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Manuel de nutrition

pour le patient diabétique


Chez le même éditeur

Nutrition clinique pratique, 2e édition, par J.-L. Schlienger, 2014, 334 pages.
100 situations clés en médecine générale, coordonné par J.-L. Schlienger, 2013, 462 pages.
Endocrinologie, diabète, métabolisme et nutrition pour le praticien, par J.-L. Wémeau, B. Vialettes
et J.-L. Schlienger, 2014.
Diététique en pratique médicale courante, par J.-L. Schlienger, 2e édition, 2017,
Nutrition préventive et thérapeutique, par J.-M. Lecerf et J.-L. Schlienger, 2016, 334 pages.
Manuel de nutrition
pour le patient
diabétique
Louis Monnier
Professeur émérite à la faculté de médecine de Montpellier, ancien chef de
service des maladies métaboliques au CHU de Montpellier.

Jean-Louis Schlienger
Professeur honoraire de nutrition et médecine interne, ancien chef de service
de nutrition et médecine interne au CHRU de Strasbourg.

Avec la collaboration de
Colette Claude
Docteur es Sciences, ancienne chargée de l'INSERM, Montpellier.

El Azrak Abdelilah
Docteur en médecine, médecin généraliste libéral, Casablanca.

Rochd Driss
Docteur en médecine, médecin généraliste libéral, Casablanca.
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ISBN : 978-2-294-75606-1
e-ISBN : 978-2-294-75627-6

Elsevier Masson SAS, 65, rue Camille Desmoulins, 92442 Issy-les-Moulineaux cedex
www.elsevier-masson.fr
Abréviations

AA acide aminé DSM Diagnostic and Statistical Manual


AAC apport alimentaire conseillé of Mental Disorders
ADA American Diabetes Association DT1 diabète de type 1
ADH alcool déshydrogénase DT2 diabète de type 2
ADN acide désoxyribonucléique EASD European Association for the Study
AG acide gras of Diabetes
AGCC acides gras à chaîne courte EDNOS Eating Disorder not otherwise
AGE advanced glycation end-product specified
AGL acides gras libre EFSA European Food Safety Authority
AGMIS acide gras monoinsaturé EPA acide eicosapentaénoïque
AJD Association d'aide aux jeunes Épifane Épidémiologie en France de
diabétiques l'alimentation et de l'état nutritionnel
AJMT apport journalier maximal théorique des enfants pendant leur première
ALA alpha-linolénique année de vie
AM anorexie mentale ERO espèce réactive de l'oxygène
ANC apport nutritionnel conseillé FDA Food and Drug Administration
Anses Agence nationale de sécurité FOS fructo-oligosaccharide
sanitaire de l'alimentation, GC (gluco)corticoïde
de l'environnement et du travail GIP gastric inhibitory polypeptide
AP activité physique GLP-1 glucagon like peptide-1
ARA II antagoniste du récepteur de GOS galacto-oligosaccharide
l'angiotensine II HAPO hyperglycemia and adverse pregnancy
ATP adénosine triphosphate outcome
BED binge eating disorder HAS Haute Autorité de santé
càc cuillère à café HFCS glucose-fructose
càs cuillère à soupe HGPO hyperglycémie provoquée par voie
CETP cholesteryl ester transfer protein orale
Ciqual Centre informatique sur la qualité HLA human leukocyte antigen
des aliments HTA hypertension artérielle
CMH complexe majeur IDF International Diabetes Federation
d'histocompatibilité IEC inhibiteur de l'enzyme de conversion
CNGOF Collège national des gynécologues IG index glycémique
et obstétriciens français IGF insulin growth factor
DCCT Diabetes Control and Complications IMC indice de masse corporelle
Trial IRM imagerie par résonance magnétique
DDAP denrée destinée à une alimentation LADA latent auto-immune diabetes in adults
particulière LDL low density lipoprotein ou
DER dépense énergétique de repos lipoprotéine de basse densité
DG diabète gestationnel LMR limite maximale de résidus
DHA acide docosahexaénoique LPL lipoprotéine lipase
DJA dose journalière autorisée LPS lipopolysaccharide
DMLA dégénérescence maculaire liée à l'âge MDPH maison départementale des
DPP Diabetes Prevention Program personnes handicapées
DPP-4 dipeptidyl peptidase 4 MdR métabolisme de repos
DPS Diabetes Prevention Study MET metabolic equivalent task
DS déviation standard MIS monoinsaturé
DSEIO dose sans effet indésirable observé MODY Maturity Onset Diabetes of the Young

XV
Abréviations

MONICA Multinational monitoring of trends PPS produit phytosanitaire


and determinants of cardiovascular PREDIMED Primary Prevention of
diseases Cardiovascular Disease with
MRFIT Multiple Risk Factor Interventional Trial a Mediterranean Diet
MTMV modification thérapeutique RCIU retard de croissance intra-utérin
du mode de vie RL radical libre
mTOR mammalian target of rapamycin SFD Société francophone du diabète
NAD adénine dinucléotide SO stress oxydant
NAFLD nonalcoholic fatty liver disease TCA trouble du comportement
NASH nonalcoholic steatohepatitis alimentaire
NES night eating syndrom ou hyperphagie TDM tomodensitométrie
nocturne TXA2 thromboxane A2
NICE National Institute for Health and UKPDS United Kingdom Prospective Diabetes
Care Excellence Study
OMS Organisation mondiale de la santé Unesco United Nations Educational,
PAI projet d'accueil individualisé Scientific and Cultural
PCB polychlorobiphényle Organization
PGI2 prostaglandine I2 ou prostacycline VLCD very low calorie diet
PKC protéine kinase C VLDL very low density lipoprotein ou
PNNS Plan national nutrition santé lipoprotéine de très basse densité
POP polluant organique persistant XOS xylo-oligosaccharide

XVI
Le diabète sucré : CHAPITRE
1
généralités et un peu
d'histoire
L. Monnier

PLAN DU CHAPITRE régulière. En d'autres termes, les personnes qui


Au tout début de l'Antiquité : l'Égypte et les Indes 4 ne sont pas diabétiques souhaitent ne jamais être
Un peu plus tard : la Grèce antique 4 touchées par cette affection qui impose des règles
Quelques siècles plus tard : l'Europe occidentale 4 de vie relativement strictes là où normalement
L'entrée dans l'ère des connaissances scientifiques : il ne devrait pas y en avoir. La crainte de deve-
l'Europe occidentale et l'Amérique du Nord 4
nir diabétique augmente lorsqu'une personne
Quelles seront les prochaines étapes? 9
non diabétique connaît un diabétique dans son
entourage immédiat. La crainte est encore plus
Le diabète sucré est une maladie chronique qui élevée quand il s'agit d'un parent proche et surtout
entraîne de nombreuses contraintes dans la vie quand la personne est informée que le diabète est
quotidienne de ceux qui en sont atteints. Pour évi- une maladie où l'hérédité joue un rôle important.
ter le développement ou la progression des com- Cet ouvrage est destiné à répondre à de nom-
plications qui sont associées à cette maladie, les breuses questions nutritionnelles pratiques que se
patients diabétiques doivent suivre des mesures posent les patients diabétiques et les personnels de
hygiéno-diététiques, une recommandation qui santé qui les prennent en charge.
est plus ou moins bien acceptée. L'obligation de Toutefois, avant d'aborder les problèmes nutri-
réaliser à intervalles réguliers des contrôles gly- tionnels, il convient de préciser que le terme de
cémiques sur une «petite gouttelette » de sang « diabète » n'est pas le plus approprié et qu'il est
capillaire prélevée par auto-ponction au bout préférable de parler d'« états diabétiques ». En
des doigts est souvent considérée comme une effet, même s'il existe des traits communs qui
pratique contraignante, surtout lorsqu'elle se réunissent ces états, la maladie s'exprime de
renouvelle plusieurs fois par jour. Enfin la der- manière différente d'une personne à l'autre. Par
nière contrainte, qui est loin d'être la moindre, souci de simplification, et pour ne pas dire qu'il y
est la nécessité de suivre un traitement antidia- a autant de «diabètes » que de « personnes diabé-
bétique permanent pour contrôler les désordres tiques », les médecins ont depuis de nombreuses
glycémiques engendrés par cette maladie. Les années classé les états diabétiques en deux
contraintes thérapeutiques restent modestes chez grandes catégories : les diabètes dits « insulino-
les personnes pour lesquelles le traitement se dépendants » pour lesquels les injections d'insu-
limite à la prise de comprimés. Elles deviennent line sont indispensables et les diabètes dits « non
©2018,ElsevierMassonSAS.Tousdroitsréservés

beaucoup plus importantes lorsqu'un traite- insulinodépendants » qui peuvent être contrôlés
Manueldenutritionpourlepatientdiabétique

ment insulinique est indispensable. Dans ce cas, par des médicaments non insuliniques. Plus loin,
c'est une ou plusieurs injections d'insuline qui nous verrons que cette classification relativement
doivent être pratiquées à des horaires précis pour simple, nous dirons simpliste, qui était encore
éviter les dérives glycémiques. en vigueur il y a quelques années, a fait l'objet de
Pour les personnes qui ne sont pas diabétiques, révisions successives pour mieux s'adapter à la
beaucoup sont au courant des contraintes liées au réalité scientifique et à l'hétérogénéité des états
diabète parce qu'elles connaissent un proche (ami diabétiques. Pour mieux comprendre le diabète
ou parent) qui est obligé de se piquer plusieurs sucré, il nous paraît utile de faire un bref rappel
fois par jour pour injecter de l'insuline, de suivre historique sur la « saga » des états diabétiques au
un régime et de contrôler sa glycémie de manière cours des siècles.

3
Partie I. Physiopathologie du diabète

Au tout début de l'Antiquité : Quelques siècles plus tard :


l'Égypte et les Indes l'Europe occidentale
La première évocation du diabète semble dater de Après Arété de Cappadoce, l'évolution des connais-
l'époque de l'Égypte ancienne. En effet, c'est sur sances sur le diabète stagna pendant plusieurs
un papyrus écrit par un scribe égyptien il y a plus siècles. En effet, ce n'est que 1 500 ans après J.-C.
de 3 000 ans que figure la première description qu'un médecin Suisse (Paracelsus) mit en évidence
connue d'une maladie caractérisée par l'appari- dans les urines des diabétiques une substance qui
tion chez certaines personnes d'une soif intense et se présentait comme une poudre blanche. À cette
d'une émission abondante d'urine. Cette maladie époque, cette substance, qui était du glucose, fut
était évidemment un diabète insulinodépendant, confondue avec du sel. Cent ans plus tard (1 600
mais à cette époque elle était loin d'être identifiée. après J.-C.), un médecin anglais, Thomas Willis,
La même constatation avait été faite aux Indes par en goûtant les urines de ses malades diabétiques,
des médecins qui vivaient au Ve siècle avant notre identifia cette substance comme étant un sucre.
ère. Sur un manuscrit bouddhiste attribué à un Suite à cette constatation, le terme de diabète sucré
médecin légendaire des Indes du nom de Suçruta, («diabetes mellitus ») fut utilisé pour la première
est décrite une maladie appelée le «madu mehe » fois. Entre la reconnaissance clinique du sucre faite
dont la traduction textuelle est « urine de miel ». par Thomas Willis et l'identification chimique, il
Ainsi le goût sucré des urines était déjà intégré fallut attendre une centaine d'années supplémen-
parmi les signes de cette maladie qui s'accompa- taires. En effet c'est en 1778 qu'un autre médecin
gnait d'une fatigue, d'une perte de poids, d'une anglais Thomas Cawley, en utilisant une méthode
soif intense (polydipsie), d'une envie impérieuse de fermentation assez archaïque mais révolution-
d'uriner avec émission d'urines abondantes (poly- naire pour l'époque, identifia définitivement la
urie). La détection de cette affection était souvent nature chimique sucrée de la substance présente
faite par la constatation d'un attroupement de dans l'urine des patients diabétiques.
cortèges de fourmis attirés par le sucre présent
dans les flaques d'urine répandues au sol par ces

L'entrée dans l'ère des


individus polyuriques.

connaissances scientifiques :
Un peu plus tard : la Grèce l'Europe occidentale
antique et l'Amérique du Nord
Ce n'est que plusieurs siècles plus tard, environ Avec Thomas Cawley se termine une longue
une centaine d'années avant notre ère que le nom époque que certains désignent sous le terme de
de diabète fut prononcé pour la première fois par période «préchimique » du diabète sucré. C'est à
un médecin Grec Arétée de Cappadoce. Le terme partir de ce moment-là que le rythme des décou-
grec «diabetes » qui signifie «passer à travers » vertes s'accélère de manière considérable. Dans
était destiné à caractériser des personnes ayant un cette phase d'accélération des connaissances, il
état pathologique inquiétant et qui entraînait une convient de distinguer deux grandes périodes :
fin dramatique et rapide chez des sujets jeunes. la période préinsulinique qui va de 1800 à 1921
Même le grand Hippocrate, considéré comme (date de la découverte de l'insuline) et la période
le «père de la médecine », n'avait pas, quelques suivante, post-insulinique. C'est à partir de cette
siècles plus tôt (400 ans avant notre ère) parlé de période que des personnes qui étaient condam-
diabète, alors qu'il avait observé et décrit en détail nées à une mort certaine en quelques semaines
l'un des signes cliniques majeurs de la maladie : ou quelques mois furent traitées par de l'insuline
l'émission abondante d'urine, la polyurie, en et purent vivre grâce à ce traitement. En dépit de
l'attribuant non pas au diabète mais à la consom- ses contraintes (injections multiquotidiennes ou
mation excessive de boissons. port d'une pompe à insuline), l'insulinothérapie

4
Chapitre 1. Le diabète sucré : généralités et un peu d'histoire

permet aujourd'hui à la plupart des patients dia- de nos jours. En fait, les recommandations d'Apol-
bétiques de mener une vie familiale, sociale et linaire Bouchardat consistaient à interdire tous les
professionnelle qui se rapproche de plus en plus aliments contenant des glucides y compris ceux
de la vie d'une personne non diabétique. apportant des glucides lents. En revanche, étaient
largement conseillés tous les aliments lipido-
La période préinsulinique protidiques : viandes, œufs, charcuteries. Pour les
boissons alcoolisées, les propositions d'Apollinaire
Dans les années 1800 Bouchardat étaient pour le moins inattendues et
Pendant cette période, Paul Langerhans découvre surprenantes puisqu'il préconisait pour les vins :
en Allemagne que le pancréas, un organe dont «Dans les vingt-quatre heures, un litre de vin
le poids total est de l'ordre d'une centaine de suffit pour un homme, un demi-litre pour une
grammes, contient de petites structures tissulaires femme ». Tout ceci serait considéré aujourd'hui
disséminées en son sein (1 million environ). La comme des propositions absurdes en contradic-
prouesse technique de cette découverte était évi- tion avec ce que recommandent les nutritionnistes
dente car ces structures, désignées ultérieurement et les diabétologues. Il ne faut pas s'en étonner car
sous le nom d'îlots de Langerhans, en hommage à l'hypothèse de départ étant fausse (le diabète était
leur découvreur, ont une masse totale de 2 g. Ceci attribué à une maladie de l'estomac), il était nor-
signifie que si on collecte ces structures pour les ras- mal que les conclusions le soient également.
sembler dans un dé à coudre, elles n'occupent que la
moitié de son volume. Comme nous le verrons plus Plusieurs décennies plus tard
tard, c'est malheureusement la destruction de ces À la fin du XIXe siècle, Oskar Minkowski et Josef
2 g de tissu qui conduit à la forme la plus sévère du
Von Mering démontrent à Strasbourg qu'un diabète
diabète sucré : le diabète insulino-dépendant encore
apparaît chez des chiens auxquels on a enlevé la
appelé diabète «insulinoprive» ou diabète juvénile
totalité du pancréas (pancréatectomie totale). Ces
(car il survient le plus souvent chez des enfants, des
animaux développent les mêmes symptômes que
adolescents ou des adultes jeunes). Aujourd'hui, il
les patients atteints de diabète de type 1 : polypha-
est désigné sous le terme de diabète «de type 1»
gie (faim intense), polydipsie (soif insatiable), poly-
comme nous le verrons plus loin.
urie (émission très abondante d'urine), cachexie
(perte de poids majeure) et décès au bout de quelques
En 1875 jours après un coma cétoacidosique caractérisé par
Apollinaire Bouchardat publie son célèbre une inondation de l'organisme par des composés
ouvrage De la glycosurie ou diabète sucré : son acides, les corps cétoniques, qui résultent eux-
traitement hygiénique dans lequel il fait une des- mêmes d'une mauvaise combustion des graisses
cription détaillée du régime qui devrait être suivi due à la carence en insuline. Cette dernière n'avait
par les diabétiques. En fait, il pensait que l'origine pas encore été identifiée à cette époque-là. La cause
du diabète se situait au niveau de l'estomac et que physiopathologique du coma cétoacidosique ne fut
les sujets diabétiques secrétaient une substance, réellement trouvée que dans un deuxième temps,
une diastase du suc gastrique, capable de faciliter lorsque l'insuline fut découverte, plusieurs années
la transformation en glucose des amidons conte- plus tard. Avant l'identification de l'insuline et de sa
nus dans les féculents fournis par l'alimentation. sécrétion, les deux chercheurs strasbourgeois com-
Bien que sa théorie fût complètement fausse, plétèrent leur travail en démontrant que la greffe
Apollinaire Bouchardat émit des recommanda- sous-cutanée du pancréas extirpé corrigeait le dia-
tions nutritionnelles. Pour cette raison, il peut bète expérimental qu'ils avaient provoqué par la
être considéré comme un précurseur dans le pancréatectomie. Dès lors, ils en déduisirent que le
domaine de la nutrition à l'usage des diabétiques. pancréas était le lieu de production d'une substance
Ce n'est pas pour autant que nous allons dans ce qui permettait de contrôler la glycémie et d'éviter
manuel nous inspirer des préceptes d'Apollinaire la cétoacidose. Toutefois, ils étaient encore relative-
Bouchardat. La plupart d'entre eux sont non seule- ment loin de la solution qui ne viendra que quelques
ment obsolètes mais de surcroît ils apparaîtraient années après avec la découverte de l'insuline par les
comme totalement farfelus s'ils étaient formulés chercheurs de Toronto.

5
Partie I. Physiopathologie du diabète

En 1902 et Collip, le rôle de MacLeod n'ayant été qu'ac-


Au laboratoire d'anatomie pathologique de l'uni- cessoire. Quoi qu'il en soit, 1921 est une étape
versité Johns Hopkins aux États-Unis, Eugene majeure car c'est la première fois qu'un extrait
Lindsay Opie découvre, à l'autopsie de sujets dia- insulinique, bien qu'il soit sous forme amorphe
bétiques décédés, que leurs îlots de Langerhans et non purifié, fut obtenu à partir de pancréas
sont marqués par des lésions dégénératives très de porcs et de bœufs. Très rapidement, cet
prononcées. extrait fut utilisé pour traiter des diabétiques
insulinodépendants. Le plus connu d'entre eux
En 1916 fut Leonard Thompson, le premier patient qui
échappa à une mort inéluctable et rapide grâce
Hopman découvre que les îlots de Langerhans sont aux injections d'insuline. Il décéda quelques
le siège de la sécrétion insulinique. Désormais, années plus tard d'une banale bronchopneu-
il ne suffisait plus, si l'on peut dire et dans un monie qui aurait pu être guérie s'il avait béné-
raccourci rapide, qu'à extraire l'insuline du pan- ficié d'un traitement par antibiotiques, lesquels
créas et à l'utiliser dans le traitement des malades étaient inconnus à l'époque. Ils ne furent
atteints de diabète dans sa forme la plus sévère, le découverts qu'une dizaine d'années après son
diabète de type 1. décès. Ce simple exemple montre l'importance
des grandes découvertes médicamenteuses qui
La découverte de l'insuline ont émaillé l'histoire du XXe siècle.
Cette étape, cruciale dans l'histoire du diabète,
se situe en 1921, grâce aux travaux de quatre La période post-découverte
scientifiques, Banting, Best, MacLeod et Collip.
Deux d'entre eux reçurent le prix Nobel de
de l'insuline
physiologie et de médecine deux ans plus tard ; En premier lieu, elle est marquée par la mise au
MacLeod parce qu'il était le responsable du point de préparations insuliniques de plus en
laboratoire de Toronto où fut réalisée la décou- plus purifiées et de plus en plus performantes
verte et Banting parce qu'il était l'initiateur et et par la découverte de procédés permettant de
l'un des maîtres d'œuvre de cette découverte. prolonger son action. Rappelons tout simplement
Rien ne prédisposait Banting à isoler l'insuline au lecteur que les premières insulines étaient des
car il était en 1921 un jeune chirurgien ortho- extraits mal purifiés, provoquant des réactions
pédique totalement inconnu. C'est en insis- secondaires et dont la durée d'action ne dépas-
tant auprès de MacLeod, physiologiste réputé sait pas 8 heures. C'est grâce à des chercheurs
à l'université de Toronto, qu'il entra dans son travaillant dans l'industrie pharmaceutique (les
laboratoire. Toutefois, rien n'aurait été pos- laboratoires Eli Lilly, Novo Nordisk et Sanofi
sible pour Banting s'il n'avait pas bénéficié des principalement) que furent mises au point pro-
compétences physiologiques et biochimiques gressivement des formes purifiées (cristallisées)
de Best et Collip. Ces deux chercheurs furent de l'insuline et des préparations à action prolon-
les deux grands oubliés du prix Nobel lequel gée couvrant l'ensemble des 24 heures et même
fut décerné uniquement à Banting et MacLeod. au-delà. Les laboratoires Eli Lilly se distinguèrent
L'injustice fut certainement à son comble à au départ dans la purification progressive des
l'égard de Best qui méritait le prix Nobel au insulines. Ce sont eux qui transformèrent les
même titre que Banting car sa participation extraits amorphes de départ en insuline cristal-
à l'extraction et à la préparation de l'insuline lisée. N'oublions pas qu'à l'échelle du continent
avait été au moins équivalente. C'est pour cette nord-américain, Indianapolis, siège historique
raison que l'on associe le plus souvent et sur le des laboratoires Eli Lilly, est relativement proche
même pied d'égalité les deux noms de Banting de Toronto, la ville où l'insuline fut découverte.
et Best à la découverte de l'insuline en oubliant Il était donc normal que les laboratoires Eli Lilly
les deux autres. En fait, si l'on veut rétablir la soient la première firme pharmaceutique concer-
vérité historique, les trois récipiendaires du née par le perfectionnement et la purification
prix Nobel 1923 auraient dû être Banting, Best des préparations insuliniques. Les chercheurs

6
Chapitre 1. Le diabète sucré : généralités et un peu d'histoire

danois, par l'intermédiaire du laboratoire Novo type 2 ». Cette découverte fondamentale marquait
furent des pionniers dans la mise au point de pro- une nouvelle étape. En effet, c'était la première
cédés permettant de prolonger l'action de l'insu- fois que l'on pouvait proposer un traitement par
line. La célèbre insuline NPH a été mise au point comprimés pour soigner des patients diabétiques
en 1936 par Hagedorn, un chercheur des labora- dont la sécrétion insulinique était certes dimi-
toires Novo dont le siège se situe au Danemark. nuée mais encore suffisamment présente pour
L'insuline NPH existe toujours même si son être réactivée par un traitement médicamenteux
procédé de fabrication a bénéficié de multiples administré par voie orale sous forme de com-
avancées technologiques depuis sa formulation primés. Depuis cette période pionnière de nom-
initiale. L'insuline NPH dans sa version actuelle breux médicaments administrés par voie orale
n'est qu'un vague descendant du produit initial. ou injectable sont venus enrichir notre arsenal
Il n'en reste pas moins que son principe de thérapeutique. Certains à l'instar des sulfamides
fabrication reste le même : association à l'insuline hypoglycémiants, appelés aujourd'hui sulfony-
d'une protéine, la protamine, qui lui confère un lurées, stimulent l'insulinosécrétion à condition
effet retard dépassant les 12 heures. Ainsi naquit qu'il existe une insulinosécrétion résiduelle.
l'insuline NPH, insuline semi-retard dont le sigle Ceci signifie que leur prescription est inutile et
signifie « Neutral Protamine Hagedorn » pour inefficace dans le diabète de type 1, dit «insuli-
rendre hommage à celui qui découvrit ce pro- noprive ». D'autres médicaments administrés par
cédé toujours en vigueur. Depuis, l'histoire des voie orale sous forme de comprimés agissent en
préparations de l'insuline a été pavée de nom- sensibilisant nos organes et nos tissus à l'action
breuses avancées parmi lesquelles il convient de de l'insuline. C'est pour cette raison qu'ils sont
donner une place majeure au génie génétique, désignés sous le terme d'insulinosensibilisateurs.
c'est-à-dire à la production d'insuline par des Le premier d'entre eux, la metformine découverte
micro-organismes (bactéries ou levures) dans les- par un Français et mise sur le marché en 1956,
quels on a introduit le gène de l'insuline humaine reste un des médicaments phares du diabète sucré
ou d'insulines humaines modifiées pour leur de type 2. Après une longue période de dénigre-
conférer une durée d'action longue (analogues ment par les autorités sanitaires américaines, il
lents de l'insuline) ou courte (analogues rapides a été redécouvert dans les années 1990 par cer-
de l'insuline). C'est grâce à ces analogues que l'on tains diabétologues américains parmi lesquels
a pu proposer aux personnes diabétiques traitées il convient de citer l'un des meilleurs connais-
par l'insuline des schémas de traitements insu- seurs de la physiopathologie du diabète sucré de
liniques qui se rapprochent de plus en plus de la type 2, Ralph DeFronzo. Depuis, la metformine
sécrétion insulinique physiologique, telle qu'elle est devenue un produit «star » sur le continent
existe chez un sujet exempt de diabète sucré. Dans nord-américain et à l'échelle mondiale. Tout le
cet ouvrage, nous reviendrons longuement sur les monde est aujourd'hui d'accord pour proposer sa
principes de ces schémas dits «basal-bolus » ou prescription en première ligne quand on vient de
«basal-prandial » quand nous aborderons le trai- découvrir un diabète de type 2 chez une personne
tement du diabète sucré et l'adaptation des doses ayant en général dépassé la quarantaine et chez
d'insuline en fonction de l'alimentation. laquelle on vient de découvrir une hyperglycémie
Pour compléter ce tableau historique des grandes (une augmentation du glucose sanguin) sympto-
découvertes de la période post-insulinique, il matique d'un état diabétique.
convient de signaler les étapes suivantes.
Dans les années 1980
En 1943 La surveillance des états diabétiques est révolu-
C'est à Montpellier que Marcel Janbon et Auguste tionnée par la mise au point des premiers lecteurs
Loubatières découvrent les propriétés hypogly- de glycémie permettant un contrôle du glucose
cémiantes des sulfamides, médicaments qui sont sanguin après un prélèvement d'une minuscule
toujours utilisés dans le traitement du diabète gouttelette de sang au bout du doigt. C'est le début
sucré non insulinodépendant que l'on désigne de l'autosurveillance glycémique, avec la possibi-
aujourd'hui sous le qualificatif de «diabète de lité offerte à une personne diabétique de surveiller

7
Partie I. Physiopathologie du diabète

sa glycémie à son domicile, sur son lieu de travail, jours, tout en menant sa vie habituelle, d'enregis-
en d'autres termes dans sa vie de tous les jours. Les trer l'évolution de sa glycémie. Cette méthode,
personnes qui étaient déjà diabétiques avant cette plus connue sous le terme de «holter glycémique »,
période se souviennent encore des contraintes ne cesse de s'améliorer. Quand elle est utilisée,
qu'elles enduraient pour surveiller leur diabète, en elle permet à un patient diabétique de connaître
recueillant des urines et en effectuant des contrôles son profil glycémique quotidien qui varie sou-
de glycosurie (glucose urinaire) à l'aide de tablettes vent d'un jour à l'autre, de repérer des baisses
(Clinitest®) ou de bandelettes (Clinistix®) ou même anormales de la glycémie (hypoglycémies), qui
en utilisant la «vieille » liqueur de Fehling qu'il fal- en dehors du holter glycémique, seraient passées
lait ajouter aux urines pour produire une réaction inaperçues. Cette mesure continue de la glycémie,
colorimétrique, témoin de la présence de sucre couplée à une pompe à insuline qui délivrerait
dans les urines. L'autosurveillance glycémique s'est l'insuline de manière intelligente, au prorata des
transformée rapidement en autocontrôle glycé- besoins de l'organisme, ouvre la perspective de
mique dans la mesure où elle permet d'adapter le mise au point de systèmes de distribution insuli-
traitement antidiabétique. Elle permet en particu- nique capables de remplacer le pancréas normal,
lier de titrer les doses d'insuline à injecter chez les et déjà désignés sous le terme à notre avis un peu
personnes diabétiques traitées par insuline : dia- ambitieux de «pancréas artificiels ».
bète de type 1 et un nombre sans cesse croissant de Dans ces lignes qui concernent la période récente
patients diabétiques de type 2 a priori non insu- nous nous sommes limités aux avancées ayant des
linodépendants mais qui après plusieurs années retombées pratiques immédiates dans la prise en
de traitement par comprimés antidiabétiques charge des patients diabétiques. Pour être complet,
deviennent «insulino-nécessitants », comme on il ne faudrait pas oublier toutes les découvertes
dit dans le jargon médical, c'est-à-dire qui néces- «fondamentales» sur le diabète qui ont fait progres-
sitent un recours à l'insuline dans la mesure où ser notre connaissance de la maladie et qui sont en
leur insulinosécrétion s'est progressivement épui- partie à l'origine des applications pratiques que nous
sée au cours du temps. venons de décrire. Plusieurs d'entre elles ont valu à
leurs auteurs de se voir décerner le prix Nobel de
physiologie et médecine ou le prix Nobel de chimie.
Dans les mêmes années 1980
C'est à ce moment-là que furent mis au point les Les grandes découvertes
premiers dosages d'HbA1c (hémoglobine gly- fondamentales qui ont
quée). Ce dosage peut être effectué à n'importe accompagné la progression
quel moment de la journée car il n'est pas influencé de la prise en charge
par les épisodes de la vie quotidienne, en particu-
lier par les prises alimentaires. Il permet d'évaluer diagnostique et thérapeutique
le contrôle glycémique global sur un laps de temps des états diabétiques
de l'ordre de 3 mois. Aux techniques pionnières, En 1950
complexes et plus ou moins fiables, sont venues
se substituer progressivement des méthodes de Berson et Yalow, aux États-Unis, mettent au point
dosage simplifiées et bien standardisées qui per- le dosage radio-immunologique de l'insuline. Cette
mettent à tout patient diabétique de connaître son découverte permettra ultérieurement de faire un
équilibre glycémique global avec une simple prise bond considérable dans la compréhension de la phy-
de sang trimestrielle. siopathologie des états diabétiques. L'un des deux
auteurs, Rosalyn Yalow, obtint en 1977 le prix Nobel
Le début du XXI e siècle de physiologie et médecine pour cette découverte.
Il a été marqué par l'apparition des premières
méthodes d'enregistrement glycémique continu En 1955
en ambulatoire. Grâce à l'insertion sous la peau Frederick Sanger, grâce à une méthode de séquen-
d'un minicapteur capable de mesurer la concen- çage protéique, identifie la structure complexe de
tration du glucose, il est possible pendant plusieurs l'insuline, qui est une protéine constituée par deux

8
Chapitre 1. Le diabète sucré : généralités et un peu d'histoire

chaînes d'acides aminés reliées entre elles par deux


ponts disulfures. Cette identification de la structure
Quelles seront
primaire de l'insuline lui valut de recevoir le prix les prochaines étapes ?
Nobel de chimie en 1958. Quelques années plus tard,
L'objectif ultime serait la guérison définitive du
en 1980, Sanger reçut un deuxième prix Nobel de
chimie après avoir travaillé avec Francis Crick sur le diabète sucré. Dans le diabète de type 1, qui est de
séquençage de l'acide désoxyribonucléique (ADN). loin la forme la plus handicapante des états diabé-
Une dizaine d'années après le séquençage de la struc- tiques, il existe actuellement deux grands axes de
ture primaire de l'insuline, une biochimiste britan- recherche.
nique, Dorothy Mary Crowfoot Hodgkin, décrivit la • La mise au point de « pancréas artificiels ».
structure spatiale en trois dimensions de l'insuline Cette voie consisterait à fabriquer des disposi-
grâce à des techniques de radiocristallographie. tifs suffisamment miniaturisés et fiables pour
Pour l'ensemble de son œuvre, qui porta sur d'autres supprimer les contraintes des contrôles glycé-
protéines que l'insuline, elle reçut en 1964 le prix miques et pour permettre un apport d'insuline
Nobel de chimie. La description de la configuration instantané parfaitement adapté aux besoins
spatiale en 3D est une étape importante dans nos insuliniques du moment.
connaissances quant au mode d'action de l'insuline. • La mise au point de techniques de greffes (îlots
En effet, c'est cette configuration avec enroulement de Langerhans ou pancréas total) sur une
de deux chaînes primaires l'une sur l'autre qui per- grande échelle. Pour atteindre cet objectif, il
met à l'insuline d'être reconnue par des récepteurs faudrait parvenir à une maîtrise complète de
spécifiques situés au niveau des organes cibles (foie, tous les obstacles qui freinent cette technique.
muscles…). Après activation de ces récepteurs, l'in- Pour l'instant les sources d'îlots de Langerhans
suline exerce son action. Par exemple, au niveau des sont limitées par le nombre de donneurs car
muscles, elle permet la pénétration du glucose qui il faut deux à trois pancréas de sujets décé-
est le principal carburant des cellules musculaires. dés pour obtenir une masse d'îlots suffisante
pour assurer une insulinosécrétion correcte
chez le receveur. Les succès des greffes à long
En 1975 terme sont loin d'être assurés. Enfin, les greffes
C'est autour de cette période que furent mises en nécessitent un traitement antirejet qui est loin
évidence les relations entre diabète de type 1 et d'être dépourvu d'effets secondaires, même si
gènes du système d'histocompatibilité majeur (sys- des progrès substantiels ont été réalisés dans ce
tème HLA). Le diabète de type 1 apparaît comme domaine précis.
une maladie déclenchée par des facteurs d'environ- Le rêve absolu repose théoriquement sur la
nement (agression virale par exemple), survenant découverte de substances pouvant être adminis-
chez des sujets génétiquement prédisposés. Le sys- trées sous forme de comprimés ayant les mêmes
tème d'histocompatibilité majeur est celui qui est propriétés hypoglycémiantes que l'insuline (insu-
impliqué dans la tolérance immunologique lors des linomimétiques) et glucodépendantes (c'est-à-dire
greffes d'organe (un Français Jean Dausset participa régulant leur libération ou leur action en fonction
à la découverte du système HLA et se vit décerner du niveau de la glycémie). Cette dernière solution,
le prix Nobel de physiologie et médecine en 1980). qui s'est soldée pour l'instant par de nombreux
Ainsi, c'est plus de cinq chercheurs auxquels le prix espoirs rapidement déçus reste le Graal de la
Nobel de physiologie et de médecine ou de chimie diabétologie, car il permettrait de lever toutes les
fut attribué pour des travaux et des découvertes contraintes auxquelles les personnes diabétiques
directement ou indirectement liés au diabète sucré. sont soumises.

9
Définir et expliquer CHAPITRE
2
les différents types
de diabètes sucrés
L. Monnier

PLAN DU CHAPITRE limite supérieure de la glycémie à jeun. Un sujet


Définitions – Comment savoir si l'on est diabétique? 11 ayant une glycémie supérieure ou égale à 1,40 g/L
Expression clinique des états diabétiques 13 était considéré comme diabétique. Pour ceux dont
Classification, filiation des états diabétiques et formes la glycémie à jeun était strictement inférieure à
particulières de diabète sucré 18
1,40 g/L, on préconisait la pratique d'un test rela-
Quelques formes particulières de diabète sucré 19
tivement complexe désigné sous le terme d'hyper-
glycémie provoquée par voie orale (HGPO). Ce
test consiste à faire venir la personne dans un labo-
Définitions – Comment savoir ratoire, à lui faire absorber une solution de glucose
pur (75 g), à mesurer sa glycémie avant l'absorp-
si l'on est diabétique? tion du glucose et 2 heures après. En se basant sur
la glycémie à la deuxième heure, on considérait :
Le diabète peut être défini comme un état de • qu'une glycémie inférieure à 1,40 g/L était normale ;
carence relative ou absolue de la sécrétion insuli- • qu'une glycémie supérieure ou égale à 1,40 g/L,
nique endogène (production d'insuline par les îlots mais inférieure à 2 g/L traduisait une intolé-
de Langerhans pancréatiques), couplé ou non à un rance au glucose ;
état d'insulinorésistance (diminution de la sensibi- • qu'une glycémie supérieure ou égale à 2 g/L cor-
lité des tissus et organes périphériques à l'insuline). respondait à un diabète patent.
Toutefois cette définition ne peut être utilisée en Ces normes à la deuxième heure d'une HGPO,
pratique courante car les méthodes d'estimation définies en 1979 sont toujours en vigueur en 2017
de l'insulinosécrétion endogène et de l'insulinoré- bien que l'intérêt de l'hyperglycémie provoquée
sistance sont difficilement applicables en routine. orale soit aujourd'hui l'objet de débats et n'appa-
Pour cette raison, au lieu de définir le diabète raisse pas aussi important qu'il y a quelques années.
par sa cause, on le définit sur ses conséquences, En 1997, en se basant sur le risque de dévelop-
c'est-à-dire sur les désordres glycémiques qui sont pement d'une rétinopathie, la glycémie à jeun
engendrés par les troubles de l'insulinosécrétion. fut révisée à la baisse par un comité d'experts.
La définition des états diabétiques basée sur la La valeur de 1,40 g/L fut ramenée à 1,26 g/L.
glycémie a été l'objet de révisions successives au Ce comité d'experts fixa également à 1,10 g/L la
cours des trente dernières années. En 1979 fut limite supérieure de la normalité de la glycémie à
©2018,ElsevierMassonSAS.Tousdroitsréservés

publié par le National Diabetes Data Group améri- jeun. Ainsi furent définis trois états :
Manueldenutritionpourlepatientdiabétique

cain, un texte définissant et classant les états dia- • la normalité (glycémie à jeun inférieure à
bétiques et d'intolérance au glucose. Les sujets dits 1,10 g/L) ;
«intolérants au glucose » sont considérés comme • l'anomalie de la glycémie à jeun (glycémie supé-
«prédiabétiques » car ils ont une forte probabilité rieure ou égale à 1,10 g/L et inférieure à 1,26 g/L) ;
d'évoluer dans les années à venir vers un diabète • le diabète sucré si la glycémie à jeun était supé-
franc (patent). Le rationnel du texte paru en 1979 rieure ou égale à 1,26 g/L.
et publié dans la revue Diabetes était justement En 2003, la limite supérieure de la normalité
de décrire l'évolution du «prédiabète » en diabète fut ramenée à 1 g/L, valeur qui est toujours en
patent. La valeur de 1,40 g/L fut choisie comme vigueur en 2017.

11
Partie I. Physiopathologie du diabète

En 2009, un comité d'experts internationaux • comme sujets à « haut risque pour le diabète
dirigés par David Nathan, directeur de la Joslin sucré » tous les sujets ayant une HbA1c com-
Clinic à Boston et l'un des plus éminents diabé- prise entre 5,7 et 6,4 %.
tologues nord-américains, entreprit de définir le
diabète sucré non plus sur la glycémie mais sur L'HbA1c est un marqueur de l'exposition chronique
l'HbA1c (cf. encadré infra). Les propositions de ce au glucose sur une période de 3 mois. C'est pour cette
comité d'experts furent définitivement validées raison que son taux est corrélé à celui de la glycémie
en 2010 puis régulièrement reconduites jusqu'à moyenne (fig. 2.1). De manière simple, une glycé-
aujourd'hui. Dans ces conditions, l'HbA1c, qui mie moyenne à 1,26 g/L intégrant à la fois les gly-
était considérée exclusivement comme un élément cémies de jeûne, interprandiales et postprandiales
de surveillance du diabète sucré, est devenue un correspond à une HbA1c égale à 6 %. Chaque fois
critère de diagnostic qui doit être rajouté à ceux que la glycémie moyenne augmente de 0,29 g/L, le
qui étaient déjà en vigueur. En outre, l'Ameri- taux de l'HbA1c augmente de 1 %. L'HbA1c, encore
can Diabetes Association (ADA), association qui appelée hémoglobine glyquée, est une fraction de
définit les normes américaines qui sont souvent l'hémoglobine qui a subi la réaction de glycation :
le point de départ des normes internationales, a fixation de glucose sur une protéine, en l'occurrence
identifié à partir du dosage de l'HbA1c une nou- l'hémoglobine, constituant normal des globules
velle catégorie de personnes dites «à haut risque de rouges qui permet le transport de l'oxygène. La gly-
devenir diabétiques ». Ce groupe englobe tous les cation est un phénomène irréversible et la durée de
sujets dont l'HbA1c est comprise entre 5,7 et 6,4 %. vie d'un globule rouge est de 120 jours. Pour cette
raison un globule rouge natif qui n'a jamais été en
Ainsi, aujourd'hui, en se basant à la fois sur
contact avec le glucose sanguin ne contient pas
les glycémies et l'HbA1c, un sujet est considéré
d'HbA1c. Au bout de 120 jours, le pourcentage de
comme diabétique s'il est dans l'une des situations l'hémoglobine qui a subi la glycation est pour un
suivantes : globule rouge à son maximum (environ 10 % chez
• glycémie à jeun supérieure ou égale à 1,26 g/L un sujet ayant une glycémie normale). Étant donné
(7 mmol/L), le jeûne étant défini par une que le renouvellement des globules rouges est un
absence d'apport calorique depuis au moins phénomène continu, le dosage de l'HbA1c à un ins-
8 heures ; tant donné est un pourcentage moyen de l'hémoglo-
• ou signes cliniques d'hyperglycémie et décou- bine qui a subi le phénomène de glycation dans une
verte au hasard à un moment quelconque de cohorte de globules rouges qui naissent et meurent
la journée d'une glycémie supérieure ou égale en permanence. Chez un sujet qui n'est pas diabé-
à 2 g/L (11,1 mmol/L) et quelle que soit la dis- tique le taux d'HbA1c doit rester inférieur à 5,7 %.
tance du prélèvement sanguin par rapport à Ce taux augmente de manière linéaire avec le degré
un repas. Les symptômes de l'hyperglycémie, de l'hyperglycémie (fig. 2.1).
lorsqu'elle est suffisamment marquée, sont les
signes cardinaux classiques : polyurie, polydip- Pour simplifier la lecture et l'interprétation de
sie, perte de poids inexpliquée souvent associée ces normes un peu complexes à première vue, on a
à une polyphagie ; l'habitude de regrouper sous le terme de «prédia-
• ou glycémie à la deuxième heure d'une HGPO bète » les entités suivantes : l'anomalie de la gly-
supérieure ou égale à 2 g/L (11,1 mmol/L) ; cémie à jeun, l'intolérance au glucose et le «haut
• ou HbA1c supérieure ou égale à 6,5 %. risque de développer un diabète sucré ». La défini-
Par ailleurs sont définis : tion de ces différents états est illustrée de manière
• comme sujets présentant une « anomalie de la schématique sur la figure 2.2.
glycémie à jeun », tous les sujets ayant une gly- De plus, nous proposons au lecteur de donner
cémie à jeun comprise entre 1 g/L et 1,25 g/L ; une réponse pragmatique en posant la question sui-
• comme sujets ayant une intolérance au glucose, vante : Quelle attitude doit-on adopter en pratique?
tous les sujets dont la glycémie à jeun est infé- Les critères que nous avons énoncés précédem-
rieure à 1,26 g/L et dont la glycémie à la deux- ment semblent compliquer la tâche des profes-
ième heure d'une épreuve d'hyperglycémie sionnels de santé puisque «l'élimination » d'un
orale (75 g de glucose par voie orale) est com- état diabétique chez un sujet donné implique
prise entre 1,40 g/L et 1,99 g/L ; «stricto sensu » de pratiquer trois examens : une

12
Chapitre 2. Définir et expliquer les différents types de diabètes sucrés

Concentration glycémique moyenne (g/L)


3

1,26

1
1,26 g/L = HbA1c à 6 %
glycémique = + 0,29 g/L
HbA1c = 1 %

0 HbA1c (%)
4 5 6 7 8 9 10 11

Figure 2.1. Relation entre la glycémie moyenne et l'HbA1c.


D'après : Nathan DM, Kuenen J, Borg R, Zheng H, Schoenfeld D, Heine RJ; A1c-Derived Average Glucose Study Group.
Translating the A1C assay into estimated average glucose values. Diabetes Care 2008; 31(8) : 1473-8.

Glycémie à jeun (g/L) HbA1c (%) • le résultat est compris entre 1 et 1,25 g/L, on
refait quelques jours après une glycémie à jeun
Diabète Diabète et on fait une HbA1c. Si le résultat est retrouvé
entre 1 et 1,25 g/L, avec une HbA1c < 5,7 %, le
1,26 6,5 sujet a une banale «anomalie de la glycémie
Anomalie Haut
de la glycémie risque de à jeun ». Si le résultat est confirmé entre 1 et
à jeun diabète 1,25 g/L avec une HbA1c entre 5,7 et 6,4 %, le
1,00 5,7 sujet est à «haut risque de diabète ». Enfin, si le
Normal Normal résultat de la glycémie à jeun est retrouvé entre
1 et 1,25 g/L avec une HbA1c ≥ 6,5 %, le sujet est
considéré comme diabétique.
Figure 2.2. Définition des états de prédiabète
et de diabète franc (patent).
D'après : American Diabetes Association. Classification
and Diagnosis of Diabetes. Diabetes Care 2017; Expression clinique
40(Suppl 1) : S11-S24.
des états diabétiques
glycémie à jeun, une glycémie à la deuxième heure Le diabète est une maladie hétérogène. Cette hété-
d'une épreuve d'HGPO et une HbA1c. Si un seul rogénéité est à la fois symptomatique, évolutive,
des critères est dans la zone du diabète, le sujet est biologique et étiopathogénique.
diabétique.
En pratique, faut-il réaliser ces trois examens ?
Hétérogénéité symptomatique
En fait, l'épreuve d'HGPO est rarement réalisée
car peu pratique dans sa mise en œuvre et peu Le diabète de type 1, caractérisé par une destruc-
fiable dans ses résultats avec une grande variabi- tion complète des îlots de Langerhans et par un
lité chez un même sujet d'un jour à l'autre. Dans déficit quasi absolu de la sécrétion insulinique,
ces conditions, le mieux est d'adopter l'algorithme apparaît en général de manière brutale en l'espace
suivant pour dépister un diabète. de quelques jours ou de quelques semaines, par-
Tout d'abord, on pratique une glycémie à jeun. fois même en quelques heures quand il touche de
Plusieurs cas de figure peuvent être rencontrés : jeunes enfants. Les signes cardinaux sont la poly-
• le résultat est < 1 g/L, on ne fait rien de plus ; urie, la polydipsie, la polyphagie et l'amaigrisse-
• le résultat est ≥ 1,26 g/L, le sujet est diabétique ment. À l'inverse, le diabète de type 2, qui touche
à condition de confirmer cette anomalie par un en général des personnes ayant dépassé la quaran-
deuxième dosage quelques jours après ; taine, a un début souvent insidieux et le diagnostic

13
Partie I. Physiopathologie du diabète

est souvent porté sur un dosage de la glycémie Étape du diabète connu


effectué dans le cadre d'un bilan de santé systé- Elle peut être divisée en plusieurs périodes :
matique ou réalisé pour des symptômes qui ne • diabète exempt de toute complication : c'est le
sont pas forcément évocateurs d'un diabète sucré. cas lorsque le diabète n'est pas trop ancien ;
• diabète avec présence de complications non
Hétérogénéité clinique évolutive
handicapantes : à ce stade, le sujet est porteur de
Certains patients vont développer avec le temps complications mais qui n'ont pas d'expression
des complications micro- ou macroangiopa- clinique, par exemple une atteinte de la rétine
thiques tandis que d'autres échapperont aux com- (rétinopathie) sans trouble de l'acuité visuelle
plications. Si l'on prend comme exemple le diabète ou une atteinte des artères des membres infé-
de type 2, qui est caractérisé par une lenteur évo- rieurs (artériopathie) indolore et sans troubles
lutive, on peut distinguer plusieurs étapes dans trophiques, c'est-à-dire sans plaie ni ulcération ;
l'histoire naturelle du diabète de type 2 (fig. 2.3). • diabète avec présence de complications handi-
capantes : c'est l'étape la plus évoluée du diabète
Étape du prédiabète sucré. À ce stade, le sujet peut avoir une rétino-
pathie avec troubles visuels, une artériopathie
C'est une période pendant laquelle le sujet ne pré-
avec crampes des mollets à la marche (claudi-
sente que des anomalies minimes de la glycémie
cation intermittente) ou bien avec troubles tro-
associées à un contexte clinique ou biologique, qui
phiques plus ou moins sévères (ulcérations du
prédispose au diabète de type 2 et à ses complica-
pied plus ou moins surinfectées).
tions : obésité, antécédents familiaux de diabète de
type 2, dyslipidémie avec en particulier une aug-
mentation des triglycérides (hypertriglycéridémie) Hétérogénéité biologique
et une diminution du HDL-cholestérol, désigné de
manière beaucoup plus triviale sous le qualificatif Le degré des désordres glycémiques dépend du
de «bon cholestérol », c'est-à-dire de cholestérol type de diabète.
protecteur contre les maladies cardiovasculaires.
Dans le diabète de type 1
Étape du diabète méconnu Les troubles de la glycémie sont très marqués au
Cette période peut s'étendre sur plusieurs années moment de la découverte de la maladie avant tout
en raison du caractère insidieux du diabète de traitement insulinique. En général, la glycémie est
type 2. La personne est diabétique mais elle aux alentours de 3 g/L voire même plus élevée. Ce
l'ignore si aucune mesure de la glycémie n'est type de diabète nécessite évidemment et sans tarder
réalisée. En moyenne, l'intervalle de temps entre la mise en route d'un traitement insulinique qui
le début réel de la maladie et son diagnostic peut devra être maintenu pendant toute la vie. Ce traite-
atteindre plusieurs années et plus d'un diabétique ment, associé à des mesures hygiéno-diététiques et
sur trois peut méconnaître sa maladie. à une surveillance glycémique pluriquotidienne,

Prédiabète Diabète Diabète connu


méconnu • LéSIONS DU PIE
Avec complications d
M • AUTRES
Non
o compliqué Non
Handicapantes
handicapantes
m
6–7 ans
ent Temps variable • MALADIE CORONAIRe
Dépend de l’équilibre
métabolique
du diagnostic
Figure 2.3. Histoire naturelle du diabète de type 2.

14
Chapitre 2. Définir et expliquer les différents types de diabètes sucrés

impose des contraintes qui sont indéniables. Ce glycémie est trop basse en fin d'après-midi avant
sont pourtant elles qui permettent d'éviter le déve- le dîner. À noter que dans les deux cas, les sujets
loppement ou la progression des complications étaient traités par un schéma insulinique de type
diabétiques, qu'elles soient rétiniennes, rénales, basal-bolus. Les dérives excessives de la glycémie
neurologiques ou artérielles. Quand le diabète observées en période postprandiale, quel que
de type 1 est traité, on n'arrive jamais à la «tran- soit le degré de l'équilibre glycémique, montrent
quillité glycémique » observée chez les personnes que l'insulinothérapie n'est pas suffisante pour
qui ne sont pas diabétiques (fig. 2.4). Quand un permettre un contrôle satisfaisant des glycémies.
sujet est exempt de diabète et quand sa régulation L'apport en glucides au moment des repas doit être
glycémique est normale, la glycémie basale à jeun contrôlé à la fois en quantité et en qualité afin que
et entre les repas, c'est-à-dire la nuit et au-delà de les montées glycémiques qui suivent les trois repas
2 heures après une prise alimentaire se situe entre de la journée restent dans des limites raisonnables.
0,80 et 1 g/L (fig. 2.4). Les montées glycémiques
avec les repas (glycémies postprandiales) restent
en dessous de 1,40 g/L (fig. 2.4). Chez le diabé-
Dans le diabète de type 2
tique de type 1 sous traitement insulinique, les Les désordres glycémiques sont beaucoup moins
profils glycémiques sur 24 heures restent pertur- marqués que dans le diabète de type 1. Pendant
bés (fig. 2.4). La glycémie basale est en général longtemps, ils restent modérés, ce qui explique
augmentée, les excursions glycémiques qui suivent le début insidieux de la maladie, qui survient en
les repas sont plus amples et plus longues que général chez des sujets ayant dépassé la quaran-
celles qui sont observées chez les sujets sains. À taine, en surcharge pondérale ou obèses et ayant
certains moments de la journée (la nuit et à dis- une prédisposition génétique. L'accroissement
tance des repas) la glycémie peut être trop basse du pourcentage de l'obésité dans les popula-
(on parle d'hypoglycémie quand elle est inférieure tions occidentales et même dans les pays qui
à 0,70 g/L). Sur la figure 2.5, nous avons représenté étaient jusque-là épargnés (l'Asie du Sud-Est
deux profils glycémiques. Le premier correspond par exemple) explique l'augmentation de la pré-
à un patient diabétique de type 1 relativement bien valence du diabète sucré. Dans un pays comme
équilibré (HbA1c = 7 %), le deuxième à un patient la France, c'est approximativement 5 % de la
dont l'équilibre glycémique n'est pas satisfaisant population qui est touchée par cette maladie.
(HbA1c = 8 %). Il convient de noter d'emblée que Dans la mesure où les surcharges pondérales
le sujet considéré comme bien équilibré encourt et l'obésité sont l'une des causes majeures de
un risque d'hypoglycémie. Dans le cas présent, la l'apparition de la maladie et de son évolution,

240

220
Concentrationenglucose(mg/dL)

200

180

160

140

120

100

80 Temps (heures)

0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 22 24
Figure 2.4. Profils glycémiques sur 24 heures chez un sujet non diabétique (courbe en pointillé) et
chez un patient ayant un diabète de type 1 insuliné (courbe en trait plein).

