). Ces différences au sein du couple peuvent être
fait, on fait un deuil de ce que l’on imaginait neuf mois plus source de complémentarité et de cohésion, mais également
tard » (Observation 2) ; « on fait un deuil sur des rêves, sur des d’incompréhension et de conflits : « Moi j’avais besoin de
choses qui sont dans le futur donc c’est difficile à exprimer » parler d’elle et pas D. (son mari) et du coup c’est très difficile
(Observation 1). d’en parler, d’aborder le sujet » (Observation 7). Le
La symptomatologie dépressive et anxieuse est importante dépassement de cette épreuve grâce à la communication et
et nombre de femmes font part de leurs pensées au partage représente une étape dans l’identité du couple : « Ça
suicidaires (« Dans mes moments de déprime, j’aurais pu nous a énormément renforcés et rapprochés » (Observation 6),
passer à l’acte suicidaire ». Observation 4). Les sentiments de « Ça nous a renforcés dans notre désir d’enfant (. . .) c’est
responsabilité de la perte peuvent être à l’origine d’une tellement fort de sentir que son couple est aussi soudé. On n’a
diminution de l’estime de soi et des sentiments de valeur pas eu forcement d’autres occasions de l’exprimer comme ça »
C. Gaudet et al. / Gynécologie Obstétrique & Fertilité 36 (2008) 536–542 541
(Observation 2). La qualité de la relation conjugale, 3.3.5. L’enfant présent, la grossesse et l’enfant futur
l’ajustement aux réactions de l’autre et l’expression émotion- À la suite d’une IMG naı̂t l’anxiété de ne pas un jour accéder
nelle facilitent la résolution du deuil : « Qu’on n’ait pas à la parentalité : « J’avais incroyablement peur que cela me
forcement les mêmes réactions de la même intensité et cela ne paralyse pour une future grossesse » (Observation 1). Le désir
veut pas dire pour autant qu’il est pas malheureux, qu’il aime d’enfant et l’envie de fonder une famille sont fortement
pas cet enfant (. . .) on ne réagit pas de la même manière et du perceptibles chez ces femmes, mais celles-ci expriment
moment qu’on l’accepte. C’est là aussi l’une des clefs du fait également leur souhait de ne jamais oublier leur enfant décédé.
qu’on s’en soit sorti rapidement et assez bien : c’est la force du Du fait de l’angoisse d’une nouvelle perte, l’investissement de
couple » (Observation 2), « Quand lui était bas, moi j’étais la grossesse se fera plus tardivement, par exemple au moment
haute et quand j’étais basse, il était haut. On a réussi à de la première échographie, voire même pour certaines le jour
s’équilibrer complètement » (Observation 6). de l’accouchement : « Ce n’est pas parce que je suis enceinte
En revanche, les difficultés conjugales contribueraient à que je vais avoir un enfant en fait » (Observation 6).
renforcer les symptômes d’anxiété et de dépression consécutifs
à la perte : « J’ai jamais été aussi seule à partir du moment où 4. Discussion
j’ai mis au monde cet enfant (. . .) J’avais plus du tout l’écoute
et la tendresse dont on a besoin pour se sentir équilibrée quoi » Cette étude a permis de mettre en avant les répercussions
(Observation 3). L’incompréhension, l’irritabilité, la colère et la psychologiques de l’IMG et le risque traumatique que constitue
frustration ont mené certains couples à la séparation : « Ça cet événement. L’hétérogénéité des participantes permet de
casse un couple, moi je le dis et j’en suis persuadée (. . .) mieux appréhender l’évolution et surtout la diversité des
Ça représente 80 % du problème. Parce qu’on ne l’a pas vécu expériences de l’IMG. Il ressort des entretiens l’importance de
pareil, avec une intensité différente, lui il a nié tout ! » la rencontre avec l’enfant et des rituels dans le travail de deuil.
(Observation 3). Pour la femme, cette absence de dialogue et de De par la dimension structurante qu’ils apportent, tous ces
soutien est perçue comme une indifférence à la perte et un signes concrets ou symboliques ont pu aider la majorité des
manque de reconnaissance, et entraı̂ne des sentiments de mères dans l’élaboration du deuil [18], leur absence
frustration, de solitude et une rumination ayant pour effet une apparaissant comme un risque à une instabilité émotionnelle
détresse psychologique intense : « On n’a pas beaucoup parlé. avec symptomatologie anxiodépressive importante [19].
Pour moi, plus je le gardais, plus j’engendrais des souvenirs et Certaines femmes ont vécu leur IMG des années auparavant
plus je le gardais, plus je souffrais. C’était difficile » et la douleur semble encore très présente dans leur discours.
(Observation 7). Plusieurs études ont observé une fréquence élevée de deuil
chronique lors d’une perte en période périnatale. Hunfeld et al.
[20] ont décelé 38 % de détresse cliniquement significative
3.3.4. Le soutien social quatre ans après l’interruption. Pour Legros [21], leur douleur et
La spécificité de ce deuil et du statut de l’enfant semblent leurs pensées seraient pour ces femmes les seuls représentants
inhiber le soutien social, provoquant une gêne et une de l’existence de leur enfant et leur permettraient de préserver
incompréhension. D’après les femmes interrogées, l’entou- le lien à l’objet. Selon Goulet et Lang [22], donner un sens à la
rage ne reconnaı̂t pas cette perte comme le deuil d’une perte est un processus qui permettra la résolution du deuil.
personne à part entière et le soutien, lorsqu’il y en a, est de L’IMG représente également le deuil de la maternité. Les
courte durée, le plus souvent apporté lors de la période de résultats montrent que l’absence d’enfant apparaı̂t comme un
l’IMG. Par la suite, il est fortement réduit, laissant entendre au facteur supplémentaire à la détresse maternelle, de par l’anxiété
couple « qu’il faut passer à autre chose » : « Cette sensation de ne pas un jour accéder au statut de mère. De plus, il
qu’ils aient tout oublié après (. . .) Et à partir du moment où j’ai semblerait que le stade de la grossesse soit un facteur
accouché c’était tout oublié, pour eux c’était passé » important : lors d’une perte à un stade précoce, les sentiments
(Observation 4). Les tentatives de soutien sont maladroites, de culpabilité prédominent, alors que lors d’une IMG à un stade
et l’entourage, en pensant rassurer le couple peut provoquer avancé, la culpabilité cohabite avec une symptomatologie
une souffrance supplémentaire : « Ils sont un petit peu dépressive typique du travail de deuil.
maladroits et puis, ils comprennent pas ce qu’on vit, ils ne Face à cette douleur, les mères élaborent des stratégies pour
peuvent pas comprendre ; c’est des phrases qui font très mal. faire face davantage tournées vers la verbalisation de leurs
Dans le genre « vous êtes jeunes vous allez en avoir d’autres » émotions, avec le désir de communication, de partage et
(Observation 4). Du fait de l’absence de communication et de d’affirmation de soi [23]. Conformément à d’autres études,
reconnaissance, la mère peut ressentir des sentiments de certaines femmes mettent en avant que leur conjoint réprime
solitude, de rejet et de colère : « C’est vrai que l’entourage leur souffrance [24]. Selon Mouras et al. [18], c’est le
proche, ils nous ont pas beaucoup aidés, et cela rajoute à la refoulement de la dimension féminine de la paternité et de
douleur » (Observation 2). Notons que du fait de la spécificité l’identification des hommes aux rôles sociaux qui les pousserait
de la population interrogée, il est apparu dans notre échantillon à vivre le deuil intérieurement. Si Fréchette [25] souligne que
que les couples se replient sur eux-mêmes, s’isolent et cette attitude a pour but de soutenir leur femme et d’être une
certaines femmes se tournent alors vers les forums de figure contenante, un manque de communication dans le couple
discussions spécialisés sur Internet. représente un facteur de vulnérabilité [26]. Du fait des
542 C. Gaudet et al. / Gynécologie Obstétrique & Fertilité 36 (2008) 536–542
difficultés conjugales qui peuvent survenir, il semble nécessaire [4] Rosenfeld A. Emotional responses to a therapeutic abortion. Am Fam
Physician 1992;46(3):665–6.
d’étudier plus spécifiquement le vécu du conjoint et la relation
[5] Zolese G, Blacker CV. The psychological complications of therapeutic
de couple à la suite d’une IMG. abortion. Br J Psychiatry 1992;160:742–9.
Pour finir, notre étude a révélé l’importance du soutien social [6] Rousseau P, Fierens RM. Évolution du deuil des mères et des familles
et les difficultés que peuvent vivre les femmes face à après mort périnatale. J Gynecol Obstet Biol Reprod 1994;23:166–74.
l’incompréhension de leur entourage. Dans ce moment difficile, [7] Connor JM, Ferguson-Smith MA, White-van Mourik MCA. The psycho-
une attitude soutenante et compréhensive de la part de social sequelae of a second trimester termination of pregnancy for fœtal
abnormality. Prenat Diagn 1992;12(3):189–204.
l’entourage social, mais également du personnel médical [8] Kowalski K. No happy ending : pregnancy loss and bereavement. Naacogs
apparaissent essentiels. Brown [27] met notamment en lumière Clin Issu Perinat Womens Health Nurs 1991;2(3):368–80.
les éléments d’ordre affectif, cognitif et instrumental que [9] Oppenheim D. Parents en deuil : le temps reprend son cours. Ramonville
peuvent apporter l’équipe soignante. Saint-Agne: Eres; 2002.
[10] Soubieux MJ, Soulé M. La psychiatrie fœtale. Paris: PUF; 2005.
Tout en montrant l’expérience difficile que constitue l’IMG,
[11] Toedter LJ, Lasker JN, Aldaheff JM. The perinatal grief scale : develop-
les entretiens révèlent aussi l’importance pour les femmes de se ment and initial validation. Amer J Orthopsychiat 1988;58:435–49.
sentir mères et d’être considérées comme telles. Ainsi, entre [12] Flis Treves M. Le deuil de maternité. Paris: Calmann-Lévy; 2004.
l’annonce et l’intervention médicale, la grossesse est réinvestie [13] Gauthier Y, et al. Tragédies à l’aube de la vie, répercussions sur les
et est vécue agréablement. De même, la rencontre avec l’enfant familles. Paris: Bayard edition; 1993.
permet aux femmes de materner leur bébé et l’implication dans [14] Bacqué M-F. Le deuil à vivre. Paris: Odile Jacob; 1995.
[15] Rousseau P. Le deuil périnatal. Psychopathologie et accompagnement. J
les choix liés à l’intervention et au rituel de deuil leur donne la Gynecol Obstet Biol Reprod 1988;17:285–324.
possibilité d’exercer leur rôle de parent. [16] Frydman R. Mourir avant de n’être ?. Paris: Odile Jacob; 1997.
[17] Allouch J. Érotique du deuil au temps de la mort sèche. Paris: EPEL; 1995.
5. Conclusion [18] Mouras MJ, et al. La périnatalité : repères théoriques et clinique. Paris:
Bréal; 2003.
[19] Payne EC, et al. Outcome following therapeutic abortion. Arch Gen
Compte tenu du caractère traumatique de l’IMG et des Psychiatry 1976;33(6):725–33.
nombreuses difficultés qui jalonnent cette expérience, il semble [20] Hunfeld JA, Wladimiroff JW, Passchier J. Prediction and course of grief
particulièrement important de soutenir les femmes et de les four years after perinatal loss due to congenital anomalies : a follow-up
aider à faire face à cet événement. Si le deuil périnatal est study. Br J Med Psychol 1997;70:85–91.
[21] Legros JP. Arrêt de vies in utero ou l’errance des fœtus, un possible deuil.
maintenant reconnu et que les institutions accordent une
Études sur la mort 2001;119:63–75.
attention particulière aux mères confrontées à la perte d’une [22] Goulet C, Lang A. Le deuil des parents qui perdent un enfant pendant la
grossesse, les informations rapportées dans cette étude période périnatale. Frontières 1996;9(2):47–51.
permettent de mieux comprendre l’expérience singulière de [23] Schatz WH. Grief of fathers. In: Rando TA, editor. Parental loss of a child.
ces femmes et de cibler l’aide à leur apporter. Champlain, IL: Res Press; 1986.
[24] McCarthy M.-R. Gender differences in reactions to perinatal loss : A
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[25] Fréchette L. Deuil à la suite d’accidents de procréation et de décès de
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Revue du Rhumatisme 72 (2005) 554–562
http://france.elsevier.com/direct/REVRHU/
Lupus et grossesse
Lupus and pregnancy
Michel De Bandt
Service de rhumatologie, hôpital Ballanger, 93600 Aulnay-Sous-Bois, France
Reçu et accepté le 8 décembre 2004
Mots clés : Lupus érythémateux systémique ; Lupus ; Grossesse ; Anticorps antiphospholipide ; Anticorps anti-Ro
Keywords: Systemic lupus eryhtematosus; Lupus; Pregnancy; Antiphospholipid antibody; Anti-Ro antibody
Depuis quelques années les connaissances et la prise en un profil Th2 en cours de grossesse [4]. On ne parle donc
charge obstétricale des femmes lupiques ont considérable- plus d’immunosuppression, mais d’immunomodulation de la
ment évolué. grossesse, régulée par le TGF-b et l’interleukine (IL)-10.
Les modèles murins ont confirmé cette hypothèse en
démontrant le rôle toxique et néfaste des cytokines Th1 telles
1. Immunologie de la grossesse humaine le TNF-a et l’interféron (IFN)-c et le rôle bénéfique des inhi-
biteurs de ces molécules [5,6].
Les mécanismes qui régissent la tolérance fœtomaternelle
sont encore mal connus malgré des acquisitions récentes Au cours de la gestation, l’augmentation des cytokines
concernant le rôle de la molécule HLA de classe G, [1]. Il est Th2 est dépendante du PIBF (Progesterone Induced Bloc-
très vraisemblable que le « paradoxe » de la persistance de king Factor). Les lymphocytes expriment à leur surface des
l’allogreffe fœtale soit responsable de certaines améliora- récepteurs à la progestérone, qui en présence de l’hormone,
tions cliniques observées dans la polyarthrite rhumatoïde, le libèrent du PIBF, capable d’augmenter la production d’IL-
rhumatisme psoriasique ou la spondylarthrite ankylosante. 10 et d’IL-4. Des travaux, chez la femme enceinte, ont mon-
Mais inversement, l’expérience montre que la maladie lupi- tré l’augmentation de production d’IL-10 et de TGF-b [7,8].
que s’aggrave souvent au cours de la grossesse. Si de façon À l’inverse, il est démontré au cours de la grossesse une dimi-
notoire, il existe une dépression de la réponse immunitaire à nution de l’expression de l’IFN-c de l’IL-2, et du récepteur
médiation cellulaire, il est clair que se développe aussi une de l’IL-2, plus marquée au cours du 3e trimestre. Des études
réponse vis-à-vis des antigènes paternels exprimés par le fœtus ont montré que des femmes non lupiques avec des avorte-
[2]. ments spontanés, exprimaient moins d’IL-10 que celles sans
avortements spontanés et que ceci était corrélé à une chute du
PIBF. Ces modifications cytokiniques sont liées à différents
1.1. Importance de la modulation de la balance
phénomènes, en particulier aux hormones sexuelles qui sont
Th1/Th2 au cours de la grossesse
capable de réduire la sécrétion de TNF-a et d’augmenter celle
d’IL-10, d’IL-4 et d’IL-6. Enfin, les antigènes HLA de classe
La dichotomie entre les populations lymphocytaires T (LT)
CD4 Th1 et Th2 permet d’expliquer les modulations obser- II d’origine paternelle exprimés par les cellules placentaires,
vées. Il semble que les LT Th1 aient des propriétés abortives induisent une augmentation de l’IL-4 par les lymphocytes des
[3] mais qu’il existe de façon physiologique un passage vers femmes enceintes [9]. Ces phénomènes de régulation de la
balance Th1/Th2 sont importants mais tardifs, ce qui ne cor-
respond pas tout à fait chronologiquement à l’amélioration
Adresse e-mail : m.debandt@ch-aulnay.fr (M. De Bandt). observée au cours de la polyarthrite rhumatoïde ou à l’aggra-
1169-8330/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.rhum.2004.12.009
M. De Bandt / Revue du Rhumatisme 72 (2005) 554–562 555
vation de la maladie lupique, qui sont souvent assez préco- 2. Fertilité, fécondité et contraception chez les femmes
ces. D’autres phénomènes inconnus sont probablement en jeu. lupiques
ration d’un follicule qui sera fécondé par voie « naturelle ». Tableau 2
L’autre possibilité est de faire appel aux techniques de repro- Facteurs de risque de prématurité
duction assistée fondées sur les analogues de la GhRH et l’uti- Principaux facteurs de risque de prématurité (< 36e semaine) chez une
femme non lupique :
lisation de gonadotrophines exogènes. L’induction est réali-
• Rupture prématurée des membranes
sée par des fortes doses d’hCG puis les ovocytes sont
• HELLP syndrome
récupérés et la fécondation se fait in vitro. Ces deux procé- • Oligohydramnios
dures augmentent de façon considérable le taux d’estrogène • Infections
circulant, ce qui explique qu’il existe un risque de poussée • Travail prématuré
lupique et surtout de complications thromboemboliques en • Éclampsie
cas de syndrome des antiphospholipides. Ces traitements sont Principaux facteurs de risque de prématurité propres à la femme lupi-
donc à éviter autant que possible mais s’ils sont nécessaires, que :
une thérapeutique associée par corticoïdes et héparine est • Activité de la maladie
• Atteinte rénale
nécessaire [23–25].
• Hypertension artérielle
• Corticothérapie
2.4. La contraception • Syndrome des antiphospholipides
• Autres facteurs : niveau socioéconomique défavorisé, origine afri-
Ce problème très important sera traité dans un chapitre caine, syndrome de Raynaud
spécifique de cette monographie. HELLP syndrome: Hemolysis, Elevated Liver, Low Platelet
forme de la poussée lupique bien que de nombreuses échel- Ces résultats sont importants car il faut aussi s’attendre en
les d’activité de la maladie soient disponibles. De plus, le pratique à ce que chaque femme lupique enceinte voit sa mala-
taux élevé d’avortements spontanés au cours du premier tri- die s’aggraver. Même si elle atteint le trois trimestre de gros-
mestre de la grossesse chez les femmes lupiques avec ou sans sesse, sans voir sa maladie se manifester, il existe encore une
syndrome des antiphospholipides (SAPL) introduit un biais augmentation du risque d’aggravation au-delà de l’accouche-
important [34–36]. ment.
Les études contrôlées, publiées depuis 15 ans, montrent
des résultats contrastés [37–40]. Les difficultés d’interpréta-
tion de ces résultats tiennent d’une part au défaut de sélection
d’un groupe témoin adéquat ou à l’inclusion de patientes dont
la maladie était déjà active au début de la grossesse. Si l’on 4. Quand autoriser une grossesse ?
exclut ces études, il semble se dégager une tendance en faveur
de l’augmentation de la fréquence des poussées lupiques au
La décision de débuter une grossesse doit être prise de com-
cours de la grossesse (Tableaux 3 et 4).
mun accord entre le rhumatologue et le couple, il est donc
L’expérience du groupe de GR Hughes à l’hôpital Saint-
nécessaire de préparer les femmes de longue date à cette éven-
Thomas à Londres [37] est fondée sur un groupe de 68 fem-
mes lupiques ayant donné le jour à 78 enfants, comparé à un tualité afin d’éviter une grossesse pendant une phase d’acti-
groupe de 50 femmes lupiques sans enfant. L’auteur confirme vité de la maladie [41,42].
une augmentation de la fréquence des poussées au cours de Il y a des contre-indications dont certaines sont définiti-
la grossesse (65 vs 42 %, p = 0,015) ainsi qu’une augmenta- ves : poussée sévère évolutive (rénale, cérébrales, cardiovas-
tion de la fréquence des poussées par patiente et par mois culaire) ; insuffisance rénale (créatinine > 140 µmol/l, clai-
(0,082 vs 0,039, p < 0,001). Ainsi, la probabilité d’être rance < 40 ml par minute) ; HTA sévère, non contrôlée ; HTA
exempte de poussée pendant la grossesse et les trois mois qui pulmonaire ; valvulopathie mal tolérée ; ATCD de thrombose
suivent est de 0,26 (CI 0,16–0,36) comparé à 0,56 (CI 0,49– cérébrale ; ATCD d’atteinte cardiaque ou respiratoire avec
0,61) dans le groupe témoin. Autrement dit, trois quart des séquelles sévères ; corticodépendance (> 0,5 mg/kg de pred-
patientes ont une poussée de la maladie (en majorité cuta-
nisone).
néoarticulaire) avant la fin des trois mois suivant l’accouche-
ment et au moins 50 % d’entre elles avant la fin du troisième Une fois la poussée contrôlée, on peut envisager une gros-
trimestre de grossesse. sesse s’il n’y a pas de séquelle grave. Dans notre expérience,
Deux données supplémentaires sont à considérer : il sem- une grossesse est autorisée si la maladie est inactive depuis
ble que les femmes qui n’ont pas de poussées de la maladie six mois (SLEDAI ≤ quatre à deux examens successifs), avec
durant la grossesse aient un risque plus important de pous- une corticothérapie quotidienne < 10 mg de prednisone, en
sées néonatales (RR 2,4) ; les femmes qui mènent leur gros- l’absence de néphrite lupique ou de neurolupus évolutif depuis
sesse au-delà de la 27e semaine ont une tendance plus fré- plus de six mois. Sur 59 grossesses colligées, on a enregistré
quente à développer des poussées que celles qui ont mené 13 fausses couches précoces (9 non liées à une poussée lupi-
des grossesses plus brèves. que, 4 liées au SAPL), sept interruptions de grossesses (5 IVG
Tableau 3 dont 2 pour poussée lupique) et un mort in utero à 29 semai-
Fréquence des poussées lupiques selon le terme. Revue de la littérature des nes d’aménorrhée. Pour les 38 autres grossesses, on a observé
30 dernières années. D’après M Petri (in 27) 19 naissances à terme (> 38e semaines) et 19 prématurés. Un
1er trimestre 2e trimestre 3e trimestre Post-partum retard de croissance prénatal a été noté dans 11 cas. Un enfant
(%) (%) (%) (%)
prématuré est décédé d’une infection et un autre d’un BAV
1970 0 43 22–29 11–30
1980 0–13 3–13 13–52 17–22
complet lié à un lupus néonatal. Le développement postnatal
1990 18 47 15 21 des enfants à deux ans est normal dans tous les cas sauf un
retard mental léger chez l’un d’entre eux. Une poussée lupi-
Tableau 4 que gestationelle a été notée dans six cas (dont 4 lors d’une
Manifestations principales des poussées du lupus au cours de la grossesse. grossesse non autorisée) et une poussée cutanéoarticulaire du
D’après M Petri (in 27) post-partum a été observée dans six cas (dont 5 lors d’une
Manifestations LES enceintes LES non p grossesse autorisée). Il semble, cependant qu’en utilisant ces
(%) enceintes (%)
critères, le risque de poussée de lupus soit relativement fai-
Signes généraux 57 66 NS
Cutanées 52 47 NS
ble, de l’ordre de 20 %. Si on analyse la fréquence des pous-
Musculoarticulaires 35 58 0,02 sées selon que la grossesse est ou non autorisée, on constate
Sérites 17 12 NS une fréquence de six poussées au cours des dix grossesses
Neurologiques 4 21 0,02 non autorisées contre six poussées au cours des 49 grosses-
Rénales 43 22 0,01 ses autorisées (60 vs 14 %, p < 0,001). Cependant il n’ y a
Pulmonaires 4 7 NS pas de critères validés qui permettent de définir formelle-
Hématologiques 38 17 0,01 ment quels sont les critères autorisant une grossesse [34–36].
558 M. De Bandt / Revue du Rhumatisme 72 (2005) 554–562
5.2. Effet de la grossesse sur l’atteinte rénale 6. Le bilan biologique chez une femme lupique enceinte
volume du liquide amniotique, ceci doit être fait régulière- enfants avaient seulement une atteinte hépatique et ou héma-
ment à partir de la 28e semaine. La mesure échographique tologique. L’étude des 87 grossesses, pour lesquelles suffi-
(doppler couleur pulsée) du débit de l’artère utérine peut aider samment d’informations sont disponibles, permet d’observer
à prédire l’apparition d’une prééclampsie, d’un retard de crois- qu’une bradycardie inaugurale est détectable entre la 18e et
sance et d’un mauvais pronostic fœtal, si de telles anomalies la 37e semaine de gestation (médiane 22e semaines) dans plus
sont détectées entre la 20e et la 24e semaine. de 80 % des cas. Toutes les séries récentes vont dans le même
sens, confirmant que le BAV est rare, observé chez moins de
8.3.2. La prévention médicamenteuse primaire du SAPL 2 % des enfants [74,75].
En cas de SAPL sans antécédent d’avortement répété, il La mortalité des enfants présentant un lupus néonatal est
n’y a pas de traitement préventif validé car la fréquence des estimée à 19 %. Parmi ces enfants, 73 % décèdent dans les
complications obstétricales est faible. On peut, si on le sou- trois mois suivants l’accouchement. Soixante-trois pour cent
haite, donner de l’aspirine faible dose. des enfants nés vivants nécessitent un pacemaker majoritai-
rement (52 %) dans les neuf premiers jours de la vie, parfois
8.3.3. La stratégie thérapeutique en cas de SAPL avéré plus tard : au cours de la 1re année (22 %) ou au cours des
Les femmes avec un antécédent de thrombose (artérielle années suivantes (25 %) car la bradycardie peut persister long-
ou veineuse), traitées par antivitamine K doivent l’arrêter dès temps après la naissance [76].
que la grossesse est diagnostiquée et être traitées par hépa- Quarante-sept pour cent des mères ont eu des grossesses
rine et aspirine. Dans quelques rares cas de SAPL particuliè- ultérieures, compliquées dans 16 % des cas d’une récidive de
rement sévères avec des accidents thrombotiques cérébraux l’anomalie cardiaque et dans 6 % des cas d’une atteinte pure-
récurrents sous héparine, l’antivitamine K peut être une thé- ment cutanée. La présence d’un antécédent de lupus néonatal
rapeutique d’exception utilisée dans le second trimestre de est le plus gros facteur de risque permettant de prédire la réci-
grossesse. dive d’un éventuel lupus néonatal lors de la grossesse ulté-
Lorsqu’une femme échappe de façon documentée à un trai- rieure [77].
tement associant aspirine et héparine, on peut envisager l’uti-
lisation des immunoglobulines intraveineuses. 9.2. Les recommandations
un risque maternel et fœtal mais une prise en charge spécia- [19] Balasch J, Creus M, Fabregues F, Reverter J, Carmona F, Tassies D.
lisée et bien coordonnée permet de réduire très sensiblement Antiphospholipid antibodies and human reproductive failure. Hum
Reprod 1996;11:2310–5.
les risques. Cette période a aussi, pour ces femmes, une [20] Armenti V, Randomski J, Moritz M, Gaugham W, Philips L,
dimension psychologique et affective majeure dont il faut tenir McGrory CH, et al. Report from the national transplantation preg-
compte et s’astreindre à préparer médicalement et humaine- nancy registry: outcomes of pregnancy after transplanatation. Clin
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0 Elsevier, Paris
Mise au point
AC Koeger, F Oberlin
Service de rhumatologie, h&pita1 de L.a Pit&Salpe^tri>re, 47-83, boulevard de I’H6pita1, 75651 Paris cedex 13, France
R&urn6 - La grossesse et I’allaitement favorisent I’expression des carences vitaminocalciques, modifient celle des affections
parathyroi’diennes et peuvent s’accompagner d’une ostkoporose t&s particulikre. La plupart de ces troubles ont un retentissement sur le
nouveau-nC. Les auteurs passent en revue le dtpistage et le traitement de ces affections et insistent sur letu prkvention.
Summary - Calcium and hone disorders during pregnancy and lactation. The occurrence of calcium and vitamin D deficiencies
is enhanced during pregnancy and lactation. The presentation of parathyroid diseases is altered during gestation. A peculiar form of
osteoporosis, pregnancy-associated osteoporosis, may be observed. Fetus and newborns suffer the consequences of all these
disorders. The authors have reviewed the early detection and treatment of these diseases and emphasized their prevention.
pregnancy / lactation / calcium and vitamin D deficiency / pregnancy-associated osteoporosis / heparin-induced osteoporosis
complications chez la mere et l’enfant, et l’interet qu’epidemiologiques, car les enquetes sont peu
de la prophylaxie [3-51. nombreuses.Cependant, une etude strasbourgeoise
recente a montre que 11 % des femmes avaient
Clinique pendant la grossessedes apports quotidiens de cal-
L’osteomalacie patente se revele le plus souvent cium t&s insuffisants, estimes a 600 mg (commu-
au dernier trimestre de la grossesseou en debut nication personnelle).
d’allaitement. La carence latente provoquerait chez la mere une
C’est un tableau d’osteomalacie vitaminosen- deperdition minerale et/au osseuse dont le pronos-
sible, mais le diagnostic clinique et paraclinique tic lointain est mal connu. Elle favoriserait la pre-
est ici malaise. En effet, les douleurs pelviennes ou maturite et l’hypotrophie fastale dans 30 % des cas.
la fatigabilite musculaire risque d’etre ma1 inter- Dans une etude controlee chez des immigrees asia-
prede chez une femme enceinte, jusqu’a la surve- tiques, l’administration systematique de 1000 III/j
nue de fissures, voire de fractures et de deforma- de vitamine D au 3e trimestre de la grossessecorri-
tions, notamment pelviennes [3,4]. geait l’abaissement du 25-OH-D plasmatique des
L’interpretation des anomalies biochimiques meres et des enfants, ameliorait le statut pond&al
caracteristiques (hypocalcemie, hypophosphore- des meres, prevenait les hypocalcemies et tttanies
mie, hypocalciurie, elevation des phosphatases neonatales et ameliorait la croissance de l’enfant
alcalines) doit tenir compte des modifications gra- pendant la premiere annee [3,5].
vidiques physiologiques. L’abaissement de la 25
OH-D plasmatique et les signesd’hyperparathyro’i- Traitement
disme secondaire (baisse du TRP, hausse de la Le traitement de l’osdomalacie repose sur l’apport
PTH et de l’Ah4Pc nephrogenique) seraient parti- de vitamine D2 (StCrogyl@, Uvesterol DO, Zyma-
culierement sensibles. D2@) ou de vitamine D3 (Adrigyl@, Uvtdose@
Le bilan radiographique est differe apres l’ac- 100000 UI) et de calcium (1 g/j). A l’administra-
couchement. Toutefois, une suspicion de fracture tion hebdomadaire de fortes doses vitaminiques
peripherique peut justifier un cliche. Surtout, la (une ampoule Cquivaut a 100 000, 200 000 ou
crainte d’une deformation du bassin impose, au 600 000 UI) on prtfere l’administration quoti-
moindre doute, voire systematiquement, une pelvi- dienne de 10 a 20 gouttes (4000 a 8000 UI) jus-
metric ?iterme. qu’a normalisation des parametres biochimiques
surveillts chaque mois. Des douleurs du bassin ou
Retentissement sur l’accouchement et l’enfant des membres inferieurs justifient un repos initial;
Les complications obstetricales (retrecissement et il est en regle bref car l’amtlioration est spectacu-
deformation du pelvis) sont en effet frequentes, lake en 3 a 4 semaines.
parfois revelatrices de l’osteomalacie ; elles neces- Le traitement d’entretien (4000 W/j pendant
sitent souvent une cesarienne. L’ostdomalacie peut plusieurs mois puis chaque hiver) est indispensable
s’accompagner chez la mere de tttanie et convul- pour tviter les rechutes lors des grossesses ou
sions. Elle favorise la prematurit& et l’hypotrophie allaitements ulterieurs.
fcetale qui s’observeraient dans 80 % des cas : l’en- La surveillance de l’enfant et la prophylaxie du
fant, dont le pool vitaminique est insuffisant a la rachitisme seront particulierement vigilantes, a for-
naissance, presente un risque accru d’hypocalce- tiori en cas de prtmaturite.
mie neonatale, d’anomalies dentaires, enfin de Les manifestations tetaniques justifient un
rachitisme precoce [5]. L’allaitement maternel ne apport initial de calcium par voie veineuse, pour
le met pas a l’abri car le lait d’une mere carencee certains auteurs l’utilisation de metabolites vitami-
est tres pauvre en activite vitaminique. niques hydroxyles, d’action plus rapide, et toujours
le traitement d’attaque puis d’entretien de la
Carence latente carence vitaminocalcique.
Extr&mement frequente sinon constante chez les Les carences en fer et en acide folique frequem-
immigrees, elle ne serait pas rare chez les Fran- ment associees doivent Ctre depistees et traitees ;
Gaiseset dans les pays dont l’alimentation n’est une carence magnesienne, qui peut entraver la
pas, comme aux ktats-Unis, enrichie en reponse a la thtrapeutique vitaminocalcique, doit
vitamine D, lorsque la grossesse se deroule en Cgalement Ctre corrigee. Lorsque des substitutions
hiver ou dans une region defavorisee par le climat mintrales multiples sont necessaires,l’horaire des
et la pollution. Les arguments sont plus theoriques prises medicamenteuses sera precise pour Cviter
(apports vitaminiques inferieurs aux besoins) les interferences sur l’absorption intestinale.
548 AC Koeger, F Oberlin
en calcium [29]. Elle peut enfin reveler un hyper- 14 Saraux A. Bourgeais F, Ehrhart A, Baron D, Le Goff P.