15
Partie I. Physiopathologie du diabète

280

260

Concentrationenglucose(mg/dL)
240

220

200

180

160

140

120
0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 22 24
Temps (heures)
Figure 2.5. Profils glycémiques sur 24 heures chez deux patients diabétiques de type 1 insulinés.
La courbe en trait plein correspond à un patient diabétique insuffisamment équilibré (HbA1c ≈ 8 %). Les traits horizontaux
en pointillé correspondent aux moyennes glycémiques sur 24 heures : 155 mg/dL pour le premier patient et 195 mg/dL
pour le deuxième.

les mesures hygiéno-diététiques apparaissent des mesures appropriées, diététiques en particu-


comme essentielles dans la prévention et le lier, permettrait de ramener son HbA1c aux alen-
traitement de la maladie qui peut conduire à des tours de 6 %.
complications sévères sur le long terme si ces
désordres glycémiques ne sont pas pris en charge À un stade ultérieur
de manière sérieuse. Ces derniers évoluent en L'HbA1c devient supérieure ou égale à 6,5 %. Le sujet
plusieurs étapes qui peuvent être décrites de la a un diabète sucré avéré, mais l'HbA1c ne dépasse
manière suivante (fig. 2.6). pas 7 %. À ce stade, une deuxième anomalie vient se
greffer sur le phénomène de l'aube : l'hyperglycémie
Au début, à l'étape du « prédiabète » postprandiale. Les montées glycémiques après les
À ce stade, l'HbA1c est comprise entre 5,7 et 6,4 %, différents repas de la journée deviennent excessives.
la principale anomalie est une élévation modeste Ainsi, le contrôle des apports glucidiques en quantité
de la glycémie (entre 1 et 1,25 g/L). Cette élévation et en qualité au moment des repas devient une néces-
correspond à ce que l'on désigne sous le terme de sité si l'on veut réduire la contribution de l'hyper-
«phénomène de l'aube ». Ce dernier résulte d'une glycémie postprandiale à l'hyperglycémie globale. La
augmentation de la production du glucose par le contribution de l'hyperglycémie postprandiale est de
foie en fin de nuit, elle-même liée à une diminu- l'ordre de 1 point de pourcentage d'HbA1c. Ainsi, chez
tion de la sensibilité du foie à l'insuline. Il convient un sujet dont l'HbA1c est à 7,4 %, l'éradication totale
de rappeler que l'insuline freine la production du de l'hyperglycémie postprandiale par des mesures
glucose au niveau du foie. L'insulinorésistance thérapeutiques combinant diététique et médicaments
hépatique étant pour une grande part liée à l'obé- ramènerait son HbA1c aux alentours de 6,4 %.
sité, son traitement passe au moins en partie par
À un stade encore plus avancé
des mesures diététiques de restriction calorique.
Par ailleurs, il convient de noter que la contri- Lorsque l'HbA1c devient supérieure à 7 %, les
bution du phénomène de l'aube à l'HbA1c est de désordres glycémiques sont marqués par l'apparition
l'ordre de 0,4 en point de pourcentage d'HbA1c. d'une troisième anomalie : l'hyperglycémie basale.
Ainsi, chez un sujet dont l'HbA1c est à 6,4 %, Cette anomalie, qui vient se surajouter aux deux pré-
l'éradication totale du phénomène de l'aube par cédentes (le phénomène de l'aube et l'hyperglycémie

16
Chapitre 2. Définir et expliquer les différents types de diabètes sucrés

Sujets non diabétiques Sujets avec un prédiabète Sujets avec un diabète et


300 (HbA1c < 5,7 %) (HbA1c entre 5,7 et 6,5 %) un équilibre satisfaisant
Glycémie(mg/dL) (HbA1c entre 6,5 et 6,9 %)

200

100

0
0 8 12 19 0 8 12 19 0 8 12 19 Heures
Sujets avec un diabète insuffisamment équilibré (HbA1c ≥ 7,0 %)

HbA1c entre 7,0 et 7,4 % HbA1c entre 7,5 et 7,9 % HbA1c ≥ 8,0 %
300
Glycémie(mg/dL)

200

100

0
0 8
Exposition 12
normale au19 0 chez des sujets
glucose 8 12 19
non diabétiques 0 8 12 19 Heures
Hyperglycémie basale (AUCbasal) Hyperglycémie postprandiale (AUCpp)

Figure 2.6. Évolution des désordres glycémiques chez des patients ayant un diabète de type 2
en fonction du niveau de l'HbA1c en prenant pour référence des sujets non diabétiques (en haut
et à gauche).
Par ordre chronologique, les désordres glycémiques apparaissent selon la séquence suivante :
Ŕ première anomalie : présence d'un phénomène de l'aube (en haut au milieu) ;
Ŕ deuxième anomalie : dérives excessives des glycémies après les repas (en haut et à droite) ;
Ŕ troisième anomalie : hyperglycémie nocturne et interprandiale (hyperglycémie basale) qui ne cesse de s'aggraver
(en allant de la gauche vers la droite dans les cases de la partie inférieure de la figure).

postprandiale) se traduit par une augmentation de la Ils peuvent être regroupés dans deux grandes
glycémie nocturne, par une élévation des glycémies rubriques : les facteurs génétiques et les facteurs
avant chaque repas (glycémies préprandiales) et de d'environnement. Les deux variétés de diabète,
manière encore plus générale par une dérive vers le qu'ils soient de type 1 ou de type 2, ont une com-
haut de toutes les glycémies interprandiales (entre les posante génétique forte mais les gènes impliqués
repas). Cette hyperglycémie basale prend une place ne sont pas les mêmes dans les deux maladies. Les
de plus en plus importante dans les désordres glycé- facteurs d'environnement qui précipitent l'évolu-
miques quand on va d'une HbA1c de 7 % vers une tion vers le diabète patent sont également différents
HbA1c de 8, 9, 10 % et au-delà. Sa progression se dans les deux grandes variétés de diabète.
fait pratiquement au prorata du niveau de l'HbA1c Dans le diabète de type 1, le facteur déclenchant
(fig. 2.6). Dans le chapitre 4 consacré à la thérapeu- de la maladie est une réaction auto-immune du sujet
tique du diabète de type 2, nous verrons que toutes contre ses propres cellules bêta-langerhansiennes.
ces données sont extrêmement importantes pour La réaction auto-immune peut être déclenchée
choisir le meilleur traitement, qu'il soit médicamen- par des agents extrêmement divers. Le plus sou-
teux ou hygiéno-diététique. vent, il s'agit d'infections virales assez banales et
souvent hivernales (infections à virus Coxsackie
Hétérogénéité étiopathogénique par exemple). Compte tenu de la banalité des virus
ou comment devient-on incriminés, toute prévention est impossible. Étant
diabétique donné que le diabète sucré de type 1 survient chez
des sujets jeunes, souvent chez des enfants, les
Comme pour de nombreuses maladies chroniques, parents culpabilisent parce qu'ils pensent avoir
plusieurs facteurs étiopathogéniques interviennent été trop laxistes vis-à-vis de la consommation de
dans le développement des états diabétiques. sucreries par leur enfant qui a développé un diabète

17
Partie I. Physiopathologie du diabète

de type 1. Il faut leur dire que les facteurs nutrition- il n'évolue jamais vers la cétose («diabète non
nels n'ont rien à voir avec l'apparition du diabète de cétosique ») et ne nécessite pas de traitement insu-
leur enfant. linique («diabète non insulinodépendant »).
Dans le diabète de type 2, ce sont en revanche
les facteurs nutritionnels qui sont au premier plan Diabètes intermédiaires
des facteurs d'environnement responsables de la
maladie. Les surcharges pondérales et l'obésité, En fait, la séparation entre les deux variétés de
par l'insulinorésistance qu'elles induisent, jouent diabète que nous venons de décrire est beaucoup
un rôle majeur dans l'apparition du diabète de moins tranchée dans la réalité. En effet, il existe
type 2. La prévention passe par des mesures toute une série de formes intermédiaires, qui s'ex-
hygiéno-diététiques essentiellement basées sur le pliquent par la dégradation plus ou moins rapide
contrôle du poids corporel et sur une augmen- de la sécrétion insulinique, plus rapide que dans le
tation de l'activité physique compatible avec les diabète de type 2 et moins rapide que dans le dia-
capacités du sujet. Ce n'est donc pas un hasard si bète de type 1 (fig. 2.7). En fait, les états diabétiques
le diabète de type 2 avait été autrefois désigné sous sont constitués par un «spectre continu» d'états
le terme de «diabète pléthorique ». pathologiques qui vont du diabète de type 1 où la
destruction des îlots de Langerhans est relative-
ment rapide sous l'influence de mécanismes auto-
immuns au diabète de type 2 où la dégradation de la
Classification, filiation fonction bêta-langerhansienne est lente et indépen-
dante de toute auto-immunité. C'est entre les deux
des états diabétiques et formes que se situent les diabètes intermédiaires. La vitesse
particulières de diabète sucré de dégradation de la fonction bêta-langerhansienne
conditionne les caractéristiques cliniques des états
Comme nous l'avons déjà indiqué, les états dia- diabétiques : début brutal pour le diabète de type 1,
bétiques sont classiquement et un peu artificiel- installation insidieuse pour le diabète de type 2,
lement séparés en diabètes de type 1 et de type 2. avec toute une série d'états intermédiaires qui se
La séparation est justifiée par les caractéristiques rapprochent cliniquement des deux variétés préci-
très antinomiques de ces deux variétés de diabète. tées selon leur mécanisme étiopathogénique.
L'insulinodépendance ou la non-insulino-
Diabète de type 1 dépendance sont également conditionnées par
les mécanismes impliqués dans la genèse des
Il touche environ 200 000 personnes en France, états diabétiques. L'insulinodépendance est
survient de manière plus ou moins brutale chez précoce et l'insulinothérapie s'impose dans
des sujets jeunes (« diabète juvénile »), s'accom- l'urgence pour les diabètes de type 1 classiques.
pagne d'un amaigrissement («diabète maigre ») L'insulinodépendance et l'insulinothérapie sont
et évolue rapidement vers la cétoacidose quand beaucoup plus tardives dans les formes intermé-
il n'est pas traité («diabète cétoacidosique »). Il diaires. L'insulinodépendance est absente dans
est caractérisé par une carence absolue ou quasi les diabètes de type 2 classiques. Dans certaines
absolue en insuline («diabète insulinoprive ») et formes intermédiaires, l'insulinodépendance peut
nécessite un traitement insulinique chronique et être relativement précoce. C'est le cas dans les
définitif («diabète insulinodépendant »). diabètes de type LADA («Latent Auto-immune
Diabetes in Adults ») qui sont en fait des formes
Diabète de type 2 lentes du diabète de type 1 au cours desquelles les
îlots de Langerhans sont soumis à une destruc-
Il touche approximativement 3 000 000 de per- tion provoquée par un processus auto-immun,
sonnes en France, concerne surtout des sujets mais beaucoup plus lente que dans le diabète de
d'âge mûr (plus de 40 ans) («diabète de la matu- type 1 classique. Il n'en reste pas moins que les dia-
rité »). Il est associé à un excès pondéral («dia- bètes intermédiaires évoluent pratiquement dans
bète pléthorique ») et s'installe progressivement tous les cas vers l'insulinodépendance ou l'insu-
de manière insidieuse. Dans sa forme classique, linorequérance après quelques années au cours

18
Chapitre 2. Définir et expliquer les différents types de diabètes sucrés

Non
diabétique
100

Sécrétioninsuliniquerelative(%)
Intolérance
au glucose

50
Type 2 non
insulinorequérant

Type 1 lent (LADA)


Type 1 ou type 2 insulino-
requérant
10
(Âge)
années
0 10 20 30 40 50 60 70 80
Figure 2.7. Évolution schématique au cours du temps de l'insulinosécrétion relative.
Pourcentage par rapport à l'insulinosécrétion normale dans les diabètes de type 1, dans les diabètes de type 1
lents (LADA), dans les diabètes de type 2 insulinorequérants, dans les diabètes de type 2 qui n'évoluent pas vers
l'insulinorequérance, dans l'intolérance au glucose et chez les sujets non diabétiques.

desquelles le sujet a pu être maintenu sous traite- indépendante du devenir des anomalies de la
ment par antidiabétiques oraux. Dans ces formes glycorégulation après la grossesse. Certains de ces
intermédiaires, les mesures hygiéno-diététiques états peuvent disparaître, d'autres peuvent persis-
peuvent ralentir l'évolution vers l'insulinodépen- ter, voire même s'aggraver. Dans une population
dance. Ces mesures sont beaucoup plus efficaces américaine prise pour référence, il a été déterminé
quand le diabète intermédiaire est plus proche que le diabète gestationnel est présent chez 7 %
d'un diabète de type 2 (excès pondéral, absence de des femmes enceintes. Compte tenu des risques
processus auto-immun) que d'un diabète de type 1 encourus par la mère et le nouveau-né, ces états
(absence de surcharge pondérale et présence d'un doivent être dépistés. Les résultats de l'Hypergly-
processus auto-immun). Il convient de noter que cemia and Adverse Pregnancy Outcome (HAPO)
l'absence ou la présence de processus auto-immun Study ont démontré que les risques pour la mère,
peut être jugée par la recherche sur un prélève- le fœtus et l'enfant augmentent de manière pro-
ment sanguin d'anticorps anti-îlots de Langerhans gressive en fonction de la glycémie de la mère
ou anti-insuline. Ce dosage n'est pas facile mais il entre la 24e et la 28e semaine d'aménorrhée, même
peut être utile chez certaines personnes. lorsque les glycémies sont dans une fourchette
qui était autrefois considérée comme normale. La
complication principale est la macrosomie (aug-
mentation du poids du fœtus), mais d'autres com-
Quelques formes particulières plications peuvent être observées : hypoglycémie
de diabète sucré néonatale au moment de l'accouchement, malfor-
mation fœtale. Ces complications sont d'autant
Diabète gestationnel plus fréquentes que le poids de la mère est élevé.
Ceci signifie que les mesures diététiques (régime
Le diabète gestationnel est une entité qui est contrôlé en calories sans toutefois descendre en
définie par la présence d'un trouble quelconque dessous de 1 600 kcal/j) soient primordiales en cas
de la glycorégulation pendant la grossesse. Cette de diabète gestationnel.
anomalie englobe à la fois les états d'intolérance Les tests de dépistage devraient être pratiqués
au glucose et les diabètes patents qui sont détec- entre la 24e et la 28e semaine de la grossesse
tés pendant la grossesse. Cette définition est (semaine d'aménorrhée). Deux modalités peuvent

19
Partie I. Physiopathologie du diabète

être envisagées selon que le dépistage est envisagé à des mutations sur le récepteur de l'insuline. Les
en deux temps ou en une seule étape. Aujourd'hui, désordres glycémiques peuvent aller d'une hyper-
c'est la stratégie en une seule étape grâce à une glycémie modérée jusqu'à des diabètes sévères.
hyperglycémie provoquée orale classique (HGPO)
(75 g de glucose) qui est le plus souvent utilisée. Ce Maladies du pancréas exocrine
test devrait être pratiqué chez toutes les femmes
Toute affection qui touche le pancréas peut provo-
enceintes à risque : âge supérieur à 35 ans, excès
quer un diabète. La liste des affections comprend :
de poids, antécédents familiaux ou personnels de
• les pancréatites, quelle qu'en soit la cause ;
diabète sucré ou de troubles de la régulation glycé-
• les traumatismes du pancréas ;
mique. Les prélèvements sanguins pour le dosage
• les pancréatectomies ;
de la glycémie sont pratiqués avant l'HGPO et à
• les cancers du pancréas.
la première et la deuxième heure après l'ingestion
du glucose. Les valeurs seuil retenues en 2010
par «l'International Association of Diabetes and Certaines maladies
Pregnancy Study Groups » sont les suivants : endocriniennes
• glycémie avant l'HGPO = 0,92 g/L ; Ces endocrinopathies qui touchent l'hypophyse ou
• glycémie à la première heure = 1,80 g/L ; les surrénales et qui s'accompagnent d'une hyper-
• glycémie à la deuxième heure = 1,53 g/L. sécrétion d'hormones hyperglycémiantes (hormone
de croissance, cortisol, adrénaline, noradrénaline)
Autres formes particulières rares peuvent entraîner des troubles de la glycémie.
Compte tenu de leur rareté et de leurs relations
assez lointaines avec d'éventuels désordres nutri- Médicaments ou agents
tionnels, nous ne ferons que les citer brièvement. chimiques
De nombreux médicaments peuvent altérer la
Déficits génétiques des cellules sécrétion insulinique ou diminuer son action en
des îlots de Langerhans créant un état d'insulinorésistance. Les médica-
Plusieurs formes de diabète sont associées à des ments ne sont pas capables par eux-mêmes de
mutations monogéniques portant sur la régu- déclencher un diabète sucré, mais ils peuvent
lation de la sécrétion insulinique par les îlots de faciliter son apparition chez des sujets insulino-
Langerhans. Ces variétés de diabète sont en géné- résistants. Parmi ces médicaments, ce sont les
ral caractérisées par la survenue d'un diabète chez glucocorticoïdes qui sont le plus souvent incri-
des sujets jeunes ayant moins de 25 ans. Elles sont minés. C'est pour cette raison qu'il est possible de
désignées sous le terme générique de diabète de la voir l'apparition d'un diabète ou la dégradation de
maturité chez le sujet jeune (MODY). Elles sont l'équilibre glycémique chez un diabétique connu
caractérisées par une altération de la sécrétion au cours des traitements par dérivés de la corti-
insulinique et par une absence de trouble de la sen- sone. Si ces traitements doivent être poursuivis
sibilité à l'insuline. Elles sont d'origine génétique, sur de longues périodes de temps, des mesures
transmises de manière autosomique dominante. diététiques précises doivent être envisagées :
régime hyposodé, improprement désigné sous le
terme de régime «sans sel » pour éviter une aug-
Déficits génétiques au niveau
mentation des valeurs de la pression artérielle,
de l'action de l'insuline régime pauvre en sucres rapides voire même res-
Ce sont des causes peu habituelles de diabète triction calorique pour lutter contre les désordres
sucré. Les anomalies métaboliques sont associées glycémiques.

20
Complications CHAPITRE
3
aiguës et chroniques
du diabète sucré
J.-L. Schlienger

PLAN DU CHAPITRE tremblement, sensation de faim…) qui précèdent


Complications aiguës 21 les signes de neuroglucopénie (céphalées, diplo-
Complications chroniques 23 pie, troubles du comportement, convulsions,
Conclusion 27 coma…). Néanmoins, la présentation peut être
atypique voire même paucisymptomatique
L'évolution du diabète est marquée par la survenue (particulièrement pendant le sommeil ou en cas de
de complications aiguës ou chroniques qui en font traitement par des médicaments psychotropes) ce
toute la gravité. Elles sont liées de façon directe qui expose au risque de méconnaissance de cette
ou indirecte aux perturbations glycémiques (et complication aux conséquences potentiellement
aux mécanismes sous-jacents) à tel point qu'il est graves. La répétition des hypoglycémies, notam-
raisonnable de postuler que leur maîtrise précoce ment dans le diabète de type 2, est aujourd'hui
parvient à prévenir l'ensemble des complications. considérée comme un facteur de risque de mor-
talité cardiovasculaire. La crainte de l'hypoglycé-
mie Ŕ principal désagrément du diabète ressenti
Complications aiguës par les sujets diabétiques comme un perturbateur
de la vie sociale et comme la marque tangible du
Les complications métaboliques aiguës du dia- diabète par ailleurs peu ou pas symptomatique Ŕ
bète Ŕ acidocétose, hypoglycémie, coma hyper- conduit à des pratiques préventives visant à main-
osmolaire et acidose lactique Ŕ sont des urgences tenir une hyperglycémie «de confort » par un
médicales qui devraient être assez facilement préve- apport en excès d'aliments glucidiques ou par une
nues par une prescription pertinente et, surtout, par diminution inappropriée des agents hypoglycé-
une éducation thérapeutique de qualité. L'adhésion miants. Les malaises nocturnes, particulièrement
aux modifications thérapeutiques du mode de vie anxiogènes et dramatisés, sont volontiers préve-
est un élément essentiel de leur prévention. nus par la prise d'une collation riche en produits
hyperglycémiants au coucher ou par une baisse
Hypoglycémie excessive de la titration de l'insuline ce qui a pour
effet de perturber l'équilibre glycémique davan-
Définition et diagnostic tage encore au prétexte d'empêcher les malaises
L'hypoglycémie est définie par une glycémie infé- redoutés. Inversement, la crainte des complica-
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rieure ou égale à 0,70 g/L (3,9 mmol/L). Son expres- tions peut faire accepter par certains sujets la
Manueldenutritionpourlepatientdiabétique

sion clinique est très variable d'un sujet à l'autre répétition des épisodes hypoglycémiques ce qui
mais est souvent la même chez un sujet donné expose à un risque accru de malaises sévères, les
bien qu'elle dépende également des conditions de signes d'alerte étant de moins en moins ressentis.
survenue (cinétique d'installation, effort, chro-
nologie dans le nycthémère…). L'hypoglycémie
Circonstances
est considérée comme sévère lorsqu'elle nécessite Les malaises hypoglycémiques liés à la prise de
l'intervention d'une tierce personne. médicaments antidiabétiques (hypoglycémies
La symptomatologie des malaises hypogly- iatrogènes) sont fréquents au cours des diabètes
cémiques comporte habituellement des signes de types 1 et 2. L'inadaptation des doses d'insu-
d'alerte de type neurovégétatif (sueurs, flush, line ou des agents qui stimulent la sécrétion de

21
Partie I. Physiopathologie du diabète

l'insuline (insulinosécrétagogues comme les sul- injectant 1 mg de glucagon par voie intramuscu-
fonylurées et les glinides) en regard des apports laire ou sous-cutanée (Glucagen®) ou en injectant
alimentaires ou de l'activité physique est une par voie intraveineuse 15 à 20 mL de soluté glu-
cause évidente. Les hypoglycémies induites par cosé à 30 %, suivi éventuellement d'une consoli-
les insulinosécrétagogues peuvent être prolongées dation par une perfusion de sérum glucosé à 10 %
et récidivantes à distance du resucrage. si le sujet n'est pas totalement conscient. Après le
Les circonstances d'apparition des malaises malaise, surtout s'il est la conséquence d'une acti-
sont souvent stéréotypées Ŕ comme les malaises Ŕ vité physique intense et imprévue ou s'il survient
et doivent être bien identifiées par le sujet et son dans un contexte de traitement par sulfonylurées
entourage. Une prise alimentaire insuffisante ou (sulfamides hypoglycémiants) ou par une insuline
décalée, le fait de sauter un repas, la mise en place «lente », il est prudent de consolider le resucrage
d'un régime restrictif ou pauvre en glucides com- par la consommation d'une portion d'un aliment
plexes sont des causes classiques. Tout comme la glucidique à type de pain ou de biscuit.
consommation d'alcool qui a pour effet d'inhiber Tout malaise hypoglycémique fournit l'occa-
la néoglucogenèse hépatique (production de glu- sion de faire la check-list des connaissances du
cose par le foie à partir de substrats non gluci- patient ainsi qu'une réévaluation du traitement et
diques) et de favoriser des hypoglycémies sévères des habitudes alimentaires et de vie. La prévention
et prolongées puisque la correction endogène de la récidive est la finalité première de la prise en
médiée par les hormones de la contre-régulation charge d'un malaise hypoglycémique resucré.
(glucagon, catécholamines et cortisol) qui agit
par cette voie devenue indisponible, n'est plus Acidocétose
opérante. L'activité physique non programmée ou Conséquence d'une carence absolue ou relative en
trop intense est une autre cause classique d'hypo-
insuline, l'acidocétose survient presque exclusive-
glycémie. Elle a pour particularité de ne surve-
ment dans le diabète de type 1. Elle peut en être
nir, parfois, que plusieurs heures après l'effort si
le mode de révélation ou être la conséquence d'un
aucune mesure de compensation diététique n'a été
traitement insulinique inadapté à la suite d'une
prise (cf. chapitre 25 § Activité physique). En pra-
augmentation des besoins en insuline (infection,
tique, la survenue d'un malaise hypoglycémique
corticothérapie…) ou après une manipulation des
impose de réaliser une investigation approfon-
doses ou une interruption du traitement (inci-
die pour bien en comprendre la cause et préve-
dent mécanique de la pompe à insuline, arrêt
nir la récidive. Parmi les causes d'hypoglycémie
délibéré…). Exceptionnellement, une acidocétose
figurent en bonne place l'insuffisance d'apport
peut être observée dans le diabète de type 2. Parce
glucidique, l'erreur de titration de l'insuline ou
qu'elle s'installe relativement lentement, cette com-
l'effet additif d'une interférence médicamenteuse.
plication peut être prévenue lorsque surviennent
les signes avant-coureurs Ŕ nausées, polyurie, dou-
Traitement leurs abdominales Ŕ et qu'est mise en évidence une
Le traitement immédiat de l'hypoglycémie se hyperglycémie marquée associée à la présence de
limite au resucrage réalisé selon des modalités qui corps cétoniques.
dépendent de l'état du sujet. Lorsque le malade La carence insulinique absolue ou relative
est conscient et qu'il n'y a pas de risque de fausse entraîne une hyperglycémie et une diurèse
route, il suffit d'administrer 15 à 20 g de sucre (sac- osmotique, une déshydratation majeure, des per-
charose) sous la forme de 3 à 4 morceaux de sucre turbations électrolytiques et une hypovolémie.
de cuisine délayé dans un peu d'eau (tout patient, L'inhibition du métabolisme oxydatif du glucose
où qu'il soit, devrait avoir sur lui des morceaux stimule la lipolyse et la cétogenèse. Il en résulte
de sucre) ou une préparation commerciale dédiée une accumulation de corps cétoniques entraî-
ou un verre de jus de fruit ou de soda standard nant une acidose métabolique et des troubles
ou encore une barre sucrée. Lorsque le malaise de la vigilance pouvant conduire à un coma.
est sévère avec des troubles de la conscience et un Réhydratation, insulinothérapie et correction des
risque de fausse route ou lorsque le sujet est oppo- troubles électrolytiques (hypokaliémie) sont les
sant, il revient à un tiers d'assurer le resucrage en piliers du traitement. Le dépistage et le diagnostic

22
Chapitre 3. Complications aiguës et chroniques du diabète sucré

reposent sur la recherche de corps cétoniques dans des épisodes de canicule ou au cours d'affections
les urines ou le sang couplée à la détermination aiguës intercurrentes) et la mesure à intervalles
de la glycémie capillaire pour faire le diagnostic réguliers de la glycémie capillaire. Il n'y a pas de
différentiel avec une hypothétique cétose de jeûne mesures nutritionnelles spécifiques.
ou secondaire à un traitement par un inhibiteur
du cotransporteur sodium-glucose de type 2 au Acidose lactique
niveau du tubule rénal (iSGLT2).
La prévention nutritionnelle consiste à main- Cette complication aussi rare que redoutable du
tenir des apports glucidiques adaptés à la dose diabète de type 2 est une acidose secondaire à
d'insuline et vice et versa, et à empêcher tout l'accumulation de lactates. La surproduction de
jeûne volontaire ou subi (traumatisme, maladie lactates est la conséquence d'une glycolyse anaé-
aiguë, geste chirurgical, etc.). Lors du traite- robie consécutive à une situation d'anoxie tissu-
ment de l'épisode d'acidocétose par l'insuline, laire (infarctus étendus, défaillance hépatique,
le risque d'hypoglycémie est minimisé par la choc cardiogénique, sepsis sévère, intoxication
consommation de solutions sucrées en petites oxycarbonée) ou à la suite d'une intoxication
quantités sous forme d'eau sucrée, ou de com- par la metformine (en cas d'insuffisance rénale
potes de fruits. Cette consommation doit être sévère). La symptomatologie s'installe progres-
suivie dès que la tolérance digestive le permet, sivement et associe des douleurs musculaires et
par l'ingestion d'une bouillie de flocons d'avoine diffuses, une oligurie confinant à l'anurie, une
ou équivalent. altération de la conscience et un profil biologique
évocateur associant une acidose métabolique et
un trou anionique > 10 mmol/L. Le dosage de la
Coma hyperosmolaire lactacidémie (> 6 mmol/L) confirme le diagnostic.
Cette complication métabolique touche surtout les Le traitement nécessite des mesures de réanima-
tion et parfois une dialyse. Il n'y a pas de mesures
personnes âgées fragiles dont le diabète de type 2
diététiques spécifiques à envisager.
est méconnu ou négligé. Elle est la conséquence
d'un défaut d'apport hydrique et d'une hyper-
glycémie, chacun de ces éléments ayant un effet
néfaste sur l'autre : l'hyperglycémie aggrave la Complications chroniques
déshydratation en augmentant la diurèse et la dés-
hydratation majore l'hyperglycémie. Il en résulte Les complications chroniques attribuables au
une déshydratation majeure intra- et extracellu- diabète sont nombreuses, locales ou générales,
laire pouvant se compliquer de collapsus, d'insuf- insidieuses et souvent graves puisqu'elles altèrent
fisances cardiaque et rénale et d'œdème cérébral la qualité de vie et les capacités fonctionnelles
associé à des thromboses. Le pronostic vital est et réduisent l'espérance de vie. Elles sont la tra-
engagé. L'issue dépend moins du traitement que duction d'une microangiopathie Ŕ prépondé-
du terrain. Outre la déshydratation globale et les rante dans le diabète de type 1 Ŕ et/ou d'une
troubles de la vigilance le tableau est dominé par macroangiopathie Ŕ qui s'exprime davantage
une hyperglycémie majeure (> 5 g/L) sans acidose dans le diabète de type 2 Ŕ dont les mécanismes
et une hypernatrémie responsables d'une hyper- sont fondés sur le trépied physiopathologique du
osmolalité et d'une hémoconcentration. diabète : hyperglycémie, insulinorésistance et
Le traitement consiste à corriger l'hypergly- inflammation de bas grade. Des études prospec-
cémie par l'insuline, à réhydrater massivement tives randomisées telles que le Diabetes Control
par des solutés iso- ou hypotoniques, à corriger and Complications Trial (DCCT) ou l'United
progressivement les désordres électrolytiques Kingdom Prospective Diabetes Study (UKPDS)
et à traiter une éventuelle cause infectieuse. Par ont démontré le rôle primordial de l'hyperglycé-
la suite, l'effort devra porter sur un traitement mie. Pour autant une intensification trop rapide
diététique et médicamenteux adapté aux caracté- du traitement n'est pas sans risques et la préven-
ristiques du diabète et sur une prévention ciblée tion des complications ne se résume pas au seul
comportant un programme d'hydratation (lors contrôle glycémique. Des traitements associés

23
Partie I. Physiopathologie du diabète

utilisés à bon escient comme les antihyperten- complications vasculaires, rénales et hépatiques.
seurs, les antiagrégants ou les statines ainsi que Les parois vasculaires, les membranes basales glo-
la lutte contre des facteurs de risque (tabagisme, mérulaires et les hépatocytes sont le siège d'une
sédentarité, excès de poids) font partie de l'arsenal infiltration macrophagique et d'une augmenta-
de la prévention. Les complications microvascu- tion de l'adhésion des cellules inflammatoires
laires sont sensibles à l'amélioration de l'équilibre responsables, à terme, de macroangiopathie.
glycémique alors que les complications macrovas- L'hyperglycémie participe à la genèse de l'inflam-
culaires sont davantage sensibles à la gestion de mation de bas grade.
l'ensemble des facteurs de risque souvent présents
au cours du diabète de type 2. Insulinorésistance
Les cytokines contribuent à induire une insulino-
Mécanismes généraux résistance par un mécanisme complexe mettant
en jeu un réseau de phosphatases et de protéines
des complications chroniques kinases qui agissent de concert pour bloquer la
Hyperglycémie voie de signalisation du récepteur de l'insuline.
L'augmentation des acides gras non estérifiés
Il existe une relation forte et indiscutable entre contribue à l'insulinorésistance par compétition de
l'hyperglycémie et la microangiopathie confortée substrat. Il en est de même du stress endoplasmique.
par les études observationnelles et les résultats des
grands essais d'intensification thérapeutique. Une
diminution de l'HbA1c (hémoglobine glyquée) est
Mécanismes
associée à une réduction conséquente du risque de de l'athérosclérose accélérée
rétinopathie et de néphropathie. L'hyperglycémie Au-delà de ces mécanismes contribuant à l'en-
entraîne des modifications structurelles des com- semble des complications, la macroangiopathie
posantes protéiques des membranes et des orga- est plus particulièrement la conséquence d'un
nelles cellulaires, notamment par le phénomène processus athéromateux dégénératif favorisé par
de glycation, favorisant la rigidité et la porosité et l'hypertension artérielle, la dyslipidémie (hyper-
aboutissant à une perturbation des grandes fonc- triglycéridémie et une diminution du HDL-
tions. L'hyperglycémie est aussi responsable de cholestérol) et l'hyperagrégabilité plaquettaire.
modifications hémodynamiques se traduisant par Si l'on admet que la macroangiopathie diabé-
un épaississement des membranes basales et une tique procède d'un phénomène d'accélération du
hyperviscosité et est associée à un dysfonction- processus athéromateux, il apparaît qu'elle est
nement des cellules endothéliales. Enfin, elle est peu influencée par l'hyperglycémie en tant que
génératrice de radicaux libres qui endommagent telle si ce n'est que cette dernière est aussi à même
les membranes et perturbent le métabolisme d'induire un stress oxydant, d'augmenter l'agré-
cellulaire en activant entre autres les voies des gabilité plaquettaire, d'inhiber la capacité de fibri-
hexosamines, des prostanoïdes, des polyols et de nolyse et de modifier l'affinité des apoprotéines B
la protéine kinase C. à leur récepteur par le phénomène de glycation.

Inflammation de bas grade Facteurs synergiques entre la


Elle est la conséquence de la production de cyto- micro- et la macroangiopathie
kines (notamment par le tissu adipeux viscéral) Les atteintes micro- et macroangiopathiques sont
qui activent la voie cellulaire de l'inflammation alliées, même si la seconde est prépondérante
médiée par le facteur de transcription NFκB. Il en dans le diabète de type 2. Les essais d'intensifica-
résulte un état inflammatoire chronique induc- tion thérapeutique récents menés dans le diabète
teur d'autres cytokines pro-inflammatoires, pro- de type 2 ont montré les limites de la correction
moteur d'un stress du réticulum endoplasmique de l'hyperglycémie dans la prévention des évé-
avec, dans son sillage, la production de chémo- nements cardiovasculaires. Seul le concept de la
kines, de molécules d'adhésion et de bien d'autres « mémoire glycémique », qui décrit le bénéfice à
facteurs impliqués dans la physiopathologie des distance d'une maîtrise précoce de la glycémie,

24
Chapitre 3. Complications aiguës et chroniques du diabète sucré

accrédite quelque peu le rôle de l'hyperglycémie Néphropathie diabétique


dans les complications macrovasculaires. Le La néphropathie diabétique est une complication
contrôle glycémique intensif voire agressif redoutable aux mécanismes complexes où l'hyper-
peut donc réduire le risque cardiovasculaire glycémie chronique joue un rôle majeur. Pouvant
chez certains sujets mais peut être néfaste chez évoluer vers une insuffisance rénale terminale elle
d'autres alors que son bénéfice est constant sur est aussi associée à une surmortalité cardiovascu-
les complications dues à la microangiopathie. En laire. Toutefois cette complication qui concerne
revanche, un essai utilisant une stratégie combi- les deux types de diabète, n'atteint qu'environ un
née agissant sur l'ensemble des facteurs de risque tiers des diabétiques. Il s'agit habituellement d'une
cardiovasculaire a fait la preuve de son intérêt complication microvasculaire pure dans le diabète
montrant à l'évidence que le diabète de type 2 de type 1. Il est plus difficile de faire la part entre
doit être considéré comme un équivalent de fac- les lésions de microangiopathie et de macroangio-
teur de risque indépendant dans la formulation pathie dans le diabète de type 2 où interviennent
des recommandations de prévention primaire et en plus de l'hyperglycémie, les effets de l'hyper-
secondaire. tension artérielle (HTA) et de l'athérosclérose. Le
diabète de type 2 est aujourd'hui la première cause
Complications d'entrée en dialyse après 65 ans.
microangiopathiques La néphropathie diabétique de type gloméru-
laire est liée à des phénomènes d'hyperfiltration
Complications oculaires et de glycation protéique débutant insidieusement
du diabète et entraînant une perte néphronique progres-
La rétinopathie diabétique reste l'une des pre- sive pouvant aboutir à une insuffisance rénale
mières causes de cécité acquise de l'adulte. patente. L'apparition d'une microalbuminurie
Longtemps asymptomatique elle nécessite un supraphysiologique (> 30 mg/24 h) avec une fil-
dépistage systématique programmé. Sa fréquence tration glomérulaire normale correspond au stade
dépend de la durée d'évolution, de la qualité du de néphropathie incipiens. À ce stade un traite-
contrôle glycémique et de la pression artérielle. ment néphroprotecteur peut empêcher ou ralentir
La rétinopathie diabétique est due à une atteinte l'évolution vers le stade de néphropathie avérée
progressive des capillaires rétiniens marquée par marqué par une protéinurie (> 500 mg/L ou albu-
la survenue d'occlusions vasculaires responsables minurie > 300 mg/L), qui traduit une dégradation
de zones d'ischémie rétinienne induisant une progressive de la filtration glomérulaire et ouvre
réaction angiogénique anarchique et des dilata- la voie à l'insuffisance rénale sévère (clairance
tions capillaires (micro-anévrismes) à l'origine de la créatinine < 30 mL/min). L'évolution peut
de suffusions œdémateuses (les exsudats) ou être freinée par un strict contrôle de la pres-
hémorragiques. La prolifération de néovaisseaux sion artérielle par des inhibiteurs de l'enzyme
correspond au stade de la redoutable rétinopathie de conversion (IEC) ou par des antagonistes de
proliférante qui expose à un risque d'hémorragie l'angiotensine II (ARA II ou sartans) associé à un
du vitré et de décollement rétinien. La photocoa- régime modérément hyposodé (< 6 g NaCl/j) si la
gulation par laser en est le traitement préventif et natriurèse est élevée et à une limitation de l'apport
curatif. L'œdème maculaire est une autre forme protéique à 0,8 g/kg de poids idéal/j.
sévère de rétinopathie dont les répercussions
visuelles sont rapides.
Neuropathie diabétique
L'hyperglycémie est le déterminant principal La neuropathie diabétique est une complication
de la rétinopathie par des mécanismes complexes fréquente, longtemps asymptomatique, qui s'ex-
dont la part respective reste débattue : voie des prime cliniquement de façon protéiforme par des
polyols, voie de la glucosamine, activation de la mononeuropathies uniques ou multiples avec
protéine kinase C et dépôts de produits avancés des signes moteurs déficitaires dans différents
de la glycation (AGE). L'angiogenèse et l'inflam- territoires, une polynévrite sensitivomotrice,
mation sont les phénomènes intervenant dans le une neuropathie douloureuse ou une neuro-
développement d'un œdème maculaire. pathie végétative dite autonome. Cette dernière

25
Partie I. Physiopathologie du diabète

aussi fréquente que méconnue touche de mul- Cardiopathie ischémique


tiples organes ou fonctions. Parmi les mani- Elle présente un certain nombre de particularités
festations de dysautonomie cardiaque figurent chez le patient diabétique. Les lésions coronaires
l'hypotension orthostatique, la tachycardie per- sont plus sévères, plus diffuses et plus souvent
manente, l'ischémie myocardique silencieuse, la silencieuses. Le pronostic est plus sévère et la
mort subite. Parmi les signes de dysautonomie mortalité plus élevée. Les recommandations pré-
digestive émergent la gastroparésie entraînant conisent un dépistage ciblé de l'ischémie silen-
des pesanteurs épigastriques, des nausées et des cieuse chez les patients âgés de plus de 60 ans ou
vomissements et pouvant être responsable d'hy- ayant un diabète connu depuis plus de 10 ans et
poglycémies postprandiales précoces ou d'une plus particulièrement chez ceux qui ont d'autres
instabilité glycémique, et les troubles du transit localisations athéromateuses ou des complications
avec constipation ou diarrhée parfois impérieuse microvasculaires.
et hydrique. La neuropathie vésicale se mani-
feste par des troubles mictionnels et un risque
de reflux vésico-urétéral propice aux infections Insuffisance cardiaque
ascendantes. Parmi d'autres manifestations Elle est deux fois plus fréquente chez les hommes
de dysautonomie diabétique citons encore la et cinq fois plus fréquente chez les femmes atteints
sécheresse de la peau favorisant des troubles tro- de diabète. Favorisée par les lésions ischémiques
phiques et des crises sudorales paroxystiques, les et l'HTA elle peut aussi être la conséquence
troubles sexuels et une moindre sensibilité aux d'une dysfonction diastolique pouvant précéder
signes d'alerte hypoglycémique. de plusieurs années l'altération de la fonction
systolique. Bien que non spécifique de l'insuf-
Complications fisance cardiaque diabétique, la dysautonomie
diastolique est favorisée par l'hyperinsulinisme
macroangiopathiques (par hyperplasie/hypertrophie des cardiomyo-
Les complications cardio-cérébro-vasculaires cytes), la dysfonction endothéliale des artérioles
grèvent le pronostic du diabète, particulièrement myocardiques, l'accumulation d'acides gras non
du diabète de type 2 à tel point qu'on a pu dire estérifiés et de triglycérides qui altère la contrac-
de ce diabète qu'il était «une véritable maladie tilité cellulaire myocardique, l'inflammation
cardiovasculaire ». En tout cas le diabète est un de bas grade et l'hyperglycémie responsable
facteur de risque cardiovasculaire majeur et d'une modification de la structure des protéines
indépendant. Dans une méta-analyse portant sur contractiles par glycation.
près de 700 000 adultes issus de 102 études pros-
pectives le diabète augmente nettement ce risque,
toutes choses étant égales par ailleurs aussi bien
Artériopathie périphérique
chez les femmes, les sujets jeunes, non-fumeurs Elle se singularise par l'inconstance des symp-
ou de poids normal à tel point qu'il a été affirmé tômes classiques Ŕ abolition des pouls périphé-
que le niveau de risque coronarien d'un diabétique riques et claudication intermittente Ŕ en raison
est le même que celui d'un sujet non diabétique d'une atteinte distale des artères de petit calibre.
ayant présenté un infarctus du myocarde. La pré- Elle est un facteur de risque majeur des troubles
vention des complications macroangiopathiques trophiques du pied.
ne peut se limiter au contrôle d'un seul facteur
de risque. L'approche multifactorielle comporte
le contrôle tensionnel (pression artérielle systo-
Atteinte cérébrovasculaire
lique < 140 mmHg et 120 mmHg en cas d'accident Le risque d'accident cardiovasculaire isché-
vasculaire cérébral), la correction des anomalies mique est augmenté de 2 à 5 fois dans le
lipidiques, la promotion de l'activité physique, diabète, davantage chez la femme que chez
l'arrêt du tabac et bien sûr, une glycémie répon- l'homme. L'hémoglobine glyquée et l'hyper-
dant aux objectifs (HbA1c ≤ 7 %, faible variabilité glycémie apparaissent comme des facteurs de
glycémique). risque indépendants.

26
Chapitre 3. Complications aiguës et chroniques du diabète sucré

Autres complications française Entred 2002Ŕ2013, le décès par cancer


était presque aussi fréquent que le décès par événe-
Infections ment cardiovasculaire (28 % et 32 %). Il existe un
Dans le diabète, les infections sont plus fré- risque modérément accru de cancer du pancréas,
quentes, plus graves et ont pour support des du foie et colorectal dans le diabète de type 2 et
germes inhabituels. En effet l'hyperglycémie a des chez les sujets ayant des anomalies de la tolérance
conséquences délétères sur l'immunité innée et glucosée indépendamment de l'obésité. Un lien
adaptative. de causalité a été suggéré par la mise en évidence
d'une augmentation graduelle de l'incidence du
Troubles trophiques cancer colorectal avec le taux d'HbA1c. Chez la
femme, le cancer de l'utérus et chez l'homme, le
Les troubles trophiques, dont le pied est la cible cancer de la vessie sont plus fréquents que dans la
principale, résultent de la combinaison de trois des population générale.
principales complications du diabète : la neuro- Différentes hypothèses ont été proposées pour
pathie sensitive et végétative, l'artériopathie diabé- expliquer le lien entre cancer et diabète mais il a
tique distale et l'augmentation du risque infectieux été difficile d'établir une relation directe, voire
lié aux perturbations métaboliques. causale, puisque l'obésité, la sédentarité, les habi-
tudes alimentaires, l'inflammation de bas grade
Santé buccodentaire et certains traitements sont des mécanismes
Le diabète mal équilibré est un facteur de risque communs à la survenue d'un diabète et d'un
cancer. L'hypothèse qui prévaut actuellement est
indépendant de gingivite et de parodontite. Il fra-
celle de l'insulinorésistance. Dans le diabète de
gilise les attaches dentaires et accroît la résorption
type 2, l'hyperinsulinémie et l'élévation des taux
osseuse. La parodontite a été considérée comme
circulants d'IGF-1 (insulin growth factor) stimu-
un facteur prédictif de mortalité chez les corona-
leraient la prolifération cellulaire notamment au
riens ou comme un indicateur général de morbi-
niveau des organes digestifs, du foie, du sein et du
dité puisqu'elle est corrélée avec la rétinopathie et
pancréas. De plus, l'hyperinsulinisme pourrait
la néphropathie.
favoriser une évolution plus agressive des can-
cers. Enfin, le surpoids et l'obésité souvent asso-
Association ou complication ? ciés au diabète de type 2 sont responsables par
Le diabète de type 2 est une maladie complexe eux-mêmes d'un contingent non négligeable de
cancers probablement liés d'une part à l'hyperin-
définie par un critère simple, l'hyperglycémie. En
sulinisme et d'autre part à un excès de production
réalité le diabète est associé de façon non fortuite
hormonale par le tissu adipeux. Quoi qu'il en soit,
à d'autres affections qui n'ont pas encore le statut
l'association entre le cancer et le diabète de type 2
de complication à part entière. Il en est ainsi de
et l'insulinorésistance semble établie. Toutefois,
la stéatohépatite non alcoolique ou NASH (cf.
l'effet direct et exclusif de l'hyperinsulinisme ne
chapitre 34), du syndrome d'apnées du sommeil
peut être affirmé puisque l'insuline n'a pas d'effet
dont la prévalence est élevée au cours du diabète
mutagène. L'hépatocarcinome, s'inscrit quant
de type 2, de la thrombophilie, de la dyslipidémie
à lui dans la mouvance de la stéatohépatite non
ou de l'hypertension artérielle. D'autres problé-
alcoolique (NASH), fréquente dans le diabète de
matiques comme le déclin cognitif, les troubles de
type 2.
l'humeur, les altérations du métabolisme osseux
et certains cancers font encore débat.

Conclusion
Le cancer fait partie des complications émer-
gentes du diabète de type 2. Des liens entre le dia-
bète et le cancer ont été évoqués de longue date.
Pour certains, le cancer pourrait être considéré Le diabète est une pathologie complexe qui
comme une complication du diabète exprimée à expose à de nombreuses complications aiguës
la faveur de l'allongement de l'espérance de vie des et surtout chroniques aux mécanismes intri-
diabétiques. Dans une étude issue de la cohorte qués. Parce qu'il est un facteur de risque

27
Partie I. Physiopathologie du diabète

cardiovasculaire indépendant et qu'il est associé Les mesures diététiques ont une place de choix
au cancer, les deux principales causes de sur- dans cette stratégie multicibles en combinant les
mortalité diabétique, le diabète doit être plus recommandations, le plus souvent communes,
que jamais prévenu par des mesures portant sur visant à prévenir le surpoids, le diabète et les
le mode de vie et traité au mieux et au plus tôt variations glycémiques, et la dyslipidémie. Cette
afin de contrer les principales responsables des stratégie passe par une gestion exemplaire de
complications que sont l'hyperglycémie, l'insuli- tous les facteurs alimentaires impliqués dans
norésistance, l'inflammation de bas grade, l'athé- les maladies chroniques parmi lesquelles figure
rogenèse accélérée et la sensibilité aux infections. désormais le cancer.

28
Traiter les états CHAPITRE
4
diabétiques : comment
et jusqu'où ?
L. Monnier

PLAN DU CHAPITRE 1,60 g/L dans la période qui suit les repas selon
Buts du traitement, objectifs et bases 29 que l'on applique les règles nord-américaines
Médicaments antidiabétiques 35 (ADA) ou internationales (International Diabetes
Efficacité comparée des différents antidiabétiques 43 Federation). Il convient toutefois de souligner
Stratégies thérapeutiques dans le diabète de type 2 45 que ces stratégies, qui consistent à intensifier le
Conclusion 49 traitement jusqu'à obtenir un profil glycémique
voisin de la normale, doivent être ajustées en
Buts du traitement, fonction de la « vulnérabilité » des patients dia-
bétiques. En effet, certaines études, qui ont été
objectifs et bases réalisées au cours des dernières années (en par-
ticulier l'étude ACCORD publiée en 2008), ont
Atteindre les objectifs montré que le pourcentage de décès par accident
glycémiques cardiovasculaire (2,6 % versus 1,3 %) est signi-
Tout traitement antidiabétique doit chercher à ficativement plus élevé quand on applique un
traitement intensif (HbA1c moyenne aux alen-
atteindre un contrôle glycémique aussi proche
tours de 6,5 %) que lorsqu'on laisse les patients
que possible de la normale. En effet, de nom-
sous un traitement standard (HbA1c moyenne de
breuses études ont prouvé que l'hyperglycémie
7,5 %). Par ailleurs, dans cette étude la fréquence
exerce des effets délétères sur le développement
des hypoglycémies est 3 fois plus élevée quand on
et la progression des complications diabétiques,
cherche à obtenir un contrôle glycémique strict
en particulier vasculaires, qui touchent les petits
que lorsqu'on se contente d'un contrôle glycé-
vaisseaux de l'organisme (rétine, reins) ou les
mique un peu moins rigoureux.
gros vaisseaux (artères coronaires, cérébrales
Cette association hypoglycémies et décès par
ou des membres inférieurs). Dans le premier
accident cardiovasculaire a soulevé de nombreuses
cas, on parle de complications microangiopa-
questions sur les risques encourus lors de l'inten-
thiques, dans le deuxième cas de complications
sification des traitements, en particulier dans le
macroangiopathiques. C'est pour cette rai-
diabète de type 2. À ce jour, de nombreux auteurs
son que des recommandations de plus en plus
conseillent d'avoir des objectifs thérapeutiques
strictes ont été données en termes d'équilibre
moins stricts chez les sujets porteurs de compli-
©2018,ElsevierMassonSAS.Tousdroitsréservés

glycémique. Les organisations internationales


cations cardiovasculaires, et chez les diabétiques
(International Diabetes Federation ou IDF), fran-
Manueldenutritionpourlepatientdiabétique

âgés, c'est-à-dire chez les sujets dits «vulnérables ».


çaise (Haute Autorité de santé ou HAS) et amé-
Notre opinion est qu'un objectif d'HbA1c strict, à
ricaine (American Diabetes Association ou ADA)
moins de 6,5 %, est valable pour les sujets qui sont
recommandent un taux d'HbA1c inférieur à 7 %.
uniquement traités par des médications antidiabé-
De plus en plus, les diabétologues conseillent des
tiques exemptes de tout risque hypoglycémique.
stratégies thérapeutiques qui consistent à inten-
Ces médicaments appartiennent aux groupes
sifier le traitement jusqu'à ce que le glucose plas-
suivants : la metformine, les glitazones, les inhibi-
matique se situe dans les zones recommandées :
teurs des alpha-glucosidases, les inhibiteurs de la
entre 0,80 et 1,30 g/L pour la glycémie à jeun
dipeptidyl peptidase-4 (iDPP-4), les agonistes des
avant le petit déjeuner, moins de 1,80 g/L ou de

29
Partie I. Physiopathologie du diabète

récepteurs du GLP-1, et les inhibiteurs de la réab- • l'hyperglycémie basale ;


sorption rénale du glucose (inhibiteur du cotrans- • l'hyperglycémie postprandiale ;
porteur sodium-glucose de type 2 au niveau du • la variabilité glycémique représentée par les
tubule rénal, iSGLT2). Pour toutes ces classes fluctuations du glucose sanguin entre des
thérapeutiques, nous décrirons ultérieurement valeurs maximum et minimum, c'est-à-dire
leur mode d'action et nous expliquerons pourquoi entre pics et nadirs ;
elles n'exposent pas au risque d'hypoglycémie. En • le phénomène de l'aube ;
revanche, le seuil à atteindre devrait être rehaussé • les hypoglycémies.
à 7 %, voire même plus, chez les patients traités Il faut toutefois signaler que le problème peut
par des médicaments susceptibles de provoquer être simplifié en considérant d'une part que le phé-
des hypoglycémies : les sulfonylurées, les glinides nomène de l'aube (remontée spontanée de la gly-
et évidemment l'insuline. Toujours dans le même cémie en fin de nuit) n'est qu'une composante de
esprit, nous développerons plus loin leur mode l'hyperglycémie basale, c'est-à-dire de l'hypergly-
d'action et nous expliquerons pourquoi ces médi- cémie nocturne et interprandiale, et d'autre part
cations antidiabétiques peuvent conduire à des que la variabilité glycémique n'est que la résultante
épisodes hypoglycémiques. Ces hypoglycémies de ses deux composantes ascendantes et descen-
doivent être évitées. Les patients en sont parfai- dantes, l'hyperglycémie postprandiale et les hypo-
tement conscients car ils savent que ces épisodes glycémies. À partir de cette double constatation, il
d'hypoglycémie sont un handicap dans leur vie est possible de dire que les désordres glycémiques
quotidienne : malaises, crises comitiales, troubles du diabétique se limitent à un triumvirat qui est
de la conscience pouvant aller jusqu'au coma. Les constitué par :
professionnels de santé qui s'occupent de patients • l'hyperglycémie basale ;
diabétiques sont encore plus concernés par ces • l'hyperglycémie postprandiale ;
problèmes d'hypoglycémie car ils en connaissent • le risque d'hypoglycémie.
les dangers immédiats ou à distance sur le plan Dans ces conditions, le traitement du diabète
cérébral ou vasculaire. Les hypoglycémies, par les sucré doit chercher à réduire les deux premières
réactions vasomotrices qu'elles entraînent, sont composantes : l'hyperglycémie basale et l'hyper-
probablement à l'origine d'accidents vasculaires glycémie postprandiale (fig. 4.1). En revanche,
cérébraux ou cardiaques. Il est par exemple bien cette réduction doit être conduite sans toucher
connu que des troubles du rythme cardiaque et à l'exposition normale au glucose, c'est-à-dire
des modifications électrocardiographiques sont à la zone glycémique qui se trouve en moyenne
observés au cours des hypoglycémies lorsqu'elles en dessous de 1 g/L. Toute atteinte à cette zone,
sont suffisamment prononcées. Éviter les hypo- qui est la garantie d'une glycémie normale
glycémies en titrant les doses de médicaments et chez les personnes qui ne sont pas diabétiques,
en jouant sur la diététique est une mesure indis- s'accompagne d'une augmentation du risque
pensable de la prise en charge des personnes d'hypoglycémie.
diabétiques.
Corriger les anomalies
Les mesures diététiques peuvent prendre des formes physiopathologiques du diabète
très diverses comme la prise de collations gluci-
diques interprandiales, en particulier en milieu de
Dans le diabète de type 1
matinée et d'après-midi, ou même avant le coucher Le problème est en apparence simple : il faut rem-
pour éviter les hypoglycémies nocturnes. placer l'insulinosécrétion qui a disparu suite à
la destruction totale ou quasi totale des cellules
bêta-langerhansiennes, qui sécrètent l'insuline au
Pour aller un peu plus loin dans la description des niveau des îlots langerhansiens.
objectifs glycémiques, il convient de rappeler que les Tous les schémas insuliniques proposés
désordres glycémiques chez un diabétique peuvent aujourd'hui dans le diabète de type 1 sont conçus
être schématiquement séparés en cinq composantes : pour répondre aux impératifs de la physiologie.

30
Chapitre 4. Traiter les états diabétiques : comment et jusqu'où ?

Buts du traitement
– Réduire l’hyperglycémie basale
3,00
– Réduire l’hyperglycémie

Concentrationenglucose(g/L)
postprandiale
– Éviter les hypoglycémies

2,00

1,00

0 8 12 19 0 8 12 19 Heures

Exposition normale au glucose chez les sujets non diabétiques


Hyperglycémie basale
Hyperglycémie postprandiale

Figure 4.1.
Les trois composantes de l'exposition globale au glucose sont décrites sur la partie gauche de la figure :
Ŕ (a) l'exposition «incontournable » correspond à toutes les glycémies qui sont inférieures à 1 g/L (rectangle blanc) ;
Ŕ (b) l'exposition liée à l'hyperglycémie basale est représentée par la surface noire ;
Ŕ (c) l'exposition liée à l'hyperglycémie postprandiale est représentée par les surfaces grisées.
La somme (b) + (c) correspond à l'hyperglycémie additionnelle qui est la caractéristique des états diabétiques. Le but du
traitement est de réduire (b) et (c) sans toucher à (a) pour éviter les hypoglycémies (partie droite de la figure).

9,0
Chez un sujet sain, il faut se rappeler que l'on peut
Glycémie(mmol/L)

schématiquement séparer la sécrétion insulinique Repas

en deux composantes (fig. 4.2). 7,0


• La première est destinée à couvrir les besoins
insuliniques de base, c'est-à-dire ceux qui 5,0
correspondent aux périodes de jeûne et inter-
prandiales. Chez un sujet qui mange trois fois 480 80
par jour, et en admettant que les périodes post-
prandiales durent 3 à 4 heures, on peut consi-
Insulinémie(pmol/L)

Insulinémie(mU/L)
60
dérer que la sécrétion basale d'insuline couvre 320

les périodes suivantes : une grande partie de la 40

nuit, une courte période en fin de matinée et 160


20
la deuxième partie de l'après-midi. Cette sécré-
tion d'insuline devrait être normalement à peu
00
près constante, mais ce n'est pas le cas. Chez un
sujet qui n'est pas diabétique, elle doit s'adap- 07h00 12h00 18h00 24h00 06h00
ter aux aléas et aux épisodes de la vie quoti-
Figure 4.2. Évolution de la glycémie et du taux
dienne. En général, les besoins insuliniques
plasmatique de l'insuline (insulinémie) au cours de
augmentent quand le patient est soumis à une la journée chez des sujets sains non diabétiques.
émotion ou à des contrariétés. À l'inverse, ils La sécrétion insulinique normale (partie inférieure de
diminuent quand le sujet pratique une activité la figure) peut être séparée en deux composantes : la
physique. À ces fluctuations « environnemen- sécrétion basale et la sécrétion prandiale. L'insulinémie
tales », viennent se surajouter les modifications peut être exprimée en pmol/L ou en mU/L en sachant
physiologiques. À titre d'exemple, les besoins que 1 mU/L = 6 pmol/L. La glycémie peut être exprimée
en mmol/L ou en g/L en sachant que 1 g/L = 5,5 mmol/
insuliniques sont plus élevés en deuxième L.D'après : Rossetti P, Porcellati F, Fanelli CG, Perriello
partie qu'en première partie de nuit. Chez de G, Torlone E, Bolli GB. Superiority of insulin analogues
nombreux sujets, les besoins insuliniques sont versus human insulin in the treatment of diabetes
à leur niveau le plus bas en milieu de nuit vers mellitus. Arch Physiol Biochem 2008 ; 114(1) : 3-10.

31
Partie I. Physiopathologie du diabète

2 heures du matin. C'est à ce moment-là que la qui assurent une adéquation encore plus précise
sécrétion insulinique est la plus basse chez un entre les réponses glycémiques et insuliniques
sujet non diabétique. Les patients diabétiques après ingestion d'un repas. L'une des prépara-
de type 1 n'échappent pas à cette règle physio- tions les plus prometteuses semble reposer sur
logique et c'est souvent dans la période entre 2 l'association d'un analogue rapide avec de la
et 4 heures du matin que le risque d'hypoglycé- nicotinamide (vitamine PP) et de la L-arginine
mie est le plus élevé. Ceci signifie que le choix (un acide aminé).
de la préparation insulinique destinée à couvrir Pour résumer ce paragraphe, il apparaît que les
les besoins nocturnes doit être le plus judicieux schémas les plus physiologiques sont des schémas
possible et que les doses doivent être conve- de type basal-bolus, qui peuvent être adminis-
nablement ajustées pour éviter les épisodes trés sous deux formes. La première méthode est
d'hypoglycémie nocturne ou tout au moins représentée par des schémas thérapeutiques avec
pour minimiser le risque de leur survenue. En multi-injections d'insuline. Ces schémas com-
dépit de ces fluctuations, les taux plasmatiques binent l'administration d'analogues insuliniques
de l'insuline dans les périodes interprandiales à action prolongée (la durée d'action est aux
chez un sujet non diabétique en poids normal alentours de 24 heures voire même plus avec les
restent relativement bas (fig. 4.2). nouvelles préparations) et des analogues d'action
courte (durée d'action de l'ordre de 3 à 4 heures,
voire même moins, fig. 4.3). L'autre possibilité est
• La deuxième composante de la sécrétion insu- d'administrer l'insuline grâce à une pompe por-
linique chez un sujet non diabétique est celle qui table sous-cutanée qui assure un débit continu
permet de couvrir les besoins insuliniques pran- mais variable d'insuline pour couvrir les besoins
diaux. Chez un sujet non diabétique, la sécrétion de base et qui permet également d'injecter des
insulinique démarre dès que le sujet commence bolus au moment des repas. Dans les deux cas, il
à ingérer son repas. L'intensité de cette sécrétion s'agit d'une insulinothérapie de type basal-bolus.
prandiale est proportionnelle à la charge gluci- Toutefois, il convient de souligner que même avec
dique du repas qui dépend à la fois de la quantité
les schémas insuliniques les plus optimisés, il est
et de la qualité des glucides ingérés. La réponse
quasiment impossible de reproduire des profils
insulinique suit en général de manière à peu près
parallèle la montée glycémique postprandiale insulinémiques comme on les observe chez les
en sachant que les pics glycémiques et insuliné- sujets non diabétiques (fig. 4.2).
miques se situent en général aux alentours de la
30e minute après le début de la prise alimentaire Dans le diabète de type 2
(fig. 4.2). Ces périodes postprandiales s'étalent en
Régulation de la glycémie
général sur une durée de l'ordre de 3 à 4 heures.
chez une personne qui n'est pas diabétique
Elles correspondent au temps de digestion puis
d'absorption des glucides alimentaires à travers Elle peut être représentée sous la forme d'un
la barrière intestinale. Dans les 30 premières schéma extrêmement simple (fig. 4.4). Si le glu-
minutes, le passage est relativement intense et cose sanguin est représenté par un compartiment
rapide. Il ralentit ultérieurement pour disparaître unique, le contrôle de la glycémie est sous la
quand le bol alimentaire du repas a été totalement dépendance de deux flux de glucose, l'un entrant
digéré et absorbé, c'est-à-dire au-delà de 4 heures. qui correspond à la production hépatique du glu-
cose et l'autre sortant qui correspond à l'utilisation
périphérique du glucose par les muscles, le tissu
Chez le diabétique de type 1, il faut essayer adipeux et d'autres organes tels que le cerveau par
de mimer cette réponse insulinique prandiale exemple. À noter d'emblée que le cerveau utilise
et postprandiale par l'injection de préparations une quantité relativement fixe de glucose (150 g
insuliniques à absorption rapide. Les analogues par jour environ). Cette utilisation du glucose par
rapides de l'insuline commercialisés depuis une le cerveau est indépendante de l'insuline alors
vingtaine d'années répondent en partie à cet que pour tous les autres tissus (muscles, tissu adi-
impératif. Certains laboratoires ont même mis peux) l'utilisation du glucose se fait grâce à l'action
au point des analogues ultrarapides de l'insuline de l'insuline. L'insuline sécrétée par les cellules

32
Chapitre 4. Traiter les états diabétiques : comment et jusqu'où ?

3 analogues rapides + 1 analogue prolongé

8h 12 h 19 h 24 h 8h

Petit déjeuner Repas de midi Repas du soir

Figure 4.3. Principe de l'insulinothérapie de type basal-bolus avec une injection d'analogue
prolongé (durée d'action de l'ordre de 24 heures voire même plus) pour assurer les besoins
insuliniques de base.
La couverture des besoins prandiaux est assurée par 3 injections préprandiales (bolus) d'analogue rapide de l'insuline
(durée d'action à peu près égale à 3 ou 4 heures voire même moins) pour tenter de mimer la réponse insulinique
prandiale telle qu'elle est observée chez les sujets non diabétiques.

SÉCRÉTION

SÉCRÉTION

SENSIBILITÉ

SENSIBILITÉ

– +
GLYCÉMIE Utilisation
périphérique
du glucose
Production
hépatique de
glucose

Absorption Excrétion
intestinale de rénale du
glucose glucose = 0
Figure 4.4. Représentation synthétique de la régulation physiologique de la glycémie chez un
sujet non diabétique. Les récepteurs insuliniques sont représentés par les « cupules».

bêta des îlots de Langerhans freine la produc- • une diminution de la sensibilité du foie à l'insu-
tion hépatique du glucose et stimule l'utilisation line, qui se traduit par une production exagérée
périphérique du glucose. Son action s'exerce par de glucose par le foie ;
l'intermédiaire de récepteurs spécifiques situés • une diminution de la sécrétion insulinique par
sur les membranes cellulaires des hépatocytes, des les cellules bêta des îlots de Langerhans. Cette
adipocytes, des cellules musculaires. En freinant diminution aggrave le défaut d'utilisation péri-
le flux d'entrée du glucose et en stimulant le flux phérique du glucose par les tissus périphériques
de sortie, l'insuline a une action hypoglycémiante. et l'excès de production de glucose par le foie.
Ainsi, le diabète de type 2 apparaît comme une
Perturbations observées dans le diabète
maladie liée à un déséquilibre entre le flux entrant
de type 2 (fig. 4.5)
de glucose (production de glucose par le foie) et le
Le diabète sucré est caractérisé par trois anomalies : flux sortant du glucose (utilisation de glucose par
• une diminution de la sensibilité des tissus péri- les tissus périphériques). Trois principaux organes
phériques à l'insuline, qui se traduit par une sont impliqués dans ce déséquilibre : les cellules
diminution de l'utilisation du glucose au niveau des îlots de Langerhans, les muscles et le foie (le
des muscles et du tissu adipeux en particulier ; «triumvirat » de DeFronzo).

33
Partie I. Physiopathologie du diabète

Diminution de la
Diminution de la sécrétion insulinique
sécrétion insulinique

Diminution de la
SENSIBILITÉ
Diminution de la
SENSIBILITÉ

HYPERGLYCÉMIE
Diminution de
l’utilisation
périphérique
Augmentation de la
du glucose
production
hépatique du
glucose
Absorption Excrétion rénale de
intestinale de glucose quand
glucose la glycémie est > 1,80 g/L
Figure 4.5. Mécanisme de l'hyperglycémie chez les patients diabétiques de type 2.
La physiopathologie du diabète de type 2 est caractérisée par l'association à un degré variable d'une insulinopénie
et d'un état d'insulinorésistance. La combinaison des deux conduit à une hyperglycémie avec augmentation de la
production hépatique du glucose et diminution de son utilisation périphérique. Les récepteurs insuliniques sont
représentés par les «cupules ».