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Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com
Cas clinique
Nécrose des surrénales maternelles au troisième trimestre de la grossesse
dans le cadre d’un syndrome des antiphospholipides : à propos d’un cas
Maternal adrenal necrosis in the third trimester of pregnancy:
A rare complication of antiphospholipid syndrome
G. Legendre a,*, D. Vauthier-Brouzes b, A. Cornet b, M. Al Hawari b,
R. Renard-Penna c, J.-C. Piette d, M. Dommergues a
a
Service de gynécologie–obstétrique, groupe hospitalier de la Pitié-Salpêtrière, Assistance publique des Hôpitaux de Paris,
47-83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France
b
Service d’anesthésie–réanimation, groupe hospitalier de la Pitié-Salpêtrière, Assistance publique des Hôpitaux de Paris,
47-83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France
c
Service de radiologie, groupe hospitalier de la Pitié-Salpêtrière, Assistance publique des Hôpitaux de Paris,
47-83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France
d
Service de médecine interne, groupe hospitalier de la Pitié-Salpêtrière, Assistance publique des Hôpitaux de Paris,
47-83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France
Reçu le 17 mai 2007 ; accepté le 14 septembre 2007
Disponible sur Internet le 16 avril 2008
Résumé
La nécrose des surrénales est une complication exceptionnelle du syndrome des antiphospholipides mettant en jeu le pronostic vital, dont le
diagnostic est difficile en péripartum. Nous rapportons le cas d’une femme de 33 ans ayant présenté une nécrose surrénalienne bilatérale au cours
d’une seconde grossesse dans le cadre d’un syndrome des antiphospholipides. La grossesse est marquée par l’admission en urgence à 36 semaines
et cinq jours pour douleurs lombaires bilatérales interprétées comme des contractions utérines. Une induction du travail est réalisée devant la
persistance des douleurs associée à une thrombopénie majeure. La patiente accouche par voie vaginale d’un enfant bien portant. Le diagnostic
d’insuffisance surrénalienne est évoqué au second jour du post-partum, devant l’aggravation des douleurs lombaires, l’altération de l’état général,
une hyponatrémie et une cortisolémie effondrée. La nécrose surrénalienne est confirmée par la tomodensitométrie et l’IRM. Ce cas illustre la
difficulté du diagnostic de nécrose surrénalienne au troisième trimestre de la grossesse.
# 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Abstract
Adrenal necrosis, a rare life threatening complication of antiphospholipid syndrome, is difficult to diagnose during pregnancy. We report the case of
a 33-year-old woman with bilateral adrenal necrosis which started during the third trimester of her second pregnancy. Antiphospholipid syndrome had
been diagnosed few years ago, after a thrombotic event. The pregnancy was uneventful until 36 weeks plus five days, when the patient was admitted for
bilateral back ache, initially considered as uterine contractions. Labour was induced because pain persisted and was associated with major
thrombocytopenia. A healthy infant was delivered vaginally on the second day, adrenal failure was diagnosed based on intense asthenia, persistent
severe lumbar pain, low blood sodium and cortisol. Bilateral adrenal oedema was documented by CT scan and MRI. Symptoms resolved following
administration of hydrocortisone and fludrocortisone. This case illustrates the difficulty to diagnose adrenal necrosis in the third trimester of pregnancy.
# 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
* Auteur correspondant.
Adresse e-mail : g_legendre@hotmail.com (G. Legendre).
1297-9589/$ – see front matter # 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.gyobfe.2007.09.023
414 G. Legendre et al. / Gynécologie Obstétrique & Fertilité 36 (2008) 413–416
clinique, aucune thrombose des veines de drainage n’a été mise diagnostic précoce permet une mise en route rapide du
en évidence sur les coupes de TDM et IRM. traitement et un meilleur pronostic à court, moyen et long
La nécrose des surrénales en cours de grossesse ou dans le terme [6].
péripartum chez les patientes porteuses d’un SAPL est très
rarement rapportée dans la littérature (cinq cas en incluant 4. Conclusion
celui-ci) [6–9].
Dans les quatre cas précédemment décrits, la nécrose des L’association nécrose des surrénales et grossesse est
surrénales s’était produite en post-partum. Le cas clinique exceptionnelle.
présenté rapporte pour la première fois une nécrose bilatérale Nous rapportons le cas d’une patiente de 33 ans porteuse
des surrénales compliquant la fin de grossesse. d’un SAPL ayant développé à 36 SA plus cinq jours une
Le facteur déclenchant retrouvé était pour deux cas une nécrose bilatérale des surrénales. La nécrose surrénalienne s’est
césarienne [7,9] et pour les deux autres cas une MFIU [6,8]. Le manifestée par des douleurs atypiques dans un contexte
facteur précipitant dans cette observation était probablement probablement précipitant de bronchite aiguë. La non-spécificité
une bronchite aiguë. des signes cliniques de nécrose et d’insuffisance surrénalienne,
Les signes cliniques évocateurs de la nécrose surrénalienne ainsi que l’absence de cas décrit en perpartum dans la littérature
dans les précédents cas étaient des signes d’insuffisance ont retardé le diagnostic. L’évolution clinique à court terme de
surrénalienne : vomissements [9], hypotension [7], fièvre [7,8]. la patiente après mise en place d’une hormonothérapie
Des douleurs lombaires intenses étaient constamment décrites substitutive et anticoagulation curative a été satisfaisante.
[6-9]. Des troubles du comportement étaient également La nécrose bilatérale des surrénales en péripartum est une
retrouvés dans deux cas [6,8]. complication du SAPL qui peut mettre en jeu le pronostic vital
Les signes radiologiques retrouvaient les deux surrénales de la patiente. Cet événement bien que rare doit être connu par
augmentées de volume, faisant évoquer le diagnostic de nécrose les cliniciens, afin de débuter rapidement une prise en charge
surrénalienne hémorragique bilatérale [9]. Une IRM réalisée optimale.
pour le cas de Hochfeld et al. retrouvaient une thrombose
étendue de la veine iliaque externe gauche et des veines
pelviennes [8]. Pour les deux cas compliqués d’un décès Références
maternel, l’autopsie retrouvait des thrombi des veines de
[1] Godeau B, Piette JC. The significance and treatment of antiphospholipid
drainage des surrénales confirmant ainsi le diagnostic de antibodies. Presse Med 2004;33:944–52.
nécrose surrénalienne [6,8]. Pour un cas le diagnostic de [2] Espinosa G, Santos E, et al. Adrenal involvement in the antiphospholipid
nécrose surrénalienne était fortement suspecté bien que syndrome. Clinical and immunologic characteristics of 86 patients. Mede-
l’examen tomodensitométrique réalisé en urgence n’objective cine 2003;82(2):106–17.
pas de lésion surrénalienne [7]. [3] Provenzale JM, Ortel TL, et al. Adrenal hemorrhage in patients with
primary antiphospholipid syndrome: imaging finding. Am J Radiol
Le cas clinique présenté rapporte pour la première fois une 1995;165:361–4.
nécrose bilatérale des surrénales compliquant la fin de [4] Luppi M, Marasca R, et al. Spontaneous adrenal gland haematoma in a
grossesse. patient with antiphospholipid antibodies. Eur J Haematol 1995;55:335–8.
Ce cas clinique souligne également la difficulté du [5] Kovacs KA, Lam YM, et al. Bilateral massive adrenal hemorrage. Assess-
diagnostic d’une nécrose surrénalienne au troisième trimestre ment of putative risk factors by the case-control method. Medecine
2001;80:45–53.
de la grossesse. En effet, les signes cliniques sont peu [6] Bendon RW, Wilson J, et al. A maternal death due to thrombotic disease
spécifiques : les douleurs lombaires ou abdominales à ce terme associated with anticardiolipin antibody. Arch Pathol Lab Med
font d’abord évoquer un début de travail. Même les signes 1987;111(4):370–2.
d’insuffisance surrénalienne (asthénie, troubles digestifs, [7] Levy EN, Ramsey-Goldman R, et al. Adrenal insufficiency in two women
with anticardiolipin antibodies. Arthritis Rheum 1990;33(12):1842–6.
fièvre) sont peu informatifs en post-partum immédiat.
[8] Hochfeld M, Druzin ML, et al. Pregnancy complicated by primary antipho-
La méconnaissance du diagnostic et le retard du traitement spholipid antibody syndrome. Obstet Gynecol 1994;83(5 Pt 2):804–5.
mettent en jeu le pronostic vital maternel (deux décès sur les [9] Vengrove MA, Amoroso. A Reversible adrenal insufficiency after adrenal
quatre cas rapportés dans la littérature [6,8]). En revanche, un hemorrhage. Ann Intern Med 1993;119:439.
EMC-Médecine 1 (2004) 121–130
www.elsevier.com/locate/emcmed
Néphropathie et grossesse
Nephropathy and pregnancy
P. Jungers (Professeur émérite à la Faculté de médecine) *
Hôpital Necker-Enfants Malades, 149, rue de Sèvres, 75743 Paris cedex 15, France
MOTS CLÉS Résumé Toute grossesse, chez une femme atteinte de néphropathie, doit être considérée
Grossesse ; comme une grossesse à risque. Elle doit être planifiée et bénéficier d’un suivi conjoint par
Néphropathie ; néphrologue et obstétricien, en particulier lorsque la patiente est hypertendue ou lorsque
Dialyse ; sa fonction rénale est altérée. Au prix de ces conditions et grâce aux progrès récents de
Greffe rénale ; l’obstétrique et de la néonatologie, l’espoir d’une maternité sans aggravation de la
Toxémie gravidique
néphropathie est désormais offert à la majorité des patientes souffrant de maladies
rénales.
© 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
KEYWORDS
Abstract Pregnancy in women with kidney disease carries an increased risk of adverse
Pregnancy; events. The pregnancy should be planned. Follow-up should be provided by both a
Nephropathy; nephrologist and an obstetrician, particularly in patients with arterial hypertension or
Dialysis; renal dysfunction. Provided these precautions are taken, recent advances in obstetrics
Renal transplant; and neonatology allow most patients with kidney disease to give birth to normal children
Preeclampsia; without experiencing any deterioration in their condition.
Eclampsia © 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
HTA et, plus encore, d’une altération significative impliquent une vasodilatation généralisée d’origine
de la fonction rénale maternelle exerce une in- hormonale, ce qui explique la baisse physiologique
fluence défavorable sur le pronostic fœtal et fait de la pression artérielle observée au cours des
courir un risque d’aggravation de la maladie rénale 2 premiers trimestres de la grossesse normale, où
maternelle. Ces études ont permis de déterminer le s’observe également une diminution de la réacti-
niveau de fonction rénale compatible avec l’espoir vité vasculaire aux stimuli presseurs tels que l’an-
d’une grossesse réussie et ont déterminé les règles giotensine II. Parallèlement, se développe une aug-
de prise en charge des patientes atteintes de néph- mentation du volume du secteur extracellulaire et
ropathie, avec ou sans insuffisance rénale préexis- du secteur plasmatique, atteignant et dépassant
tante. 50 % au cours du 3e trimestre. L’augmentation de la
Nous envisagerons successivement les facteurs filtration glomérulaire se traduit par une diminu-
généraux du pronostic fœtal et maternel chez les tion de la créatininémie, qui passe d’une valeur
patientes atteintes de néphropathie, les problèmes moyenne de 75 lmol/l avant la grossesse à 50 à
spécifiques qui se posent dans les néphropathies 60 lmol/l au cours des 2e et 3e trimestres, et par
primitives (glomérulaires ou non), au cours des une diminution proportionnelle de l’uricémie. La
maladies systémiques, chez les femmes atteintes protéinurie physiologique se majore et peut attein-
d’insuffisance rénale préexistante et chez les pa- dre jusqu’à 300 mg/j. Enfin, l’augmentation du
tientes dialysées ou transplantées, pour définir en- secteur plasmatique entraîne une hémodilution, le
fin les règles de prise en charge optimale des fem- taux de l’albuminémie s’abaissant au voisinage de
mes atteintes de néphropathie.7,8 35 g/l en fin de grossesse.
mitive ou d’une atteinte rénale dans le cadre d’une génétique, de même que chez les femmes atteintes
affection systémique. de néphropathie héréditaire du type syndrome
d’Alport. Dans cette dernière éventualité, un
Néphropathies primitives conseil génétique préconceptionnel est indiqué
afin d’aider les patientes à prendre la décision
Néphropathies glomérulaires d’une grossesse et pour définir leur attitude selon
Lorsqu’il n’existe pas de syndrome néphrotique, le sexe de l’enfant, qui conditionne la probabilité
d’HTA de contrôle difficile, ni d’altération signifi- d’être atteint ou non de la même néphropathie,
cative de la fonction rénale au moment de la sachant que les filles sont simples transmettrices et
conception, le pronostic fœtal et maternel est bon. que seuls les garçons peuvent être sévèrement
Toutefois, il convient d’être prudent au cours des atteints.
glomérulonéphrites ayant un potentiel évolutif
marqué dont témoigne une protéinurie abondante Lithiase urinaire
ou une HTA sévère, surtout lorsque la créatininé- Celle-ci étant fréquente, elle peut entraîner des
mie est à la limite supérieure de la normale. Cette problèmes chez une femme enceinte. La grossesse
réserve est particulièrement valable en cas de glo- n’augmente pas le risque de former des calculs,
mérulonéphrite à IgA à fort potentiel évolutif at- l’augmentation physiologique de la charge filtrée
testé par des lésions glomérulaires segmentaires de calcium étant compensée par une excrétion
étendues, des lésions vasculaires et tubulo- accrue d’inhibiteurs de la cristallisation dans les
interstitielles marquées à la biopsie rénale et par urines. Toutefois, des calculs préexistants peuvent
une tendance hypertensive franche. Les mêmes compliquer la grossesse lorsqu’il se produit une
réserves s’expriment en cas de hyalinose segmen- migration urétérale, favorisée par la dilatation des
taire et focale des glomérules et à un moindre voies excrétrices. En cas de difficulté à obtenir
degré en cas de glomérulonéphrite extramembra- l’expulsion spontanée du calcul et sachant que la
neuse en phase néphrotique. lithotritie extracorporelle par ondes de choc est
contre-indiquée au cours de la grossesse, la techni-
Néphropathies non glomérulaires que généralement adoptée est la mise en place
Des facteurs particuliers peuvent influencer le pro- d’une sonde urétérale à demeure pendant la durée
nostic fœtal. Au cours de la néphropathie du reflux, de la grossesse, sous couvert d’un traitement anti-
la persistance d’un reflux vésico-urétéral à l’âge bactérien prolongé.
adulte expose au risque de pyélonéphrite aiguë,
facteur de prématurité. Nombre de néphropathies Néphropathies secondaires à une maladie
du reflux sont découvertes au cours d’une grossesse systémique
à l’occasion d’une complication pyélonéphritique.
Il est donc de règle, chez toute femme ayant pré- Au cours des maladies systémiques, le pronostic de
senté une pyélonéphrite aiguë en cours de gros- la grossesse est plus réservé qu’au cours des mala-
sesse, de rechercher un reflux vésico-urétéral par dies rénales primitives. En effet, aux facteurs de
cystographie rétrograde après la fin de la grossesse. risque généraux que constituent la protéinurie,
En cas de reflux vésico-urétéral persistant, lorsque l’HTA et l’atteinte de la fonction rénale, s’ajoutent
des épisodes de pyélonéphrite se sont produits de les manifestations extrarénales de la maladie sys-
manière répétée en dépit d’un traitement antibac- témique et surtout le risque de déclenchement
térien soigneusement conduit, il peut être utile d’une poussée évolutive, notamment dans la mala-
d’en proposer la correction chirurgicale avant une die lupique.
future grossesse.6
Diabète sucré (type I ou II)11
Maladie polykystique rénale Les progrès de la diabétologie et de l’obstétrique
L’insuffisance rénale apparaît rarement avant la 5e ont permis d’obtenir un pronostic fœtal pratique-
décennie, si bien que la grossesse pose, la plupart ment analogue à celui des femmes normales, au
du temps, peu de problèmes, sinon celui d’une HTA prix d’un strict contrôle glycémique dès le début de
éventuelle. En cas d’insuffisance rénale préexis- la grossesse, tant qu’il n’existe pas d’atteinte ré-
tante, les facteurs du pronostic sont les mêmes que nale patente. Une majoration de la microalbuminu-
ceux définis pour les glomérulonéphrites ou la rie peut être observée en cours de grossesse, ainsi
néphropathie du reflux. Il est rare que le volume qu’une augmentation de la fréquence de prématu-
des reins kystiques soit tel qu’il constitue une gêne rité et de prééclampsie. Lorsqu’il existe une at-
pour la poursuite de la grossesse. Le problème teinte rénale patente, marquée par une macropro-
soulevé par ces patientes est de l’ordre du conseil téinurie et, a fortiori, un syndrome néphrotique et
Néphropathie et grossesse 127
une altération de la fonction rénale, le pronostic risque excessif d’aggravation de la fonction rénale
fœtal est plus réservé dès lors que la créatininémie maternelle, peut être espérée tant que la créati-
dépasse 130 à 150 lmol/l, c’est-à-dire une valeur ninémie ne dépasse pas 200 à 220 lmol/l, selon le
inférieure à la valeur seuil au cours des néphropa- poids corporel de la patiente. Au-delà de ces va-
thies primitives, et il existe un risque élevé d’ag- leurs, le pronostic, tant fœtal que maternel, est
gravation irréversible de l’insuffisance rénale ma- beaucoup plus aléatoire, et il apparaît préférable
ternelle. de déconseiller la grossesse à ce stade. Toutefois,
plusieurs études récentes ont montré que chez des
Lupus érythémateux disséminé10,12 patientes atteintes d’insuffisance rénale de ce de-
La grossesse pose un problème très différent selon gré, à condition d’une prise en charge coordonnée
qu’il existe ou non des signes d’activité de la mala- entre néphrologues, obstétriciens et néonatologis-
die au moment de la conception. Chez les patientes tes, dans des maternités ayant l’expérience du
antérieurement atteintes d’une néphropathie lupi- traitement de patientes à haut risque, la grossesse
que, même dans sa forme majeure, proliférative pouvait être couronnée de succès. Dans une étude
diffuse, à condition que la rémission soit stable récente de l’hôpital Necker, la survie fœtale obser-
depuis au moins 6 mois à 1 an, le pronostic fœtal et vée au cours de la période 1986-1995 s’est élevée à
maternel est bon, et le risque de reprise évolutive 91 % (avortements spontanés ou thérapeutiques du
du lupus érythémateux disséminé est très faible. En 1er trimestre non inclus), alors qu’elle était seule-
revanche, lorsque la grossesse survient en période ment de 65 % au cours de la décennie précédente.
d’évolutivité lupique, notamment lorsque le lupus Toutefois, si la proportion des morts fœtales in
érythémateux disséminé se démasque au cours utero et de la mortinatalité a diminué, la propor-
d’une grossesse, le pronostic fœtal est beaucoup tion des grands prématurés a augmenté depuis
plus réservé, avec un risque élevé de mort fœtale in quelques années, imposant une prise en charge en
utero et de prématurité. Dans cette situation, les unité de soins intensifs néonataux dans plus de la
corticostéroïdes à fortes doses, éventuellement as- moitié des cas. Un risque particulièrement élevé
sociés au cyclophosphamide à partir du 2e trimestre d’aggravation irréversible de la fonction rénale ma-
de gestation, peuvent permettre d’améliorer le ternelle existe lorsque la créatininémie dépasse
pronostic et d’aboutir à la naissance d’un enfant 220 lmol/l, soit une clairance de la créatinine
vivant. Dans tous les cas, une corticothérapie doit inférieure à 25 ml/min/1,73 m2, notamment lors-
être maintenue pendant les mois suivant la fin de la que coexistent une HTA et une protéinurie
grossesse afin d’éviter une poussée lupique sévère abondante. Chez les femmes abordant une gros-
dans le post-partum. sesse avec une créatininémie supérieure à 300-
400 lmol/l, il n’est pas rare qu’une dialyse de
Autres maladies de système suppléance, par hémodialyse ou dialyse périto-
Au cours des vascularites, telles que la maladie de néale, soit instituée au cours même de la grossesse
Wegener ou la micropériartérite noueuse, ou au et poursuivie indéfiniment au-delà, la réversibilité
cours de la sclérodermie, le pronostic de la gros- étant rare ou transitoire.
sesse est beaucoup plus réservé. Bien que quelques
succès aient pu être rapportés au prix de traite- Grossesse chez les femmes dialysées1,3
ments associant des corticoïdes à fortes doses et
des immunosuppresseurs, il apparaît préférable de La grossesse chez une femme traitée par dialyse de
renoncer à la grossesse pendant la maladie, sachant suppléance est rare du fait de la diminution de
qu’il existe un risque de réactivation élevé au cours fertilité associée à l’état urémique, mais elle pose
ou au décours d’une grossesse. des problèmes particulièrement difficiles. Toute-
fois, les progrès de la qualité de l’hémodialyse et
de la dialyse péritonéale de suppléance sont tels
Insuffisance rénale, dialyse que de plus en plus de femmes ainsi traitées ont
et transplantation désormais des cycles ovulatoires, si bien que la
grossesse est actuellement un événement nette-
Grossesse et insuffisance rénale chronique4 ment moins rare qu’autrefois. Il en résulte qu’une
contraception appropriée est nécessaire chez les
Un problème particulièrement difficile est celui des patientes dialysées, pour éviter une grossesse non
patientes atteintes d’insuffisance rénale préexis- planifiée ou non désirée. Le diagnostic de grossesse
tante significative, c’est-à-dire dont la créatininé- est souvent difficile, du fait des irrégularités mens-
mie atteint ou dépasse 160 lmol/l au moment de la truelles fréquentes, et est souvent fait à un stade
conception. Une évolution fœtale favorable, sans tardif. Dans plusieurs cas, le diagnostic a été porté
128 P. Jungers
Tableau 5 Règles du traitement et de la surveillance néphro-obstétricale chez les patientes atteintes de néphropathie.
Conseil préconceptionnel, grossesse planifiée
Prise en charge coordonnée entre néphrologue et obstétricien dès le début de la grossesse
Prise en charge en maternité à haut risque avec unité de néonatologie attenante
Contrôle optimal des chiffres tensionnels dès la période de la conception : éviction des inhibiteurs de l’enzyme de conversion
et des diurétiques, utilisation de l’alphaméthyldopa et des bêtabloquants
Pression artérielle diastolique ciblée entre 80 et 90 mmHg
Prévention ou correction de l’anémie : supplémentation martiale et en acide folique (5 mg/j) ; traitement par érythropoïétine
recombinante si hémoglobine < 9 g/dl
Prévention de l’acidose métabolique et de l’hypocalcémie
Apport protéique et calorique adéquat (apport protéique 1 g/kg/j en cas d’insuffisance rénale)
Surveillance régulière de la tension artérielle, de la créatininémie, de l’urée sanguine et de l’uricémie
Institution de la dialyse de suppléance si la créatininémie excède 400 lmol/l ou si l’urée sanguine excède 20 mmol/l
Surveillance fœtale renforcée à partir du terme de viabilité fœtale (26e semaine)
Hospitalisation de la patiente en milieu obstétrical en cas de majoration de l’HTA ou de contractions prématurées
Surveillance de la tension artérielle et de la fonction rénale maternelle dans le post-partum
HTA : hypertension artérielle.
rée pour éviter de favoriser un retard de croissance dernières années se sont traduits par une améliora-
fœtale. En cas d’HTA particulièrement résistante, tion sensible du pronostic fœtal et maternel de la
on peut avoir recours à l’hydralazine ou aux inhibi- grossesse chez les femmes atteintes de néphro-
teurs des canaux calciques, mais les inhibiteurs de pathie. Les facteurs du pronostic fœtal sont
l’enzyme de conversion sont formellement contre- aujourd’hui bien définis, et le conseil préconcep-
indiqués, en particulier au cours des 2 derniers tionnel permet d’entreprendre une grossesse dans
trimestres de la grossesse, en raison du risque les meilleures conditions. L’absence d’effet aggra-
d’induction d’une anurie néonatale irréversible. vant de la grossesse sur la fonction rénale mater-
Les diurétiques doivent être proscrits dans toute la nelle, lorsque celle-ci est normale ou encore pro-
mesure du possible de manière à éviter une che de la normale, est actuellement assurée. Même
contraction du secteur extracellulaire et plasmati- chez les patientes ayant une insuffisance rénale
que, aux effets délétères sur la croissance fœtale. préexistante, le pronostic fœtal peut être amélioré
L’utilisation d’aspirine à faible dose, à titre anti- de manière significative grâce à une prise en charge
agrégant plaquettaire, pour prévenir la survenue multidisciplinaire, avec coordination étroite entre
d’une prééclampsie surajoutée, est encore discu- néphrologues et obstétriciens, condition indispen-
tée. Sachant que le risque de prééclampsie est au sable d’un pronostic favorable.
moins cinq fois plus élevé chez les femmes ayant
une HTA préexistante que chez les femmes normo-
tendues, une faible dose d’aspirine, de l’ordre de Références
1 mg/kg/j, apparaît légitime chez les patientes
hypertendues à partir du 4e mois de grossesse, 1. Bagon JA, Vernaeve H, De Muylder X, Lafontaine JJ, Mar-
voire plus tôt chez les patientes atteintes de lupus tens J, Van Roost G. Pregnancy and dialysis. Am J Kidney
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à-dire à partir de la 26e semaine gestationnelle. Si 8. Jungers P, Chauveau D, Choukroun G, Moynot A, Skhiri H,
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© 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés
S1169833001001661/SSU
Ostéoporose de la grossesse
fracture du sacrum, responsable d’une impotence à la rare [8, 9]. Des signes de résorption accrue ont été
marche [18, 19]. L’IRM pendant la grossesse, le scan- observés [9, 16] mais une dépression ostéoblastique est
ner en postpartum en facilitent le diagnostic. L’ostéo- plus fréquente [5, 8, 31, 36]. L’interprétation est diffi-
densitométrie met parfois en évidence une ostéopénie cile à cause de la petite taille des séries [5, 9, 11, 31, 36],
[18, 19] mais ces fractures peuvent survenir sans qu’il y de la date du prélèvement par rapport à la grossesse :
ait d’ostéoporose [28]. Elles peuvent être bilatérales cinq à 26 mois [9], trois à neuf mois [5], deux à 24 mois
[29]. Des fractures périphériques ont été décrites (os et même cinq ans dans un cas [8]. Une seconde biopsie
longs, côtes) [11, 30, 31]. montre une formation d’os nouveau et une réduction
de la résorption [16].
Signes biologiques
Biochimie du collagène
La calcémie et la phosphatémie sont presque toujours
normales. Quatre cas d’hypercalcémie ont été publiés
Smith et al. ayant rencontré chez une de leurs malades
[1, 14, 32]. Une hyperphosphatémie, associée à une
un cas d’ostéogénèse imparfaite ont étudié la biochimie
hypomagnésémie, a été notée [16]. Des phosphatases
du collagène dans quatre autres cas : le rapport colla-
alcalines augmentées [5, 14, 16, 18, 31] associées à une
gène I/collagène III était normal dans le derme [8]. Il
hypocalciurie [5, 8 ,18] évoquent une hypovitaminose
n’y avait pas d’anomalie de la synthèse par les fibroblas-
D [18]. Une hypercalciurie a été parfois observée [5, 31,
tes dermiques. Dans un cas la quantité de collagène
32], une hypocalciurie également [5, 8, 18]. L’hyperhy-
exportée des fibroblastes n’était que de 25 % de celle
droxyprolinurie est rare [31, 32]. Le taux de la
des témoins (et de seulement 18 % dans le cas d’ostéo-
25(OH)D est parfois bas [5, 8, 18], la 1,25 dihy-
génèse imparfaite).
droxyvitamine D est le plus souvent normale, parfois
abaissée [5, 8, 16, 32] ou augmentée [5]. Le taux de la
ÉVOLUTION
parathormone (PTH) est souvent normal [5, 8] mais il
peut être abaissé [16, 32]. La PTH-rP a été peu étudiée ;
elle était augmentée dans trois cas associés à une hyper- À court terme elle est favorable après l’accouchement
calcémie [14, 32]. Le dosage des hormones thyroïdien- quand l’ostéoporose s’est révélée pendant la grossesse et
nes et du cortisol est toujours normal [22]. lors du sevrage quand elle s’est révélée dans le postpar-
La scintigraphie osseuse, parfois pratiquée, montre des tum. Elle est marquée par la réduction des douleurs du
foyers d’hyperfixation au siège des tassements verté- rachis, la disparition des douleurs de hanche [8, 11, 15,
braux [5, 12, 15, 20]. Elle peut dépister des hyperfixa- 21] ou de la fesse [18, 19], une stabilisation de la taille.
tions sur les membres et révéler des fractures À moyen terme des rachialgies peuvent persister, liées
périphériques ou une algodystrophie. aux modifications de la statique vertébrale. La particu-
L’ostéodensitométrie montre que la perte osseuse pré- larité évolutive de l’ostéoporose de la grossesse est la
domine au rachis lombaire, avec un T-score parfois rareté des rechutes lors des grossesses ultérieures. En
inférieur à – 4 [5, 8]. Elle peut aussi être importante au 1993 nous avions noté dans la littérature quatre cas de
col fémoral [5] où son appréciation peut être faussée par rechute [5]. En 1995 Smith et al. n’ont noté qu’une
une algodystrophie de hanche [8]. En revanche à l’avant- rechute sur 14 grossesses ultérieures ; les patients ont
bras la densité, parfois normale [9], est souvent au été suivis jusque 20 ans après la grossesse et certaines ont
dessous de la moyenne [8], parfois basse [11]. Des atteint l’âge de la ménopause sans subir de nouveau
mesures séquentielles révèlent une amélioration lente tassement vertébral [8]. Une seule patiente, dont l’ostéo-
au rachis et au col fémoral [8, 10] avec retour à des porose s’est révélée par des douleurs de hanche, a eu
valeurs proches de la normale [35]. Au radius proximal ensuite plusieurs tassements vertébraux successifs avant
la densité reste stable, mais s’aggrave au radius distal de décéder à l’âge de 51 ans par insuffisance respiratoire,
[11]. La densité minérale osseuse peut rester basse plu- favorisée par la déformation du rachis. L’évolution
sieurs années après la grossesse [9]. clinique et densitométrique est variable [12]. Une lente
amélioration de la DMO à la fois au rachis lombaire et
Histologie osseuse [5, 7-9, 11, 16, 31, 36] au col fémoral a été observée dans de nombreux cas [8,
10, 13-15, 20, 21, 35] sans toutefois atteindre des
L’os iliaque est parfois normal, mais souvent la biopsie valeurs normales. La DMO peut aussi rester basse pen-
confirme l’ostéoporose trabéculaire. L’ostéomalacie est dant des années après la grossesse [9].
Ostéoporose de la grossesse 731
PHYSIOPATHOLOGIE Jusqu’à présent, les travaux n’ont porté que sur des
grossesses normales. Les travaux (revue in [23]) mon-
Il est incontestable que certaines femmes ont une ostéo- trent une augmentation significative du remodelage
porose pendant leur grossesse et que cette ostéoporose osseux au troisième trimestre de la grossesse, avec une
peut être sévère [5, 8, 9]. La question qui fait débat est augmentation des marqueurs de formation et de
la responsabilité de la grossesse dans la survenue de cette résorption. Des dosages réguliers réalisés tout au long
ostéoporose. Les partisans de cette relation mettent en de la grossesse chez dix femmes [39] ont mis en
avant la survenue de l’ostéoporose à la fin de la grossesse
évidence dans les deux premiers trimestres un décou-
et dans le postpartum immédiat et invoquent certaines
plage du remodelage osseux avec une augmentation
particularités de la grossesse, voire du fœtus [8]. Les
progressive de la résorption, la formation osseuse
opposants citent la rareté de cette ostéoporose, la faible
n’augmentant qu’au troisième trimestre. Ces résultats
déperdition osseuse survenant habituellement au cours
de la grossesse [37], l’existence de signes d’ostéoporose sont en accord avec les résultats de biopsies osseuses
avant la grossesse [5, 17, 15]. Selon eux, la grossesse ne faites à 12–14 semaines de gestation [43]. Aucune
serait qu’un facteur aggravant décompensant une ostéo- étude ne démontre de variations individuelles exces-
pénie pré-existante. Cela se conçoit aisément quand il sives du remodelage au cours des grossesses [44, 45].
existe des facteurs de risque associés (traitement par En postpartum les marqueurs du remodelage sont
héparine, corticoïdes) [18, 33, 34, 38] ou une ostéogé- plus élevés chez les femmes qui allaitent que chez
nèse imparfaite [8]. Il est vrai que la déminéralisation celles qui n’allaitent pas [46]. La physiopathologie de
observée pendant la grossesse reste habituellement la perte osseuse trabéculaire pouvant survenir au cours
modérée [39]. Les résultats d’ostéodensitométrie avant de la grossesse et de l’allaitement n’est pas claire. La
et après la grossesse (l’examen, irradiant, est interdit responsabilité des hormones calciotropes et de la
pendant la grossesse) ou lors de situations particulières PTH-rP a été évoquée [14, 32] mais les facteurs
(fécondation in vitro) ont été comparés [17, 27]. La déterminants semblent être l’hypo-estrogénie et
revue de ces études prospectives longitudinales de DMO l’hyperprolactinémie [23, 41, 42]. Il est probable que
confirme l’existence d’une perte osseuse trabéculaire la grossesse détermine une ostéoporose fracturaire en
significative lors des derniers mois de la grossesse, aggravant une ostéopénie pré-existante, quelle qu’en
entre – 2 et – 4,2 %, malgré l’hyperestrogénie. Elle est soit la cause. Des facteurs génétiques favorisants ont
partiellement récupérée en postpartum chez les patien- été suggérés par certains [6, 10, 11]. Un antécédent
tes qui n’allaitent pas. Malgré des discordances liées aux d’anorexie mentale semble devoir être recherché. Il est
populations étudiées et à la méthodologie, les études rarement cité [8] mais le poids et la taille des patientes
prospectives montrent après trois à six mois d’allaite- sont peu souvent mentionnés [6, 13, 14, 20, 21]. La
ment une perte osseuse trabéculaire : – 3,6 à – 7,5 % guérison d’une anorexie mentale permettant une gros-
au rachis lombaire, – 3 à – 7,1 % au col du fémur, – 1,1 sesse expliquerait l’absence de rechute lors des gros-
à – 7 % au radius ; plus ou moins récupérée après le sesses ultérieures.
sevrage : + 3 à + 6 % au rachis lombaire, plus de 8 % au Les conséquences à long terme des grossesses multi-
col du fémur, + 2,5 à + 7,1 % au radius [23]. La sup- ples sur la masse osseuse sont mal connues. L’allaite-
plémentation calcique n’évite pas cette raréfaction au ment de plusieurs enfants pourrait augmenter la perte
rachis lombaire après un allaitement de trois mois : elle osseuse et aboutir à une ostéoporose, surtout quand le
est de – 4,2 à – 6,3 % malgré l’apport quotidien de pic de masse osseuse est faible [26]. Cependant les
calcium, de – 4,3 à – 4,9 % sous placebo [40, 41]. La études épidémiologiques ou les cohortes cas–témoins
carence vitaminocalcique aggrave toutefois la perte n’ont pas montré de relation nette entre la parité et
osseuse de l’allaitement [42] alors que les apports calci- l’allaitement d’une part, le risque de fracture ou de
ques stimulent le gain de masse osseuse après le sevrage DMO basse d’autre part [47, 48].
[41] ou après l’accouchement, en l’absence d’allaite- Une forme d’algodystrophie vertébrale ne peut être
ment [23, 41]. exclue, même si l’ostéoporose associée à la grossesse
Mécanismes de la perte osseuse n’en réunit pas tous les critères [49]. On est cepen-
dant frappé par le nombre de cas de douleurs de
L’étude des marqueurs du remodelage osseux, possible hanche compatibles avec une algodystrophie [6, 8, 11,
pendant la grossesse, devrait permettre de le préciser. 21].
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5)."5*26&5"1&3
Paludisme et grossesse
Patrice Bouréea,*, Francine Bisaroa, Carine Couzigoub
RÉSUMÉ
SUMMARY
E milieu
En ili ttropical,
i l il estt ffréquent
é td
de constater
t t une iinfestation
f t ti parasitaire
it i chez
h
une femme enceinte. Le paludisme est la parasitose la plus fréquente avec Summary: Parasitic diseases and pregnancy
un retentissement important sur la grossesse (anémie, accès pernicieux, In tropical areas, parasitic diseases are very fre-
avortement) et sur le fœtus (faible poids de naissance, paludisme congé- quent during pregnancy. Malaria is the most fre-
nital) surtout chez les primipares. Le risque de paludisme congénital est quent, with different complications in pregnant
plus fréquent chez la touriste (10 % des naissances d’enfants de femmes women (anaemia, cerebral malaria, abortion) and
atteintes de paludisme) que chez la femme autochtone (0,5 %). in the fetus (low birthweight, congenital malaria),
Le diagnostic doit être rapidement établi et le traitement est efficace mostly after first pregnancies. The prevalence
avec la plupart des antipaludiques actuels. Outre les protections contre rate of congenital malaria ranges from 0,5% in
les moustiques, la chimioprophylaxie est nécessaire. Elle est proposée pregnant women living in endemic areas to 10%
actuellement en zone d’endémie de façon intermittente par l’association in tourist women travelling in tropical areas. Dia-
sulfadoxine-pyriméthamine. gnosis must be confirmed rapidly and the treat-
Grossesse – paludisme – Plasmodium falciparum – ment is effective with most of antimalarial drugs.
chimioprévention du paludisme. Prophylaxis is possible by protection against the
mosquitoes and intermittent sulfadoxine-pyri-
methamine treatment.
Pregnancy – malaria – Plasmodium falciparum –
antimalarial chemoprophylaxis
1. Introduction
En pays tropical, le paludisme est l’affection parasitaire la
plus fréquente et qui pose le plus de problèmes chez la 2. Le paludisme
femme enceinte, qu’il s’agisse d’une autochtone exposée
depuis son enfance aux piqûres de moustiques ou d’une 2.1. Rappel épidémiologique et clinique
touriste récemment arrivée en zone d’endémie. D’après Plus de deux milliards de personnes vivent en zone à ris-
l‘Organisation mondiale de la Santé (OMS), il y aurait ques de paludisme (figure 1). Chaque année, il y a environ
environ, chaque année, 25 millions de femmes enceintes 400 à 500 millions de malades, dont 1,5 à 2,5 millions
et soumises au risque de paludisme, dont 25 % ont un décèdent, principalement des enfants. Avec l’apparition et
placenta infesté par les Plasmodium au moment de l’ac- la rapide extension des chimiorésistances et de l’accou-
couchement. En Afrique, entre 75 000 et 200 000 enfants tumance des moustiques aux insecticides, le paludisme
naissent de femmes atteintes de paludisme, avec un faible est actuellement en progression.
poids de naissance [47], la mortalité à la naissance des
enfants de mères paludéennes est estimée à 100 000 par
an [18], avec des taux de 0,9 % en zone urbaine au Zaïre Figure 1 – Répartition géographique du paludisme.
à 10,6 % en zone rurale de Gambie [37].
* Correspondance
patrice.bouree@bct.aphp.fr
P. malariae Zones tropicales (mais rare) Fièvre quarte Bénigne Syndrome néphrotique 20 ans
Œdème Hémoglobinurie
pulmonaire
dans certaines circonstances : la méfloquine (Lariam®), Les accès fébriles peuvent provoquer un avortement au
l’halofantrine (Halfan®, ce dernier après la réalisation d’un début ou un accouchement prématuré en fin de grossesse.
ECG). De nouveaux antipaludiques sont efficaces, comme C’est essentiellement en cas de paludisme contracté en fin
l’arthémether-luméfantrine (Riamet®, Coartem®, récemment de grossesse que peut survenir une infestation du fœtus
accessible pour les hôpitaux). à l’origine du paludisme congénital (10 % des naissances
d’enfants de femmes atteintes de paludisme). En l’ab-
3. Paludisme et grossesse sence de diagnostic et de traitement rapide, le pronostic
est réservé pour la mère et le fœtus, l’évolution pouvant
être rapidement fatale.
Le paludisme et la grossesse sont deux situations qui
s’aggravent mutuellement. En effet, le paludisme est plus
grave et plus fréquent au cours de la grossesse, provo- Figure 3 – Frottis de placenta infesté.
quant une importante morbidité et mortalité maternelle,
fœtale et périnatale.
Les effets du paludisme sont très variables selon le taux
d’immunité du sujet. En effet, les stimulations antigéniques
répétées dues aux piqûres continuelles de moustiques
entraînent un certain degré d’immunité dû aux IgG, ayant
une spécificité pour des antigènes variants de surface [22].
Aussi les conséquences seront-elles différentes selon qu’il
s’agit d’une femme immunisée ou non.
paludisme. Cette voie de protection contre les parasites montré au Malawi (tableau V) [52]. En revanche, l’aggra-
placentaires qui peut éviter le paludisme chez la femme vation de l’infestation par le VIH n’a pas été démontrée en
enceinte est un axe intéressant de recherche [3, 48]. cas de coïnfection avec le paludisme [10].
Par ailleurs, en cas d’infestation par les autres espèces de Le paludisme de la mère retentit bien évidemment sur le
Plasmodium, il n’y a pas de cytoadhérence des hématies, fœtus. Une fois le risque d’avortement ou d’accouchement
mais cela entraîne néanmoins une anémie maternelle et prématuré écarté, le fœtus naît avec un poids plus faible
un faible poids de naissance [15]. que le fœtus né de mère saine [56] (tableau VI), avec un
À l’approche du terme, le paludisme est un facteur impor- risque de mortalité dans 6 % des cas [20].
tant de prématurité, surtout chez la primigeste. Les dysto- Le risque de paludisme congénital est certain et est plus
cies dynamiques sont fréquentes et probablement liées à fréquent en zone d’hypoendémie du fait d’une faible immu-
une hypoxie utérine. Il faut rester très vigilant et prévenir nisation maternelle. Le mécanisme du passage transpla-
toute hémorragie de la délivrance ou du post-partum, centaire des hématies parasitées est mal élucidé : parasite
qui risquerait d’être mal tolérée, chez une femme déjà migrant à l’état libre ou dans une hématie infestée, néces-
anémiée [2, 57]. sité d’un placenta pathologique, passage au moment des
Dans le post-partum, le paludisme peut évoquer une fièvre pics fébriles [4] ? De toute façon, on estime que la den-
puerpérale [44]. Aussi, en l’absence de diagnostic précis, sité parasitaire reste 300 à 1 000 fois plus faible chez le
en zone d’endémie, est-il conseillé d’associer antibiotiques fœtus que chez la mère. Par ailleurs, il n’y a pas de phase
et antipaludiques. exo-érythrocytaire, étant donné l’absence d’inoculation
Un accès pernicieux doit être distingué d’une éclampsie transcutanée par un moustique et donc l’absence de
(tableau IV), bien que ces deux affections puissent être stade sporozoïte.
associées. La parasitémie est alors importante, due à la Le paludisme congénital est affirmé sur l’élimination de
libération d’hématozoaires par spléno-contraction. Le toutes les possibilités de contamination directe (transfu-
pronostic est assez sombre. Avec l’apparition du sida sion, inoculation naturelle par le moustique) et l’identité
dans les pays tropicaux, s’est posée la question de l’ag-
gravation des affections parasitaires chez les personnes
infectées par le VIH. Après des études contradictoires, il Tableau IV – Eléments distinctifs entre éclampsie
semble actuellement établi que les femmes infectées par et accès pernicieux.
le VIH présentent une élévation de la prévalence et de la Eclampsie Accès pernicieux palustre
parasitémie par P. falciparum, comme cela a été nettement Contexte Hypertension artérielle Paludisme
Chondroïtine sulfate
Tableau V – Prévalence du paludisme chez
les patients VIH positifs, au Malawi.
HIV+* HIV-
Placenta Séquestration Hypoxie
des GR Parasitémie
Primipares 56,3% 36,5 %
Multipares 23,8 % 11 %
Mè
Mère Vascularisation
Compliance de la chimiothérapie 13,2 % 7,8 %
*HIV(+) : 20,8 % chez les primipares ; 27,5 % chez les multipares.
Fœtus
Apports
Hypoxie
H po ie fœtale
Tableau VI – Comparaison des poids moyens
nutritifs de naissance (en grammes) des enfants
de femmes atteintes ou non de paludisme.
Nombre de Poids moyen des nouveau-nés
Pays
naissances parasités sains
Retard de croissance Accouchement
intra-utérine prématuré Côte-d’Ivoire 198 2 960 3 080
fonction de la zone où se rend la femme enceinte. Le Congo [27], ou de 24 % à 16 % en Ouganda [29]. Dans les
Lariam®, en prise hebdomadaire, est parfois préféré mais zones d’endémie du paludisme, ces mesures de prévention
avec risques d’effets secondaires comme du prurit ou des ont permis de réduire de 50 % l’infestation du paludisme
troubles digestifs (55). En effet, l’OMS a divisé les pays [21], de 28 % la prévalence de l’anémie de la grossesse,
tropicaux en trois zones selon l’intensité de la résistance de 43 % celle du faible poids de naissance et de 27 %
(tableau VII). En fait, ce tableau est perpétuellement en celle de la mortalité périnatale [15]. Mais ceci suppose
retard sur l’aggravation de la chloroquino-résistance, qui a d’insister sur l’intérêt de ces mesures auprès des popu-
gagné maintenant l’ensemble du monde tropical. De plus, lations [38] et nécessite de poursuivre voire d’intensifier
les intolérances à la méfloquine entraînent une certaine les campagnes de consultations prénatales.
prudence vis-à-vis de cette molécule. Ces produits ne
sont ni abortifs ni tératogènes. Aussi, l’OMS préconise- 4. Conclusion
t-elle actuellement le traitement préventif intermittent par
sulfadoxine-pyriméthamine [58], à raison de seulement Ainsi, le paludisme, le plus fréquent des parasites tropi-
4 prises au cours de la grossesse [28, 29], traitement bien caux survenant au cours de la grossesse, nécessite-t-il un
toléré [42]. La pyriméthamine étant un antagoniste de diagnostic rapide et un traitement adapté pour éviter les
l’acide folique, un complément en acide folique est alors complications éventuelles concernant la femme enceinte
conseillé [52]. Ceci permet, sans être trop astreignant, et le fœtus. À défaut de vaccination, il est fondamental
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grossesses passant, par exemple, de 35 % à 19,7 % au anti-moustiques.
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Mise au point
Résumé
Des atteintes hépatiques peuvent être observées chez la femme enceinte, liées ou non à la grossesse. Cette revue a pour objectif de préciser les
différentes causes d’hépatopathie au cours de la grossesse et leur prise en charge. Les hépatopathies observées chez les femmes enceintes peuvent
être soit des hépatopathies aiguës gravidiques, soit des hépatopathies chroniques connues avant la grossesse ou non et dont le cours peut être modifié
par la grossesse, soit enfin des hépatopathies intercurrentes qui nécessitent une prise en charge particulière pendant la grossesse. La connaissance
des différentes atteintes hépatiques pouvant survenir au cours de la grossesse permettra d’assurer une prise en charge multidisciplinaire de la mère
afin d’éviter la survenue de complications maternelles ou fœtales sévères.
© 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Abstract
Liver dysfunction during pregnancy can be related or not to pregnancy itself. The purpose of this review is to summarize the possible causes of
liver dysfunction during pregnancy and their management. Liver dysfunction during pregnancy can be chronic or acute, independent or specific to
pregnancy. Management of liver disease can be different during pregnancy. The knowledge of liver dysfunction during pregnancy is of help for a
better management of the mother in order to avoid maternal and fetal mortality and morbidity.
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Les hépatopathies observées chez une femme enceinte atteintes hépatiques maternelles, les atteintes hépatiques fœtales
peuvent être ou non liées à la grossesse et peuvent dans cer- ne seront pas abordées.
tains cas engager les pronostics maternel et fœtal. Cette revue
a pour objectif de préciser les différentes causes d’hépatopathie
1. Les fonctions hépatiques au cours de la grossesse
au cours de la grossesse et leur prise en charge. Après un rappel
normale
sur les modifications physiologiques des fonctions hépatiques
chez la femme enceinte, nous aborderons les hépatopathies gra-
Au cours de la grossesse normale, on peut observer
vidiques, puis le retentissement de la grossesse elle-même sur
l’apparition d’angiomes stellaires ou d’une érythrose palmaire
les hépatopathies non gravidiques. Nous nous limiterons aux
qui sont liés à l’imprégnation estrogénique et non à une insuffi-
sance hépatocellulaire.
∗ Auteur correspondant. Les modifications physiologiques des tests hépatiques au
Adresse e-mail : nathalie.costedoat@psl.aphp.fr (N. Costedoat-Chalumeau). cours de la grossesse sont résumées dans le Tableau 1 [1].
0248-8663/$ – see front matter © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.revmed.2008.09.012
Pour citer cet article : Delluc C, et al. Pathologies hépatiques et grossesse. Rev Med Interne (2008), doi:10.1016/j.revmed.2008.09.012
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Tableau 1
Modifications physiologiques des tests hépatiques au cours de la grossesse.
Modifications observées au cours de la grossesse Période de modification (trimestre)
L’activité sérique de la ␥-glutamyl-transpeptidase (GGT) est peut être observé dans les cas les plus sévères [3]. Une asso-
stable, voire modérément diminuée au cours des deuxième et ciation de l’hyperemesis gravidarum avec une infection par
troisième trimestres. L’activité sérique des transaminases n’est Helicobacter pylori a été retrouvée dans une étude [4]. Des
pas significativement modifiée. Une élévation de leur taux au cas d’encéphalopathie de Gayet-Wernicke provoquée par un
cours de la grossesse doit donc faire suspecter une pathologie déficit en thiamine (vitamine B1) lié aux vomissements et par
hépatique. L’activité sérique des phosphatases alcalines (PAL) l’utilisation de solutés glucosés ont été rapportés [4]. Des ano-
augmente à partir du deuxième trimestre en raison d’un pas- malies de la fonction thyroïdienne évoquant une hyperthyroïdie
sage dans le sang maternel de PAL d’origine placentaire. Sauf et associant une élévation de la thyroxine libre et une diminution
dans de rares cas, cette augmentation reste très modérée. La de la TSH, peuvent survenir au cours de l’hyperemesis gravida-
bilirubinémie totale diminue modérément à partir du premier rum, le plus souvent sans manifestations cliniques. La fonction
trimestre ainsi que la bilirubine conjuguée et l’albumine du fait thyroïdienne se normalise spontanément ensuite au cours de
de l’hémodilution liée à la grossesse. la grossesse [5]. En l’absence de signe clinique évoquant une
hyperthyroïdie, il n’y a donc pas d’indication formelle à doser la
2. Hépatopathies spécifiques de la grossesse TSH ou à instituer un traitement antithyroïdien chez ces patientes
[5].
Les principales hépatopathies spécifiques de la grossesse sont Le traitement comporte l’isolement de la patiente, la correc-
indiquées dans le Tableau 2 en fonction du terme de la grossesse. tion des troubles hydroélectrolytiques, la mise au repos digestif
associée à une nutrition parentérale avec apport vitaminique
(notamment de vitamine B1) et le traitement symptomatique
2.1. Hyperemesis gravidarum des vomissements [2]. La corticothérapie est inefficace [2].
Les symptômes régressent habituellement après la vingtième
L’hyperemesis gravidarum est une pathologie du premier semaine d’aménorrhée (SA). Le pronostic fœtal est bon [2].
trimestre de la grossesse dont la physiopathologie reste indé- Néanmoins, lorsque la prise de poids maternel est inférieure
terminée et qui se manifeste par des vomissements incoercibles à 7 kg, les nouveaux-nés sont plus souvent hypotrophes, pré-
[2]. La prévalence est de 0,3 à 2 % des grossesses. Les patientes maturés et ont un score d’APGAR plus bas à cinq minutes
concernées souffriraient plus fréquemment de troubles psychia- [2].
triques à type de dépression ou d’anxiété sans qu’un lien causal
ait pu être établi [2].
Les vomissements conduisent à une déshydratation et à des 2.2. Cholestase intrahépatique de la grossesse ou
troubles hydroélectrolytiques aboutissant souvent à une hospita- cholestase gravidique
lisation. Une élévation généralement modérée des transaminases
survient dans 50 % des cas. Cette augmentation peut atteindre La cholestase intrahépatique de la grossesse (CIG) survient
50 fois la valeur supérieure de la normale (N) et un ictère généralement au cours du deuxième ou troisième trimestre. Sa
Tableau 2
Hépatopathies rencontrées en fonction du terme de la grossesse.
1er trimestre 2e trimestre 3e trimestre Postpartum
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prévalence en France varie entre 0,2 et 0,7 % des grossesses et sa diminuer le risque de prématurité [9]. Le risque de mort fœtale
fréquence augmente avec l’âge maternel et en cas de grossesse in utero varie d’1 à 3 %, les décès étant attribués à une toxicité
gémellaire. fœtale des acides biliaires ou à des micro-infarctus placentaires
Plusieurs hypothèses physiopathologiques de la CIG ont été [7]. Des récidives peuvent survenir au cours des grossesses sui-
proposées. Sa fréquence, plus élevée dans les pays scandinaves vantes et, plus rarement, lors de la prise d’une contraception
et au Chili ou en Bolivie [3], a fait évoquer une origine géné- estrogénique.
tique. Le gène multidrug resistance 3 (MDR3) code pour une
protéine impliquée dans la sécrétion des phospholipides dans 2.3. Prééclampsie/HELLP syndrome
la bile [6]. Des mutations de MDR3 ont été mises en évidence
dans des formes familiales de cholestase avec une augmentation La prééclampsie ou toxémie gravidique est définie par une
de la GGT en dehors de la grossesse. Jacquemin et al. [6] ont pression artérielle systolique supérieure à 140 mmHg ou une
montré que le statut hétérozygote pour MDR3 était un facteur pression artérielle diastolique supérieure à 90 mmHg associée à
prédisposant de CIG. Les auteurs recommandent d’effectuer une une protéinurie supérieure à 0,3 g toutes les 24 heures. Elle sur-
étude génétique de MDR3 chez les patientes atteintes de CIG vient lors du deuxième ou du troisième trimestre de la grossesse.
avec une élévation de la GGT compte tenu du risque de récur- Cette complication est observée dans 1 à 10 % des grossesses et
rence. Les modifications hormonales liées à la grossesse jouent concerne principalement les primipares. L’éclampsie est définie
probablement un rôle dans la CIG puisque les estrogènes ont par la survenue de convulsions.
un effet cholestatique et que le métabolisme de la progestérone Deux à 5 % des femmes enceintes ayant une prééclampsie
est modifié chez les patientes présentant une CIG [3,7]. Enfin, auraient une atteinte hépatique [7]. Les symptômes comportent
des variations saisonnières de la fréquence de cette pathologie des épigastralgies en barre ou des douleurs de l’hypochondre
suggèrent que des facteurs environnementaux sont impliqués droit, un ictère étant plus rarement constaté [3,7]. Les lésions
[7]. hépatiques consistent en des dépôts de fibrine dans les sinusoïdes
Typiquement, la CIG se traduit par un prurit généralisé, pré- périportaux conduisant à des foyers de nécrose hépatocytaire
dominant sur le tronc, la paume des mains et la plante des puis d’infarctus et d’hémorragie intrahépatique. Ces lésions
pieds, pouvant être insomniant. L’examen clinique est normal en peuvent évoluer vers un hématome sous-capsulaire dont la rup-
dehors de lésions de grattage et d’un ictère qui peut apparaître à ture est de pronostic redoutable et surviendrait dans 1 % des cas
un stade tardif. Le meilleur marqueur de CIG est l’augmentation, [10].
constante, de la concentration sérique des acides biliaires avec Quatre à 12 % des prééclampsies se compliquent d’un hemo-
des concentrations pouvant dépasser 100 mol/l [8]. L’activité lysis, elevated liver enzymes, low platelet count (HELLP)
sérique des transaminases, notamment de l’alanine aminotrans- syndrome, caractérisé par une élévation des transaminases pou-
férase (ALAT), est le plus souvent augmentée à 10N, voire 30N vant atteindre 50N, une thrombopénie et une hémolyse. Le
mais elle peut être normale initialement. Contrairement à ce que HELLP syndrome survient généralement au cours du troi-
suggère le terme CIG, la GGT est habituellement normale sauf sième, voire du deuxième trimestre de la grossesse mais il peut
en cas de mutation hétérozygote de MDR3 [6]. Les PAL sont s’aggraver, voire être diagnostiqué seulement dans le postpar-
également normales ou peuvent être modérément augmentées tum. Au troisième trimestre de grossesse, le principal diagnostic
du fait du passage physiologique de PAL d’origine placentaire différentiel est la stéatose hépatique aiguë de la grossesse. La dis-
dans le sang maternel. Le TP peut diminuer en cas d’ictère et doit tinction entre HELLP syndrome, syndrome catastrophique des
alors être corrigé par l’administration parentérale de vitamine antiphospholipides, purpura thrombotique thrombocytopénique
K. Il n’y a pas d’anomalie échographique des voies biliaires. La ou syndrome hémolytique et urémique peut être difficile. Le
ponction–biopsie hépatique n’est pas indispensable au diagnos- HELLP syndrome n’est pas toujours associé à une prééclamp-
tic. sie. La mortalité maternelle varie entre 1 et 3,5 % et survient
Le traitement le plus efficace est la délivrance, le prurit dis- alors dans un contexte de coagulation intravasculaire dissémi-
paraissant dans les heures ou jours qui suivent l’accouchement. née ou d’hématome rétroplacentaire. Un cas de calcifications
Lorsque le terme est trop précoce, le traitement vise à diminuer intrahépatiques compliquant un HELLP syndrome a été décrit
le prurit et la cholestase. L’hydroxyzine peut améliorer la tolé- [11]. Le HELLP syndrome peut être un des modes de révéla-
rance du prurit. La cholestyramine a une efficacité inconstante tion du syndrome des antiphospholipides (SAPL) et doit donc
et requiert un traitement préventif de la carence en vitamine K. conduire à rechercher la présence d’une biologie antiphospho-
L’acide ursodésoxycholique (AUDC) est efficace dans la CIG et lipide. Dans ce contexte, le HELLP syndrome est souvent plus
à l’autorisation de mise sur le marché (AMM), en France, dans précoce et sévère [12].
les formes sévères de CIG, aucune toxicité fœtale n’ayant été Le traitement du HELLP syndrome repose principalement
rapportée. La posologie est augmentée progressivement jusqu’à sur l’évacuation utérine. Le bénéfice pour la mère de la corti-
1 g/j, le délai d’action étant d’une à deux semaines. cothérapie est discuté et ce traitement n’est, à l’heure actuelle,
Le pronostic maternel est bon. La surveillance fœtale doit pas recommandé [13]. La guérison des infarctus et des héma-
être rapprochée, le pronostic fœtal étant plus réservé. La CIG tomes intrahépatiques se fait habituellement sans séquelle. La
est associée à un risque d’accouchement prématuré qui pourrait prévention de la récidive au cours d’une grossesse ultérieure
être en rapport avec une augmentation de la contractilité utérine repose sur un traitement par aspirine à faible dose. Une anti-
liée aux acides biliaires. Le traitement par AUDC permettrait de coagulation préventive, voire efficace par héparine de bas poids
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moléculaire sera associée en cas de SAPL, avec une surveillance La vaccination, qui utilise un virus inactivé, est possible pendant
adaptée. la grossesse.
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Le dépistage du virus de l’hépatite C n’est pas obligatoire en inexpliquée, généralement au troisième trimestre, une cytolyse
France au cours de la grossesse, mais est recommandé en pré- hépatique parfois majeure qui peut aboutir à une hépatite fulmi-
sence de facteurs de risque [18]. La prévalence chez les femmes nante, une leucopénie ou des troubles de la coagulation [22,23].
enceintes, en France, varie de 0,3 à 7,7 % selon les études. Le La mortalité maternelle est estimée à 39 %, le pronostic fœtal
risque de transmission maternofœtale varie dans la littérature étant également réservé avec une mortalité liée à la prématurité
de 0 à 10 %. Il est plus important si la mère est co-infectée par et au risque de transmission de l’infection [22,23]. Le traitement
le VIH (le risque étant alors estimé à 15,5 %), si la virémie est par acyclovir doit être institué en urgence dès la suspicion cli-
élevée et serait nul lorsque la charge virale maternelle est indé- nique. Il n’est pas contre-indiqué pendant la grossesse et permet
tectable [18]. Le mode exact de transmission n’est pas connu. d’améliorer le pronostic [22,23].
L’accouchement par voie basse n’est pas contre-indiqué [18]. La primo-infection à cytomégalovirus (CMV) est souvent
Un consensus se dégage permettant d’autoriser l’allaitement, en asymptomatique mais elle peut se traduire par une élévation
l’absence de lésions cutanées maternelles. des transaminases, voire mimer un HELLP syndrome [7]. Un
Le diagnostic d’infection chez l’enfant repose sur la traitement par ganciclovir est possible pendant la grossesse si
recherche par PCR de l’ARN viral [18,19]. En cas de trans- l’atteinte hépatique maternelle est sévère.
mission, l’ARN apparaît dans les trois premiers mois de la vie,
mais il peut disparaître de façon durable par la suite. Il est donc 3.2. Hépatopathies auto-immunes
raisonnable d’attendre l’âge d’un an avant de faire une PCR
pour le diagnostic d’infection virale C chez l’enfant. Compte 3.2.1. Hépatite auto-immune
tenu du passage physiologique d’anticorps maternels, la sérolo- L’hépatite auto-immune (HAI) est une hépatopathie peu
gie est plus difficile à interpréter et est évocatrice de transmission fréquente touchant principalement les femmes jeunes. Les
lorsqu’elle reste positive à 18 mois [18,19]. symptômes peuvent associer une asthénie, un ictère fluc-
tuant et des arthralgies. Les critères diagnostiques positifs
3.1.4. Hépatite D sont une histologie hépatique évocatrice avec notamment une
Le virus de l’hépatite D ou delta est un virus à ARN dit défec- hépatite d’interface, une élévation souvent modérée des trans-
tif : le virus D utilise l’enveloppe du virus B (antigène HBs). La aminases, une hypergammaglobulinémie à IgG et la présence
co-infection B–D peut être simultanée ou être le résultat d’une d’autoanticorps sériques [24]. On distingue habituellement
surinfection. Une transmission maternofœtale est possible [8]. plusieurs types d’HAI selon les anticorps présents mais cette dis-
L’influence de la grossesse sur l’évolution de l’hépatite D n’est tinction ne modifie pas l’indication thérapeutique. L’évolution
pas connue. La prise en charge repose sur l’immunoprophylaxie spontanée se fait vers la cirrhose qui est parfois déjà consti-
antivirale B de l’enfant [8]. tuée au moment du diagnostic. Le traitement repose sur
la corticothérapie et les immunosuppresseurs, essentiellement
3.1.5. Hépatite E l’azathioprine.
Le virus de l’hépatite E est un virus à ARN dont le mode Compte tenu de la rareté de cette pathologie, la plupart des
de contamination est orofécal et pour lequel il n’existe pas de descriptions au cours de la grossesse sont des cas rapportés.
traitement spécifique. Ce virus est endémique en Asie et en Toutefois, trois études [25–27] et une revue de la littérature [28]
Afrique mais des cas européens autochtones ont étés rapportés, recensant 206 grossesses chez 115 femmes ont évalué le reten-
notamment en France [20]. tissement de la grossesse sur l’évolution de l’HAI (Tableau 3).
L’évolution de l’infection est habituellement favorable. Aucune malformation fœtale liée au traitement immunosup-
Cependant, c’est surtout au cours de la grossesse que le virus peut presseur maternel n’était constatée, l’azathioprine notamment
être responsable d’atteintes sévères. Une étude récente regrou- pouvant être poursuivie pendant la grossesse sans risque pour
pant 132 cas d’hépatite virale E survenue chez des femmes la mère ou l’enfant [29]. Cette innocuité de l’azathioprine
enceintes retrouvait une hépatite fulminante dans 55 % des pendant la grossesse contraste avec une étude danoise [30]
cas, celle-ci étant plus fréquente lorsque l’infection survenait concernant des patientes ayant une maladie de Crohn, certaines
au cours du dernier trimestre de la grossesse [21]. La morta- ayant été traitées par azathioprine ou 6-mercaptopurine qui est
lité maternelle globale était de 41 % et atteignait 74 % en cas un métabolite de l’azathioprine. Cette étude met en évidence
d’hépatite fulminante [21]. L’infection par le virus de l’hépatite un taux de malformation fœtale de 15,4 % ainsi qu’un risque
E était également responsable de morts fœtales et de prématu- d’accouchement prématuré en partie lié à l’activité de la mala-
rité. Il est donc déconseillé aux femmes enceintes de voyager en die [30]. La 6-mercaptopurine étant hépatotoxique, elle n’est pas
zone d’endémie. utilisée dans le traitement de l’HAI et cette molécule est habi-
tuellement contre-indiquée au cours de la grossesse. On ne peut
3.1.6. Autres virus hépatotropes exclure que le taux de malformation fœtale rapporté dans cette
Les Herpes simplex virus (HSV) 1 et 2 peuvent être rare- étude soit en partie lié à l’emploi de cette molécule. Notons
ment responsables d’une atteinte hépatique. Norvell et al. [22] enfin, qu’un risque accru d’infection maternofœtale, en parti-
ont récemment rapporté 137 cas d’hépatites liées à HSV, parmi culier à CMV, est possible en raison de l’immunosuppression
lesquels 32 étaient survenus chez des femmes enceintes. Des induite par le traitement [29].
vésicules herpétiques n’étaient retrouvées que dans 44 % des Dans le travail de Schramm et al. [26], un risque de
cas [22]. Le diagnostic doit donc être suspecté devant une fièvre fausse couche spontanée ou d’accouchement prématuré était
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6 C. Delluc et al. / La Revue de médecine interne xxx (2008) xxx–xxx
Tableau 3
Hépatite auto-immune et grossesse.