Objectifs du traitement mesures hygiéno-diététiques et par les médica-


Le but du traitement est de corriger le déséqui- tions antidiabétiques non insuliniques utilisées
libre entre la production du glucose par le foie, jusque-là ;
qui est exagérée, et l'utilisation du glucose qui est • en rétablissant une insulinosensibilité voisine
diminuée au niveau des tissus périphériques. Le de la normale au niveau des hépatocytes et des
résultat de ce déséquilibre conduit à l'hyperglycé- muscles par l'intermédiaire de mesures diété-
mie qui caractérise le diabète sucré (fig. 4.5). Pour tiques (perte de poids essentiellement) et/ou
tenter de ramener la glycémie à un niveau normal, pharmacologiques (médicaments insulinosensi-
il convient de réduire la production hépatique du bilisateurs) (fig. 4.6).
glucose et de stimuler son utilisation périphé-
rique. Pour atteindre cet objectif, il faut agir à deux
niveaux (fig. 4.6) : En dehors des deux flux de glucose liés à la pro-
• en stimulant l'insulinosécrétion résiduelle par duction hépatique et à l'utilisation périphérique,
des insulinosécrétagogues car l'insuline freine il existe un troisième flux qui intervient de façon
la production hépatique du glucose et stimule intermittente au moment des repas. Ce flux
son utilisation. Quand l'insulinosécrétion rési- correspond à la digestion des glucides alimen-
duelle est trop altérée et non stimulable, il faut taires, à leur passage dans le système porte sous
la remplacer par un traitement insulinique. forme de monosaccharides (glucose, fructose et
C'est ce qui se produit en général dans le dia- galactose), à leur conversion hépatique terminale
bète de type 2 au-delà de la 10e ou 15e année en glucose (quand les monosaccharides sont
après la découverte du diabète. Aujourd'hui, en absorbés sous forme de fructose et de galactose)
France, sur 3 millions de diabétiques de type 2, et à leur passage ultérieur dans la circulation
plus de 400 000 sont traités par l'insuline. De systémique.
plus tous les ans environ 80 000 diabétiques qui Ceci explique qu'une voie de traitement de
jusque-là étaient traités par des médications l'hyperglycémie en particulier postprandiale soit
antidiabétiques non insuliniques doivent avoir basée sur des mesures diététiques qualitatives :
index glycémique des aliments, fragmentation des
recours à un traitement insulinique car leur
prises alimentaires.
contrôle glycémique ne peut être assuré par les

34
Chapitre 4. Traiter les états diabétiques : comment et jusqu'où ?

a) Insuline
a) Insuline ou
ou b) insulinosécrétagogues :
b) insulinosécrétagogues : – Sulfonylurées
– Sulfonylurées – Thérapeutiques basées sur l’effet
– Thérapeutiques basées sur l’effet incrétine
incrétine

c) Insulinosensibilisateurs : metformine et glitazones

– +
GLYCÉMIE Utilisation
périphérique

Production – + du glucose

hépatique de
glucose

e) Inhibiteurs du
d) Inhibiteurs des
alpha-glucosidases SGLT2

Figure 4.6.
Sites d'action des différentes thérapeutiques hypoglycémiantes utilisées dans le traitement du diabète de type 2. Les
moyens d'action sont les suivants :
Ŕ (a) remplacer l'insulinosécrétion déficiente par des injections d'insuline quand l'insulinosécrétion résiduelle est trop altérée;
Ŕ (b) prescrire un insulinosécrétagogue quand l'insulinosécrétion résiduelle est encore «réactivable »;
Ŕ (c) utiliser des insulinosensibilisateurs pour renforcer l'action de l'insuline au niveau du foie et/ou des tissus périphériques;
Ŕ (d) ralentir l'absorption intestinale des glucides ;
Ŕ (e) augmenter l'excrétion urinaire du glucose.

Ces mesures diététiques peuvent être potentialisées injectées aux patients étaient des insulines extraites
par des traitements pharmacologiques qui agissent de pancréas de porc ou de bœuf. Bien que ces insu-
en ralentissant la digestion des glucides alimentaires lines aient bénéficié de procédés de purification
et en étalant leur absorption au niveau de la bar- de plus en plus performants au cours du temps,
rière intestinale (inhibiteurs des alpha-glucosidases). c'est dans les années 1980 que tous les efforts
Enfin, il est possible, grâce aux nouveaux traite- convergèrent pour produire des insulines ayant la
ments par inhibiteurs de la réabsorption rénale du même structure que l'insuline humaine native. Le
glucose, d'ouvrir un flux de sortie qui n'existe pas premier procédé de fabrication reposait sur une
chez le sujet sain : la glycosurie. L'ouverture de ce constatation simple : l'insuline de porc ne diffère
flux permet d'obtenir une glycosurie de l'ordre de l'insuline humaine que par la présence d'un
de 50 g par jour chez des sujets jusque-là aglyco- résidu alanine à l'extrémité carboxyl de la chaîne B
suriques ou d'augmenter la glycosurie chez des (position B30) alors que cette position est norma-
sujets dont la glycosurie restait modérée (10 à 20 g lement occupée par de la thréonine dans l'insuline
par jour). Les points d'impact des différentes thé- humaine (fig. 4.7). Dès lors il suffisait de rempla-
rapeutiques sont schématisés sur la figure 4.6. cer par un procédé enzymatique l'alanine par de
la thréonine pour obtenir une insuline humaine,
hémisynthétique, encore appelée «insuline huma-
Médicaments antidiabétiques nisée ». En dépit de sa simplicité apparente, ce pro-
cédé était fort laborieux. Dans ces conditions, il
Préparations insuliniques n'est pas étonnant qu'il ait été détrôné au cours de la
décennie 1980Ŕ1990 par la fabrication biosynthé-
Depuis sa première utilisation en 1922, jusqu'aux tique des premières insulines obtenues par génie
années 1980, toutes les préparations insuliniques génétique en insérant le gène de l'insuline dans des

35
Partie I. Physiopathologie du diabète

A
S S
Insuline humaine
S S 30
B
Thr

A
Insuline de porc S S
S S 30
B
Ala
Figure 4.7. Structure primaire de l'insuline humaine native et comparaison avec l'insuline de porc.
La différence se situe au niveau de l'acide aminé en position 30 de la chaîne B : thréonine pour l'insuline humaine
et alanine pour l'insuline de porc.

micro-organismes (bactéries ou levures) pour leur d'être déversée dans la circulation générale. Étant
faire fabriquer de l'insuline humaine. L'insuline donné que c'est la partie carboxyterminale de la
humaine native, dite ordinaire, est constituée par chaîne B de l'insuline qui est impliquée dans le
deux chaînes protéiques reliées par deux ponts phénomène d'auto-association, la production des
disulfures : 21 acides aminés pour la chaîne A et 30 analogues rapides est basée sur la modification de
pour la chaîne B (fig. 4.7). Lorsque les premières cette partie de l'insuline pour rendre son auto-
insulines humaines obtenues par génie génétique association impossible. C'est ce qui a été réalisé
apparurent sur le marché, elles détrônèrent toutes pour les trois analogues rapides qui sont actuel-
les autres préparations insuliniques, en particulier lement commercialisés : l'asparte ou NovoRapid®,
les insulines d'origine animale. la lispro ou Humalog®, et la glulisine ou Apidra®.
La révolution du génie génétique fut suivie, à Le profil d'action des analogues rapides leur
partir des années 1990, par l'avènement des analo- confère le statut d'insulines «prandiales » car elles
gues de l'insuline. En effet, dès que les biochimistes ont une action qui est calquée sur les profils des
maîtrisèrent le génie génétique, ils furent capables montées glycémiques postprandiales. Les trois
de modifier le gène de l'insuline et d'utiliser le génie analogues rapides (lispro, asparte et glulisine) ont,
génétique pour produire des insulines modifiées à quelques nuances près, le même profil : action
sur certains acides aminés. Le but était d'obtenir immédiate dès l'injection, pic d'activité 30 à
des insulines ayant un profil d'action plus court 40 minutes après l'administration sous-cutanée et
(analogues rapides) ou plus long (analogues pro- durée d'action de l'ordre de 3 à 4 heures (fig. 4.8).
longés) que celui des insulines humaines classiques. Les analogues rapides sont, comme toutes les
insulines, titrés à 100 unités/mL (U100). Depuis
Analogues rapides ou insulines quelques mois, certains laboratoires ont déve-
loppé des analogues rapides (lispro par exemple)
ultratrapides titrés à 200 unités/mL (Humalog® U200).
L'insuline humaine native a une forte tendance Aujourd'hui, le besoin se fait sentir d'enrichir
à l'auto-association, qui conduit à des dimères notre arsenal thérapeutique avec des insulines
(association de deux molécules d'insuline) et à encore plus rapides que les analogues rapides, pour
des hexamères (association de six molécules d'in- optimiser la couverture des besoins insuliniques sur
suline). Cette agrégation ralentit la résorption de l'ensemble de la période postprandiale. Plusieurs
l'insuline dans le tissu cellulaire sous-cutané car procédés ont été proposés mais aucun n'est actuel-
l'insuline injectée doit être redissociée en mono- lement validé pour le traitement des patients diabé-
mères pour traverser la paroi capillaire avant tiques. Ces méthodes sont basées sur l'adjonction

36
Chapitre 4. Traiter les états diabétiques : comment et jusqu'où ?

Analogues rapides (3 h)

20 h 23 h 8h 20 h

Insulines régulières (6 h)

20 h 2h 8h 20 h
Insuline NPH (12 h)

20 h 8h 20 h
Insuline détémir (14 h)

20 h 8h 20 h
Insuline glargine U100 (24 h)

20 h 8h 20 h
Insuline glargine U300 (36 h)

20 h 8h 20 h 8h

Insuline dégludec (> 48 h)

20 h 8h 20 h 20 h

Figure 4.8. Profils d'action des différentes catégories d'insuline.


La durée totale est exprimée en heures. La courbe en trait plein correspond au profil d'action moyen. La zone grisée
entre les courbes en pointillé représente la variabilité d'action des insulines. Les heures indiquées sur l'axe horizontal
correspondent aux heures de la journée à partir d'une injection qui serait faite à 20 heures.

d'excipients qui facilitent la dispersion des molé- Analogues prolongés de l'insuline


cules d'insuline (hyaluronidases), qui potentialisent La première insuline à effet prolongé fut l'insu-
la cinétique d'absorption ou qui favorisent le main- line NPH dont la durée d'action est de l'ordre de
tien de l'insuline sous forme de monomères. L'une 12 heures. Cette variété d'insuline reste toujours
des techniques les plus prometteuses aurait pu être largement utilisée. Son principal défaut est sa durée
celle des biochaperonnes des analogues rapides. Les d'action relativement courte (fig. 4.8). À ce jour,
chaperonnes sont des protéines qui sont norma- plusieurs analogues prolongés sont commercia-
lement sécrétées par les cellules et qui permettent lisés : la glargine U100 (Lantus® et Abasaglar®), la
d'assembler et de plicaturer d'autres protéines dans détémir (Levemir®), et la glargine U300 (Toujeo®).
leur structure tertiaire tridimensionnelle en les Les profils d'action schématiques des analogues
emmitouflant dans une chape protectrice comme prolongés et de l'insuline NPH sont indiqués sur la
le faisaient certaines coiffes utilisées pour protéger figure 4.8. Bien que ces insulines soient obtenues
les coiffures des Françaises vivant au XVIe siècle. par des procédés différents, elles ont en général
Cette coiffe était appelée «chaperon». Ce terme une durée d'action qui se rapproche des 24 heures
d'origine française a été repris par les scientifiques (détémir), qui atteint les 24 heures (glargine U100)
pour désigner les protéines qui jouent un rôle dans ou qui dépasse les 24 heures (glargine U300). La
l'emmitouflage des autres protéines afin d'assurer glargine U300 tire son supplément d'effet retard
leur configuration spatiale, idéale et définitive. (36 heures contre 24 heures pour la glargine U100)
Malheureusement, cette technique des «biochape- de son caractère hyperconcentré. En effet, la résorp-
rones» semble ne pas conduire aux résultats que l'on tion d'une insuline sous la peau est d'autant plus
pouvait espérer. Comme nous l'avons dit plus haut, longue que sa concentration est plus forte. Lorsque
c'est l'adjonction de nicotinamide et de L-arginine à la durée d'action d'une insuline dépasse 24 heures,
l'insuline asparte qui pourrait être la solution la plus on parle habituellement de préparation ultralente.
prometteuse au moins à court terme. À la glargine U300, commercialisée en France sous

37
Partie I. Physiopathologie du diabète

le nom de Toujeo®, est venue s'ajouter la dégludec • Vaut-il mieux choisir un médicament ayant
dont la durée d'action dépasse les 48 heures. Cette une action sur l'hyperglycémie basale ou sur
insuline est disponible dans certains pays sous le l'hyperglycémie postprandiale ?
nom de Tresiba®. En France, elle n'est disponible Les choix seront détaillés dans les paragraphes des
que sous une forme combinée à un agoniste des stratégies et des recommandations thérapeutiques.
récepteurs du GLP-1, le liraglutide. Cette prépara-
tion où les deux produits sont combinés dans un Les médicaments qui stimulent
rapport fixe (50 unités de dégludec pour 1,8 mg de l'insulinosécrétion
liraglutide) porte le nom de Xultophy®. L'auteur de (les insulinosécrétagogues)
ce chapitre a de la peine à comprendre pourquoi
l'insuline dégludec est commercialisée en France Dans le groupe des insulinosécrétagogues, deux
en association avec le liraglutide alors qu'elle n'est grandes classes peuvent être distinguées. La
pas disponible isolément. première catégorie est constituée par des insuli-
Ainsi, il apparaît que les préparations insuli- nosécrétagogues classiques, qui se fixent sur un
niques dont nous disposons aujourd'hui n'ont récepteur membranaire de la cellule bêta pour sti-
jamais été aussi nombreuses. La mise sur le mar- muler l'insulinosécrétion. Ils sont représentés par
ché des analogues insuliniques, avec des prépa- deux types de molécules : les sulfonylurées et les
rations rapides (dites prandiales) ou prolongées glinides. La deuxième catégorie est représentée par
(dites basales), permet une personnalisation des les médicaments qui agissent par la voie des incré-
traitements insuliniques en particulier lorsqu'il tines : les incrétinomodulateurs (inhibiteurs de la
s'agit de schémas basal-bolus tels qu'on les pra- DPP-4) et les incrétinomimétiques (agonistes des
tique aujourd'hui. Il est probable que les nouvelles récepteurs du GLP-1). Ces derniers ne sont pas des
formulations d'insuline déjà existantes ou le déve- antidiabétiques oraux puisqu'ils ne peuvent être
loppement de nouvelles préparations insuliniques administrés que par voie sous-cutanée. Nous les
contribueront à améliorer encore un peu plus le décrirons malgré tout dans ce paragraphe car ils
caractère basal ou prandial des insulines. appartiennent au groupe des médications antidia-
bétiques non insuliniques. Comme indiqué sur le
Antidiabétiques tableau 4.1, les sulfonylurées sont plutôt des médi-
en dehors de l'insuline caments qui agissent sur l'hyperglycémie basale,
tandis que les médicaments qui exercent leur effet
À chaque étape de la maladie et chaque fois que par la voie des incrétines agissent préférentielle-
les objectifs ne sont pas atteints, les choix des anti- ment sur l'hyperglycémie postprandiale. Les gli-
diabétiques dans le traitement du diabète de type 2 nides ont, quant à eux, un effet quasi équivalent
doivent être appréhendés avec un double regard. sur la glycémie basale et la glycémie postprandiale.
• Est-il préférable de prescrire un insulinosécré- Les insulinosensibilisateurs sont essentielle-
tagogue ou un insulinosensibilisateur ? ment des médicaments de l'hyperglycémie basale.

Tableau 4.1. Mode d'action des différents antidiabétiques (en dehors de l'insuline)
utilisés dans le traitement du diabète sucré.
Réduisent la
glycémie à jeun glycémie postprandiale
Insulinosécrétagogues Sulfonylurées +++ +
Glinides ++ ++
Gliptines ou analogues du GLP-1 + +++
Insulinosensibilisateurs Metformine +++ +
Glitazones +++ +
Inhibiteurs des SGLT (gliflozines) +++ +
Alpha-glucosidase inhibiteurs + ++

38
Chapitre 4. Traiter les états diabétiques : comment et jusqu'où ?

Les inhibiteurs des alpha-glucosidases sont, pour Insulinosécrétagogues qui n'agissent


des raisons évidentes, des médicaments de l'hy- pas par la voie de incrétines :
perglycémie postprandiale. En revanche, les inhi- sulfonylurées et glinides
biteurs du SGLT2 sont surtout des médicaments Sulfonylurées
de l'hyperglycémie basale et ils agissent accessoi- Ces substances, qui ont toutes un groupement
rement sur l'hyperglycémie postprandiale. moléculaire commun (le groupement sulfonylu-
Il convient toutefois de noter que cette sépara- rée) stimulent la sécrétion insulinique de manière
tion entre médicaments de l'hyperglycémie basale glucodépendante. Ceci implique que leur effica-
et de l'hyperglycémie postprandiale est un peu cité thérapeutique soit liée à la persistance d'une
artificielle, car tout médicament antidiabétique agit sécrétion insulinique résiduelle suffisante et que
à la fois sur la glycémie basale et sur la glycémie leur efficacité (baisse des glycémies indépen-
postprandiale. À titre d'exemple, l'acarbose qui est dantes du taux du glucose sanguin) soit associée
théoriquement un médicament à visée postpran- à un risque d'hypoglycémie. Il convient de rap-
diale réduit également l'hyperglycémie basale. Ceci peler que la sécrétion insulinique de la cellule
est lié au fait que toute glycémie est dépendante des bêta-langerhansienne est normalement régulée
glycémies qui la précèdent et toute amélioration de par la concentration du glucose extracellulaire
la glycémie à un instant donné retentit sur la glycé- qui pénètre à l'intérieur de la cellule bêta en étant
mie suivante. Ainsi, l'amélioration de la glycémie véhiculé par des transporteurs spécifiques : les
de milieu de matinée (glycémie postprandiale) par GLUT2. Sans entrer dans les détails, le glucose
un traitement avec acarbose ou glinide entraîne une active la glucokinase intracellulaire pour entraî-
diminution de la glycémie de fin de matinée (glycé- ner une dépolarisation de la membrane cellu-
mie avant le repas de midi laquelle est une glycémie laire avec pénétration de calcium à l'intérieur de
basale). C'est ainsi qu'un traitement par acarbose la cellule et in fine une libération d'insuline. La
(inhibiteur des alpha-glucosidases) prescrit avant même dépolarisation de la membrane cellulaire
chaque repas finit par améliorer non seulement les peut être obtenue par la fixation des sulfonylurées
glycémies postprandiales, mais également les gly- sur un récepteur membranaire de la cellule bêta :
cémies basales (de jeûne et interprandiales). le SUR1. Ce récepteur est capable de reconnaître
À l'inverse, la plupart des médications visant le groupement sulfonylurée, mais l'affinité pour
l'hyperglycémie basale améliorent les hypergly- le récepteur varie d'une sulfonylurée à l'autre. De
cémies postprandiales. C'est le cas pour les inhi- manière schématique, on peut considérer que
biteurs de la réabsorption tubulaire du glucose l'efficacité des sulfonylurées suit l'ordre décrois-
(inhibiteurs du SGLT2) qui, en agissant sur les sant suivant : glibenclamide (Daonil®), glimépi-
glycémies basales, entraînent une diminution ride (Amarel®), glipizide (Glibénèse®), gliclazide
indirecte des glycémies postprandiales. (Diamicron®).
L'effet secondaire le plus ennuyeux des sulfo-
Ces remarques sont également applicables aux nylurées est le risque d'hypoglycémie en cas de
mesures hygiéno-diététiques. À titre d'exemple, surdosage thérapeutique. La survenue d'hypo-
un repas de midi à index glycémique faible, c'est- glycémie est relativement rare comparée à celle
à-dire contenant des aliments glucidiques à faible qui est observée sous traitement insulinique.
pouvoir hyperglycémiant va entraîner une dimi- Il s'agit le plus souvent de malaises hypoglycé-
nution des glycémies non seulement en début miques peu intenses qui surviennent en fin de
d'après-midi, c'est-à-dire en période postpran- matinée ou en fin d'après-midi. Ces malaises
diale immédiate, mais également en fin d'après- sont souvent favorisés par une activité physique
midi alors que les glucides ont été totalement plus intense que d'habitude. Il faut également
absorbés depuis plusieurs heures. Envisageons se méfier lorsque les prises alimentaires ne
un deuxième exemple, un sujet diabétique qui va contiennent pas assez de glucides. L'une des
avoir une activité physique en deuxième partie consignes données aux diabétiques de type 2 est
de matinée va améliorer ses glycémies avant le de supprimer la prise de sulfonylurée lorsque le
repas de midi, mais également pendant les 2 ou
repas est sauté pour une raison quelconque. Il
3 heures qui vont suivre ce repas.
convient en outre de noter qu'il faut être prudent

39
Partie I. Physiopathologie du diabète

chez les patients ayant une insuffisance hépa- Insulinosécrétagogues qui agissent
tique ou rénale. Dans ce cas, les sulfonylurées par la voie des incrétines
risquent de s'accumuler dans l'organisme pour Généralités
entraîner des accidents hypoglycémiques. L'action de cette nouvelle classe de médicaments
repose sur l'effet incrétine décrit il y a plus de
Glinides 30 ans. Quand on induit une montée glycémique
Cette classe de médicaments ne concerne en identique après une charge orale ou intraveineuse
France qu'un seul médicament : le répaglinide en glucose (fig. 4.9), la réponse insulinique est
commercialisé sous le nom de Novonorm®. Les nettement plus importante lorsque le glucose est
glinides sont des médicaments dont le mode administré par voie orale. Cet effet fut attribué à
d'action se rapproche des sulfonylurées, mais la stimulation par le bol alimentaire d'hormones
leur fixation sur le récepteur SUR1 est beaucoup intestinales désignées sous le nom d'incrétines.
plus faible que pour les sulfonylurées. Par voie de Parmi les hormones qui ont été identifiées, l'une
conséquence, les glinides ont un pouvoir hypo- d'elles, le glucagon-like peptide-1 (GLP-1), a été
glycémiant plus faible et une action plus courte. l'objet d'un développement thérapeutique. Le
C'est pour cette raison qu'ils apparaissent comme GLP-1 est libéré au niveau du tube digestif dans
des médicaments de la glycémie postprandiale, les minutes qui suivent l'ingestion d'un repas. Sa
lorsqu'ils sont prescrits avant un repas. Leur durée libération est suivie d'une sécrétion d'insuline
d'action courte explique pourquoi ils doivent en glucodépendante (en réponse au glucose qui est
général être administrés 3 fois par jour, avant absorbé au cours du repas). Le GLP-1 est donc
chaque repas. Comme pour les sulfonylurées, considéré comme une hormone insulinotrope
l'effet secondaire le plus ennuyeux est le risque glucodépendante qui ne stimule l'insulinosé-
d'hypoglycémie bien que ces dernières soient crétion qu'en présence de glucose intestinal.
moins fréquentes et moins intenses qu'avec les De manière un peu abusive, on peut étique-
sulfonylurées. ter le GLP-1 comme un facteur insulinotrope

HGPO
200 Perfusion IV de glucose
Glycémie(mg/dL)

150

100

50

0 30 60 90 120 150 180

0,4
Insulinémie(nmol/L)

0,3 Effet incrétine

0,2

0,1

0
0 30 60 90 120 150 180

Minutes
Figure 4.9. Description de l'effet incrétine.
À montée glycémique égale, une charge orale en glucose entraîne une réponse insulinique plus forte qu'une charge
intraveineuse en glucose. La différence, illustrée par l'aire grise, correspond à l'effet incrétine. D'après Nauck MA,
Homberger E, Siegel EG, Allen RC, Eaton RP, Ebert R, Creutzfeldt W. J Clin Endocrinol Metab 1986 ; 63(2) : 492-8.

40
Chapitre 4. Traiter les états diabétiques : comment et jusqu'où ?

« intelligent » puisqu'il ne stimule l'insulinosé- une action antiglucagon (glucagonostatique). Le


crétion qu'en fonction des besoins de l'organisme, glucagon étant une hormone hyperglycémiante,
c'est-à-dire lorsque le glucose provenant de l'hy- cet effet contribue à réduire la glycémie.
drolyse des glucides alimentaires est absorbé par
Analogues du GLP-1 ou agonistes
les cellules intestinales.
En raison de sa courte durée de vie (moins de des récepteurs du GLP-1
2 minutes), le GLP-1 ne peut pas être utilisé direc- Ce sont des polypeptides non dégradables du
tement en thérapeutique. Compte tenu de ces GLP-1 obtenus par modification de leur structure
observations, deux voies thérapeutiques ont été chimique, ce qui ralentit ou supprime leur dégra-
envisagées : dation par la DPP-4.
• la première consiste à produire des agonistes Ces agonistes des récepteurs du GLP-1 peuvent
des récepteurs du GLP-1 (incrétinomimétiques) être classés en deux catégories en fonction de leur
non dégradables par l'enzyme qui assure nor- durée d'action :
malement sa dégradation : la dipeptidyl pepti- • les analogues à vie courte (moins de 24 heures) :
dase 4 (DPP-4). Cette première voie a conduit à l'exénatide et le lixisénatide. Ces deux analo-
la production de l'exénatide (Byetta®), premier gues ont une action préférentielle sur la motri-
analogue commercial du GLP-1. Le liraglutide cité gastrique et agissent plus sur les glycémies
(Victoza®) est le deuxième analogue du GLP-1 postprandiales que sur les glycémies basales.
commercialisé en France. Un troisième, le lixi- Leurs actions insulinotrope, glucagonosta-
sénatide (Lyxumia®) devrait être normalement tique (antiglucagon), sont moins prononcées
commercialisé dans les mois à venir. À ces trois que celles des analogues à vie longue, ce qui
produits, qui nécessitent une injection quoti- explique leur action un peu plus faible sur le
dienne pour le Victoza® et le Lyxumia® et biquo- contrôle glycémique ;
tidienne pour le Byetta® se sont rajoutées deux • les analogues à vie longue (24 heures ou plus de
autres préparations dont l'action s'étale sur 24 heures) : le liraglutide, l'exénatide à libéra-
une semaine : le Bydureon® qui est une forme à tion prolongée et le dulaglutide. Ces trois ana-
libération prolongée de l'exénatide et le dulaglu- logues n'ont pratiquement que peu d'action sur
tide commercialisé depuis un an sous le nom la vidange gastrique. Comme indiqué plus haut,
de Trulicity®. Ces formes hebdomadaires per- leur action est surtout insulinotrope et gluca-
mettent de rendre le traitement moins contrai- gonostatique avec un effet plus marqué sur les
gnant pour les patients ; glycémies basales que sur les postprandiales.
• la deuxième voie qui peut être suivie est celle
Gliptines ou inhibiteurs de la DPP-4
des incrétinomodulateurs. Elle consiste à inhi-
ber l'activité de la DPP-4 qui dégrade le GLP-1 À ce jour, trois médicaments sont commercia-
de manière spécifique. Cette inhibition se tra- lisés : la sitagliptine (Januvia®), la vildagliptine
duit par une augmentation prolongée des taux (Galvus®) et la saxagliptine (Onglyza®). Les glip-
de GLP-1. Ce dernier effet explique l'action tines n'ont pas toutes le même profil d'action.
antidiabétique observée avec les trois produits La sitagliptine et la saxagliptine peuvent être
qui ont été les plus étudiés dans les essais thé- administrées en une prise unique le matin alors
rapeutiques : la sitagliptine (Januvia®), la vilda- que la vildagliptine plus courte nécessite deux
gliptine (Galvus®) et la saxagliptine (Onglyza®). prises quotidiennes. En général, les gliptines
La stricte glucodépendance des médicaments sont un peu moins efficaces sur la glycémie que
agissant par la voie des incrétines sous-entend que les agonistes des récepteurs du GLP-1 car leur
les sujets qui reçoivent des gliptines sont poten- effet insulinosécrétoire et antiglucagon est plus
tiellement à l'abri du risque de survenue d'épi- faible. En revanche, les gliptines n'ont aucun effet
sodes hypoglycémiques. C'est pour cette raison sur la motricité gastrique, ce qui explique leur
qu'il est possible de parler d'insulinosécrétago- bonne tolérance digestive alors que les agonistes
gues «intelligents » qui ne stimulent l'insulinosé- des récepteurs du GLP-1, en particulier ceux à
crétion que lorsque le besoin s'en fait sentir. Par action courte, entraînent des troubles digestifs
ailleurs, il convient de signaler que les médica- dans 15 % des cas au moins transitoirement au
ments qui agissent par la voie des incrétines ont moment de la mise en route du traitement.

41
Partie I. Physiopathologie du diabète

Insulinosensibilisateurs est dégradé en oligosaccharides (dextrines) et


Metformine disaccharides (maltose) sous l'action des alpha-
amylases qui coupent les chaînes polymériques
C'est un médicament qui agit sur l'insulinorésis-
du glucose au niveau des liaisons 1Ŕ4. Le maltose
tance. Son action est plus marquée sur le foie que et les dextrines doivent subir une hydrolyse ulté-
sur les tissus périphériques. rieure sous l'influence d'une alpha-glucosidase
Les doses thérapeutiques maximales de metfor- pour être transformés en glucose, lequel peut être
mine sont de 2 g/j. La metformine est commer- absorbé par le tube digestif. Le saccharose, qui est
cialisée sous différentes formes : Stagid® titré à le constituant du sucre en morceau ou en poudre,
700 mg et Glucophage® titré à 500, 850 et 1 000 mg. est hydrolysé en glucose et en fructose par une
Le principal effet indésirable de la metformine saccharase qui fait partie des alpha-glucosidases.
est la survenue de troubles digestifs, principale- L'inhibition compétitive des alpha-glucosidases
ment des diarrhées : le taux de patients atteints par par l'acarbose ou le miglitol freine la dégradation
ces effets indésirables est de l'ordre de 20 %, entraî- des glucides alimentaires, ralentit leur absorption
nant dans certains cas l'arrêt du traitement. Pour et amortit les excursions glycémiques postpran-
éviter ce type d'inconvénient, il est conseillé de diales. L'acarbose et le miglitol sont commercia-
démarrer le traitement de manière progressive en lisés respectivement sous les noms de Glucor® et
sachant que cette mesure n'est pas toujours efficace. Diastabol®. Les deux médicaments se présentent
L'acidose lactique est une complication sévère sous la forme de comprimés titrés à 50 et 100 mg.
mais qui a totalement disparu depuis que les Pour que l'action inhibitrice de ces médicaments
médecins ont été informés et respectent les contre- s'exerce pleinement, il faut qu'ils soient adminis-
indications du médicament qui sont au nombre de trés avant chaque repas c'est-à-dire 3 fois par jour.
quatre : l'insuffisance rénale, l'insuffisance hépa- Leur effet indésirable le plus incommodant est la
tique, l'insuffisance respiratoire chronique et de survenue de troubles digestifs à type de flatulence,
manière plus générale tous les états d'hypoxie. de diarrhées, ou d'inconfort abdominal. Ils sont
liés à la fermentation des hydrates de carbone non
Glitazones ou thiazolidinediones digérés. Afin de les éviter, l'acarbose et le miglitol
Cette classe d'insulinosensibilisateurs a été com- doivent être prescrits de manière progressive.
mercialisée à la fin des années 1990. L'une des
glitazones, la pioglitazone ou Actos® reste com-
Inhibiteurs du cotransporteur
mercialisée dans de nombreux pays, mais son
utilisation a nettement diminué compte tenu des sodium-glucose de type 2 (iSGLT2)
réserves qui ont été émises sur son utilisation. Trois inhibiteurs du SGLT2 (gliflozines) ont été
Dans la mesure où cette classe médicamenteuse développés : la dapagliflozine (Forxiga®, com-
n'est plus utilisée en France, nous nous contente- primés titrés à 5 et 10 mg), la canagliflozine
rons de citer son existence sans développer davan- (Ivokana®, comprimés titrés à 100 et 300 mg) et
tage son mode d'action. l'empagliflozine (Jardiana®, comprimés titrés à
10 et à 25 mg). Pour des raisons peu compréhen-
Autres médicaments sibles, aucune d'entre elles n'est commercialisée
en France. Les gliflozines sont des médicaments
Inhibiteurs des alpha-glucosidases
qui entraînent une glycosurie de l'ordre de 50 g
Ce sont des médicaments (acarbose ou miglitol) par jour en diminuant la réabsorption du glucose
qui ralentissent l'absorption intestinale des au niveau des tubules rénaux. De manière simple,
glucides alimentaires. Chez l'homme, les glu- le glucose sanguin ne passe pas dans l'urine tant
cides apportés par l'alimentation (en majorité que son taux est inférieur à 1,80 g/L. Dans ces
des amidons) sont digérés au niveau du tractus conditions, après sa filtration par les glomérules
intestinal grâce à des réactions enzymatiques suc- rénaux, il est totalement réabsorbé par les tubules
cessives. L'amidon est un polysaccharide de haut rénaux. Le traitement par gliflozine fait passer
poids moléculaire constitué par un enchaînement ce seuil de 1,80 g/L à 1 g/L, ce qui signifie que le
d'unités «glucose ». Lors de sa digestion, l'amidon sujet va éliminer du glucose dès que sa glycémie

42
Chapitre 4. Traiter les états diabétiques : comment et jusqu'où ?

dépasse 1 g/L. Dans la mesure où de nombreuses En monothérapie de première intention, ce sont


personnes ayant un diabète de type 2 ont une gly- les médicaments de l'hyperglycémie basale (sulfo-
cémie basale ou postprandiale qui dépasse 1 g/L nylurées, metformine et glitazones) qui entraînent
sans toutefois dépasser 1,80 g/L au moins pour la la baisse la plus importante de l'HbA1c : 1,5 %
glycémie basale, il est facile de comprendre que pour les sulfonylurées et la metformine, 1 % pour
ces diabétiques qui n'ont pas de glycosurie ou qui les glitazones, et un peu moins de 1 % pour les
n'ont qu'une glycosurie modérée puissent devenir inhibiteurs du SGLT2. Les médicaments agissant
fortement glycosuriques quand ils sont traités par plus électivement sur la glycémie postprandiale
gliflozine. La perte de glucose par les urines a un ont une efficacité plus faible, la chute de l'HbA1c
double avantage : une diminution des glycémies étant comprise entre 0,6 et 0,9 % (fig. 4.10). Le gra-
et une perte de poids par le biais des calories per- dient d'efficacité semble être le suivant : Ŕ 0,9 %
dues sous forme de glucose urinaire. pour les analogues du GLP-1 ; Ŕ 0,8 % pour les
inhibiteurs de la DPP-4 et Ŕ 0,6 à Ŕ 0,7 % pour

Efficacité comparée
les inhibiteurs des alpha-glucosidases. Cette effi-
cacité plus modeste pour les médicaments de la
des différents antidiabétiques glycémie postprandiale n'a rien de surprenant
quand on sait que l'impact absolu de la glycémie
Efficacité sur l'équilibre postprandiale sur l'HbA1c est de l'ordre de 1 %,
quel que soit le niveau de l'HbA1c. Pour résumer
glycémique les choses, deux points doivent être soulignés :
Le meilleur critère pour évaluer l'efficacité des anti- • les médicaments de la glycémie basale sont glo-
diabétiques est de mesurer la baisse de l'HbA1c après balement plus actifs que ceux de l'hyperglycé-
la mise en route du traitement. Les moyennes obser- mie postprandiale ;
vées dans les différentes études sont indiquées sur la • parmi les médicaments de l'hyperglycémie
figure 4.10. Les médicaments peuvent être adminis- basale, les plus anciens (les sulfonylurées et la
trés soit comme thérapeutique de première ligne en metformine) sont plus efficaces que les plus
monothérapie, soit comme traitement de deuxième récents (glitazones et inhibiteurs du SGLT2).
intention en addition à la metformine. Lorsque les antidiabétiques oraux sont pres-
crits en deuxième intention, en addition à la
metformine, l'efficacité sur l'HbA1c est souvent
identique : Ŕ 1,5 % pour les sulfonylurées, Ŕ 1 %
pour les glitazones ; Ŕ 0,9 % pour les analogues
du GLP-1 et Ŕ 0,8 % pour les inhibiteurs de la
0
DPP-4. Toutefois, deux remarques doivent être
formulées. La première concerne la diminu-
–0,5
tion de l'efficacité des traitements de deuxième
–1 intention lorsqu'ils sont prescrits tardivement
–1,5 dans l'évolution de la maladie. À titre d'exemple,
–2
l'efficacité d'une sulfonylurée risque de baisser à
0,7-0,8 % en termes de chute d'HbA1c lorsque
–2,5
le médicament est ajouté à la metformine après
–3 plusieurs mois ou plusieurs années d'une mono-
Médications agissant préférentiellement thérapie qui n'a pas permis d'atteindre les cibles
sur les glycémies postprandiales thérapeutiques. À noter que les inhibiteurs du
Médications destinées à réduire l’hyperglycémie basale SGLT2 gardent leur efficacité sur l'HbA1c,
Figure 4.10. Efficacité comparée sur l'HbA1c même lorsqu'ils sont prescrits tardivement dans
(exprimée en baisse de pourcentage de point) l'histoire naturelle du diabète de type 2. La baisse
des différentes médications hypoglycémiantes d'efficacité des inhibiteurs du SGLT2, quand
lorsqu'elles sont administrées en elle survient, est liée à la présence d'une alté-
monothérapie. ration des fonctions rénales, mais dans ce cas,

43
Partie I. Physiopathologie du diabète

ils sont contre-indiqués. La baisse de l'efficacité 0,8 % peut faire chuter l'HbA1c de 1,5 % chez un
de la plupart des antidiabétiques est fréquente patient dont l'HbA1c de départ est à 9 %.
en pratique clinique. Ceci est un argument en Sur la figure 4.10, nous avons fixé l'efficacité de
faveur d'une bithérapie voire d'une trithérapie l'insuline à Ŕ 2,5 % dans le diabète de type 2. Ceci
précoce dès que les objectifs d'HbA1c ne sont est une moyenne car cette efficacité dépend de la
pas pleinement remplis. La deuxième remarque dose d'insuline administrée et du degré d'insulino-
concerne l'efficacité des médicaments antidia- résistance du sujet.
bétiques. Il est possible de définir des moyennes,
mais l'efficacité est variable d'un sujet à l'autre. Efficacité sur le poids corporel
De manière globale, la chute de l'HbA1c est
plus marquée chez les patients qui ont les taux Ce point est particulièrement important à envisa-
d'HbA1c les plus élevés. La metformine pres- ger dans un ouvrage qui s'intéresse à la prise en
crite en première intention à un sujet dont charge nutritionnelle des personnes ayant un dia-
l'HbA1c est à 6,5 % ne fait baisser l'HbA1c que bète sucré. Comme nous l'avons déjà mentionné
de 0,5 à 1 %, alors que son efficacité moyenne est plus haut, le diabète sucré de type 2 est très fré-
de 1,5 %. À l'inverse, un inhibiteur de la DPP-4 quemment (dans plus de 80 % des cas) associé à
qui entraîne une baisse moyenne de l'HbA1c de un excès pondéral.

Les mesures hygiéno-diététiques (activité physique faut signaler que les glitazones faisaient partie des
et régime de restriction calorique) sont destinées à médications antidiabétiques qui faisaient prendre
réduire cet excès pondéral, responsable de l'insu- du poids. Nous parlons à l'imparfait puisque cette
linorésistance. Malheureusement, les mesures classe de médicament a été retirée de la pharmaco-
hygiéno-diététiques peuvent être entravées par pée française en 2011.
certains traitements antidiabétiques qui non seule- Les médicaments antidiabétiques
ment freinent la perte de poids mais qui de surcroît qui ont un effet neutre sur le poids
peuvent favoriser la prise de poids.
Trois d'entre eux au moins sont à ranger dans ce
Les catégories de traitements antidiabétiques groupe : la metformine, les inhibiteurs de la DPP-4,
qui font prendre du poids les inhibiteurs des alpha-glucosidases. Pour ces
L'insuline et les sulfonylurées font partie de cette derniers, leur prescription est devenue tellement
catégorie. Ceci est particulièrement vrai pour l'in- confidentielle qu'il est préférable de ne retenir que
suline. Ainsi, il a été reconnu que toute baisse de les deux premières classes.
l'HbA1c de 1 % à l'occasion de la mise en route d'un Les médicaments antidiabétiques
traitement insulinique chez une personne ayant qui font perdre du poids
un diabète de type 2 s'accompagne d'une prise
Au premier rang, il faut mentionner les agonistes
de poids de 2 kg. Prenons l'exemple d'un patient
des récepteurs du GLP-1. Par leur action directe
traité par comprimés antidiabétiques et ayant une
sur les centres nerveux qui régulent l'appétit,
HbA1c à 9 %. Son médecin décide de le «mettre
ils conduisent à une diminution de la prise ali-
sous insuline ». Grâce à ce traitement, son HbA1c
mentaire. Les pertes de poids sont variables, en
diminue pour descendre à 7 %. Statistiquement, la
moyenne de 2 à 3 kg. Les inhibiteurs du SGLT2,
chute de 2 % de l'HbA1c doit s'accompagner d'une
par la glycosurie qu'ils induisent, entraînent un
prise pondérale de 4 kg. Il faut toutefois noter que
gaspillage énergétique qui permet une perte pon-
cette prise de poids peut être évitée ou minimisée
dérale de 2 à 3 kg, c'est-à-dire de même ordre de
si des consignes diététiques strictes sont données
grandeur que celle induite par les agonistes des
au patient. De toute manière, ceci signifie que le
récepteurs du GLP-1. Ceci signifie clairement que
passage d'un patient diabétique de type 2 à l'insu-
la prescription d'inhibiteurs du SGLT2 ou d'ago-
line doit s'accompagner d'un renforcement des
nistes des récepteurs du GLP-1 devrait être prise
mesures hygiéno-diététiques. L'erreur serait de
en considération chez des personnes obèses ayant
dire à ce patient que la mise sous insuline va enfin
un diabète de type 2.
le dispenser de toute contrainte alimentaire. Il

44
Chapitre 4. Traiter les états diabétiques : comment et jusqu'où ?

Stratégies thérapeutiques par la Haute Autorité de santé, il faut préférer


celle qui est recommandée par le consensus ADA/
dans le diabète de type 2 EASD (American Diabetes Association/European
Association for the Study of Diabetes).
De nombreux pays et plusieurs organisations ont
essayé, au cours des dernières années, de définir Stratégies thérapeutiques définies
des stratégies thérapeutiques. Ces recommanda- par le consensus ADA/EASD
tions conviennent à une population moyenne,
En 2015, un groupe d'experts, au nom de l'ADA et
la tâche du médecin étant de moduler le traite-
ment en fonction des caractéristiques du malade, de l'EASD, a publié une actualisation des recom-
de son mode de vie familial et/ou professionnel, mandations qui avaient été faites 2 ans avant par
et de sa réponse à tel type de traitement. Cette ces mêmes experts, avec le souci de personnaliser
réponse n'est pas forcément identique à la réponse le traitement en fonction des caractéristiques phé-
moyenne observée dans une population donnée. notypiques du patient (fig. 4.11). Cette révision
Les stratégies thérapeutiques recommandées sont intègre tous les traitements antidiabétiques y com-
toujours définies à partir de deux grands critères : pris ceux qui ont été retirés en France (glitazones)
les données de la médecine factuelle (grandes études et ceux qui ne sont pas encore commercialisés
comme l'UKPDS [United Kingdom Prospective mais dont on peut envisager la commercialisation
Diabetes Study]) et les considérations physiopatho- (les inhibiteurs du SGLT2) dans la mesure où ils
logiques. Les données de la médecine factuelle sont sont déjà disponibles dans de nombreux pays.
sûrement importantes, mais elles doivent être inter-
prétées avec un esprit critique car l'évaluation des
Étape 1
thérapeutiques est souvent limitée à des objectifs L'étape 1 est constituée par les mesures hygiéno-
«durs» comme l'incidence des accidents cardiovas- diététiques en association avec la metformine.
culaires et le nombre de décès, quelles qu'en soient Ce médicament peu onéreux et dont l'efficacité est
les causes. À la stratégie obsolète confuse proposée prouvée depuis de longues années entraîne une baisse

1re ligne METFORMINE

2e ligne SU TZD iDPP- 4 iSGLT2 GLP-1 Insuline

TZD SU SU SU SU TZD
ou ou ou ou ou ou

iDPP- 4 iDPP- 4 TZD TZD


ou ou ou ou ou
3e ligne
iSGLT2 iSGLT2 iSGLT2
ou ou ou ou ou

GLP-1 GLP-1 Insuline Insuline GLP-1


ou ou
Insuline Insuline
Figure 4.11. Organigramme thérapeutique proposé par le Position Statement of the American
Diabetes Association and the European Association for the Study of Diabetes.
SU = Sulfonylurées; TZD = Thiazolidinesdiones; iDPP-4 = inhibiteurs de la DPP-4; GLP-1alpha = agonistes des récepteurs
du GLP-1; iSGLT2 = inhibiteurs du SGLT2.
D'après : Inzucchi SE, Bergenstal RM, Buse JB, Diamant M, Ferrannini E, Nauck M, Peters AL et al. Management of
hyperglycemia in type 2 diabetes, 2015: a patient-centered approach: update to a position statement of the American
Diabetes Association and the European Association for the Study of Diabetes. Diabetes Care 2015; 38(1) : 140Ŕ9.

45
Partie I. Physiopathologie du diabète

de l'HbA1c de l'ordre de 1,5 % quand il est prescrit • Est-il préférable de choisir un médicament de
en première intention. De plus, il a l'avantage d'être l'hyperglycémie basale ou un médicament de
adapté à la correction des désordres physiopatho- l'hyperglycémie postprandiale ?
logiques qui sont présents au moment de la découverte Pour chacun de ces choix, il convient de disposer
du diabète sucré : prédominance de l'insulinorésis- d'outils faciles à mettre en œuvre et ne nécessitant
tance et excès de la production hépatique du glucose. pas d'explorations complexes. Comme nous l'avons
indiqué plus haut, nous disposons actuellement
Étape 2 d'un arsenal thérapeutique assez large au sein
Si l'objectif n'est pas atteint (HbA1c supérieure duquel le médecin peut trouver le médicament le
ou égale à 7 %), le traitement doit être intensifié, plus approprié chez un patient donné à un stade
toutes les thérapeutiques antidiabétiques orales ou défini de sa maladie. En effet, comme les experts
injectables pouvant être à ce stade rajoutées à la du consensus ADA/EASD l'ont bien noté, le trai-
metformine : sulfonylurées, glitazones, inhibiteurs tement doit suivre un certain nombre d'étapes qui
de la DPP-4, inhibiteurs du SGLT2, agonistes des sont rythmées par les échecs successifs des thé-
récepteurs du GLP-1 ou insuline. Ces recommanda- rapeutiques proposées. Ces échecs, qui émaillent
tions sont parfaitement défendables. Toutefois, nous l'itinéraire thérapeutique du diabète de type 2, sont
sommes peu enclins à prescrire des thérapeutiques illustrés sur la figure 4.12. À chaque échec théra-
injectables comme les agonistes des récepteurs du peutique correspond une nouvelle étape qui se tra-
GLP-1 ou l'insuline lorsque les traitements par anti- duit par un renforcement du traitement en cours.
diabétiques oraux peuvent suffire (sulfonylurées,
inhibiteurs de la DPP-4 ou inhibiteurs du SGLT2). Étape 1
Notre opinion personnelle est que les thérapeutiques Tout le monde est d'accord pour considérer qu'au
injectables devraient plutôt être placées à un stade moment de la découverte du diabète de type 2, la
ultérieur quand toutes les thérapeutiques orales uti- metformine est le traitement de choix parce qu'à ce
lisées aux doses maximales tolérées ne suffisent plus stade c'est l'insulinorésistance qui est prépondérante
à assurer un contrôle correct des glycémies. par rapport aux troubles de la sécrétion insulinique
Étape 3 (insulinopénie). Ce n'est que lorsqu'il y a une contre-
indication à la metformine que d'autres médications
En cas d'échec de la bithérapie proposée en deu- antidiabétiques devraient être proposées.
xième ligne (fig. 4.11), le comité d'experts de
l'ADA/EASD propose une trithérapie dont le prin- Étape 2
cipe est relativement simple : il suffit d'ajouter l'un
des médicaments qui n'a pas été utilisé jusque-là. En cas d'échec de la metformine, le choix se
Toutefois il convient de noter que dans tous les bras résume à trois options :
thérapeutiques proposés, il est déconseillé d'asso- • un insulinosécrétagogue glucodépendant type
cier les inhibiteurs de la DPP-4 et les agonistes des inhibiteur de la DPP-4, qui agit surtout sur l'hy-
récepteurs du GLP-1. Cette proposition est parfai- perglycémie postprandiale, qui ne comporte
tement logique dans la mesure où ces deux classes pas de risque hypoglycémique, et qui a un effet
de médications agissent par la voie des incrétines, neutre sur le poids ;
les premiers en modulant la sécrétion du GLP-1 • un insulinosécrétagogue non glucodépendant
endogène (incrétinomodulateurs), les deuxièmes (type sulfonylurée), qui agit surtout sur l'hypergly-
en mimant son action (incrétinomimétiques). cémie basale mais qui entraîne en général une prise
de poids et qui peut entraîner des hypoglycémies ;
Stratégie thérapeutique par étapes • un inhibiteur du SGLT2, qui agit sur l'hyper-
fondée sur le raisonnement glycémie basale, qui ne comporte pas de risque
hypoglycémique, et qui fait perdre du poids.
Les choix rationnels des stratégies thérapeutiques Compte tenu de ces données, la discussion thé-
du diabète de type 2 devraient être faits avec un rapeutique devrait prendre en considération trois
double regard. paramètres : l'HbA1c, le poids, et la «vulnérabi-
• Est-il préférable de choisir un insulinosensibili- lité» vis-à-vis des hypoglycémies. L'HbA1c est
sateur ou un insulinosécrétagogue ? un paramètre important car il a été démontré que

46
Chapitre 4. Traiter les états diabétiques : comment et jusqu'où ?

RÉGIME
SEUL
9% Insuline
METFORMINE Ins Autres ADO type basal-plus
SEULE ou basal-bolus
uline basale ou ou
ou
Analogue du GLP-1 Analogue du GLP-1
Insuline basale-
analogue du GLP-1
HbA1c

7%
6,5 %

Diagnostic Échec du Échec de la Échec des Échec de


régime metformine ADO ou des l’insulinothérapie
analogues du GLP-1 (basale ou prandiale)
ou des analogues
du GLP-1
Figure 4.12. Itinéraire thérapeutique au cours du diabète de type 2 en fonction du stade évolutif
de la maladie.
ADO : antidiabétiques oraux ; analogues du GLP-1 : agonistes des récepteurs du GLP-1 ; analogues du GLP-1
et agonistes des récepteurs du GLP-1 sont deux termes synonymes.

l'hyperglycémie postprandiale joue un rôle prépon- • Les agonistes des récepteurs du GLP-1 agissent
dérant dans l'hyperglycémie totale quand l'HbA1c à la fois sur l'hyperglycémie basale et post-
est inférieure à 8 %. En revanche, c'est l'hyperglycé- prandiale avec toutefois des nuances. Les ago-
mie basale qui est le principal contributeur à l'hyper- nistes des récepteurs du GLP-1 à action courte
glycémie totale quand l'HbA1c est supérieure à 8 %. (exénatide et lixisénatide) agissent plutôt sur
À l'étape 2 (échec de la metformine seule), le choix l'hyperglycémie postprandiale tandis que les
sera plutôt porté vers un inhibiteur de la DPP-4 si préparations à action longue (liraglutide, exé-
l'HbA1c est < 8 %, si le sujet est en excès pondéral natide à libération prolongée et dulaglutide)
et si le risque d'hypoglycémie est fort ou moyen agissent plutôt sur l'hyperglycémie basale.
(fig. 4.13 à 4.15). L'option sulfonylurée sera plutôt Tous les agonistes des récepteurs du GLP-1 ont
retenue quand l'HbA1c est > 8 %, quand le sujet n'est l'avantage de faire perdre un peu de poids et de
pas obèse (index de masse corporelle < 30 kg/m2) ne pas comporter de risque hypoglycémique.
et quand le risque hypoglycémique est faible ou nul • L'insuline agit sur l'hyperglycémie basale et
(fig. 4.13 à 4.15). Les inhibiteurs du SGLT2 sont une postprandiale en fonction du type des prépa-
alternative aux sulfonylurées. Ils sont particulière- rations utilisées : réduction de l'hyperglycémie
ment indiqués quand le sujet est en excès pondéral. basale pour les analogues lents, réduction de
l'hyperglycémie postprandiale pour les ana-
Les étapes ultérieures logues rapides. Toutes les préparations insuli-
Elles sont représentées par l'échec des antidiabétiques niques ont l'inconvénient de faire prendre du
oraux à doses maximales tolérées ou par l'échec de poids et d'être à risque d'hypoglycémie. Dans
l'insulinothérapie basale seule (fig. 4.13 à 4.15). ces conditions, on choisira plutôt un agoniste
des récepteurs du GLP-1 quand l'HbA1c est
Échec des antidiabétiques oraux
< 8 % (fig. 4.13), quand le poids est excessif
à doses maximales tolérées (fig. 4.14) et quand le sujet a un risque fort ou
À ce stade, deux options sont offertes mais toutes moyen de présenter des épisodes hypoglycé-
les deux passent par un traitement injectable, soit miques (fig. 4.15). L'insulinothérapie basale
un agoniste des récepteurs du GLP-1, soit la mise seule dans un premier temps sera réservée aux
en route d'un traitement insulinique. personnes ayant une HbA1c > 8 % (fig. 4.13), un

47
Partie I. Physiopathologie du diabète

Glycémie Glycémie de jeûne


postprandiale ou basale

HbA1c (%)
6,5 7 7,5 8 8,5 9 9,5
Échecs de : Renforcement avec : Renforcement avec :

• METFORMINE SEULE Inhibiteurs de la DPP- Sulfonylurée


4 ou iSGLT2
• COMBINAISOn Agonistes des Insulinothérapie
de plusieurs ADO récepteurs du GLP-1 Basale

• INSULINOTHéRAPIE Insulinothérapie
Agonistes des
récepteurs du GLP-1 intensifiée
basale

Figure 4.13. Organigramme proposé pour le choix du renforcement thérapeutique en fonction du


niveau de l'HbA1c en cas d'échec du traitement en cours : metformine seule, multithérapie par
antidiabétiques oraux (ADO) ou insulinothérapie basale.

POIDS CORPOREL (IMC EN KG PAR M2)

34 33 32 31 30 29 28 27 26 25

Échecs de : Renforcement avec : Renforcement avec :


Inhibiteurs de la DPP- Sulfonylurées
• METFORMINE SEULE 4
ou iSGLT2

• COMBINAISON Agonistes des Insulinothérapie


DE PLUSIEURS ADO récepteurs du GLP-1 Basale

Insulinothérapie
Agonistes des
• INSULINOTHéRAPIE intensifiée
récepteurs du GLP-1
BASALe

Figure 4.14. Organigramme proposé pour le choix du renforcement thérapeutique en fonction


du poids corporel en cas d'échec du traitement en cours : metformine seule, multithérapie par
antidiabétiques oraux (ADO) ou insulinothérapie basale.

index de masse corporelle < 30 kg/m2 (fig. 4.14) sans avoir encore testé l'association avec des
et un risque hypoglycémique faible (fig. 4.15). agonistes du GLP-1, il est possible de l'entre-
prendre. Ce choix est particulièrement oppor-
Échec de l'insulinothérapie basale
tun quand l'HbA1c est < 8 % (fig. 4.13), quand
Cette étape est celle où les conduites thérapeu- le poids est excessif (fig. 4.14), et quand le risque
tiques sont les moins bien définies. Si le sujet est d'hypoglycémie est présent (fig. 4.15). Dans le
uniquement sous insulinothérapie basale seule cas contraire, c'est plutôt une intensification

48
Chapitre 4. Traiter les états diabétiques : comment et jusqu'où ?

RISQUE D’HYPOGLYCéMIE

FORT MOYEN FAIBLE

Échecs de : Renforcement avec : Renforcement avec :

Inhibiteurs de la DPP- Sulfonylurées


• METFORMINE SEULE
4 ou iSGLT2

• COMBINAISON Agonistes des Insulinothérapie


DE PLUSIEURS ADO récepteurs du GLP-1 Basale

Insulinothérapie
• INSULINOTHéRAPIE Agonistes des
récepteurs du GLP-1 intensifiée
BASALe

Figure 4.15. Organigramme proposé pour le choix du renforcement thérapeutique en fonction du


risque d'hypoglycémie en cas d'échec du traitement en cours : metformine seule, multi-thérapie
par antidiabétiques oraux (ADO) ou insulinothérapie basale.

du schéma insulinique qui est préférable. À ce du diabète sucré. Dans ces conditions, deux ques-
moment-là, il faut envisager d'ajouter à l'insu- tions méritent d'être posées. La première est pour-
line basale des bolus d'insulines prandiaux quoi nous ne disposons pas de «l'arme absolue »
(analogues rapides de l'insuline) avant chaque médicamenteuse qui permettrait d'assurer chez le
repas ou avant les repas qui sont les plus hyper- diabétique la même stabilité, nous allions dire la
glycémiants (schémas désignés sous le terme de même tranquillité glycémique, que chez les sujets
basal-bolus ou basal-plus, respectivement). Si le qui ne sont pas diabétiques.
patient est déjà traité par une association insu-
line basale-agoniste des récepteurs du GLP-1
et si l'HbA1c reste trop élevée, le seul recours La deuxième est pourquoi, quel que soit le type de
est l'intensification du schéma insulinique pour diabète, les mesures hygiéno-diététiques restent-
passer à un schéma basal-bolus. La décision de elles le socle indispensable sur lequel doivent
maintenir ou non l'agoniste des récepteurs du se greffer les traitements pharmacologiques
GLP-1 doit dépendre d'une attitude pragma- en sachant d'emblée que les mesures hygiéno-
tique fixée cas par cas. diététiques doivent autant que possible s'adapter
à la vie du sujet et non l'inverse. Les réponses aux
problèmes soulevés par les règles diététiques vont
Conclusion faire l'objet de cet ouvrage. Nous les intégrerons
dans le cadre plus large des mesures hygiéno-
Au terme de ce chapitre sur le traitement des diététiques car il est impossible de concevoir les
états diabétiques, il apparaît que nous disposons «régimes » des diabétiques sans tenir compte de
la situation sociale, psychologique, profession-
d'un arsenal pharmacologique très étendu pour
nelle, économique, de la personne diabétique.
essayer de contrôler les désordres glycémiques

49
Partie I. Physiopathologie du diabète

la sécrétion insulinique endogène en quantité,


Tous ces éléments jouent un rôle majeur et font
que les mesures hygiéno-diététiques doivent être nous sommes dans l'incapacité de le compenser
personnalisées, expliquées par le prescripteur et totalement en qualité. La régulation de l'insuli-
comprises par le patient pour que ce dernier les nosécrétion endogène est un phénomène subtil
observe ou mieux y adhère. Il convient de noter et strictement glucodépendant, c'est-à-dire dont
qu'« observance » n'est pas synonyme d'« adhé- l'intensité est totalement conditionnée par le taux
sion » à des recommandations thérapeutiques. instantané de la glycémie. Compenser en quantité
D'un point de vue général, l'« observance » est un est une chose, en qualité en est une autre. Seuls les
suivi plus ou moins consenti par le patient des «pancréas artificiels» autonomes ou les greffes
recommandations qui lui sont prodiguées par de cellules insulinosécrétoires pourraient assurer
son médecin, son infirmier et son diététicien. En cette compensation en qualité. Le deuxième obs-
revanche, l'« adhésion » est un suivi pleinement tacle est lié au fait que l'insulinorésistance (diminu-
consenti des recommandations. Il est bien certain tion de la sensibilité des tissus à l'insuline), l'un des
qu'il est préférable pour un professionnel de santé mécanismes physiopathologiques incriminé dans
d'obtenir l'adhésion que l'observance simple. le diabète de type 2, ne s'exprime par des désordres
glycémiques que s'il existe une altération de l'insu-
linosécrétion endogène. C'est pour cette raison que
Avant d'aborder ce qui va être l'objet de cet la première définition que nous avons donnée du
ouvrage, c'est-à-dire les relations entre nutrition et diabète était la suivante : déficit absolu ou relatif
diabète, revenons à la première question que nous de l'insulinosécrétion endogène et c'est également
avons soulevée dans les lignes qui précèdent : pour- pour cette raison que les médicaments de l'insuli-
quoi ne disposons-nous pas de «l'arme absolue» norésistance comme la metformine ne permettent
thérapeutique. Les deux obstacles sont de nature de ramener la glycémie à la normale qu'aux stades
physiopathologique. Le premier est lié au fait que relativement précoces du diabète de type 2, en
même si nous pouvons compenser le déficit de général juste après sa découverte.