Auteur Nombre de Nombre de Nombre de Nombre de grossesses avec poussées (%) Morbidité maternelle
patientes grossesses naissances vivantes
Pendant la grossesse Après l’accouchement
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normale a été rapportée chez une patiente recevant un traitement L’adénome hépatique est hormonosensible et se développe
substitutif [34]. chez les femmes utilisant une contraception orale. Sa croissance
La maladie de Gaucher est due à un déficit en glucocérébro- peut être accélérée par les estrogènes au cours de la grossesse
sidase. Des grossesses, avec et sans traitement substitutif, sont [40]. La résection des lésions de taille supérieure à 5 cm est
rapportées [35]. habituellement recommandée pour éviter l’hémorragie qui est
la principale complication. La résection chirurgicale est pos-
3.4. Autres hépatopathies sible jusqu’au deuxième trimestre de la grossesse [40]. Une
surveillance adaptée est nécessaire, y compris dans le postpar-
3.4.1. Lithiase biliaire tum [40].
La lithiase et le sludge vésiculaires sont plus fréquents au Les tumeurs hépatiques malignes peuvent être primitives
cours de la grossesse. Les estrogènes augmentent la concen- (carcinome hépatocellulaire et cholangiocarcinome) ou secon-
tration en cholestérol de la bile et la progestérone diminue la daires. La grossesse aggrave le pronostic du carcinome
vidange vésiculaire [8]. Les petits calculs vésiculaires peuvent hépatocellulaire [40]. Cela serait dû à une sensibilité de
disparaître après l’accouchement [36]. La cholécystite aiguë est cette tumeur aux estrogènes ou à l’immunotolérance liée à la
préférentiellement traitée par antibiothérapie, le recours à la chi- grossesse. Le mauvais pronostic des tumeurs malignes diagnos-
rurgie par voie laparoscopique est toutefois possible pendant les tiquées au cours de la grossesse fait discuter une interruption de
deux premiers trimestres [37]. La cholangiopancréatographie celle-ci afin de traiter la lésion [40].
rétrograde endoscopique avec sphinctérotomie est envisageable
au cours de la grossesse en cas de complication de la lithiase 3.4.6. Cirrhose
vésiculaire [3]. Les grossesses sont peu fréquentes au cours de la cirrhose
en raison d’une diminution de la fertilité liée à une dysfonction
3.4.2. Hépatites médicamenteuses hypothalamohypophysaire [8]. Toutefois, la cirrhose, si elle est
Des hépatites médicamenteuses cytolytiques, cholestatiques compensée, n’est pas une contre-indication à la grossesse.
ou mixtes peuvent se voir au cours de la grossesse. Elles peuvent Chez la femme enceinte, la principale complication de
être liées à un médicament prescrit au cours de la grossesse, la cirrhose est la rupture de varices œsophagiennes liées à
comme la méthyldopa qui est utilisée dans l’hypertension arté- l’hypertension portale [8], principalement pendant le troisième
rielle gravidique, ou à des antibiotiques. Il est fréquent (30 à trimestre. La prévention primaire repose sur les bêtabloquants,
50 % des cas) d’observer une élévation transitoire des transami- principalement le propanolol et le nadolol qui sont utilisables en
nases lors de l’institution d’un traitement par héparine de bas cours de grossesse et pendant l’accouchement et/ou la ligature
poids moléculaire. La recherche de prise médicamenteuse est endoscopique. En cas d’hémorragie digestive, la ligature endo-
donc indispensable si une hépatopathie survient au cours de la scopique est possible [8]. La vasopressine peut conduire à une
grossesse. ischémie placentaire et à des nécroses distales chez le fœtus et
est donc contre-indiquée en cours de grossesse [8]. En l’absence
3.4.3. Infection urinaire de données spécifiques, la présence d’un cavernome portal n’est
Une infection urinaire peut entraîner ou aggraver une cho- pas une contre-indication à la grossesse.
lestase [7]. Un examen cytobactériologique des urines doit donc
être systématique chez une femme enceinte ayant une cholestase. 3.4.7. Transplantation hépatique
La transplantation hépatique permet de restaurer la ferti-
3.4.4. Thrombose des vaisseaux hépatiques lité chez les femmes atteintes de cirrhose en âge de procréer.
La grossesse est associée à un état d’hypercoagulabilité : le Il est recommandé d’attendre un an après la transplantation
taux de certains facteurs de coagulation augmente, notamment avant une grossesse pour limiter le risque de prématurité,
les facteurs I, VII, VIII et X. Un épisode thrombotique veineux d’hypertension artérielle gravidique et de rejet du greffon [41].
survient dans 0,1 % des grossesses [38] et peut se traduire par Les traitements immunosuppresseurs comme le tacrolimus, la
un syndrome de Budd-Chiari qui correspond à la thrombose ciclosporine ou l’azathioprine peuvent être poursuivis sans
d’une ou de plusieurs veines sus-hépatiques, plus rarement par complication maternofœtale en dehors d’une augmentation de
une thrombose de la veine porte. Un traitement par héparine de fréquence de l’hypertension artérielle et de la prééclampsie
bas poids moléculaire à dose efficace doit alors être prescrit en associée à l’utilisation de la ciclosporine [41]. En revanche, le
milieu spécialisé [39]. mycophénolate mofétil est contre-indiqué en raison notamment
de la survenue de malformations de l’oreille. Les fonctions du
3.4.5. Tumeurs hépatiques greffon ne sont pas modifiées par la grossesse [41].
La plupart des tumeurs diagnostiquées pendant la gros-
sesse sont bénignes [40]. Les principales tumeurs bénignes 4. Conclusion
du foie sont l’hémangiome, l’hyperplasie nodulaire focale et
l’adénome. La découverte de ces lésions est souvent fortuite. Une cytolyse ou une cholestase au cours de la grossesse
L’hémangiome et l’hyperplasie nodulaire focale se compliquent doit alerter le praticien et conduire à réaliser un bilan exhaustif
rarement et ne sont pas des contre-indications à la grossesse rapide. L’âge gestationnel peut aider à différencier les hépatopa-
[40]. thies (Tableau 2) : hyperemesis gravidarum au premier trimestre,
Pour citer cet article : Delluc C, et al. Pathologies hépatiques et grossesse. Rev Med Interne (2008), doi:10.1016/j.revmed.2008.09.012
Modele +
REVMED-3503; No. of Pages 8 ARTICLE IN PRESS
8 C. Delluc et al. / La Revue de médecine interne xxx (2008) xxx–xxx
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troisième trimestre. Enfin, une hépatopathie chronique n’est pas [21] Patra S, Kumar A, Trivedi SS, Puri M, Sarin SK. Maternal and fetal out-
une contre-indication à la grossesse. Cette grossesse doit toute- comes in pregnant women with acute hepatitis E virus infection. Ann Intern
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Pour citer cet article : Delluc C, et al. Pathologies hépatiques et grossesse. Rev Med Interne (2008), doi:10.1016/j.revmed.2008.09.012
Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com
Cas clinique
Place de la sismothérapie dans la prise en charge
des dépressions graves de la grossesse
Use of sismotherapy during pregnancy for severe depression
P.-F. Ceccaldi a,*, C. Dubertret b, H. Keita c, L. Mandelbrot a
a
Service de gynécologie–obstétrique, CHU Louis-Mourier, Assistance publique–Hôpitaux de Paris (AP–HP),
université Paris-VII, 178, rue des Renouillers, 92700 Colombes, France
b
Service de psychiatrie, CHU Louis-Mourier, Assistance publique–Hôpitaux de Paris (AP–HP),
université Paris-VII, 178, rue des Renouillers, 92700 Colombes, France
c
Département d’anesthésie–réanimation, CHU Louis-Mourier, Assistance publique–Hôpitaux de Paris (AP–HP),
université Paris-VII, 178, rue des Renouillers, 92700 Colombes, France
Reçu le 15 janvier 2008 ; accepté le 3 juin 2008
Disponible sur Internet le 23 juillet 2008
Résumé
L’électro-convulsivothérapie (ECT) ou la sismothérapie est une option thérapeutique chez les patients présentant des dépressions graves. Elle
consiste à provoquer une crise comitiale, sous brève anesthésie générale avec curarisation. Sa réalisation au cours de la grossesse est un événement
peu fréquent et mal évalué. Une primigeste ayant pour antécédent un trouble bipolaire présenta un épisode dépressif majeur au cours du deuxième
trimestre, modestement amélioré par traitement médical. Une sismothérapie fut réalisée (dix séances prévues de 26 à 30 semaines d’aménorrhée
[SA]), après accord de la patiente. Une nette amélioration de son état a été constatée dès les premières séances. En raison d’ une menace
d’accouchement prématuré (MAP), la dernière séance ne fut pas réalisée. La patiente bénéficia d’un traitement médical antidépresseur dans le mois
précédant l’accouchement. À 36 SA, l’accouchement fut naturel et rapide, d’un enfant bien portant (3120 g, Apgar 10-10-10). La relation mère–
enfant fut bonne. Si la littérature est rassurante, il a été récemment rapporté le cas d’un enfant présentant de multiples infarctus cérébraux chez une
patiente prééclamptique ayant bénéficié d’une sismothérapie. C’est pourquoi la survenue de toute pathologie obstétricale surajoutée (prééclampsie,
menace d’accouchement prématuré) doit faire rediscuter cette option thérapeutique. Compte tenu des complications possibles, elle exige une
surveillance stricte de la grossesse en milieu hospitalier.
# 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Abstract
Electroconvulsive therapy (ECT), also known as electroshock, is a treatment option for patients with severe depression. It involves inducing a
comitial crisis under short general anesthesia with curarization. Its use during pregnancy is a rare event and a poorly studied one. A primigravida
with a prior bipolar disorder presented a major depressive episode during the second trimester, slightly improved by medical treatment.
Electroshocks were performed (10 sessions planned from 26 to 30 weeks of amenorrhea [WA]), with the agreement of the patient. A marked
improvement in her condition was recorded in the early sessions. Following a threat of premature birth, the last session was not carried out. She
received antidepressant medical treatment in the months preceding childbirth. At 36 WA, the birth was natural and fast to a healthy child (3120 g,
Apgar 10-10-10). The mother–child relationship was good. Even if publications are reassuring, the case of a child with multiple cerebral infarctions
in a preeclamptic patient was recently reported. The occurrence of any superimposed obstetrical pathology (preeclampsia, premature delivery)
should revise this treatment. Given the possible complications, it requires strict supervision of the pregnancy in a hospital setting.
# 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
* Auteur correspondant.
Adresse e-mail : pfceccaldi@gmail.com (P.F. Ceccaldi).
1297-9589/$ – see front matter # 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.gyobfe.2008.06.009
774 P.-F. Ceccaldi et al. / Gynécologie Obstétrique & Fertilité 36 (2008) 773–775
1. Introduction pas sa réalisation [4]. Elle peut être utilisée tout au long de la
grossesse. Il est conseillé une surveillance du fœtus lors de
Une dépression au cours de la grossesse peut être source de chaque séance de sismothérapie et lors du réveil maternel. Les
complications tant pour la mère que pour l’enfant si elle n’est situations à risque obstétrical ou la proximité du terme
pas traitée : malnutrition, menace d’accouchement prématuré demandent un monitorage accru, et la présence d’un obsté-
(MAP), consommation de toxiques, violence, suicide. . . tricien est souhaitable lors des séances de sismothérapie. Les
Récemment, certaines études ont rapportées l’existence de récentes recommandations professionnelles pour le suivi et
malformations congénitales ainsi que des complications l’orientation des femmes enceintes en fonction des situations à
néonatales (troubles respiratoires et métaboliques, convulsions, risque identifiées envisagent pour les maladies psychiatriques
prématurité) sous antidépresseurs [1,2]. sévères (schizophrénie, troubles bipolaires et syndromes
La sismothérapie est un traitement éprouvé en pathologie dépressifs sévères), le suivi en structure adaptée avec la
psychiatrique [3]. C’est une alternative en cas d’échec ou nécessité d’un avis d’un gynécologue–obstétricien [5]. Dans
d’intolérance au traitement médical. Elle peut être aussi notre observation, la grossesse était anticipée par l’arrêt de tout
proposée en urgence lorsqu’il existe un risque vital à court traitement médical et la poursuite du suivi psychiatrique.
terme (idées suicidaires, dénutrition). Réalisée sous brève L’instauration des séances de sismothérapie exige l’accord
anesthésie générale et curarisation, elle consiste à provoquer de la patiente avant chaque séance. L’innocuité et la bonne
une crise comitiale généralisée, plusieurs séances étant tolérance fœtale de cette thérapie reposent sur d’anciennes
nécessaires. Ses contre-indications sont celles de l’anesthésie études. Repke et Berger suggèrent que c’est un traitement de
générale et de l’hypertension intracrânienne. Une observation, choix pour les patientes présentant une dépression sévère lors
ainsi qu’une revue récente de la littérature permettront de de la grossesse et Abrams semble le préférer aux traitements
discuter les indications et les risques chez la femme enceinte. médicamenteux [6,7]. Les effets indésirables (Tableau 1)
rapportés chez la femme enceinte sont le fait d’observations
2. Cas clinique éparses. Miller et al. publièrent en 1994 la revue de la littérature
la plus importante à ce jour de femmes enceintes ayant
Madame F., 28 ans, primigeste, avait pour antécédent un bénéficié d’une électro-convulsivothérapie [8]. Ils rapportèrent
trouble bipolaire depuis l’âge de 16 ans. Un traitement par sur une série de 300 patientes, de 1942 à 1991, 9,3 % de
venlafaxine et paroxétine fut instauré lors d’une hospitalisation complications (28 patientes). Les anomalies du rythme
pour un syndrome dépressif sévère et idées suicidaires. Ce cardiaque fœtal sont les plus fréquentes [9]. Cinq fausses
traitement fut interrompu 11 mois plus tard en vue d’une couches spontanées sont rapportées, soit 1,6 % des cas. Trois
grossesse. Au cours du deuxième trimestre, elle présenta un décès néonatals sont décrits, deux présentaient une pathologie
épisode dépressif majeur, nécessitant une hospitalisation et associée. Une patiente avait un premier traitement comportant
l’instauration d’un traitement par clomipramine 100 mg/j et huit séances de coma hypoglycémique induit par insulino-
chlorpromazine. thérapie et présentait une importante perte de poids et des
À l’apparition d’une hypotension orthostatique invalidante et vomissements, la deuxième était à distance de la sismothérapie
devant l’absence d’efficacité thérapeutique, une électro-convul- avec une fin de grossesse compliquée sans autre précision, et le
sivothérapie (ECT) fut proposée en dix séances prévues de 26 à troisième enfant est mort d’une surinfection pulmonaire
30 semaines d’aménorrhée (SA), avec l’accord de la patiente et compliquant une malformation kystique adénomatoı̈de congé-
de sa famille. L’anesthésie générale comporta de l’étomidate, du nitale du poumon. Récemment, Pinette et al. s’interrogèrent sur
propofol et une courte curarisation par suxaméthonium. Une le cas d’un enfant présentant de multiples infarctus cérébraux
surveillance du rythme cardiaque fœtal (RCF) était réalisée au décours d’une électro-convulsivothérapie se déroulant
avant et après chaque séance de sismothérapie. Une nette pendant toute la grossesse chez une patiente présentant une
amélioration clinique fut observée. Devant une menace prééclampsie à 36 SA [10].
d’accouchement prématuré, la dixième et dernière séance ne
put être réalisée. La patiente bénéficia d’un traitement par Tableau 1
fluoxétine dans le mois précédant l’accouchement. Complications fœtomaternelles décrites chez des patientes bénéficiant d’une
sismothérapie [8,10,12]
À 36 SA, elle donna naissance par voie basse, rapidement sous
analgésie péridurale, à un foetus de sexe féminin, bien portant Premier trimestre Deuxième trimestre Troisième trimestre
(3120 g, Apgar 10-10-10), sans syndrome de sevrage dans les Métrorragies Métrorragies Contractions utérines
heures suivant la naissance. La relation mère–enfant fut bonne et Fausse couche spontanée Fausse couche tardive Accouchement
la patiente reprit un traitement thymorégulateur en post-partum. prématuré
Kystes pulmonaires Décès néonatal Douleurs abdominales
Le suivi neurologique de l’enfant ne révéla aucune anomalie.
Hématurie Placenta praevia
Hypertélorisme, atrophie Infarctus cérébraux
3. Discussion optique, retard mental
Pied bot, difficulté
Les recommandations des indications et modalités de respiratoire
Cécité
l’électro-convulsivothérapie de 1998 rappellent que si la
Bradycardie fœtale
grossesse est une situation particulière, elle ne contre-indique
P.-F. Ceccaldi et al. / Gynécologie Obstétrique & Fertilité 36 (2008) 773–775 775
Il est difficile d’établir une causalité entre les évènements tant le suivi prospectif des femmes enceintes bénéficiant d’une
rapportés et la sismothérapie. Son efficacité n’est pas remise en sismothérapie.
cause lors de la grossesse, mais son implication dans les faits
décrits reste non prouvée. Ainsi, si le lien entre la menace Références
d’accouchement prématuré de notre patiente et la sismo-
thérapie demeure incertain, cette complication obstétricale eut [1] Bar-Oz B, Einarson T, Einarson A, et al. Paroxetine and congenital
pour conséquence d’interrompre les séances et de reprendre un malformations: meta-analysis and consideration of potential confounding
factors. Clin Ther 2007;29:918–26.
traitement médical. Richards suggère dans l’éditorial accompa- [2] Davis RL, Rubanowice D, McPhillips H, et al. Risks of congenital
gnant l’observation de Pinette que le risque maternofœtal est malformations and perinatal events among infants exposed to antidepres-
probablement plus important en l’absence de traitement que sant medications during pregnancy. Pharmacoepidemiol Drug Saf
celui non évalué de la sismothérapie, voire de celui des 2007;16:1086–94.
[3] Lisanby SH. Electroconvulsive therapy for depression. N Engl J Med
antidépresseurs qui repose sur des études pharmacologiques
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[11]. Il conclut que si la littérature se veut rassurante, la [4] Collectif. Recommandations pour la pratique clinique : indications et
sismothérapie doit être envisagée comme l’alternative d’un modalités de l’électroconvulsivothérapie. HAS; 1998.
traitement médical jugé inefficace ou lors de formes [5] Collectif. Recommandations professionnelles : suivi et orientation des
particulièrement graves de dépression. Nous ajoutons à sa femmes enceintes en fonction des situations à risque identifiées. HAS; 2007.
réflexion que la sismothérapie se doit d’être rediscutée lors de la [6] Repke JT, Berger NG. Electroconvulsive therapy in pregnancy. Obstet
Gynecol 1984;63:39S–41S.
survenue d’une pathologie obstétricale surajoutée (prééclam- [7] Abrams R. Electroconvulsive Therapy. New York: Oxford University
psie, menace d’accouchement prématuré) et la reprise d’un Press; 2002.
traitement médical évoquée dans ce cas. [8] Miller LJ. Use of electroconvulsive therapy during pregnancy. Hosp
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La sismothérapie est une alternative au traitement médical, [10] Pinette MG, Santarpio C, Wax JR, Blackstone J. Electroconvulsive
sous réserve d’une réévaluation de son indication en présence therapy in pregnancy. Obstet Gynecol 2007;110:465–6.
[11] Richards DS. Is electroconvulsive therapy in pregnancy safe? Obstet
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perspective d’un essai thérapeutique difficilement réalisable, [12] Kasar M, Saatcioglu O, Kutlar T. Electroconvulsive therapy use in
une alternative acceptable serait d’établir un registre compor- pregnancy. J ECT 2007;23:183–4.
Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com
Article original
Résumé
Notre étude a été réalisée chez 90 femmes enceintes, qui sont équitablement réparties en trois groupes (30 femmes de trois mois de grossesse,
30 femmes de six mois de grossesse et 30 autres femmes de neuf mois de grossesse), venues en consultation prénatale dans un laboratoire privé
ainsi qu’au niveau de l’hôpital de Blida, prés d’Alger. La carence martiale au cours de cette étude est de 10 % pour le groupe G1 et G2 et G3
respectivement. À l’issue de ce travail, il ressort également une prévalence de l’anémie de (10 %, 33,33 %, 46,66 %) respectivement pour les
femmes de trois, six et neuf mois de grossesse. On remarque que la prévalence de l’anémie est d’autant plus élevée que l’âge de la grossesse
est avancé. Ainsi, le défaut de la supplémentation martiale est d’après notre étude un facteur majeur dans l’apparition de l’anémie. Cependant, il
apparaît indispensable d’envisager un programme de supplémentation systématique en fer á partir du second trimestre de la grossesse.
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Abstract
The study was carried out among 90 pregnant women divided equitably into three groups (30 pregnant women of three months and 30 of pregnant
women of six months, 30 of other pregnant women of nine months) recruited at the hospital and a private laboratory located at Blida near Algiers.
The definite World Health Organisation anemia at the pregnant women showing lower rate has 11 g/dl. The prevalence of martial deficiency is 10%
for groups G1 and G2 and G3 respectively. The results showed us a high prevalence of anaemia (10%, 33.33%, 46.66%) for the three, six and nine
month of pregnancy. The prevalence of anaemia is all the more high as the age of the pregnancy is more advanced. However, it appears essential
to consider a program of systematic iron supplementation from the second quarter of the pregnancy.
© 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Les anémies de la femme enceinte sont fréquentes d’une Selon l’OMS l’anémie est définie par un taux d’hémoglobine
manière générale et dépendent en partie du statut nutritionnel inférieur à 11 g/dl pendant la grossesse et inférieur à 10 g/dl dans
de la population. Dans les pays développés, elles touchent 10 à la phase du postpartum [2]. En sa présence, les ajustements de
20 % des femmes de milieux aisés et plus de 30 % des femmes l’organisme maternel à la grossesse (adaptation volumique, car-
de milieux défavorisés [1]. diovasculaire, coagulation, coagulolytique) et la mise en jeu des
mécanismes de défense au cours des agressions de tout ordres
(bactériologiques, parasitaires, hémorragiques, chirurgicales,
etc.) sont profondément altérés, elles contribuent directement ou
∗
indirectement à majorer le taux de mortalité maternel et néonatal
Auteur correspondant.
Adresse e-mail : bitam a@yahoo.fr (A. Bitam).
au cours de la période gravidopuerpérale [3].
0985-0562/$ – see front matter © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.nupar.2008.07.005
A. Bitam, N. Belkadi / Nutrition clinique et métabolisme 22 (2008) 100–107 101
Dans les pays en voie de développement et particulièrement discriminatif d’England « IDE », Mentzer « IDM » et de Binet
en Afrique saharienne où le fer alimentaire est peu biodispo- « IDB ».
nible [4,5]. La déficience en fer reste la cause la plus principale Indice discriminatif d’England « IDE » :
de l’anémie, spécialement chez les femmes en âge de pro-
IDE = VGM − GR − (5 × Hb) − 3, 4
créer. L’anémie peut aussi résulter d’autres causes parmi elles
la déficience en folates, en vitamine B12 et en vitamine B6. Indice discriminatif de Mentzer « IDM » :
De nombreuses études ont mis en évidence l’association entre VGM
l’anémie durant la grossesse et les accouchements précoces et IDM =
GR
les avortements [6,7].
Des études ont montré qu’il existait une relation entre l’âge, Indice discriminatif de Binet « IDB » :
la classe socioéconomique, le travail, l’éducation des parents et IDB = (0, 0379 × VGM) + GR − 1, 8
l’apparition de l’anémie par déficience en fer [8,9].
Par conséquent, il est nécessaire de déterminer la prévalence Les prélèvements sur tubes secs ont subi une centrifugation à
de l’anémie chez les femmes enceintes et de préconiser une 3000 tours/min pendant dix minutes afin de recueillir le plasma
stratégie de prévention. C’est dans ce but que nous avons mené servant à déterminer le taux de fer sérique (fer.s) et du TIBC,
la présente étude. tous deux évalués par des méthodes colorimétriques par points
finaux, à l’aide d’un spectrophotomètre.
1. Matériel et méthodes On calcule la capacité de fixation des sites insaturés « UIBC »,
la transferrine ou sidérophiline, le coefficient de saturation de
1.1. Population la transferrine « Csat », ainsi que la capacité totale de fixa-
tion du fer par la transferrine « TIBC ». À l’aide des formules
L’étude suivante a été mené durant la période de mars à suivantes :
μg μg
juin 2006 dans la wilaya de Blida (Nord de l’Algérie). Quatre- UIBC = TIBC − concentration en fer.s
vingt-dix femmes enceintes venues en consultation prénatale dl dl
sont recrutées au niveau du CHU de Ben-Boulaid et du labo- mg TIBC(μg)
ratoire d’analyses médicales privé situés tous deux dans la Transferrine =
wilaya de Blida. Ces femmes ont été réparties en trois groupes : dl 1, 2
30 femmes enceintes de trois mois de grossesse (groupe G1),
concentration en fer.s
30 femmes de six mois de grossesse (groupe G2) et 30 autres Csat(%) =
femmes de neuf mois (groupe G3). TIBC × 100
Le plasma recueilli sert aussi à l’évaluation de la protéine C
1.2. Mesures pondérales réactive « CRP » ; à l’état normal la valeur de la CRP est infé-
rieure à 6 mg/l, on conclut alors à une absence d’inflammation.
Ces femmes ont fait l’objet d’un questionnaire anonyme
comportant des données cliniques : âge, poids, taille, parité, afin 1.3. Analyses statistiques
d’établir une moyenne et de calculer l’indice de masse corporelle
(IMC) : L’étude statistique permettant le calcul des moyennes, des
écart-types à été effectué. Un test de Levenne à p < 0,05 à
kg Poids(kg)
IMC = été réalisé a l’aide du logiciel XLSTAT 2006 permettant la
m2 Taille2 (m2 ) comparaison des variances entre les trois échantillons étudiés.
D’autres renseignements ont été noté : l’espacement inter- Une étude de corrélation permettant de corréler les paramètres
génésique, la classe sociale, le type de contraception, la prise hématobiochimiques entre eux dans les différents groupes
thérapeutique et enfin la pathologie (les femmes présentant des étudiés. Aussi le test de Student t à p < 0,05 permettant la compa-
pathologies sont exclues de l’étude). raison des moyennes des paramètres hématobiochimiques entre
Chacune de ces femmes a subi un prélèvement sanguin de les différents groupes.
10 ml. Le sang recueilli sur des sujets à jeun par voix veineuse
a été réparti dans des tubes secs et tubes avec EDTA. 2. Résultats
Le sang sur tube avec EDTA a été utilisé dans la détermination
de la formule et numération sanguine (FNS). Cet examen a été Les 90 femmes étudiées ont été réparties en trois groupes
réalisé à l’aide d’un appareil (Coulter type Beckman) qui compte à nombre équivalent, 30 femmes de trois mois de grossesse,
les différents éléments cellulaires du sang : globules rouges, glo- 30 autres femmes de six mois de grossesse, et enfin 30 femmes de
bules blancs, l’hémoglobine, l’hématocrite, plaquettes, ainsi que neuf mois de grossesse, les caractéristiques de ces trois groupes
les indices hématologiques (VGM, TGMH, CCMH). Ce qui sont consignées dans le Tableau 1.
permet la classification des anémies et d’orienter parfois leur Le Tableau 1 montre les moyennes ainsi que les écart-types
traitement. des paramètres anthropométriques chez les différents groupes
Les différents paramètres évalués par le Coulter nous a permis étudiés. Le test de Levene montre qu’il n’existe aucune dif-
également de calculer les indices discriminatifs que sont l’indice férence significative (DNS) entre les variances des différents
102 A. Bitam, N. Belkadi / Nutrition clinique et métabolisme 22 (2008) 100–107
Tableau 1
Caractéristiques des femmes étudiées
3 mois (moyenne ± ET) 6 mois (moyenne ± ET) 9 mois (moyenne ± ET) Test de Levene
Tableau 2
Les caractéristiques hématobiochimiques des femmes dans les différents groupes étudiés
Hb : (g/dl)
Hb < 7 0 0 0 0 0 0
7 ≤ Hb < 9 3 10 1 3 3 10
9 ≤ Hb < 11 6 20 9 30 11 37
11 ≤ Hb 21 70 20 67 16 53
Fer sérique (g/dl)
Fer sérique < 50 4 13 4 13 4 13
50 ≤ fer sérique ≤ 100 19 64 21 70 19 64
100 ≤ fer sérique 7 23 5 17 7 23
TIBC (g/dl)
TIBC < 250 5 17 3 10 2 7
250 < TIBC < 400 15 50 16 53 16 53
400 < TIBC 10 33 11 37 12 40
paramètres étudiés, les indices de masses corporelles (IMC) La détermination du taux de fer sérique ainsi que du TIBC
du groupe des femmes du groupe G1 ainsi que les femmes du nous permet de calculer le coefficient de saturation de la trans-
groupe G2 présentent un poids santé ; les femmes du groupe G3 ferrine (Csat), ainsi que l’UIBC et également la transferrine, ce
quant à elles présentent un embonpoint. qui nous permet de déterminer les carences en fer, de l’anémie
L’OMS définit l’anémie lorsque le taux d’hémoglobine est ferriprive.
inférieur à 11 g/dl lors de la grossesse [2]. Le Tableau 2 montre La Fig. 1 montre que 10 % des femmes de trois mois, de six
les résultats hématobiochimiques des femmes sélectionnées mois et de neuf mois de grossesse respectivement présentent une
dans les trois groupes d’étude. carence en fer. La carence en fer est caractérisée par la combinai-
Le Tableau 2 montre que sur les 90 femmes étudiées, 30 % des son des trois paramètres suivants (Hb < 11 g/dl, TGMH < 27 pg
femmes issues du groupe 1 présentent un taux d’hémoglobine et un VGM, soit < 80 fl, soit > 90 fl) dans le cas suivant la fré-
inférieur à 11 g/dl, soit une anémie, 10 % de ces femmes pré- quence de carence en fer est de 10 % pour les trois groupes
sentent une anémie modérée (7 ≤ Hb < 9 g/dl) et 20 % d’entre étudiés.
elles ont une anémie légère (9 ≤ Hb < 11 g/dl) ; néanmoins, on L’anémie ferriprive quant à elle, est caractérisée par
note qu’aucune femme de ce groupe ne présente d’anémie la combinaison des trois paramètres suivants (Hb < 11 g/dl,
sévère. TGMH < 27 pg, Csat < 15 %). Au cours de cette étude, l’anémie
Pour les femmes de six mois de grossesse, la fréquence de
l’anémie est de 33 % ; parmi ces femmes, 3 % d’entre elles pré-
sentent une anémie modérée et le reste des femmes une anémie
légère (30 %).
La prévalence de l’anémie pour les femmes de neuf mois de
grossesse est de 47 %. Dix pour cent de ces femmes présentent
une anémie modérée, et le reste, 37 % présentent une anémie
légère.
La détermination des autres constantes hématologiques
(volume globulaire moyen en hémoglobine VGM, la teneur
globulaire moyenne en hémoglobine TGMH et concentra-
tion corpusculaire moyenne en hémoglobine CCMH) permet
Fig. 1. Détermination des types morphologiques des anémies chez les différents
d’évaluer l’intensité et le type des anémies. groupes étudiés.
A. Bitam, N. Belkadi / Nutrition clinique et métabolisme 22 (2008) 100–107 103
thalassémique
à 10 %, pour les femmes de six mois de grossesse elle est de 7 %,
Syndrome
IDB > 5,7
ainsi que pour les femmes de neuf mois de grossesse.
La détermination des indices discriminatifs est une méthode
6,66
23,33
10
qui permet de distinguer une carence en fer d’un syndrome tha-
lassémique, c’est une méthode peu coûteuse, fiable et précise. Le
carencée en fer)
Tableau 3 montre le nombre ainsi que le pourcentage de femmes
83,33
66,66
80
de trois mois de grossesse, présentent un syndrome thalas-
sémique avec un IDB > 5,7 (le résultat du calcul des indices
discriminatifs doit cependant être confirmé par une électropho-
(carencée en fer)
rèse d’hémoglobine qui confirmera le syndrome). Le calcul des
indices discriminatifs chez les femmes de six mois de grossesse
10
10
10
pour les femmes de neuf mois de grossesse.
Une corrélation des paramètres hématobiochimiques ainsi
thalassémique)
que les indices discriminatifs entre eux chez les trois groupes
(syndrome
IDM < 13
étudiés montre les résultats illustrés dans le Tableau 4.
Cette étude de corrélation a été effectuée à l’aide du logiciel
0
0
0
XLSTAT 2006 à p < 0,05, le Tableau 4 illustre les fortes cor-
rélations positives et négatives entre les différents paramètres
carencée en fer)
étudiés chez les trois groupes.
90
90
90
(carencée en fer)
La Fig. 2 montre que 30 % des femmes du groupe G1 pré-
sentes ont une anémie. Dix pour cent de ces anémies sont IDM > 13
modérées et 20 % sont légères. L’anémie est plus fréquente
chez les femmes dont l’âge est inférieur à 25 ans (16,66 %
Évaluation des indices discriminatifs selon leurs propriétés dans les différents groupes étudiés
10
10
10
d’anémie) comme illustré dans la Fig. 3. Pour les femmes de
six mois de grossesse, 33,33 % des femmes présentent une ané-
mie, 3,33 % de ces femmes présentent une anémie modérée,
thalassémique)
dont l’âge est compris entre 25 et 35 ans (20 % anémie) qui sont
3,33
de type légères.
0
0
est plus fréquente chez les femmes dont l’âge varie entre 25 et
35 ans (23,33 %) avec 3,33 % de cas modéré, et 20 % de cas
86,66
90
90
léger, cependant l’anémie est plus sévère chez les femmes dont
l’âge est inférieur à 25 ans (16,66 %) avec 6,66 % de cas modérés
(carencée en fer)
Tableau 4
Étude de corrélation des différents paramètres étudiés et dans les différents groupes
Fig. 2. Prévalence de l’anémie chez les femmes des trois groupes en fonction de l’âge.
Fig. 3. Prévalence de l’anémie chez les femmes des trois groupes en fonction de la sévérité.
Fig. 4. Prévalence de l’anémie en fonction de l’âge de la grossesse. Fig. 5. Sévérité de l’anémie en fonction de l’âge de la grossesse.
A. Bitam, N. Belkadi / Nutrition clinique et métabolisme 22 (2008) 100–107 105
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Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com
Faits et arguments
Prise en charge des volumineux cancers invasifs du col
de l’utérus pendant la grossesse
Management of pregnant women with advanced cervical cancer
C. Vincens, D. Dupaigne, R. de Tayrac *, P. Mares
Service de gynécologie–obstétrique, CHU Carémeau, place du professeur-Robert-Debré, 30009 Nı̂mes cedex 9, France
Reçu le 16 mai 2007 ; accepté le 5 décembre 2007
Disponible sur Internet le 2 avril 2008
Résumé
L’objectif de cette étude est de faire un état des lieux de la prise en charge thérapeutique actuelle des volumineux cancers invasifs du col de
l’utérus chez la femme enceinte. Nous avons ainsi effectué une revue de la littérature indexée dans Medline1 (de 1980 à 2006 en utilisant comme
mots clés : cervical cancer, pregnancy, delay, treatment, chemotherapy), ScienceDirect (1990 à 2006 en utilisant les mots clés : cancer de l’utérus,
délai, chimiothérapie et grossesse) et l’Encyclopédie Médico-Chirurgicale. Ainsi, la grossesse est une période privilégiée pour dépister le cancer du
col de l’utérus, les stades précoces notamment. Il est nécessaire de prêter attention à des symptômes comme des métrorragies, qui peuvent être
banalisées au cours de la grossesse. Les biopsies dirigées associées à la colposcopie sont les techniques de choix afin de confirmer le diagnostic. Le
bilan d’extension se résume en une IRM abdomino-pelvienne, une échographie abdomino-pelvienne et une radiographie thoracique pour les
cancers localement avancés. La décision d’interruption de la grossesse doit être multidisciplinaire et dépend du désir de grossesse de la patiente, du
stade et du type histologique du cancer, de l’âge gestationnel et de l’évolution de la maladie. Le mode d’accouchement recommandé est la
césarienne, même si le taux de survie semble identique à l’accouchement voie basse. La césarienne protége des complications immédiates et des
récidives sur l’épisiotomie, mais le type d’hystérotomie est controversé dans la littérature. Le pronostic du cancer ne semble pas être modifié par la
grossesse. La prise en charge thérapeutique est donc identique à celle des patientes en dehors d’une grossesse, même si quelques adaptations sont
nécessaires du fait de l’état gravide. La chimiothérapie néoadjuvante pendant la grossesse pourrait être une solution chez des patientes atteintes
d’un cancer avancé et refusant l’interruption de la grossesse, malgré le manque de preuve de son efficacité et de son innocuité. En conclusion, le
dépistage par un frottis cervico-vaginal (FCV) doit être systématique pendant la grossesse. Lorsque le cancer est diagnostiqué, la césarienne est le
mode d’accouchement privilégié. La grossesse ne modifie pas le pronostic de la maladie. Ainsi, le choix thérapeutique dépend uniquement du stade
de la maladie.
# 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Abstract
The purpose of this study is to update the management of pregnant women with advanced cervical cancer, thanks to a literature review indexed
in Medline1 (from 1980 till 2006 using those keywords: advanced cervix cancer, neoadjuvant chemotherapy and pregnancy), ScienceDirect (from
1990 till 2006) and the French Encyclopédie Médico-Chirurgicale. It occurs that pregnancy is a privileged period to diagnose cervical cancer,
particularly in early stages. We ought to beware of symptoms such as vaginal bleeding, which could be underestimated during pregnancy.
Colposcopically selected biopsies are reference techniques to comfirm the diagnostic. The assessment of extension includes an abdominal and
pelvic MRI and echography and a radiography of the chest for locally advanced stages. The decision to interrupt pregnancy should be based on a
collegial evaluation and depends on state and histology of disease, patient’s desire for pregnancy, as well as gestational age and disease evolution.
Cesarean is preferred to natural delivery even though survival rates are the same. The cesarean section prevents from short-term complications and
recurrence on the episiotomy, but the hysterotomy type is controversial throughout literature. The prognosis of cervical cancer does not seem to be
influenced by pregnancy. Management is the same, even though we have to adapt the treatment from the pregnancy state. No study could show the
benefit and the safety of neoadjuvant chemotherapy during pregnancy, due to few cases, but it could be a solution with patients suffering from an
* Auteur correspondant.
Adresse e-mail : renaud.detayrac@chu-nimes.fr (R. de Tayrac).
1297-9589/$ – see front matter # 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.gyobfe.2007.12.018
366 C. Vincens et al. / Gynécologie Obstétrique & Fertilité 36 (2008) 365–372
advanced cancer and not willing to stop pregnancy. To conclude, the detection by cervical smears should be systematic during pregnancy. When
cancer is diagnosed, cesarean section is the favourite way to deliver. Pregnancy does not modify disease’s prognosis and the therapeutic choice
depends on the stage of the disease.
# 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
la période optimale pour sa réalisation est le deuxième trimestre 4. Interruption de grossesse ou délai de prise en charge
entre 14 et 20 SG en raison du moindre risque de complication.
[14–19]. De plus, Method et al. recommandent la réalisation Une fois le diagnostic de cancer invasif posé, la question de
d’une conisation plus superficielle afin de minimiser le l’interruption ou non de la grossesse se pose. C’est une décision
traumatisme du canal cervical et l’utilisation de nombreuses complexe à prendre par les patientes et les praticiens.
sutures hémostatiques [5]. Traditionnellement, avant 22 SA, le traitement est immédiat,
La colposcopie avec des biopsies dirigées est donc la entraı̂nant l’interruption de la grossesse.
technique de choix dans le diagnostic du cancer du col pendant Après 22 SA, aucune étude n’a étudié l’intérêt du délai
la grossesse. thérapeutique pour les stades avancés.
Il est à noter que la majorité des études rétrospectives n’a pas De multiples facteurs doivent être pris en compte : le désir des
montré de différence dans la répartition des types histologiques parents, les caractéristiques de la tumeur (taille, stades et type
du cancer du col chez les femmes enceintes par rapport aux histologique), l’âge gestationnel et l’évolution de la maladie.
femmes non enceintes (95 % épidermoı̈de, 5 % adénocarci- Aucune conclusion définitive ne peut être donnée en raison
nome [1–20]). du manque de cas et de l’absence d’étude randomisée. Le
Tableau 1 décrit la série de cas, relevée dans la littérature,
3. Bilan d’extension concernant des stades Ib ou II qui ont eu un délai thérapeutique
[1,6,7,9,15,18,20,23–28,2].
Il est bien connu que les radiations ionisantes sont Dudan et al. rapportent deux cas, ayant des stades Ib, de
délétères pour le fœtus. Le bilan d’extension recommandé progression de la maladie lors d’un délai thérapeutique de deux
comprend donc une échographie abdomino-pelvienne afin et six mois [18]. Nisker et al. décrivent un décès après un délai
d’évaluer le foie et les voies urogénitales et une IRM de 24 semaines, chez une patiente avec un stade Ib [26]. Une
abdominopelvienne pour déterminer le volume tumoral, patiente, parmi les six de l’étude de Van Vliet chez qui le
l’extension aux organes de voisinage et l’existence d’éven- diagnostic d’adénocarcinome stades Ib1 a été fait à 40 SA, a eu
tuelles adénopathies [21–23]. un délai de deux semaines avant d’accoucher par voie basse.
La radiographie du thorax, réalisée avec une ceinture Elle est morte 14 mois après une hystérectomie radicale et une
abdominale, est justifiée à partir du stade IB2 et pour les types radiothérapie. Les cinq autres patientes ont été césarisées entre
histologiques à haut risque (adénocarcinome, cancer à petite 32 et 34 SA et étaient en rémission plus d’un an après. En
cellule) [21]. additionnant ces cas on obtient un taux de récidive de dix pour
L’examen clinique sous anesthésie générale et la cystoscopie cent : 47 patientes sur 51 stades Ib (délai thérapeutique allant de
sont généralement réalisés après la grossesse. Aucune trois et 24 semaines) ont eu une évolution favorable (remarque :
évaluation cœlioscopique, pendant la grossesse, de l’extension taux de survie à cinq ans des femmes non enceinte pour les
tumorale n’a été relevée dans la littérature. stades Ib épidermoı̈de : 95 %, les stades Ib global : 81 %).
Tableau 1
Conséquence d’un délai thérapeutique sur une série de cas à partir de la littérature
Auteur Figo Âge gestationnel Nbre de Délai en Traitement Suivi (mois)
stades du diagnostic SG patient semaine
Prem et al. [23] I ND 9 6–17 NM 34–64
Dudan et al. [18] Ib ND 2 8–24 progression
Lee et al. [1] Ib ND 3 1–12 VB/CS HR,RT PP
II 5
Nisker et al. [26] Ib 2e trimestre 1 24 CS HR D
Greer et al. [27] Ib 20–24 5 6–17 CS HR 4NM 13–35 1D
Monk et al. [28] Ib 19 à 23 4 10–16 CS HR NM 2–6
Duggan et al. [2] Ib1 15 à 30 5 7–21 CS/VB HR NM 3–34
Sivanesaratnam et al. [9] Ib 30–32 2 4–2 CS HR NM 60
Allen et al. [15] Ib1 16–10 2 18–19 CS HR NM 62–69
Sorosky et al. [20] Ib1 8 à32 7 3–29 CS/VB HR NM 19–68
Sood et al. [7] Ia 3e trimestre 8 3–32(16) CS HR NM 12–360
Ib1 3
Van Vliet et al. [25] Ib1- 23–26–40 3 10–6–2 CS,HR/VB,HR,RT NM16–106–D<!–LBREAK-->NM 92–54
Ib2- 28–32 2 4–3 CS,HR,RT/CS,HR NM142
IIa 34 1 2 CS RT
Takushi et al. [24] Ib1- 18,17 2 13,15– CS RH RT NM 97,108
Ib2 26 1 6 NM 84
Germann et al. [6] Ib 1er trimestre 5 12 à 24 NM 60
2e trimestre 4 4 à 6 NM 60
CS : césarienne ; VB : voie basse ; HR : hystérectomie radicale + lymphadénectomie pelvienne ; RT : radiothérapie ; NM : non malade ; D : décédé ; PP : pas de
progression.
368 C. Vincens et al. / Gynécologie Obstétrique & Fertilité 36 (2008) 365–372
En pratique, la majorité des auteurs s’accorde pour dire maladie. En conséquence, il proposerait l’indication d’une
qu’un délai doit être proposé dans le cas des stades Ib1 chimiothérapie systématique lorsque l’accouchement est fait
épidermoı̈des diagnostiqués après 22 SA, la patiente étant par voie basse [20].
prévenue des risques. Ce délai peut être envisagé pour des De même l’étude de Jones et al., en 1996, mettait en
stades plus avancés dans le cas de patientes désireuses de évidence une survie plus basse quand l’accouchement était
poursuivre leur grossesse en informant celles-ci des risques effectué par voie basse plutôt que par césarienne (55 %/75 %),
encourus [6,7,15,20,21,24,29]. La durée de ce délai, en mais la valeur de cette étude est discutée car la signification
revanche, n’est pas facile à évaluer puisqu’elle est très variable n’est pas donnée, le nombre de voie basse était peu important
dans les cas étudiés ci-dessus. Il est communément accepté (six voies basses/32 césariennes), et il n’y avait pas de
qu’un délai de six semaines est raisonnable, mais cette donnée stratification par stades des résultats [4].
pas scientifiquement prouvé [30]. Par ailleurs, plusieurs complications secondaires à l’accou-
Nguyen et Duggan et al. ont préconisé une interruption et un chement voie basse chez les patientes atteintes d’un cancer du
traitement immédiat en cas de grossesse non désirée, de tumeur col ont été décrites, et orientent vers l’indication systématique
localement avancée, de types histologiques épidermoı̈des peu de césarienne.
différenciés ou d’adénocarcinome ou de progression de la « Il existe un risque de complications immédiates, d’autant
maladie pendant la grossesse [10,2]. Van Vliet a conclu à plus que le cancer est volumineux (hémorragie, dilacération
travers son étude couplée à une revue de la littérature qu’un cervico-vaginale, infection dans le post-partum et dystocie
délai thérapeutique est une option raisonnable si l’âge cervicale) » [3,4,33].
gestationnel est supérieur à 22 SA, le stade inférieur à IIB, Onze cas de récidives sur épisiotomie ont également été
et la taille de la tumeur inférieure à 4 cm, car les facteurs de décrits dans la littérature. Ils ont été découverts entre six mois et
mauvais pronostic, étaient l’invasion lymphatique, les embols cinq ans après l’accouchement et avec un taux de survie bas :
vasculaires et la taille de la tumeur (supérieure à 4 cm) [24]. 55 % [7,10,21]. Ce risque impose donc, en cas d’accouchement
Il semblerait donc qu’il n’y ait pas de place à un délai voie basse, une surveillance étroite et à long terme du périnée et
thérapeutique raisonnable , dans une prise en charge curative de l’épisiotomie. En cas de récidive sur l’épisiotomie, il est
d’un volumineux cancer du col. recommandé de pratiquer une résection de celle-ci et une
La décision doit ainsi être prise de manière multidisci- irradiation locale.
plinaire (pédiatres, obstétriciens, psychologues) afin de fixer Il existe également des cas de récidive pariétale sur la cicatrice
une date de terme de grossesse raisonnable. Elle dépend du de césarienne (trois cas d’après l’étude de Brost). Certains
stade de la maladie, de l’histologie, de l’âge gestationnel au auteurs ont rendu l’incision transverse du segment inférieur
moment du diagnostic, et du désir de la patiente vis-à-vis de la responsable de ces récidives et d’une moins bonne survie. Ils ont
grossesse et de la maladie. donc recommandé la réalisation d’une césarienne classique avec
Dans les cas où le délai est acceptable, un suivi régulier hystérotomie verticale, qui aurait de plus l’avantage d’évaluer
clinique et radiologique mensuel est nécessaire, le traitement précisément la taille de la tumeur et son extension au segment
devant être débuté si une progression de la maladie est inférieur [9,33,34]. À l’inverse, l’incision transverse du segment
observée. inférieur est privilégiée par d’autres auteurs afin de limiter la
perte sanguine et la dissémination de la maladie, si le placenta est
5. Modalité d’accouchement antérieur et potentiellement métastatique [21].
L’ensemble des données de la littérature considère donc la
La décision de la voie d’accouchement est controversée : césarienne comme le mode d’accouchement le plus sûr à ce
lorsqu’une femme enceinte est atteinte d’un cancer invasif du jour, mais il existe des avis controversés concernant le type
col, peut-on accepter l’accouchement par voie basse sans d’hystérotomie [30,31,33]. Une hystérotomie transversale
crainte de dissémination ? haute semble être donc la technique la plus raisonnable.
De nombreuses études n’ont pas mis en évidence de
différence significative en terme de survie, entre l’accou- 6. Pronostic
chement voie basse et la césarienne. L’étude de Lee et al. a
montré la même survie (90 %) chez 20 patientes ayant un 6.1. Du cancer pendant la grossesse
cancer de stades I par rapport à un groupe témoin. L’étude de
Van der Vange (30 patientes) et Zemlickis (21 patientes) ne Quelques études rétrospectives [26,35] ont mis en évidence
montrent pas non plus de différence significative, mais sans une moins bonne survie chez les patientes atteintes d’un cancer
stratification par stades des groupes [31,32]. En revanche, Sood du col pendant la grossesse par rapport à des patientes non
et al. en 2000 [20], décrivent à travers l’étude de patientes dont enceintes au même stade, ainsi qu’une atteinte ganglionnaire
le diagnostic a été posé en post-partum, un taux de récidive plus importante (25 % pendant la grossesse versus 9,5 % chez
vaginale trois fois plus important quand l’accouchement s’est les patientes non enceintes). L’hypothèse, soulevée pour
fait par voie basse (59 %) plutôt que par césarienne (14 %). expliquer ces résultats, a été la sous- estimation clinique du
À travers une analyse univariée, l’accouchement voie basse stade de la maladie, car l’appréciation de l’extension
devient le premier facteur de récidive et le second facteur de paramétriale par l’examen clinique est plus difficile pendant
mauvais pronostic en terme de survie après le stade de la la grossesse à cause de l’hyperlaxité ligamentaire [36].
C. Vincens et al. / Gynécologie Obstétrique & Fertilité 36 (2008) 365–372 369
L’étude de Sood et Sorosky, en 1996, montre qu’il existe 7.1. Chimiothérapie néoadjuvante
davantage de prématurité, un poids de naissance plus bas, et un
nombre plus élevé de morts fœtales (principalement avant La chimiothérapie néoadjuvante dans les cancers avancés du
25 SA) chez les femmes enceintes atteintes d’un cancer du col col entraı̂ne une régression de la taille tumorale et est
par rapport au femme enceinte non atteinte de cancer du col [7]. considérée comme une technique prometteuse dans la prise
En revanche, dans l’étude de Zemlickis et al., les bébés nés en charge curative [39].
de femmes atteintes avaient le même âge gestationnel, le même Mais l’utilisation de cette technique pendant la grossesse est
taux de prématurité, et le même taux de mort-nés que les mères controversée puisque son impact sur la croissance et la santé
non atteintes de cancer. Ils avaient, de plus, un poids de fœtale est mal connu et potentiellement dangereux. En effet, les
naissance plus bas, mais sans différence en terme d’hypotrophie données existantes à ce sujet sont peu nombreuses (six cas sont
[32]. rapportés dans la littérature) (Tableau 2).
Par ailleurs, l’efficacité des différentes thérapeutiques ne La chimiothérapie néoadjuvante durant la grossesse a pour
semble pas être modifiée par la grossesse. Les complications de but, dans les cas où la mère refuse le sacrifice de sa grossesse, de
la radiothérapie peuvent être plus importants, du fait de la prolonger le délai thérapeutique pour atteindre la viabilité
difficulté de la dosimétrie chez les femmes enceintes [7,38]. fœtale en faisant régresser ou stabiliser la maladie.
Tableau 2
Revue de la littérature des cas de chimiothérapie néoadjuvante durant la grossesse
Auteur Âge Stades/ Âge gestationnel Chimiothérapie pendant la Âge gestationnel Traitement Suivi Suivi Suivi
(an) Grades/ du diagnostic (SA) grossesse et posologie (SA) de la néoadjuvant (mois) maternel enfant
Histo et du début du chirurgie. Poids
traitement de naissance (g)
Giacalone et al. [42] 34 IB1/II/Epi 17 3P 75 mg/m2 tous les 21 jours 32 aucun 12 PEM BS
2120
Tewari et al. [33] 36 IB2/II/Epi 20/21 4 V 1 mg/m2 4P 50 mg/m2 tous 32 aucun 24 PEM BS
les 21 jours 1700
Tewari et al. [33] 34 IIA/III/Epi 16/21 3 V 1 mg/m2 6P50 mg/m2 tous 34 Radiothérapie 5 DDM BS
les 21 jours 2160 externe
Marana et al. [43] 26 IIB/ 14/17 2P 50 mg/m2 2B 30 mg tous 38 Aucun, pas 36 DDM BS
II/Epi les 21 jours 2850 d’hystérectomie
Caluwaerts et al. [44] 28 IB1/ 15/17 6P 75 mg/m2 tous les 10 jours 32 aucun 10 PEM BS
II/Epi 1715
Bader et al. [45] 38 IIA/III/Epi 19/23 4P 50 mg/m2 4 V 1 mg/m2 tous 33 3 P+3 V+3 B 80 PEM BS
les 21 jours 1920
V : vincristine ; P : cisplatine ; B : bléomycine ; Epi : épidermoı̈de ; DDM : décédé de la maladie ; PEM : pas d’évolution de la maladie ; BS : bonne santé
développement normal.
370 C. Vincens et al. / Gynécologie Obstétrique & Fertilité 36 (2008) 365–372
Tewari et al., en 1997, ont présenté deux cas traités par des complications immédiates ;
vincristine et cisplatine pendant la grossesse à 34 et 36 SA, avec l’hémorragie secondaire à l’hyper vascularisation gravi-
des stades IIA et IB respectivement [33]. Chez les deux dique,
patientes, une diminution de la taille de la tumeur a été les infections après curiethérapie,
démontrée, et les enfants n’ont pas présenté d’effet secondaire. les complications digestives radiques (22 % chez les
La première patiente est décédée 13 mois plus tard et la seconde patientes enceintes et six pour cent chez les non enceintes,
est en rémission. d’après Nisker et al. [26]), qui seraient dues à la difficulté
Un cas est décrit par Van Calsteren et al., stade Ib1 de réaliser une dosimétrie correcte pendant la grossesse,
diagnostiqué à 15 SA et traité par six cures de cisplatine à des complications à long terme ;
17 SA, marqué seulement par une thrombopénie [44]. Le bébé altération des fonctions ovariennes et sexuelles,
est né par césarienne à 32 SA en bonne santé, eutrophe, et à six lésions du tractus gastrointestinal et génito-urinaire.
mois son développement psychomoteur, l’examen cardiaque,
neurologique, auditif, et sa croissance étaient normaux. Lors de L’étude de Dudan et al. rapporte trois morts et une
l’hystérectomie suivant la césarienne, l’étude histologique n’a complication sur cinq patientes et Thompson décrit cinq
pas mis en évidence de progression de la taille de la tumeur ni complications sur neuf patientes [18,49].
d’envahissement ganglionnaire. En revanche, l’étude de Sood, en 1997, n’a pas mis en
Parmi ces six cas, une patiente a eu une réponse complète et évidence d’augmentation des complications à court et à long
les cinq autres ont eu une réponse partielle en diminuant la taille terme chez 26 patientes par rapport au groupe témoin [38]. De
tumorale. Deux patientes sont mortes de la maladie et tous les même chez les 21 patientes de l’étude de Lee et al.(ayant reçu
enfants ont eu une évolution normale. 4000 rads sur 33 jours), aucune n’a eu de complications
L’administration de chimiothérapie est contre-indiquée majeures et l’incidence des complications mineures est la
pendant la période d’organogenèse, jusqu’à 13 SA [46,47]. même que chez les femmes non enceintes [1].
L’étude de Doll et al. a décrit les complications fœtales Lorsque le fœtus n’est pas viable, de nombreux auteurs
possible lors de l’utilisation d’une chimiothérapie pendant les préconisent, malgré les problèmes éthiques que cela peut
deux derniers trimestres de la grossesse : retard de croissance soulever, de laisser le fœtus in utero au premier trimestre pour
intra-utérin (RCIU), mort-nés, prématurité, altération du éviter les problèmes infectieux de l’évacuation utérine
développement mental, tératogénicité, petit poids de naissance, chirurgicale et la perte sanguine.
avortement spontané, stérilité maternelle [46]. Mais le taux Après une dose reçue de 40 Gray, l’avortement est spontané,
d’anomalie à la naissance quand l’exposition est faite aux dans 70 à 100 % des cas, entre le vingtième et le soixante-
deuxième et troisième trimestres est similaire à celui de la cinquième jour après le début du traitement selon les études.
population générale (1–3 %) [22]. Sood et al. pensent qu’une hystérotomie au deuxième trimestre,
Les données de la littérature sur l’exposition au cisplatine souvent verticale, entraı̂ne trop de perte sanguine et qu’il vaut
(agent alkylant neurotoxique) pendant la grossesse sont aussi mieux faire une radiothérapie même si le délai d’expulsion est
très faibles. Sur 21 cas rapportés, deux avaient un RCIU, un plus long.
avait une surdité partielle bilatérale, et un dernier avait une Lorsqu’une césarienne ou une hystérotomie est pratiquée, il
dilatation ventriculaire idiopathique avec des séquelles faut réaliser dans le même temps un prélèvement iliaque et
neurologiques [21,47,48]. lomboaortique (si extemporanée positive ou tumeur volumi-
Lorsque ce traitement est administré, l’accouchement doit neuse) afin de définir les champs de radiothérapie [4]
être programmé trois à quatre semaines après la dernière cure Une chimiosensibilisation par des cures hebdomadaires de
pour permettre à la moelle osseuse fœtale de se régénérer cisplatine a tendance à être associée à la radiothérapie externe
[21,47]. La chimiothérapie ne doit donc pas être administrée [40]. En effet, cinq essais réalisés chez des patientes en dehors
après 35 SA du fait du risque de mise en travail spontané. de la grossesse ont démontré le bénéfice de l’association
Par ailleurs, une hypothèse a été soulevée par Polish et radiochimiothérapique utilisant du cisplatine avec une amé-
Twiggs, en 1993, sur la possibilité de sélection de cellules lioration de la survie globale de 12 % selon la méta-analyse de
résistantes par cette chimiothérapie néoadjuvante [49]. Green [39–41].
Le manque de cas dans la littérature ne permet pas d’établir Le traitement complet doit être fait en huit semaines, car il
l’innocuité et l’efficacité de la chimiothérapie néoadjuvante. existe une diminution de la survie et du contrôle pelvien avec
Mais lorsqu’une patiente refuse le sacrifice de sa grossesse, l’augmentation du temps de traitement.
cette thérapeutique peut être une alternative, afin d’attendre la La radiochimiothérapie est recommandée pour les stades
viabilité fœtale, en stabilisant la maladie. Elle pose bien supérieurs ou égaux à IIb, l’existence de facteurs de mauvais
entendu un problème éthique qui nécessite l’avis d’une pronostiques tels que les ganglions positifs, les embols
commission multidisciplinaire. vasculaires, la profondeur de la pénétration stromale et chez
les femmes avec un haut risque de morbidité et mortalité
7.2. Radiochimiothérapie concomittante chirurgicale [5,50].
Par ailleurs, Sood et al. ont reconsidéré l’indication première
Certains auteurs ont démontré un taux de complication de la chirurgicale des stades Ib2 au profit de la radiothérapie, car
radiothérapie accru pendant la grossesse : 33 % de ces patientes se sont révélées être envahies au niveau
C. Vincens et al. / Gynécologie Obstétrique & Fertilité 36 (2008) 365–372 371
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Revue du Rhumatisme 72 (2005) 750–754
http://france.elsevier.com/direct/REVRHU/
1169-8330/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.rhum.2005.05.006
C. Musielak-Zanetti et al. / Revue du Rhumatisme 72 (2005) 750–754 751
rigènes (risque aléatoire augmentant avec la dose reçue, mais 0,05 % pour 10 mGy reçus in utero, c’est-à-dire que le risque
sans seuil). passe de 0,25 % (risque spontané) à 0,3 % pour 10 mGy [1].
2.1.1.1. Les effets tératogènes (malformatifs). Ils sont secon- 2.1.2. En pratique
daires à un mécanisme de mort cellulaire. L’embryon ne pré- Les situations à risque en radiodiagnostic au cours de la
sente pas la même sensibilité au cours de la grossesse : grossesse ne sont à envisager que lorsque l’utérus est suscep-
• lorsque l’œuf est au stade de morula (J8 postconception), tible d’être exposé à une dose non négligeable, soit, en prati-
c’est-à-dire avant l’implantation de l’œuf, chaque cellule que, pour une exploration du diaphragme au pubis (Tableau 3)
isolée peut aboutir au développement d’un embryon nor- [1]. Lorsque l’examen n’intéresse pas ce volume, les doses à
mal. Ainsi, une irradiation peut aboutir à deux cas de figu- l’utérus sont négligeables et l’examen peut être pratiqué sans
res : risque [1].
C soit toutes les cellules sont lésées et la grossesse est arrê-
2.2. L’imagerie par résonance magnétique (IRM)
tée avant même le retard de règles ;
C soit une partie des cellules est épargnée et la grossesse se L’IRM est une technique d’investigation non-irradiante et
poursuit normalement. C’est la loi du « tout ou rien » [1] ; non-invasive au cours de la grossesse. En effet, aucun effet
• l’organogenèse (de J9 au début de la neuvième semaine néfaste sur le fœtus n’a été rapporté ou observé dans les condi-
postconception) est la période au cours de laquelle l’em- tions de pratique clinique. Kanal et al. [2] n’ont pas observé
bryon est le plus sensible (en particulier entre les troi- de différence significative dans l’évolution des grossesses et
sième et cinquième semaines postconception). La mort cel- de leur issue chez des femmes exposées à un champ magné-
lulaire peut être à l’origine de malformations majeures tique au cours de leur activité professionnelle par rapport à
telles que l’arrêt du développement total ou partiel d’un un groupe de femmes non-exposées. Dans l’étude de Baker
membre ou d’un organe. Ce risque n’apparaît qu’au- et al. [3], 20 fœtus exposés à une IRM in utero ont été suivis
dessus d’un seuil situé à 200 mGy ; pendant trois ans, sans mettre en évidence d’effet délétère.
• la troisième période de la grossesse est représentée par la Les conséquences éventuelles sur l’audition des niveaux
maturation fœtale (de la neuvième semaine au neuvième acoustiques élevés liés aux variations de gradient de champ
mois). Les organes sont alors formés et la mort cellulaire magnétique ont été étudiées et aucune altération n’a été obser-
est à l’origine d’une malformation mineure ou partielle vée. En revanche, Magin et al. [4] ont montré que des effets
d’un organe, exception faite du cerveau qui présente une biologiques pouvaient être observés chez la souris soumise
phase de développement cruciale (migration neuronale) de manière prolongée à des champs élevés de 4 teslas. Mais
jusqu’à la 15e semaine. Un risque de retard mental peut les champs magnétiques des appareils utilisés en routine ne
par conséquent s’observer à partir d’un seuil estimé à sont pas supérieurs à 1,5 tesla et les expositions sont brèves.
500 mGy, mais des diminutions de QI ont été rapportées Cependant, les incertitudes persistantes quant aux effets de
pour un seuil de 200 mGy [1]. l’IRM, ainsi qu’une grande sensibilité du fœtus à de nom-
breux agents physiques au cours du premier trimestre, condui-
2.1.1.2. Les effets cancérigènes. Ils sont liés à des modifica- sent à adopter une attitude prudente ; il est ainsi proposé
tions non létales de la cellule et surviennent de façon aléa- d’exclure autant que possible l’IRM au cours du 1er trimestre
toire, sans seuil. Le calcul du risque est extrapolé à partir de de grossesse, et de ne l’indiquer au cours de la grossesse que
fortes doses, ce qui ne prend pas en compte les possibilités de lorsque les autres méthodes non-irradiantes ne sont pas per-
réparation des lésions et est à l’origine d’une évaluation volon- formantes, et en alternative aux méthodes irradiantes quand
tairement pessimiste du risque, en accord avec le principe de le bénéfice de l’examen pour la mère et l’enfant est supérieur
précaution. L’augmentation du risque est alors estimée à au risque éventuel [5].
Tableau 3
Conduite à tenir en pratique lorsque l’utérus est susceptible d’être exposé, d’après YS. Cordoliani et H. Foehrenbach [1]
Absence de retard de règles mais grossesse possible.
• Examen réalisable après validation de l’indication.
• Pas de risque réel pour une grossesse éventuelle (loi du « tout ou rien »).
Grossesse probable ou avérée.
• Report de l’examen après l’accouchement ou l’exclusion d’une grossesse, avec l’accord de la patiente, si ce report est sans dommage pour la mère.
• Si l’examen diagnostique est indispensable, discussion avec la patiente en prenant en compte le risque spontané de malformations ou de cancers tar-
difs, et en mettant en balance le risque ajouté avec le risque que ferait courir à la mère et l’enfant un retard de prise en charge par non-réalisation de l’exa-
men. L’examen doit être réalisé avec la technique la moins irradiante possible, l’estimation de la dose délivrée doit être notée sur le compte-rendu.
Grossesse méconnue lors de la réalisation d’examens radiologiques.
• Reconstituer l’ordre de grandeur de l’irradiation.
• Expliquer le risque aux parents, en fonction du terme de la grossesse.
• Une dose de 100 mGy n’est que rarement dépassée, et donc une interruption thérapeutique de grossesse exceptionnellement indiquée (toujours évo-
quer la possibilité de malformations spontanées (3 %)).
752 C. Musielak-Zanetti et al. / Revue du Rhumatisme 72 (2005) 750–754
En ce qui concerne l’injection de gadolinium, elle doit être L’« ostéoporose de la grossesse » est une entité particu-
évitée au cours de la grossesse. En effet, il existe un passage lière caractérisée par l’apparition de douleurs le plus souvent
transplacentaire du produit de contraste qui est détecté dans lombaires, plus rarement de la hanche, secondaires à des frac-
la vessie du fœtus, puis excrété dans le liquide amniotique, tures ostéoporotiques. Le pronostic est généralement bon, sans
avalé par le fœtus, refiltré et à nouveau excrété par la vessie, récidive au cours des grossesses ultérieures [13]. Une prédis-
suivant plusieurs cycles [6]. Ainsi, tant qu’aucune donnée ne position génétique est avancée [14].
peut prouver l’innocuité du gadolinium pour le fœtus, son Les conflits discoradiculaires sont rares au cours de la gros-
injection ne doit pas être réalisée au cours de la grossesse, sesse (0,1–1,2 %). Weinreb et al. [15] n’ont pas observé, en
sauf si le bénéfice est supérieur au risque, et l’on informera IRM, de différence significative dans la fréquence des pro-
dans ce cas la patiente, en demandant par ailleurs, un consen- trusions ou hernies discales lombaires chez les femmes
tement écrit. Au cours de l’allaitement, comme un passage enceintes comparativement à des femmes non enceintes en
en très faible quantité du produit de contraste dans le lait âge de procréer.
maternel a été mis en évidence pendant environ 33 heures
(< 0,011 % de la dose totale injectée) [7], par mesure de pré- 3.1.1. Imagerie
caution, un arrêt de l’allaitement pendant 36–48 heures après En cas de lombalgies inhabituelles ou intenses, les radio-
une injection de gadolinium est requis. graphies peuvent être réalisées en première intention chez la
femme enceinte en limitant les incidences (essentiellement
2.3. L’échographie le profil), à la recherche d’une raréfaction osseuse, d’un tas-
sement vertébral, d’un antélisthésis dégénératif et d’associa-
Elle n’est pas contre-indiquée au cours de la grossesse. tions pathologiques fortuites. Dans un second temps, en fonc-
Elle peut être utile pour la recherche d’un épanchement intra- tion des données du bilan radiographique initial et de la
articulaire, d’une ténosynovite, l’exploration d’une étiologie suspicion clinique, peut être proposée une IRM en évitant
à un syndrome de canal carpien, et peut guider une ponction. l’injection de gadolinium. Les douleurs pelviennes de la gros-
sesse ne justifient que rarement un bilan radiologique en
2.4. La scintigraphie osseuse
dehors d’une suspicion d’infection ou de fracture par insuf-
Les doses reçues par le fœtus sont de 5 mSv en début de fisance osseuse (sacrum).
grossesse et de 2 mSv en fin de grossesse pour les scintigra-
phies au 99 mTc, et sont plus élevées pour les scintigraphies 3.2. Les infections
au 67Ga (16 et 25 mSv respectivement) [1]. En pratique, si la
scintigraphie (au technétium) est justifiée, elle peut être réa- La grossesse correspond à une allogreffe naturelle sans
lisée en limitant au maximum l’irradiation de l’enfant et après déficit immunitaire patent ni augmentation significative de la
information et consentement des parents. En revanche, l’injec- susceptibilité aux infections. Cependant, certains auteurs ont
tion d’131I (examen thérapeutique) expose la thyroïde du fœtus évoqué la possibilité d’une immunosuppression plus mar-
à une très forte irradiation. La thyroïde étant fonctionnelle quée au cours des 2e et 3e trimestres et dans le postpartum
dès la 8e semaine de grossesse, une scintigraphie à l’131I peut [16]. Les infections sont en fait essentiellement observées dans
être à l’origine d’une insuffisance thyroïdienne grave depuis le postpartum et affectent alors volontiers le rachis, les arti-
ce terme jusqu’à la fin de la grossesse et doit donc être diffé- culations sacroiliaques et la symphyse pubienne [17–19]. En
rée après l’accouchement. cas de suspicion d’arthrite au cours de la grossesse, l’image-
Il faut également rappeler le problème des patients ayant rie repose essentiellement sur l’IRM étant donné l’important
eu une scintigraphie (notamment une dose thérapeutique pour retard radioclinique (Fig. 1). On rappellera l’intérêt de l’écho-
cancer de la thyroïde) et qui peuvent être en contact avec une
femme enceinte. Bien que la dose limite arbitraire fixée à
1 mSv ne soit probablement pas atteinte par le fœtus, on
recommande à ces patients d’éviter tout séjour prolongé au
contact d’une femme enceinte (décroissance complète en dix
semaines) [1].