Ins

Régime
+
exercice
Met Autres

Ins Ins

Régime Régime Régime Régime


+ + + +
exercice exercice exercice exercice
Met Met Autres Met Autres

Diabète de type 2 Diabète de type 2 Diabète de type 2 Diabète de type 1


au début évolué Insulino-nécessitant

Figure 4.16. Indication des différentes modalités thérapeutiques en fonction du type de diabète.
Le régime et l'exercice sont le dénominateur commun de toutes les thérapeutiques. Pour les thérapeutiques
pharmacologiques nous avons individualisé trois grandes catégories : la metformine, l'insuline et les « autres » parmi
lesquelles il faut inclure les glitazones, les sulfonylurées, les inhibiteurs de la DPP-4, les inhibiteurs du SGLT2 et les
agonistes des récepteurs du GLP-1.

50
Chapitre 4. Traiter les états diabétiques : comment et jusqu'où ?

D'un point de vue synthétique, le traitement du • la metformine seule dans le diabète de type 2 au
diabète sucré repose sur un quatuor thérapeutique début ;
représenté par trois groupes de mesures pharmacolo- • la metformine et les autres traitements pharma-
giques : l'insuline, la metformine et les autres médica- cologiques non insuliniques dans le diabète de
tions antidiabétiques au centre desquelles se trouvent type 2 à un stade plus évolué ;
en dénominateur commun et de manière incon- • l'insuline, la metformine et les autres traite-
tournable les mesures hygiéno-diététiques (fig. 4.16). ments pharmacologiques dans le diabète de
L'importance respective des traitements pharmacolo- type 2 insulino-nécessitant ;
giques dépend bien sûr du type de diabète : • l'insuline dans le diabète de type 1.

51
Bréviaire de base pour CHAPITRE
5
comprendre la nutrition
en général et, plus
particulièrement,
chez le diabétique
J.-L. Schlienger

PLAN DU CHAPITRE (Claude Lévi-Strauss). Parce que l'homme ne


Aliments 53 mange pas que des aliments mais aussi des
Classification des aliments 53 symboles, des rituels et des interdits alimen-
Nutriments 54 taires se sont mis en place sans aucun rationnel
Alicaments 54 nutritionnel.
Compléments et fortifications alimentaires 56 Le regard posé par les hommes sur l'alimen-
Allégations 57 tation a beaucoup évolué avec les époques, les

Aliments
cultures, les modes et les voyages. La disponibi-
lité alimentaire a facilité le choix des aliments.
Les progrès technologiques et la maîtrise de la
Comme tous les organismes animaux, l'espèce chimie ont permis de transformer ou de créer
humaine est dépendante de son environnement des aliments. La cuisine et la gastronomie sont
pour assurer ses besoins primaires en nourriture devenues des phénomènes identitaires et socio-
par l'intermédiaire de l'ingestion d'aliments issus culturels importants. À titre d'exemple, en France
du règne végétal ou animal. Ils apportent sous des l'alimentation se distingue entre autres par la
formes diverses et souvent complexes l'ensemble consommation d'un grand nombre de fromages
des substances nécessaires au développement et et la consommation occasionnelle d'escargots et
à l'entretien de l'organisme. Les aliments four- de grenouilles alors que sous d'autres cieux on
nissent également l'énergie nécessaire aux pro- consomme traditionnellement des insectes ou des
cessus vitaux (dépense énergétique de repos ou de algues.
base) et à l'activité. Les progrès de la médecine et le développement
Par définition les aliments sont comestibles de la nutrition scientifique ont donné un nouveau
soit crus, soit cuits. Contaminés par des micro- statut aux aliments en fonction de leur composi-
organismes ou des polluants, les aliments peuvent tion chimique avant ou après leur transformation
©2018,ElsevierMassonSAS.Tousdroitsréservés

être les vecteurs de maladies. Au fil de son histoire, par des procédés culinaires et ont contribué à
Manueldenutritionpourlepatientdiabétique

l'homme a cherché à améliorer la disponibilité des redéfinir l'impact de l'alimentation sur la santé
aliments par la culture, l'élevage et en améliorant déjà pressenti par Hippocrate qui faisait de l'ali-
leur durée de vie par divers artifices comme la mentation une «médecine ».
salaison ou la conservation dans l'huile. Très tôt,
les aliments ont été l'objet d'un important inves-
tissement culturel. La pensée magique et le prin- Classification des aliments
cipe d'incorporation ont donné aux aliments une
signification qui dépasse largement le cadre nutri- Pour Jean Trémolières, l'un des fondateurs de la
tionnel. «Il ne suffit pas qu'un aliment soit bon nutrition en France, les aliments sont des «denrées
à manger, encore faut-il qu'il soit bon à penser » alimentaires comestibles, nourrissantes, appétentes

53
Partie I. Physiopathologie du diabète

et coutumières Ŕ c'est-à-dire susceptibles d'être les substrats des réactions chimiques nécessaires
partagées au cours d'un repas selon les traditions à la vie. À quelques exceptions près, ils sont issus
alimentaires ». Plus prosaïquement on peut défi- de la transformation des aliments par la digestion.
nir l'aliment comme étant la forme accessible des
nutriments et des micronutriments nécessaires à
l'organisme en rappelant que l'homme ne se nour-
Nutriments énergétiques
rit pas de nutriments mais d'aliments. ou macronutriments
En dépit de leur extrême diversité, les aliments L'organisme a besoin en grandes quantités de glu-
peuvent être regroupés en fonction de certains points cides, de lipides et de protéines. L'alcool est stricto
communs. La FAD (Food and Drug Administration) sensu un nutriment dont le statut est ambigu.
propose de faire les distinctions suivantes. Les micronutriments qui n'ont pas de rôle éner-
• Les aliments « énergétiques ». Ils sont à forte gétique direct sont néanmoins indispensables de
teneur en glucides et/ou en lipides : pain, par leur fonction qualitative notamment comme
céréales, riz, pomme de terre, aliments sucrés, cofacteurs des enzymes impliquées dans toutes les
huile, matières grasses et graines oléagineuses. voies métaboliques et de synthèse.
• Les aliments « bâtisseurs ». Ils tirent ce qualifi-
catif de leur haute teneur en protéines animales
ou végétales : aliments carnés, poisson, œuf, Nutriments essentiels
fromages, légumes secs et soja. ou micronutriments
• Les aliments « protecteurs ». Ils tirent leur qua-
Ils sont indispensables au bon fonctionnement
lificatif de leur richesse en micronutriments :
de l'organisme qui est incapable d'en faire la syn-
fruits et légumes, produits laitiers.
thèse. Ils sont subdivisés en acides gras (oméga 3
La classification la plus courante utilisée dans le
ou n-3 et oméga 6 ou n-6 notamment), acides ami-
Programme national nutrition santé (PNNS) dis-
nés, minéraux (Na, K, Ca, P, Mg, S, Fe, Zn, etc.),
tingue les sources de protéines animales (viandes,
vitamines et oligoéléments (I, Cu, Co, Cr, Mn,
poissons, œuf), les produits laitiers qui ont en
V, Mo, Ni, Pb, etc.). La majorité des nutriments
commun leur origine et leur teneur élevée en cal-
essentiels sont stockés et utilisés par l'organisme
cium, les céréales et féculents pourvoyeurs de glu-
en fonction de ses besoins.
cides complexes énergétiques, les fruits et légumes
D'autres nutriments ont un rôle lié à leur fonc-
peu énergétiques mais pourvoyeurs de micro-
tion mécanique comme les fibres alimentaires
nutriments, les corps gras, les aliments sucrés et
(cellulose, hémicelluloses) qui sont peu ou pas
les boissons. Il paraît nutritionnellement intéres-
absorbables tout en ayant un retentissement
sant d'enrichir cette classification en séparant les
nutritionnel significatif.
viandes, charcuteries, œuf et fromages d'une part et
les poissons et les produits de la mer d'autre part.
Les deux groupes apportent des protéines de bonne L'eau
qualité mais le premier se singularise par des lipides Elle peut être considérée comme un nutriment.
principalement saturés alors que le deuxième se
Son importance dans le fonctionnement de l'orga-
distingue par une teneur remarquable en acides
nisme est considérable bien qu'elle soit acalorique,
gras oméga 3 à longue chaîne. Enfin, les oléagineux
dépourvue de nutriments essentiels et parfois
sont si différents des fruits qu'ils mériteraient d'être
même de micronutriments. Constituant de la plu-
regroupés dans une classe spécifique en raison de
part des aliments elle est également ingérée sous
leur haute teneur lipidique et protéique qui leur
forme de boisson.
confère une fonction énergétique.

Nutriments Alicaments
Les nutriments ou éléments nutritifs sont les Le rôle quantitatif et qualitatif des nutriments
constituants des aliments utilisés par l'organisme et des micronutriments en termes de santé est
pour satisfaire ses besoins physiologiques. Ce sont considérable. En théorie, la présence de tel ou tel

54
Chapitre 5. Bréviaire de base pour comprendre la nutrition en général...

(micro)nutriment pourrait conférer des propriétés ne permettent pas d'affirmer un lien de causa-
préventives ou thérapeutiques particulières appli- lité. À titre d'exemple, il en est ainsi des aliments
cables dans le contexte d'une alimentation «fonc- riches ou enrichis en acides gras oméga 3 dont
tionnelle » (en réalité toute alimentation a un rôle l'effet préventif cardiovasculaire peine quelque
fonctionnel). L'espoir de pouvoir interagir sur la peu à s'imposer. Faut-il se contenter de consom-
santé et la longévité a suscité l'engouement des mer du poisson 2 à 3 fois par semaine ou recourir
consommateurs pour les aliments porteurs d'une à des margarines ou à d'autres aliments (produits
connotation «santé » en raison de leur teneur en laitiers et œufs obtenus après une modification
un nutriment particulier. C'est ainsi qu'ont été de l'alimentation animale) pour obtenir un
conçus des «alicaments » (contraction des mots apport alimentaire suffisant et atteindre un rap-
aliment et nutriment) Ŕ et des «nutraceutiques » port oméga 6/oméga 3 satisfaisant (4 à 5/1 alors
(contraction de nutriment et de pharmaceutique). qu'il est spontanément de 10 à 15/1) ? D'autres ali-
En pratique, tout aliment, tout nutriment ou ments sont obtenus à la suite d'une modification
tout composant dont la consommation est sus- de la composition native comme certains laits fer-
ceptible d'apporter un bénéfice prétendu ou réel mentés qui contiennent, en plus des ferments tra-
pour la santé peut être considéré un alicament. ditionnels du yaourt, un probiotique spécifique
Ces néologismes ont été relayés auprès du grand qui contribuerait au bon équilibre du microbiote
public par l'industrie alimentaire qui en a fait un intestinal et aurait des effets systémiques. Les
argument de vente avec un argumentaire souvent alicaments hypocholestérolémiants Ŕ margarines
plus théorique que réel. Considérant que certains ou yaourts Ŕ contiennent des quantités notables
aliments traditionnels ont potentiellement des de phytostérols, composés naturellement pré-
effets bénéfiques spécifiques allant au-delà de sents dans les plantes, qui ont la propriété de
la fourniture des besoins de base, les industriels réduire le taux de cholestérol sanguin en entrant
ont mis au point des aliments nouveaux incorpo- en compétition avec son absorption au niveau
rant les composants bénéfiques des aliments dits intestinal. L'augmentation de la consommation
«fonctionnels ». On peut aussi considérer que tous en phytostérols induit effectivement une dimi-
les aliments sont fonctionnels puisqu'ils ont des nution de la cholestérolémie mais il n'a pas été
effets directs ou indirects sur le fonctionnement démontré que celle-ci était associée à une dimi-
de l'organisme. Il en est ainsi des aliments sucrés nution du risque cardiovasculaire. Dans le dia-
qui fournissent le glucose à des fins énergétiques bète, il en est de même pour les aliments enrichis
ou de la viande qui fournit les protéines néces- en fibres alimentaires qui contribuent à réduire la
saires au renouvellement tissulaire. Pour l'Anses, charge glycémique et les excursions glycémiques.
la notion d'alicament n'a pas de réalité scienti- En réalité, l'augmentation de la consommation
fique et ce terme n'existe pas sur le plan réglemen- de fibres qui est hautement souhaitable pour
taire. Un produit appartient soit à la famille des l'ensemble de la population devrait se faire sur la
aliments, soit à la famille des médicaments. Il ne base d'une consommation diversifiée d'aliments
peut être les deux à la fois. Même lorsque l'aliment vecteurs de fibres dont il existe une offre diver-
candidat porte une allégation santé il n'a pas pour sifiée mais souvent méconnue ou sous une forme
autant un effet thérapeutique car si tel était le peu appréciée par les consommateurs.
cas il deviendrait ipso facto un médicament et ne Bien que les alicaments soient souvent dotés
serait plus un aliment. d'une allégation «santé », la preuve de la supério-
L'alimentation « fonctionnelle » ne consiste rité de ces aliments sur les aliments de référence
pas à juxtaposer un ensemble d'aliments ou de ou natifs est difficile à apporter. En dehors de cas
substances affichant des propriétés « santé » par- d'espèce, mieux vaut profiter de l'offre alimen-
ticulières mais à assembler des aliments issus taire conventionnelle pour améliorer la nutrition
de toutes les classes alimentaires en quantité qualitative par un choix éclairé des aliments
suffisante pour satisfaire l'ensemble des besoins communs et une composition judicieuse des
nutritionnels. Quelques nutriments émergent repas. Plutôt que de se focaliser sur les aliments
de l'ensemble en raison de leur intérêt démon- prétendument fonctionnels à valeur ajoutée, il
tré dans la prévention de certaines pathologies, appartient à l'industrie agroalimentaire de four-
le plus souvent par des études d'observation qui nir des produits conformes aux normes les plus

55
Partie I. Physiopathologie du diabète

exigeantes de sécurité alimentaire en respectant alors que la supplémentation a plutôt un objectif


leur composition alimentaire intrinsèque ou en de type pharmacologique. Réglementairement, il
les fortifiant au besoin. Certains «alicaments » est possible d'ajouter des vitamines et des miné-
qui dépassent souvent les apports nutritionnels raux aux aliments dans lesquels ils ne sont pas
conseillés peuvent prétendre avoir un effet phar- normalement contenus pour «prendre en compte
macologique et non nutritionnel. l'évolution des connaissances scientifiques géné-
ralement admises » (règlement 2006 du Parlement
Européen). Le règlement s'accompagne d'une liste

Compléments et fortifications
positive (tout composé ne figurant pas sur la liste
n'est pas autorisé). Parmi les aliments fortifiés
alimentaires les plus intéressants figurent le lait enrichi en
vitamine D et le sel supplémenté en iode, deux
Le but micronutriments dont les apports alimentaires
coutumiers sont réputés insuffisants.
L'objectif est de compléter l'alimentation habi- Il y a plusieurs milliers de compléments dispo-
tuelle pour l'améliorer d'un point de vue de la nibles sur le marché, chaque complément alimen-
santé, soit par une source concentrée de (micro) taire prétendant avoir un effet spécifique même
nutriments commercialisés sous forme de doses s'il n'est pas toujours prouvé. Les études sont diffi-
destinées à être ingérées (comprimés, gélules, ciles à mener et à interpréter. Elles visent à identi-
ampoules, sachets de poudre) comme les médi- fier les substances actives naturellement présentes
caments, soit en fortifiant les aliments natifs en dans les aliments, à faire la part de l'interaction
une substance dont l'alimentation est déficitaire. avec la matrice des aliments qui peut modifier la
En pratique, les «compléments » complètent biodisponibilité et à rechercher la dose utile. Les
une alimentation déficitaire jusqu'au niveau des compléments alimentaires englobent les complé-
apports nutritionnels conseillés (ANC) alors que ments nutritionnels (vitamines, minéraux, acides
les « suppléments » sont apportés au-delà de 100 % gras, acides aminés…) mais aussi des composés
des ANC même lorsque l'alimentation n'est pas et ingrédients isolés et concentrés à partir des
déficitaire (fig. 5.1). Théoriquement, la complé- aliments comme les fibres, les extraits de plantes,
mentation ou la fortification a un but nutritionnel les prébiotiques et les probiotiques, les peptides

Apport suffisant ?

NON OUI

Les besoins peuvent-ils être couverts en Optimisation Réduction


améliorant l’alimentation ? fonctionnelle des risques

NON OUI Alicaments ?

Indication d’un Fortification


complément
alimentaire
alimentaire
Figure 5.1. Place de la complémentation et de la fortification alimentaires.

56
Chapitre 5. Bréviaire de base pour comprendre la nutrition en général...

fonctionnels, les huiles essentielles et certains


phytoconstituants. Ils répondent à la réglementation
Allégations
alimentaire en termes de sûreté. Leur innocuité doit Les différents types d'allégations
être démontrée s'il s'agit de «novel-food» (aliment
ou substance n'ayant jamais été consommé de façon Une allégation suggère qu'une denrée alimentaire
habituelle). Ils peuvent bénéficier d'une allégation possède des propriétés bénéfiques. D'après le Codex
s'ils remplissent le cahier des charges de l'EFSA Alimentarius, on entend par allégation «toute
(Agence européenne de la sécurité des aliments). représentation qui énonce, suggère ou implique
qu'un aliment possède des propriétés particu-
Quelles indications ? lières ». Il existe plusieurs types d'allégations.
Elles sont difficiles à définir en dehors des situa-
tions de carence d'autant que certains ne valent pas Allégation nutritionnelle
davantage qu'un placebo quand ils ne cherchent pas Elle informe sur la teneur d'un nutriment qui se
à tromper délibérément. Certains peuvent même trouve dans une denrée à un niveau particulière-
être dangereux comme le bêta-carotène à forte dose ment bas (pauvre en…) ou élevé (riche en…). De
chez les fumeurs. D'autres ont fait l'objet d'études nombreuses substances (vitamines, substances
documentées comme les isoflavones du soja qui minérales, acides aminés, acides gras essentiels,
prétendent corriger les troubles climatériques de la fibres, extraits végétaux) ayant un effet nutrition-
ménopause. D'autres contribuent à la prévention car- nel ou physiologique peuvent être présentes dans
diovasculaire comme les compléments alimentaires une denrée alimentaire et faire l'objet d'une allé-
à base d'acides gras oméga 3 ou les phytostérols et les gation. Ex. : «riche en calcium ».
phytostanols, à la prévention de la dégénérescence
maculaire liée à l'âge (DMLA) comme les caroté- Allégation fonctionnelle
noïdes xanthophylles ou à l'amélioration métabo- Elle décrit le rôle d'un aliment ou d'un nutriment
lique comme certaines fibres alimentaires. dans les fonctions de l'organisme. Ex. : le calcium
Plus généralement les compléments alimen- intervient dans le métabolisme osseux.
taires peuvent être indiqués chez les personnes à
risque nutritionnel du fait d'apports déficitaires :
personnes fragiles, âgées et isolées ou soumises à Allégation santé
un régime restrictif, suite de chirurgie bariatrique, Elle indique ou suggère une relation entre un ali-
sujets ayant des comportements à risque avec une ment ou un nutriment et un état lié à la santé. Ex. :
alimentation très déséquilibrée. Paradoxalement, le calcium améliore la densité osseuse.
la plupart des utilisateurs sont en bonne santé. Ils L'allégation relative à la réduction d'un risque
considèrent que l'alimentation usuelle ne suffit de maladie suggère ou implique que la consom-
pas à satisfaire les apports nutritionnels conseil- mation d'une denrée alimentaire ou de l'un de
lés. En l'occurrence, la première démarche est ses composants réduit sensiblement un facteur de
de privilégier une alimentation équilibrée diver- risque d'apparition d'une maladie. Les allégations
sifiée. Si les études d'observation font état d'une établissant une relation entre un aliment et des
moindre prévalence de la survenue de maladies propriétés relatives à la prévention, au traitement
cardiovasculaires chez les utilisateurs de complé- ou à la guérison d'une maladie sont interdites
ments nutritionnels (vitamines, minéraux), il est dans l'Union européenne. Ex. : le calcium pré-
vraisemblable que cet effet bénéfique est impu- vient l'ostéoporose.
table à un mode de vie globalement favorable plu- L'EFSA est chargée de vérifier le bien-fondé
tôt qu'aux compléments eux-mêmes. A contrario scientifique des allégations proposées par des
d'autres études observationnelles sont en faveur demandeurs d'autorisation, habituellement des
d'un risque accru de cancer du sein chez les uti- industriels de l'agroalimentaire. Ne sont auto-
lisatrices alors que des études d'intervention sont risées, sur un solide argumentaire scientifique,
en faveur d'un effet bénéfique sur le risque de can- que les allégations mentionnées par le règlement
cer. La prudence est de mise en ce qui concerne les de l'Union européenne qui vise à garantir au
doses, le cumul des compléments et leur origine. consommateur un niveau élevé de protection,

57
Partie I. Physiopathologie du diabète

à lui fournir les informations nécessaires pour pour les solides ou 0,75 g/100 mL pour les
faire des choix en toute connaissance de cause et liquides. Dans tous les cas la somme des deux
à créer des conditions de concurrence égales pour acides gras ne doit pas fournir plus de 10 % de
l'industrie alimentaire. Par ailleurs, un profil l'énergie du produit.
nutritionnel spécifique est établi pour préciser les • Sans graisses saturées : la somme des acides
conditions d'utilisation des allégations en prenant gras saturés et des acides gras trans ne dépasse
en compte les quantités des autres nutriments et pas 0,1 g/100 g ou 100 mL.
substances contenus dans la denrée concernée qui
pourraient s'avérer délétères (acides gras saturés et Allégations diverses
trans, sucres et sel) et établir le rôle et l'importance • Source de fibres : teneur en fibres égale à au
de la denrée alimentaire notamment chez certains
moins 3 g/100 g pour les solides et 1,5 g/100 kcal.
groupes à risque (enfants, grossesse). Tout doit
• Riche en fibre : le produit apporte au moins 6 g
être fait pour qu'il n'y ait pas d'amalgame entre
de fibres pour 100 g ou 3 g pour 100 kcal.
aliments et médicaments tant pour les alicaments
• Source de protéines : au moins 12 % de la
que pour les denrées porteuses d'une allégation
valeur énergétique du produit provient des
santé. Seule une évaluation scientifique fondée
protéines.
sur des études méthodologiquement recevables
• Hyperprotidique : les protéines représentent au
est à même d'éviter les dérives tant de la part du
moins 20 % de la valeur énergétique du produit.
consommateur séduit par le monde foisonnant
• Source de vitamines ou de minéraux : cor-
des allégations et des aliments dits fonctionnels
respond à un produit contenant une quantité
que de la part de l'industriel tenté d'en profiter et
significative de vitamines ou de minéraux défi-
d'en faire un argument marketing trompeur.
nie dans une annexe de la directive. Exemple :
«riche en calcium » si la teneur en calcium/100 g
Quelques allégations est supérieure à 15 % des ANC (800 mg/j).
nutritionnelles autorisées • Riche en vitamines ou en minéraux si le produit
contient au moins 2 fois la valeur précédente.
Denrées pauvres en énergie • Augmentation en un nutriment : si l'augmen-
Le produit ne contient pas plus de 40 kcal/100 g tation de la teneur en nutriment est d'au moins
pour les solides et 20 kcal/100 mL pour les 30 % par rapport au produit de référence.
liquides. Pour les édulcorants, l'équivalent de 6 g • Teneur réduite en un nutriment : la réduction
de saccharose (1 cuillère à café) ne doit pas appor- atteint au moins 30 % sauf pour les micronutri-
ter plus de 4 kcal (contre 24 pour le sucre). ments pour lesquelles une diminution de 10 %
est requise.
Apport énergétique réduit • « Light » : un produit allégé doit remplir les
conditions prévues pour le terme «réduit en ».
Dans ce cas, la valeur énergétique d'un produit est
• Source d'acides gras oméga 3 : si la teneur
réduite d'au moins 30 %. en acide alpha-linolénique est supérieure à
0,3 g/100 g ou si la somme des acides eicosapen-
Apport réduit en graisses taénoïque et docosahexaénoïque est supérieure
• « Low fat » : l'allégation « pauvre en graisse » à 40 mg/100 g ou 100 kcal.
peut s'appliquer à un produit apportant moins • Haute teneur en acides gras oméga 3 : les valeurs
de 3 g de matières grasses (MG)/100 g pour les précédentes sont portées à 0,6 g et 80 mg.
solides et moins de 1,5 g de MG/100 mL pour les • Haute teneur en acides gras monoinsaturés
liquides (1,8 g pour le lait 1/2 écrémé). (AGMIS) : 45 % des acides gras présents dans le
• « Fat free » : l'allégation s'applique aux produits produit sont des AGMIS.
contenant moins de 0,5 g de MG/100 g ou 100 mL. • Pauvre en sodium : la teneur en sodium est infé-
• Faible teneur en acides gras saturés : l'allégation rieure à 0,12 g de sodium pour 100 g ou 100 mL
signifie que la somme des acides gras saturés et à l'exception des eaux minérales où la teneur en
des acides gras trans ne dépasse pas 1,5 g/100 g sodium ne doit pas dépasser 2 mg/100 mL.

58
Chapitre 5. Bréviaire de base pour comprendre la nutrition en général...

Apport contrôlé en sel • Sans sucre : la teneur en sucre pour 100 g ou


• « Teneur réduite en sel » : si la teneur en sodium 100 mL ne dépasse pas 0,5 g.
est inférieure de 25 % à celle d'un produit • Sans sucre ajouté : cette allégation correspond à
similaire. un produit dans lequel aucun mono- ou disac-
• « Teneur très faible en sodium » : la teneur en charide ou tout autre produit édulcorant n'a été
sodium est inférieure à 0,04 g/100 g ou 100 mL. rajouté.
• Sans sel : teneur en sodium inférieure à
0,005 g/100 g.

Allégations particulières
à l'intention des sujets
diabétiques
• Faible teneur en sucre : le produit contient
moins de 5 g/100 g pour les solides et moins de
2,5 g/100 mL pour les liquides.

59
Les glucides CHAPITRE
6
alimentaires en général
et, en particulier, chez
le patient diabétique
L. Monnier, C. Colette

PLAN DU CHAPITRE En effet, les lipides sont l'un des carburants de


Différentes variétés de glucides 63 substitution des glucides quand ces derniers sont
Rôle des glucides 72 apportés de manière insuffisante. Les patients
Sources des glucides alimentaires 73 diabétiques en particulier de type 1 ayant une ten-
Conclusion 74 dance à la cétose quand leur contrôle glycémique
est insuffisant, il est préférable d'éviter chez eux
Les glucides sont des composés ternaires conte- de restreindre les glucides de manière abusive.
nant du carbone, de l'oxygène et de l'hydrogène. En revanche, chez tous les diabétiques, qu'ils
Leur formule générale est Cn(H2O)n d'où la déno- soient de type 1 ou de type 2, il faut éviter tous les
mination d'hydrates de carbone qui est parfois régimes trop riches en glucides qui risqueraient
utilisée. Leur rôle est essentiellement énergétique. d'entretenir une hyperglycémie chronique ou
L'oxydation d'un gramme de glucides fournit de provoquer des excursions glycémiques exces-
4 kcal. Certains glucides complexés à des protéines sives après les repas. Toutes ces considérations
(glycoprotéines) interviennent dans la structure expliquent pourquoi les apports alimentaires en
du tissu conjonctif et de la membrane basale des glucides chez les patients diabétiques doivent être
vaisseaux sanguins. Les glucides représentent 40 à maintenus entre deux limites inférieures et supé-
50 % de l'apport énergétique total chez l'homme. rieures respectivement égales à 40 % et 50 % de
Quand ils sont totalement exclus de l'alimenta- l'apport énergétique total. De plus, afin d'éviter
tion, les besoins énergétiques de l'organisme sont les dérives excessives et prolongées de la glycémie
couverts par des substrats de substitution (lipides après les repas, il est en général recommandé aux
et protéines). Même si les glucides alimentaires patients diabétiques de ne consommer les sucres
ne sont pas indispensables au fonctionnement de rapides, fortement hyperglycémiants, qu'en quan-
notre organisme, il convient de noter que certains tité modérée et autant que possible de manière
organes comme le cerveau sont des consomma- occasionnelle. C'est pour cette raison qu'il paraît
teurs quasi exclusifs de glucose (150 g par jour indispensable d'aller un peu plus loin dans la
environ). Si l'alimentation n'assure pas cet apport, connaissance des glucides.
©2018,ElsevierMassonSAS.Tousdroitsréservés

le glucose sera fourni au cerveau par le foie qui


transformera certains acides aminés des réserves
Manueldenutritionpourlepatientdiabétique

protéiques de l'organisme en glucose. Ce phéno-


mène, désigné sous le terme de néoglucogenèse, Différentes variétés de glucides
est peu rentable sur le plan métabolique. C'est
pour cette raison qu'il est préférable de mainte- Les glucides en fonction de leur
nir un apport glucidique suffisant, qui ne devrait structure chimique
pas descendre en dessous de 120 g par jour, même
lorsqu'on prescrit un régime restrictif en calories Les glucides sont traditionnellement classés en
dans le cadre d'une cure d'amaigrissement. Le deux grandes catégories sur le plan biochimique :
deuxième inconvénient des régimes trop appau- les glucides simples et les glucides complexes
vris en glucides est leur caractère «cétogène ». (fig. 6.1).

63
Partie II. Place des mesures nutritionnelles dans la prévention et le traitement des états diabétiques

SUCRES LIBRES
MONOSACCHARIDES
Glucose
Fructose
OLIGOSACCHARIDES
GLUCIDES Saccharose
ASSIMILABLES Lactose
Maltose GLUCIDES
POLYSACCHARIDES DIGESTIBLES
De réserve
Dextrines
Amidons

De structure
NON
Pectines
ASSIMILABLES Hémicellulose
(FIBRES
ALIMENTAIRES) Cellulose NON DIGESTIBLES
Lignine (FIBRES BRUTES)

Teneur en fibres alimentaires : fibres brutes x (3−4)


Figure 6.1. Les grandes catégories de glucides alimentaires.

Glucides simples • le lactose, disaccharide du lait, constitué par


Monosaccharides ou oses une molécule de glucose et de galactose ;
• le saccharose, disaccharide du sucre, constitué
Ce sont des polyalcools possédant des propriétés
par une molécule de glucose et de fructose ;
réductrices portées par une fonction aldéhyde ou • le maltose, constitué par deux molécules de
cétone. Selon le nombre d'atomes de carbone de la glucose.
chaîne carbonée, on les désigne sous le terme de Les disaccharides doivent être hydrolysés dans
trioses (3 atomes de carbone), de tétroses (4 atomes le tube digestif avant d'être absorbés.
de carbone), de pentoses (5 atomes de carbone),
d'hexoses (6 atomes de carbone) et d'heptoses
(7 atomes de carbone). Les monosaccharides ne
Glucides complexes
représentent qu'une faible proportion de l'apport ou polysaccharides
glucidique alimentaire. Les monosaccharides Glucides complexes assimilables
les plus répandus dans l'alimentation sont des Ils sont surtout constitués par de l'amidon qui
hexoses (glucose, fructose, galactose) mais ils est présent dans les tissus végétaux sous forme
sont le plus souvent condensés entre eux ou avec de granules intracellulaires denses, dont la diges-
d'autres oses pour donner des oligosaccharides ou tibilité dépend de leur taille et de leur structure
des polysaccharides. Certains aliments contiennent chimique. Chimiquement, l'amidon est un haut
des quantités notables de fructose à l'état libre : miel polymère du glucose constitué par de longues
(40 %) et nombreux fruits (entre 5 et 8 % environ). chaînes linéaires où les unités de glucose sont
Les oses naturels se trouvent sous une forme cyclique reliées par des liaisons entre le 1er et le 4e atome
par formation d'une liaison interne entre la fonction de carbone du glucose. Quand les chaînes restent
aldéhyde ou cétone et l'une des fonctions alcool. Les linéaires (fig. 6.2), on parle d'amylose. Quand les
monosaccharides ne sont pas hydrolysables par les amidons ont une structure ramifiée (fig. 6.3), on
enzymes du tube digestif. Ils sont absorbés directe- parle d'amylopectine. Dans ce cas, des chaînes
ment sans dégradation préalable. linéaires de glucose viennent se lier à d'autres
Oligosaccharides chaînes linéaires par des liaisons 1Ŕ6 (fig. 6.3).
Les amidons sont dégradés par les enzymes du
Ce sont des glucides qui résultent en général de la tube digestif pour libérer les unités de glucose
condensation de deux molécules d'oses (disaccha- qui sont ultérieurement absorbées au niveau de
rides). Les plus répandus sont : la barrière intestinale.

64
Chapitre 6. Les glucides alimentaires en général et, en particulier, chez le patient diabétique

a) Structure linéaire de l’amylose


Unité de D-glucose

CH2OH CH2OH CH2OH CH2OH

O O O O O

Liaison  1-4
b) Amylose cristallisée dans le grain d’amidon

Liaison hydrogène

Chaîne linéaire
constituée par
des unités
de D-glucose
STRUCTURE CHIMIQUE DE L’AMYLOSE
Figure 6.2. Structure de l'amylose, qui est une des deux formes de l'amidon (haut polymère
du glucose dans lequel les unités de glucose sont reliées par des liaisons 1–4).

Structure de l’amylopectine

H
H O
C Unité de D-glucose

CH2OH CH2 CH2OH CH2OH

O
O O O O O
2O
Liaison  1-4

Figure 6.3. Structure de l'amylopectine, qui est la deuxième forme de l'amidon.


La différence avec l'amylose est liée au fait que l'amylopectine a une structure ramifiée (chaînes linéaires 1Ŕ4,
qui viennent se greffer sur d'autres chaînes 1-4 par l'intermédiaire de liaisons 1Ŕ6).

Glucides non assimilables cellulose, lignine. Dans la mesure où elles ne sont pas
Ils appartiennent au groupe des fibres alimentaires : assimilables, les fibres alimentaires ne contribuent
gommes, mucilages, pectines, hémicelluloses, pas à la fourniture d'énergie à l'organisme humain.

65
Partie II. Place des mesures nutritionnelles dans la prévention et le traitement des états diabétiques

Toutefois, certaines fibres alimentaires peuvent Digestion et absorption intestinale


être dégradées par le tube digestif même si elles ne • Les monosaccharides alimentaires sont absor-
sont pas assimilables (pectines, hémicelluloses). bés tels quels. Toutefois le transport du glucose
Leur dégradation est réalisée par les bactéries du à travers la barrière intestinale est plus rapide
côlon c'est-à-dire dans une partie du tube digestif que celui du fructose car le glucose est absorbé
où les produits de dégradation ne peuvent plus être de manière active tandis que le fructose est
assimilés. Certaines fibres alimentaires, appelées l'objet d'une absorption passive.
fibres brutes (la lignine et la cellulose par exemple) • Les disaccharides sont clivés en monosaccha-
résistent à l'action des bactéries coliques. Dans ces rides dans le tube digestif. Le saccharose libère
conditions, elles ne sont ni dégradables ni assi- du glucose et du fructose après hydrolyse par
milables. Ce point revêt une certaine importance la saccharase (une α-glucosidase) ; le maltose
car les tables alimentaires peuvent donner soit les libère deux unités de glucose après action de
teneurs en fibres brutes soit les teneurs en fibres la maltase (une α-glucosidase) tandis que le
alimentaires. Le rapport entre les deux variétés de lactose est hydrolysé en glucose et en galac-
fibres est en général de 1 à 3. Étant donné que ce sont tose par la lactase (une β-glucosidase). Il faut
les fibres alimentaires qui sont importantes sur le plan noter que l'activité de la lactase est lente ce qui
nutritionnel, il convient d'être attentif quand on lit une explique que le lactose (glucide du lait) est phy-
table alimentaire. Si la teneur d'un aliment est donnée siologiquement un sucre lent alors que le sac-
en fibres brutes, il faut la multiplier par 3 pour avoir charose (constituant du sucre en morceaux) est
une évaluation approximative de sa teneur en fibres un sucre rapide.
alimentaires. La pectine est présente dans certains • Les amidons sont dégradés par deux types
fruits comme les pommes. Les hémicelluloses sont d'enzymes : l'alpha-amylase et les oligosaccha-
contenues dans le son de blé et de ce fait dans le pain ridases. L'alpha-amylase agit sur les chaînes
complet. La cellulose constitue l'armature des cellules d'amidon au niveau des liaisons 1Ŕ4 en libé-
végétales et à ce titre se trouve en grande quantité dans rant des composés de petite taille : maltose
les feuilles des légumes verts. (2 unités de glucose), maltotriose (3 unités
de glucose) et dextrines (quelques unités de
Le concept physiologique de glucides glucose). Au niveau de la bordure en brosse
des entérocytes, les composés de petite taille
lents et rapides en fonction sont hydrolysés en glucose par des glucosi-
de leur disponibilité digestive dases : la maltase qui hydrolyse le maltose,
Physiologie de la digestion l'isomaltase qui hydrolyse les liaisons 1Ŕ6 et
permet de « débrancher » les chaînes latérales.
et de l'absorption des glucides Il convient toutefois de souligner que 5 à 10 %
alimentaires environ des amidons ingérés ne sont pas digé-
Avant de traverser la barrière intestinale pour rés et parviennent jusqu'à la flore cæcale. Dans
passer dans le torrent circulatoire, les glucides la lumière du côlon, les amidons non digérés
doivent être réduits en monosaccharides : glucose, sont fermentés par la flore colique pour don-
fructose, galactose. Pour en arriver à ce stade, ner naissance à la production d'hydrogène. Ce
ils suivent un itinéraire qui comporte plusieurs phénomène est la base du test à l'hydrogène
étapes : le passage à travers l'estomac, la digestion expiré (« breath test ») qui permet de mesurer
dans la lumière du tube digestif, et la traversée de le taux de digestion des amidons chez l'homme.
la paroi intestinale (absorption). La digestion des amidons est d'autant plus
faible que la quantité d'hydrogène expiré est
Passage à travers l'estomac
plus forte. La dégradation des amidons consi-
La vitesse de passage est variable : rapide quand dérés comme des sucres lents dépend du pour-
les glucides sont absorbés isolément, plus lente centage de l'amylose et de l'amylopectine, la
quand ils sont mélangés à d'autres nutriments : dégradation de l'amylose paraissant plus lente
lipides, protéines, fibres alimentaires. que celle de l'amylopectine.

66
Chapitre 6. Les glucides alimentaires en général et, en particulier, chez le patient diabétique

Ce concept de glucides rapides et lents est illus- aliments glucidiques, qu'il s'agisse de féculents,
tré sur la figure 6.4. Les sucres rapides suivent de céréales, de légumineuses, de pâtes alimen-
un itinéraire rapide, donnant naissance à des taires… À cet égard, les préparations culinaires de
montées glycémiques courtes mais également pâtes sur le mode «al dente » sont beaucoup moins
plus intenses que les glucides lents pour lesquels hyperglycémiantes.
l'itinéraire est étalé au cours du temps. Pour cette Traitements mécaniques
raison, on utilise souvent le qualificatif de glu-
cides à pouvoir plus ou moins hyperglycémiant. Le broyage, la réduction en purée (pommes de
Ce pouvoir peut être quantifié par la détermina- terre), la réduction en marmelade (fruits), aug-
tion des index glycémiques. mentent la digestibilité des aliments glucidiques
auxquels ces traitements sont appliqués. Dans ce
cas, les traitements mécaniques détruisent les
Les facteurs qui modifient structures cellulaires et font éclater les grains
la disponibilité digestive des d'amidon qui sont mieux hydrolysés par les
glucides enzymes du tube digestif.
Le concept de sucres lents et rapides, basé sur la Interactions entre glucides et autres
nature biochimique de glucides plus ou moins nutriments
hyperglycémiants reste un concept un peu trop Tous les autres nutriments (protéines, lipides,
théorique. En effet, pour une variété de glucides
fibres alimentaires), quand ils sont mélangés aux
donnée, la disponibilité digestive va dépendre de
glucides, ralentissent la vidange gastrique. De
toute une série de facteurs qui peuvent modifier
plus, il a été démontré que les autres nutriments
sa dégradation et son absorption.
(protéines, fibres alimentaires) peuvent par leur
Modes de cuisson présence ralentir l'action des enzymes digestives
sur les glucides (amidons en particulier). La
Les traitements thermiques qui accompagnent
farine de blé sans gluten est digérée plus rapide-
la cuisson font éclater les structures cellulaires
ment chez le sujet sain que la farine de blé avec
et les grains d'amidon. De ce fait, l'ébullition, la
gluten. Les céréales complètes, qui contiennent
cuisson au four, augmentent la digestibilité des
des fibres alimentaires, sont en général digérées
plus lentement que les céréales correspondantes
débarrassées de leur enveloppe riche en fibres.
Certaines substances présentes dans les aliments
A B (phytates, lectines, saponines, tannins) peuvent
également jouer un rôle d'inhibiteur enzymatique
et ralentir la digestion des glucides assimilables.
La digestion et l'absorption des glucides dits
«rapides » peuvent être différentes selon que ces
glucides sont ingérés isolément, au début ou à la
fin d'un repas. Ainsi, une pâtisserie a un pouvoir
1,5 1,5 hyperglycémiant plus fort lorsqu'elle est ingérée
Glycémie(g/L)

Glycémie(g/L)

à distance d'un repas que lorsqu'elle est ingérée à


la fin d'un repas fournissant un apport équilibré
1 1
en glucides, lipides et protides. Cette observation
est importante pour la gestion de l'alimentation
1 2 3 4 1 2 3 4 chez les patients diabétiques. Ainsi, il faut leur
Heures Heures conseiller de consommer une pâtisserie à la fin
Figure 6.4. Représentation schématique d'un repas car les conséquences sur la glycémie
de l'absorption des glucides lents (A) et sont beaucoup plus faibles que si cette pâtisserie
rapides (B) et conséquences sur les montées est prise isolément au moment d'une collation en
glycémiques postprandiales. milieu d'après-midi par exemple.

67
Partie II. Place des mesures nutritionnelles dans la prévention et le traitement des états diabétiques

Index glycémique des aliments


En conclusion, la disponibilité des sucres ne
glucidiques : principe du calcul
dépend pas que de leur nature biochimique mais et intérêt pratique
dépend de toute une série de facteurs : nature de
l'aliment, traitements thermiques ou mécaniques Le principe est de choisir un «standard » de réfé-
appliqués à l'aliment, association à d'autres ali- rence, en l'occurrence 100 g de pain blanc, qui
ments dans le même repas. Ainsi, au terme de ce apportent 50 g de glucides, et de comparer la
paragraphe, il apparaît que, pour rester pratique, réponse glycémique de l'aliment à tester (à quan-
il est possible de retenir le concept de glucides tité de glucides équivalente) à celle du standard de
rapides très hyperglycémiants qui traversent rapi- référence. À titre d'exemple, si on souhaite mesu-
dement l'estomac et qui sont rapidement digérés et rer l'index glycémique du riz (20 g de glucides
absorbés. Ils s'opposent aux glucides lents moins pour 100 g), c'est une quantité de 250 g qui sera
hyperglycémiants, qui traversent l'estomac len- administrée pour être comparée à 100 g de pain
tement et qui sont lentement digérés et absorbés blanc. La réponse glycémique est mesurée par
(fig. 6.4). Toutefois, ce concept reste approximatif. l'aire sous la courbe calculée jusqu'à la deuxième
heure et seule la partie au-dessus de la glycémie
Évaluation de la disponibilité basale au temps 0 est prise en compte pour le
des glucides et de l'effet calcul (fig. 6.6). Dans ces conditions, l'index gly-
cémique est défini de la manière suivante :
hyperglycémiant des aliments :
le concept d'index glycémique
Tout aliment glucidique entraîne une élévation Index glycémique (%) = [Aire sous la courbe de
de la glycémie postprandiale. Cette période réponse glycémique après ingestion d'un aliment
glucidique à tester / Aire de la courbe de réponse
postprandiale, qui correspond à la digestion et
glycémique après ingestion d'une quantité équiva-
à l'absorption des glucides alimentaires, a une
lente de glucides sous forme de pain blanc] x 100.
durée maximale de 4 heures, mais la montée gly-
cémique au-dessus de la ligne de base ne dépasse
pas 2 heures chez un sujet sain en raison de la
réponse insulinique qui suit l'ingestion des glu- Sur la figure 6.7 sont indiqués les index gly-
cides. Chez les sujets diabétiques, en raison de la cémiques de quelques catégories d'aliments
réponse insuffisante ou retardée de l'insuline à courants. En prenant le pain comme aliment de
la prise de glucides alimentaires, les excursions référence (IG = 100), on s'aperçoit que certains
glycémiques postprandiales sont plus amples et produits alimentaires sont plus hyperglycémiants
plus longues. Pour réduire ces montées glycé- que le pain. C'est le cas pour les Cracottes et les
miques postprandiales, il est donc indispensable corn flakes. Ces produits ont subi lors de leur
de maintenir la quantité de glucides consommés fabrication le procédé de cuisson-extrusion
à chaque repas dans des limites raisonnables. Les (application de traitements thermiques et méca-
tables alimentaires classiques, dites d'équiva- niques) qui ont fait «éclater » les grains d'amidon
lences (fig. 6.5) sont basées sur les teneurs gluci- pour les rendre plus accessibles aux systèmes de
diques des aliments. Elles permettent de répondre digestions enzymatiques. La plupart des féculents
au problème quantitatif. Toutefois, nous avons (pommes de terre, riz, pâtes alimentaires) ont
déjà souligné qu'à quantités identiques de glu- des index glycémiques inférieurs à ceux du pain.
cides, des aliments différents peuvent provoquer Toutefois l'index glycémique des pommes de
des réponses glycémiques très variables. Ainsi, les terre est plus élevé lorsqu'elles ont été réduites en
tables d'équivalences quantitatives devraient être purée que lorsqu'elles sont consommées entières.
complétées par des tables d'équivalences physio- Les fruits et légumes ont des index glycémiques
logiques intégrant à la fois les aspects quantitatif faibles. Toutefois, comme pour les féculents, les
et qualitatif. C'est pour répondre à ce problème traitements mécaniques et thermiques entraînent
que l'index glycémique a été proposé au début des des changements dans les index glycémiques.
années 1980, pour classer les aliments en fonction La compote de pommes a un index glycémique
de leur pouvoir hyperglycémiant. plus élevé qu'une pomme consommée intacte.

68
Chapitre 6. Les glucides alimentaires en général et, en particulier, chez le patient diabétique

ÉQUIVALENCES CALORICO-GLUCIDIQUES GLUCIDES CALORIES


PAIN RIZ PÂTES POMMES
(UN PETIT PAIN DE TERRE
UNE = 1/4 DE BAGUETTE)
25 g 120
PORTION
DE FÉCULENT 120 g
APRÈS 120 g
50 g 4 CÀS = 120 g CUISSON HARICOTS

1 PORTION
200 g
UNE PORTION = 1 FRUIT
DE FRUITS 12 g 50
OU LÉGUMES

LAIT YAOURTS
UNE PORTION
DE PRODUITS
LAITIERS 10 g 120
AVEC
GLUCIDES
200 mL 2

Figure 6.5. Équivalences quantitatives calorico-glucidiques par grandes catégories d'aliments


glucidiques.

1,5
GLYCÉMIE(g/L)

Temps (heures)
1 2 3 4

S1 : aliment à tester
S2 : pain blanc

IG (%) = [S1/S2] x 100


Figure 6.6. Calcul de l'index glycémique (IG %) d'un aliment en prenant pour référence le pain
blanc (100 g de pain soit 50 g de glucides).
L'apport pour l'aliment à tester doit être isoglucidique. L'IG est donné par le rapport des surfaces S1 et S2 calculées
sous les réponses glycémiques.

69
Partie II. Place des mesures nutritionnelles dans la prévention et le traitement des états diabétiques

GLUCIDES

140 RAPIDES

120 SEMI-LENTS

Indexglycémique
100 LENTS
80

cracottes
ULTRA LENTS
60

40

pommes
riz
20

Figure 6.7. Index glycémique (IG) de certaines catégories d'aliments glucidiques, le pain blanc
étant pris pour référence : IG = 100.

Le concept d'index glycémique, bien qu'il paraisse un impact significatif sur l'équilibre glycémique
clair dans sa définition, reste l'objet de contro- global (en moyenne + 0,4 % en point de pourcen-
verses. Le manque de reproductibilité de l'index tage d'HbA1c), il convient d'éviter la consomma-
glycémique d'un individu à l'autre est l'une des tion d'aliments à fort index glycémique au petit
principales critiques formulées à l'encontre de déjeuner et de manière plus générale chaque fois
cette méthode. Des facteurs tels que l'âge, le qu'il y a rupture d'un jeûne de plus de 8 heures.
poids, le sexe, la présence ou l'absence de diabète, C'est en ce sens que le terme anglais «breakfast »
le type du diabète, peuvent modifier la valeur de est mieux adapté que son équivalent en français
l'index glycémique pour un aliment donné. Bien «petit déjeuner ».
que certains prétendent qu'en raison de sa varia- Ainsi dans toutes les conditions où il y a rupture
bilité excessive l'index glycémique ne peut être du jeûne, le petit déjeuner étant la plus typique, il
utilisé en pratique médicale courante, il n'en reste est préférable de consommer :
pas moins qu'il donne des indications précieuses • des fruits frais entiers plutôt que des jus de
pour la prescription diététique chez le diabétique. fruits pressés et a fortiori des jus de fruits du
En effet, même si les réponses glycémiques sont commerce ;
différentes entre les diabétiques et les non-diabé- • des produits laitiers tels que le lait ou les yaourts
tiques, un aliment qui a un index glycémique fort qui contiennent du lactose dont le pouvoir
donne en général naissance à une excursion gly- hyperglycémiant est faible ou des produits
cémique plus élevée qu'un aliment à index glycé- laitiers dans lesquels les quantités de glucides
mique faible. Ceci est valable chez tous les patients sont nulles ou négligeables. C'est le cas pour les
diabétiques, qu'ils aient un diabète de type 1 ou fromages ;
un diabète de type 2. Pour la pratique, il fau- • des quantités contrôlées de pain car ce dernier a
drait retenir que les consommations d'aliments à un index glycémique relativement élevé.
index glycémique élevé devraient être évitées au Les aliments glucidiques à fort index glycé-
moment de la journée où les dérives glycémiques mique devraient être évités. En général, il s'agit
ont tendance à être les plus fortes. C'est le cas pour de produits à goût sucré tels que les confitures,
la période qui suit le petit déjeuner. Chez les dia- le sucre en morceaux. Toutefois, certains pro-
bétiques, la fin de nuit et le début de la matinée duits alimentaires qui n'ont pas de goût sucré
sont les périodes de la journée où la production mais qui contiennent des amidons prédigérés
hépatique du glucose et l'insulinorésistance sont à comme les corn flakes sont déconseillés. Dans la
leur maximum. La conséquence est la présence de mesure où les protéines amortissent les montées
dérives hyperglycémiques avant le petit déjeuner glycémiques secondaires à l'ingestion d'aliments
(phénomène de l'aube) et après le petit déjeuner glucidiques, il est conseillé de consommer une
(phénomène de l'aube prolongé). Pour contre- demi-tranche de jambon maigre au petit déjeu-
carrer ces deux phénomènes qui peuvent avoir ner. Ces considérations indiquent que le recours

70
Chapitre 6. Les glucides alimentaires en général et, en particulier, chez le patient diabétique

aux index glycémiques peut être utile, mais l'in- Tableau 6.1. Équivalences glucidiques
dexation des aliments en fonction de leur pouvoir physiologiques basées sur la détermination
hyperglycémiant doit être simplifiée pour ne pas de la « charge glucosée» qui est égale à la
compliquer la tâche du patient et du prescripteur. [quantité de glucides contenus dans la portion
Normalement, il faudrait remplacer les tables d'aliments considérée] × [index glycémique].
d'équivalences classiques basées sur les quan-
tités de glucides contenus dans les aliments par 25 g de glucides 25 g de charge IG
des tables permettant de connaître les quantités glucosée
d'aliments à ingérer pour obtenir un effet hyper- 5 morceaux de sucre 5 morceaux de sucre 1
glycémiant donné, choisi comme standard. En 1 petit pain de 50 g 1 petit pain de 50 g 1
d'autres termes, aux tables d'équivalences quan- 120 g de purée de 120 g de purée de 1
titatives devraient se substituer des tables d'équi- pommes de terre pommes de terre
valences physiologiques. Malgré tous les travaux
1 pomme 1 pomme de terre 0,7
qui ont été réalisés sur les index glycémiques, ce de terre de 120 g et demie (180 g)
type de table n'est pas disponible.
1 banane de 120 g 1 banane 0,7
et demie (180 g)
Charge glucosée : un paramètre
120 g de riz cuit 180 g de riz cuit 0,7
qui intègre la quantité et la qualité
des glucides 2 pommes ≈ 4 pommes ≈ 0,4

Pour contourner l'absence de tables qui intègrent 2 oranges ≈ 4 oranges ≈ 0,4


à la fois les équivalences qualitatives et quantita- 2 bols de lait ≈ 4 à 5 bols de lait ≈ 0,4
tives, certains auteurs anglo-saxons ont introduit ≈ 4 à 5 yaourts ≈ 8 à 10 yaourts ≈ 0,4
la notion de charge glucosée ou «glucose load »
120 g de lentilles cuites 360 g de lentilles cuites 0,3
qui est définie comme le produit : quantité de glu-
cides (en grammes) × IG de l'aliment. Exemple à la ligne 6 du tableau (ligne du riz) : 180 g de riz cuit ≈
Prenons un exemple simple. Les carottes après 37,5 g de glucides. Pour un index glycémique à 0,70 ceci signifie que
la «charge glucosée» de 180 g de riz cuit est ≈ 37,5 × 0,70 ≈ 25 g.
cuisson ont un index glycémique aux alentours
de 0,6, et 100 g de carottes contiennent envi-
ron 10 g de glucides. La charge glucosée pour calorique. À titre d'exemple, la montée glycé-
100 g de carottes est donc égale à 10 × 0,6 = mique (colonne charge glucosée) sera peut-être
6 g. Les lentilles après cuisson ont parmi les équivalente avec 8 à 10 yaourts et 5 morceaux
légumineuses un index faible aux alentours de de sucre mais 8 à 10 yaourts apporteront de 400
0,3 et 100 g de lentilles contiennent environ à 500 kcal alors que 5 morceaux ne fournissent
20 g de glucides. La charge glucosée pour 100 g que 80 kcal. Pour bien appréhender ce problème,
de lentilles est donc égale à 20 × 0,3 = 6 g. En nous nous permettrons de fournir un exemple
conclusion, les charges glucidiques de 100 g de encore plus parlant. Supposons qu'un sujet
carottes et de 100 g de lentilles sont identiques consomme 2 yaourts « nature » au petit déjeu-
alors que l'index glycémique des lentilles est la ner. L'apport glucidique est de 10 g et l'index gly-
moitié de celui des carottes. Si on se réfère à cémique est voisin de 0,4. La « charge glucosée »,
l'index glycémique seul, on a tendance à privi- qui conditionne la montée glycémique après
légier les lentilles par rapport aux carottes. Si on ingestion des 2 yaourts est donc égale à 10 × 0,4
se réfère à la charge glucosée, les deux aliments = 4 g. Supposons que le sujet veuille remplacer
sont à égalité. À partir de ces constatations, on les 2 yaourts « nature » par du pain pour avoir la
pourrait établir des tables d'équivalences phy- même charge glucosée (4 g) et donc pour avoir
siologiques basées sur la charge glucosée. Sur le la même montée glycémique. Quelle quantité
tableau 6.1, nous avons comparé pour quelques de pain devra-t-il consommer ? La réponse est
aliments une colonne d'équivalence glucidique donnée par le calcul suivant. La teneur en glu-
basée uniquement sur la quantité et l'autre sur cides du pain est égale à 50 % soit 5 g de glucides
la charge glucosée. À noter toutefois la difficulté pour 10 g de pain. L'index glycémique du pain
de ce type de table qui n'intègre pas l'apport est égal à 1. C'est donc 8 g de pain, c'est-à-dire

71
Partie II. Place des mesures nutritionnelles dans la prévention et le traitement des états diabétiques

Tableau 6.2. Exemple de charge glucosée.

Apport glucidique Index glycémique Charge glucosée Apport calorique


2 yaourts «nature » 10 g 0,40 10 × 0,40 = 4 g ≈ 100 kcal
8 g de pain 4g 1,00 4 × 1,00 = 4 g ≈ 20 kcal
Avantage des yaourts Charge glucosée faible pour un apport
alimentaire substantiel
Inconvénient du pain Charge glucosée qui ne reste faible que si
l'apport alimentaire reste infime
La charge glucosée est identique pour 2 yaourts «nature» et 8 g de pain blanc. Étant donné que la charge glucosée conditionne
la réponse glycémique après ingestion de l'aliment on peut prédire que la montée de la glycémie sera la même après consommation
de 2 yaourts «nature» et de 8 g de pain blanc.

une quantité infime qui conduirait à une charge (15Ŕ20 g/kg de muscle), le glucose circulant
glucosée égale à 4 g, c'est-à-dire une montée (1 g/L de plasma). L'effort musculaire intense
glycémique identique à celle des 2 yaourts suffit à épuiser les réserves en glycogène. Dès que
« nature ». Ce simple exemple suffit à démontrer les réserves en glycogène sont épuisées, le foie
qu'il est préférable de consommer des yaourts au synthétise du glucose à partir de substrats non
petit déjeuner que du pain si on est diabétique. glucidiques comme les lactates et l'alanine : c'est
Cette mesure permettra de mieux contrôler les le phénomène de néoglucogenèse. Ce glucose syn-
montées glycémiques. En revanche, il convient thétisé est indispensable pour couvrir les besoins
de souligner que 2 yaourts vont apporter une énergétiques des tissus qui ne consomment que
centaine de calories alors que 8 g de pain n'ap- du glucose (système nerveux, érythrocytes,
portent qu'une vingtaine de calories. Les avan- médullaire rénale). Au bout de quelques jours de
tages et inconvénients de ces considérations jeûne, la consommation obligatoire de glucose par
diététiques liées à cet exemple sont résumés sur ces tissus est de l'ordre de 85 g par jour (au bout de
le tableau 6.2 : « Charge glucosée faible pour un quelques jours de jeûne, le système nerveux peut
apport alimentaire substantiel avec les yaourts, utiliser une partie des corps cétoniques fournis
charge glucosée qui ne reste faible avec le pain par la lipolyse du tissu adipeux).
que pour un apport alimentaire infime ».
Chez un sujet
normalement nourri
Rôle des glucides On peut considérer que l'alimentation apporte
environ 250 g de glucides par jour : 150 g sont
Rôle énergétique utilisés par les tissus glucodépendants (système
nerveux en particulier) et 100 g sont utilisés par
Il est schématisé sur la figure 6.8. Les glucides les autres tissus. Le reste des besoins énergétiques
sont une source importante d'énergie : l'oxydation est assuré par les autres nutriments (lipides ali-
de 1 g de glucides libère 4 kcal. Les glucides sont mentaires en particulier).
le carburant prioritaire de l'organisme. Dans l'ali-
mentation équilibrée normale, les glucides repré- Chez un sujet soumis
sentent entre 40 et 50 % (moyenne = 45 %) des
calories totales. Plus des deux tiers environ des à un jeûne prolongé
calories glucidiques devraient être consommées Le glucose nécessaire pour couvrir les besoins éner-
sous forme de glucides complexes tandis que le gétiques du cerveau (150 g/j) est fourni par le glucose
tiers restant peut être consommé sous forme de néoformé à partir des lactates ou de l'alanine (phé-
glucides simples. La réserve en glucides de l'orga- nomène de néoglucogenèse) (fig. 6.8). L'alanine est
nisme est faible. Elle est constituée par le glyco- un acide aminé qui provient du catabolisme mus-
gène hépatique (70 g), le glycogène musculaire culaire. Tout jeûne prolongé s'accompagne d'une

72
Chapitre 6. Les glucides alimentaires en général et, en particulier, chez le patient diabétique

150 g/j NÉOGLUCOGENÈSE 150 g/j

100 g/j (150 – x) g


70 g Ac Am

Glucides
250 g/j xg?