Keywords: Lumbar spine; Low back pain; Pelvic pain; Pregnancy; Pain
2. Situations particulières
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doi:10.1016/j.rhum.2005.04.003
708 B. Fouquet et al. / Revue du Rhumatisme 72 (2005) 707–714
La survenue de lombalgies et de douleurs lombofessières Il est dit qu’Hippocrate avait déjà évoqué le relâchement
au cours de la grossesse semble très fréquente ; 20 à 50 % des de la ceinture pelvienne pendant la grossesse. C’est ainsi que
Tableau 1
Manifestations douloureuses lombaires et pelviennes chez 68 parturientes (d’après Bjorklund) [22]
Paramètres Groupe A Groupe B Groupe C P
Douleurs minimes Douleurs intenses Douleurs intenses
du pubis du pubis du pubis
n = 38 n = 11 Patientes vues à
35 SA n = 19
Délai de survenue des douleurs 26,1 semaines 20,7 semaines 14,3 semaines 0,0001
Fréquence des lombalgies pures 10,5 % 9,1 % 26,3 %
Fréquence des lombalgies associées à des douleurs pelviennes 13,1 % 36,3 % 68,4 % 0,01
Antécédents douloureux pendant une grossesse précédente 14,3 % (3/21) 87,5 % (7/8) 75 % (12/16) 0,001
35 SA : 35 semaines d’aménorrhée.
B. Fouquet et al. / Revue du Rhumatisme 72 (2005) 707–714 709
sont expliquées de possibles instabilités des articulations parallèle et non plus alterné, associée à un recrutement impor-
sacro-iliaques et du pubis au cours de la grossesse. L’intrica- tant des membres inférieurs et une modification des amplitu-
tion des douleurs lombaires et pelviennes est un élément des articulaires des hanches au cours des efforts de soulève-
important à prendre en compte ; la parturiente lombalgique a ment.
plus de risque de développer des douleurs multiples et d’avoir Le relâchement des structures ligamentaires, du système
des douleurs au cours d’une grossesse ultérieure. Cela impose de soutien conjonctif musculaire et tendineux serait secon-
donc une évaluation globale des contraintes appliquées sur le daire à l’imprégnation hormonale (estrogènes, relaxine). Le
socle pelvien et le rachis. rôle de la relaxine, hormone insuline-like, reste controversé,
Les contraintes sur les enthèses (sur le pubis en particu- et initialement, à partir de travaux expérimentaux chez la truie,
lier) sont liées aux tractions des muscles abdominaux sur il avait été suggéré qu’elle était responsable de la distension
celles-ci. La masse commune des muscles érecteurs spinaux, pubienne. En fait, il n’a pas été montré de lien entre les taux
s’opposant au moment de force induit par le poids du corps, de relaxine à la 12e semaine de grossesse et la distension de
produit une traction verticale sur les charnières sacro- la symphyse pubienne à la 12e semaine ou à la 35e semaine
iliaques. Les muscles abducteurs de hanches (moyens fes- [22], ni de lien entre les phénomènes douloureux lombopel-
siers, pelvitrochantériens) sont plus sollicités au cours de la viens et le taux initial mesuré chez 950 parturientes [26]. Si
marche pour maintenir le bassin équilibré. Cela a pour consé- l’effet de la relaxine est controversé, les modifications hor-
quence d’entraîner une ouverture de la symphyse pubienne monales, progestatives en particulier, pourraient jouer un rôle.
et une ouverture des articulations sacro-iliaques en avant. Ces En effet, alors que les contraintes biomécaniques sont fai-
modifications mécaniques du bassin sont à l’origine d’ano- bles, l’étude de Kristiansson chez des femmes ayant une gros-
malies structurelles démontrées par l’imagerie : sclérose des sesse provoquée par fécondation in vitro a montré une fré-
berges sacro-iliaques, élargissement de la symphyse pubienne quence anormalement élevée de douleurs lombopelviennes
ou clarté intra-articulaire. Ces contraintes accrues peuvent (Fig. 3) [27]. Dans cette série de 31 femmes, les taux séri-
donner naissance à des douleurs irradiées dans le territoire ques de relaxine étaient particulièrement élevés et corrélés
sciatique, à des douleurs fessières, postérieures et externes à aux phénomènes douloureux, mais il existait également une
la cuisse, et à des sensations de membre inférieur « fan- forte corrélation entre la fréquence des douleurs et le nombre
tôme » [24]. de fœtus en gestation. Une des hypothèses pour expliquer ces
Cette augmentation du travail des muscles extenseurs spi- données contradictoires serait une hyperstimulation ova-
naux peut conduire à plus de lordose et plus d’antéversion du rienne induite pour la fécondation in vitro qui serait respon-
bassin. Toutefois, cette modification de l’exercice des mus- sable des phénomènes douloureux observés, hyperstimula-
cles extenseurs spinaux est limitée par l’augmentation de tion ovarienne qui induit également une hypersécrétion de
l’élasticité des tissus de soutien qui peut être à l’origine d’une relaxine.
mise en rétroversion par perte d’efficacité du tissu muscu- Enfin, les modifications hormonales de la grossesse ont
laire [17]. L’activité des muscles extenseurs spinaux semble des effets indirects sur la capacité de gestion des stimuli noci-
profondément modifiée ; ainsi, l’étude électromyographique ceptifs en particulier en situation de stress [28]. Si le phéno-
de surface de ces muscles a montré la disparition du phéno- mène de dépression est rare pendant la grossesse, identique à
mène de flexion-relaxation, habituellement observé [25]. Cette la population féminine, le « blues » du post-partum (26 à 85 %
modification de l’organisation motrice peut admettre plu- des femmes selon les critères diagnostiques) serait lié à la
sieurs hypothèses : un évitement, par protection, du fait de baisse brutale des hormones progestatives et à la perte liée à
l’instabilité potentielle induite par le surpoids ; une flexion l’accouchement [29].
incomplète du rachis lombaire ; une modification des affé-
rences proprioceptives. Dans l’étude de Sihvonen [25], il exis-
tait un lien entre les modifications de l’activité des muscles
extenseurs spinaux et la survenue de phénomènes doulou-
reux au cours du dernier trimestre de grossesse ; toutefois, au
cours de l’antéflexion du tronc, les diminutions du niveau
d’activité des muscles extenseurs spinaux, pendant le 1er tri-
mestre, étaient associées à une plus grande fréquence des lom-
balgies et à un niveau d’incapacité plus grand pendant le 3e
trimestre. Potentiellement, ces modifications musculaires
pourraient être à l’origine d’un risque accru de lésions disca-
les et de lésions des structures articulaires postérieures.
Des modifications proprioceptives complexes surviennent
au cours de la grossesse ; on note ainsi, au fur et à mesure de Fig. 3. Comparaison entre les fréquences des manifestations douloureuses
la grossesse, une modification de la coordination des ceintu- lombaires et sacrées au cours de grossesses par fécondation in vitro (FIV) et
res, au cours de la marche, les ceintures ayant un mouvement de grossesses normales (d’après Kristiansson) [27].
710 B. Fouquet et al. / Revue du Rhumatisme 72 (2005) 707–714
3.3. Facteurs de risque d’origine africaine consultaient plus et prenaient plus de trai-
tement antalgique que les femmes de Norvège ou de Suède
Débutant avant que la prise de poids soit importante, les [34].
lombalgies ne sont pas liées directement à la composante bio-
mécanique de majoration de la charge physique. Il n’a pas 3.4. Caractéristiques des lombalgies
été observé de corrélation entre le diamètre antéropostérieur
de l’abdomen et les douleurs lombaires, et la survenue plus Par leur intensité, les lombalgies au cours de la grossesse
fréquente au cours de mouvements de flexion ou de torsion sont majoritairement peu intenses et bien tolérées. Dans envi-
du tronc n’est pas spécifique à la survenue d’une lombalgie ron 50 % des cas, elles ont une intensité inférieure à 50 mm
au cours de la grossesse [21]. (échelle visuelle analogique de 0 à 100 mm), entre 75 et
De nombreuses études ont été consacrées aux facteurs de 50 mm pour 25 % et au-delà de 75 mm pour 25 % [19]. Sou-
risque pendant et après la grossesse. Globalement, apparais- vent de rythme mécanique, elles sont majorées par la marche
sent comme facteurs de risque significatifs, pendant la gros- et les postures antéfléchies. L’incapacité qu’elles entraînent
sesse, la présence d’une activité professionnelle intense, phy- est modérée. Au cours du dernier trimestre de grossesse, il a
sique, stressante, des antécédents de lombalgie, en général été montré que 31 % avaient un score de Roland et Morris à
ou pendant une première grossesse ou dans le post-partum 0, 41 % d’entre elles entre 1 et 4, 21 % entre 5 et 10 et 8 %
précédent. Une étude récente retient la multiparité [17], mais avaient un score supérieur à 10 [35]. Dans 58 % des cas, les
les données dans ce domaine sont contradictoires. Il en est de lombalgies entraînaient des troubles du sommeil et dans 57 %
même de l’âge de la mère au moment de la grossesse [19]. une gêne dans la vie quotidienne [18]. Ces chiffres sont pro-
Comme dans la lombalgie commune, hors le contexte de ches d’une autre série, où des effets sur la vie quotidienne ont
grossesse, il est important de préciser les autres composantes été observés de façon minime dans 53,6 % des cas, modérée
somatiques. Les phénomènes douloureux lombaires s’intè- dans 33,2 % des cas, sévère dans 11,2 % des cas [17]. Glo-
balement, sur l’ensemble de la grossesse, une incapacité dans
grent dans un contexte plus large de manifestations somati-
la vie quotidienne serait observée dans 28 % des cas [17].
ques multiples (Figs. 1 et 2) [2] à type de fatigue, de troubles
Toutefois, la coexistence des phénomènes douloureux lom-
du sommeil, de douleurs musculaires. Toutes ces manifesta-
baires avec des douleurs pelviennes complique la sémiologie
tions sont significativement corrélées à la prise de poids, au
de la douleur par son intensité et ses conséquences fonction-
tabagisme, au stress environnemental en particulier profes-
nelles. Les douleurs pelviennes ont un retentissement fonc-
sionnel, aux cognitions négatives et à l’absence de soutien
tionnel plus important sur l’ensemble des activités de la vie
social [2]. Plus fréquemment, en cas de lombalgie de la gros-
quotidienne (ménage, marche, loisirs). La conjonction de dou-
sesse, intervient le contexte environnemental social : niveau
leurs lombaires et pelviennes majore très nettement l’incapa-
socioéconomique plus faible, facteurs psychoaffectifs, socio-
cité [19].
logiques (soutien social, statut marital, vécu pendant des gros-
sesses précédentes, relations maternelles) [30]. Fait remar-
3.5. Examen physique
quable, ces facteurs, qui rejoignent ceux de la lombalgie
commune, sont très proches de ceux de la dépression de la
Les douleurs étant largement plus étendues que dans la
grossesse et surtout du post-partum [28].
lombalgie commune, l’examen physique doit, systématique-
Les conditions environnementales professionnelles stres- ment, comporter l’évaluation rachidienne lombaire et de la
santes jouent un rôle important non seulement sur la fré- région sacro-iliaque [1,36]. Parmi l’ensemble des tests faci-
quence des lombalgies mais aussi sur d’autres affections de lement réalisables en décubitus dorsal, trois semblent appor-
la grossesse [31,32]. Les lombalgies sont ainsi beaucoup plus ter suffisamment d’informations pour orienter l’examen vers
fréquentes lorsqu’il y a une concentration élevée et une anxiété une souffrance sacro-iliaque [37] :
au travail ; le manque de contrôle au travail augmente le ris- • le premier est le test de provocation d’une douleur posté-
que de petit poids de naissance (risque relatif [RR] de 2,5), rieure : le sujet étant couché, genoux et hanches fléchis à
de prééclampsie (RR de 1,6) et de manifestations lombopel- 90°, l’examinateur effectue une pression vers le bas sur le
viennes (RR de 1,3 pour les lombalgies et de 1,6 pour les genou. Ce test a une sensibilité de 0,90 et une spécificité
douleurs pelviennes postérieures) [33]. de 0,98 ;
Le nombre de consultations et de journées d’incapacité • le deuxième est le test de Menell ; le sujet étant couché, un
semble augmenter dans le monde occidental du fait des dou- membre inférieur en abduction à 30° et 10° de flexion,
leurs lombopelviennes au cours des grossesses. Cela suggé- l’examinateur effectue une poussée vers le bassin puis un
rerait que la perception d’inconfort au cours de la grossesse relâchement. Ce test aurait une sensibilité de 0,70 et une
serait maintenant perçue comme une situation « pathologi- spécificité de 1 ;
que » plus fortement médicalisée [34]. Une étude compara- • le troisième est le test de Patrick ; il consiste sur un mem-
tive entre différentes populations du nord de l’Europe et bre inférieur fléchi en abduction et rotation, de telle sorte
d’Afrique n’a pas montré de différence de fréquence en fonc- que la cheville repose sur le genou controlatéral, à la pro-
tion du niveau social et culturel ; au contraire, les femmes vocation d’une douleur postérieure sacro-iliaque. Ce test a
B. Fouquet et al. / Revue du Rhumatisme 72 (2005) 707–714 711
une sensibilité de 0,70 et une spécificité de 0,99. Ce test a grossesse, et les facteurs de survenue et de pérennisation font
été trouvé comme fortement corrélé à l’incapacité fonc- appel à d’autres facteurs. Ainsi, l’approche biomédicale pure
tionnelle [37]. n’est pas en mesure de permettre une évaluation de la dou-
Un dysfonctionnement pelvien postérieur peut être sus- leur dans toutes ses composantes ni dans la lombalgie com-
pecté pendant et après la grossesse par l’élévation active du mune, ni dans les douleurs lombopelviennes de la grossesse.
membre inférieur. L’intensité et la positivité de ce test ont Seule une approche globale, biopsychosociologique, est satis-
semblé étroitement corrélées à l’incapacité fonctionnelle faisante. Les facteurs de détresse psychologique au cours de
mesurée par l’échelle de Québec [38]. Enfin, une sensibilité la grossesse sont proches de ceux de la lombalgie commune :
accrue à la palpation des ligaments lombosacrés, au-dessus niveau de ressources plus faible, situations conflictuelles fami-
des sacro-iliaques doit être recherchée. liales, nombre d’évènements stressants dans les 12 mois qui
Au terme de cet examen, le tableau douloureux lombopel- précèdent la grossesse, antécédents de dépression, faible sou-
vien peut être classé en quatre groupes qui peuvent s’intri- tien social, précarité du travail [43]. L’intrication de facteurs
quer : pubalgie, souffrance sacro-iliaque, dysfonctionnement psychologiques dans la non-gestion d’un stimulus nociceptif
pelvien postérieur, lombalgie [39]. n’est plus à démontrer. Cela conduit à proposer un modèle
tenant compte des interactions entre les facteurs non spécifi-
3.6. Évolution après l’accouchement ques (non liés à la grossesse mais mettant la parturiente en
situation d’échec de la gestion des informations douloureu-
Dans la grande majorité des cas, l’évolution des douleurs ses) et d’autres plus spécifiques via les modifications hormo-
lombopelviennes est favorable, le plus souvent dans les six nales d’une part, et la situation inhabituelle et l’anxiété pro-
mois suivant l’accouchement [30]. À trois mois, 54 % gar- pres à la grossesse d’autre part.
dent des douleurs avec pour facteur de risque principal le taba- Ainsi, les perturbations émotionnelles au cours de la gros-
gisme [40], sans que le poids du nouveau-né n’ait une inci- sesse sont plus fréquentes au cours du premier trimestre ainsi
dence. Au-delà, des douleurs sont mentionnées dans 10 à 23 % que les tracas et évènements stressants. Le lien des douleurs
des cas, associées à une incapacité pour les activités ménagè- lombopelviennes au tabagisme, suggéré par certaines études,
res, la marche, les activités physiques de loisirs [41]. peut être rattaché à d’autres facteurs environnementaux : fai-
Plusieurs facteurs semblent être prédictifs de la persis- ble niveau éducatif, anxiété, difficultés financières, manque
tance de lombalgies après l’accouchement : une perte de force de soutien social [44–46]. Le nombre de manifestations soma-
et d’endurance des extenseurs spinaux, des abdominaux et tiques au cours de la grossesse est significativement associé à
des abducteurs de hanche [41], un contexte professionnel l’anxiété liée à la grossesse mais aussi aux risques qu’elle
stressant ou une insuffisance de repos pendant le travail [30], fait peser sur l’avenir professionnel. En conséquence, le
la précocité d’apparition des douleurs pendant la grossesse modèle de la diathèse douloureuse de Gatchel peut parfaite-
[30]. Alors qu’une diminution d’intensité des lombalgies a ment s’appliquer à cette situation (Fig. 4) [47].
été observée pendant le dernier mois, plus le niveau de dou-
leur était élevé pendant celui-ci, plus le risque de conserver 5. Aspects thérapeutiques
des douleurs à six ans était élevé [22].
Ces données sont à rapprocher de celles concernant la lom- En dehors du traitement symptomatique par voie générale
balgie commune : dès lors que des facteurs environnemen- (recours au paracétamol) ou de l’acupuncture [48–50], diver-
taux favorisent la survenue des douleurs et l’incapacité, il est ses mesures peuvent être proposées. Elles reposent sur le
logique en l’absence de correction de ces facteurs, que le même principe que dans la lombalgie commune : éducation à
défaut de gestion de la douleur se poursuive au-delà de garder une activité physique régulière, même aérobique, qui
l’accouchement, indépendamment des facteurs biomécani- n’a pas de conséquence sur le fonctionnement placentaire et
ques que sont la prise de poids pendant la grossesse ou le la régulation thermique du nourrisson [51]. En améliorant la
poids du nouveau-né [19]. Ce qui semble être au cœur de la qualité de vie, cette pratique physique peut permettre une
persistance de la douleur, voire être à l’origine de sa récidive meilleure gestion des douleurs. De même, la pratique d’exer-
à l’occasion d’une nouvelle grossesse, est le comportement cices de relaxation peut être préconisée. Les thérapies manuel-
d’évitement anxieux. Si à ce jour l’approche de la stratégie les ostéopathiques peuvent aussi être proposées par des thé-
d’évitement anxieux n’a pas été évaluée comme dans la lom- rapeutes expérimentés compte tenu de la détente ligamentaire
balgie commune, la peur d’une nouvelle grossesse du fait de et musculotendineuse. En outre, les thérapies habituelles doi-
la lombalgie a été rapportée dans 19 % des cas [42]. vent être adaptées en raison de modifications de l’application
des forces [49].
Peu d’études méthodologiquement correctes ont évalué la
4. Approche « biopsychosociologique » des phénomènes rééducation massokinésithérapique : la balnéothérapie rédui-
douloureux lombopelviens rait l’incapacité et le nombre de jours d’arrêt de travail mais
aurait peu d’impact sur l’intensité douloureuse, alors que
Le modèle biomécanique rend incomplètement compte des l’acupuncture serait plus efficace sur la douleur que la réédu-
phénomènes douloureux lombopelviens au cours et après la cation fonctionnelle [23,52].
712 B. Fouquet et al. / Revue du Rhumatisme 72 (2005) 707–714
Compte tenu du fait que le manque de force et d’endu- après six ans d’évolution, traduisant l’impact éducatif de la
rance des muscles abdominaux et extenseurs spinaux est asso- méthode appliquée pendant la grossesse [23].
cié à une plus grande fréquence de lombalgies et de douleurs
pelviennes, il était logique de proposer un entretien voire un
6. Conclusion
renforcement de ces muscles. Une étude contrôlée a montré
que la pratique d’exercices de renforcement musculaire (mul- Les phénomènes douloureux lombopelviens au cours de
tifidus, muscles grands dorsaux, abdominaux obliques, car- la grossesse sont le plus souvent bénins et d’évolution favo-
rés des lombes, abducteurs et adducteurs de hanches) 30 minu- rable après l’accouchement ; ils peuvent dans certains cas
tes, trois fois par semaine, pendant 20 à 30 semaines, être source d’incapacité, pendant et après la grossesse. L’éva-
comparativement à une rééducation conventionnelle repo- luation rigoureuse doit permettre d’éliminer une douleur
sant sur des exercices d’assouplissement, était significative- symptomatique et une très exceptionnelle complication neu-
ment associée à des valeurs plus faibles de douleurs, d’inca- rologique associée, et de préciser la topographie des dou-
pacité (échelle d’Oswestry), de qualité de vie (SF36) aussi leurs. Les formes douloureuses précoces, souvent diffuses,
bien dans les dimensions physiques que de fonctionnement parfois prolongées, justifient une approche globale. En cas
[23]. Ce résultat favorable, observé à un an, s’est confirmé d’échec de thérapeutiques physiques et symptomatiques médi-
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camenteuses, le recours à une approche multidisciplinaire peut [21] Endresen EH. Pelvic pain and low back pain in pregnant women - an
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Stérilité/infertilité –
étiologies et investigations
Bruno Imthurna, Estilla Maurer-Majorb, Ruth Stillera
a
Klinik für Reproduktions-Endokrinologie, Departement Frauenheilkunde, Universitätsspital Zürich
b
Fachärztin für Gynäkologie und Geburtshilfe, Baumackerstrasse 46, 8050 Zürich
Introduction
Quintessence
% L’incidence de la stérilité est en progression, en premier lieu à cause du Le désir non satisfait d’avoir des enfants, une
décalage du désir de maternité vers un âge plus élevé. maladie reconnue par l’OMS, représente un pro-
blème toujours plus important dans notre société.
% La fertilité de la femme baisse à partir de l’âge de 35 ans pour tomber dix ans La toute première cause en est que le désir de
plus tard à pratiquement zéro.
grossesse est repoussé à un âge toujours plus
% La fertilité de l’homme diminue linéairement avec l’âge. avancé. La question de savoir si les modifications
du spermogramme jouent aussi un rôle est très
% Les causes non spécifiques les plus fréquentes de la stérilité sont l’âge et le
exploitée par les médias, mais très controversée
stress excessif.
dans la littérature scientifique.
% Les causes spécifiques les plus fréquentes de la stérilité sont les troubles Le succès des traitements de la stérilité s’est
endocriniens de la maturation folliculaire, les anomalies tubaires et celles du considérablement amélioré ces dernières décen-
spermogramme. nies. Dans les années 80 du siècle dernier par
exemple, les chances de grossesse après fertili-
% La courbe de température basale, auparavant très répandue, n’a plus qu’un
sation in vitro (FIV) n’étaient que de quelques
intérêt minime actuellement dans le diagnostic de la stérilité.
pourcents, alors qu’actuellement deux couples
% Si les cycles sont réguliers, le dosage sérique de la FSH au début du cycle sur trois voient leur désir d’avoir des enfants sa-
et celui de la TSH indépendamment du cycle suffisent à l’exploration du facteur tisfait dans les centres suisses de qualité. Leurs
endocrinien. résultats peuvent se mesurer à ceux des meilleurs
centres européens. Et ceci malgré le fait que la
% Les spermogrammes ne devraient être établis que selon les normes de l’OMS.
médecine de la reproduction en Suisse soit sou-
% En raison de sa sensibilité et de sa spécificité très faibles, le dosage des anti- mise à l’une des lois les plus restrictives au
corps anti-spermatozoïdes est obsolète. monde, la Loi sur la Procréation Médicalement
Assistée (LPMA).
Summary Avant de poser l’indication à la procréation médi-
calement assistée, il faut effectuer des investi-
Sterility/Infertility – Aetiologies and diagnostic tests gations approfondies, parfois longues et compli-
% Prevalence of infertility increases mainly due to the postponement of the quées. Ce n’est qu’à ce prix qu’il est possible de
childwish into a higher age range. trouver le traitement offrant les plus grandes
chances de succès et ne présentant qu’un mini-
% Female fecundity declines starting from the age of 35 years and drops within
mum de risques pour la mère et son futur enfant.
10 years to close to zero.
La manière d’explorer la stérilité/infertilité a pas-
% Male fertility decreases age-dependent in a linear fashion. sablement changé ces dernières années. Elle n’est
pas devenue plus complexe, mais au contraire
% The most frequent unspecific infertility factors are aging and excessive stress.
plus simple et structurée, ce qui fait que les pre-
% The most frequent specific infertility factors are endocrine disorders, blocked miers examens peuvent sans autre être effectués
tubes and sperm pathology. par le médecin généraliste. Cet article présente
l’état actuel des connaissances des étiologies et
% Measuring basal body temperature has largely lost the importance it had in
de l’exploration d’une stérilité/infertilité.
the past.
Vous trouverez les questions à choix multiple concernant cet article à la page 111 ou sur internet sous www.smf-cme.ch.
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Etiologies
Etiologies spécifiques
Il faut faire la distinction entre les étiologies spé-
cifiques génitales et celles non spécifiques non Parmi les étiologies génitales les plus fréquentes
génitales d’une stérilité. figurent les anomalies de maturation des folli-
cules (facteur endocrinien), le facteur mécanique
(par ex. lésions tubaires ou adhérences péritu-
Etiologies aspécifiques baires), empêchant la rencontre entre spermato-
zoïdes et ovocytes, de même que le facteur mas-
Les facteurs de stérilité non spécifiques les plus culin avec les pathologies du spermogramme.
importants sont l’état de santé et l’âge. Ils in- Parmi les étiologies moins fréquentes, citons les
fluencent les chances et du même fait le pronos- problèmes immunologiques ainsi que les facteurs
tic d’une éventuelle grossesse. cervical et psychogène primaire.
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Hystérohydrosonographie
S’il s’agit d’examiner l’intégrité de la cavité uté-
rine et non la perméabilité tubaire, il suffit d’y ins-
tiller une solution saline isotonique. Cette cavité
dilatée par le liquide peut être examinée aussi
simplement que sûrement par échographie
(fig. 5 x). Cette méthode non compliquée permet
de diagnostiquer élégamment des polypes intra-
cavitaires ou myomes sous-muqueux.
En y ajoutant un produit de contraste échogra-
Figure 4
Coupe longitudinale de l’utérus avec endomètre prolifératif, phique, cette technique permet également de voir
préovulatoire (les flèches indiquent l’épaisseur de l’endo- si les trompes sont perméables (hystérosalpingo-
mètre). contraste sonographie, HyCoSy). Mais du fait de
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la complexité de cette technique d’examen, elle l’option d’une caryotypisation périphérique, car
n’est réservée qu’à des spécialistes en échogra- dans un tel cas le risque d’aneuploïdie, non seu-
phie très expérimentés. lement des spermatozoïdes mais aussi des éven-
tuels embryons et fœtus, peut s’en trouver aug-
menté [8, 9]. La recherche d’une mutation MV
Facteur masculin (mucoviscidose) est également indiquée si, en
présence d’une azoospermie, aucun canal défé-
Spermogramme rent n’est palpable. Dans les cas défavorables,
L’investigation de base du facteur stérilité mas- un conseil génétique est obligatoire. L’intérêt
culine se fait par le spermogramme. Mais il faut d’autres examens génétiques périphériques est
bien savoir qu’il doit être réalisé conformément controversé et ceux-ci ne font pas partie des in-
aux normes de l’OMS (Organisation mondiale de vestigations initiales.
la santé) [7] si l’on veut garantir la reproductibi-
lité des analyses de sperme faites dans différents
laboratoires. Le test postcoïtal, auparavant très Facteur immunologique
répandu, n’a plus aucune importance, sa valeur
étant par trop limitée. Le facteur de stérilité le plus controversé, et aussi
le plus difficile à diagnostiquer, est le facteur im-
Examen urologique-andrologique munologique. Il faut rechercher des anticorps
Si le spermogramme est pathologique, il faut le anti-spermatozoïdes, présents aussi bien chez la
répéter de manière à pouvoir exclure les varia- femme que dans l’éjaculat.
tions physiologiques parfois fort marquées de la Les dosages des anticorps anti-spermatozoïdes
qualité du sperme. Une fois confirmée la patho- sériques ne devraient plus se faire en raison de
logie spermatique, un examen urologique-andro- leur sensibilité et spécificité très faibles.
logique est indiqué, sans oublier bien sûr l’exa-
men clinique. Il faut préciser dans quelle mesure Investigations chez l’homme
les anomalies spermatiques sont le symptôme Il y a plusieurs tests chez l’homme permettant
d’une maladie méritant un traitement (par ex. de démontrer des spermatozoïdes chargés d’anti-
infections ou tumeurs). L’examen urologique- corps. L’examen le plus courant est la MAR (Mixed
andrologique permet en outre d’évaluer les op- Antiglobulin Reaction), mais il n’est pas très sensi-
tions thérapeutiques médicamenteuses ou chi- ble. La démonstration de spermatozoïdes aggluti-
rurgicales. Celles-ci sont limitées, non pas dans nés dans le spermogramme est un indice en faveur
leur nombre mais dans leur effet, ce qui fait que de la présence d’anticorps anti-spermatozoïdes.
des méthodes propres à la médecine de repro-
duction doivent être indiquées. Les tests fonction- Investigations chez la femme
nels, parfois effectués sur un mode inflationniste, Si, après un rapport sexuel en milieu de cycle, le
ont sans aucun doute un intérêt académique, mucus cervical ne montre que des spermato-
mais en pratique courante ils n’ont quasi aucune zoïdes immobiles, avec un spermogramme nor-
conséquence thérapeutique. mal, cela est très suspect d’une production d’an-
ticorps anti-spermatozoïdes chez la femme. Cet
Examens génétiques examen correspond au test postcoïtal. Bien que
Si la concentration de spermatozoïdes est très ce test ait pratiquement totalement disparu en
basse (<5 mio./ml), il faut discuter avec le patient tant que remplaçant du spermogramme, il a
conservé tout son intérêt dans la recherche du
facteur immunologique.
Facteur cervical
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BIOLOGIE
THÉMATIQUE
ET GROSSESSE
À TAPER
RÉSUMÉ
SUMMARY
L surveillance
La ill biologique
bi l i prénatale
é t l d de lla grossesse normale l s’inscrit
’i it d
dans
Biological supervision of pregnancy : the cli-
une démarche de dépistage et de prévention des complications mater-
nician’s point of view
nelles ou fœtales au même titre que l’examen clinique ou l’échographie
As clinical exams and ultrasound screening the
dont elle est indissociable. En France, les modalités de cette surveillance
biological monitoring during pregnancy is of pri-
reposent sur des dispositions réglementaires et des recommandations
mary importance in order to detect and to prevent
professionnelles. Certains examens revêtent ainsi un caractère obligatoire
maternal or fetal adverse outcome. In France, the
pour la déclaration de grossesse ou son suivi alors que d’autres ne seront
supervision of pregnancy is advocated by regle-
prescrits qu’en fonction du contexte clinique et des facteurs de risque
mentary texts, laws and professional recommen-
préalablement identifiés. Notre travail de synthèse répond à trois objectifs
dations. Laboratory tests may be obligatory or
principaux : (i) résumer les principes fondamentaux du calendrier de sur-
performed to address conditions or complications
veillance biologique de la grossesse ; (ii) rappeler l’influence de la grossesse
arising during pregnancy. We have (i) summari-
sur les principaux paramètres biologiques ; (iii) et préciser l’intérêt clinique
zed the laboratory tests to carry out at specified
des tests biologiques standards ou spécifiques de la grossesse.
times throughout the pregnancy. We have also (ii)
emphasized the impact of the normal pregnancy
Grossesse – surveillance – examens biologiques – valeurs de références.
on biological parameters (iii) and highlighted the
clinical interest of the pregnancy-related tests.
RAI si Rhésus +
TPHA VDRL
HIV Recommandé
Si facteur
Hépatite C
de risque
AgHbs Ou au 6e mois
14 SA
Marqueurs sériques T21 A
17 SA + 6j
NFP Facultatif
Systématique
Dépistage diabète gestationnel ou si facteur
de risque
En l’absence d’immunité acquise vis-à-vis de la rubéole, masquées par les modifications physiologiques liées à la
une vaccination doit être proposée après s’être assuré grossesse ou nécessiter une prise en charge ou un traite-
de l’absence de grossesse et de la mise en œuvre d’une ment antéconceptionnels spécifiques. Leur identification
contraception efficace. Une information précise doit être durant cette période est donc cruciale et souligne l’impor-
délivrée sur les moyens de prévention de la contamina- tance de la consultation préconceptionnelle – coïncidant
tion toxoplasmique en cas de sérologie négative [6]. Le souvent avec la consultation post-natale d’une grossesse
rapport ne stipule pas la pratique systématique d’une précédente – qui demeure trop souvent négligée par les
sérologie de l’hépatite B, mais si celle-ci est négative on patientes et les professionnels.
peut proposer également une vaccination. En revanche,
la recherche d’anticorps irréguliers est obligatoire. Si le
test est positif l’anticorps doit être caractérisé. L’évalua-
3. Consultations du premier
tion du risque hémolytique pour le fœtus reposera ensuite trimestre
sur la nature de l’anticorps et sur le phénotype voire le
génotype paternel. Le décret n° 92-143 du 14 février 1992 spécifie que les
Mais à ce stade, le dépistage des femmes à risque repo- examens médicaux obligatoires de la femme enceinte
sera avant tout sur l’interrogatoire et l’examen clinique. prévus par l’article L.154 du Code de la Santé publique
L’existence d’antécédents spécifiques peut conduire à sont au nombre de sept pour les grossesses atteignant
demander des examens orientés. Il peut s’agir d’examens leur terme théorique avec une consultation postnatale
génétiques (cytogénétique ou de biologie moléculaire) qui obligatoire au plus tard huit semaines après l’accouche-
peuvent être prescrits à l’issue d’une consultation de conseil ment. Il est recommandé aux patientes d’effectuer dans
génétique et pour lesquels le recueil du consentement écrit la mesure du possible la surveillance des sérologies dans
de la patiente est obligatoire. Il peut s’agir au contraire le même laboratoire qui a l’obligation légale de conserver
d’examens non génétiques à la recherche par exemple les sérums maternels pendant un an.
d’une diathèse hémorragique (après une hémorragie du Le plan de périnatalité du 12 avril 1994 a facilité la rédaction
post-partum), d’une thrombophilie (après un accident collaborative d’un « Guide de surveillance de la grossesse »
thrombo-embolique, une pré-éclampsie sévère associée édité par l’Agence nationale pour le développement de
à un retard de croissance intra-utérin) ou d’une anomalie l’évaluation médicale (ANDEM) [5]. Le guide fait la syn-
immunitaire suspectée après une mort du fœtus in utero thèse des différents examens cliniques, échographiques
par exemple. Certaines de ces anomalies peuvent être et biologiques à pratiquer en cours de grossesse.