Sujet Sujet soumis à un


normalement nourri régime très hypocalorique
Figure 6.8. Utilisation des substrats énergétiques glucidiques selon qu'un sujet est normalement
nourri (250 g de glucides par jour) ou qu'il reçoit un régime hypoglucidique (x g de glucides,
x étant très inférieur à 150 g de glucides par jour).

fonte musculaire rapide. Le reste de l'énergie est l'effort. Au cours d'efforts particulièrement prolon-
fourni par les acides gras et les corps cétoniques qui gés, il est conseillé d'utiliser des mesures compen-
sont libérés ou synthétisés à partir de la lipolyse du satoires : apports de glucides simples à absorption
tissu adipeux. Bien que le concept de besoin mini- rapide, immédiatement disponibles pour assurer
mum en matière de glucides soit arbitraire, on peut les besoins énergétiques du muscle et pour recons-
considérer qu'un apport de 100 à 120 g par jour cor- tituer le stock de glycogène musculaire.
respond au besoin minimum : quantité de glucose
minimale, indispensable au fonctionnement des Rôle de structure
tissus glucodépendants.
Une petite fraction des glucides joue un rôle de
Après un effort musculaire structure. Bien que ce rôle soit mineur sur le
intense de 1 à 2 heures plan quantitatif, il est majeur sur le plan fonc-
tionnel. Par exemple, les glycoprotéines sont des
Le sujet utilise ses réserves lipidiques pour assurer constituants essentiels des membranes basales
le fonctionnement musculaire puisque la réserve des vaisseaux et du cartilage (acide chondroïtine
en glycogène musculaire (15 à 20 g/kg) est épuisée. sulfurique). De nombreux récepteurs hormonaux
Cependant, une alimentation riche en glucides situés à la surface des cellules sont de nature glyco-
(plus de 60 % de calories sous forme de glucides) protéique. Par ailleurs, le ribose et le désoxyribose
entraîne une augmentation de la teneur en glyco- entrent dans la structure des acides nucléiques.
gène du muscle (35 g/kg de muscle). Un régime
riche en glucides permet donc des efforts intenses
plus prolongés (3 heures) avant que la réserve en Sources des glucides
glycogène musculaire ne soit épuisée. Chez les alimentaires
sportifs, il est donc conseillé d'enrichir la ration
glucidique (mesure anticipatoire) en glucides com- Elles sont essentiellement végétales en dehors du
plexes pour permettre une meilleure résistance à lait qui apporte du lactose

73
Partie II. Place des mesures nutritionnelles dans la prévention et le traitement des états diabétiques

Sucre raffiné et produits sucrés amidon légèrement plus faible que celle du pain
blanc (40 à 45 %), mais il contient en revanche des
Le sucre raffiné est fabriqué soit à partir du sucre
fibres alimentaires puisque les enveloppes riches
de canne (60 %) soit à partir du sucre de betterave en fibres n'ont pas été séparées du grain de blé ni
(40 %). Quelle que soit son origine, le sucre raf- éliminées lors des opérations de meunerie. Les
finé est constitué par du saccharose. Il peut être graines de la plupart des céréales (maïs, riz, etc.)
consommé soit de manière isolée (morceaux de contiennent environ 65 % d'amidon (teneur avant
sucre) soit rajouté ou mélangé lors du processus cuisson). Les graines des principales légumi-
de fabrication d'aliments composés à goût sucré : neuses (haricots, pois chiches, lentilles) ont une
pâtisseries, confiseries, sucreries, chocolats, teneur en amidon identique à celles des céréales
confitures, crèmes glacées, etc. La consommation (60 à 65 % avant cuisson).
de sucre raffiné est le plus souvent excessive dans
les pays dits «développés » et largement supé- Produits amylacés dérivés des céréales
rieure au quart de l'apport calorique total. Cette Les pâtes alimentaires sont fabriquées à partir
consommation devrait rester inférieure à 25 % en de semoules de blé dur. Lors de la cuisson, elles
sachant que la consommation de sucres raffinés absorbent environ 2 fois leur poids d'eau : mul-
se fait sous forme de sucres libres (saccharose, glu- tiplication par 3 du volume et du poids. Après
cose, fructose) qui constituent le 1/5e du total, les cuisson, les pâtes alimentaires ont une teneur en
4/5e restants étant représentés par les sucres dits amidon voisine de 20 g pour 100 g.
«ajoutés ». Cette variété est plus pernicieuse et La pâte utilisée en biscuiterie et en pâtisserie
moins visible car elle est mélangée au moment de est préparée à partir de blés tendres. La différence
la fabrication des aliments ou des boissons vendus entre biscuiterie et pâtisserie est que l'on emploie
par la grande distribution. Les quantités sont donc moins d'eau en biscuiterie. Pour la préparation
plus difficiles à évaluer. Chez les patients diabé- des biscuits et des gâteaux, de nombreux ingré-
tiques, cette consommation de sucres raffinés ne dients sont ajoutés à la farine : saccharose, œufs,
doit pas être interdite mais elle doit être limitée lait.
car une consommation excessive pourrait entraî-
ner des dérives hyperglycémiques postprandiales. Pommes de terre
Elles contiennent 20 g d'amidon pour 100 g.
Autres sources de glucides
Aliments amylacés (source Fruits et légumes
Leur contenu en glucides varie qualitativement
d'amidon)
d'un aliment à l'autre : amidon (bananes), fruc-
Graines de céréales et de légumineuses tose (agrumes), saccharose, glucides non assimi-
Les graines de céréales et de légumineuses sont lables (fibres alimentaires). Si l'on se limite aux
les principales sources d'amidon. Le grain de blé glucides assimilables, les légumes à feuilles ont
contient environ 65 % d'amidon, inégalement une teneur faible (5 g pour 100 g). Les légumes à
réparti entre les différentes parties du grain. La racines (carottes, navets) sont 2 fois plus riches en
majorité de l'amidon se trouve dans la partie glucides (10 g pour 100 g). Les légumes à tuber-
interne, qui fournit la farine blanche après les cules (pommes de terre) contiennent environ 20 g
opérations de meunerie : blutage (suppression pour 100 g mais sur le plan nutritionnel ils sont
des enveloppes externes), broyage, etc. La farine considérés non comme des légumes mais comme
blanche de blé contient environ 80 % d'amidon. des féculents.
Au cours du processus de panification, la farine
est mélangée avec de l'eau, du sel et de la levure
puis pétrie pour obtenir un mélange homogène. Conclusion
La pâte obtenue est ensuite cuite au four. La teneur
en amidon du pain est donc plus faible que celle de Chez un patient diabétique, l'apport glucidique
la farine. En moyenne, le pain contient 50 g d'ami- doit être maintenu à un niveau qui est iden-
don pour 100 g. Le pain complet a une teneur en tique à celui d'un sujet qui n'est pas diabétique.

74
Chapitre 6. Les glucides alimentaires en général et, en particulier, chez le patient diabétique

Tableau 6.3. Exemple de répartition des aliments glucidiques chez un patient diabétique pour
lequel on a fixé l'apport glucidique à 200 g/j.

Petit déjeuner Glu Repas de midi Glu Dîner Glu


Pain (40 g) 20 g Pain (40 g) 20 g Pain (40 g) 20 g
1 fruit 15 g Féculents (150 g) 30 g Féculents (150 g) 30 g
1 yaourt 5g Légumes et/ou 15 g Légumes et/ou 15 g
crudités (200 g) crudités (200 g)
1 fruit 15 g 1 fruit 15 g
Total glucides 40 g 80 g 80 g
Chez ce sujet la répartition proposée est la suivante : 20 % des glucides au petit déjeuner, 40 % au repas de midi et 40 % au repas du soir.

En revanche, quelques différences doivent être insulinés, elle conduirait à des épisodes hypogly-
notées. Alors que chez un sujet qui n'est pas dia- cémiques en fin de matinée. Enfin, les glucides
bétique l'apport quantitatif peut varier d'un jour doivent être répartis de manière régulière sur les
à l'autre, il doit rester relativement stable au cours trois repas de la journée. En général, on considère
du temps chez la personne diabétique. Toute que 20 % des glucides doivent être apportés au
variation intempestive peut se traduire par des moment du petit déjeuner et 40 % sur les deux
montées glycémiques exagérées ou au contraire autres repas de midi et du soir. Pour un sujet chez
par des épisodes hypoglycémiques selon que lequel l'apport glucidique sur 24 heures serait
l'apport est excessif ou insuffisant. Une attention fixé à 200 g par jour, ceci correspond à 40 g au
particulière doit être donnée à la qualité des glu- petit déjeuner et 80 g aux deux autres repas. Le
cides en évitant les sucres rapides, en particulier tableau 6.3 donne un exemple pratique de cette
au moment du petit déjeuner. Ce dernier est sou- répartition. Seuls sont indiqués les aliments
vent trop riche en glucides rapides dans le petit glucidiques. Les apports caloriques doivent être
déjeuner français. L'attitude inverse, qui consiste complétés avec des aliments lipido-protidiques
à prendre un petit déjeuner sans glucides doit et dépourvus de glucides (ex. : viandes, fromages,
être également proscrite car, chez les diabétiques corps gras…).

75
Les graisses CHAPITRE
7
alimentaires en général
et, en particulier,
chez le patient diabétique
L. Monnier, C. Colette

PLAN DU CHAPITRE de lipides, c'est 160 g de lipides qui vont être appor-
Compréhension générale du métabolisme des graisses 78 tés quotidiennement par son alimentation, soit le
Classification et familles d'acides gras 81 double de la consommation recommandée pour se
Classification biochimique des lipides 84 maintenir en bonne santé. Il est bien évident que
Effets des acides gras dans la prévention des maladies malgré les possibilités d'adaptation de son orga-
cardiovasculaires et conséquences en termes de
recommandations nutritionnelles 89 nisme à un apport supraphysiologique en lipides,
Quelques remarques supplémentaires 92 cette personne sera dans l'incapacité de «brûler »
les 80 g de lipides en excès. Une grande partie sera
stockée dans l'organisme dans différents tissus.
Les graisses ont mauvaise réputation. Depuis de
Au niveau du tissu adipeux cet excès de lipides
nombreuses années, leur consommation, surtout
conduira à une surcharge pondérale voire même à
quand elle est excessive, est accusée d'être en
un état d'obésité. Dans le foie, la conséquence sera
partie responsable d'une augmentation de la pré-
une stéatose avec éventuellement une évolution
valence des maladies cardiovasculaires. Au cours
vers une cirrhose. Ce syndrome est décrit depuis
de la période qui a suivi la Seconde Guerre mon-
plusieurs années sous l'acronyme «NASH » pour
diale et jusqu'à nos jours, de nombreuses études
«nonalcoholic steatohepatitis ». Enfin, les lipides,
épidémiologiques ont été pratiquées. Toutes ont
en particulier les graisses saturées se déposent dans
démontré que le régime alimentaire des habitants
les parois artérielles pour conduire aux plaques
des pays développés, appelé «Western diet » est
d'athérome et aux lésions d'athérosclérose. Ainsi,
caractérisé par une consommation de graisses
l'augmentation des apports lipidiques est toujours
trop élevée. Cette augmentation porte d'abord
néfaste, surtout quand elle porte sur la consomma-
sur le pourcentage de l'apport énergétique total :
tion excessive de graisses saturées. C'est pour cette
entre 40 et 50 % alors qu'il ne devrait pas dépas-
raison que les recommandations nutritionnelles
ser 35 %. Dans la mesure où les apports caloriques
les plus récentes éditées en décembre 2015 (Dietary
totaux n'ont jamais cessé de croître au cours des
Guidelines for Americans) ont confirmé que les
dernières années, il est aisé de comprendre que
apports en graisses saturées (acides gras saturés)
l'excès de consommation en pourcentage se tra-
©2018,ElsevierMassonSAS.Tousdroitsréservés

devraient être maintenus en dessous de 10 % des


duit par une surconsommation encore plus élevée
Manueldenutritionpourlepatientdiabétique

calories totales. Bien que cette restriction en acides


quand on raisonne en quantité absolue de graisses.
gras saturés soit l'objet de débats, il est préférable
Un calcul simple sur un exemple permet d'illus-
d'essayer de s'y conformer, surtout quand la per-
trer ce fait. Prenons le cas d'une personne dont
sonne concernée a un risque accru de développer
la consommation en calories serait parfaitement
des complications cardiovasculaires comme c'est
adaptée à ses besoins énergétiques (2 000 kcal par
le cas chez les personnes atteintes de diabète.
jour avec idéalement 33 % de calories lipidiques).
En se basant sur le fait que 1 g de lipides corres- Malgré les recommandations prônées par de
pond à 9 kcal, son apport alimentaire en lipides nombreux organismes, la consommation de graisses
est de 80 g par jour. Supposons que cette même reste excessive dans les pays dits développés et le
personne consomme 2 900 kcal par jour avec 50 % «Western diet» contamine toutes les populations

77
Partie II. Place des mesures nutritionnelles dans la prévention et le traitement des états diabétiques

dès que leur niveau de vie s'élève. Plusieurs causes d'être égales en matière de santé. L'inégalité entre
expliquent la surconsommation de graisses. La pre- les acides gras repose sur leur structure chimique
mière est liée au fait que les graisses alimentaires et leur métabolisme, sur leur rôle physiologique
sont le vecteur de l'onctueux, l'une des «sensations dans l'organisme et sur leurs conséquences en
en bouche» les plus prisées par les consommateurs. termes de santé. Ce sont des aspects qui vont être
Tout le monde sait que toute préparation culinaire développés en premier lieu dans les lignes qui
est d'autant plus appréciée que sa teneur en graisse suivent avant d'envisager dans d'autres chapitres
est plus élevée. Quand les graisses sont absentes les recommandations nutritionnelles en fonction
dans un aliment, le consommateur a tendance des phénotypes du patient diabétique selon qu'il
à rajouter du gras sous forme de beurre, sauces, s'agit d'une personne insulinée ou non insulinée,
crèmes ou huiles d'assaisonnements diverses pour en surcharge pondérale ou en poids normal, por-
améliorer son goût (sa palatabilité). Pour les crudi- teuse ou non d'une hyperlipidémie (qu'elle soit ou
tés, on privilégie en général les huiles végétales dont non dépendante du diabète) et atteinte ou non de
la majorité, mais pas toutes, sont pauvres en acides complications vasculaires. Avant d'envisager tous
gras saturés et sont au contraire riches en acides ces points dans un chapitre ultérieur, il convient
gras désaturés. Ces derniers ont une réputation de rappeler une constante dans la prise en charge
santé relativement bien établie à condition de ne pas du patient diabétique. L'apport lipidique comme
être consommés de manière excessive. Ce point sera toutes les mesures diététiques ou pharmaco-
développé de manière beaucoup plus exhaustive logiques devrait être personnalisé et adapté à la
quand seront détaillées les grandes classes d'acides vie du patient diabétique. Pour un professionnel
gras. En revanche, le beurre, les sauces, la crème, de santé, bien comprendre le mécanisme de ses
sont majoritairement constitués par des acides gras recommandations et transmettre cette compré-
saturés : 80 à 85 % pour le beurre, 40 à 50 % pour les hension à son patient sont des prérequis indis-
sauces et la crème de lait. pensables pour que l'action proposée soit non
La deuxième cause, qui explique la surconsom- seulement efficace mais également acceptée par
mation de graisses est leur coût relativement faible son patient. En effet, ce dernier est souvent peu
par rapport à celui des aliments tels que les fruits enclin à suivre des prescriptions diététiques tou-
et légumes. Bien qu'ils soient justifiés, les conseils jours un peu contraignantes et de bonnes explica-
théoriques de consommer cinq portions de fruits tions sont toujours bienvenues.
et légumes par jour sont confrontés au défi de la
réalité pratique : pourquoi se priver de produits
alimentaires plus «graisseux », plus «goûteux » et Compréhension générale
de surcroît moins «coûteux ». C'est cette réalité sur
laquelle surfent allégrement l'industrie agroalimen- du métabolisme des graisses
taire et la grande distribution qui proposent aux Après leur absorption intestinale, les acides
consommateurs des produits alimentaires prêts à
gras qui sont les constituants fondamentaux des
la consommation à des prix relativement modé-
graisses suivent un itinéraire métabolique bien
rés, faciles à réchauffer et d'un goût somme toute
particulier (fig. 7.1) qui les conduit à assurer
assez agréable pour une consommation régulière.
quatre rôles majeurs : fourniture d'énergie, rôle
Pour rester dans une marge de prix compétitifs,
de structure au niveau des membranes cellulaires,
les fabricants de produits prêts à la consommation
rôle fonctionnel à l'intérieur des cellules et enfin
privilégient les graisses saturées. Ces dernières sont
rôle de vecteur pour le transport plasmatique de
contenues dans les margarines fabriquées à partir
certaines substances comme certaines vitamines.
d'huile de palme riche comme son nom l'indique
en acide palmitique, un des acides gras saturés les
plus abondants dans l'alimentation humaine. Elles Digestion et absorption
sont également contenues dans les préparations des acides gras
provenant des dérivés du lait.
Ce tableau relativement pessimiste qui vient Les graisses alimentaires sont formées à plus de
d'être brossé à propos des graisses doit être tem- 95 % par des triglycérides ou triacylglycérols qui
péré par le fait que toutes les graisses sont loin résultent de la combinaison d'une molécule de

78
Chapitre 7. Les graisses alimentaires en général et, en particulier, chez le patient diabétique

Tissu adipeux
A. palmitique : 30 %
Acides gras Cellules périphériques
A. oléique : 45 %
Autres : 15 %
Polyinsaturés : 10 % Voie
Tube digestif oxydative
(Énergie)
TG

Chylo  TG

Acides gras
TG

AG alimentaires Foie
transportés par
des TG Désaturation
+
Incorporation dans
Élongation
les PL membranaires
A. arachidonique
A. eicosapentaènoïque

Figure 7.1. Itinéraire métabolique des acides gras à l'intérieur de l'organisme en allant de leur
absorption au niveau du tube digestif jusqu'à leur incorporation dans les membranes et les
organites des cellules périphériques.
Entre les deux existent des étapes intermédiaires de stockage dans le tissu adipeux sous forme de triglycérides (lipides
de réserve), puis de relargage avec ultérieurement des transformations métaboliques (désaturation et élongation) dans
le foie. Au niveau des cellules périphériques, les acides gras peuvent fournir de l'énergie (voie oxydative), participer à
la cohésion physicochimique des membranes cellulaires (rôle de structure) ou jouer le rôle de précurseurs métaboliques
(rôle fonctionnel, production de prostaglandines par exemple).

glycérol (trialcool) et de trois molécules d'acides CH2 – CH – CH2


gras qui peuvent être semblables ou différents
(fig. 7.2). Dans la lumière du tube digestif, sous
l'influence des lipases (lipase pancréatique OOO
essentiellement) sont libérés les deux acides gras
qui estérifient les deux fonctions alcool périphé- O C O C O C
riques du glycérol (situées en position 1 et 3). La
fonction alcool centrale en position 2 reste esté-
rifiée. Le monoglycéride qui en résulte pénètre
par le pôle luminal (apical) des cellules intes- R1 R2 R3
tinales (entérocytes). À l'intérieur de la cellule
intestinale, les monoglycérides sont réestérifiés
pour donner des triglycérides qui sont expulsés
au pôle basal des cellules intestinales pour être CH3 CH3 CH3
incorporés dans les chylomicrons, grosses parti-
cules lipidiques du système lymphatique qui sont Figure 7.2. Structure d'un triglycéride
très riches en triglycérides. En période postpran- ou triacylglycérol.
diale, après un repas lipidique, le système lym- Les trois fonctions alcool du glycérol sont estérifiées
phatique abdominal déverse les chylomicrons par trois acides gras (R1, R2, R3).
dans la circulation sanguine. Chez un sujet sain,
les chylomicrons ont un temps de séjour très chylomicrons dans le tissu adipeux. Les trigly-
limité dans le sang où ils sont rapidement hydro- cérides dits de réserve sont stockés en attendant
lysés par une enzyme, la lipoprotéine lipase, qui une utilisation ultérieure en fonction des besoins
transfère une grande partie des triglycérides des de l'organisme (fig. 7.1).

79
Partie II. Place des mesures nutritionnelles dans la prévention et le traitement des états diabétiques

Graisses sources d'énergie cellulaires : membranes cellulaires et organites intra-


cellulaires (fig. 7.1). À ce niveau, ils interviennent
Qu'ils proviennent en direct de l'hydrolyse des
dans la cohésion physicochimique en entrant dans la
triglycérides alimentaires ou en différé de celle composition des phospholipides membranaires qui
des triglycérides stockés dans le tissu adipeux, les sont disposés en bicouches moléculaires, les pôles
acides gras fournissent lors de leur combustion en hydrophiles des phospholipides étant au contact de
CO2 et en eau une quantité d'énergie de 9 kcal par l'eau extra- ou intracellulaire tandis que leurs pôles
gramme. Ainsi, l'oxydation des graisses est une hydrophobes se font face au sein même de la mem-
source importante d'énergie. Il convient de noter brane cellulaire (fig. 7.3). La plasticité et la fluidité
que chez un sujet adulte en poids normal et de des membranes cellulaires dépendent de la nature
taille moyenne, la quantité de triglycérides stockés des acides gras (saturés ou désaturés) qui entrent
dans le tissu adipeux est de l'ordre de 10 kg, soit dans la composition des phospholipides.
une réserve énergétique de l'ordre de 90 000 kcal,
qui permet d'assurer une couverture des besoins
énergétiques pendant un laps de temps de l'ordre Rôle fonctionnel des acides gras
de 1 mois 1/2 à 2 mois même en cas de jeûne total. À l'intérieur des cellules et au sein des mem-
Rôle de structure des acides gras branes cellulaires, les acides gras participent à de
nombreuses régulations métaboliques : synthèses
Après un itinéraire plus ou moins long, après être enzymatiques, production de prostaglandines,
passés transitoirement par la case «réserve » du fonctionnement des récepteurs hormonaux
tissu adipeux et après avoir été transformés (désa- constitués par des protéines enchâssées dans la
turés et élongés) par des enzymes hépatiques, les bicouche phospholipidique, rôle dans l'adhésion
acides gras sont incorporés dans les structures intercellulaire.

volume moléculaire

Couches
riches en MEMBRANE
acides gras PEU FLUIDE
saturés

volume moléculaire

Couches
riches en MEMBRANE
mobilité acides gras FLUIDE
transversale polyinsaturés

mobilité latérale
Figure 7.3. Structure en double couche d'une membrane cellulaire.
Les têtes hydrophiles sont représentées par les points noirs et les pôles hydrophobes (acides gras) par les lignes brisées.
Les propriétés de la membrane cellulaire (fluide ou peu fluide) dépendent de la nature des acides gras qui la composent.
En haut : membrane constituée par des acides gras saturés. Chaque phospholipide occupe un faible volume. La mobilité
des phospholipides est limitée. La fluidité de la membrane est faible.
En bas : membrane constituée par des acides gras désaturés. Chaque phospholipide occupe un volume relativement
grand. La mobilité des phospholipides est assez forte et la fluidité de la membrane est élevée.

80
Chapitre 7. Les graisses alimentaires en général et, en particulier, chez le patient diabétique

Rôle de vecteurs Classification et familles


Les lipides entrent dans la composition de la d'acides gras
partie centrale des lipoprotéines plasmatiques
qui selon leur nature sont plus ou moins riches Les acides gras sont fournis par l'alimentation mais
en triglycérides ou en cholestérol estérifié. Les ils subissent des transformations hépatiques pour
lipides plasmatiques jouent le rôle de vecteur conduire à des dérivés supérieurs de plus en plus
pour transporter des substances liposolubles désaturés. Un acide gras est une chaîne carbonée
comme la vitamine E. Il est à noter que cette plus ou moins longue formée par la répétition du
fonction de transporteur vitaminique s'exerce motif -CH2- ou -CH= et portant un groupement
également au niveau des graisses alimentaires. carboxylique -COOH (fonction acide) à une extré-
L'absorption des quatre grandes vitamines lipo- mité et un groupement -CH3 (méthyle) à l'autre
solubles (vitamines A, D, E, et K) est associée aux extrémité. À titre d'exemple, la formule générale
apports lipidiques. Les états de stéatorrhée chro- d'un acide gras saturé est du type : CH3-(CH2)
nique avec malabsorption lipidique (défaut de n-COOH où n est un nombre pair (fig. 7.4). La lon-
lipase par insuffisance pancréatique ou « intes- gueur de la chaîne peut aller de 4 à 24 atomes de car-
tins courts ») s'accompagnent fréquemment de bone. La désignation conventionnelle des acides gras
carences en vitamines liposolubles. peut être formulée de la manière suivante : Cx:y ωz.

Acide gras saturé CH3 – (CH2)n – COOH


C C C C C C C
H3C
Ac. palmitique
C C C C C C C COOH C16:0
Acide gras monoinsaturé
H3C C C C C C C C C COOH

Ac. oléique
C C C C C C C C C18:19
Acides gras polyinsaturés

H3C C C C C C C C
Ac. linoléique
C C C C C C C C C COOH
C18:26

C C C C C C C
Ac. alpha-linolénique
COOH
C18:33
H3C C C C C C C C C C

C C C C C C C

Ac. eicosapentaénoïque
C COOH
H3C C C C C CC CC C C C20:53

Nomenclature des acides gras Cx : yz


Figure 7.4. Un acide gras est une chaîne carbonée désignée conventionnellement par la formule
suivante : Cx:yωz ou x est le nombre d'atomes de carbone, y le nombre de doubles liaisons
et z la position de la première double liaison à partir du radical méthyle.
Quelques exemples de structures d'acides gras saturé (acide palmitique) et insaturés (acide alpha-linolénique,
acide eicosapentaénoïque...).

81
Partie II. Place des mesures nutritionnelles dans la prévention et le traitement des états diabétiques

La lettre x désigne le nombre total d'atomes de sera en 3, 6 ou 9 on parle de familles ω3, ω6 et


carbone de l'acide, le premier atome de carbone ω9. Les conversions métaboliques d'acides gras
correspondant au radical méthyle. La lettre y désaturés ne peuvent se faire qu'à l'intérieur
désigne le nombre de doubles liaisons. La lettre d'une même famille par élongation (2 atomes de
z est la position du premier atome de carbone de carbone de plus dans la chaîne qui s'allonge à
la première double liaison en partant du radical partir du radical carboxyle) ou par désaturation
méthyle. C'est pour cette raison que l'on parle (addition de doubles liaisons supplémentaires).
d'acide gras ωz (ω6, ω3 par exemple). Sur la Les doubles liaisons supplémentaires se déduisent
figure 7.4, nous avons donné la formule dévelop- des précédentes car il y a toujours 3 atomes de
pée de quelques acides gras. carbone entre deux doubles liaisons (structure
Pour les acides gras saturés, la notation est simple divinyl méthane). En revanche les conversions
puisque les doubles liaisons sont absentes. Si l'on sont impossibles entre les familles d'acides gras
prend pour exemple les deux acides gras saturés les désaturés. Les trois grandes familles d'acides gras
plus fréquemment rencontrés, l'acide palmitique et désaturés ont chacune un chef de file (fig. 7.5).
l'acide stéarique, leur notation abrégée sera C16:0
pour l'acide palmitique (16 atomes de carbone dans Acide oléique pour la famille ω9
la chaîne carbonée) et C18:0 pour l'acide stéarique
(18 atomes de carbone dans la chaîne carbonée). Cet acide gras possède 18 atomes de carbone et
Pour les acides gras désaturés, il convient de une double liaison située entre le carbone 9 et le
faire intervenir la position du premier atome de carbone 10 (position ω9) en partant du radical
carbone de la première double liaison en par- méthyle (CH3). Sa formule simplifiée est donc :
tant du radical méthyle. Selon que cette position C18:1ω9 (fig. 7.4).

Synthèse
endogène
Huiles Huiles Huiles
(tournesol, maïs) Autres
(olive, arachide) (colza, soja, noix)
aliments

Ac. linoléique Ac. oléique Ac. -linolénique


C18:26 C18:19 C18:33

Viandes Métabolisation Poissons


rouges gras

Ac. arachidonique Ac. eicosapentaénoïque


C20:46 C20:53

Prostaglandines de la série 2 Prostaglandines de la série 3

(PGI2 - TXA2) (PGI3 - TXA3)


Figure 7.5. Description des trois grandes familles d'acides gras désaturés.
Famille ω3 : le chef de file est l'acide α-linolénique. Famille ω6 : le chef de file est l'acide linoléique. Famille ω9 : le chef de
file est l'acide oléique. Dans les trois familles, le précurseur ou chef de file subit des transformations métaboliques. Dans la
famille ω3, les conversions métaboliques conduisent à l'acide eicosapentaénoïque (C20:5ω3), précurseur des prostaglandines
de la série 3. Dans la famille ω6, les conversions métaboliques conduisent à l'acide arachidonique (C20:4ω6), précurseur
des prostaglandines de la série 2. Les chefs de file des familles ω3 et ω6 sont considérés comme des acides gras essentiels.
Ils sont fournis par les huiles végétales alimentaires. Le chef de file de la famille ω9 (l'acide oléique) peut être synthétisé
par l'organisme. Ce n'est donc pas un acide gras essentiel. Toutefois, une grande partie reste fournie par l'alimentation.

82
Chapitre 7. Les graisses alimentaires en général et, en particulier, chez le patient diabétique

L'acide oléique, largement présent dans cer- des parois vasculaires, est antiagrégante. Tout
taines huiles végétales (75 % dans l'huile d'olive, déséquilibre de la balance TXA2/PGI2 au profit du
50 % dans l'huile d'arachide) (fig. 7.6), n'est pas TXA2 et aux dépens de la PGI2 se traduit par une
un acide gras essentiel car l'organisme humain hyperagrégabilité plaquettaire qui peut conduire
est capable de le synthétiser au niveau du foie en à des phénomènes de thrombose. L'aspirine, en
dehors de tout apport alimentaire (fig. 7.5). modifiant l'équilibre TXA2/PGI2 au profit de la
PGI2 et aux dépens du TXA2, exerce un effet anti-
Acide linoléique pour la famille ω6 agrégant et antithrombotique. Certaines inter-
ventions diététiques en particulier en enrichissant
Cet acide gras possède 18 atomes de carbone et l'alimentation en acides gras ω3 peuvent égale-
2 doubles liaisons, la première étant située entre ment modifier l'équilibre TXA2/PGI2 au profit de
les carbones 6 et 7 (position ω6) en partant du la PGI2 et exercer un effet antiagrégant.
radical méthyle (CH3). Sa formule simplifiée est
donc C18:2ω6 (fig. 7.4). L'acide linoléique est un Acide alpha-linolénique
acide gras essentiel non synthétisable par l'orga- pour la famille ω3
nisme humain. Ses principales sources nutrition-
nelles sont les huiles de tournesol, de maïs et de Cet acide gras possède 18 atomes de carbone
pépin de raisin (teneur de l'ordre de 60 %) (fig. 7.6). et 3 doubles liaisons, la première étant située
Après deux désaturations et une élongation, il entre les carbones 3 et 4 (ω3), d'où sa désigna-
peut être transformé par le foie en acide arachi- tion C18:3ω3 (fig. 7.4). Comme son homologue,
donique (C20:4ω6) qui est un constituant fonda- l'acide linoléique, l'acide alpha-linolénique est un
mental des phospholipides membranaires et qui acide gras essentiel car il ne peut être synthétisé
est le précurseur des prostaglandines de la série par l'organisme humain. Certaines huiles végé-
2 : le thromboxane A2 (TXA2) et la prostacycline tales contiennent de l'acide alpha-linolénique, par
(PGI2) (fig. 7.5). Ces deux prostaglandines jouent exemple les huiles de soja, de colza et surtout de
un rôle important dans la régulation de la fonction noix (fig. 7.6). En revanche, comme son homologue
des plaquettes sanguines. Le thromboxane A2, qui l'acide linoléique, il peut être transformé par le
est synthétisé au niveau des plaquettes est proa- foie en acide eicosapentaénoïque (C20:5ω3) après
grégant tandis que la prostacycline (PGI2), qui est deux désaturations et une élongation (fig. 7.5). Ce
synthétisée au niveau des cellules endothéliales dérivé supérieur de la série ω3 est un constituant

Tournesol Maïs Soja Colza Arachide Olive

3 4 12
30
20
57
65 53

73
50
62
30 25
23

15 20
12 13 8 15

AG saturés Ac. linoléique


Ac. oléique Ac. alpha-linolénique
Figure 7.6. Composition en acides gras des différentes catégories d'huiles végétales
de consommation courante.

83
Partie II. Place des mesures nutritionnelles dans la prévention et le traitement des états diabétiques

fondamental des phospholipides membranaires, du tissu adipeux. La composition en acides gras


comme son correspondant de la série ω6, l'acide des triglycérides du tissu adipeux varie en fonc-
arachidonique avec lequel il se trouve en compé- tion de la nature des acides gras alimentaires.
tition. L'acide eicosapentaénoïque est le précurseur De manière générale, deux acides gras sont plus
des prostaglandines de la série 3. Par analogie avec particulièrement représentés dans les triglycé-
les prostaglandines de la série 2, on désigne les pros- rides du tissu adipeux : l'acide oléique (acide gras
taglandines de la série 3 sous les termes de throm- monoinsaturé) à 45 % et l'acide palmitique (acide
boxane A3 (TXA3) et prostacycline I3 (PGI3) gras saturé) à 30 % (fig. 7.1). Les autres pour cent
(fig. 7.5). Toutefois, en dépit de leur homologie, sont constitués par divers acides gras en sachant
les prostaglandines des séries 2 et 3 présentent des que les acides gras à chaîne longue, ayant au
différences majeures. Le TXA3 a un effet neutre sur moins 20 atomes de carbone dans leur chaîne
l'agrégation plaquettaire alors que le TXA2 est un et très désaturés (4 à 5 doubles liaisons) sont en
puissant proagrégant. En revanche, les deux prosta- général peu abondants dans les triglycérides du
cyclines (PGI2 et PGI3) sont antiagrégantes. Nous tissu adipeux. C'est le cas pour l'acide arachido-
verrons un peu plus loin la portée pratique de cette nique (20 atomes de carbone et 4 doubles liaisons)
différence qui explique une partie de l'effet béné- et pour l'acide eicosapentaénoïque (représen-
fique attribué classiquement aux supplémentations tant de la famille des ω3, 20 atomes de carbone
en acide eicosapentaénoïque. Il convient de noter et 5 doubles liaisons). En revanche, ces deux
qu'en l'absence d'apport en acide alpha-linolénique, acides gras sont beaucoup plus abondants dans
les besoins de l'organisme en acides gras ω3 (acides les phospholipides membranaires. Les triglycé-
eicosapentaénoïque et son dérivé supérieur l'acide rides constituent comme nous l'avons indiqué
docosahexaénoïque) peuvent être couverts par cer- plus haut la majorité des matières grasses alimen-
tains produits de la mer : poissons gras, coquillages, taires, qu'elles soient d'origine animale (graisses
crustacés, huiles marines. visibles du beurre ou graisses cachées des produits
laitiers et des viandes) ou végétale (huiles, marga-
rines). La composition en acides gras des triglycé-
En résumé, tous les acides gras peuvent être syn-
rides alimentaires dépend de leur origine : acides
thétisés chez l'homme à l'exception de l'acide
gras saturés plutôt dans les graisses animales et
linoléique et de l'acide alpha-linolénique, qui
ne peuvent être fournis que par l'alimentation acides gras désaturés dans les graisses végétales.
grâce à la consommation d'huiles végétales. En Toutefois cette distinction manichéenne ne résiste
revanche, l'homme est capable de transformer pas à une analyse plus fine de la composition ali-
l'acide linoléique et l'acide alpha-linolénique en mentaire de certains aliments. Deux exemples
dérivés supérieurs grâce à des désaturations et illustrent cette remarque. Les margarines ordi-
des élongations. Il faut toutefois souligner que naires, même si elles sont d'origine végétale, sont
chez les patients diabétiques, en particulier chez riches en acides gras saturés (acide palmitique).
ceux qui sont insulinopéniques, le rendement des Les côtelettes d'agneau dont la chair est considé-
désaturations est diminué. En effet, l'insuline rée comme l'une des plus grasses contiennent 13
stimule l'activité des désaturases, c'est-à-dire des à 14 g de graisses monoinsaturées (acide oléique)
enzymes qui assurent les désaturations. Ceci est et 17 à 18 g de graisses saturées pour 100 g. De
un argument supplémentaire pour utiliser l'insu- manière globale, les organismes qui formulent les
line précocement dans le diabète de type 2 sans recommandations nutritionnelles préconisent :
attendre l'évolution vers l'insulinopénie franche. • un apport total en lipides aux alentours de
35Ŕ40 % de l'apport énergétique global ;
• un apport en graisses monoinsaturées aux alen-
Classification biochimique tours de 20 % de l'apport énergétique global ;
des lipides • un apport en graisses saturées et polyinsaturées
aux alentours de 7 à 10 % de l'apport énergétique
Lipides neutres global pour chacune de ces deux catégories de
graisses.
Essentiellement représentés par les triglycérides, Dans les faits, l'alimentation de la majorité des
ils constituent la majorité des graisses de réserve personnes, y compris de celles qui sont à risque

84
Chapitre 7. Les graisses alimentaires en général et, en particulier, chez le patient diabétique

de complications cardiovasculaires, s'écarte de 1400

ces recommandations. Elles sont pourtant à la 1200


base de tous les régimes «protecteurs » contre les 1000

Mortalitécoronaire
maladies cardiovasculaires, le régime dit « médi- 800
terranéen » étant le plus représentatif d'entre eux.
600
C'est à Ancel Keys (1904Ŕ2004), un docteur
en biologie et physiologie de l'université du 400
Minnesota, devenu ultérieurement épidémiolo- 200
giste, que l'on doit l'idée que l'alimentation, telle
qu'elle existait en Grèce et dans le bassin médi- 0 2,5 5 7,5 10 12,5 15 17,5 20 22,5 25
terranéen dans les années 1950, pouvait avoir A Graisses saturées (calories [%])
un rôle de protection contre les maladies car-
diovasculaires. En 1950, ces maladies commen- 1400
çaient à devenir un problème de santé publique 1200
dans les populations nord-américaines. La force

Mortalitécoronaire
1000
d'Ancel Keys fut de valider son postulat de régime
800
méditerranéen protecteur en lançant au début
des années 1950 une grande enquête épidémio- 600
logique. Appelée « étude des sept pays », elle 400
consista à étudier l'influence de certains facteurs 200
de risque sur l'incidence des maladies corona-
0
riennes dans les pays suivants : les États-Unis, la
0 0,5 1 1,5 2 2,5 3 3,5
Finlande, la Grèce, l'Italie, le Japon, les Pays-Bas B Graisses monoinsaturées/saturées
et la Yougoslavie. Après une quinzaine d'années
de suivi de ces populations, les deux premières Figure 7.7. Étude des 7 pays (d'après Ancel
constatations d'Ancel Keys furent les suivantes : la Keys).
A. Relation entre la mortalité par maladie coronarienne
mortalité coronarienne était beaucoup plus faible et la consommation de graisses saturées exprimée
en Grèce que dans les pays de l'Europe du Nord et en pourcentage des calories. B. Relation entre la
du continent nord-américain et elle était d'autant mortalité par maladie coronarienne et le rapport de la
plus importante que la consommation de graisses consommation graisses monoinsaturées/graisses saturées.
saturées était plus élevée (fig. 7.7A). Étant donné Dans les figures A et B, la mortalité par maladie
que parmi les Grecs, les Crétois bénéficiaient coronarienne (exprimée en nombre de décès pour
10000 personnes) a été évaluée au bout de 15 ans de
d'une protection accrue, cette alimentation suivi, dans une population d'hommes âgés de 40 à 59 ans
«vertueuse » car protectrice contre les maladies et considérés comme en «bonne santé» à l'entrée de
cardiovasculaires fut désignée sous le nom de l'étude des sept pays : États-Unis (carré noir) ; différentes
«régime Crétois ». Dans un premier temps, Ancel régions de Finlande (carrés grisés) ; Pays-Bas (carré
Keys n'avait pas perçu le rôle protecteur des acides blanc) ; différentes régions d'Italie (cercles en gris clair) ;
gras monoinsaturés, c'est-à-dire de l'acide oléique différentes régions de Yougoslavie (cercles en gris foncé);
différentes régions de Grèce (Corfou et Crète, cercles
qui est un des constituants majeurs (75 %) de noirs) ; différentes régions du Japon (cercles blancs).
l'huile d'olive. Il fallut attendre les années 1980,
au moment où d'autres nutritionnistes commen-
cèrent à souligner le rôle bénéfique des acides gras un rôle indiscutable dans la découverte du rôle
monoinsaturés, pour qu'Ancel Keys en réanaly- bénéfique ou délétère des acides gras alimentaires
sant les données de ses propres registres, constate vis-à-vis des maladies cardiovasculaires, même si
que la mortalité coronarienne était d'autant plus ses concepts restent aujourd'hui l'objet de débats
faible que le rapport alimentaire graisses monoin- et méritent d'être modulés.
saturées/graisses saturées était le plus élevé L'étude épidémiologique internationale «MONICA»
(fig. 7.7B). À ce moment-là, en 1986, Ancel Keys (Multinational monitoring of trends and determinants
était âgé de plus de 80 ans ce qui ne lui permit of cardiovascular diseases) mise en place en 1984 a
pas de poursuivre ses travaux. Il n'en reste pas permis d'établir qu'il existait un gradient Nord-Sud de
moins que grâce à son intuition de départ il a joué la mortalité cardiovasculaire, celle-ci étant plus élevée

85
Partie II. Place des mesures nutritionnelles dans la prévention et le traitement des états diabétiques

dans les populations du nord de l'Europe que dans R = choline (lécithines)


celles du sud. Les habitudes alimentaires semblent R = éthanolamine (céphalines)
jouer un rôle déterminant dans ce phénomène. En
effet, comme on pouvait s'y attendre l'alimentation
O R
des populations du sud de l'Europe est plus proche
Tête polaire
du régime méditerranéen que celle des populations OH P O
du nord. Une étude récente publiée en 2013 dans pôle hydrophile
le prestigieux New England Journal of Medicine est O

venue confirmer qu'un régime méditerranéen sup-


plémenté avec une huile d'olive extravierge (riche CH2 CH CH2
en acide oléique et en antioxydants) est capable
OO
de réduire le risque d'accidents cardiovasculaires
chez des personnes à haut risque. Dans cette étude, O C O C
50 % des personnes avaient un diabète de type 2,
80 % une hypertension artérielle et 70 % une Pôle
hyperlipidémie. hydrophobe

Lipides amphiphiles
Le qualificatif d'amphiphile signifie que cette
CH3
variété de lipides possède deux pôles, l'un hydro-
phile, l'autre hydrophobe. On les désigne sous le
Figure 7.8. Structure schématique des
terme de phospholipides car la fonction alcool
du glycérol en position 3 est estérifiée par une glycérophospholipides.
La nature du radical R caractérise le glycérophospholipide :
molécule d'acide phosphorique, elle-même reliée lécithine si R = choline; céphaline si R = éthanolamine.
à des alcools aminés comme la choline, l'éthano- L'acide gras en position 2 du glycérol est le plus souvent
lamine par exemple (fig. 7.8). Les phospholipides un acide gras polyinsaturé à chaîne longue. Dans le cas
qui contiennent de la choline sont désignés sous le présent, il s'agit de l'acide arachidonique (C20:4ω6). Les
nom de lécithines, l'un des constituants du jaune glycérophospholipides sont des lipides amphiphiles avec
d'œuf. La partie de la molécule constituée par un pôle hydrophile et un pôle hydrophobe.
l'acide phosphorique et l'alcool aminé (la choline
par exemple) est une tête polaire hydrophile qui a
une affinité importante pour l'eau. Les deux autres
fonctions alcool du glycérol en position 1 et 2 sont
estérifiées par des acides gras qui correspondent
au pôle hydrophobe de la molécule de phospho-
lipides (fig. 7.8).
Dans l'alimentation, les phospholipides, en
particulier la lécithine, sont utilisés comme émul-
sifiants pour stabiliser les émulsions d'eau dans
l'huile ou d'huile dans l'eau. À titre d'exemple,
la lécithine contenue dans le jaune d'œuf joue un
rôle majeur dans la stabilisation de la mayonnaise Pôle lipophile Huile = phase dispersée
qui est une émulsion d'huile (phase dispersée) Lécithine
Pôle hydrophile
Eau = phase continue
dans l'eau (phase continue). En l'absence de léci-
Figure 7.9. Structure d'une émulsion d'huile
thine, dont le pôle hydrophile se met au contact de
l'eau et dont le pôle hydrophobe (lipophile) se met dans l'eau (type mayonnaise).
L'huile est appelée la phase dispersée dans l'eau, laquelle est
au contact de l'huile, il serait impossible de fabri- désignée sous le terme de phase continue. Pour assurer la
quer une mayonnaise (fig. 7.9). Les lécithines sont stabilité de l'émulsion, il est nécessaire d'avoir un émulsifiant
également utilisées comme émulsifiants indus- (lipide amphiphile). Dans la mayonnaise ce sont les lécithines
triels quand on veut fabriquer des beurres ou des du jaune d'œuf qui jouent le rôle d'émulsifiant.

86
Chapitre 7. Les graisses alimentaires en général et, en particulier, chez le patient diabétique

margarines allégés dont la dénomination exacte correspondent à une mobilité latérale au sein de
dans le Codex Alimentarius est celle de pâtes à la même couche, d'autres à des échanges trans-
tartiner. Ces produits alimentaires, qui sont enri- versaux (flip-flop) entre les deux couches (fig. 7.3).
chis en eau jusqu'à en contenir plus de 80 %, alors Tous sont des mouvements rapides et intenses. En
que le beurre ou les margarines classiques n'en une seconde, une molécule de phospholipides peut
contiennent que 10 à 15 %, ne peuvent garder une franchir une distance de 2μ, ce qui à l'échelle d'un
consistance solide que par l'usage d'émulsifiants homme correspondrait à un déplacement entre les
polaires dont les lécithines font partie. côtes de la Méditerranée et Paris en une seconde.
Dans l'organisme humain, les phospholipides La fluidité d'une membrane est un phénomène
participent comme nous l'avons indiqué plus haut avantageux dans le fonctionnement de certaines
à la cohérence physicochimique des membranes cellules. Au niveau des plaquettes sanguines une
cellulaires. Le caractère amphiphile polaire des bonne fluidité est le garant d'une faible capa-
phospholipides leur confère la propriété de former cité d'agrégation et d'adhésion. Ainsi, enrichir la
des doubles couches, les têtes hydrophiles étant dis- membrane plaquettaire en acides gras très polyin-
posées du côté des milieux hydriques, c'est-à-dire saturés, en acide eicosapentaénoïque par exemple,
au contact de l'eau extracellulaire (versant externe est une piste utilisée pour lutter contre le risque
des membranes cellulaires) ou au contact de l'eau thrombotique. Les modifications de la fluidité
intracellulaire (versant interne des membranes membranaire peuvent être extrapolées à d'autres
cellulaires). Les pôles hydrophobes de chaque fonctions car elles ont un impact sur l'activité
couche sont au contact l'un de l'autre et se font face des protéines (transporteurs ou récepteurs) qui
au sein même de la membrane cellulaire (fig. 7.3). sont enchâssées dans la membrane cellulaire. Il
La nature des acides gras des phospholipides convient toutefois de souligner que l'excès d'acides
membranaires dépend en partie de l'alimentation. gras désaturés dans une membrane cellulaire peut
Les acides gras qui entrent dans la composition des conduire à des phénomènes de peroxydation lipi-
phospholipides membranaires sont en général à dique capables de la désorganiser et de compro-
chaîne longue et sont fortement désaturés (l'acide mettre son bon fonctionnement. Les acides gras
arachidonique et l'acide eicosapentaénoïque). La désaturés sont des cibles privilégiées pour des
présence des doubles liaisons (4 pour l'acide ara- métabolites très agressifs désignés sous le terme
chidonique, 5 pour l'acide eicosapentaénoïque) de radicaux libres, dont certains sont des dérivés
introduit des coudures dans les chaînes carbonées de l'oxygène (l'anion superoxyde). Ces radicaux
des acides gras désaturés, le nombre de coudures libres possèdent un électron libre très réactif qu'ils
étant proportionnel au nombre de doubles liai- transfèrent sur d'autres molécules (les acides gras
sons. Dans la mesure où chaque coudure aug- polyinsaturés) pour les transformer eux-mêmes en
mente le volume occupé par chaque acide gras, on radicaux libres. La présence d'anion superoxyde,
conçoit que dans les membranes cellulaires riches et il y en a toujours dans une membrane cellu-
en acides gras fortement désaturés l'espace occupé laire trop riche en acides gras polyinsaturés, se
par chaque molécule de phospholipides est beau- traduit par une réaction en chaîne qui ne s'arrête
coup plus vaste que lorsque les acides gras sont que lorsque deux radicaux libres se rencontrent,
saturés, car ces derniers ont une structure linéaire nous dirions s'accouplent, avec neutralisation des
qui occupe peu de place (fig. 7.3). deux électrons libres. Au cours de la propaga-
Le volume occupé par chaque unité phospholi- tion de la réaction en chaîne, les acides gras de la
pidique conditionne la «rigidité » ou la «fluidité » membrane cellulaire sont dénaturés lors de leur
de la membrane cellulaire. La rigidité correspond attaque par les radicaux libres. Cette agression
à une membrane cellulaire dont les phospholipides de la membrane avec formation de peroxydes
sont riches en acides gras saturés et occupent un lipidiques conduit à une modification de la cohé-
faible volume. La fluidité de la membrane est carac- sion physicochimique des membranes et à leur
térisée par la présence de phospholipides riches en vieillissement accéléré. C'est pour cette raison que
acides gras désaturés qui se déploient dans un large les apports alimentaires en acides gras polyinsa-
volume. En effet, il convient de savoir que les phos- turés doivent être compris dans une «fourchette
pholipides sont animés de mouvements intenses idéale ». Une présence d'acides gras polyinsatu-
au sein de la structure membranaire. Certains rés en quantité insuffisante dans les membranes

87
Partie II. Place des mesures nutritionnelles dans la prévention et le traitement des états diabétiques

cellulaires, contribuerait à leur rigidité, un excès général inutiles. Les antioxydants ne se limitent
de ces mêmes acides polyinsaturés conduirait à pas aux vitamines. Certains polyphénols présents
une exposition excessive aux radicaux libres et à dans les fruits, les légumes, l'huile d'olive, sont
une dénaturation des membranes par ce qui est des substances qui ont une action antiradicaux
désigné sous le terme de «stress oxydant ». Parmi libres. Ce n'est donc pas un hasard si les orga-
les facteurs qui interviennent dans les complica- nismes (associations ou sociétés) qui établissent
tions cardiovasculaires du diabète sucré, le «stress les recommandations nutritionnelles préconisent
oxydant » occupe une place importante. Au cours cinq portions de fruits et légumes par jour et la
des états diabétiques, il est nécessaire de le com- consommation d'huiles d'olive vierges ou extra-
battre aussi efficacement que possible. vierges, car ce sont celles qui contiennent le plus
de polyphénols «antioxydants ». L'huile d'olive, qui
est riche en acide oléique (75 %), agit également en
Trois leviers d'action sont possibles pour agir sur
raréfiant les cibles potentielles des radicaux libres.
le «stress oxydant ». En effet, l'acide oléique, acide gras monoinsaturé,
Premier levier : réduire la production des est nettement moins susceptible d'être peroxydé
radicaux libres que les acides gras très désaturés. Il est donc sou-
Dans le diabète de type 2, la dysglycémie et haitable d'augmenter la teneur en acide oléique
l'insulinopénie sont les deux facteurs majeurs à des phospholipides des membranes cellulaires en
l'origine de la production excessive de radicaux enrichissant l'alimentation en acide oléique. Il faut
libres. La dysglycémie sera combattue par des toutefois savoir que les modifications du contenu
mesures diététiques et pharmacologiques. Parmi en acides gras des phospholipides membranaires
les mesures diététiques, il faudra privilégier celles sont toujours différées par rapport à l'intervention
qui agissent sur l'exposition chronique au glucose diététique en raison des «interfaces » multiples
(l'hyperglycémie ambiante) et celles qui per- qui existent entre les acides gras contenus dans les
mettent de réduire les fluctuations aiguës de la triglycérides alimentaires et ceux présents dans les
glycémie entre pics et nadirs. En effet, en dehors
phospholipides des membranes. De plus, l'inter-
de l'hyperglycémie chronique, il a été démontré
vention nutritionnelle est toujours limitée dans
que les fluctuations glycémiques, en particulier
les excursions glycémiques postprandiales, sont
son amplitude car les «interfaces » (barrière intes-
des activateurs du stress oxydant. tinale, tissu adipeux, foie) (fig. 7.1) jouent un rôle
«d'amortisseurs » pour maintenir une homéostasie
Deuxième levier : inhiber l'action des radicaux
des acides gras au sein des membranes cellulaires
libres
et pour éviter des variations intempestives diéto-
Troisième levier : raréfier les cibles potentielles dépendantes qui pourraient être nuisibles pour le
des radicaux libres métabolisme cellulaire. Les autres mesures diété-
tiques antistress oxydant passent par l'action sur les
désordres glycémiques puisque ces derniers sont
La poursuite de ces trois objectifs nécessite des des activateurs du «stress oxydant ». Réduire l'hy-
mesures pharmacologiques et nutritionnelles, perglycémie chronique du diabète de type 2 grâce à
la frontière entre la nutrition et la pharmacolo- un contrôle quantitatif des apports glucidiques et à
gie n'étant pas toujours clairement définie. Cette des régimes de restriction calorique qui combattent
absence de frontière est par exemple illustrée l'insulinorésistance, réduire les excursions glycé-
par les supplémentations vitaminiques à visée miques postprandiales dans les diabètes de types 1
antioxydante. Bien que les études d'intervention et 2 en jouant sur la charge glucidique des aliments
n'aient pas montré d'effets bénéfiques avec des (quantité et qualité), sont autant de mesures nutri-
supplémentations en vitamines E et C, il est pro- tionnelles destinées à réduire la production de radi-
bablement important de se préoccuper du statut caux libres. Une attention particulière devra être
vitaminique des diabétiques en s'assurant que les portée sur le pouvoir hyperglycémiant des aliments
besoins en vitamines antioxydantes sont correc- évalué par la mesure de leur index glycémique.
tement couverts. L'alimentation normale dans les Les mesures nutritionnelles doivent être sou-
pays développés permet de couvrir ces besoins et vent complétées par un traitement pharmacolo-
les supplémentations médicamenteuses sont en gique destiné à traiter les désordres glycémiques.

88
Chapitre 7. Les graisses alimentaires en général et, en particulier, chez le patient diabétique

Parmi ces traitements médicamenteux, l'un des cinquante dernières années. Après la décou-
d'entre eux est plus important que les autres : l'in- verte par Ancel Keys de l'effet délétère des acides
sulinothérapie. Indiscutable et inévitable dans le gras saturés, il fut unanimement admis que l'apport
diabète de type 1, elle est souvent retardée dans le des aliments riches en graisses saturées devrait
diabète de type 2, même quand les traitements non être réduit. Aujourd'hui, les recommandations
insuliniques ont prouvé depuis un certain temps conseillent de ne pas dépasser le seuil de 10 % de
leur insuffisance d'efficacité. L'action de l'insuline l'apport calorique total. Les régimes trop pauvres
n'est pas limitée à son effet hypoglycémiant car en graisses saturées font baisser le cholestérol plas-
l'insuline par elle-même exerce des effets hypolipi- matique mais la diminution porte à la fois sur le bon
démiants, antithrombogènes, anti-inflammatoires cholestérol (HDL-cholestérol ou cholestérol anti-
et antioxydants. Tous ces effets, quand ils s'addi- risque) et le mauvais (LDL-cholestérol). La baisse
tionnent ne peuvent qu'exercer un effet protecteur est même plus importante sur le bon que sur le
contre les complications cardiovasculaires. mauvais, conduisant à une diminution du rapport
Pour terminer ce paragraphe nous avons illus- HDL-cholestérol/cholestérol total (fig. 7.11). Dans
tré sur la figure 7.10 les facteurs qui agissent pour les années 1960 et 1970, les acides gras polyinsa-
activer le stress oxydant dans le diabète sucré et turés, en particulier ceux de la série ω6 (acide lino-
les contre-mesures qui peuvent être mises en léique), étaient considérés comme bénéfiques pour
œuvre pour contrecarrer cette activation. la santé. En effet, à des doses importantes, de l'ordre
de 20 à 30 g par jour, ils conduisaient à une baisse
du cholestérol plasmatique. Malheureusement, il
Effets des acides gras fut observé dans un deuxième temps qu'une partie
de la baisse du cholestérol se faisait aux dépens du
dans la prévention des HDL-cholestérol, conduisant à un rapport HDL-
maladies cardiovasculaires cholestérol/cholestérol total inchangé (fig. 7.11). De
plus, un apport excessif en acides gras désaturés de
et conséquences en termes de la famille ω6 est susceptible d'accélérer la produc-
recommandations nutritionnelles tion de radicaux libres, générateurs de vieillisse-
ment des parois vasculaires. Pour cette raison, il fut
Les recommandations nutritionnelles en termes unanimement recommandé de limiter leur apport
d'acides gras ont considérablement évolué au cours à 10 % de l'apport énergétique total.
Facteurs d’activation
du « stress oxydant » Mesures « antistress oxydant »
dans le diabète sucré
Toutes les mesures nutritionnelles
Exposition chronique au glucose destinées à réduire la dysglycémie

Variabilité glycémique entre pics et Contrôler les quantités d’apports glucidiques

nadirs Utiliser des aliments à faible pouvoir hyperglycémiant

Alimentation trop riches en graisses Enrichissement des aliments en


très désaturées sensibles à l’action antioxydants
des radicaux libres
Privilégier les graisses peu sensibles
Apports insuffisants en nutriments à l’action des radicaux libres
antioxydants Toutes les mesures pharmacologiques
destinées à réduire la dysglycémie
Insulinopénie
avec une mention particulière pour
l’insulinothérapie

Figure 7.10. Description des facteurs, qui agissent pour activer le « stress oxydatif» dans le
diabète sucré, et des mesures « antistress oxydatif», qui peuvent être mises en œuvre.
À l'état normal, un équilibre doit être obtenu entre les deux.

89
Partie II. Place des mesures nutritionnelles dans la prévention et le traitement des états diabétiques

Suite à ces recommandations, la place flatteuse huile, non purifiée et non raffinée, contient des
occupée jusque-là par les acides gras polyinsatu- arômes considérés comme très agréables au moins
rés de la série ω6 fut progressivement et ultérieu- pour ceux qui apprécient les «senteurs » de la cui-
rement prise par les acides gras monoinsaturés sine méditerranéenne.
(acide oléique) et les acides gras polyinsaturés de
la série ω3.
En ce qui concerne l'acide oléique, c'est dans les
années 1985 que les nutritionnistes nord améri- Les recommandations nutritionnelles furent amé-
cains découvrirent ses propriétés qu'ils jugèrent nagées pour intégrer les apports en acides gras
intéressantes pour prévenir les maladies cardio- monoinsaturés. À ce jour, l'une des recomman-
vasculaires. Comme les acides gras de la série dations nutritionnelles les plus importantes est
certainement la suivante : «la somme des calories
ω6, les monoinsaturés entraînent une baisse du
apportées par les glucides et les graisses monoin-
cholestérol plasmatique, mais avec l'énorme avan-
saturées doit être égale aux 2/3 (65 %) de l'apport
tage de n'entraîner aucune diminution du HDL- énergétique total ». Ceci signifie que la balance
cholestérol, voire même une légère augmentation. glucides/graisses monoinsaturés est modulable
Le résultat est une augmentation du rapport HDL- avec en pratique deux limites (fig. 7.12) :
cholestérol/cholestérol total (fig. 7.11). En raison de • une limite inférieure : apport en glucides (40 %
leur structure chimique (une seule double liaison) des calories totales) + apport en graisses monoin-
ils sont peu susceptibles d'être dénaturés en pré- saturées (25 % des calories totales) ;
sence de radicaux libres. Dès lors il n'y avait pas de • une limite supérieure : apport en glucides
raison de réduire leur apport à condition de res- (55 % des calories totales) + apport en graisses
ter dans des limites raisonnables, car il convient monoinsaturées (10 % des calories totales).
de ne pas oublier que comme toute graisse, les Le curseur entre ces deux limites est souvent
acides gras monoinsaturés apportent 9 kcal/g. Ces positionné chez les diabétiques plus près de la
bases physiopathologiques furent confortées par limite inférieure que de la limite supérieure :
le fait que les études d'intervention nutritionnelle apport en glucides (45 % des calories totales) +
basées sur des régimes méditerranéens riches en apport en graisses monoinsaturées (20 % des
huile d'olive, en particulier lorsqu'elle est vierge calories totales). Cette recommandation est
ou extravierge (riches en polyphénols), ont montré expliquée par le fait que chez les diabétiques de
un effet protecteur contre les maladies cardiovas- type 2 insulinorésistants, obèses, présentant une
hypertriglycéridémie et une baisse du HDL-
culaires. Dès lors, l'huile d'olive devint la nouvelle
cholestérol, un régime trop riche en glucides (50 à
«star » de la nutrition et ce d'autant plus que cette

Niveau de départ

−10%
)
Cholestéroltotal(

)
HDL-chol(

Rapport Rapport Rapport


HDL-C/CT HDL-C/CT HDL-C/CT
stable

Pauvre Riche en Riche en


Régime
en graisses graisses graisses
polyinsaturées monoinsaturées
Figure 7.11. Effets comparés des différents types de régimes sur le cholestérol total,
le HDL-cholestérol et le rapport HDL-cholestérol/cholestérol total.

90
Chapitre 7. Les graisses alimentaires en général et, en particulier, chez le patient diabétique

10 %
MONOINSATURÉS
25 % 20 %

55 %
40 % 45 % GLUCIDES

− Obèses − Poids normal


− Hypertriglycéridémiques − Triglycérides normaux
− Syndrome plurimétabolique − Absence de syndrome plurimétabolique

La balance glucides/graisses MIS


Figure 7.12. Équilibre recommandé entre les apports en glucides et en graisses monoinsaturées.
La somme des calories apportées par les glucides et les graisses monoinsaturées devrait représenter environ les deux
tiers de l'apport énergétique total. La balance entre ces deux nutriments devrait être modulée entre deux limites,
l'une inférieure (40 % de glucides et 25 % de graisses monoinsaturées), l'autre supérieure (55 % de glucides et 10 %
de graisses monoinsaturées). La balance qui est le plus souvent choisie est 45 % de glucides et 20 % de graisses
monoinsaturées.

d'un engouement au cours des dernières années.


55 % des calories sous forme de glucides) aggrave
Les bases physiopathologiques sont intéressantes :
l'hyperglycémie et les désordres lipidiques. En baisse des triglycérides, effet antithrombotique
revanche, il a été démontré que chez ce type de
en diminuant l'agrégation plaquettaire. C'est sur
patient un régime restrictif en glucides et enrichi
l'effet antiagrégant que repose l'une des explica-
en graisses monoinsaturées donne de meilleurs
résultats en termes de désordres glycémiques et tions physiopathologiques les plus convaincantes
de lipides plasmatiques (baisse des triglycérides avec une modification de l'équilibre entre prosta-
et augmentation du HDL-cholestérol). glandines pro- et antiagrégantes. Un régime riche
en acide eicosapentaénoïque (EPA) entraîne une
augmentation du contenu en EPA et un appau-
En ce qui concerne les acides gras de la série ω3, vrissement parallèle en acide arachidonique des
les recommandations indiquent : ni trop, ni trop membranes cellulaires plaquettaires et endothé-
peu. Les recommandations préconisent un apport liales. Dans les plaquettes, une partie de la pro-
quotidien égal à 500 mg pour la somme des déri- duction du TxA2 (proagrégant) est remplacée par
vés supérieurs des acides gras de la série ω3 : acide une production accrue de TXA3 (neutre). Dans les
eicosapentaénoïque + acide docosahexaénoïque. cellules endothéliales, la diminution de la produc-
Sur le plan pratique, cet objectif peut être obtenu tion de la PGI2 venant de l'acide arachidonique
en consommant trois portions de poisson gras est compensée par une augmentation de la PGI3
par semaine. Si les acides gras de la série ω3 sont provenant de l'EPA. Étant donné que la PGI2 et
apportés sous forme d'acide alpha-linolénique, la PGI3 ont le même pouvoir antiagrégant, l'équi-
grâce à la consommation d'huiles végétales, il libre général est déplacé dans le sens antiagrégant
faut savoir que les quantités doivent être portées lors d'une supplémentation alimentaire en EPA.
aux alentours de 2 g/j (2 càs d'huile de colza). En La baisse des triglycérides plasmatiques, même
effet, le rendement de la conversion métabolique si elle est réelle, est plus contestable car elle ne sur-
par le foie de l'acide alpha-linolénique en dérivés vient que pour des supplémentations majeures,
supérieurs (acides eicosapentaénoïque et doco- supraphysiologiques, en acide eicosapentaénoïque
sahexaénoïque) est de l'ordre de 20 à 25 %. Les de l'ordre de plusieurs grammes par jour. C'est
supplémentations en acides gras ω3 ont été l'objet pour cette raison que certains laboratoires ont

91
Partie II. Place des mesures nutritionnelles dans la prévention et le traitement des états diabétiques

commercialisé des préparations concentrées ainsi libéré est ensuite absorbé au niveau du pôle
sous forme de gélules : Maxepa® et Omacor®. Ces luminal des cellules intestinales. À ce niveau-là,
préparations ne nous paraissent pas d'un intérêt il entre en compétition avec les stérols végétaux
majeur. Les doses administrées probablement (phytostérols). Alors que le cholestérol est un stérol
excessives conduisent à des teneurs trop impor- d'origine animale (300 mg dans un jaune d'œuf,
tantes en acide eicosapentaénoïque dans les phos- 100 mg dans une portion de viande de 100 g) les
pholipides membranaires avec pour conséquence phytostérols sont apportés par les huiles végé-
des effets délétères : peroxydations lipidiques et tales dont la teneur en phytostérols va de 300 mg
dénaturation des membranes cellulaires. L'apport à 1 400 mg pour 100 g. Les études d'intervention
nutritionnel paraît donc suffisant d'autant plus ont montré qu'il faut environ 2 g de phytostérols
que l'industrie agroalimentaire fournit des mar- pour entraîner une baisse du cholestérol plasma-
garines enrichies en ω3, qui peuvent être utiles tique de l'ordre de 10 %. Avec l'huile de tournesol
quand la consommation trihebdomadaire de pois- dont la teneur en phytostérols est de l'ordre de
son gras n'est pas réalisable. Toutefois la publicité 500 mg/100 g, il faudrait donc consommer près
faite par l'industrie agroalimentaire sur les mar- d'un demi-litre d'huile par jour pour arriver à un
garines enrichies en ω3 n'est pas exempte d'ar- apport de 2 g/j. C'est en raison de cette consta-
rière-pensée, surtout quand elle vante leurs effets tation «absurde » que l'industrie agroalimentaire
antiathérogènes. À ce jour, il faut bien reconnaître propose des margarines enrichies en phytostérols
qu'à part quelques études isolées on manque (margarine ProActiv par exemple) qui permettent
d'éléments prouvant que les supplémentations en un apport en phytostérols de l'ordre de 2 g avec
acides gras ω3 ont un effet bénéfique indiscutable une consommation raisonnable de margarine de
sur le plan cardiovasculaire. L'une des rares études l'ordre de 20 g par jour.
positives a été conduite en Italie avec le nom de Certains lecteurs se poseront la question de
code GISSI pour («Gruppo Italiano por lo Studio savoir pourquoi nous n'avons pas d'emblée pro-
della Soprawivenza nell'Infarto miocardico »). En posé les régimes pauvres en cholestérol pour
2004, un groupe de travail du National Institute réduire les concentrations de cholestérol plas-
of Health (Bethesda, États-Unis) avait rendu l'avis matique. La réponse réside dans le fait que ces
suivant : «Il y a un ensemble d'éléments qui sont régimes sont très contraignants et dans l'ensemble
en faveur de l'hypothèse selon laquelle les acides peu efficaces. Pour comprendre cette faible effica-
gras ω3 réduisent le risque cardiovasculaire, mais cité, un bref rappel de physiologie est nécessaire.
il serait indispensable de disposer d'une étude Le cholestérol circulant dans le sang a schémati-
pour en apporter la preuve définitive ». Le mal- quement deux origines : le cholestérol fourni par
heur est que près de 15 ans après, la preuve n'est l'alimentation et le cholestérol synthétisé par le
toujours pas au rendez-vous. Elle a même été réfu- foie. La contribution est d'un tiers pour le cho-
tée par certaines études conduites en particulier lestérol alimentaire (500 mg d'apport par jour
chez des sujets à haut risque cardiovasculaire, chez un sujet normalement nourri) et de deux
porteurs d'un prédiabète, voire d'un diabète sucré tiers pour le cholestérol synthétisé par le foie soit
patent (étude ORIGIN). 1 g/j (fig. 7.13). Les régimes dits hypocholestérolé-
miants (moins de 300 mg/j) sont difficiles à mettre
en œuvre et surtout à suivre sur le long terme car
Quelques remarques ils conduisent à supprimer de nombreux produits
supplémentaires d'origine animale (un simple jaune d'œuf apporte
300 mg de cholestérol). De plus, toute réduction
Cholestérol des apports alimentaires en cholestérol s'accom-
pagne d'une augmentation compensatoire de la
Bien que cette substance soit chimiquement un production hépatique du cholestérol, qui s'oppose
stéroïde, elle est associée aux graisses. Dans la à la baisse du cholestérol plasmatique. C'est pour
lumière du tube digestif, le cholestérol est com- cette raison que le résultat reste limité, avec une
biné aux graisses sous forme de micelles qui diminution de la cholestérolémie de l'ordre de
libèrent le cholestérol sous l'influence de l'action 10 %, même avec des régimes hypocholestéro-
des sels biliaires sécrétés par le foie. Le cholestérol lémiants très contraignants. Quand on sait que

92
Chapitre 7. Les graisses alimentaires en général et, en particulier, chez le patient diabétique

n'importe quelle statine (la classe d'hypocholesté- le sujet est obèse, la réduction des apports gluci-
rolémiants la plus utilisée) est capable de réduire diques en particulier en sucres rapides, l'augmen-
le taux de cholestérol plasmatique de 30 à 40 %, tation des graisses monoinsaturées et l'arrêt des
on comprend que les mesures diététiques appa- boissons alcoolisées.
raissent relativement secondaires dans les hyper-
cholestérolémies essentielles. À noter que cette Acides gras trans
remarque n'est pas valable dans les hyperlipidé-
mies mixtes (hypercholestérolémie + hypertrigly- Ce sont des acides gras qui sont des isomères
céridémie). Dans ce dernier cas, qui sera discuté d'acides gras naturels. Dans l'alimentation, les
dans le traitement des diabétiques ayant une dys- acides gras sont normalement présents en configu-
lipidémie, les mesures diététiques sont efficaces à ration cis. Si on prend l'exemple de l'acide oléique,
la fois sur les triglycérides et le cholestérol. Dans il possède une double liaison entre les carbones 9
ce cas de figure, les mesures diététiques dépassent et 10. Les deux parties de la chaîne carbonée de
largement la réduction du cholestérol alimentaire. part et d'autre de la double liaison sont situées
Elles doivent combiner la restriction calorique si du même côté du plan qui passe par la double
liaison (configuration cis) (fig. 7.14). Au cours
de l'hydrogénation (naturelle ou industrielle) de
Foie Intestin
l'acide oléique pour le transformer en acide gras
saturé (l'acide stéarique), certaines molécules
d'acide oléique ne subissent pas le phénomène
de saturation par hydrogénation. Toutefois, elles
sont transformées pour conduire à un acide gras,
l'acide élaïdique (isomère trans) avec les deux
2/3 1/3 parties de la chaîne carbonée de part et d'autre
LDL du plan horizontal qui passe par la double liaison
Cholestérol (fig. 7.14). Cette transformation de la configura-
Figure 7.13. Contributions respectives, chez tion de l'acide gras se traduit par une linéarisation
un sujet sain, du cholestérol alimentaire de la chaîne carbonée. Ces acides gras trans ainsi
(exogène) et du cholestérol synthétisé par le formés se comportent biologiquement comme des
foie (endogène) au cholestérol plasmatique. acides gras saturés et sont ainsi «proathérogènes ».
Ce dernier est en grande partie transporté par les Le procédé d'hydrogénation est utilisé par l'indus-
particules de LDL (LDL-cholestérol). trie agroalimentaire pour produire des corps gras

CH3 COOH

9 10 COOH

Acide oléique : AG en configuration CIS


9 10

CH3
Acide élaïdique : AG en configuration TRANS
Figure 7.14. Structures comparées de l'acide oléique (cis) et de son isomère trans
(l'acide élaïdique).

93
Partie II. Place des mesures nutritionnelles dans la prévention et le traitement des états diabétiques

solides à partir d'huiles liquides. Pour diminuer Au terme de ce chapitre, il apparaît que les
la quantité d'acides gras trans dans l'alimentation acides gras jouent un rôle majeur dans l'alimen-
le procédé d'hydrogénation est de plus en plus tation. Toutefois, leur apport doit être raisonnable
remplacé par le procédé d'interestérification qui et équilibré entre différentes catégories d'acides
ne conduit pas à la production d'acides gras trans. gras. Une attention particulière doit être portée
Il convient de souligner que l'hydrogénation des à l'équilibre quantitatif et qualitatif des acides
acides gras se produit également de manière natu- gras quand on est en présence de maladies chro-
relle dans le rumen des animaux. Ceci signifie niques à haut risque cardiovasculaire comme les
que les produits laitiers (lait, fromage, beurre, états diabétiques. Le problème a été abordé dans
crème de lait, yaourts…) contiennent des acides ce chapitre mais il sera complété quand nous
gras trans ainsi que les viandes de ruminants. Les l'envisagerons dans un autre chapitre consacré au
quantités restent toutefois modérées et ne posent régime des patients diabétiques atteints de dysli-
pas de problème de santé publique. pidémie (chapitre 19).

94
Protéines animales CHAPITRE
8
et végétales
J.-L. Schlienger

PLAN DU CHAPITRE leur capacité à être synthétisés par l'organisme


Acides aminés 95 humain. Les acides aminés essentiels au nombre de
Synthèse protéique 96 neuf ne peuvent être synthétisés par l'homme et
Digestion et absorption : la digestibilité des protéines 96 leur déficit relatif dans les aliments en fait des AA
Métabolisme protéique 96 «limitants » pour la synthèse protéique. Certains
Protéines et énergétique 97 AA sont «conditionnellement essentiels » dans la
Balance azotée 97 mesure où leur synthèse endogène peut s'avérer
Qualité des protéines 97 défectueuse en cas de pathologie (insuffisance
Besoins protéiques 98 hépatique) ou insuffisante dans le cas de besoins
Sources des protéines alimentaires 98 accrus. À titre d'exemple, la cystéine peut être syn-
Protéines et santé 99 thétisée à partir de la méthionine ou la tyrosine
Protéines et diabète 99
à partir de la phénylalanine mais ces conversions
sont insuffisantes chez le prématuré. Les peptides
Chimiquement, les protéines sont définies comme et les protéines résultant de l'assemblage des AA,
des chaînes d'acides aminés (AA) caractérisés par un apport suffisant en AA est indispensable pour
une fonction amine et une fonction carboxylique. assurer la croissance, le fonctionnement et l'entre-
Les AA sont reliés entre eux par des liaisons pepti- tien des tissus, des organes et du système de défense
diques. L'azote est le constituant chimique caracté- immunitaire. Les protéines ont également un sta-
ristique des protéines (qui n'en ont pas l'exclusivité). tut de macronutriment énergétique et apportent
Les protéines sont toutes synthétisées à partir d'un 4 kcal/g. Leur participation à l'apport énergétique
répertoire de 20 AA. Les différentes protéines de s'effectue principalement par l'intermédiaire de
l'organisme (dont le nombre est estimé à 100 000) la néoglucogenèse. Les AA ont également un rôle
ont des fonctions très variées de par leur capacité métabolique complémentaire dans la mesure où
d'interaction avec d'autres molécules. Les protéines les protéines constituent une réserve énergétique
présentes dans les produits animaux et végétaux de nécessité. Certains AA contribuent à l'homéos-
sont des nutriments essentiels à la vie. Certaines tasie glucosée en participant à la néoglucogenèse
d'entre elles comme le collagène ou la kératine hépatique (AA glucogéniques : alanine, glutamine,
constituent la structure tissulaire. D'autres ont un proline, glycine), voire à la cétogenèse (AA cétogé-
rôle fonctionnel majeur en participant à la régula- niques comme la leucine) (tableau 8.1).
tion des métabolismes (la plupart des enzymes sont
des protéines), en assurant le transport de diverses Tableau 8.1. Les différents acides aminés.
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biomolécules (albumine), en étant les maillons de


Manueldenutritionpourlepatientdiabétique

la transduction du signal (récepteurs, protéine G) AA essentiels AA non essentiels


et de transcription du génome (facteurs de trans- 1 1
Valine , histidine , leucine
1
Arginine, alanine,
cription). Elles jouent également un rôle capital glutamine
dans l'immunité (anticorps). 1
Isoleucine , lysine ,
1
Aspartate, asparagine,
méthionine 1 glycocolle

Acides aminés
2 1 3
Phénylalanine , thréonine , Proline, sérine, cystéine ,
tryptophane tyrosine2, 3
1. AA dits branchés.
Les acides aminés (AA) sont les substrats de la syn- 2. AA aromatiques.
thèse protéique endogène. Ils peuvent être classés 3. Ces AA deviennent essentiels si leurs précurseurs (méthionine
selon leur structure, leur destinée métabolique ou et phénylalanine) sont présents en quantité limitée.

95
Partie II. Place des mesures nutritionnelles dans la prévention et le traitement des états diabétiques

Synthèse protéique La digestibilité des protéines correspond à la


capacité des AA constitutifs à être assimilés de
Les protéines constitutives représentent 15 % de la façon efficace à la suite d'un processus métabo-
masse corporelle soit une dizaine de kilogrammes lique complexe. Elle est un élément majeur de la
chez l'adulte. Elles constituent l'essentiel de la qualité nutritionnelle d'une protéine. Elle varie
masse dite «maigre ». Il s'agit d'un capital à pré- entre 78 et 98 % selon les sources. Les protéines
server grâce à l'équilibre entre l'anabolisme et le animales ont un coefficient de digestibilité plus
catabolisme, l'ensemble des protéines de l'orga- élevé que les protéines d'origine végétale.
nisme se renouvelant à hauteur de 250 à 300 g par
jour. Le renouvellement protéique qui permet l'éli-
mination des protéines anormales ou vieillies est
couplé à celui des AA dont la source est soit endo-
Métabolisme protéique
gène par la synthèse de novo des AA non essen- Le flux interorganes des AA est un facteur déter-
tiels et par la protéolyse, soit alimentaire. Le flux minant du métabolisme protéique. Le foie est le site
intertissulaire des AA est un facteur déterminant privilégié de la synthèse protéique dont l'orientation
du métabolisme protéique. L'insuline, l'hormone se fait en fonction de divers signaux métaboliques.
de croissance, l'IGF-1 et l'adrénaline stimulent la Elle assure la synthèse de la majeure partie des pro-
synthèse protéique à partir des AA alors que le téines circulantes et transforme les AA en substrats
cortisol et le glucagon stimulent la protéolyse. Les énergétiques. L'azote excédentaire est éliminé par
cytokines sont globalement catabolisantes. Les AA l'intermédiaire de l'uréogenèse hépatique. L'amino-
eux-mêmes exercent un contrôle sur le renouvel- acidémie postprandiale est un des éléments clés
lement protéique. Leucine et glutamine inhibent pour l'utilisation des AA par les différents com-
la protéolyse musculaire et hépatique. La leucine partiments métaboliques. L'afflux des AA stimule
stimule de surcroît la protéosynthèse musculaire. la synthèse protéique qui est renforcée par l'action
La balance entre la synthèse protéique et la protéo- de diverses hormones au niveau des tissus cibles. En
lyse est déséquilibrée en cas d'agression métabolique cas d'agression ou d'inflammation aiguë, les subs-
ou lors d'une pathologie aiguë, d'un traumatisme trats aminés sont utilisés de façon préférentielle
ou d'une affection chronique évolutive. pour la synthèse des protéines de la phase aiguë
de l'inflammation au détriment d'autres protéines

Digestion et absorption : telles que l'albumine. En dehors des affections


aiguës, les concentrations d'albumine et d'autres
la digestibilité des protéines protéines dites de la «nutrition» traduisent l'état du
pool protéique et l'état nutritionnel.
Dans le tube digestif les protéines ingérées (40 Le catabolisme protidique fournit des radicaux
à 110 g/j) coexistent avec les protéines endo- aminés (NH2) qui entrent dans le cycle de l'uréo-
gènes sécrétées par la muqueuse intestinale (20 à genèse pour être éliminés dans les urines. En cas
50 g/j). Les protéines ingérées sont digérées grâce d'uréogenèse insuffisante (déficit hépatocellu-
à l'action hydrolytique de protéases telles que la laire), les AA sont transformés en ammoniaque
pepsine gastrique et la trypsine pancréatique. On (NH3) qui a des effets neurotoxiques. Le foie et
distingue les protéines «rapides » comme celles le rein sont capables de synthétiser la créatine à
du lactosérum qui sont hydrolysées dans l'esto- partir de l'arginine et du glycocolle. La créatine
mac à pH acide et les protéines « lentes » Ŕ comme est transportée dans le muscle où elle est stockée
la caséine qui précipite dans l'estomac Ŕ hydroly- sous forme de phosphocréatine puis convertie
sées dans le grêle et disponibles plus longtemps en créatinine qui est libérée dans la circulation
pour la synthèse protéique. La digestion aboutit générale avant d'être éliminée dans les urines. La
à la formation de peptides dégradés en AA et créatinine urinaire est un bon reflet de la masse
en dipeptides par des protéases pancréatiques et musculaire mais dépend aussi des apports ali-
intestinales. Les AA absorbés par la muqueuse mentaires carnés. Chaque jour, un peu moins de
intestinale parviennent au foie qui est leur princi- 2 % de la créatine musculaire sont transformés en
pal site de métabolisme. créatinine.

96
Chapitre 8. Protéines animales et végétales

Protéines et énergétique Balance azotée


Le rôle énergétique des protéines (4 kcal/g) n'est Elle mesure l'homéostasie protéique à l'échelle de
pas négligeable quoique limité. Il intervient l'individu. Elle correspond à la différence entre
notamment en cas de restriction glucidique et les apports et la somme des dépenses azotées et
énergétique comme lors des régimes amaigris- doit être à l'équilibre ou légèrement positive.
sants hyperprotéinés ou en cas de déficit éner- L'élimination azotée liée au catabolisme protéique
gétique incident. Dans ces situations les AA sont se fait par les urines sous forme de créatinine,
transformés par le foie en substrats énergétiques d'urée, d'acide urique et d'ammoniaque, par les
par la voie de la néoglucogenèse et de la cétogenèse. selles (protéines non absorbées ou provenant des
sécrétions digestives) et par les épithéliums et la
Néoglucogenèse peau (desquamation et sécrétions muqueuses).
Ces pertes doivent être compensées par un apport
Principalement hépatique et accessoirement rénale,
protéique adéquat sachant que les protéines
la néoglucogenèse consiste à synthétiser du glucose à contiennent environ 16 % d'azote, ce qui corres-
partir de précurseurs non glucidiques tels que les AA pond à 1 g d'azote pour 6,25 g de protéine. La
«glucoformateurs» dont le chef de file est l'alanine. balance azotée est influencée par les apports éner-
Les AA sont issus du muscle, important réservoir gétiques : un apport calorique excessif diminue
d'AA mobilisables, sous l'effet d'une diminution de les besoins azotés alors qu'un apport énergétique
l'insulinémie et d'une élévation de la glucagonémie insuffisant les augmente, ce qui négative davan-
et sous l'effet de diverses cytokines. La néoglucoge- tage encore la balance.
nèse à partir des AA qui permet de convertir 1,7 g
de protéines en seulement 1 g de glucose est peu
mise à contribution en situation de stabilité méta-
bolique chez l'homme puisque la glycogénolyse à
Qualité des protéines
partir des réserves de glycogène suffit à satisfaire Toutes les protéines ne se valent pas. Deux fac-
les besoins glucosés en période interprandiale. teurs permettent de définir leur qualité.
Physiologiquement elle est interrompue par un
apport glucosé. Cette voie de production du glucose
intervient dans les situations d'agression entraînant Digestibilité des protéines
un épuisement rapide des réserves en glycogène Elle est évaluée par un coefficient d'utilisation
du fait de l'augmentation des besoins énergétiques. digestive, elle dépend entre autres de la présence
Dans les situations les plus critiques, l'insulinoré- de facteurs antinutritionnels dans certains ali-
sistance tissulaire adaptative est telle que l'apport ments comme les légumineuses crues.
glucosé ne suffit plus à enrayer le processus ce qui
conduit à une véritable autophagie musculaire.
Efficacité ou coefficient
Cétogenèse d'assimilation des protéines
Les AA à chaîne ramifiée comme la leucine et
(indice chimique)
l'isoleucine peuvent générer des acides cétoniques L'indice chimique exprime le pourcentage d'un AA
utilisables à des fins énergétiques. L'essentiel des essentiel donné dans une protéine par rapport à la
acides cétoniques est produit dans les tissus péri- protéine de référence qu'est l'ovalbumine, protéine
phériques et capté par le foie pour la synthèse de du blanc d'œuf dont l'indice a été arbitrairement
corps cétoniques qui seront ultérieurement utili- fixé à 1. Pour une protéine donnée, il est d'usage
sables à des fins énergétiques par le muscle et le d'indiquer l'indice chimique pour l'AA le plus
cerveau. En réalité, l'essentiel des corps cétoniques limitant. Pour que la synthèse protéique soit opti-
produits en cas de jeûne prolongé (en appoint de male il faut que les AA essentiels soient apportés
la néoglucogenèse) ou en cas de carence en insu- en quantité suffisante et simultanément. L'indice
linique sévère provient de l'oxydation des acides chimique caractérise la «valeur biologique » qui
gras qui libère de l'acétyl-coenzyme A. dépend de la composition en acides aminés.

97
Partie II. Place des mesures nutritionnelles dans la prévention et le traitement des états diabétiques

La qualité d'une protéine est d'autant meilleure 1,5 g/kg/j chez le sujet en situation d'agression
qu'elle comporte davantage d'AA essentiels. Les métabolique et de 1,5 à 2,0 g/kg/j en cas de perte
protéines d'origine animale satisfont ce critère. tissulaire (brûlures, ulcérations cutanées éten-
Au contraire, aucun aliment d'origine végétale ne dues, escarres…).
couvre les besoins en AA essentiels du fait d'une
teneur insuffisante en un ou plusieurs AA quali-
fiés dès lors de «limitants ». L'association de plu- Sources des protéines
sieurs aliments végétaux permet de satisfaire les
besoins selon le principe de la complémentarité
alimentaires
qui supplée l'AA limitant. Ainsi les protéines des Les protéines sont présentes dans le règne animal
céréales ne contenant pas de lysine peuvent être et végétal. Les protéines fibreuses sont des pro-
compensées par les protéines des légumineuses téines de structure des tissus, les protéines glo-
qui ne contiennent ni méthionine ni cystéine. En bulaires sont des protéines de réserve des graines.
cas de nécessité, les AA essentiels peuvent être pui-
sés dans le pool protéique tissulaire.
L'indice DISCO qui est le produit de la digesti- Protéines animales
bilité et de l'indice chimique ou l'indice DIAAS
La viande est la source de protéines animales la
fondé sur la mesure de la digestibilité réelle de
chaque AA indispensable ont été mis au point plus remarquable (15 à 20 % de protéines de la
pour mieux définir la qualité d'une protéine. matière humide et 50 à 90 % de la matière sèche).
La chair de poisson a une composition proche. Le
blanc d'œuf est composé à 90 % de protéines dont
Modification des protéines l'ovalbumine qui est la protéine de référence. Le
par les préparations culinaires jaune d'œuf est constitué pour 30 % de protéines
Certaines protéines peuvent être dénaturées dont la lipovitelline. Les protéines du lactosé-
rum obtenues après élimination du lactose et des
et perdre en valeur biologique lorsqu'elles sont
matières grasses sont des protéines d'absorption
soumises à une température élevée. Par ailleurs,
«rapides » qui ont la capacité de stimuler la sécré-
le phénomène de brunissement de la viande,
tion d'insuline chez les sujets sains ou diabétiques
conséquence de la réaction de Maillard, entraîne
de type 2. Le lait de vache contient 30 à 35 g/L de
une glycation des protéines et la production de
protéines dont la caséine (80 %) et les protéines du
produits terminaux de la glycation (AGE) qui
lactosérum (20 %). La teneur en protéines des déri-
sont absorbés et associés à un excès de risque
vés du lait est intéressante mais dépend du procédé
cardiovasculaire.
de fabrication. Les protéines d'origine animale
ont globalement une qualité nutritionnelle élevée

Besoins protéiques
parce qu'elles contiennent tous les AA essentiels.

Ils varient avec l'âge, le sexe, l'activité physique,


Protéines végétales
l'état physiologique et l'état de santé. Les besoins Les graines des légumineuses comme le soja
protéiques font l'objet d'apports nutritionnels constituent la source de protéines végétales la
conseillés (ANC) qui tiennent compte de ces par- plus intéressante (20 à 25 %). Ces graines riches
ticularités. Les besoins protéiques physiologiques en lysine sont déficientes en AA soufrés. Elles ne
minimaux ou indispensables sont de 0,35 g/kg/j peuvent être consommées qu'après l'application
mais ont été fixés à 0,55 g/kg/j après application d'un procédé (cuisson, trempage) permettant
d'un coefficient de correction de sécurité dans le d'éliminer des substances indésirables (inhibiteurs
but de tenir compte des variations individuelles. trypsiniques, facteurs de flatulence…). Leurs pro-
Néanmoins pour prendre en compte les besoins téines sont de qualité nutritionnelle médiocre.
globaux d'une population générale, les apports Les céréales contiennent environ 10 % de pro-
recommandés ont été fixés à 0,8 g/kg/j chez téines. Les tubercules (pomme de terre, topi-
l'adulte, à 1,1 g/kg/j chez le sujet âgé, de 1,25 à nambour) contiennent peu de protéines (2 % de

98
Chapitre 8. Protéines animales et végétales

matière humide et 10 % de matière sèche) mais


leur valeur biologique est satisfaisante.
Protéines et diabète
Dans une alimentation à dominante végétale il Globalement les apports protéiques ont assez peu
est souhaitable d'associer plusieurs sources afin d'impact sur la régulation métabolique et gly-
de couvrir les besoins en AA essentiels. Ainsi le cémique. Expérimentalement les AA essentiels
soja gagne à être associé aux céréales. branchés (leucine, valine, isoleucine) ont un effet
insulinotrope lorsqu'ils sont administrés par voie
intraveineuse ou orale. Ils potentialisent l'insuli-
Protéines et santé nosécrétion induite par les glucides lors d'un repas
par une action synergique. Parmi les diverses
Un apport protéique de bonne valeur biologique protéines c'est le lactosérum qui a l'effet le plus
couvrant les besoins est considéré comme un pré- marqué. Un hydrolysat de lactosérum administré
requis pour un état de santé optimal. avant ou au cours d'un petit déjeuner glucidique
La carence protéique chronique a des consé- diminue l'aire sous la courbe de la glycémie post-
quences redoutables : troubles de la croissance prandiale. L'effet de cette protéine dite «rapide »
chez l'enfant, fragilité cutanée avec retard de cica- s'exercerait davantage sur la stimulation de la
trisation, altération des défenses immunitaires sécrétion des incrétines que par un effet direct sur
avec un risque accru d'infection, catabolisme la sécrétion d'insuline. Il reste qu'un apport mixte
protéique avec sarcopénie et ostéopénie, particu- de glucides et de protéines, notamment celles
lièrement aux âges extrêmes de la vie. Pour autant, issues du lactosérum, est à même d'améliorer les
un excès d'apport protéique n'est pas souhaitable, glycémies postprandiales chez le sujet sain et chez
d'abord parce qu'il se fait le plus souvent au détri- le sujet diabétique de type 2. Cependant les pro-
ment des apports glucidiques qui constituent la téines n'ont pas de rôle spécifique dans la gestion
source énergétique préférentielle, ensuite parce du diabète dès lors que les apports nutritionnels
que les aliments protéiques sont le plus souvent conseillés sont couverts et que la composition des
associés à des graisses constitutionnelles où repas est diversifiée. Parmi toutes les protéines
dominent les acides gras saturés. Par ailleurs, il disponibles ce sont les protéines «rapides » qui
existe des arguments épidémiologiques et expéri- ont le plus grand intérêt en termes de gestion
mentaux montrant qu'un régime hyperprotidique de la glycémie sans avoir pour autant un intérêt
augmente la pression de perfusion glomérulaire, thérapeutique.
ce qui peut prédisposer à l'insuffisance rénale
chronique en plus d'un effet lithogène urinaire.

99
Fibres alimentaires
J.-L. Schlienger
CHAPITRE
9
PLAN DU CHAPITRE L'apport en fibres alimentaires est considéré
Composition biochimique 101 comme un déterminant de santé important.
Propriétés des fibres alimentaires 102 Toutefois, l'effet bénéfique intrinsèque des fibres est
Origine des fibres alimentaires 103 assez difficile à préciser parce qu'elles sont consom-
Inconvénients des fibres alimentaires 104 mées en même temps que d'autres nutriments
Recommandations et allégations 104 potentiellement bénéfiques auxquels elles sont asso-
Effets métaboliques de la consommation de fibres 105 ciées au sein de la matrice alimentaire : vitamines,
Comment supplémenter en fibres? 106 minéraux et autres microconstituants végétaux.
Synthèse 107

Les fibres alimentaires «sont des substances non Composition biochimique


digestibles essentiellement composées de poly-
mères glucidiques, oligosides et polyosides, asso- Les fibres alimentaires sont un ensemble très hété-
ciés ou non à d'autres constituants, qui doivent rogène avec des propriétés spécifiques qui tiennent
avoir un effet physiologique bénéfique et caracté- à leur composition biochimique (tableau 9.1). La
ristique des fibres ». Selon la définition proposée plupart des fibres sont des polysaccharides, consti-
par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de tuants des parois végétales, qui échappent aux pro-
l'alimentation, de l'environnement et du travail cessus de digestion parce que les liaisons unissant
(Anses). Ce sont donc des hydrates de carbone ne les oses ne sont pas hydrolysables par les enzymes
fournissant pas d'énergie puisque l'organisme ne endogènes. Les principales sont :
peut ni les digérer ni les assimiler. Initialement, • la cellulose, polymère linéaire de molécules de
les fibres alimentaires étaient considérées comme glucose liées en β-1,4 ;
des constituants des parois cellulaires végétales • les hémicelluloses, polyosides branchés com-
non digestibles, ayant des propriétés bénéfiques prenant une chaîne centrale d'hexoses (glucose,
pour la régulation du transit intestinal. En effet, galactose, mannose) liés en β-1,4, et des chaînes
les fibres parviennent non digérées au niveau latérales. Dans ce groupe figurent les xyloglu-
du côlon où elles deviennent un substrat pour le canes, glucomannanes, mannanes et xylanes ;
microbiote colique et subissent un processus de • les β-glucanes, polyosides linéaires de glucose
fermentation. À partir des années 1970, l'hypo- β-1-4 et β-1-3 ;
thèse a été émise qu'un régime trop riche en pro- • la pectine, polyoside complexe avec une chaîne
duits raffinés et trop pauvre en fibres alimentaires principale formée d'acide galacturonique et de
favorisait les maladies cardiométaboliques et cer- rhamnose et des chaînes latérales constituées
tains cancers. Depuis, à la suite de nombreuses d'autres oses (arabinose ou galactose).
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études observationnelles et d'interventions, D'autres substances répondent à la définition


les fibres ont acquis une image de « composé des fibres :
Manueldenutritionpourlepatientdiabétique

fonctionnel », voire même de «composé santé ». • l'inuline est un polymère de fructose ;


L'action bénéfique à la fois préventive et thérapeu- • les fructanes, polymères exclusivement com-
tique de certaines fibres sur l'augmentation de la posés de molécules de fructose ou de longues
production de selles, la stimulation de la fermen- chaînes de fructose liées à une unité de glucose ;
tation colique, la diminution de la cholestérolémie • les oligosaccharides regroupent selon le glucide
totale et/ou LDL-cholestérolémie à jeun, la dimi- qui constitue la base des fructo-oligosaccharides
nution de la glycémie et/ou l'insulinémie post- (FOS), des xylo-oligosaccharides (XOS), ou des
prandiales est désormais reconnue avec un niveau galacto-oligosaccharides (GOS). Ces derniers
de preuve correct. peuvent être présents dans le règne animal (lait) ;

101
Partie II. Place des mesures nutritionnelles dans la prévention et le traitement des états diabétiques

Tableau 9.1. Composés pouvant prétendre à la définition des fibres alimentaires.

Polysaccharides Analogues d'hydrates de carbone Lignines et équivalents


et oligosaccharides
Oligosaccharides Dextrines indigestibles Cires
Cellulose Maltodextrines résistantes Phytates
Hémicelluloses Amidons résistants Cutine
Arabinoxylanes Polydextrose Saponines
Arabinogalactanes Méthylcellulose Subérine
Polyfructoses Hydroxypropylméthylcellulose Tannins
Inuline
Oligofructanes
Galacto-oligosaccharides
Gommes
Mucilages
Pectine

• la lignine et certains acides phénoliques (acide Propriétés des fibres


galytique, acide férulique) sont des fibres non
polysaccharidiques ; alimentaires
• l'amidon « résistant » est considéré comme une
La fonctionnalité des fibres dépend principale-
fibre du fait soit de son encapsulation dans
certains aliments qui le rend physiquement ment de leur solubilité et de leur viscosité. La
inaccessible à l'action des amylases, soit d'un capacité à retenir l'eau (caractère hygroscopique)
changement de structure physicochimique dû qui confère la solubilité est variable. La cellulose
au phénomène de rétrogradation après cuisson et la lignine ne sont pas solubles et ne forment
et refroidissement. Il rend compte en partie donc pas de gel tandis que les pectines et les
de l'index glycémique variable du pain. Il est β-glucanes sont hydrosolubles et ont une visco-
présent dans les pâtes, le riz, les haricots et les sité élevée. Selon leur nature, les hémicelluloses
pommes de terre cuites puis refroidies et man- sont soit solubles, soit insolubles. Les fibres non
gées froides. Les amidons encapsulés sont trou- solubles sont fermentescibles dans la partie dis-
vés dans les légumes secs. Certains aliments tale du tube digestif. Leurs effets physiologiques
crus comme la banane contiennent des amidons sont nombreux.
résistants à l'état natif à un taux inversement
proportionnel au degré de maturité du fruit ; Augmentation du volume
• le polydextrose, polymère de glucose obtenu du bol fécal
chimiquement ;
• les gommes de réserve : gomme arabique consti- Cet effet, le plus connu, est la conséquence du
tuée de galactomannanes produite par l'acacia et pouvoir hygroscopique des fibres et de l'augmen-
gomme de guar produite par les haricots guar ; tation de la masse bactérienne induite par la fer-
• les mucilages, polymères de D-xylose, glucose, mentation. Les fibres ont un rôle de régulateur du
acide glucuronique et/ou galactose sont produits transit intestinal.
par le lin, le plantain ou le psyllium (ou ispaghul);
• les carraghénanes, polymères de galactose et les Effets métaboliques
alginates, polymères de l'acide D-mannuronique
et de l'acide L-guluronique, sont extraits des
Métabolisme glucosé
algues et sont essentiellement utilisés comme • Diminution de l'index glycémique consécu-
additifs (gélifiants, épaississants ou stabilisants). tive au ralentissement de la vidange gastrique

102
Chapitre 9. Fibres alimentaires

et à la formation d'une interface de gel entre le L'ensemble de ces effets locaux, métaboliques et
contenu de l'intestin et les entérocytes ce qui systémiques explique le rôle important des fibres
diffère l'absorption des glucides. en nutrition préventive et thérapeutique.
• Rassasiement favorisé par le ralentissement

Origine des fibres alimentaires


de la vidange gastrique contribue à réduire la
charge énergétique et glycémique.
• Les produits de fermentation participent à la (tableau 9.2)
production du glucagon-like peptide-1 (GLP-1)
intestinal ce qui accroît l'effet rassasiant et sti- Les apports en fibres ne sont en France en moyenne
mule la sécrétion d'insuline. que de 16 à 20 g/j pour des apports conseillés de 25
• Contribution à l'équilibre du microbiote intes- à 30 g/j. L'augmentation souhaitable des apports
tinal qui est impliqué dans les mécanismes de
l'insulinorésistance.
Tableau 9.2. Principales sources des fibres
alimentaires exprimées en g/100 g.
Métabolisme du cholestérol
En diminuant la réabsorption des acides biliaires, Sources des fibres alimentaires Teneur en
les fibres réduisent leur cycle entérohépatique et de fibres (g/100 g)
ce fait la récupération du cholestérol par le foie via Son de blé 40Ŕ45
les acides biliaires. Il en résulte une augmentation Son d'avoine 17Ŕ25
compensatrice des récepteurs des LDL avec une Pruneau sec, amande 15Ŕ16
captation hépatique accrue du LDL-cholestérol Abricot sec dénoyauté 14
et une diminution de la cholestérolémie plas- Flocon d'avoine, chips 10
matique. Les β-glucanes (contenus notamment
Figues sèches 10
dans l'avoine) ont un effet hypocholestérolémiant
Artichaut cuit 9
significatif.
Haricot rouge cuit, pois chiche cuit,
cacahuète, groseille 9
Autres effets Haricot blanc cuit, salsifis appertisé 8Ŕ9
La fermentation des fibres est à l'origine de la Lentilles cuites, datte sèche,
production de gaz (CO2, H2, CH4) et d'acides gras noisette, cassis 7Ŕ8
à chaîne courte dits volatils (acétique, butyrique, Pain complet 7Ŕ8
et propionique) ayant des propriétés trophiques Framboise, raisin sec, châtaigne,
sur l'épithélium colique considérés comme petits pois cuits, mûre, noix 6Ŕ7
protecteurs vis-à-vis de la cancérogenèse. La Topinambour, céleri-rave cru,
fermentation des fibres réduit la formation des flageolet (conserve) 5
acides biliaires secondaires agressifs à l'encontre Pétales de maïs, pois cassé cuit,
de la muqueuse colique. L'inuline, les fructanes biscotte, olive verte, semoule 4Ŕ5
et les oligosaccharides sont particulièrement Panais cuit, fenouil cru, épinard cuit,
haricot vert cuit 3Ŕ4
fermentescibles.
Les fibres réduisent la réabsorption d'hormones Baguette, pain de campagne,
petit pois 3Ŕ4
sexuelles comme les œstrogènes ce qui diminue
leur concentration plasmatique et leur élimina- Patate douce crue, chou vert,
brocoli, chou-fleur cuit 2Ŕ3
tion urinaire.
Les acides gras volatils facilitent la dissociation Salades et crudités (moyenne) 2Ŕ3
des complexes de minéraux (calcium, magné- Poireau, carotte, champignon
sium, fer…), leur solubilisation et leur absorption de Paris cru 2Ŕ3
tardive au niveau colique. Riz complet 1,8
Certaines fibres fermentescibles sont des pré- Fruit (moyenne) 5
biotiques de par leur capacité à modifier la com- Source : Anses. Table Ciqual. Composition nutritionnelle des aliments.
position du microbiote. Version 2016.

103
Partie II. Place des mesures nutritionnelles dans la prévention et le traitement des états diabétiques

passe par une consommation variée d'aliments de blé et les céréales ainsi que dans les légumes à
végétaux et par la consommation d'aliments peu maturité atteinte ou dépassée. Les hémicelluloses
raffinés et non industriels plutôt que par une sont présentes dans le son de blé.
supplémentation. Une alimentation à densité
nutritionnelle élevée est habituellement associée à
une dotation satisfaisante et variée en fibres. Inconvénients
des fibres alimentaires
Les fibres proviennent de différentes sources
alimentaires : son (l'enveloppe) des céréales,
légumes et légumineuses, fruits et graines oléagi- Les risques liés à la consommation de fibres sont
neuses. Il est de coutume de distinguer les fibres
limités chez le sujet sain. Toutefois, il est préfé-
solubles et les fibres dures ou insolubles dont les
rable d'augmenter la consommation de fibres
effets «santé » sont complémentaires.
graduellement pour maîtriser de petits « incon-
forts » (flatulences, douleurs abdominales, gaz)
Fibres solubles et de boire beaucoup de liquide au cours de la
Ces fibres forment dans l'eau des solutions visqueuses journée, car l'eau augmente l'efficacité des fibres.
ou des gels. Elles regroupent les pectines, certaines Les fibres ont l'inconvénient potentiel de chélater
hémicelluloses, la gomme de guar ou le son d'avoine des minéraux (zinc, calcium, fer) mais cet effet
(β-glucanes). L'épaississement du liquide digestif a délétère est compensé par la richesse en vita-
des effets favorables sur la vidange gastrique, l'absorp- mines et minéraux des aliments riches en fibres.
tion des nutriments et le microbiote. Elles ont des La consommation de fibres insolubles et fermen-
effets métaboliques mais stimulent peu le transit tescibles peut être déconseillée dans les maladies
qu'elles contribuent à régulariser. Les sources princi- inflammatoires du tube digestif et dans les colo-
pales de fibres solubles sont les légumineuses (hari- pathies fonctionnelles sévères et anciennes. Quoi
cots rouges, blancs…), les fruits riches en pectine qu'il en soit la consommation variée d'aliments
(pommes, coings, oranges, pamplemousses, riches en fibres alimentaires fait partie des cri-
fraises, poires…), les fruits secs (figues, pruneaux), tères d'une alimentation saine.
les légumes frais (carotte, courgette, haricots, pois
verts, choux de Bruxelles, asperge…), l'orge, le
seigle et l'avoine (flocons, son, farine), le psyllium… Recommandations et allégations
Les β-glucanes sont présents dans les couches
d'aleurone de l'avoine et de l'orge, les galacto-oli- Les aliments les plus riches en fibres sont les
gosaccharides dans les légumineuses et le lait; les sons de céréales (blé et avoine), les céréales
xylo-oligosaccharides dans le blé; les fructo-oligosac- complètes, les légumes secs (lentilles, haricots)
charides et l'inuline dans certains légumes (artichaut, et les fruits secs (pruneaux, abricots). Du fait de
chicorée, asperge, oignon, poireau, topinambour, sal- leur forte teneur en eau les fruits et les légumes
sifis). On peut aussi les trouver dans les algues sous frais apportent relativement peu de fibres rap-
forme d'alginates. portées au poids frais mais ces aliments sont
évidemment riches en fibres pour 100 kcal
Fibres insolubles (tableau 9.2). Ainsi, les céréales apportent en
moyenne 36 à 65 % de la ration quotidienne en
La cellulose, certaines hémicelluloses et le son de blé fibres dans les pays industrialisés, les fruits 6 à
sont des fibres insolubles hydrophiles qui restent en 24 %, les légumes de 22 à 47 % et les légumes
suspension et peuvent absorber jusqu'à 20 fois leur secs de 2 à 8 %. Basés sur les résultats des études
poids en eau. Cette caractéristique explique en par- épidémiologiques montrant un abaissement
tie les différences d'effets physiologiques des fibres. des risques relatifs pour une consommation de
Constituants fermentescibles du ballast elles sti- fibres supérieures à 25 g/j, il est recommandé de
mulent le transit et ont des effets sur la muqueuse consommer au moins 25 g de fibres par jour et si
colique et le microbiote. Elles se trouvent dans la possible 30 g pour les adultes (tableau 9.3). Afin
peau, les graines, les légumes feuilles et les racines. d'augmenter la consommation de fibres des
La cellulose et la lignine sont présentes dans le son Français, la promotion des fibres est assurée par

104
Chapitre 9. Fibres alimentaires

Tableau 9.3. Exemple d'une alimentation nutriments et micronutriments pouvant avoir


riche en fibres (34 g/j). des effets favorables sur le poids. La prévalence de
l'obésité est moindre dans les populations ayant
Repas Composition Teneur un apport élevé en fibres et, inversement, aug-
en fibres
mente au fur et à mesure que l'alimentation s'ap-
Petit 1 orange entière 3,0Ŕ4,0 g pauvrit en fibres. Dans une étude multicentrique
déjeuner 2 tranches de pain complet internationale portant sur 16 cohortes l'index de
1 bol de café au lait (250 mL) masse corporelle (IMC) est corrélé négativement
Déjeuner Crudités 2,0 g avec l'apport en fibres, et la consommation de
100 g de viande 0,0 g fibres solubles est inversement proportionnelle
à l'apport énergétique, la masse grasse corpo-
Haricots secs (conserve) 5,0 g
relle et le tissu adipeux viscéral. Les sujets qui
Salade 1g
consomment le plus de fibres prennent moins de
2 tranches de pain au son 5,0 g poids indépendamment du niveau des apports
1 pomme 2,0 g lipidiques. Les résultats des essais randomisés de
Yaourt 0,0 g supplémentation évaluant l'effet sur le poids sont
Boisson 0,0 g discordants et entachés de nombreux biais. Les
Dîner Poulet rôti au four 0,0 g résultats apparemment intéressants de la gomme
Brocoli 2,0 g
guar n'ont pas résisté à une méta-analyse.
Les fibres peuvent contribuer à la régulation du
Lentilles 5,0 g
poids par divers mécanismes :
Salade 1,0 g
• densité énergétique plus faible des aliments
2 tranches de pain au son 5,0 g riches en fibres ;
Framboises fraîches 4,0 g • mastication plus longue ;
Boisson 0,0 g • sensation de satiété précoce en raison
Collation 1 biscuit au son d'avoine 2,0 g d'un retard de la vidange gastrique (fibres
solubles) ;
• retard à l'action des enzymes digestives en
raison de l'intrication des nutriments et des
des messages recommandant l'augmentation de fibres ;
la consommation d'aliments sources de glucides • participation à la régulation des hormones
complexes comme les céréales complètes ou intestinales impliquées dans la régulation de la
encore de fruits et légumes. prise alimentaire.
L'allégation nutritionnelle « source de fibres » En l'état, il existe de nombreux arguments
correspond à une quantité de 3 g/100 g ou de pour conforter l'existence d'une relation favo-
1,5 g/100 kcal et l'allégation « riche en fibres » rable entre la consommation de fibres et le poids
correspond à une quantité de 6 g/100 g ou de dans un contexte d'alimentation riche en fruits
3 g/100 kcal. et légumes, en graines et noix et en céréales peu
raffinées. Toutefois la supplémentation en fibres

Effets métaboliques
solubles ou insolubles n'a pas fait la preuve de
son efficacité.
de la consommation de fibres
Fibres et contrôle glycémique
Fibres et poids La viscosité des fibres solubles joue un rôle signi-
De nombreuses études observationnelles sug- ficatif sur le contrôle de la glycémie postprandiale
gèrent l'existence d'une relation bénéfique entre et sur la réponse insulinique. Par l'intermédiaire
la consommation de fibres et le poids mais il du ralentissement de la vidange gastrique et de
persiste un débat quant à la réalité d'un effet l'absorption des nutriments. Pourtant, et de façon
intrinsèque des fibres parce qu'une alimenta- inattendue, la plupart des études prospectives ont
tion à forte charge en fibres apporte d'autres montré que ce sont les fibres insolubles et non les

105
Partie II. Place des mesures nutritionnelles dans la prévention et le traitement des états diabétiques

fibres solubles qui étaient corrélées inversement L'action hypocholestérolémiante des fibres
avec l'incidence du diabète de type 2 (DT2). Le est expliquée par une réduction du cycle enté-
risque de DT2 est réduit de 20 à 80 % lorsqu'on rohépatique du cholestérol secondaire à une
compare le quartile supérieur de consommation moindre absorption des sels biliaires avec
de fibres (environ 30 g/j de fibres) et le quartile une augmentation de la perte fécale des acides
inférieur (< 16 g/j). Ces données ne sont pas suf- biliaires. Par ailleurs du fait de leurs propriétés
fisantes pour affirmer que la consommation de physicochimiques, les fibres solubles modifient
céréales entières prévient le DT2. la viscosité et la masse du contenu intestinal
Plusieurs études expérimentales et des essais cli- entraînant des modifications du métabolisme
niques randomisés ont exploré l'impact des fibres hépatique du cholestérol et du LDL-cholestérol.
sur les paramètres du métabolisme glucosé et, D'autres études suggèrent une augmentation de
notamment, la sensibilité à l'insuline. La technique l'activité de la 7-α-cholestérol hydroxylase qui
du glucose clamp euglycémique-hyperinsulinique régule la transformation du cholestérol en acides
réalisée après une charge alimentaire en fibres inso- biliaires ce qui aboutit à une déplétion en cho-
lubles a montré une amélioration de la sensibilité à lestérol, une stimulation de la synthèse endogène
l'insuline chez des sujets obèses. Il existe par ail- du cholestérol et une majoration de la présenta-
leurs une amélioration du profil et de la variabilité tion des récepteurs des LDL avec une épuration
glycémiques chez des sujets diabétiques. Au long accrue du cholestérol estérifié à partir des LDL.
cours, il a été décrit une amélioration de l'HbA1c Il a également été suggéré que l'augmentation
et une diminution du nombre des hypoglycémies de la synthèse des propionates par le microbiote
après l'augmentation des apports en fibres solubles entraînait une diminution de la synthèse du cho-
et insolubles chez des sujets DT2 traités. Les résul- lestérol et des lipoprotéines de très basse densité
tats des études d'intervention sont loin d'être uni- (VLDL).
voques. Dans la plupart des études cliniques seules
la supplémentation en fibres solubles réduit la
glycémie postprandiale ce qui est en contradiction
avec les données épidémiologiques qui mettent en
Comment supplémenter
exergue le rôle des fibres insolubles dans la préven- en fibres?
tion du risque de diabète.
L'augmentation de la teneur en fibres de l'alimen-
Le psyllium (ispaghul), la gomme guar et la
pectine sont les fibres solubles qui ont été les plus tation peut se faire en choisissant des aliments
étudiées. Dans presque tous les cas leur ingestion naturellement riches ou enrichis, voire en supplé-
est associée à une meilleure réponse métabo- mentant l'alimentation par des fibres disponibles
lique postprandiale. Actuellement l'Association dans le commerce. La consommation de céréales
américaine du diabète (ADA) recommande de enrichies en fibres est efficace mais n'assure pas la
consommer 14 g/1 000 kcal/j de fibres ce qui est diversité des sources souhaitable. Il faut veiller à
très supérieur à la consommation habituelle. Bien ce que le son et les fibres utilisés dans les céréales
qu'une alimentation riche en fibres soit palatable du petit déjeuner ou disponibles sous forme de
et coutumière dans de nombreuses régions du tablettes de blé répondent aux conditions de qua-
monde, son acceptation au long cours est assez lité et de sécurité (contaminants, pesticides) et
médiocre dans les pays occidentaux, raison pour de palatabilité qui conditionnent l'acceptabilité
laquelle certains préconisent une supplémentation. par le consommateur. Les β-glucanes d'avoine
ou d'orge sont des fibres solubles dont l'efficacité
Fibres et profil lipidique sur l'écrêtement de la glycémie et sur l'hypercho-
lestérolémie a été démontrée. La pectine est une
Les régimes riches en fibres sont associés à une fibre soluble utilisée comme épaississant (E440)
prévalence plus faible des maladies corona- ou comme traitement de la constipation. À la dose
riennes. Toutefois dans ce type d'alimentation de 10 g administrée pendant le repas elle peut pré-
les apports lipidiques sont également réduits et il tendre réduire le pic de glycémie postprandiale
est difficile de faire la part des choses même si les mais non augmenter l'impression de satiété ou
cholestérolémies totales et LDL sont plus basses. réduire le poids. La gomme guar extraite d'une

106
Chapitre 9. Fibres alimentaires

graine de légumineuse est utilisée soit comme équilibrée « naturellement » riche en fibres est
épaississant soit comme additif (E412) ou comme préférable à un enrichissement en fibres par
traitement du reflux gastro-œsophagien. Elle est supplémentation. L'augmentation de la part
souvent présentée comme un «coupe-faim natu- des légumineuses, des fruits et légumes et la
rel » mais n'a pas d'indication validée. consommation de céréales et de pain peu raffi-
nés permettent de parvenir aux niveaux fixés par
les recommandations formulées par les groupes
Synthèse d'experts. La variété des sources de fibres assure
la diversité de leur nature et permet de composer
Une alimentation comportant un apport élevé un cocktail de fibres solubles et insolubles, caté-
en fibres a des effets favorables sur la santé et sur gories qui présentent toutes les deux un intérêt
le risque cardiométabolique quelles qu'en soient démontré dans la gestion du poids et des métabo-
les explications proposées et quelle que soit la lismes glucosé et lipidique et dans la prévention
nature des fibres. Une alimentation diversifiée et du DT2 et des maladies coronariennes.

107
Micronutriments et CHAPITRE
10
microconstituants
J.-L. Schlienger

PLAN DU CHAPITRE devrait contenir 1/20e des ANC pour chaque micro-
Micronutriments nutritifs 109 nutriment, ce qui correspond à une densité nutri-
Microconstituants non nutritifs 113 tionnelle (exprimée en mg ou en μg pour 100 kcal)
satisfaisante. La diversité alimentaire réalisée par
Ces composés apportés par l'alimentation ont en l'assemblage d'aliments ayant une bonne densité
commun d'être nécessaires en très petites quan- nutritionnelle est la clé de l'alimentation équilibrée
tités, d'être non énergétiques et de ne pas être surtout si les aliments ayant une bonne densité
synthétisables par l'organisme (à l'exception de nutritionnelle du fait de leur haute teneur en micro-
la vitamine D). On distingue d'une part les vita- nutriments ont également une faible densité énergé-
mines, les minéraux et les oligoéléments qui sont tique (kcal/100 g) comme les fruits et légumes. Les
des micronutriments nutritifs indispensables et, aliments de faible densité nutritionnelle sont souvent
d'autre part, les microconstituants des végétaux très énergétiques Ŕ car riches en sucres et en graisses Ŕ
(polyphénols, la plupart des caroténoïdes…) qui et pauvres en micronutriments et inversement.
ne sont pas véritablement des nutriments. Les micronutriments nutritifs regroupent les vita-
mines et les minéraux indispensables parmi lesquels
on distingue les macroéléments (calcium, phos-
Micronutriments nutritifs phore, magnésium, sodium, potassium, chlore) et
les oligoéléments ou éléments trace (zinc, fer, cuivre,
L'insuffisance d'apport par l'alimentation des iode, sélénium, fluor, cobalt, chrome, lithium, etc.).
micronutriments détermine un tableau clinico-
biologique de carence réversible par une supplé- Vitamines
mentation. Les besoins minimaux correspondent
aux apports nécessaires pour éviter la survenue Les vitamines, molécules organiques indispen-
d'un état carentiel. Le niveau des besoins est défini sables à la vie, sont classiquement réparties en
par des méthodes expérimentales. Les apports vitamines hydrosolubles (groupe B, C) et liposo-
nutritionnels conseillés (ANC) sont calculés lubles (A, D, E et K) (tableau 10.1). La couverture
de telle sorte qu'ils assurent la couverture des des besoins est assurée par l'alimentation à l'ex-
besoins de 97,5 % de la population. On distingue ception de la vitamine D dont l'essentiel provient
les sujets carencés dont les apports nutritionnels de la photosynthèse cutanée sous l'influence des
sont inférieurs aux ANC d'un facteur 4, les sujets rayons ultraviolets du rayonnement solaire.
subcarencés ayant un apport insuffisant (apport Le statut vitaminique est globalement satisfaisant
©2018,ElsevierMassonSAS.Tousdroitsréservés

compris entre 1/4 et 1/2 des ANC) et les sujets pour l'ensemble de la population des pays dévelop-
Manueldenutritionpourlepatientdiabétique

ayant des apports suboptimaux (apports compris pés mais il persiste des îlots de subcarence sans
entre l'ANC/2 et l'ANC). Des apports inférieurs expression symptomatique dans des groupes sen-
aux ANC Ŕ même en l'absence de pathologie sibles (enfants, adolescents, femmes enceintes, per-
carentielle Ŕ sont associés à un risque accru de sonnes âgées, malades, pratiques à risque comme
certaines pathologies dégénératives. Il en est ainsi l'alcoolisme, misère sociale) ou en cas de restric-
des micronutriments à effet antioxydant (vita- tion alimentaire, volontaire ou non. Néanmoins,
mines C et E, bêta-carotène, zinc et sélénium). les apports alimentaires seraient insuffisants chez
Il revient à l'alimentation de couvrir les ANC près d'un quart de la population (notamment pour
sans recourir à des supplémentations. Idéalement l'acide folique) et il existerait des critères de défi-
chaque portion de 100 kcal de l'alimentation cience biologique chez 10 % des individus.