Une première consultation doit avoir lieu obligatoirement (deux déterminations), la première détermination aura lieu
avant la 14e semaine d’aménorrhée (SA) mais elle peut lors du premier examen prénatal et la deuxième détermi-
être précédée d’une consultation plus précoce qui per- nation lors du sixième ou du septième examen comme le
mettra d’établir le diagnostic de grossesse et de la dater stipule le décret n° 92-143 du 14 février 1992.
en confrontant la date des dernières règles et les données
biométriques fœtales enregistrées à partir d’une échogra- 3.1.2. La recherche d’agglutinines irrégulières est obli-
phie précoce. Le dosage des BhCG n’est pas obligatoire gatoire lors du premier examen prénatal. Elle permet d’anti-
pour poser le diagnostic de grossesse et ne permet pas de ciper des complications transfusionnelles maternelles mais
la dater avec fiabilité. En revanche, l’analyse de la cinéti- elle vise surtout à dépister en anténatal l’existence d’une
que des concentrations est capitale en cas de suspicion allo-immunisation anti-érythrocytaire. En cas de positivité,
de grossesse extra-utérine (GEU). Dans ces conditions, il il faut identifier et titrer les anticorps pour évaluer le risque
est nécessaire de recourir à des dosages dans un même d’anémie fœtale. Un dosage pondéral des anticorps anti-D
laboratoire afin de comparer les résultats. En cas de gros- (RH1) doit impérativement être pratiqué pour la surveillance
sesse normalement évolutive, la concentration de BhCG des allo-immunisations anti-D lorsque le titre est élevé et
double toutes les 40 heures environ. En cas de GEU, on le fœtus à risque d’hémolyse (rhésus positif). Les anti-Kell
peut observer une diminution brutale des hCG, mais par- (KEL1) et les anti-c (RH4) sont également fréquemment
fois un taux stable ou une croissance normale peuvent en impliqués dans la survenue d’anémies fœtales sévères. Le
imposer pour une fausse couche ou pour une grossesse taux des anticorps, son évolution, le terme de la grossesse
évolutive. Dans la majorité des cas, le diagnostic de GEU et les données échographiques conditionnent les modalités
est posé sur un faisceau d’arguments, ce qui souligne la de prise en charge obstétricale et le renouvellement du
difficulté du diagnostic. Un taux élevé d’hCG au premier dosage ou des titrages des anticorps. Le Centre national
trimestre de la grossesse doit faire évoquer une erreur de de référence en hémobiologie périnatale (CNRHP) coor-
terme, une grossesse multiple ou une maladie trophoblas- donne au plan national la prévention et les soins en cas
tique gravidique comme la môle (hydatiforme, partielle ou d’immunisation fœto-maternelle. Chez les femmes rhésus
invasive) ou le choriocarcinome. Seule la tumeur du site négatif (15 % de la population française environ) ou aux
d’implantation ne sécrète pas d’hCG en quantité élevée. antécédents de transfusion, la recherche d’anticorps sera
La première consultation est capitale pour définir la straté- répétée aux 6e, 8e et 9e mois de la grossesse (décret n° 92-
gie de surveillance de la grossesse. Elle se conclut par la 143 du 14 février 1992) mais certaines équipes proposent
déclaration de grossesse qui mentionne obligatoirement la une recherche mensuelle des anticorps réguliers chez les
date présumée du début de grossesse et la prescription des femmes rhésus négatif (tableau I). Chez les femmes rhé-
examens biologiques obligatoires par le signataire (sage- sus positif sans antécédent transfusionnel, une recherche
femme, médecin traitant ou gynécologue-obstétricien). des anticorps irréguliers peut être effectuée sans obligation
La grossesse doit être déclarée par la patiente avant la fin au cours du 8e mois afin d’éliminer une allo-immunisation
de la 14e semaine selon la loi n° 2004-806 du 9 août 2004 survenant sur transfusion fœto-maternelle occulte.
relative à la politique de santé publique, titre VI, article 101. L’injection de 200 μg de gammaglobulines anti-D chez
La déclaration doit être adressée à la caisse primaire d’as- les femmes rhésus négatif dans des situations à risque
surance maladie et à la caisse d’allocations familiales. Elle d’immunisation a permis de diminuer considérablement
donne droit aux congés de maternité et aux allocations le risque d’allo-immunisation anti-D. Le Collège des gyné-
familiales. De la déclaration de grossesse au dernier jour du cologues-obstétriciens [19] a établi des recommandations
cinquième mois de grossesse (24 SA), les frais médicaux pour la prévention systématique entre 28 et 30 SA de l’allo-
sont remboursés aux tarifs habituels. Seuls les examens immunisation anti-D au troisième trimestre de la grossesse
prénatals obligatoires sont pris en charge à 100 %, dans survenant en cas d’hémorragie fœto-maternelle occulte. La
la limite des tarifs de base de l’Assurance Maladie. Les prévention systématique repose sur l’injection de 300 μg
examens génétiques (analyse du caryotype fœtal) sont de gammaglobulines spécifiques chez les femmes rhésus
entièrement pris en charge après l’établissement d’une négatif dont le fœtus est, ou risque d’être, rhésus positif.
demande d’entente préalable auprès du service médical de En cas d’allo-immunisation maternelle anti-D, la détermina-
la caisse d’Assurance Maladie. À partir du premier jour du tion du phénotype fœtal peut désormais être effectuée sur
sixième mois de grossesse, les examens biologiques sont sang maternel dès 12 SA afin d’éviter une amniocentèse
pris en charge à 100 %, dans la limite des tarifs de base ou un prélèvement de villosités choriales. Cette technique
de l’Assurance Maladie. Cette prise en charge à 100 % se repose sur la mise en évidence dans la circulation maternelle
poursuit jusqu’au douzième jour suivant l’accouchement. de séquences spécifiques d’ADN fœtal codant pour l’anti-
Durant la période de prise en charge à 100 %, la partici- gène D. Si le fœtus est rhésus négatif, il n’y a pas de risque
pation forfaitaire de 1 euro ne s’applique pas. d’anémie lié à la présence des anticorps anti-D ; si le fœtus
est rhésus positif, en revanche, il faut surveiller le titre des
3.1. Examens obligatoires anti-D et pratiquer un dosage pondéral. Une surveillance
pour la déclaration de la grossesse spécifique reposant sur des critères cliniques, biologiques
et échographiques dans un centre spécialisé doit alors être
3.1.1. Deux déterminations dans le système ABO, phé- mise en œuvre à la recherche d’une anémie fœtale.
notypes Rhésus complet et Kell, sont obligatoires. Si la
patiente ne possède pas de carte de groupe sanguin 3.1.3. La sérologie de la syphilis (TPHA, VDRL) est la
complète à jour et conforme aux règles d’établissement seule infection bactérienne faisant l’objet d’un dépistage
asymptomatique [11]. Le rapport de l’HAS 2007 sur le suivi Les marqueurs dosés au deuxième trimestre sont l’al-
des femmes à risque préconise la pratique mensuelle d’un phafœtoproteine et les hCG (fraction libre) pour le « dou-
ECBU en cas d’antécédent d’infection urinaire, de diabète ble test » auxquels s’ajoute l’estriol pour le « triple test ».
ou de bandelette urinaire positive [18]. Une amniocentèse sera prise en charge pour un risque
estimé supérieur à 1/250. En France, ce dépistage séri-
3.2.3. Le dépistage de l’hépatite C est indiqué pour toutes que est encadré par l’arrêté ministériel du 27 mai 1997
les femmes à risque (toxicomanie, hémophilie, transfusion et le décret N° 97-578 et N° 97-579 du 28 mai 1997 :
avant 1995, infection à HIV ou HBV). Le diagnostic est Art. R.162-16-7 qui obligent le prescripteur à recueillir
suspecté par la recherche des anticorps spécifiques et un consentement signé relatif à l’information délivrée
confirmé par la présence de l’ARN viral en PCR. sur le dépistage.
La feuille d’information rédigée par le prescripteur doit
3.2.4. Cas du CMV : environ 50 % des femmes encein- comporter des informations précises pour l’estimation du
tes en France sont séronégatives pour le CMV. Le taux risque (origines ethniques, poids, nombre de fœtus… et
de séroconversion pendant la gestation est de 0,6 à 2 % surtout date précise du début de grossesse et tabagisme).
environ. Le risque de séquelle neurosensoriel est imprévi- Un tabagisme d’une seule cigarette par jour conduit à l’ap-
sible et varie de 35 à 45 % en cas d’infection au premier plication d’un facteur correctif significatif pour l’estimation
trimestre, 8 à 25 % au deuxième trimestre et 0 à 7 % au du risque. Le dosage doit être effectué rapidement parce
troisième trimestre. En l’absence de traitement spécifique qu’il existe une scission spontanée des hCG dans le sang
et de méthode d’identification fiable des fœtus à risque total ou centrifugé qui conduit à l’augmentation artificielle
de séquelles en anténatal, il est recommandé de ne pas de la fraction libre dosée majorant artificiellement le risque
effectuer de dépistage systématique du CMV au cours d’anomalie chromosomique.
de la grossesse sauf en cas de signe d’appel clinique ou Les données actuelles concernant les performances du
échographique. dépistage de la trisomie 21 par les marqueurs sériques du
premier trimestre i.e. hCG et PAPP-P (pregnancy-associa-
ted plasma protein A) sont contradictoires [12], justifiant
4. Consultations du deuxième des évaluations complémentaires avant la mise en œuvre
trimestre en routine de ce dépistage biologique précoce.
Les examens biologiques à pratiquer lors des différentes 4.2. Le dépistage du diabète gestationnel
consultations du deuxième trimestre sont résumés dans Par définition, ne s’adresse pas aux patientes diabéti-
le tableau I. Nous rappelons les points importants relatifs ques en dehors de la grossesse (diabète constitutionnel)
aux examens spécifiques de cette période. pour lesquelles il existe des risques malformatifs fœtaux
spécifiques. Les experts du Collège national des gyné-
4.1. Le dépistage de la trisomie 21 cologues obstétriciens français (http://www.cngof.asso.
Par le dosage des « marqueurs sériques » doit être proposé fr) recommandent depuis 1996 que le dépistage soit pra-
systématiquement entre 14 et 17 SA plus 6 jours en cas tiqué chez toutes les femmes enceintes, entre 24 et 28
de grossesse monofœtale. La tendance actuelle est de le SA et pas uniquement en cas de facteur de risque. Cette
proposer à toutes les patientes même après 38 ans puisque recommandation a été reprise récemment par la HAS [13]
l’estimation du risque tient compte de l’âge maternel. En qui rappelle la validité des deux stratégies reposant sur
revanche, une amniocentèse peut être effectuée d’emblée l’hyperglycémie provoquée oralement. Elles sont résu-
et remboursée à 100 % sur le seul motif d’un âge supé- mées dans la figure 1. Lorsqu’il existe des facteurs de
rieur à 38 ans le jour de la ponction. Le « test sérique » risque de diabète constitutionnel, il est conseillé de faire
ne remet donc pas en cause les indications habituelles un dépistage au premier trimestre et de le répéter en cas
de l’amniocentèse. Actuellement, l’estimation du risque de négativité entre 24 et 28 SA.
d’anomalie chromosomique repose de plus en plus sou-
vent sur le résultat du test sérique combiné à des critères 5. Surveillance du dernier
échographiques comme la mesure de la clarté nucale lors
de l’échographie du premier trimestre permettant de cal- trimestre de la grossesse
culer un « risque intégré ». En cas de grossesse multiple, il
est souhaitable de privilégier l’évaluation du risque par la 5.1. Examens biologiques
seule mesure des clartés nucales intégrée à l’âge. du troisième trimestre
Le dosage ne peut être effectué que dans un centre agréé. Ils sont résumés dans le tableau I.
La réglementation prévoit qu’une autorisation soit délivrée Il n’y a pas d’examens biologiques spécifiques à demander
pour une durée de 5 ans par l’agence régionale de l’hos- dans le cadre de la consultation d’anesthésie obligatoire en
pitalisation aux laboratoires qui pratiquent ces analyses fin de grossesse. Un bilan de coagulation (TP, TCA, fibri-
(articles L. 2131-1 et R. 2131-5-5 à R. 2131-9 du CSP). nogène, plaquettes) est demandé par certaines équipes et
Le rapport de la HAS sur l’évaluation des stratégies de peut être complété en cas d’antécédent hémorragique ou
dépistage de la trisomie 21 [7] rappelle que l’Agence de la de thrombophilie. Cependant, l’évaluation des anomalies de
biomédecine délivre également un agrément aux praticiens l’hémostase est limitée par les modifications de la coagulation
biologistes valable pour une durée de cinq ans (articles liées à la grossesse [1, 3, 4, 20]. Les tests standards de coa-
R. 2131-3 à R. 2131-5-4 du CSP). gulation sont peu modifiés par la grossesse et l’élévation de la
Inflammation
Augmentation (valeurs à la première heure : 30-90 mm) limitant considérablement son intérêt pendant
Vitesse de sédimentation
la grossesse
Triglycérides Augmentation jusqu’à 2-3 g/l si > 10 g/l : hypertriglycéridémie maligne gestationnelle
Enzymes sériques
Augmentation progressive à partir de 20 SA jusqu’à 80 UI/l liée au passage des PAL placentaire et
Phosphatases alcalines (PAL)
osseuse fœtales. La concentration de l’isoforme 5’Nucléotidase hépatique n’est pas modifiée
Lacticodéshydrogénase Aucune
Amylasémie-Lipasémie Aucune
Coagulation
TCA Inchangé
Électrolytes
Gaz du sang
pO2, pH Inchangés
Protéines
Urines
Glycosurie Positive avec des glycémies normales car abaissement du seuil rénal du glucose
B. Précautions d’envoi
C. Lieu d’envoi
de lavage broncho-alvéolaire. Dans le sang maternel, il est membranes, en revanche sa valeur prédictive négative en
capital d’effectuer des prélèvements avant toute transfusion. cas de menace d’accouchement prématurée est excellen-
Le prélèvement s’effectuera de préférence sur le sang d’origine te [15]. La recherche d’IGFBP1 (insulin growth factor binding
centrale mais à défaut le sang périphérique peut être protein 1) est l’examen le plus utilisé pour le diagnostic
utilisé (figure 2). Le diagnostic peut être posé même de rupture des membranes. C’est un examen simple qui
rétrospectivement 24 à 48 heures après l’accident [8]. peut être pratiqué dès 13 SA au lit du patient grâce à des
Le protocole est disponible sur le site du réseau Aurore kits de détection (seuil 25 μg/L, Actim®-PROM, PROM-
(http://www.aurore-perinat.org). test®) et dont la sensibilité et la spécificité en l’absence
de contamination sanguine sont bonnes [21].
6.4. Diagnostic de la rupture
des membranes
Le diagnostic biologique de la rupture prématurée des
7. Conclusions
membranes revêt une importance capitale parce que la
fissuration asymptomatique de la poche des eaux expose Les examens biologiques effectués chez la femme enceinte
au risque de chorio-amniotite. L’injection d’un colorant constituent un élément fondamental de la surveillance de la
dans la cavité amniotique est l’examen de référence mais grossesse. Les modifications physiologiques doivent être
ce geste invasif n’est pas envisageable en routine et doit connues des biologistes et des cliniciens. L’interprétation
être réservé à des situations spécifiques de diagnostic des résultats dépend habituellement du contexte clinique
prénatal. Des prélèvements vaginaux permettent de pra- mais des perturbations biologiques peuvent parfois précé-
tiquer différents tests diagnostiques. Chacun des tests der la symptomatologie ou parfois même constituer le seul
présente ses propres inconvénients [21]. Le test à la nitra- point d’appel pour une pathologie. Le biologiste joue donc
zine (réaction colorimétrique pH dépendante, Amnicator®) un rôle central dans la surveillance de la femme enceinte.
est simple d’utilisation mais aspécifique, la recherche de En cas d’anomalie, il est important d’avertir directement le
diamine oxydase manque de sensibilité surtout avant clinicien car certaines pathologies peuvent se développer
20 SA et sa technique de dosage est lourde (dosage radio- rapidement. De la qualité de cette interaction dépend la
isotopique). Le dosage de la fibronectine fœtale n’est pas qualité de la surveillance mise en œuvre pour la sécurité
performant pour le diagnostic de rupture prématurée des de la mère et du fœtus.
Vous trouverez les questions à choix multiple concernant cet article à la page 601 ou sur internet sous www.smf-cme.ch.
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cations durant la grossesse. Dans l’étude citée, la
metformine était immédiatement interrompue
30 en cas de test de grossesse positif. Ces résultats
suggèrent clairement que la metformine seule
n’est guère efficace, et qu’elle ne devrait être don-
20 née, en association avec le citrate de clomiphène,
qu’en cas de non réponse au citrate de clomiphène
seul. On remarquera à ce propos que la prescrip-
10 tion de la metformine dans le SOPK revient, dans
notre pays, à une utilisation «off label», dans la
mesure où cette indication n’a pas été enregis-
0 trée. Bien que la metformine ne semble pas être
Metformine Citrate de clomiphène Metformine + citrate tératogène aux doses usuelles, elle reste à l’heure
de clomiphène actuelle contre-indiquée durant la grossesse.
Figure 3
Les taux de grossesses par couple et de naissances de fœtus vivants étaient statistiquement
significativement supérieurs sous citrate de clomiphène seul et en association avec la metformine Conclusion
que ceux constatés avec la metformine seule (500 mg par jour) (p <0,01) [12].
Bien que le syndrome des ovaires polykystiques
néralisée, comme d’ailleurs dans le traitement (SOPK) constitue la maladie endocrinienne la plus
primaire de la stérilité associée au SOPK. Comme fréquente chez les femmes en âge de procréer, le
cette pratique était fondée sur des résultats d’es- tableau clinique est hétérogène et reste difficile à
sais obtenus chez un petit nombre de cas [11], définir clairement. Les troubles du cycle menstruel,
une grande étude multicentrique a été mise sur les signes d’hyper-androgénisme et l’élévation des
pied pour tester de manière prospective l’effica- taux de testostérone sont des critères obligatoires
cité dans le SOPK de la metformine seule (208 pa- pour ce diagnostic. Chez la plupart des patientes,
tientes), du citrate de clomiphène seul (209 pa- on observe à l’ultrasonographie l’image typique
tientes) et de l’association metformine plus citrate de follicules arrangés en collier de perles à proxi-
de clomiphène (208 patientes) [12]. Le taux de mité de la surface des ovaires. Si une résistance
naissances de fœtus vivants s’est avéré significa- à l’insuline est souvent présente chez les patientes
tivement plus bas sous metformine seule (500 mg avec SOPK, la détermination de l’insulinémie ne
par jour) qu’avec le citrate de clomiphène seul et fait pas partie des examens diagnostiques. Le trai-
le traitement combiné. Ce dernier a bien induit tement symptomatique fait appel aux substances
un taux de naissances de fœtus vivants plus élevé antiandrogéniques et aux œstrogènes. En cas de
que le citrate de clomiphène seul (+4,3%), mais la désir de grossesse, le citrate de clomiphène reste
différence n’était pas statistiquement significa- le traitement de choix pour inverser l’anovulation
tive. Ce qui est intéressant, c’est que le taux de chronique.
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cdegeyter@uhbs.ch J Med. 2007;356:551–66.
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ANCAAN-418; No. of Pages 2 ARTICLE IN PRESS
Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com
Fait clinique
Takayashu et grossesse
Takayashu and pregnancy
L. Belyamani a,∗ , H. Azendour a , A. Elmoqadem a , J. Kouach b , S. Zidouh a , N. Drissi Kamili a
a Service d’anesthésiologie, hôpital militaire Mohamed-V, BP 2561, Rabat, Maroc
b Service de gynécologie obstétrique, hôpital militaire Mohamed-V, Rabat, Maroc
Reçu le 21 juin 2007 ; accepté le 13 juillet 2008
Résumé
La maladie de Takayashu est une artérite touchant l’aorte et la portion initiale de ses branches. La grossesse au cours de la maladie de Takayashu
peut entraîner des complications maternelles et/ou fœtales. Nous rapportons le cas d’une patiente, âgée de 33 ans, primipare, suivie pour maladie
de Takayashu qui a présenté à 37 semaine d’aménorrhées une pré-éclampsie avec une insuffisance ventriculaire gauche. Après mise en condition
et stabilisation de l’état de la patiente, une césarienne prophylactique a été indiquée, sous anesthésie générale et a permis l’extraction d’un bébé
à terme hypotrophe. La grossesse est licite en cas de maladie de Takayashu non ou peu compliquée, à la condition d’une surveillance médicale
stricte ayant pour objectif principal la bonne gestion de l’HTA. La grossesse sera évitée, voire même interrompue dans les formes sévères de
l’aorto-artérite.
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Abstract
Takayashu arteritis is a chronic inflammatory disease of the large arteries, usually affecting the aorta and its large branches and the pulmonary
arteries, with a higher incidence during the childbearing years. We report the case of a 33-year-old patient, primigravida with Takayashu arteritis
diagnosed three years ago. At 37 weeks of gestation, she was admitted for a pre-eclampsia and a left ventricular insufficiency. Elective caesarean
section under general anesthesia after joint decision between the attending obstetrician and the medical and anesthetic consultants, and allowed the
extraction of a hypotrophic baby. The association of pregnancy with Takayashu’s arteritis is almost always uneventful. It is associated with high
values of maternal blood pressure and severe intra-uterine growth retardation.
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La maladie de Takayashu est une artérite touchant l’aorte logiques a été discutée mais la maladie de Takayashu n’est en
et la portion toute initiale de ses branches : principalement les aucun cas contagieuse [1]. La grossesse au cours de la mala-
artères rénales, les artères iliaques, les artères sous-clavières et die de Takayashu peut entraîner des complications maternelles
les artères carotides. L’inflammation de l’aorte (aortite) entraîne et/ou fœtales. Nous rapportons le cas d’une patiente, âgée de
l’épaississement de sa paroi, le rétrécissement de sa lumière 33 ans, primipare, suivie pour des accidents vasculaires céré-
et réduit donc le flux de sang oxygéné qu’elle distribue aux braux ischémiques multiples sur maladie de Takayashu sous
différents organes. La cause de la maladie de Takayashu reste corticothérapie et anti-agrégants plaquettaires. Le diagnostic de
inconnue si bien que l’on parle souvent « d’aorto-artérite non la maladie de Takayashu a été établi il y a trois ans. L’angio IRM
spécifique ». La possibilité de causes infectieuses ou immuno- cérébrale a montré un accident vasculaire cérébral ischémique
(AVCI) dans le territoire de la cérébrale moyenne, AVCI ancien
au niveau de la capsule interne droite, paraventriculaire gauche
∗ Auteur correspondant. et au niveau du tronc cérébral, avec un aspect grêle et irrégu-
Adresse e-mail : lbelyamani@hotmail.com (L. Belyamani). lier des vaisseaux à destiné encéphalique en rapport avec des
0003-3928/$ – see front matter © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.ancard.2008.07.008
Pour citer cet article : Belyamani L, et al. Takayashu et grossesse. Annales de Cardiologie et d’Angéiologie (2008),
doi:10.1016/j.ancard.2008.07.008
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2 L. Belyamani et al. / Annales de Cardiologie et d’Angéiologie xxx (2008) xxx–xxx
lésions de vascularite. Une TDM thoraco-abdominale a mon- être introduite. L’hypertension artérielle doit être traitée énergi-
tré une sténose étagée de l’aorte abdominale avec sténose totale quement avec les inhibiteurs calciques ou les ␣- et -bloquants.
de l’aorte sous rénale. L’échocardiographie a montré une cardio- Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion sont contre-indiqués
myopathie hypertrophique du VG. L’écho-doppler des vaisseaux du fait de leur toxicité fœtale. En cas d’atteinte des artères sous-
du cou a montré une atteinte artérielle diffuse non athéroma- clavières, ce qui est particulièrement fréquent au cours de la
teuse. Le fond d’œil a montré un œdème du pole postérieur maladie de Takayashu, la prise de la pression artérielle au bras
bilatéral intéressant la macula avec un syndrome subocclusif devient non fiable car sous-estime la pression systémique. La
de l’artère centrale de la rétine. La patiente a été hospitalisée prise de pression artérielle à la jambe est alors l’élément de
à 37 semaines d’aménorrhées pour pré-éclampsie avec dyspnée référence en l’absence de sténose sur l’aorte descendante [3].
stade III de la NYHA et hypertension artérielle. À l’admission, Les femmes jeunes étant atteintes plus fréquemment que les
la patiente était consciente, polypneique avec une fréquence à hommes, la question de la possibilité d’une grossesse se pose.
35 cycles par minutes, des râles crépitants au niveau des deux Il est important d’en discuter longuement et à plusieurs reprises
champs pulmonaires, et une hypertension artérielle estimée à avec son médecin, qui pourra évaluer les risques pour la gros-
189/123, L’examen neurologique trouvait une mono parésie sesse dus à la maladie et les risques d’aggravation de la maladie
du membre supérieur droit, prédominant aux extenseurs, des dus à la grossesse. Dans certains cas, une contraception devra
réflexes ostéotendineux vifs et diffus aux quatre membres, un être mise en route pendant un certain temps, notamment au cours
réflexe cutané plantaire présent à droite, pas de trouble de la sen- d’un traitement par un immunosuppresseur. Dans d’autres cas,
sibilité superficielle ni arthrokinétique, la paire crânienne étaient une grossesse sera possible tout en continuant le traitement, sous
intacts ; pas de trouble de coordination. L’échographie obstétri- contrôle médical régulier. Chaque cas est particulier, en fonction
cale a montré une grossesse monofœtale évolutive. Après mise de la localisation des lésions artérielles, des complications liées
en condition et stabilisation de l’état de la patiente sous anti- à la maladie, du stade évolutif de celle-ci et des traitements en
hypertenseurs : inhibiteurs calciques ; la nicardipine en continu cours. Par ailleurs, Sharma et al. ont trouvé que parmi 17 nais-
en pousse seringue électrique et un dérivée nitré, une césa- sances à terme, cinq bébés ont eu un faible poids à la naissance
rienne prophylactique a été indiquée, sous anesthésie générale dû à un retard de croissance. Intra-utérin, cette incidence élevée
et a permis l’extraction d’un bébé à terme hypotrophe, de a été liée à une hypertension non contrôlé et à la participation
poids de naissance 1700 g, avec un Apgar à 8 à la première de l’aorte abdominale des mères [4]. Le retard du traitement
minute et devenu 10 à la cinquième minutes. Les suites ont été entraîne un environnement défavorable pour le fœtus. Ishikawa
simples. et Matsuura [5], et Wong et al. [6] ont rapporté une incidence
La maladie de Takayashu affecte des femmes dans l’âge de élevée de retard de croissance intra-utérine et d’hypertension et
procréation. L’âge moyen d’apparition est habituellement dans la participation de l’aorte abdominale maternelle ont été citées
la deuxième et troisième décade de la vie. Par conséquent, il comme facteurs étiologiques pour la même chose.
n’est pas rare de rencontrer cette maladie pendant la grossesse. En conclusion, la grossesse est licite en cas de maladie de
Et c’est le niveau de pression artérielle qui détermine l’évolution Takayashu non ou peu compliquée, à la condition d’une sur-
au cours de la grossesse [1]. De ce fait, les patientes présen- veillance médicale stricte ayant pour objectif principal la bonne
tant la maladie de Takayashu doivent avoir une surveillance très gestion de l’HTA. La grossesse sera évitée, voire même inter-
rapprochés avant et pendant la grossesse pour avoir un équi- rompue dans les formes sévères de l’aorto-artérite.
libre stricte de la tension artérielle. Par ailleurs, les grossesses
rapportées au cours de la maladie de Takayashu sont à haut Références
risque d’hypertension artérielle et d’éclampsie, particulièrement
lorsqu’il y a une atteinte des artères rénales. Les artères pulmo- [1] Matsumura A, Moriwaki R, Numano F. Pregnancy in Takayashu arteritis
naires sont touchées près d’une fois sur deux dans la maladie from the view of internal medicine. Heart Vessels Suppl 1992;7:120–4.
[2] Doria A, Iaccarino L, Ghirardello A, Briani C, Zampieri S, Tarricone E.
de Takayashu. La grossesse peut en être un mode de révéla-
Pregnancy in rare autoimmune rheumatic diseases: UCTD, MCTD, myositis,
tion du fait de l’augmentation du volume plasmatique pouvant systemic vasculitis and Behçet disease. Lupus 2004;13:690–5.
révéler ou aggraver une HTAP. C’est un risque qui peut concer- [3] Hachulla E, Launay D. Complications maternelles graves des maladies sys-
ner jusqu’à un quart des grossesses survenant au cours de la témiques auto-immunes. Reanimation 2007;16(5):393–402.
maladie de Takayashu [2]. En cas de poussée de la maladie au [4] Sharmaa BK, Jaina S, Vasishtab K. Outcome of pregnancy in Takayashu
arteritis. Int J Cardiol 2000;75:S159–62.
cours de la grossesse, le traitement recommandé associe habi-
[5] Ishikawa K, Matsuura S. Occlusive thromboaortopathy (Takayashu’s
tuellement les bolus de Solumédrol® 15 mg/kg par jour (sans disease) and pregnancy. Am J Cardiol 1982;50:1293–300.
dépasser 1 g) trois jours consécutifs avec relais de prednisone [6] Wong VCW, Wang RYC, Tse TF. Pregnancy and Takayashu’s arteritis. Am
1 mg/kg par jour. Dans les cas réfractaires, l’azathioprine peut J Med 1983;75:597–601.
Pour citer cet article : Belyamani L, et al. Takayashu et grossesse. Annales de Cardiologie et d’Angéiologie (2008),
doi:10.1016/j.ancard.2008.07.008
EMC-Endocrinologie 2 (2005) 105–120
http://france.elsevier.com/direct/EMCEND/
Thyroïde et grossesse
Thyroid and pregnancy
J.-L. Wémeau a,*, M. d’Herbomez b, P. Perimenis a, F.-L. Vélayoudom a
a
Clinique endocrinologique Marc Linquette, Centre hospitalier régional universitaire,
59037 Lille cedex, France
b
Laboratoire de médecine nucléaire, Hôpital Roger Salengro, Centre hospitalier régional universitaire,
59037 Lille cedex, France
MOTS CLÉS Résumé La grossesse accroît les besoins en hormones thyroïdiennes et majore le volume
Grossesse ; thyroïdien. Des décompensations sont possibles si se révèle une situation de carence en
Hormones iode, si le parenchyme thyroïdien est fragilisé par une auto-immunité antithyroïdienne,
thyroïdiennes ; telle qu’elle s’observe chez 10 à 20 % des femmes en âge de procréer. L’équilibre de la
Goitre ; fonction thyroïdienne est d’autant plus impératif que précocement le développement
Hyperthyroïdie ;
cérébral du fœtus est dépendant de la fourniture maternelle transplacentaire en hormo-
Hypothyroïdie ;
Carence en iode ;
nes thyroïdiennes. La grossesse majore le volume du goitre, favorise son remaniement
Allaitement ; nodulaire et potentiellement la croissance d’éventuels nodules cancéreux. L’hyperthy-
Thyroïdite du roïdie doit être reconnue et précocement traitée ; en particulier recommandation est
post-partum faite de majorer la substitution hormonale d’environ 30 % dès l’initiation des grossesses.
L’hyperthyroïdie gravidique est présente chez 2 % des femmes enceintes et ce risque
s’accroît en cas de vomissements gravidiques et de grossesses gémellaires. Elle est à
distinguer de la maladie de Basedow de la grossesse qui requiert une surveillance
hormonale et immunitaire, et systématiquement une surveillance du développement
fœtal si le titre des anticorps antirécepteur de la thyroid stimulating hormone est
significativement accru. Les situations de dysfonction thyroïdienne transplacentaire et de
dysthyroïdie néonatale requièrent une étroite coopération entre endocrinologue, obsté-
tricien et pédiatre. Le traitement antithyroïdien ne constitue pas une contre-indication à
l’allaitement. Des réflexions existent quant à l’opportunité d’un dépistage des dysfonc-
tions thyroïdiennes maternelles pré- et postconceptionnelles, et d’une supplémentation
iodée systématique au cours de la grossesse.
© 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Abstract Pregnancy increases the requirements in thyroid hormones and raises thyroid
KEYWORDS
volume. Thyroid disorders may appear in case of iodine deficiency, if the thyroid
Pregnancy;
parenchyma is weakened by thyroid autoimmunity, as observed in 10 to 20% of women of
Thyroid hormone;
Goiter; child-bearing age. The equilibrium of the thyroid function is all the more imperative as
Hyperthyroidism; precociously the cerebral development of the foetus depends on the maternal transpla-
Hypothyroidism; centar supply in thyroid hormones. Pregnancy raises the volume of the goiter, supports its
Iodine deficiency; nodular reorganization and potentially the growth of possible cancerous nodules. Hyper-
Breast feeding; thyroidism must be recognized and early treated; in particular, recommendation is made
Post partum thyroiditis to raise hormonal substitution by approximately 30% as soon as the beginning of pre-
gnancy. Hyperthyroidism during pregnancy is present in 2% of pregnant women and this
* Auteur correspondant.
Adresse e-mail : jl-wemeau@chru-lille.fr (J.-L. Wémeau).