109
Partie II. Place des mesures nutritionnelles dans la prévention et le traitement des états diabétiques

Tableau 10.1. Les vitamines liposolubles et hydrosolubles.


Nom chimique Rôle physiologique Pathologie Source ANC adulte
Unité usuelle carentielle alimentaire
Vitamines liposolubles
A Rétinol (UI) Vision et différenciation Héméralopie et Foie, beurre, H : 800 μg
bêta-carotène (μgER) cellulaire xérophtalmie fromage, œufs, F : 600 μg
carottes
D Cholécalciférol D3 Métabolisme Rachitisme et Huile de foie de H : 5 μg
(UI et μg) phosphocalcique ostéomalacie morue, poissons F : 5 μg
gras, œufs,
lait enrichi en
vitamine D
E α-tocophérols Oxydoréduction Huile de H : 12 mg
(UI et mg) tournesol, F : 12 mg
margarine
(beurre, œufs),
fruits et légumes
K Phylloquinone K1 Coagulation Hémorragie Chou, chou-fleur, H : 45 μg
(μg) brocoli, laitue, F : 45 μg
cresson, épinards,
huiles de colza et
de soja
Vitamines hydrosolubles
B1 Thiamine (mg) Coenzymes du Béribéri Viande, poisson, H : 1,3 mg
métabolisme des œuf, produits F : 1,1 mg
glucides, lipides et laitiers, céréales
protides
B2 Riboflavine (mg) Idem Idem H : 1,6 mg
F : 1,5 mg
PP ou B3 Acide nicotinique ou Idem Pellagre Idem H : 14 mg
niacine (mg) F : 11 mg
B5 Acide panthoténique Idem Idem H : 5 mg
(mg) F : 5 mg
B6 Pyridoxine (mg) Idem Viande, produits H : 1,8 μg
laitiers, céréales F : 1,5 μg
B8 Biotine (μg) Idem Idem, œufs H : 50 μg
F : 50 μg
B9 Acide folique Organogenèse Anémie Œuf, céréales, H : 330 μg
Hématopoïèse mégaloblastique fruits et légumes F : 300 μg
B12 Cobalamine (μg) Hématopoïèse Anémie Viande, poisson, H : 2,4 μg
Croissance mégaloblastique produits laitiers F : 2,4 μg
Sclérose
Protection nerveuse
combinée moelle
C Acide ascorbique (mg) Oxydoréduction Scorbut Fruits et légumes H : 110 mg
F : 110 mg
H : homme; F : femme.
D'après: Anses. Les apports nutritionnels conseilés pour la population adulte: tables récapitulatives. 2012.

110
Chapitre 10. Micronutriments et microconstituants

Vitamines liposolubles A, D, E Supplémentation vitaminique


et K et santé cardiométabolique
Elles ont pour caractéristiques d'être absorbées Poser le problème de l'adéquation de l'alimentation
avec les graisses alimentaires et d'être mises en aux besoins revient à s'interroger sur l'opportunité
réserve dans le foie et le tissu adipeux lorsque les et le bénéfice d'une supplémentation vitaminique
apports sont suffisants. Les manifestations caren- spécifique ou combinée sachant qu'une frange
tielles sont donc différées et tardives. de la population dispose d'apports excédentaires.
• La vitamine A est antioxydante et joue un rôle L'argumentation du bénéfice d'une complémen-
régulateur dans la différenciation cellulaire. tation vitaminique repose sur des données expé-
Sa carence se traduit par des atteintes ophtal- rimentales in vitro ou in vivo et sur des données
mologiques (héméralopie, xérophtalmie, voire observationnelles. Toutefois la démonstration
même cécité). formelle d'un bénéfice chez des sujets en bonne
• La vitamine D joue un rôle majeur dans le santé est une gageure en l'absence de marqueurs
métabolisme phosphocalcique et la miné- biologiques indiscutables.
ralisation osseuse. Sa carence par défaut
d'ensoleillement (anhélie) et par défaut de Vitamines liposolubles
métabolisation (transformation de la pro-
hormone en composé actif par une double Vitamine A et caroténoïdes
hydroxylation hépatique et rénale) s'accom- Des études épidémiologiques ont suggéré que les
pagne d'hypocalcémie et d'atteintes osseuses sujets qui consommaient des légumes et fruits
(rachitisme, ostéomalacie). riches en bêta-carotène avaient un risque dimi-
• La vitamine E possède des propriétés nué de développer une maladie cardiovasculaire
antioxydantes. ou certains types de cancer. Malheureusement ces
• La vitamine K joue un rôle important dans la données prometteuses ont été infirmées par les
régulation de la coagulation. Son déficit est études prospectives d'intervention utilisant des
dû à une malabsorption des graisses ou est, doses pharmacologiques. Bien que la vitamine A
plus souvent, secondaire à un traitement anti- et le β-carotène aient d'indiscutables propriétés
coagulant. antioxydantes et antiathérogènes, leur supplémen-
tation ne semble pas avoir d'effet préventif et pour-
rait même faciliter l'apparition de certains cancers
Vitamines hydrosolubles chez les sujets n'ayant pas de carence.
Les vitamines hydrosolubles sont des coen-
Vitamine D
zymes intervenant dans les métabolismes des
glucides, lipides et protéines. Il n'existe pas de Sur la foi de quelques études épidémiologiques et
pathologie de surcharge, l'excédent étant éli- parce que la vitamine D participe à la régulation de
miné dans les urines. La vitamine B12 qui ne l'expression de plus de 500 gènes, sont nées des hypo-
se trouve que dans le règne animal a la particu- thèses impliquant la vitamine D dans la physiopa-
larité d'être stockée dans le foie ce qui fait que thologie de maladies telles que l'obésité, le diabète ou
sa carence ne se manifeste qu'après plusieurs les maladies cardiovasculaires. Les études de supplé-
mois lorsque les réserves hépatiques sont épui- mentation ont globalement infirmé ces allégations.
sées. La vitamine B9 ou acide folique participe à
Vitamine D et obésité
l'organogenèse. Un apport insuffisant au cours
du premier trimestre de la grossesse, ce qui est Les supplémentations en vitamine D entreprises
fréquent, est associé à une augmentation signi- dans l'obésité au prétexte que la vitamine D était
ficative du risque d'anomalie de fermeture du piégée dans le tissu adipeux, n'ont eu aucun effet
tube neural (spina bifida). Il est recommandé de sur le poids.
proposer une supplémentation systématique en Vitamine D et diabète
acide folique (400 à 800 μg/j) à la phase précon-
ceptionnelle et durant le premier trimestre de C'est le potentiel immunomodulateur de la vita-
la grossesse. mine D présumé empêcher ou freiner l'évolution

111
Partie II. Place des mesures nutritionnelles dans la prévention et le traitement des états diabétiques

du processus auto-immun qui a justifié les études bien que des arguments expérimentaux plaident
de supplémentation en vitamine D et les études en faveur d'un impact des vitamines B et de la vita-
cas-témoins dans le diabète de type 1, affection mine C sur le métabolisme glucidique.
dans la physiopathologie de laquelle l'auto-immu-
nité joue un rôle majeur. Dans quelques études, Obésité
la supplémentation vitaminique semble associée à Une diminution des taux plasmatiques de thiamine
une réduction du risque de développer un diabète (vitamine B1) et une baisse de la folatémie contras-
de type 1. Dans le diabète de type 2, aucune étude tant avec une augmentation des folates intracellu-
ne permet à ce jour de conclure à un effet béné- laires ont été rapportées dans l'obésité mais il n'y
fique d'une supplémentation en vitamine D. a pas eu d'études randomisées de supplémentaion.
Vitamine D et maladies cardiovasculaires En revanche, le problème de la supplémentation en
vitamines B se pose avec acuité au décours de la
Les études observationnelles ont décrit une chirurgie bariatrique. Dans ce contexte un déficit
association entre une carence en vitamine D et en vitamine B1 quoique rare peut être potentielle-
l'augmentation du risque cardiovasculaire. En ment grave et induire des troubles neurologiques
revanche, toutes les études interventionnelles se irréversibles à type de polyneuropathie ou même
sont avérées négatives. d'encéphalopathie de Gayet-Wernicke. Les déficits
Vitamine D et syndrome plurimétabolique
en folates et surtout en vitamine B12 peuvent égale-
ment se manifester par des complications neuro-
Des études observationnelles ont suggéré l'exis- logiques et par une anémie macrocytaire. Il est
tence d'une relation inverse avec les taux circu- essentiel de prévenir l'apparition d'authentiques
lants de vitamine D. Aucune étude d'intervention carences par une supplémentation systématique
randomisée ne vient appuyer la réalité de cette au long cours adaptée au type de geste chirurgical.
relation.
À ce jour, il n'existe pas de preuve établissant Diabète
l'intérêt d'une supplémentations en vitamine D Les vitamines hydrosolubles interviennent dans
dans la prévention ou le traitement des maladies la régulation du métabolisme des nutriments
cardiométaboliques. À titre curatif, la vitamine D énergétiques mais le statut des vitamines hydro-
ne favorise pas la perte de poids, ne prévient ni solubles paraît globalement préservé au cours du
le diabète ni sa guérison et n'a pas d'effet sur la diabète en dehors des épisodes de décompen-
régression du syndrome plurimétabolique. sation métabolique aigus. Les essais de supplé-
Vitamine E mentation polyvitaminique n'ont pas permis de
conclure à un effet sur la prévention du DT2 ni
Mise en exergue pour ses propriétés antioxydantes sur l'apparition ou l'évolution de ses complica-
remarquables, la vitamine E (α-tocophérol) connu tions. Toutefois, des études récentes ont souligné
un véritable engouement après la mise en évidence le risque de diminution de l'absorption des folates
d'une corrélation inverse entre les taux plasma- et de la vitamine B12 secondaire à un traitement
tiques de vitamine E et la mortalité par cardio- par metformine, ouvrant peut-être un domaine
pathie ischémique. Le mécanisme avancé était la de supplémentation qui reste à valider.
moindre oxydation des LDL, condition nécessaire
pour qu'elles deviennent athérogènes. Les études Maladies cardiovasculaires
d'intervention par supplémentation en vitamine E
La supplémentation en micronutriments a pour
se sont toutes avérées négatives. Non seulement la
objectif principal de lutter contre le stress oxydant
supplémentation de la vitamine E n'a pas d'effets
pourralentirouinhiberleprocessusathéromateux.
bénéfiques démontrés mais elle pourrait même se
La vitamine C est la seule vitamine hydrosoluble
révéler délétère à dose pharmacologique.
à pouvoir prétendre avoir un effet antioxydant.
Une méta-analyse a suggéré l'existence d'une
Vitamines hydrosolubles relation inverse entre les apports alimentaires en
La supplémentation par des vitamines hydrosolubles vitamine C, les taux circulants de vitamine C et le
a été peu explorée dans les maladies métaboliques risque d'accident cardio-cérébro-vasculaire.

112
Chapitre 10. Micronutriments et microconstituants

L'hyperhomocystéinémie dont le métabolisme Polyphénols


dépend d'enzymes ayant pour cofacteurs les
Ces molécules qui ont en commun de posséder
vitamines B6, B12 et surtout B9 (fig. 10.1) a été
associée à un risque accru d'accidents thrombo- plusieurs groupements phénols jouent un rôle
tiques artériels et veineux. L'administration de dans la défense des plantes. Elles sont regrou-
800 μg d'acide folique réduit les taux circulants pées en plusieurs familles : flavonoïdes (flavones,
d'homocystéine de 25 % ; la coadministration de flavonols, flavanones, isoflavones, catéchines,
vitamine B12 permet d'obtenir une diminution anthocyanes) ; non-flavonoïdes ; tanins ; stilbènes
supplémentaire de 7 %. Les liens entre les apports et lignanes (qui sont assimilées aux fibres alimen-
en vitamines B et l'incidence des maladies cardio- taires). Les polyphénols sont particulièrement
vasculaires n'ont pas été confirmés par les études présents dans les huiles non raffinées comme
d'intervention. Tout au plus a-t-il été noté un pro- l'huile d'olive vierge, le cacao, le thé, le café, le
bable effet bénéfique sur l'incidence des accidents soja, les fruits et légumes et le vin. La diversité des
vasculaires cérébraux. compositions et des sources est de ce fait consi-
dérable. Les pommes et les pommes de terre sont
les aliments qui apportent le plus de polyphénols

Microconstituants non nutritifs


dans l'alimentation des Français.
Les effets sur la santé des polyphénols sont
dominés par leur pouvoir antioxydant ce qui
Les microconstituants sont d'origine végétale leur confère, en théorie du moins, un rôle dans la
hormis quelques exceptions comme la bétaïne ou prévention des maladies où le stress oxydant est
la choline. Ils n'ont pas de rôle nutritionnel défini considéré comme un facteur physiopathologique :
et sont interchangeables. On admet que leur pré- maladies cardiovasculaires, diabète et ses compli-
sence dans les aliments est globalement favorable. cations, cancers et maladies neurodégénératives.
Parmi les milliers de molécules répondant à cette On leur prête un effet antiathéromateux en agis-
définition, certaines méritent une attention parti- sant sur les gènes promoteurs et un rôle vasopro-
culière en raison de leurs effets sur la santé. tecteur par l'intermédiaire de l'augmentation de la

Protéines
Acide folique,
Vitamine B12

MTHFR
Méth Synthèse
CH3 de myéline
Transfert de

méthyl

CH3 Hcyst

Transsulfuration

CBS Vitamine B6
X3
Toxicité vasculaire
neurologique
Cystéine

Figure 10.1. Métabolisme de la l'homocystéine (Hcyst) et de la méthionine (Méth).

113
Partie II. Place des mesures nutritionnelles dans la prévention et le traitement des états diabétiques

synthèse du monoxyde d'azote (NO) qui a des pro- Lignanes


priétés vasodilatatrices, anti-pro-inflammatoire Ce sont des composés phénoliques des plantes
et antiprothrombotique. souvent considérés comme des fibres insolubles.
Ils sont présents dans les céréales complètes, les
Caroténoïdes graines oléagineuses (lin et sésame), certains
fruits et légumes (asperge, raisin, agrumes).
Ce sont des pigments naturels d'origine végétale
Leurs effets sur la santé tiennent à leurs pro-
également présents dans quelques produits ani-
priétés antioxydantes et œstrogénique-like. Un
maux (beurre, œuf) qui ont des propriétés antioxy-
possible bénéfice sur le risque cardiovasculaire
dantes et qui se comportent comme des piégeurs
a été suggéré par des études épidémiologiques.
d'oxygène singulet. Les composés circulants
Des études d'intervention ont montré une
majeurs sont l'α-carotène, le β-carotène, le lycopène,
réduction des marqueurs de l'inflammation de
la β-crytoxanthine, la lutéine et la zéaxanthine. Le
bas grade.
β-carotène, l'α-carotène et la β-cryptoxanthine
sont des précurseurs de la vitamine A.
Les effets sur la santé des caroténoïdes sont domi- Phytostérols et leurs dérivés
nés par leur capacité antioxydante. À ce titre ils les phytostanols
sont impliqués dans la prévention des pathologies Ils ont une structure proche de celle du choles-
chroniques et dégénératives comme les maladies térol dont ils sont le similaire végétal. Ils sont
cardiovasculaires, le diabète et ses complications, présents dans les noix, les graines oléagineuses,
le cancer, etc. avec une mention particulière pour le beurre de cacao, les légumineuses, les céréales
la dégénérescence maculaire liée à l'âge (DMLA) (germe de blé), le maïs et les huiles non raffi-
où la zéaxanthine et la lutéine auraient trouvé un nées. L'action combinée des stérols végétaux
emploi thérapeutique suite à la mise en évidence sur l'absorption du cholestérol avec laquelle ils
d'une relation inverse entre les apports en lutéine et sont en compétition et sur la réduction de l'acti-
zéaxanthine et la prévalence de la DMLA. Dans le vité de l'enzyme qui estérifie le cholestérol dans
domaine du cancer, les études d'intervention se sont l'entérocyte, aboutit à une diminution de la cho-
avérées décevantes et même contre-productives. lestérolémie. De fait, les phytostérols exercent
à doses nutritionnelles un effet hypocholesté-
Autres microconstituants rolémiant dose-dépendant avec une baisse du
LDL-cholestérol pouvant atteindre 11 % pour
De très nombreuses molécules non nutritives pré-
des apports élevés de plus de 2 g/j, dose non
sentes dans les aliments semblent jouer un rôle nutritionnelle qui ne peut être atteinte par la
significatif. consommation d'aliments enrichis (yaourt,
margarine et huiles… disponibles dans le com-
Phyto-œstrogènes
merce). Il persiste un doute quant à l'intérêt sur
Ce sont principalement des isoflavones qui le risque cardiovasculaire de cette diminution en
peuvent se lier aux récepteurs des œstrogènes (le raison de l'existence d'une relation positive entre
soja en est particulièrement riche) et qui semblent les concentrations plasmatiques de phytostérols
avoir un effet favorable sur la dysfonction endo- et le risque d'événements coronariens dans des
théliale. Leurs effets métaboliques sur le poids, le populations non supplémentées. Il n'y a pas à ce
syndrome métabolique, le métabolisme lipidique jour de bénéfice cardiovasculaire démontré pour
ne sont pas formellement établis. une supplémentation en phytostérols.

114
Stress oxydant CHAPITRE
11
et alimentation
J.-L. Schlienger

PLAN DU CHAPITRE positive entre les différentes défenses antioxy-


Défense antiradicalaire 115 dantes, puisque le zinc ou la vitamine C contri-
Stress oxydant 115 buent à l'efficacité des enzymes antiradicalaires.
Rôle crucial de l'alimentation 115
Stress oxydant et diabète 116

Stress oxydant
Le métabolisme aérobie produit des espèces réac-
tives de l'oxygène (ERO) ou radicaux libres (RL) Le stress oxydant (SO) est la conséquence d'un désé-
à l'origine d'altérations oxydatives des biomolé- quilibre entre la production de RL et les capacités
cules. Les ERO regroupent des radicaux libres antioxydantes cellulaires. La production excessive
oxygénés porteurs d'un électron célibataire très ou la non-neutralisation des RL entraînent une alté-
réactif (superoxyde, hydroxyle, oxygène singu- ration des macromolécules et accélèrent le vieillisse-
let) et des espèces oxydantes non radicalaires ment cellulaire. Le SO favorise la fragmentation de
toxiques (peroxyde d'hydrogène, acide hypo- l'ADN, la peroxydation lipidique ou la carbonylation
chloreux, peroxynitrite). La production des RL des protéines. Un système de réparation enzyma-
se fait au sein de la cellule par divers mécanismes tique est prévu pour limiter la peroxydation lipidique
mais le site principal est la chaîne respiratoire membranaire ou l'altération des bases nucléiques.
mitochondriale où environ 2 % de l'oxygène est Le SO favorise également la formation des produits
transformé en radicaux superoxydes. Du fait de avancés de la glycosylation (AGE). Il en résulte une
leur instabilité ces molécules tendent à réagir par augmentation de ces composés dans les protéines à
une réaction d'oxydation ou de peroxydation avec longue durée de vie, comme le collagène ou la lami-
de nombreux composés dont les macromolécules nine. La liaison des AGE à leurs récepteurs entraîne
situées à proximité de leur site de génération. l'activation de la MAP-kinase (mitogen-activated pro-
tein kinase) et des facteurs de transcription sensibles
à l'équilibre oxydant/antioxydant, tels que le NFκB
(nuclear factor κB) qui stimule en retour la produc-
Défense antiradicalaire tion d'ERO. La peroxydation lipidique dépend étroi-
tement du statut oxydant et conduit à de nombreuses
La ligne de défense antiradicalaire est constituée altérations structurelles ou fonctionnelles notam-
d'antioxydants soit enzymatiques (superoxyde ment au niveau des membranes cellulaires.
dismutase zinc dépendante, glutathion-peroxy- Si l'excès de RL détermine un SO il n'en reste pas
©2018,ElsevierMassonSAS.Tousdroitsréservés

dase sélénodépendante, glutathion S-transférase, moins que les RL sont également des molécules
Manueldenutritionpourlepatientdiabétique

catalase) soit non enzymatiques endogènes qui indispensables à de nombreuses réactions biolo-
agissent en piégeant les radicaux libres (gluta- giques. Ce qui fait que l'excès de neutralisation est
thion, acide urique, nicotinamide NADPH, albu- aussi délétère que l'excès de production. La modu-
mine et bilirubine). À ces antioxydants s'ajoutent lation de ces deux phénomènes est fondamentale
des molécules réductrices exogènes apportées pour désamorcer le rôle pathogène des RL.
par l'alimentation (vitamine E, alpha-tocophérol,
vitamine C ou acide ascorbique, caroténoïdes,
polyphénols, sélénium et zinc). Ce système de Rôle crucial de l'alimentation
défense permet à l'organisme de maintenir les
ERO à une concentration acceptable et de retarder L'alimentation est au premier plan des multiples
l'oxydation d'un substrat. Il existe une interaction facteurs aboutissant à un excès de production

115
Partie II. Place des mesures nutritionnelles dans la prévention et le traitement des états diabétiques

d'ERO du fait soit d'un excès d'apport énergé- et l'excès d'apport en glucides contribuent à la
tique, soit d'une carence en micronutriments production de radicaux libres et au stress oxydant.
impliqués dans le système antiradiculaire Une alimentation optimale devrait posséder
(tableaux 11.1 et 11.2). un fort pouvoir oxydant favorisé par une densité
Tout apport énergétique excédentaire qui n'est énergétique basse et une densité nutritionnelle
pas stocké dans le tissu adipeux est oxydé au élevée avec, entre autres, un apport important en
niveau mitochondrial et produit des RL. Tous les micronutriments par les fruits et légumes.
macronutriments en excès activent la production
de RL. Parmi ceux-ci les acides gras saturés ont
un rôle particulièrement délétère contrairement Stress oxydant et diabète
aux AG monoinsaturés et polyinsaturés qui ont un
effet plutôt neutre. Les relations entre le SO et le diabète sont étayées
Les glucides à index glycémique élevé dont l'ab- par des expériences ex vivo et in vivo (fig. 11.1).
sorption induit une hyperglycémie postprandiale Les RL participent à la transduction du signal de

Tableau 11.1. Facteurs favorisant la production de radicaux libres et d'ERO.

Mode de vie Environnement Mécanismes biochimiques


Tabagisme Pollution Xanthine oxydase
Faible consommation en fruits Ozone (ischémie-reperfusion)
et légumes Amiante Inflammation
Alcool Radiations Altération de la fonction endothéliale
Médicaments Contacts avec des substances Surcharge en fer
Pilule contraceptive cancérogènes Oxydation de l'hémoglobine
Exposition au soleil Altérations mitochondriales
Exercice intense ou mal géré Biosynthèse des prostaglandines
Interventions chirurgicales
(circulation extracorporelle,
transplantations)

Tableau 11.2. Le stress oxydant provient d'un déséquilibre de la balance entre les mécanismes
et substrats antioxydants et pro-oxydants.

Antioxydants Pro-oxydants
endogènes exogènes endogènes exogènes
Enzymes : Vitamines : Métabolisme UV, radiations
Ŕ SOD ŔC énergétique Pollution
Ŕ GP ŔE Tabagisme
Ŕ catalase Ŕ caroténoïdes Alcool
Ŕ peroxirédoxine
Protéines du choc Polyphénols, flavonoïdes Inflammation Alimentation hyperénergétique
thermique ou hyperlipidique
Glycosylates d'ADN Oligoélements : Hyperglycémie
Ŕ zinc,
Ŕ sélénium
SOD : superoxyde dismutase; GP : glutathion peroxydase.

116
Chapitre 11. Stress oxydant et alimentation

Excès d’apport complications vasculaires spécifiques du diabète


en sucre et en graisses est probable sans être formellement établie. Le SO
AGL contribue à moduler la sécrétion et l'action péri-
phérique de l'insuline et possède un effet athéro-
gène lié à l'oxydation des LDL.
Production de Gycation protéque Voie des polyols La supplémentation en micronutriments a-t-elle
RL et d’ERO AGE l glutathion réduit un intérêt ?
Au total, le SO est l'un des facteurs qui modulent
la sécrétion et l'action périphérique de l'insuline.
Il possède de plus un pouvoir athérogène dû
Stress oxydant
principalement à l'oxydation des LDL. C'est sur
Figure 11.1. Déterminants du stress oxydant cette base qu'a été proposée une supplémentation
dans le diabète de type 2 ou le syndrome micronutritionnelle antioxydante dans le diabète.
métabolique. Les études chez l'homme sont encore peu
nombreuses et leurs résultats sont hétérogènes.
l'insuline. En excès, ils perturbent cette signalisa- Quelques supplémentations par des vitamines
tion avec une diminution de la sécrétion d'insu- antioxydantes ou par des cocktails antioxydants
line. Par ailleurs, ils modifient l'expression des semblent en faveur d'une amélioration de l'insuli-
transporteurs du glucose GLUT1 et GLUT4 dans norésistance induite par une alimentation hyper-
le muscle et le tissu adipeux ce qui se traduit par énergétique. À ce jour, il n'existe pas de niveau de
une insulinorésistance. Au niveau pancréatique les preuve suffisant pour envisager la prescription
RL altèrent la fonction des cellules bêta-insulaires. d'antioxydants en cas d'anomalie de la régula-
Les RL ont également des effets délétères au niveau tion glucosée ou de diabète. La reproduction de
vasculaire en inactivant le monoxyde d'azote (NO) la combinaison des antioxydants et des autres
en peroxyde nitrite qui altère l'endothélium vas- microconstituants et micronutriments présents
culaire et en accélérant l'oxydation des lipopro- dans l'alimentation serait certainement la for-
téines de basse densité (LDL) qui deviennent de mule de supplémentation idéale mais elle encore
ce fait plus athérogènes. Le SO est retrouvé dans inaccessible. Il faut donc se contenter d'associer
toutes les formes d'insulinorésistance. De surcroît, quelques antioxydants vitaminiques ou non vita-
l'hyperglycémie induit par elle-même une pro- miniques pour agir sur le SO en se privant de
duction accrue de RL. Toutes les situations com- l'effet « matrice alimentaire ». Il n'y a pas à ce jour
portant une anomalie du métabolisme glucidique d'indication validée de cocktail d'antioxydants
ont en commun une diminution de l'activité de dans le diabète.
la superoxyde dismutase et des taux de vitamines Le stress oxydant est un concept en pleine évo-
antioxydantes ainsi qu'une augmentation des mar- lution. Il s'agit d'un mécanisme et non d'une mala-
queurs de peroxydation. Le contrôle de la glycémie die qui intervient dans la physiopathologie de
postprandiale est associé à une amélioration des nombreuses affections y compris le diabète. Il est
marqueurs du SO ce qui démontre bien l'impact possible d'agir par voie nutritionnelle et pharma-
de l'hyperglycémie sur la production de RL. cologique sur le SO. La formule idéale d'antioxy-
L'ensemble de ces effets suggère que les RL dants à donner en supplémentation pour prévenir
jouent un rôle notable dans le développement du ou améliorer le DT2 serait, certainement, celle qui
diabète de type 1 et de type 2. S'il est acquis que le se rapproche le plus de la combinaison contenue
SO est augmenté au cours du diabète et des états dans une alimentation à densité énergétique basse
d'insulinorésistance, sa participation directe aux et riche en fruits et légumes.

117
Aliments et diabète : CHAPITRE
12
quels enjeux ?
J.-L. Schlienger

PLAN DU CHAPITRE et des comportements ainsi qu'en témoigne


Alimentation et risque de diabète 119 l'inégalité du risque de survenue du diabète
Facteurs alimentaires protecteurs 122 dans les populations. Pour prévenir ou contenir
Rôle du style alimentaire dans la protection 123 l'épidémie de diabète il est nécessaire d'identi-
La part des nutriments et des aliments dans la prévention fier les facteurs de risque modifiables impliqués
cardiométabolique 124
dans la physiopathologie du DT2 dont les piliers
Conclusion 129
sont l'insulinopénie et l'insulinorésistance. Il y a
peu à espérer du côté de l'insulinopénie qui est
L'alimentation d'un sujet diabétique doit être en favorisée par l'âge, les maladies du pancréas et,
accord avec les grands principes de l'équilibre surtout, la génétique. En revanche, l'insulinoré-
alimentaire tout en participant à l'équilibre glycé- sistance est un facteur modifiable par des actions
mique, au contrôle du poids et à la prévention des portant sur le mode de vie.
complications chroniques au premier rang des-
quelles figurent les maladies cardiovasculaires.
Idéalement, elle doit avoir une faible charge gly-
Une balance énergétique
cémique pour éviter les variations glycémiques, excédentaire : un facteur de risque
être antioxydante et anti-inflammatoire comme du diabète de type 2 bien établi
dans toutes les maladies chroniques mais aussi Deux facteurs de risque du DT2 de plus en plus
antiathérogène et antithrombosante pour limiter
fréquents dans les sociétés occidentales sont
le risque de cardiopathie ischémique. Des études
associés au DT2 par une relation causale avec un
descriptives et prospectives ont permis d'identi-
niveau de preuve élevé comme l'ont démontré plu-
fier des aliments possédant en tout ou partie de
sieurs études d'intervention :
telles propriétés. Bien qu'il n'y ait guère d'études
• le surpoids ou l'obésité viscérale, la prise de
d'intervention pour établir des relations causales,
poids ou l'augmentation du tour de taille sont
il apparaît néanmoins logique de composer un
fortement associés au DT2 et sont aujourd'hui
régime alimentaire privilégiant ce type d'aliments
la cible de programmes de santé publique ;
aux dépens d'autres qui sont associés au risque de
• la sédentarité accroît indirectement le risque
diabète et de complications chroniques.
de DT2 par un effet négatif sur la balance éner-
gétique. L'activité physique a un effet préventif
Alimentation et risque imputé à une augmentation de la sensibilité à
l'insuline et à la stimulation de l'utilisation
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de diabète musculaire du glucose.


Manueldenutritionpourlepatientdiabétique

Une balance énergétique positive par excès


L'augmentation extraordinaire de l'incidence d'apport et/ou par une activité physique insuffi-
du diabète de type 2 (DT2) dans les pays déve- sante est à considérer comme un facteur de risque
loppés ou en phase de transition économique composite par des effets directs ou indirects modi-
interpelle quant aux facteurs responsables. La fiable en agissant sur le comportement alimentaire
part de la génétique ou de l'épigénétique n'est et le mode de vie. La balance énergétique positive
certainement pas négligeable mais l'expression est à l'origine d'une accumulation de lipides res-
phénotypique est manifestement la conséquence ponsable d'une résistance à l'insuline lorsque
d'une interaction entre la susceptibilité géné- les lipides se déposent dans le foie et les viscères.
tique et les modifications de l'environnement Il en résulte une dérégulation du métabolisme

119
Partie II. Place des mesures nutritionnelles dans la prévention et le traitement des états diabétiques

glucido-lipidique. Ces altérations peuvent être pré- Apport glucidique


venues par une négativation de la balance énergé- D'un point de vue quantitatif, les glucides parti-
tique, par une diminution des apports caloriques cipent au risque de DT2 en positivant la balance
et par une augmentation des dépenses liées à l'acti- énergétique. Ils participent également à ce risque
vité physique. Cette conception a été à l'origine de d'un point de vue qualitatif. Des apports impor-
plusieurs études de prévention du DT2 dans des tants de saccharose induisent un stockage lipi-
populations à risque associant un programme dique musculaire et hépatique accru qui entraîne
d'activité physique et des conseils nutritionnels. une lipotoxicité ainsi qu'une prise pondérale,
Ces derniers avaient pour but de réduire les ali- mécanismes qui conduisent tous deux à une
ments les plus caloriques sans imposer d'interdits diminution de la sensibilité à l'insuline. Il en est
mais en ciblant les aliments considérés à risque de même pour le fructose à dose élevée (> 50 g/j).
tels que les aliments riches en acides gras satu- L'association entre consommation de boissons
rés, les aliments transformés et les boissons calo- sucrées et risque de DT2 décrit dans une étude
riques. Trois études randomisées remarquables prospective (Nurses' Health Study) s'est avérée sta-
ont démontré le bien-fondé de cette approche et la tistiquement significative après ajustement et a été
faisabilité de la prévention du DT2 chez des sujets attribuée à la forte teneur en fructose de ce type
présentant une intolérance aux hydrates de car- de boissons.
bone : l'étude chinoise Da Quing, l'étude finlan- En marge de l'effet des glucides, il est intéres-
daise DPS (Diabetes Prevention Study) et l'étude sant de mentionner le doute concernant l'utilisa-
américaine DPP (Diabetes Prevention Program). tion des édulcorants. Dans une étude de cohorte
Les résultats de ces trois études étaient concor- les consommatrices d'une quantité modérée de
dants. C'est la perte de poids (la cible d'une perte boissons édulcorées présentaient un risque accru
de 5 à 7 % du poids initial ayant été atteinte dans la de développer un diabète, par rapport aux non
moitié des cas) qui paraît déterminante, les modi- consommatrices. Ces résultats ont été retrouvés
fications des habitudes alimentaires et d'activité dans une étude israélienne. Il a été suggéré que
physique déclarées étant sans effet si le poids était les édulcorants modifiaient le microbiote intes-
inchangé… tinal et provoquaient une mauvaise utilisation
La poursuite de l'étude DPP en ouvert (DPP du glucose par l'organisme par des mécanismes
Outcome Study) pendant 12 ans supplémentaires qui restent à élucider. Une autre hypothèse pos-
après une première période de 4 ans a montré tule que les édulcorants intenses perturberaient
la persistance du bénéfice de la modification du la régulation glycémique centrale par une action
mode de vie bien que la différence tende à s'ame- sur les récepteurs du goût situés dans le tractus
nuiser au fil du temps probablement du fait d'une intestinal et dans l'hypothalamus.
diminution de l'observance. Quoi qu'il en soit
l'intervention sur le style de vie avec des modi- Apport lipidique
fications notables des habitudes alimentaires a
L'existence d'une relation directe entre la consom-
entraîné une réduction de l'incidence cumulée du
diabète de 34 % en 10 ans. La nutrition a donc bien mation d'aliments gras et le risque de DT2 est
une place de choix dans la prévention du DT2 qui controversée. Dans certaines études de cohorte,
est peut-être considéré comme une maladie nutri- il n'existe aucun lien entre la consommation
tionnelle partiellement évitable. lipidique et l'incidence ou la prévalence du DT2
après un ajustement pour exclure l'interaction
de l'impact sur la corpulence. Dans d'autres
Pratiques alimentaires études une augmentation linéaire du risque de
et aliments associés à un risque DT2 avec la consommation d'aliments frits a été
accru de diabète décrite. Dernière en date, la cohorte prospective
PREDIMED a confirmé qu'une consommation
Nutriments élevée de graisses saturées d'origine animale
Les études observationnelles ont suggéré que la augmentait le risque de DT2. Dans le quartile
consommation d'aliments gras ou riches en sucre supérieur de consommation le risque de DT2
augmente le risque de développer un DT2. était plus de 2 fois supérieur par rapport au

120
Chapitre 12. Aliments et diabète : quels enjeux ?

quartile inférieur. Des travaux expérimentaux controversée. L'association entre la consomma-


suggèrent que la nature des acides gras est à tion de boissons édulcorées et le risque de diabète
prendre en compte. Les acides gras saturés pour- gestationnel ou de prématurité a également été
raient favoriser l'insulinorésistance par le biais décrite sans qu'il soit possible d'affirmer un lien
d'une stimulation de la production de cytokines de causalité. À ce jour, il n'existe pas d'argument
pro-inflammatoires en interférant avec la voie de permettant d'affirmer que la consommation de
signalisation de l'insuline. Les acides gras polyin- boissons édulcorées altère l'équilibre glycémique
saturés oméga 6 consommés majoritairement dans le diabète traité.
dans les pays développés (huiles de tournesol et
de maïs) sont les acides gras les plus efficaces pour Style alimentaire
stimuler la différenciation de nouvelles cellules
Le rôle délétère du modèle alimentaire occidental
adipocytaires à partir des cellules précurseurs et
s'opposent en cela aux acides gras oméga 3. Par de type «western » ou «cafétéria », riche en calo-
ailleurs, un excès d'apport en acides gras a un effet ries d'origine glucido-lipidique et pauvre en fibres
délétère sur la fonction β-pancréatique. alimentaires et en végétaux ainsi que la sédenta-
rité ont été dénoncés d'emblée. D'autres caracté-
ristiques de l'alimentation pourraient avoir des
Aliments et ingrédients conséquences sur le risque de diabète.
possiblement à risque L'impact de la charge acide alimentaire sur
Viande et charcuterie la santé est encore imparfaitement connu bien
qu'elle soit probablement associée au risque car-
Une association entre la consommation de viande diovasculaire et aux ostéopathies ostéopéniantes.
rouge ou de charcuterie et le risque de DT2 a été Le déséquilibre du rapport acidité/alcalinité dû à
rapportée chez les gros consommateurs. Cette un excès de consommation de protéines animales
association est atténuée après ajustement sur et à un apport insuffisant en fruits et légumes
l'index glycémique des aliments et sur la teneur en pourrait favoriser la survenue du DT2 comme
fibres des céréales. C'est donc davantage le style ali- l'ont suggéré plusieurs études transversales
mentaire des mangeurs de viande et de charcuterie confortées par la constatation que l'incidence
qui est en cause que ces aliments eux-mêmes qui de l'intolérance au glucose et du DT2 était plus
sont les marqueurs d'une alimentation à forte den- élevée chez les sujets ayant un pH urinaire bas.
sité énergétique et à faible densité nutritionnelle. Dans une étude de cohorte féminine européenne
Lait récente (E3N-EPIC), l'alimentation ayant une
charge acide importante à l'instar du régime
Contrairement au DT2 la consommation de lait a occidental était associée à un risque plus grand
été associée à une augmentation de la prévalence de cas de diabète incident indépendamment
du DT1, notamment dans les pays nordiques. Les des autres facteurs de risque connus. Dans cette
enfants nourris au sein présenteraient moins de cohorte, les 25 % des femmes (quartile supérieur)
DT1 que ceux nourris par du lait maternisé et du qui avaient le régime le plus acidifiant avaient
lait de vache. Le mécanisme encore discuté (tout un risque de développer un DT2 accru de 56 %
comme la relation entre le lait et le DT1 d'ailleurs) par rapport au quartile ayant l'alimentation la
fait intervenir une altération du système immuni- plus alcalinisante. Ce risque augmentait de 96 %
taire intestinal et une hyperperméabilité intesti- chez les femmes de corpulence normale alors que
nale à certaines protéines du lait de vache comme la hausse n'atteignait que 28 % chez les femmes
la béta-caséomorphine 7 qui semble à même de obèses ou en surpoids. Ainsi, chez les femmes
diminuer la tolérance immunitaire et de favoriser déjà à risque, l'effet de l'alimentation serait
les maladies auto-immunes. moindre. Une charge acide élevée correspond à
une consommation plus importante de viande,
Édulcorants intenses
de poisson, de fromage, d'aliments frits, de pain
L'existence d'une relation entre la consommation et de boissons sucrées notamment lorsqu'elles
d'édulcorants intenses (de synthèse) et le risque de sont édulcorées alors qu'une faible charge acide
diabète en l'absence de toute prise pondérale est correspond à un profil de consommation faisant

121
Partie II. Place des mesures nutritionnelles dans la prévention et le traitement des états diabétiques

une large place aux laitages, fruits et légumes. À alimentation riche en fruits et légumes est moins
titre indicatif un régime de type méditerranéen a énergétique et qu'elle apporte davantage de fibres.
une faible charge acide. D'autres hypothèses mettent en exergue le pouvoir
Le risque accru de DT2 lié à l'acidose métabo- antioxydant des fruits et légumes et font jouer un
lique chronique est imputable à une majoration rôle aux vitamines mais il n'y a guère d'arguments
de la résistance à l'insuline mais les mécanismes en faveur d'une relation causale. La mise en évi-
sous-jacents restent à préciser. D'autres études de dence d'une relation inverse entre la dotation en
grande ampleur sont nécessaires pour soutenir caroténoïdes ou en vitamine C et l'incidence du
la promotion d'une alimentation à charge acide DT2 semble liée à l'existence de facteurs de confu-
faible dans le cadre de la prévention du diabète. sion. Aucune supplémentation n'a fait la preuve de
Néanmoins, il est remarquable que les aliments à son intérêt dans la prévention du DT2.
faible charge acide sont précisément ceux qui sont
caractéristiques du régime méditerranéen et qui Céréales complètes
ont la densité nutritionnelle la plus élevée.
Les études épidémiologiques sont en faveur d'un
Rythmes alimentaires effet protecteur de la consommation de céréales
complètes. Une méta-analyse récente conclut à la
Ils méritent d'être pris en compte. réduction de 26 % du risque de DT2 chez les sujets
Les méfaits vraisemblables du travail posté sur qui consomment 50 à 80 g par jour de céréales
la prise de poids et la résistance à l'insuline ont complètes (soit 2 à 3 portions !). La réduction de
été décrits par ailleurs (cf. chapitre 25). L'altération l'index glycémique par les fibres est le mécanisme
des rythmes alimentaires stricto sensu est suspec- généralement mis en avant bien que d'autres
tée d'être diabétogène bien que le DT2 ne soit pas nutriments pourraient intervenir.
plus fréquent chez les grignoteurs dont le poids
reste stable. Il existe quelques arguments obser-
vationnels plaidant en faveur d'une relation entre
Produits laitiers
une prise irrégulière du petit déjeuner et l'aug- La mise en évidence d'un effet protecteur des
mentation du risque de DT2. Toutefois cette asso- produits laitiers est plutôt inattendue. Plusieurs
ciation est entachée de facteurs de confusion car méta-analyses comportant des études de cohorte
ce type de pratique est probablement le marqueur prospectives sont en faveur d'une association
d'autres comportements potentiellement à risque. inverse entre la consommation de produits laitiers
Dans le doute, mieux vaut adopter un rythme ali- et le risque de diabète de type 2.
mentaire régulier. Les données disponibles à ce jour suggèrent que
la consommation de produits laitiers est associée

Facteurs alimentaires
à un risque réduit de diabète de type 2 de l'ordre
de 20 à 40 %. L'effet protecteur est particulière-
protecteurs ment net avec les produits laitiers allégés et plus
inconstant pour ceux qui sont à pleine teneur en
Divers facteurs alimentaires s'avèrent protecteurs matières grasses. Une relation dose-effet inverse
vis-à-vis du risque de DT2 et ce, indépendam- a été décrite pour le yogourt et le fromage. Dans
ment du maintien d'une corpulence normale et de une méta-analyse récente regroupant les grandes
la pratique d'une activité physique régulière. cohortes nord-américaines l'ensemble des pro-
duits laitiers n'était pas associé au risque de DT2
Fruits et légumes alors que la consommation de yaourt était associée
à une réduction de 18 % du risque de DT2. Dans
De nombreuses études ont souligné le rôle béné- la cohorte PREDIMED, la consommation de fro-
fique de la consommation de fruits et de légumes mage et de beurre était associée à un risque majoré
sans que cet effet puisse être attribué à un (micro) de DT2 alors que la consommation de yaourt
nutriment particulier ou à un mécanisme précis. entier était associée à une diminution du risque.
Le bénéfice paraît particulièrement net pour les Dans une autre méta-analyse, le risque était réduit
légumes verts. L'hypothèse première est qu'une de 20 % par strate de 30 g/j de fromage et de 9 %

122
Chapitre 12. Aliments et diabète : quels enjeux ?

pour 50 g de yaourt. Par ailleurs l'acide pentadé- été retrouvé que la boisson contienne de la caféine
canoïque sérique, marqueur biologique spécifique ou pas n'est pas expliqué. Divers composants du
de la consommation de produits laitiers est associé café comme la niacine et les antioxydants mais
à une réduction de 27 % de l'incidence du DT2, le aussi la caféine pourraient interagir avec le méta-
tertile le plus élevé étant associé à une réduction du bolisme glucosé. En revanche, dans le diabète
risque relatif de 53 % après 5 ans (RR = 0,47 ; IC à avéré la caféine aurait un effet délétère au-delà de
95 % : 0,26Ŕ0,86). L'acide pentadécanoïque sérique 4 tasses par jour. La consommation de café supé-
et d'autres marqueurs tels que l'acide linolénique rieure à la consommation d'usage ne peut être
conjugué, l'acide transpalmitoléique et l'acide hep- préconisée pour prévenir le DT2.
tadécanoïque sont également inversement corré-
lés à la glycémie à jeun, à l'aire sous la courbe de Cacao
glucose et à l'insulinorésistance. Les mécanismes
avancés pour expliquer l'effet protecteur sont Il est également associé à une diminution de l'in-
encore au stade d'hypothèse : effet sur le poids et cidence de DT2 et des maladies coronariennes.
sur la sensibilité à l'insuline, rôle de l'apport vita- Cet effet est attribué à son potentiel antioxydant.
mino-calcique élevé et, surtout, effet des protéines
du lacto-sérum (cf. chapitre 8). Les acides gras pré-
cités pourraient agir directement sur la prévention
de l'obésité, sur le syndrome métabolique et sur la
Rôle du style alimentaire
sensibilité à l'insuline. Enfin, l'effet probiotique dans la protection
des produits laitiers fermentés semble à même
d'améliorer la dysbiose intestinale et le statut L'identification d'aliments protecteurs à partir
antioxydant des sujets atteints d'un DT2. d'études descriptives est intéressante mais ne pré-
juge pas de l'efficacité spécifique de ces aliments
sur le risque. L'approche consistant à envisager
Huile d'olive l'alimentation dans sa globalité mettant en scène
Pilier des différents types de régimes méditerra- ces différents aliments est plus productive en
néens, l'huile d'olive vierge riche en acides gras termes de stratégie de prévention. Le régime de
monoinsaturés est un facteur de protection contre type méditerranéen qui s'oppose par de nombreux
l'insulinorésistance validé par de nombreuses études points au régime occidental, tout en restant com-
qui améliore de surcroît le profil lipidique mieux que patible avec une pratique alimentaire réaliste et
ne le fait un régime riche en glucides complexes. palatable, apparaît comme le modèle alimentaire
le plus compatible avec une stratégie de prévention
Alcool nutritionnelle du diabète.

Plusieurs études observationnelles prospectives


Régime méditerranéen
ont permis de conclure au rôle favorable d'une
consommation modérée et régulière d'alcool sur le Quelques études prospectives ont évalué le rôle
risque de DT2. Une consommation supérieure aux spécifique de ce régime sur la prévention du DT2
doses acceptables (30 g/j chez l'homme et 20 g/j dans des populations méditerranéennes. Il existe
chez la femme) ou une consommation par accès une relation inverse entre le taux d'adhésion à
notamment en fin de semaine a un effet inverse. un tel régime et l'incidence du DT2 bien que les
L'effet favorable serait dû à un effet alcool plutôt sujets les plus observants présentent davantage
qu'à une boisson alcoolique bien définie. L'alcool de facteurs de risque de DT2 que les sujets moins
semble agir en améliorant la sensibilité à l'insuline. observants ce qui renforce la valeur du régime en
tant que facteur de protection. D'aucuns n'ont pas
Café hésité à affirmer qu'il existait un lien de causalité.
Il est vrai que le régime méditerranéen regroupe
Selon une méta-analyse récente, les sujets qui l'ensemble des facteurs alimentaires protecteurs
boivent le plus de café présentent moins de risque et qu'il apporte peu de facteurs favorisants. Une
de développer un DT2. Cet effet protecteur qui a alimentation comportant de l'huile d'olive, des

123
Partie II. Place des mesures nutritionnelles dans la prévention et le traitement des états diabétiques

légumes et des fruits, des noix et des céréales est


plus favorable que l'alimentation de type occiden-
La part des nutriments
tal riche en viande et en aliments gras et sucrés. et des aliments dans la prévention
Ces considérations sont en cohérence avec les cardiométabolique
concepts de balance énergétique en équilibre, de
densité nutritionnelle élevée et de charge glycé- Nutriments et aliments
mique faible qui caractérisent le régime méditerra- antiathérogènes
néen en plus des aliments caractéristiques comme
l'huile d'olive. Dans le sillage de la théorie lipidique, théorie
dominante de la pathogénie de l'athérome, une
première approche consiste à repérer les ali-
Tentation du régime végétarien ments dont la consommation est associée à une
Par rapport aux omnivores, la prévalence du DT2 diminution de la LDL-cholestérolémie puisque
son augmentation est fortement associée aux
est réduite de près de la moitié dans les commu-
maladies athéromateuses et ce bien que la cho-
nautés ayant un régime proche du végétarisme
lestérolémie ne soit pas directement athérogène.
comme les Adventistes du septième jour ce qui
Comme le processus «d'artériosclérose accé-
corrobore l'augmentation du risque de DT2 chez
lérée » qui caractérise le diabète apparaît pour
les gros mangeurs de viande comme mentionné
une bonne part indépendant des perturbations
plus haut. Une méta-analyse menée chez des sujets
lipidiques, il importe de s'intéresser au potentiel
diabétiques montre qu'un régime de type lacto-
antiathérogène plus ou moins intrinsèque des
ovo-végétarien est associé à une diminution signi-
aliments indépendamment de leur effet hypo-
ficative du taux d'HbA1c de l'ordre de la moitié de
cholestérolémiant. En réalité nombre d'aliments
celle obtenue par un traitement par metformine
ont des effets mixtes. Ainsi des aliments comme
mais la diminution de la glycémie à jeun n'atteint
les légumes agissent à la fois sur la concentration
pas le seuil de significativité. Le régime végétarien
du LDL-cholestérol par leur richesse en fibres et
est également associé à une amélioration des fac-
sur l'oxydation des LDL Ŕ phénomène responsable
teurs de risque cardiovasculaire que sont l'hyper-
de leur athérogénicité Ŕ du fait de leur teneur en
tension artérielle et la dyslipidémie. Pour autant,
substances antioxydantes.
il ne semble pas suppléer le régime méditerranéen
Les facteurs antiathérogènes nutritionnels
qui reste à ce jour le modèle à partir duquel peut
incluent les antioxydants (vitamines C, E, caroté-
être élaborés la prévention nutritionnelle la plus
noïdes et divers microconstituants), les huiles de
pertinente du DT2 et les principes du traitement
chair de poisson et d'autres acides gras polyinsa-
nutritionnel du DT1 et du DT2.
turés à condition qu'ils soient protégés de l'oxy-
dation, les fibres et les éléments trace comme le
sélénium, le zinc, le cuivre et le manganèse. Le fer
occupe une place ambiguë dans la mesure où il
En conclusion, le style alimentaire intervient sur peut être considéré à la fois comme un promoteur
l'expression du DT2 chez des sujets prédisposés. potentiel de l'athérosclérose par ses capacités pro-
Le risque de DT2 augmente chaque fois que la oxydantes et comme un facteur protecteur de par
balance énergétique est positive et que la densité sa fonction de cofacteur dans l'activité enzyma-
énergétique est élevée. Si quelques aliments ont tique de la catalase. Tous les aliments possédant de
été pointés pour leur rôle possiblement délétère
tels facteurs en quantité appréciable peuvent être
ou bénéfique c'est avant tout le style alimentaire
considérés comme antiathérogènes. À l'opposé, il
qui est à prendre en compte. Le régime méditer-
ranéen qui rassemble les aliments favorables et convient de rappeler que les facteurs athérogènes
restreint la consommation des aliments à risque nutritionnels comprennent les produits d'oxyda-
est une formule recommandable pour les popula- tion des lipides qui ont des effets cytotoxiques, les
tions occidentales en ce qu'elle cumule l'avantage acides gras trans et certains acides gras saturés
de prévenir le diabète et ses complications car- (laurique, myristique, et palmitique). Un profil
diovasculaires une fois qu'il est installé. nutritionnel antiathérogène résulte d'une combi-
naison pondérée de ces différents facteurs.