1762-5653/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
doi: 10.1016/j.emcend.2005.01.002
106 J.-L. Wémeau et al.
Introduction
sède une homologie structurale avec les autres maine, correspondant à une valeur proche de
hormones glycoprotéiques (luteinizing hormone 2,5 fois le taux usuel. Cette forte concentration de
[LH], follicle stimulating hormone [FSH] et thy- la TBG à haute affinité hormonale contribue au
roid stimulating hormone [TSH]) dont la sous- nécessaire accroissement de la production hormo-
unité a est commune ; les sous-unités b sont nale : cette augmentation de 1 à 3 % par jour est
spécifiques, mais de structure protéique pro- indispensable pour maintenir un taux stable de T4
che ; l’homologie atteint 85 % entre b-hCG et libre, dont l’équilibre avec la T4 totale répond à la
b-TSH. De ce fait, l’hCG se lie au récepteur de la loi d’action de masse. Les affinités des concentra-
TSH (RTSH). Elle stimule la croissance de l’épi- tions d’albumine et de transthyrétine sont peu mo-
thélium thyroïdien et les différentes étapes de difiées durant la grossesse, et leurs concentrations
la production hormonale.4,5 sont réduites d’environ 10 % du fait de l’hémodilu-
On évoque aussi le rôle d’un autre élément : tion.13
l’importante activité de la désiodase placentaire. En liaison avec la TBG accrue, les concentrations
Cette désiodase de type III est plus active sur la des formes totales d’hormones thyroïdiennes (T4,
tri-iodo-3,5,3’ thyronine (T3) que sur la thyroxine T3) augmentent très précocement dès le début de
(T4). Elle contribue à l’inactivation hormonale en la grossesse, se stabilisent à un plateau proche de
transformant la thyroxine maternelle en rT3 (re- 1,5 fois la valeur usuelle et reviendront aux valeurs
verse T3 ou T3 inverse) dans l’unité fœtoplacentaire prégestationnelles dans les 6 à 8 semaines qui sui-
au cours de la deuxième moitié de la gestation.6,7 vent l’accouchement.14 Les concentrations des for-
mes libres (FT4, FT3) sont peu modifiées tout au
Modifications du volume thyroïdien long de la grossesse. Malgré tout, une augmentation
ou une diminution des hormones libres est possible,
L’accroissement du volume thyroïdien au cours de dépendante des populations étudiées et des métho-
la grossesse est une notion connue depuis l’Anti- dologies utilisées.15 Recommandation est faite par
quité. Elle a été authentifiée et quantifiée par les sociétés (National Academy of Clinical Bioche-
l’échographie.1,8,9 À Bruxelles, Glinoer et al. ont mistry [NACB]) d’interpréter les résultats au cours
montré que le volume thyroïdien s’accroît chez de la grossesse en fonction des normes spécifiques
80 % des femmes enceintes : de 20 à 130 %, en de la méthode de dosage.16 Le plus souvent est
moyenne de 30 %. Ceci est lié à l’action de l’hCG observée une réduction relative des concentrations
placentaire, éventuellement d’autres hormones hormonales (de l’ordre de 20 à 30 %), ce qui résulte
trophiques (comme les œstrogènes, l’hormone de de l’hémodilution, de la carence en iode et de
croissance et l’insulin-like growth factor [IGF]1, et raisons méthodologiques.17
la TSH en fin de grossesse). Contribue aussi à l’ac- La TSH s’abaisse au premier trimestre, et parfois
croissement du volume thyroïdien le déficit iodé. jusqu’au début du second trimestre, en miroir de
La sensibilité du parenchyme thyroïdien à l’action l’accroissement de l’hCG placentaire (une augmen-
trophique de la TSH est inversement corrélée au tation de l’hCG de 10 000 U/ml réduit la TSH de
contenu intrathyroïdien en iode.10 À Bruxelles, 0,1 mU/ml)1 (Fig. 2). En pratique, 10 à 20 % des
comme à Toulouse, l’augmentation du volume thy- femmes enceintes ont, en début de grossesse, une
roïdien était inversement corrélée avec le degré de diminution de la TSH. À ce stade, une hyperthyroï-
la carence en iode.11,12 die ne saurait être reconnue que par l’accroisse-
ment des concentrations de FT4 et/ou FT3. En fin de
Modifications hormonales et protéiques grossesse, peut se démasquer une augmentation
discrète de la TSH.
Physiologiquement les hormones thyroïdiennes sont
transportées par trois protéines : l’albumine, la
transthyrétine (thyroxin binding pre albumin,
TBPA) et la TBG. La TBG possède la concentration la
plus faible, mais une très forte affinité pour les
hormones thyroïdiennes, de sorte qu’elle assure le
transport d’environ 68 % de la T4 et de 80 % de la T3.
Au cours de la grossesse, l’hyperœstrogénie d’une
part accroît la synthèse hépatique de la TBG,
d’autre part majore sa sialylation, ce qui prolonge
sa demi-vie.1,2 De ce fait, la concentration de la Figure 2 Courbes en miroir de thyroid stimulating hormone
TBG augmente progressivement dès le début de la (TSH) et de human chorionic gonadotropin (hCG) au cours de la
grossesse, et atteint un plateau vers la 20e se- grossesse selon Glinoer et al.14.
108 J.-L. Wémeau et al.
En dépit des incertitudes pathogéniques, il appa- Faut-il traiter ? Il n’y a pas de gêne à supplémen-
raît dès à présent évident que le développement ter par l’hormone thyroïdienne (exemple : lévothy-
psychomoteur des enfants à naître est intimement roxine 75 à 100 lg/j), qui stabilise ou réduit le
dépendant du statut thyroïdien maternel. Des ré- volume du goitre. La médication agit d’une part en
percussions sur le pronostic intellectuel, même diminuant la concentration de TSH, d’autre part
subtiles, sont possiblement liées à une carence par un freinage direct des cellules thyroïdiennes.
iodée, à une auto-immunité antithyroïdienne mé- Potentiellement, l’hormone thyroïdienne qui ré-
connue, ou une hypothyroïdie insuffisamment équi- duit la TSH et l’activité du symporteur de l’iodure
librée. est susceptible d’inhiber la pénétration intrathyroï-
dienne de l’iode et d’aggraver le déficit en iode de
la glande thyroïde. L’iodure de sodium, l’associa-
Vers un dépistage tion iodure de sodium et lévothyroxine, devraient
être prochainement disponibles, et sur de meilleu-
Ceci conduit à une réflexion sur l’opportunité d’un res bases physiopathologiques, permettre une cor-
dépistage individuel ou collectif, puisque la pré- rection de la goitrogenèse liée à la grossesse.
vention et le traitement de la dysfonction thyroï-
dienne sont possibles.28 Celui-ci doit-il être réalisé Nodule thyroïdien et grossesse
systématiquement ou seulement dans les popula-
tions exposées (antécédent personnel ou familial Environ 1 à 2 % des femmes jeunes en âge de
de maladie thyroïdienne, présence d’un goitre) ? procréer sont porteuses d’un nodule thyroïdien pal-
Faut-il l’envisager avant la conception, ou au pre- pable. Si parmi ces nodules la proportion des can-
mier trimestre de la grossesse ? Les mesures cers est de 5 à 10 %, environ une femme enceinte
doivent-elles porter sur la seule TSH, ou sur FT4 et sur 1 000 aurait par conséquent un nodule cancé-
TSH ? Faut-il déterminer les titres d’anticorps anti- reux palpable.31,32 La prévalence des nodules s’ac-
thyroïdiens (anti-TPO et en cas de négativité, anti- croît avec la parité.19,33,34
thyroglobuline) ? La mesure de l’iodurie est-elle En dépit des impressions initiales, liées à des
utile ? biais de sélection,35,36 il ne semble pas que la
On pressent à quel point les incidences économi- proportion de nodules cancéreux soit plus impor-
ques et psychologiques de ce dépistage seront tante durant la grossesse, ni que la grossesse soit un
considérables. facteur d’aggravation du pronostic.30,32,34 L’éva-
D’ores et déjà, il est sûr que la supplémentation luation se fonde comme traditionnellement sur les
par l’apport physiologique d’iodure (100 à 200 lg/j) taux de TSH, l’évaluation échographique et le re-
ne pose aucun risque, même si la femme enceinte cours à la ponction pour étude cytologique (Fig. 3).
dispose déjà d’un apport en iode suffisant.29 Elle Celle-ci reste fiable et sans danger à tous les tri-
pourrait être largement diffusée, comme elle l’est mestres de la grossesse.37,38 Il est recommandé
déjà en Belgique, indépendamment de toute déter- d’intervenir chirurgicalement au 2e trimestre pour
mination biologique. opérer les nodules cliniquement ou cytologique-
ment suspects (Fig. 3).
Figure 3 Arbre décisionnel. Évaluation et prise en charge des nodules thyroïdiens au cours de la grossesse, d’après30. TSH : thyroid
stimulating hormone ; FT3 : tri-iodo-3,5,3’ thyronine libre ; FT4 : thyroxine libre.
Figure 4 Ontogenèse du système nerveux central (SNC) durant la vie fœtale et postnatale. Relations avec la disponibilité en hormones
thyroïdiennes d’origine maternelle et fœtale, d’après45. ESA : espaces sous-arachnoidiens.
1er trimestre peut aussi engendrer un petit poids de est conseillé de réduire la consommation de sel
naissance,1,46 un déficit intellectuel modéré à sé- durant la grossesse. La mesure de l’iodurie (en lg/l
vère :57 crétinisme (QI plus bas que la moyenne, ou lg/24 h) est assez peu performante à titre
développement plus lent du langage avec mutisme individuel, puisqu’elle représente un reflet instan-
parfois, performances scolaires inférieures) ainsi tané de l’apport iodé. C’est de plus un dosage hors
qu’un déficit moteur spastique plus ou moins pro- nomenclature, non pris en charge par l’assurance
noncé.1,46 maladie. D’où l’opportunité pratique d’une supplé-
Quelques rares cas d’hyperthyroïdie fœtale ont mentation iodée systématique (100 lg/j, soit
été décrits chez des patientes enceintes atteintes 1 comprimé à 130 lg d’iodure de potassium) dont
de thyroïdite d’Hashimoto avec présence d’anti- les comprimés seront disponibles en France en
corps anti-RTSH se comportant chez le fœtus 2006.
comme des anticorps thyréostimulants (TSAb ou Besoins en hormones thyroïdiennes. Si l’hypothy-
thyroid stimulating antibodies).57 roïdie est connue avant la grossesse, il est en pra-
tique recommandé d’augmenter d’environ 30 %
Prise en charge thérapeutique l’apport en hormone thyroïdienne dès qu’a été
obtenue la confirmation de la grossesse, et de
Prévention procéder ultérieurement à une adaptation de la
Carence iodée. La carence iodée sévère constitue posologie pour obtenir l’équilibre hormonal.49 La
un problème de santé publique majeur. Le but est TSH doit être surveillée régulièrement et la posolo-
de traiter le déficit préventivement avant ou au gie substitutive augmentée de façon à obtenir une
tout début de la grossesse pour permettre l’aug- TSH proche de 1 mU/l tout au long de la grossesse.
mentation de la production thyroïdienne avant le Diagnostic précoce. Un dosage de TSH et des anti-
2e trimestre et prévenir les complications.48 corps anti-TPO est à recommander avant la 12e se-
L’OMS recommande 200 lg/j d’apports en iode. maine de grossesse en cas d’antécédents familiaux
La consommation de sel marin enrichi (Cérébos de thyropathie, d’antécédent de thyroïdite du
iodé, La Baleine), de fruits de mer, de certains post-partum ou de dysthyroïdie antérieure, de mé-
poissons y contribue, mais insuffisamment puisqu’il dication iodée, de zone géographique de carence
Thyroïde et grossesse 113
Tableau 1 Comparaison des hyperthyroïdies gestationnelles et des hyperthyroïdies liées à la maladie de Basedow.
Hyperthyroïdie gravidique Maladie de Basedow
Signes antérieurs à la grossesse non habituels
Intensité des signes thyrotoxiques discrète à modérée discrète, modérée, intense
Nausées, vomissements habituels rares
Goitre absent ou discret habituel
Signes oculaires non possibles
Anticorps anti-RTSH non habituels
RTSH : récepteur de la thyroid stimulating hormone.
114 J.-L. Wémeau et al.
sesse implique une immunosuppression relative divers auteurs.57 L’hyperthyroïdie fœtale est géné-
pour éviter le rejet semi-allogénique du fœtus, ce ralement liée au passage transplacentaire des anti-
qui rend compte de la baisse des anticorps anti- corps anti-RTSH, souvent diagnostiquée au 2e tri-
RTSH ; de plus, l’élévation rapide des taux de TBG mestre.72 La thyrotoxicose congénitale chez les
sérique pendant le 1er trimestre s’associe à une prématurés est rare (environ une grossesse sur 70)
augmentation de la capacité de liaison avec les indépendamment de l’état hormonal maternel, ex-
hormones thyroïdiennes, ce qui minore les fractions plicable par le passage transplacentaire des anti-
libres de T4 et T3 ; enfin la perte d’iode réduit la corps anti-RTSH stimulants. Le risque relatif de
disponibilité en iodures pour la synthèse des hormo- petit poids de naissance augmente avec l’obtention
nes.1,63,64,69 tardive de l’euthyroïdie. L’hyperthyroïdie néona-
Les complications liées à l’hyperthyroïdie pen- tale retardée se manifeste par une tachycardie
dant la grossesse, qu’elles soient maternelles, fœ- supérieure à 170 battements par minute, l’absence
tales ou néonatales, justifient l’étroite collabora- de prise de poids, une érythrose, une insuffisance
tion entre obstétricien, endocrinologue et cardiaque. Un traitement par ATS à la posologie de
pédiatre. 1 mg/kg/j pour le carbimazole ou 3 à 5 mg/j pour le
propylthiouracile (PTU) est prescrit. La maladie de
Risques maternels de l’hyperthyroïdie chez Basedow néonatale se résout souvent spontané-
la mère ment après 3 à 12 semaines avec l’élimination des
La prééclampsie, les fausses couches spontanées et anticorps anti-RTSH maternels.73
accouchements prématurés, les décompensations La surveillance par échographie fœtale est re-
cardiaques des cardiopathies congestives, les rup- commandée dès le 5e mois de grossesse. Elle per-
tures placentaires, la majoration du risque d’ané- met de rechercher les signes d’hyperthyroïdie fœ-
mie et d’infections, et les états de thyrotoxicose tale. Le goitre fœtal peut être lié, soit à l’apport
sévère s’observent dans 21 % des cas. L’intensité des ATS (goitrigène) chez la mère, soit au passage
mais aussi la durée de la thyrotoxicose sont un des anticorps anti-RTSH. L’étude doppler permet
facteur de risque maternofœtal important.63,64 de rechercher une hypervascularisation. Le monito-
ring fœtal montre une tachycardie supérieure à
Retentissements de l’hyperthyroïdie maternelle 170 battements par minute et peut justifier la
chez le fœtus réalisation d’une échographie cardiaque fœtale.
Le retard de croissance intra-utérin, l’hydrops, la La détermination des anticorps anti-RTSH chez
défaillance cardiaque, la craniosynostose, l’accélé- la mère doit donc être précoce (en début du 2e ou
ration de la motilité fœtale et de la maturation en fin du 1er trimestre) et fonction de la clinique.
osseuse, le goitre fœtal, la prématurité (53 %), Des taux élevés augmentent le risque d’hyperthy-
l’hyperthyroïdie fœtale et néonatale (0,1 à 0,2 % à roïdie fœtale du fait du passage transplacentaire
l’accouchement), la mort néonatale sont observés des anticorps (1 à 10 % des enfants nés de mères
(24 %). Le goitre néonatal peut être responsable atteintes ou ayant des antécédents de maladie de
d’une dystocie mécanique par déflexion de la tête Basedow). Le devenir fœtal et maternel est direc-
et de sténose trachéale. En cas de maladie de tement lié au contrôle de l’hyperthyroïdie.
Basedow diagnostiquée avant l’âge de 20 ans ou Des recommandations pour le dosage des anti-
évoluant depuis 10 ans ou plus, de diagnostic d’hy- corps anti-RTSH ont été établies par l’European
perthyroïdie après 30 semaines de grossesse, il Thyroid Association (ETA) en 1997 :74 le dosage des
existe un risque significativement plus élevé de anticorps anti-RTSH n’est pas recommandé en cas
petit poids de naissance. L’hyperthyroïdie non d’antécédents de maladie de Basedow guérie par
contrôlée chez la mère peut s’accompagner d’une les ATS avec obtention d’une euthyroïdie mais il
augmentation de l’incidence des malformations reste de mise en cas d’antécédents de chirurgie ou
congénitales (anencéphalie, fente palatine, imper- de traitement par iode 131. Si les taux d’anticorps
foration anale) : 6 % chez les mères non traitées, sont supérieurs à 50 U/l selon la technique par
1,7 % chez les mères traitées par méthimazole et radiocompétition, ou supérieurs à 7 UI/l pour le
0,2 % chez les femmes en euthyroïdie. La mortalité Trak humain et/ou avec une activité stimulante
néonatale par insuffisance cardiaque varie de 15 à supérieure à 300 %, un contrôle doit être réalisé au
25 %, justifiant la mise en route précoce d’un 2e trimestre ainsi que la recherche systématique
traitement par ß-bloquants (propranolol 2 mg/ d’une hyperthyroïdie fœtale (tachycardie, retard
kg/j) et antithyroïdien de synthèse [ATS] (carbima- de croissance, accélération de la motilité fœtale et
zole : 0,5 à 1 mg/kg/j) chez le nouveau-né.70,71 de la maturation osseuse, échographie fœtale avec
L’hyperthyroïdie fœtale et/ou néonatale est évaluation thyroïdienne et recherche d’un goitre)
rare avec une incidence de 1/4 000 à 40 000 selon (Tableau 2). L’intérêt du dosage de la TSH dans le
116 J.-L. Wémeau et al.
liquide amniotique par amniocentèse reste contro- • Maladie de Basedow en rémission ou guérie
versé. Dans certains cas, une cordocentèse pour le après traitement par ATS, iode 131 ou chirurgie.
dosage des hormones thyroïdiennes peut être réa- Une évaluation hormonale et immunitaire est
lisée entre 25 et 27 semaines de gestation après recommandée.
avoir expliqué à la mère les risques de ce geste • Maladie de Basedow non diagnostiquée avant la
(perte fœtale dans 2,7 % des cas, bradycardie fœ- grossesse. Il faudra rechercher des antécédents
tale dans les 24 heures suivant la ponction, mort familiaux de thyropathies auto-immunes, de
fœtale in utero dans moins de 1 % des cas, héma- goitre, d’ophtalmopathies ; dans ce contexte,
tome rétroplacentaire, accouchement prématuré, deux signes sont évocateurs d’hyperthyroïdie :
chorioamniotite). Elle est particulièrement utile l’absence de prise de poids, voire l’amaigrisse-
lorsqu’on s’interroge sur la signification d’un goitre ment pendant la grossesse contrastant avec un
fœtal : hyperthyroïdie du fœtus liée à un passage appétit conservé, et la tachycardie supérieure à
transplacentaire des anticorps stimulants ? Hypo- 90 battements par minute. La présence d’une
thyroïdie fœtale liée aux ATS, ou à des anticorps ophtalmopathie et d’un goitre hypervascularisé
bloquants ? Si se confirme le diagnostic d’hyperthy- et homogène constitue un argument supplémen-
roïdie fœtale, elle permet d’adapter les doses taire en faveur de la maladie de Basedow.1,60
d’ATS administrées à la mère pour traiter l’hyper- Les ATS, PTU, benzylthiouracile et carbimazole,
thyroïdie fœtale.75,76 ont une pharmacodynamique similaire ; ils ont
Le titre des anticorps anti-RTSH chez la mère est une courte durée d’action ; les dérivés du thio-
en effet prédictif du risque d’hyperthyroïdie fœ- uracile sont réputés responsables d’un moindre
tale ou néonatale. La fréquence des complications passage transplacentaire du fait de leur liaison
(autres que les malformations) chez les femmes aux protéines plasmatiques. Un rôle tératogène
traitées est identique à celle de la population géné- des ATS est évoqué, même si leur imputabilité
rale en termes de prématurité (19 % contre 50 % en directe n’a pas été démontrée.78 On a fait état
l’absence de traitement), de thyropathies (100 % en en effet d’aplasie du cuir chevelu (aplasia cutis)
l’absence de traitement), de répercussions obsté- rapportée dans plus de 20 cas sous méthimazole.
tricales (cardiopathies congestives, troubles du On a observé aussi diverses malformations :
rythme, prééclampsie).64,77 atrésie choanale,79 atrésie de l’œsophage, fis-
tule œsotrachéale, hernie diaphragmatique,
Traitement anomalies du septum interventriculaire, dys-
La prise en charge thérapeutique doit être précoce, morphie faciale, omphalocèle. Ces embryopa-
l’objectif étant de réduire le risque maternel et thies sont non spécifiques, aussi observées en
fœtal. l’absence de maladie thyroïdienne et de théra-
Le diagnostic est porté dans trois situations dif- peutique. Toutes ont été constatées sous méthi-
férentes. mazole, jamais sous propylthiouracile. De ce
• Maladie de Basedow active et diagnostiquée fait, lorsque le diagnostic est posé en début de
avant la grossesse, traitée par ATS. Si le traite- grossesse (avant 7 semaines), c’est le PTU qui
ment est débuté avant ou pendant la grossesse, sera préférentiellement utilisé, à posologie mo-
il faut mesurer les anticorps anti-RTSH. Si la deste mais adaptée à l’intensité de l’hyperthy-
valeur est basse ou indétectable, il n’y a guère roïdie (exemple 150 à 300 mg/j). Si la mère
de risque d’hyperthyroïdie fœtale ou néonatale. reçoit du carbimazole, celui-ci sera remplacé
Si le titre des anticorps est accru, il faut recher- par le PTU. Si la grossesse est diagnostiquée
cher une hyperthyroïdie fœtale et néonatale. après 7 semaines d’aménorrhée (SA) et que la
Thyroïde et grossesse 117
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Toxoplasmose et grossesse
Marie-Hélène Bessièresa,*, Sophie Cassainga, Judith Fillauxa, Alain Berrebib
RÉSUMÉ
SUMMARY
L ttoxoplasmose
La l estt une parasitose
it cosmopolite,
lit très
t è répandue
é d chez h
l’homme et l’animal due à Toxoplasma gondii protozoaire intracellulaire. Toxoplasmosis and pregnancy
L’infection en cours de la grossesse peut provoquer une infection congé- Toxoplasma gondii is an ubiquitous intracellular
nitale dont la manifestation clinique la plus fréquente est la choriorétinite. protozoan parasite. Infection during pregnancy
Elle est dépistée dès la naissance ou plus tard avant 10 ans dans 95 % can result in fetal infection. Retinochoroiditis is the
des cas. L’enquête périnatale effectuée en France en 2003 a montré que main complication of congenital toxoplasmosis.
la prévalence d’une immunité chez les femmes enceintes était de 44 %. Retinochoroiditis was diagnosed at birth or may
Il est essentiel pour prévenir l’infection de fournir des recommandations develop later in life before 10 years in 95% of ca-
hygiéno-diététiques, lavage des mains et des instruments de cuisine, ses. The results from the 2003 national perinatal
cuisson des aliments (viande et légumes), peler les fruits, porter des gants survey showed that toxoplasmosis prevalence in
pour tout contact avec la terre, ne pas changer la litière du chat…). La pregnant women was 44%. Prevention of infection
prévention impose aux femmes enceintes séronégatives une surveillance is based on health education (wash hands and
sérologique mensuelle. Le nombre de cas de toxoplasmose congéni- knives, cook meat and vegetables, peel fruits, wear
tale a été estimé en 2000 à 700 par an, soit une incidence de 1 pour gloves after any exposure to soil, don’t change
1 000 naissances vivantes. Un traitement précoce maternel par la spira- litter box of cats). Prevention requires serological
mycine puis par l’association pyriméthamine et sulfamides (sulfadiazine ou surveillance of seronegative pregnant women. The
sulfadoxine) en cas d’infection fœtale prouvée par le diagnostic prénatal number of congenital toxoplasmosis is evaluated
ou néonatal réduit le risque de manifestations cliniques. to 700 every year (incidence 1 for 1000). Mater-
Toxoplasmose congénitale – grossesse – prévention – diagnostic – traitement. nal treatment by spiramycine and combination
of pyrimethamine and sulfonamide (sulfadiazine
or sulfadoxine) when fetal infection is proved by
antenatal or neonatal screening reduces the risk
of clinical manifestations.
La toxoplasmose est une anthropozoonose très répan-
Congenital toxoplasmosis – pregnancy – prevention
due et cosmopolite, due à Toxoplasma gondii (T. gondii),
– diagnosis – treatment.
protozoaire appartenant au Phylum Apicomplexa.
1. L’agent pathogène
Toxoplasma gondii [20, 21, 45] fait par les tachyzoïtes, les bradyzoïtes enkystés ou bien
par les sporozoïtes contenus dans les oocystes.
Le tachyzoïte, forme asexuée à multiplication rapide, de
1.1. Morphologie 6 à 8 μm de long sur 2 à 4 μm de large, a une forme de
Toxoplasma gondii est une coccidie à développement intra-
croissant avec une extrémité antérieure effilée et l’extrémité
cellulaire obligatoire. Il réalise son développement de chat
postérieure arrondie. Il pénètre en 15 secondes dans le
à chat, d’hôte intermédiaire à hôte intermédiaire ou du chat
macrophage par un phénomène actif, différent de la pha-
à un hôte intermédiaire. La transmission du toxoplasme se
gocytose. Ces formes, présentes dans le sang, des liquides
biologiques et les tissus, parasites intracellulaires obliga-
toires, sont fragiles et détruites par l’acidité gastrique. Elles
a Service de parasitologie-mycologie ne sont pas infectantes par voie orale mais le sont par voie
Centre hospitalier universitaire de Rangueil sanguine pour le fœtus dans la toxoplasmose congénitale.
TSA 50032 Elles survivent à 4°C au moins une semaine.
31059 Toulouse cedex 9 Le bradyzoïte est une forme intervenant également dans
b Fédération de gynécologie obstétrique le cycle asexué du parasite, légèrement plus petite que le
Hôpital Paule-de-Viguier tachyzoïte, et de structure très proche mais des différences
TSA 70034 antigéniques et biologiques existent. Des dizaines à des
31059 Toulouse cedex 9 centaines de bradyzoïtes sont enfermés à l’intérieur d’une
structure kystique. La paroi des kystes est constituée de
* Correspondance composants cellulaires et parasitaires. Le kyste permet au
bessieres.mh@chu-toulouse.fr parasite de résister aux mécanismes immunitaires de l’hôte.
Des études in vitro ont montré qu’ils peuvent être détectés
article reçu le 12 février, accepté 14 mars 2007. une semaine après l’infestation. Les bradyzoïtes peuvent se
© 2008 – Elsevier Masson SAS – Tous droits réservés. transformer à nouveau en tachyzoïtes. Les kystes mesurent
oocystes non
sporulés éliminés
avec les féces
kystes tissulaires
ingestion
contamination de kystes
Toxoplasmose transplacentaire par le chat Sporulation > 24 h
congénitale (tachyzoïtes) Survie > 1 an 20 °
ingestiopn
contamination d’oocystes
par l’eau
et la nourriture (nourriture,
eau, terre)
hôtes intermédiaires oocystes sporulés
3.2. Clinique
3.2.1. Toxoplasmose acquise du sujet
immunocompétent [20, 45] Toxoplasmose Sang fœtal
Les formes asymptomatiques sont les plus fréquentes Une congénitale parasitémie
Prévention de la toxoplasmose
Consommer bien
Se laver les mains Porter des gants Manger cuits ou
c ite la viande
cuite iande
après contact Ne pas changer pour jardiner pelés les fruits et
de porc, mouton,
avec la viande, la litière du chat et lors de contact légumes souillés
bœuf…
avant les repas avec la terre par de la terre
ou congelée
de la viande. Eviter la consommation de viande mari- 4.1.3. La prévention tertiaire repose sur le dépistage des
née, fumée ou grillée (comme cela peut être le cas pour toxoplasmoses congénitales grâce au diagnostic prénatal,
le gibier). néonatal et postnatal.
t Lors de la préparation des repas : laver soigneusement
les légumes et les plantes aromatiques surtout s’ils sont 4.2. Traitement [1, 9, 16, 19, 25, 36]
terreux et consommés crus. Laver soigneusement les
ustensiles de cuisine, ainsi que le plan de travail. Se laver 4.2.1. Les médicaments
les mains après contact avec des légumes, des fruits ou de Une des voies métaboliques de Toxoplasma gondii,
la viande crue avant de passer à table. Une bonne hygiène commune à de nombreux protozoaires, est la voie de la
des mains et des ustensiles de cuisine est importante synthèse des folates. Cette voie fait intervenir deux enzy-
pour éviter la transmission de la toxoplasmose pendant mes, la déhydroptéroate synthétase et la dihydrofolate
la grossesse. réductase (DHFR). Les sulfamides et la pyriméthamine,
t Lors des repas pris en dehors du domicile : éviter la en inhibant ces enzymes, provoquent un blocage de la
consommation de crudités et préférer les légumes cuits. La synthèse de l’acide folique chez le parasite. Il en résulte
une carence en folates responsable secondairement d’al-
viande doit être consommée bien cuite ou bien privilégier
térations de la synthèse des bases puriques et de troubles
la consommation de volaille ou de poisson.
de la division cellulaire.
t Eviter les contacts directs avec les objets qui pourraient
La pyriméthamine (Malocide®) antipaludéen de synthèse
être contaminés par les excréments de chats (comme les
a une action antimétabolite en empêchant la transforma-
bacs des litières, la terre) et porter chaque fois des gants
tion de l’acide folique en acide folinique par inhibition de la
en cas de manipulation de ces objets. Désinfecter les bacs
DHFR. La pyriméthamine est parasiticide sur les tachyzoïtes
des litières de chat avec de l’eau de javel.
mais est inactive sur les kystes. Elle a une bonne diffusion
t Eviter le contact direct avec la terre et porter des gants tissulaire placentaire et méningée. Elle a aussi une synergie
pour jardiner. Se laver les mains après des activités de d’action avec les sulfamides et certains macrolides. Sa
jardinage même si elles sont protégées par des gants. demi-vie longue permet son association aux sulfamides
retard. Cette thérapeutique a une toxicité hématologique
4.1.2. La prévention secondaire repose sur le dépistage (anémie, leucopénie, thrombopénie) et doit s’accompagner
des séroconversions en cours de grossesse. Le décret d’une surveillance biologique hebdomadaire. Ces effets
n° 92-144 du 14 février 1992 impose une surveillance sé- secondaires sont réversibles et peuvent être prévenus ou
rologique mensuelle des femmes enceintes séronégatives, corrigés par l’acide folinique.
depuis la déclaration de la grossesse jusqu’à l’accouche- Les sulfamides sont des antifoliques qui agissent en
ment dont l’objectif est de dépister une séroconversion. En inhibant la synthèse d’acide folique par compétition de la
revanche, toute patiente immunocompétente, immunisée déhydroptéroate synthétase, autre étape du métabolisme
antérieurement à la grossesse, ne fait pas l’objet d’une des folates, ce qui explique la synergie avec la pyrimé-
surveillance sérologique particulière. Le diagnostic séro- thamine In vivo, les sulfamides les plus efficaces sont la
logique doit préciser la date de survenue de l’infestation sulfadiazine (Adiazine®) : sulfamide d’action rapide et la
maternelle. Cela est essentiel car fréquence et gravité de sulfadoxine : sulfamide retard.
l’atteinte fœtale en dépendent. Un traitement immédiat La pyriméthamine et les sulfamides agissent en synergie
par la spiramycine doit être institué dès qu’une infection sur la voie de synthèse des folates. Cet effet synergique
de la mère est suspectée pour limiter la multiplication du permet d’utiliser un plus faible dosage de pyriméthamine
parasite. et donc de limiter les risques hématotoxiques.
Figure 5 – Cinétique des anticorps Figure 6 – Dépistage sérologique chez la femme enceinte
dans la toxoplasmose. immunocompétente.
Titre
IgG
négatives
< seuil
IgM
g absentes IgM
g présentes
p
Contamination Séroconversion
IgG positives
> seuil méthode
maturation des anticorps [34]. Un indice d’avidité élevé
exclut une infection acquise dans les 3 à 5 mois précé-
IgM absentes IgM
g présentes
p
dents. Un indice avidité bas peut être le marqueur de la
Immunité Infection récente possible
phase aiguë mais insuffisant pour l’affirmer.
probable
IgG
5.1.1.3. Détection des IgA spécifiques élevées
Mesure de l’avidité des IgG
Les anticorps IgA peuvent être mis en évidence par des 2e sérologie
méthodes comparables à celles détectant les IgM. Il est 21 jours plus tard forte faible
primordial de détecter les IgA pour le diagnostic de la toxo- IgG
plasmose congénitale ou pour différencier une réactivation augmentées Exclusion infection suivi
IgG stables
sérologique d’une primoinfection. Leur mise en évidence récente > 4 à 5 mois* sé
sérologique
peut aider au diagnostic d’une infection récente. Infection ancienne
* en fonction du réactif
6. Conclusion
Pour conclure, malgré une prévention mise en place depuis
1978, la toxoplasmose congénitale pose toujours un problème AC IgA, IgM, IgC+IB
AC IgA, IgM, IgG+IB
Diagnostic
de santé publique en France. De ce fait, le dépistage doit + Diagnostic
Diagnostic parasitologique
être poursuivi. En cas de toxoplasmose survenant en cours parasitologique
néonatal à discuter
de grossesse, un traitement maternel doit être institué le plus
rapidement possible et le diagnostic prénatal de l’infection Bilan + ou - Bilan - Bilan +
fœtale est à préconiser. Si le DPN est négatif et l’échographie
normale, le traitement par la spiramycine est poursuivi jusqu’à
l’accouchement. S’il est positif et l’échographie normale, un
traitement par pyriméthamine et sulfamides est institué en TC TC
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