124
Chapitre 12. Aliments et diabète : quels enjeux ?

La rigidité artérielle est un autre aspect de la acides gras saturés/acide gras polyinsaturés est
pathologie vasculaire qui peut être influencé par étroitement corrélé au risque coronaire et qu'une
les aliments et les nutriments. Quelques études diminution des acides gras saturés alimentaires
d'intervention de petite envergure suggèrent que entraînant une diminution de la cholestérolémie
les AG oméga 3 apportés par les produits marins totale et LDL contribuait à une diminution de
et les isoflavones du soja sont à même de réduire l'incidence des maladies ischémiques du cœur. La
la rigidité artérielle tout comme la restriction en substitution des acides gras saturés par des acides
sel. Par ailleurs la caféine, les biopeptides des laits gras monoinsaturés diminue la concentration des
fermentés et des composés de l'ail ont le même LDL et les rend moins oxydables sans diminuer
potentiel. Les mécanismes en cause sont nom- le HDL-cholestérol. Il existe donc un avantage à
breux mais l'effet dominant est la capacité des AG consommer davantage d'AG monoinsaturés et
oméga 3 et surtout des polyphénols d'induire la polyinsaturés et moins d'AG saturés. Plusieurs
production de NO (monoxyde d'azote). méta-analyses récentes ont créé la polémique en
remettant en question cette assertion pourtant
Apports lipidiques largement reprise dans les recommandations de
Cholestérol alimentaire prévention du risque coronarien. En réalité leur
comparaison portait sur les acides gras par rap-
Bien que le cholestérol ne soit pas un lipide d'un port aux glucides. De fait, il n'existe pas de dif-
point de vue chimique il est d'usage de le consi- férence entre les AG saturés et les glucides sur
dérer comme tel d'un point de vue nutritionnel. le ratio cholestérol/HDL-cholestérol. Il en est de
Contrairement à une opinion répandue, les résul- même pour l'acide linoléique qui n'est pourtant
tats des essais d'intervention nutritionnelle ayant pas un AG saturé. Il existe bel et bien un bénéfice
évalué l'incidence des maladies cardiovasculaires coronaire à substituer les acides gras saturés par
en réponse à une intervention diététique ne plaident des acides gras polyinsaturés ce qui est en accord
pas en faveur de l'importance du cholestérol ali- avec les résultats des études observationnelles à
mentaire dans la survenue de ces maladies même partir desquelles ont été conçues les recomman-
s'il augmente modérément le LDL-cholestérol. dations. La conception actuelle est que les effets
Dans l'étude randomisée PREDIMED menée chez cardiovasculaires des AG saturés dépendent de
des sujets à haut risque cardiovasculaire, le régime leur source. C'est ainsi qu'il existe une augmen-
méditerranéen enrichi en huile d'olive ou le régime tation de la mortalité cardiovasculaire associée à
méditerranéen enrichi en noix et en amandes la consommation de viande et surtout de charcu-
réduisent de 30 % l'incidence des événements terie alors qu'il n'y a pas d'effets de la consomma-
cardiovasculaires par rapport à un régime hypoli- tion des produits laitiers. Si les AG saturés dans
pidique traditionnel en dépit d'un apport en choles- leur ensemble n'ont pas d'effets aussi négatifs sur
térol supérieur aux recommandations américaines le plan cardiovasculaire que ne le proclamait le
et européennes. D'après cette étude, la réduction du dogme en vigueur jusqu'à tout récemment, ce
cholestérol alimentaire n'est donc pas une mesure n'est vrai que si les apports en AG polyinsaturés
indispensable ou efficace pour réduire la morbi- sont suffisants sans être excessifs.
mortalité cardiovasculaire des sujets à risque. Il
n'est pas possible d'affirmer avec certitude en l'état Acides gras monoinsaturés
de nos connaissances que le cholestérol alimentaire Comparativement aux AG gras saturés, les AG
a une véritable importance sur la cholestérolémie monoinsaturés représentés par l'acide oléique
plasmatique et sur la survenue des maladies car- (huile d'olive, de colza ou de tournesol oléique)
diovasculaires. Le cholestérol alimentaire n'est plus entraînant une baisse du LDL-cholestérol ont un
une cible prioritaire dans la stratégie antiathéroma- effet neutre ou favorable sur le HDL-cholestérol.
teuse sauf, probablement, chez le sujet diabétique. À noter que les différences entre les acides oléique,
Acides gras stéarique et linoléique sont modérées. L'acide
oléique entraîne un stress oxydant moindre que
Acides gras saturés et polyinsaturés les AG polyinsaturés. Les AG monoinsaturés
D'assez nombreuses études de prévention pri- abaissent le LDL-cholestérol et élèvent le HDL-
maire et secondaire ont confirmé que l'équilibre cholestérol ; ils sont moins sensibles à l'oxydation

125
Partie II. Place des mesures nutritionnelles dans la prévention et le traitement des états diabétiques

et ils augmentent l'insulinosensibilité. Une ali- sont responsables d'une augmentation du LDL-
mentation riche en AG monoinsaturés est asso- cholestérol, d'une diminution du HDL-cholestérol
ciée à des taux plus bas de triglycérides et plus et d'une augmentation du risque cardiovasculaire
élevés de HDL-cholestérol qu'un régime riche en de plus de 20 %. Ces effets délétères seraient liés
glucides. Ce fait est mis à profit lors de l'élabora- à un effet pro-inflammatoire et à un dysfonction-
tion d'un régime en cas de syndrome métabolique nement de l'endothélium vasculaire. En réalité, en
ou de DT2 hypertriglycéridémique, la somme des Europe et en France où la consommation des AG
AG monoinsaturés et des glucides ne devant pas trans représente moins de 1,5 % des apports éner-
dépasser 65 % de la ration énergétique. gétiques totaux, ils peuvent être considérés comme
neutres par rapport au risque cardiovasculaire.
Acides gras ω3
Sources d'acides gras en pratique
Les études de cohorte ont mis en évidence une
association favorable entre la consommation
de poisson et la survenue d'événements cardio-
vasculaires. Elle a été imputée à l'apport en AG Pour atteindre un apport en AG monoinsaturés
oméga 3 puisque les produits de la mer et surtout et polyinsaturés en accord avec les apports nutri-
les poissons gras, sont la source principale des AG tionnels conseillés (ANC) il est important de
oméga 3 fonctionnels, l'acide éicosapentaénoïque privilégier les matières grasses d'origine végétale
en variant les sources, aucune huile n'ayant une
(EPA) (C20:5ω3) et l'acide docosahexaénoïque
composition idéale. Il est souhaitable de consom-
(DHA) (C22:6ω3). L'acide alpha-linolénique
mer au moins deux huiles distinctes. L'acide
(ALA) (C18:2ω3), AG essentiel d'origine végétale oléique se trouve surtout dans l'huile d'olive mais
est un précurseur de ces deux AG mais le ren- aussi dans l'huile de tournesol oléique. L'huile de
dement de la conversion est faible. Les AG ω3 tournesol classique est riche en AG ω6. L'huile
n'ont pas d'effets directs sur l'athérome bien qu'ils de colza est une source intéressante d'AG ω3.
agissent sur quelques facteurs de risque. En effet, Les repères de consommations sont : 1 à 2 cuil-
l'ingestion d'EPA et de DHA diminue les trigly- lerées à soupe d'huile par personne et par jour
cérides plasmatiques et augmente modérément pour cuire et assaisonner et une noix de beurre
le HDL- et le LDL-cholestérol chez l'homme. ou de margarine par jour et par personne pour
L'augmentation du LDL-cholestérol est faible et les tartines ; disposer d'au moins deux huiles
inversement proportionnelle à la diminution des distinctes chez soi en réservant l'huile de colza à
triglycérides qui est dose-dépendante. Les AG l'assaisonnement.
ω3 sont également associés à une diminution Les apports en AG ω3 sont très en dessous des
modeste de la pression artérielle. Les effets favo- recommandations dans la population française.
rables rapportés il y a déjà près de trois décennies L'ALA, principale source végétale se trouve dans
dans deux grands essais d'intervention nutrition- les huiles végétales de colza, de noix et de lin.
nelle de prévention secondaire (DART et GISSI) Les AG ω3 d'origine animale (EPA et DHA) se
portent sur la diminution des événements cardio- trouvent dans les poissons gras comme le maque-
reau, le thon, les sardines ou le saumon. À titres
vasculaires fatals et des morts subites.
d'exemple, la consommation de 2 cuillères à
Acides gras trans soupe d'huile de colza par jour ou d'une cuillère
à soupe d'huile de colza et deux cerneaux de noix
Ce sont des AG insaturés possédant une ou plu-
(soit 10 g) apporte environ 2 g d'ALA pour un
sieurs doubles liaisons de configuration géomé- ANC de 2 à 2,5 g par jour.
trique trans. Les AG trans monoinsaturés sont soit
présents naturellement dans les produits laitiers,
soit ils apparaissent lors de traitements techno- Aliments antioxydants
logiques (hydrogénation partielle catalytique).
Les AG trans polyinsaturés sont formés lors du Les aliments contiennent des composés ayant des
traitement thermique des huiles végétales (raf- propriétés antioxydantes :
finage, friture). À dose nutritionnelle (dans les • terpénoïdes, phytostérols, glucosinolates, poly-
populations nord-américaines) les AG trans d'ori- phénols, flavonoïdes, ou anthocyanidines obte-
gine industrielle mais non les AG trans naturels nus par extraction ;

126
Chapitre 12. Aliments et diabète : quels enjeux ?

• minéraux (zinc et sélénium) ; identifié des aliments ayant un effet potentielle-


• vitamines (vitamine C, tocophérol et les ment antithrombotique. Les poissons marins gras
caroténoïdes) ; riches en EPA et DHA, quelques plantes comme les
• AG monoinsaturés. carottes ou l'ail (ses composés soufrés interagissent
Bien qu'aucune étude de supplémentation ne soit avec la fonction plaquettaire), les produits laitiers
parvenue à démontrer une relation de cause à effet dont les biopeptides ont un effet antiagrégant, font
entre le pouvoir antioxydant de l'alimentation et les partie des aliments antithrombogène mais aucune
événements cardiovasculaires, les études de cohorte étude d'intervention n'a confirmé la réalité de ce
sont en faveur d'un effet protecteur. Les données type d'allégation. Un apport excessif en AG ω3
expérimentales soutiennent cet effet protecteur. expliquerait la réduction du risque d'ischémie et
Les aliments riches en polyphénols ou flavonoïdes l'augmentation du risque hémorragique observée
ont un pouvoir antioxydant mesurable in vitro et chez les Inuits… Les AG monoinsaturés ont des
in vivo. On leur attribue volontiers l'effet cardiopro- propriétés antithrombogènes parce qu'ils augmen-
tecteur des aliments riches en polyphénols tels que tent la fluidité des membranes plaquettaires. En
le vin rouge, le thé vert, les noix, le cacao ou le soja revanche, il n'y a pas d'effet prothrombogène des
et ce, bien que leur biodisponibilité soit assez faible. aliments riches en vitamine K (légumes à feuilles
En plus de leur potentiel antioxydant notamment comme le chou) en dehors d'une éventuelle inte-
sur la peroxydation des LDL ce dont témoigne raction avec un traitement par antivitamine K lors
la diminution des isoprostanes, les polyphénols d'une consommation importante et par accès de ce
exercent également un effet anti-inflammatoire type de légumes. Une alimentation comportant un
(diminution de la protéine C-réactive et du fibri- apport en AG ω3, en EPA et en DHA en accord avec
nogène), diminuent l'agrégation plaquettaire, aug- les apports nutritionnels conseillés (ANC) et un
mentent la réactivité vasculaire en induisant une apport suffisant et diversifié en fruits et légumes
vaso-relaxation endothélium-dépendante en sti- peut être considérée comme antithrombogène. En
mulant la production du monoxyde d'azote (NO), réalité l'action antithrombogène des aliments est
diminuent modérément le LDL-cholestérol et aug- plutôt incertaine.
mentent le HDL-cholestérol. Ils ont de plus un effet
prébiotique susceptible de réduire l'inflammation
de bas grade.
Aliments protecteurs
En théorie, une alimentation équilibrée apporte Les aliments ont des propriétés protectrices du fait
des antioxydants en quantité suffisante pour un de leur composition mais aucun ne peut prétendre
maintien en bonne santé. Toutefois la protection avoir une exclusivité dans l'amélioration du risque
antioxydante conférée par l'alimentation peut s'avé- cardiovasculaire ou métabolique. Il n'existe pas
rer insuffisante en cas de maladie aiguë, de stress d'aliment spécifiquement antiathérogène, antioxy-
ou d'activité physique intense ce qui entrouvre la dant ou antithrombotique. Néanmoins, certains
porte à une complémentation raisonnée. aliments qui ont été associés à un potentiel anti-
athérogène suggéré par des études épidémiolo-
Nutriments et aliments giques transversales ou prospectives méritent de
antithrombogènes figurer en bonne place dans une alimentation
«santé » même si leur effet n'est que rarement
In vitro et in vivo plusieurs nutriments interagissent prouvé par des études d'intervention et si les méca-
avec la fonction plaquettaire et la fibrinolyse. Les nismes d'action sont plus souvent hypothétiques
AG ω3 et les polyphénols réduisent l'agrégation que formellement établis.
plaquettaire. D'autres composés favorisent la
fibrinolyse comme l'alcool ou le cacao. Un apport
suffisant en vitamines B6, B12 et folates participe Huile d'olive
au métabolisme de l'homocystéine qui est associée Cette huile a gagné ses lettres de noblesse dans la
au risque de thrombose artérielle et veineuse. Il en prévention des maladies coronariennes à la suite
résulte une action antithrombotique qui, en théorie de l'étude des sept pays menée par Ancel Keys
au moins, contribue à la cardioprotection ainsi que qui a établi l'intérêt du régime méditerranéen et,
le suggèrent quelques études prospectives qui ont plus particulièrement, d'un rapport élevé des AG

127
Partie II. Place des mesures nutritionnelles dans la prévention et le traitement des états diabétiques

monoinsaturés sur les AG saturés. Plusieurs études taux de LDL-cholestérol (environ 50 % d'AG satu-
prospectives ont confirmé le bénéfice de la consom- rés de type myristique, laurique et palmitique) mais
mation de cette huile en termes de mortalité glo- aussi 10 % d'AG à chaîne courte (< C12), d'acide
bale ou cardiovasculaire mais il n'existe que peu stéarique et 30 % d'acide oléique qui sont hypo-
de preuves directes de l'action spécifique de l'huile cholestérolémiants ou induisent un phénotype de
d'olive sur la longévité et la santé. Fait remarquable, LDL moins athérogène. L'acide ruménique est un
la consommation exclusive d'huile d'olive semble AG trans naturel spécifique (C18:2 cis 9-trans 11),
associée à une réduction significative de risque de conjugué de l'acide linoléique conjugué, qui n'a pas
maladie coronarienne, indépendamment de l'ad- d'effet sur les lipides plasmatiques chez l'homme.
hésion à l'alimentation méditerranéenne. Par ail- L'acide transvaccénique est un autre AG trans
leurs, une alimentation méditerranéenne enrichie naturel qui augmente le HDL-cholestérol.
en huile d'olive comme dans l'étude PREDIMED On ne peut affirmer avec certitudes que les pro-
est associée à une réduction du risque de diabète et duits laitiers sont antiathérogènes ou protecteurs
à une amélioration des symptômes caractérisant le vis-à-vis des maladies cardiovasculaires mais leur
syndrome métabolique. consommation usuelle est compatible avec les
objectifs de prévention cardiovasculaire.
Effet fruits et légumes
La consommation quotidienne de 400 g de Noix et équivalents
fruits et légumes est associée à une diminution Les noix sont caractérisées par leur richesse en AG
du risque de maladies chroniques. Dans l'étude insaturés, en protéines végétales de bonne qualité,
Interheart qui a recherché les facteurs prédic- en fibres, en minéraux (potassium, magnésium)
tifs ou protecteurs de l'infarctus du myocarde à et en divers micronutriments et microconsti-
l'échelle de la planète, les légumes crus à feuilles, tuants bioactifs tels que tocophérol, polyphénols
les racines, les légumes cuits et les fruits appa- et phytostérols. Les études observationnelles et
raissent protecteurs alors que les aliments frits, d'intervention et une méta-analyse récente ont
les snacks et, à un moindre degré, la viande sont montré que la consommation de noix était asso-
des aliments à risque. Les nutriments en cause ciée à une diminution de l'incidence des maladies
sont nombreux : fibres, minéraux et vitamines coronariennes et même de la mortalité globale.
mais aussi des milliers de microconstituants dont Par ailleurs, des effets bénéfiques ont été rappor-
il est aussi difficile d'en faire la liste que de leur tés sur le profil lipidique, la sensibilité à l'insuline,
attribuer une fonction spécifique. Leur pouvoir l'inflammation et la pression artérielle.
antioxydant et antiagrégant mais aussi leurs pro-
priétés anti-inflammatoires jouent probablement
un rôle important.
Boissons alcooliques
Dans toutes les études observationnelles la
Cas particulier des produits consommation modérée et régulière de boissons
alcooliques est associée à une diminution de
laitiers l'incidence des maladies ischémiques du cœur
D'origine animale, source notoire de graisses satu- et même de la mortalité globale. La relation avec
rées, les produits laitiers ont été considérés comme la mortalité se fait selon une courbe en J. Les
délétères sur le plan cardiovasculaire. Pourtant mécanismes d'action sont complexes et liés d'une
la consommation de produits laitiers n'est pas part à l'alcool et d'autre part aux constituants
associée à une augmentation du risque cardiovas- particuliers du vin rouge dont l'effet cardiovas-
culaire. De nombreuses études suggèrent même culaire semble supérieur à celui des autres bois-
qu'elle est associée à une réduction de risque de sons alcooliques. La consommation régulière est
syndrome métabolique. Cet effet favorable ou associée à une augmentation du taux de HDL-
neutre serait lié aux constituants des produits lai- cholestérol et à une diminution de l'agrégation
tiers tels le calcium, les peptides fonctionnels et le plaquettaire. Le vin rouge est particulièrement
profil particulier des AG. En effet le lait contient riche en polyphénols dont les effets antioxydants
certes des AG saturés susceptibles d'augmenter le peuvent avoir un effet protecteur propre.

128
Chapitre 12. Aliments et diabète : quels enjeux ?

Cacao les phyto-œstrogènes augmentent l'activité des


Plusieurs études prospectives indiquent que la enzymes antioxydantes, diminuent les lésions
prévalence des maladies ischémiques du cœur est antiathéromateuses, augment la réactivité vas-
associée inversement avec la consommation de culaire, diminuent l'agrégabilité plaquettaire et
chocolat. Dans l'étude de Zutphen menée aux Pays- l'expression des molécules d'adhésion ICAM-1 et
Bas, la mortalité cardiovasculaire est réduite de VCAM-1 au niveau de l'endothélium vasculaire.
50 % chez les gros consommateurs de chocolat ! La
relation se renforce encore lorsque les sujets diabé-
tiques sont exclus de l'analyse. Les effets bénéfiques
du cacao sont attribués d'une part à la composition
Conclusion
lipidique du beurre de cacao qui contient 35 % Les aliments sont des ensembles composés de
d'acide oléique et 35 % d'acide stéarique (qui se
multiples composants dont certains possèdent
comporte comme un AG monoinsaturé) et, d'autre
effectivement des effets cardioprotecteurs en
part, à sa richesse particulière en polyphénols bien
agissant sur le profil lipidique, en inhibant
que leur biodiponibilité soit problématique. Si les
l'agrégation plaquettaire, en augmentant le pou-
effets du cacao sur les lipides plasmatiques appa-
voir antioxydant plasmatique, voire même, en
raissent inconstants son effet sur la protection de
ayant des effets anti-inflammatoires. Toutefois,
l'oxydation des LDL est avéré in vitro et in vivo.
aucun aliment ne peut prétendre avoir une
action thérapeutique par lui-même. C'est la
Soja combinaison ou l'assemblage de l'ensemble des
La consommation de soja est associée à une dimi- aliments porteurs de nutriments protecteurs
nution du risque cardiovasculaire. Le bénéfice qui aboutit à une alimentation « santé » dont
est imputé à sa teneur élevée en antioxydants certaines formules ont été évaluées avec succès
tels que les isoflavones. L'une d'entre elles, la par des essais randomisés dans les domaines
génistéine, par exemple, est à même d'induire cardiovasculaires et métaboliques. Dans le trai-
l'activité de la paraoxonase-1, enzyme dite « anti- tement du diabète comme dans la prévention de
athérogène » dans la mesure où elle protège les ses complications chroniques, la vérité nutri-
LDL de l'oxydation. Par ailleurs des dérivés fer- tionnelle réside dans la diversité alimentaire. Ce
mentés du soja consommés traditionnellement au sont d'ailleurs les mêmes aliments et les mêmes
Japon ont en effet fibrinolytique. La richesse du formules alimentaires qui s'avèrent utiles dans
soja en phyto-œstrogènes participe également à la prévention de la plupart des maladies chro-
l'effet protecteur vasculaire. Expérimentalement, niques y compris le cancer.

129
Les repères CHAPITRE
13
de l'équilibre
alimentaire : rythmes,
choix des aliments,
composition des repas,
choix des portions
J.-L. Schlienger

PLAN DU CHAPITRE usages mondains. La préoccupation du nutrition-


Rythmes alimentaires 134 niste est de s'assurer du respect de l'équilibre ali-
Choix des aliments 134 mentaire qui correspond à l'état de couverture des
Recommandations pour approcher de l'équilibre besoins quantitatifs et qualitatifs afin de permettre
alimentaire 138
la croissance, la reproduction, l'activité, l'entretien
et la longévité en bonne santé. Sans céder à la tenta-
Les activités liées à l'alimentation contribuent à tion de vouloir médicaliser par trop l'alimentation
structurer la vie sociale. La structure des prises ali- pour éviter des troubles du comportement ou des
mentaires et leur rythme répondent à des normes restrictions inappropriées, il appartient aux nutri-
implicites propres à chaque société au point d'en tionnistes de transposer les apports nutritionnels
être un trait identitaire et culturel. Il n'existe pas conseillés (ANC) en apports alimentaires conseil-
de modèle alimentaire universel ou préférentiel lés (AAC), de passer des nutriments aux aliments,
dès lors qu'il est compatible avec la culture, la sachant qu'il n'y a pas de mauvais aliments mais de
vie sociale et professionnelle et que les apports mauvais usages (principe de modération), qu'il n'y
couvrent l'ensemble des besoins nutritionnels. La a pas d'aliments parfaits (principe de diversité) et
composition des repas, leur fréquence, le temps que seuls les nutriments et non les aliments sont
qui leur est consacré et leur succession au cours de indispensables (principe de composition mul-
la journée relèvent d'usages qui n'ont cessé d'évo- tiple des repas). Plutôt que de se focaliser sur les
luer au fil du temps. La physiologie et la diététique nutriments, mieux vaudrait proposer des modèles
n'ont pas été les prescripteurs des usages relatifs alimentaires et inciter à la consommation de cer-
aux repas qui sont arbitraires bien que répondant tains aliments comme le propose, par exemple, le
de façon appropriée aux contraintes biologiques. «Programme national nutrition santé » (PNNS),
©2018,ElsevierMassonSAS.Tousdroitsréservés

L'homme a la faculté de s'adapter à son environ- au moyen de repères nutritionnels simples dont
Manueldenutritionpourlepatientdiabétique

nement alimentaire en cas de nécessité (précarité) le respect permet de se rapprocher de l'équilibre


et d'adapter son environnement alimentaire à ses alimentaire.
goûts dès que possible (disponibilité alimentaire). La couverture sans excès de tous les besoins
C'est dire que la malléabilité du dispositif bio- nutritionnels par l'alimentation d'usage, sans
logique autorise une grande variété de modèles complémentation grâce à la diversité des sources,
alimentaires conciliant nécessité et culture. En la régularité de la prise (rythmicité) et la com-
Europe, et plus particulièrement en France, les position des repas (choix alimentaire, taille des
usages alimentaires sont une synthèse des tradi- portions et densité alimentaire) sont les piliers de
tions paysannes, des pratiques populaires et des l'équilibre alimentaire.

133
Partie III. Comment personnaliser les mesures diététiques

Rythmes alimentaires émettent des signaux Ŕ satiété, rassasiement puis


faim Ŕ qui modulent la prise alimentaire tout en
Si pour les physiologistes les prises alimentaires anticipant la suivante.
plus fréquentes et moins copieuses seraient Aucun de ces repas ne devrait être escamoté
davantage en accord avec les besoins énergétiques pour un motif professionnel ou de loisir et chacun
continus de l'organisme et permettraient de pré- devrait être structuré (tableaux 13.1 et 13.2).
venir l'obésité, force est de constater que cette Les collations à 10 heures ou à 16 heures sont
vision n'est pas réaliste parce qu'en opposition facultatives, voire inutiles, si les trois principaux
avec le mode de vie et les traditions culturelles. repas sont bien conçus. Elles conservent leur intérêt
Face à la pression du système économique domi- dans certaines situations comme l'activité physique
nant qui bouleverse l'organisation de temps de prolongée ou la substitution de grignotages. Dans
travail pour tendre vers une « société continue », il le diabète instable, le fractionnement des repas
est souhaitable de maintenir certaines traditions peut améliorer la stabilité glycémique et empêcher
alimentaires, véritables repères capables d'inte- la survenue d'hypoglycémies intempestives.
ragir avec les rythmes sociaux. L'alternance de la
veille et du sommeil qui est un cycle biologique
établi conditionne en partie les rythmes alimen- Choix des aliments
taires même si ceux-ci ne répondent pas de façon
Parmi la nébuleuse des facteurs intervenant
optimale aux besoins biologiques évalués à partir
de l'expérimentation animale. Il se trouve que la dans le choix alimentaire, nombre d'entre eux
société française a opté progressivement pour le échappent à une analyse rationnelle. Il en est deux
modèle des trois repas Ŕ petit déjeuner, déjeu- qui méritent une attention particulière en raison
ner, dîner Ŕ qui semble bien adapté à ses valeurs. de leur accessibilité à une intervention directe et
Après plus d'un siècle d'une telle pratique et de
nombreuses études contradictoires, ce modèle Tableau 13.1. Part des nutriments
paraît toujours recevable et semble même devoir énergétiques en pourcentage de la ration
être consolidé. L'expérience prouve que la dés- calorique totale souhaitable (ANC),
tructuration de ce modèle est associée à des com- d'usage en France et à la période paléolithique.
portements à risque et à une prévalence accrue
de l'obésité. La régularité de la prise alimentaire Nutriments ANC France (%) Paléolithique
qui s'oppose aux sauts de repas et au grignotage énergétiques (%) (%)
est un élément important de l'équilibre alimen- Glucides 55 44 45
taire. Elle joue un rôle majeur chez les sujets dia- Protéines 12 16 34
bétiques, les variations de la glycémie à la hausse Lipides 33 40 33
comme à la baisse étant directement en rapport
avec les horaires et la nature des repas. Source : Apports nutritionnels conseilés pour la population française.
Le petit déjeuner au réveil apportant au moins 3e édition. A. Martin, AFSSA, coordonnateurs © Lavoisier, 2001.
20 % de la ration calorique et 20 g de protéines
permet de restaurer les réserves glycogéniques Tableau 13.2. Apport énergétique
hépatiques et musculaires entamées durant le des différents repas par rapport
jeûne nocturne et d'empêcher la mise en route des à l'apport énergétique quotidien total.
voies métaboliques d'adaptation au jeûne comme
la néoglucogenèse, voire la cétogenèse. Type de repas Apport énergétique (%)
Le déjeuner vers 12 h 30 ou 13 heures et le Petit déjeuner 20Ŕ25
dîner vers 19 heures ou 20 heures fournissent les Déjeuner 35Ŕ40
nutriments et micronutriments sous une forme
fractionnée compatible à la fois avec les besoins Dîner 30Ŕ45
physiologiques continus Ŕ qu'il serait difficile- Collation (facultative) 5Ŕ10
ment possible d'ingérer en une seule prise Ŕ et Source : Apports nutritionnels conseilés pour la population française.
les activités sociales et professionnelles. Les repas 3e édition. A. Martin, AFSSA, coordonnateurs © Lavoisier, 2001.

134
Chapitre 13. Les repères de l'équilibre alimentaire : rythmes, choix des aliments…

de leur impact sur l'apport énergétique : la portion alimentation spontanée pour des raisons médi-
des aliments et la densité énergétique. cales. Insidieusement de nouvelles normes s'im-
posent dont les enfants et les adolescents sont
Portions alimentaires souvent les complices zélés.
Le poids corporel fournit des indications
Un repas peut être décomposé en nutriments, en approximatives pour savoir si les portions sont
classes d'aliments ou en portions alimentaires adaptées aux besoins dans la mesure où une rela-
qui sont autant de variables modifiables par le tion assez étroite a été mise en évidence entre la
consommateur. La définition des portions sou- taille des portions consommées et le poids. On
haitables n'est pas aisée. Elle dépend de chaque estime que les portions sont satisfaisantes lorsque
individu, de sa culture de table, de l'environne- le poids est normal et stable et qu'elles sont exces-
ment et, dans bien des cas de la taille du conte- sives lorsque le poids est élevé.
nant et de la pression consumériste. La tendance L'auto-estimation des portions est un exercice
actuelle est à l'augmentation de la taille des difficile pour le consommateur. L'identification de
portions. Les qualificatifs de « géant », « maxi », la taille des portions usuelles est facilitée par l'uti-
« jumbo », sont considérés comme des arguments lisation de conditionnements usuels et de mesures
de vente. « En avoir plus pour son argent » ne ménagères Ŕ assiette, bol, tasse, verre, plat, cuil-
laisse pas le consommateur insensible, ce qui lère Ŕ utilisés également lors des enquêtes alimen-
fait que de nombreuses actions promotionnelles taires. En pratique, l'utilisation d'ustensiles plus
proposent une augmentation du volume à prix petits permet de réduire les portions sans créer de
constant. La restauration rapide et les « discoun- frustration. Une portion standard, servie dans une
ters » ont progressivement modifié la donne, et le grande assiette, inspire un sentiment de manque
consommateur a perdu les repères lui permettant avec une incitation à se servir davantage, alors
d'évaluer la juste taille d'une portion, c'est-à-dire que la même portion servie dans une assiette de
celle qui est adaptée à ses besoins. Ce qui est vrai taille moyenne apparaît rassasiante. Les enquêtes
pour tout un chacun l'est, davantage encore, pour démontrent qu'acheter plus fait manger davan-
les sujets ayant des problèmes de surpoids et pour tage… à moins de reconditionner les achats dans
tous ceux qui sont contraints de modifier leur des sachets correspondant à la portion souhaitable.

Poisson

Viande
Noix de beurre

Pain
Fromage Fruit

La main Le poing

Une poignée : portion de féculents


2 poignées ou plus : légumes verts
Figure 13.1. Pense-bête pour estimer approximativement la taille des portions en se servant
de sa main.
D'après, Schlienger JL, Wagentrutz A, Gautier M, Kremer F. Diététique et surpoids : une prescription à portée de main.
Med Mal Metab 2010; 4(2) : 153Ŕ6.

135
Partie III. Comment personnaliser les mesures diététiques

La prescription diététique fait explicitement Densité nutritionnelle et densité


référence à la taille de portions mais leur estima- énergétique
tion par la pesée n'est guère possible au quotidien.
Il est utile de recourir à des stratagèmes pour évi- La densité énergétique exprime la quantité d'éner-
ter la dérive des portions au fil du temps. Parmi gie apportée pour une quantité donnée d'aliments
ceux-ci la main fournit en tous lieux et en toutes (fig. 13.2). Ce paramètre exprimé en kcal/100 g
circonstances des repères faciles à utiliser lors d'un ou 100 mL d'aliment dépend d'une part de la
régime hypocalorique. Ainsi, la taille de la viande composition en nutriments énergétiques et de
ne devrait pas excéder la surface de la paume de la composition hydrique des aliments et d'autre
la main du consommateur ; celle du poisson, la part des procédés culinaires utilisés. Il traduit
surface de la main, doigts joints ; la portion de bien la charge énergétique d'un repas et sous-
fromage correspond à la taille du pouce (fig. 13.1) ; entend que, pour un même volume consommé,
le beurre ajouté (éventuellement) correspond à la l'apport énergétique peut être très différent selon
pulpe de l'index. La consommation de féculents les composantes du repas. À titre d'exemple, la
cuits correspond à une poignée, celle des légumes densité énergétique d'un repas de type fast-food
à une ou deux poignées. Le poing fermé est est de près de 3 kcal/g, contre moins de 2 kcal/g
l'unité de référence pour les fruits, qu'il s'agisse de pour un repas standard de type occidental. La
pommes, d'oranges, de cerises, de mirabelles ou de connaissance de la densité nutritionnelle des ali-
raisins (soit l'équivalent d'une petite poignée). En ments permet d'élaborer un repas ayant à la fois
plus des féculents, la taille du pain ne devrait pas un volume suffisant pour être satiétogène et un
dépasser celle de la paume de la main. Lorsqu'il apport en nutriments conforme aux ANC. Quels
constitue le seul glucide complexe d'un repas, le que soient les objectifs pondéraux, que ce soit
pain correspond à la taille de la main. Une autre chez un sujet témoin ou un sujet diabétique, il est
astuce consiste à garnir d'autorité la moitié de la souhaitable d'encourager la consommation d'ali-
surface de l'assiette par des légumes crus ou cuits. ments ayant une faible densité énergétique, tels les
Ces repères permettent d'obtenir un apport éner- fruits et légumes, et de limiter la part des aliments
gétique proche de la normale. à forte densité énergétique.

Densité énergétique des aliments

% de graisses d° d’hydratation
100 beurre eau
100 laitue
jus orange
yaourt
75 fromage
75
Graisses(%énergie)

pomme
d°hydratation(%)

frites chocolat poulet


50 50 steak
steak
25 25 pain
laitue céréales biscuit sec chocolat
pomme biscuit sec
céréales
0 0
0 10 20 30 40 0 5 10 15 20 25
Densité énergétique (kJ/g) Densité énergétique (kJ/g)

Figure 13.2. Quelques repères pour estimer la densité énergétique en fonction de la teneur
en graisse ou du pourcentage d'hydratation.

136
Chapitre 13. Les repères de l'équilibre alimentaire : rythmes, choix des aliments…

La densité nutritionnelle indique la teneur en • les fruits et légumes riches en micronutriments


micronutriments pour 100 kcal ou 100 mL. Elle et en fibres, caractérisés par une faible densité
est élevée pour les aliments non transformés énergétique et une haute densité nutritionnelle ;
d'origine végétale riches en fibres. • les produits sucrés (sucre, friandises, boissons
Il existe une synergie redoutable entre la den- sucrées, pâtisserie) ;
sité énergétique et la taille des portions qui inte- • les matières grasses d'addition (huile, beurre) ;
ragissent de façon positive. La consommation de • les boissons dont l'eau est la seule nutritionnelle-
grosses portions d'aliments ou de plats à densité ment recommandable, les boissons énergétiques
énergétique élevée, aboutit à un excès d'apport (sucrées ou alcooliques) étant sinon à évincer tota-
énergétique et à une prise de poids d'autant lement du moins à éviter. Les boissons édulcorées
plus difficile à contrer que les sujets ont souvent sont nutritionnellement comparables à l'eau.
conscience de manger «normalement ». Par principe, la diversité alimentaire, condition
de l'équilibre alimentaire, peut être obtenue en
Classes alimentaires consommant chacune de ces classes alimentaires
sinon par repas du moins par jour (fig. 13.3).
La classification des aliments conçue dans un
but didactique regroupe les aliments ayant des Composition des repas
caractéristiques nutritionnelles dominantes com-
munes bien qu'aucun aliment Ŕ en dehors des L'équilibre alimentaire dépend de la composition
aliments transformés comme le sucre ou l'huile Ŕ des repas. La diversité alimentaire a été formulée
n'entre entièrement dans une seule de ces classes. de façon astucieuse quoiqu'un peu dogmatique par
La connaissance des classes alimentaires fournit la formule 421 GPL. Peu applicable à la lettre au
des repères lors de l'élaboration d'un repas. On quotidien, elle a l'avantage d'être pédagogique
distingue : et d'éviter les erreurs alimentaires les plus gros-
• les produits laitiers et le lait pour leur apport sières (tableau 13.3). Le chiffre 421 correspond au
protéique et calcique remarquable ; nombre de portions de nutriments désignés par
• la viande, le poisson et les œufs pour leur apport les lettres :
en protéines de bonne qualité biologique et en • G pour glucides sous forme de 4 portions par
fer ; repas ;
• les céréales et féculents riches en glucides dits • P pour protéines : 2 portions ;
complexes ou lents ; • L pour lipides : 1 portion de graisses d'addition.

les classes alimentaires sur


les doigts de la main
4 3
5
2
1 pouce... je passe les graisses

2 index... je montre les féculents

3 majeur... importance majeure des fruits et légumes


1
4 annulaire... l’union des viandes, œufs, poissons

5 auriculaire... pour ne pas oublier les laitages

Figure 13.3. Moyen mnémotechnique permettant de retenir les principales classes alimentaires
tout en les situant dans la ration alimentaire.

137
Partie III. Comment personnaliser les mesures diététiques

Tableau 13.3. Le principe du 421 GPL Tableau 13.4. Exemple de repas structurés
pour élaborer un repas. en appliquant la formule 421 GPL.

4 portions de Ŕ 1 portion de crudités Classes Petit Déjeuner ou dîner


glucides (4G) Ŕ 1 portion de cuidités déjeuner
Ŕ 1 portion de céréales ou de 4G Crudités Jus de fruit Salade de crudités
féculents Céréales Pain Pain, pâtes ou
Ŕ 1 portion sucrée (facultative) Cuidités Compote de pommes de terre
2 portions Ŕ 1 portion non lactée (viande, Produit fruits Jardinière de
de protéines poisson, œuf, légumineuses) sucré Sucre et/ou légumes
(2P) confiture Sucre du dessert
Ŕ 1 portion lactée
2P Protéines Lait ou yaourt Crème brûlée
1 portion de Ŕ 1/2 portion de graisse animale
lactées Œuf, jambon Escalope de veau
lipides (1L) (beurre, crème)
Protéines
Ŕ 1/2 portion d'origine végétale (huile
non
et certaines margarines)
lactées
Source : Creff AF, Layani D. Manuel de diététique en pratique médicale 1L Graisses Beurre Beurre
courante. Paris : Masson; 2004.
animales (gastronomisation)
1/2 Huile
Les différents nutriments se subdivisent en Graisses (assaisonnement)
sous-catégories dont il conviendrait de consom- végétales
1/2
mer à hauteur d'une portion. Les «G » sont com-
posés de crudité (salades, carotte, céleri, chou, Source : Creff AF, Layani D. Manuel de diététique en pratique médicale
courante. Paris : Masson; 2004.
concombre, radis, tomates, etc.), de cuidités
(légumes cuits ou en conserve), de fruits crus, de
s'approprient le concept d'équilibre alimentaire.
farineux et féculents et de produits sucrés. Les
«P » sont subdivisées en produits lactés et non Le PNNS a fait des propositions de composition
lactés et les «L» en graisses d'origine animale et de fréquence de consommation facilement
pour moitié et de graisses d'origine végétale pour mémorisables sous la forme d'une pyramide
moitié. L'assemblage des différentes portions alimentaire (fig. 13.4). Sa base souligne l'impor-
au sein d'un même repas ou au moins durant tance des boissons ; les niveaux successifs situent
la journée alimentaire satisfait les exigences de les produits céréaliers en privilégiant ceux dont
l'équilibre alimentaire idéal (tableau 13.4). Il s'agit l'index glycémique est faible (céréales complètes,
d'un «pense-bête » et non d'une règle intangible légumineuses), les fruits et légumes dont il fau-
puisque l'équilibre alimentaire peut être obtenu drait consommer au moins cinq portions ou
sur un ou plusieurs jours. Quant à la portion à 400 g chaque jour, les produits d'origine animale
laquelle il est fait référence, elle correspond à la incluant les produits laitiers à consommer au
portion intuitive ou habituelle pour autant que le moins 3 fois par jour et la viande qui ne devrait
poids soit normal. pas être consommée plus d'une fois par jour alors
que le poisson devrait être consommé au moins
2 fois par semaine. Les matières grasses situées
Recommandations à l'avant-dernier étage de la pyramide sont à
consommer avec parcimonie (au plus 40 g/j) en
pour approcher de l'équilibre préférant les huiles aux matières grasses concrètes
alimentaire (huile de palme ou de coprah) ou aux matières
grasses solides (margarine, saindoux, beurre).
L'élaboration d'une alimentation saine adaptée à Le dernier étage est celui des produits sucrés
la prévention des maladies cardiométaboliques et dont il ne faudrait consommer qu'occasionnelle-
à leur traitement a fait l'objet de plusieurs recom- ment. Nombre d'entre eux sont riches en sucres
mandations et de représentations destinées à «simples » et en graisses saturées. Leur vocation
fournir des repères afin que les consommateurs n'est pas de nourrir mais d'apporter du plaisir.

138
Chapitre 13. Les repères de l'équilibre alimentaire : rythmes, choix des aliments…

Sucre et produits sucrés Limiter la consommation

Matières grasses Limiter la consommation

1 fois par jour


Viandes, poisson ou œuf
1 part

Lait et produits laitiers À chaque repas


2 à 4 parts

Légumes et fruits Au moins 5 par jour


5 parts
Céréales et dérivés À chaque repas
4 à 6 parts
Boissons
De l’eau à volonté
1,5 l par jour
Boissons alcooliques
0 à 2 verres
Figure 13.4. Pyramide alimentaire proposée par le PNNS (2012).
Source : Extrait de : J.-L. Schlienger. Nutrition clinique pratique. © 2014 Elsevier-Masson SAS. Tous droits réservés.

Le foc avant (violet foncé) représente les légumes

Le foc arrière (violet clair) représente les fruits


La grand-voile (hachures violettes) représente les
féculents
La voile d'artimon (pointillés violets) représente les
sucres
La coque noire représente les produits laitiers
La coque (hachures noires) représente les viandes
et poissons
La quille grise représente les graisses animales

La quille blanche représente les graisses végétales

Figure 13.5. Représentation des différentes classes alimentaires sous la forme d'un bateau.
Source : Extrait de : J.-L. Schlienger. Nutrition clinique pratique. © 2014 Elsevier-Masson SAS. Tous droits réservés.

D'autres propositions ont été faites pour représen- L'ensemble de ces considérations permet d'éla-
ter de façon pédagogique le concept d'équilibre borer un repas type « vertueux » (tableau 13.5)
alimentaire. Il en est ainsi du «bateau populaire » qui convient bien aux sujets diabétiques
dont la coque, les voiles et l'annexe illustrent la moyennant quelques aménagements limités
place relative des différentes classes alimentaires dans la mesure où il permet de prévenir ou de
(fig. 13.5). contrôler la plupart des maladies chroniques

139
Partie III. Comment personnaliser les mesures diététiques

Tableau 13.5. Composition du repas « vertueux» (matin, midi et soir) dont la structure devrait
inspirer chaque prescription.

Repas types
Petit déjeuner Lait 1/2 écrémé Lait 1/2 écrémé Lait 1/2 écrémé
Café, thé, chocolat Café, thé, chocolat Café, thé, chocolat
Jus d'agrume Pétales de céréales Jus d'agrume
Pain complet Fruits secs (pruneaux) Muesli
Confiture
Œuf à la coque
Déjeuner Avocat, dés de tomate Salade de légumes Taboulé de quinoa à la menthe
Purée de pommes de terre, Lentilles, pleurotes Houmous de pois chiches
tofu Pain complet Fromage bleu
Pain complet Yaourt Pain
Petit suisse Gâteau aux carottes Muffins
Fruit
Dîner Jus de tomate Soupe aux pois cassés Soupe aux flocons d'avoine
Quiche aux courgettes ou Pizza à la mozzarella et aux Omelette aux légumes ou aux
aux poireaux tomates pommes de terre
Mousse au chocolat Fruit Yaourt
Salade de fruits

dont les complications cardiovasculaires par- la diversification alimentaire, des impératifs


ticulièrement fréquentes au cours des mala- thérapeutiques et des aspirations hédoniques
dies métaboliques. Leur application aboutit légitimes. À une construction bien structurée
à un plan alimentaire conforme aux objectifs s'ajoute la régularité en termes de rythme et
dans le respect de l'équilibre alimentaire, de d'horaire.

140
Modèles alimentaires CHAPITRE
14
et diabète : du régime
méditerranéen au
végétarisme
J.-L. Schlienger

PLAN DU CHAPITRE
Régime occidental ou «western diet» 141
Régime occidental
Régime méditerranéen 142 ou « western diet»
Régime méditerranéen et diabète 143
Diète nordique ou scandinave 143 Le régime dit «western» décrit la tendance actuelle
Régime paléolithique 144 qui est de manger davantage que ce qui est néces-
Régimes végétariens et végétaliens 144 saire pour couvrir les besoins énergétiques et
Existe-t-il un régime alimentaire vertueux? 147 nutritionnels avec une alimentation de plus en plus
grasse, de plus en plus sucrée et de plus en plus salée.
L'industrialisation, l'urbanisation, le développe- Ce type d'habitudes alimentaires fort répandu dans
ment économique, l'amélioration des ressources les pays occidentaux a des répercussions néfastes
et la mondialisation du marché ont été à l'origine indiscutables en termes de santé publique.
d'une évolution rapide des modes de vie et des L'association entre prise de poids exces-
choix alimentaires dans les pays occidentaux sive, adiposité abdominale et diabète de type 2
développés avec des effets considérables sur (DT2) repose sur un haut niveau de preuve.
la santé et l'état nutritionnel des populations. L'augmentation de la prévalence et de l'incidence
L'évolution des habitudes marquée par une du DT2 est un phénomène mondial particulière-
grande disponibilité alimentaire, la baisse des ment spectaculaire dans les sociétés en transition
dépenses énergétiques, un mode de vie séden- économique, dans une grande partie du monde
taire et une population vieillissante sont les nouvellement industrialisé et dans les pays en
principaux facteurs de risque responsables de développement, lié à une alimentation hyper-
maladies chroniques parmi lesquelles figurent en calorique et à la sédentarité. Le régime « western »
bonne place l'obésité, le diabète et les maladies contemporain concentre des facteurs alimentaires
cardiovasculaires. Le phénomène s'est accéléré impliqués avec une certaine probabilité dans la
au cours de la dernière décennie dans les pays survenue du diabète :
en développement et les pays en transition éco- • apport élevé en acides gras saturés (produits
carnés et dérivés, graisses concrètes, aliments
©2018,ElsevierMassonSAS.Tousdroitsréservés

nomique. La part des aliments de base comme


transformés) ;
Manueldenutritionpourlepatientdiabétique

les céréales, les légumineuses et les tubercules


décline, alors que celle de la viande, des produits • apport insuffisant en fibres alimentaires
laitiers et des oléagineux s'élève. Les aliments solubles et insolubles du fait d'une préférence
consommés sont à forte densité énergétique, à pour les aliments raffinés et transformés ;
teneur élevée en graisses, notamment lorsqu'elles • préférence pour les aliments à index glycémique
sont saturées, et ne comportent plus guère de élevé.
glucides non raffinés. À cette liste s'ajoutent d'autres facteurs carac-
téristiques du mode de vie occidental tels que

141
Partie III. Comment personnaliser les mesures diététiques

la sédentarité, l'inactivité physique, le surpoids alimentaire occidentale. Il s'inscrit dans un mou-


abdominal, la désaffection pour l'allaitement vement de dénonciation du style nord-américain
maternel, le diabète gestationnel associé à des et de revendication de l'identité régionale avec le
processus épigénétiques favorisant le diabète… souhait de retourner vers ses racines. En fait les
Ce récapitulatif qui n'est pas exhaustif est un modes alimentaires des pays et régions du pour-
réquisitoire contre le style de vie occidental. C'est tour méditerranéen sont hétérogènes en dépit de
la raison pour laquelle d'autres modes de vie et nombreux points communs. Classiquement, c'est
d'autres modèles alimentaires ont été préconisés le modèle crétois qui fait référence, le tryptique
pour prévenir les maladies chroniques telles que fondateur étant le pain, l'olivier et la vigne. Les
l'obésité, le diabète et les maladies cardiovascu- aliments repères sont l'huile d'olive, les fruits et
laires. Les uns ont un support médical comme légumes, les céréales non raffinées, le poisson, le
le régime méditerranéen, la diète nordique ou le pourpier riche en oméga 3 et… le vin rouge. Le
régime paléolithique, les autres ont un support rôle intéressant d'une chaîne alimentaire allant du
plus sociétal comme le végétarisme. pourpier consommé par les escargots eux-mêmes
consommés par des poules qui produiront des
œufs riches en acides gras ω3 est volontiers souli-
gné. La consommation de poisson dépend des lieux
Régime méditerranéen de vie, elle peut être abondante, faible ou nulle.
Les produits laitiers (brebis, chèvre, vache…) ont
La célèbre étude des «sept pays » réalisée par une place variable selon les régions et leur nature
Ancel Keys au début des années 1960 dans le but (produits laitiers fermentés comme le kéfir…).
de comprendre les relations entre l'alimentation La consommation de céréales se fait principale-
et la mortalité coronarienne dans sept pays aux ment sous la forme de blé peu raffiné (couscous,
habitudes alimentaires différentes, a souligné l'in- pilpil, boulgour, pain levé ou non), d'orge et plus
térêt préventif que pouvait avoir le style alimen- rarement de riz (en Camargue). Une place impor-
taire pratiqué en Crête et en Grèce. Depuis, de tante est faite aux légumes secs (pois chiches, len-
nombreuses études observationnelles et quelques tilles, haricots, fèves…), aux légumes et aux fruits
méta-analyses ont confirmé l'effet bénéfique de locaux et de saison (figues, olives, oignon, ail…).
l'alimentation des régions méditerranéennes sur La diversité des aliments et la modération, autres
le risque cardiovasculaire par rapport au «western caractéristiques de ce régime en font un prototype
diet » des pays industrialisés. Depuis, le régime dit de plan alimentaire alliant équilibre alimentaire et
«méditerranéen » a été agréé par l'Organisation protection contre les maladies chroniques.
mondiale de la santé (OMS) pour son exempla- Les bienfaits de la «diète méditerranéenne »
rité et son efficacité. Il est considéré aujourd'hui sont argumentés par un dossier scientifique solide.
comme un modèle alimentaire équilibré et diver- Toutes les études épidémiologiques d'observation
sifié capable de réduire l'incidence des maladies montrent dans toutes les populations où cela a été
cardiovasculaires et des maladies métaboliques, évalué, des bénéfices très nets du régime alimen-
à tel point qu'il a servi de base pour élaborer des taire méditerranéen pour la santé. Des études cli-
campagnes d'information et de prévention en niques effectuées sur de petits effectifs ont montré
santé publique. Médiatisé sous la forme d'une des bénéfices en termes de stress oxydant, de dys-
pyramide (cf. chapitre 21 fig. 21.4), il a inspiré le fonction endothéliale, de paramètres inflamma-
Programme national nutrition santé (PNNS) en toires et métaboliques. Des études d'intervention
France. Toutefois, il ne peut être qualifié d'opti- sur des populations importantes (PREDIMED)
mal car cela reviendrait à exclure tous les autres ont montré une réduction du risque métabolique
modèles alimentaires dont certains ont également et cardiovasculaire. Une étude randomisée multi-
fait la preuve de leur intérêt en santé publique centrique récente effectuée chez des sujets à haut
comme par exemple le régime d'Okinawa fondé risque a montré que le régime méditerranéen était
sur la diversité alimentaire et la frugalité. associé à une réduction de 30 % des événements
Le modèle méditerranéen qui n'est pas exempt cardiovasculaires aigus par rapport à un régime
d'une certaine austérité, contraste avec la pléthore pauvre en graisses.

142
Chapitre 14. Modèles alimentaires et diabète : du régime méditerranéen au végétarisme

Les points forts de ce régime sont une consom- protecteurs du régime sont attribués à un effet sur
mation relativement élevée de produits d'origine le tour de taille mais aussi vraisemblablement à
végétale riches en fibres, l'utilisation d'huile certains de ses constituants tels que l'huile d'olive,
d'olive comme corps gras de prédilection, la les noix, la faible teneur en graisses saturées au
consommation modérée de boissons alcoolisées profit des insaturées et l'effet exercé par les fibres
et la faible consommation d'aliments d'origine sur l'insulinosensibilité.
animale (tableau 14.1). Nombre des ingrédients En conclusion, le régime méditerranéen,
prônés par les nutritionnistes contemporains sont témoin d'une culture et reconnu à ce titre comme
présents : appartenant au patrimoine immatériel de l'huma-
• dotation importante en acides gras monoinsa- nité par l'Unesco, peut être considéré dans une
turés sous forme d'huile d'olive ; optique de santé publique comme le meilleur
• équilibre idéal entre les acides gras polyinsatu- régime omnivore traditionnel avec un faisceau de
rés de la série ω6 et de la série ω3 ; preuves très important. En plus des vertus nutri-
• dotation réduite en acides gras saturés d'origine tionnelles dont il est paré, il laisse une belle place
animale avec un ratio acides gras monoinsatu- à la convivialité et au plaisir alimentaire. Il appar-
rés/acides gras saturés élevé ; tient à chaque population de construire un style
• un apport important en glucides complexes et alimentaire s'en rapprochant tout en respectant
en fibres avec une faible charge glycémique. ses valeurs identitaires. En France, pays en partie
méditerranéen, ce régime convivial, équilibré et
source de plaisir gustatif peut être assez facile-
Régime méditerranéen ment adapté et adopté. Il suffit d'en garder l'esprit
et diabète
et les principes et de limiter les produits raffinés,
sucrés. Paradoxalement, ce régime est menacé
Le régime méditerranéen est un régime varié dans les pays où il était traditionnel du fait de
la transition nutritionnelle et de la disponibilité
composé de glucides à index glycémique bas.
croissante des aliments industriels.
Porteur d'une charge glycémique faible, il a été
Un autre bénéfice probable de ce régime tient
associé à une diminution de l'incidence du DT2
à la convivialité des repas Ŕ moments clés de la
de l'ordre de 50 % dans une étude d'intervention.
sociabilité Ŕ oubliée ou négligée dans une bonne
Dans une cohorte grecque, il existait une relation
partie des pays occidentaux non méditerranéens.
inverse entre le niveau d'adhésion des participants
au régime et l'incidence du diabète. Celle-ci était
réduite de 18 % chez les sujets observants par
rapport à ceux qui l'étaient peu, indépendam- Diète nordique ou scandinave
ment de l'âge et de l'index de masse corporelle
(IMC). L'étude PREDIMED a confirmé l'intérêt Cette proposition alimentaire vient en contre-
de ce régime dans les états prédiabétiques. Les point du modèle méditerranéen qui ne peut
mécanismes en cause sont mal connus. Les effets s'appliquer dans des régions où les traditions et

Tableau 14.1. Grands principes du régime méditerranéen.

Consommation
importante et quotidienne quotidienne quotidienne et diversifiée limitée
Fruits (dont les fruits à coque) Huile olive Produits laitiers Poisson environ deux fois
par semaine
Légumes Herbes aromatiques Viande rouge
Légumineuses Vin rouge durant les repas
Céréales

143
Partie III. Comment personnaliser les mesures diététiques

les disponibilités alimentaires ne s'y prêtent pas. certains modes de cuisson et le stress oxydant,
Dans ces contrées une «diète nordique » plus tous facteurs impliqués dans la pathogénie du
adaptée a été validée par plusieurs études épidé- diabète et de ses complications. Toutefois, à en
miologiques montrant une moindre prévalence de croire certains c'est ce régime originel pauvre en
l'obésité en Scandinavie. En raison d'une relation glucides qui aurait favorisé l'apparition du phéno-
favorable avec le risque cardiovasculaire, la diète type d'insulinorésistance Ŕ seule façon de réduire
nordique riche en AG ω3 et en antioxydants est l'utilisation périphérique du glucose au profit du
apparue comme un succédané de la diète méditer- cerveau Ŕ dont l'héritage favoriserait l'apparition
ranéenne plus conforme au goût des Scandinaves du diabète en l'absence d'activité physique suffi-
et nettement plus économique. L'assiette nordique sante comme dans les sociétés industrialisées.
qui propose des céréales complètes, des légumes Ce régime a pour avantages une densité énergé-
et des poissons gras riches en AG ω3 contribue à la tiquefaible,unedensiténutritionnelleélevéeavecune
prévention des maladies métaboliques et cardio- forte teneur en fibres et en phyto-micronutriments,
vasculaires à condition de limiter la consomma- un faible apport en graisses saturées et une faible
tion de viande et de réduire la part des graisses charge glycémique. Nutritionnellement, il a fait ses
animales non marines. preuves dans les états d'insulinorésistance et s'est
avéré plus performant que le régime méditerra-
néen dans les situations de syndrome métabolique
Régime paléolithique ou de DT2.
Le régime paléolithique est l'émanation d'une
D'aucuns ont postulé que les transformations idéologie un peu doctrinaire qui, de rationalité,
industrielles, la cuisson et le raffinement exces- prétend imposer des contraintes peu applicables
sif des aliments sont responsables de l'essentiel au quotidien pour prévenir la plupart des mala-
des méfaits de l'alimentation contemporaine dies de société. À vrai dire l'absence d'indicateurs
en termes de santé (obésité, diabète et tout un de santé et la brièveté de l'espérance de vie ne per-
ensemble de maladies chroniques et dégénéra- mettent pas de confirmer ces bienfaits alors que les
tives). Par réaction, ils ont proposé un retour à bénéfices pour la croissance et le développement
l'alimentation originelle de nos ancêtres cueil- d'une alimentation plus diversifiée, plus digeste
leurs et chasseurs. Les travaux des paléontologues grâce à l'apparition du feu et plus abondante grâce
et les études menées dans des tribus indigènes aux procédés de conservation sont bien établis.
vivant encore de la chasse et de la cueillette il y Aujourd'hui, certains prosélytes ne craignent pas
a peu, ont permis de concevoir un style alimen- d'affirmer que les produits issus de l'élevage et de
taire fondé sur la consommation d'aliments natifs l'agriculture comme le lait ou le gluten des céréales
non transformés et non raffinés et sur l'utilisation sont à écarter de l'alimentation santé.
de procédés culinaires sommaires. Le but est de En conclusion, le régime paléolithique est plus
reproduire l'alimentation des premiers hommes proche d'une vision utopique de la nutrition que
avant l'apparition de l'élevage et de l'agriculture d'une réalité acceptable. Il a l'intérêt d'illustrer
au néolithique. Le régime paléolithique est carac- l'importance des aliments dans la gestion des
térisé par une forte consommation de fruits, maladies métaboliques et tout particulièrement
de légumes, de racines, de noix, de graines et du diabète pour ceux qui en douteraient encore.
de baies et par une consommation modérée de
viande et de poisson peu cuisinés. Les céréales
et les féculents y ont peu de place tout comme les
produits sucrés. Il en résulte un apport élevé en Régimes végétariens
protéines (35Ŕ45 %) et en fibres et très faible en
glucides. L'apport lipidique est variable selon les
et végétaliens
sources animales, le gibier ayant une composition Définitions
en acides gras différente des animaux d'élevage.
L'intérêt de ce régime est de réduire l'insulino- Le végétarisme soutenu par les médias et diverses
résistance, l'inflammation de bas grade, l'excès personnalités connaît un engouement certain
de produits avancés de la glycation (AGE) dû à auprès des jeunes et de quelques moins jeunes.

144
Chapitre 14. Modèles alimentaires et diabète : du régime méditerranéen au végétarisme

L'alimentation végétarienne ou végétarisme se secs (pois, haricots, lentilles, fèves…), le soja et


définit par l'exclusion des aliments provenant de ses dérivés comme le tofu et les oléagineux (noix,
la chair animale. Bien que la viande soit utile à noisettes, amandes…). La traditionnelle associa-
l'équilibre alimentaire en tant que source majeure tion céréales-légumineuses permet de pallier les
de protéines bien assimilables, de fer, de zinc de déficits en acides aminés essentiels des uns et des
vitamines B et d'acides gras, elle n'est pas indis- autres (céréales déficitaires en lysine, légumes
pensable tant qu'elle est substituée par des ali- secs déficitaires en méthionine) en réalisant une
ments sources de protéines végétales. combinaison protéique de valeur biologique com-
Il existe plusieurs types de non-mangeurs de parable à celle des protéines animales.
viande selon le degré d'exclusion des produits La présence d'œufs et de produits laitiers dans
d'origine animale : le régime ovo-lacto-végétarien assure un équilibre
• les ovo-lacto-végétariens ne mangent pas de nutritionnel satisfaisant mis à part un déficit relatif
produits carnés, ni viande ni poisson ; d'apport en AG ω3 à chaîne longue dû à l'absence
• les pesco-végétariens consomment du poisson de poisson, imparfaitement compensé par l'acide
mais pas de viande ; linolénique contenu dans certains végétaux. Mal
• les pollo-végétariens consomment de la volaille conçus, les régimes végétariens peuvent être caren-
mais pas d'autres viandes ; cés en vitamines D (ce qui est un moindre mal
• les végétaliens ne consomment aucun produit puisque l'essentiel de la vitamine D provient de la
d'origine animale (ni viande, ni œufs, ni produits photosynthèse sous-cutanée), B1 (80 % provient
laitiers, ni miel). Les plus militants d'entre eux, les du règne animal), B2 et PP car ces vitamines sont
vegans, refusent de porter de la laine, du cuir ou le plus souvent fournies par les viandes, poissons,
même de s'asseoir dans un fauteuil en cuir; œufs et produits laitiers. Inversement, les régimes
• les flexi-végétariens ou semi-végétariens consom- végétariens fournissent beaucoup de β­carotène,
ment de la viande occasionnellement; de vitamine C, de vitamine E et d'acide folique.
• les macrobiotes sont adeptes de principes phi- À l'opposé, le régime végétalien qui exclut tout
losophiques fondés sur une conception de l'uni- produit d'origine animal, quel qu'il soit, ne peut
vers où s'opposent en se complétant les deux répondre aux critères de l'équilibre nutritionnel
forces du ying et du yang qui se retrouvent dans en raison d'un apport protéique souvent limite,
les aliments. Dans la quête de l'ascèse, l'alimen- d'un apport en calcium, en fer, en iode et en AG
tation est de plus en plus restrictive selon dix ω3 insuffisant et, surtout, d'une carence quasi
degrés dont le premier est omnivore et le der- obligée en vitamine B12 puisque le règne végétal
nier exclusivement composé de riz. en est totalement dépourvu.
En France, le choix du végétarisme, plus récent
que dans les pays anglo-saxons, est argumenté
par des préoccupations philosophiques, reli- Élaboration d'une ration
gieuses, morales, économiques, environnemen- alimentaire végétarienne
tales, sanitaires, tiers-mondistes, éthiques et par équilibrée (nécessairement
souci du bien-être animal. Il n'y a pas de rationnel lacto-ovo-végétarienne)
scientifique pour justifier le choix de ce compor-
tement alimentaire. Il témoigne d'une relation Cet objectif est assez facile à atteindre moyennant
particulière à la nourriture et traduit le souhait de quelques connaissances nutritionnelles et une
remettre en cause les habitudes établies puisque bonne motivation. Il suffit de consommer :
l'alimentation végétarienne s'oppose presque • des crudités plusieurs fois/j ;
point par point à l'alimentation occidentale trop • des légumes cuits 1 à 2 fois/j ;
raffinée (pauvre en fibres), trop riche en sucres, en • un plat protidique à base de céréales et de légu-
graisses et en protéines. mineuses 1 à 2 fois/j ;
Le régime végétarien est compatible avec l'équi- • des céréales semi-complètes pour éviter un
libre alimentaire à condition de varier les quatre excès de fibres ;
grandes sources de protéines végétales que sont • des produits laitiers 3 fois/j ;
les céréales et apparentés (blé et équivalents, riz, • des graines oléagineuses en petite quantité ;
avoine, maïs, sarrasin, quinoa, etc.), les légumes • des œufs.

145
Partie III. Comment personnaliser les mesures diététiques

Effets sur la santé des régimes de la LDL-cholestérolémie et l'augmentation de la


végétariens HDL-cholestérolémie sont liées aux apports éle-
vés en fibres et en phytostérols, à la réduction des
Les régimes végétariens apportent davantage de apports en acides gras saturés et à la consomma-
protéines végétales, de fibres, de microconsti- tion de produits laitiers. Les facteurs alimentaires
tuants végétaux que le régime occidental clas- bénéfiques sur les niveaux de lipides sanguins
sique. L'apport en acides gras dépend des huiles et incluent les huiles végétales, les fibres solubles, les
graisses concrètes utilisées pour les préparations noix et le soja. Enfin le végétarisme paraît associé
culinaires. Toutefois, si l'alimentation végéta- à une réduction du risque de cancer, notamment
rienne peut être équilibrée elle ne l'est pas néces- colorectal, toutes choses étant égales par ailleurs.
sairement. Un excès de glucides et un déséquilibre
lipidique sont assez communs dans les régimes
Effets des régimes végétariens
ovo-lacto-végétariens. Quant au régime végéta-
lien il ne peut être parfaitement équilibré sans dans certains états pathologiques
supplémentation en vitamine B12 et à un moindre Le végétarisme ne semble pas avoir de véritables
degré en fer, en AG oméga 3, en zinc et en calcium. indications thérapeutiques.
De nombreuses études observationnelles ont
souligné les avantages d'une alimentation végéta-
Dans le surpoids ou l'obésité
rienne en termes de réduction du risque des mala-
dies de surcharge et dégénératives dites de société. Les effets du végétarisme sur le poids et les para-
Ces constatations positives sont à tempérer par un mètres métaboliques sont comparables à ceux
mode de vie globalement favorable avec une ali- des régimes hypocaloriques conventionnels.
mentation plus frugale, un niveau d'activité phy- Toutefois un apport protéique insuffisant expose
sique plus soutenu et moins de comportements à à une perte plus importante de la masse maigre.
risque dans les populations végétariennes. L'IMC
des végétariens est inférieur à celui des omni- Dans les pathologies
vores et le risque de devenir obèse est moindre, la coronariennes
prévalence de l'obésité étant inférieure à 5 %. La
Comparés aux non-végétariens, les végétariens et
moindre incidence du surpoids a été attribuée à
végétaliens ont un risque moindre de mortalité
la dotation plus élevée en fibres qui ont un effet
par cardiopathie ischémique, après ajustement
rassasiant et à un moindre apport lipidique.
sur l'indice de masse corporelle (IMC), l'activité
La consommation fréquente de viandes et de
physique et le tabagisme. Selon certaines études
charcuteries, à elle seule, constitue un facteur de
le régime végétarien est à même de réduire la
risque significatif de survenue d'un DT2, même
plaque d'athérome chez les sujets coronariens. La
après ajustement pour l'IMC. Une méta-analyse a
consommation de fruits, de légumes, de céréales
mis en évidence un risque relatif plus important
complètes, de protéines de soja, de noix et de
de DT2 lorsque la consommation dépassait 100 g
flavonoïdes semble contribuer à la diminution
de viande rouge et 50 g de charcuterie par jour.
du risque cardiovasculaire par leurs proprié-
Les végétariens ont une plus grande sensibilité à
tés antioxydantes qui réduisent l'agrégabilité
l'insuline et un risque plus faible de devenir diabé-
plaquettaire et par une action anti-inflammatoire
tiques. Cet effet est également attribué à la richesse
qui améliore le fonctionnement de l'endothélium
en fibres et à une faible charge glycémique.
vasculaire.
Les végétariens se distinguent encore par une
réduction de la pression artérielle moyenne dont
le mécanisme serait indépendant de l'IMC et des Dans le diabète de type 2
apports sodés, et lié à un apport potassique accru. L'adhésion à un régime de type végétarien est
La pratique du végétarisme est associée à une associée à une amélioration de l'équilibre gly-
moindre prévalence des maladies coronariennes cémique par rapport à un régime omnivore du
secondaire aux effets favorables sur le poids, l'insu- fait d'une moindre charge glycémique et d'une
linosensibilité et la pression artérielle mais aussi à variabilité réduite de la glycémie imputable aux
une amélioration du profil lipidique. La diminution fibres alimentaires. Des consommations élevées

146
Chapitre 14. Modèles alimentaires et diabète : du régime méditerranéen au végétarisme

de légumes, céréales complètes, légumineuses et il n'y a pas lieu de les convertir à l'omnivorisme
et noix, ont été associées à une amélioration du dès lors que les besoins en nutriments sont cou-
contrôle glycémique chez les sujets diabétiques ou verts et que le principe de complémentarité et de
prédiabétiques. diversité des sources protéiques est respecté.
Il n'y a pas de contre-indication à la pratique
d'un régime végétarien en cas de DT2 tant que
l'alimentation est régulière, suffisante et diversi-
fiée. Il n'en est pas de même du régime végétalien
Existe-t-il un régime alimentaire
bien qu'il améliore de façon importante le contrôle vertueux ?
glycémique chez les personnes ayant un DT2 et
permette de réduire la prise de médicaments anti- Les styles alimentaires envisagés dans ce cha-
diabétiques chez plus de 40 % des patients diabé- pitre sont tous plus ou moins compatibles avec les
tiques de type 2 après 5 mois de suivi. Ce type de objectifs de prévention et de traitement du diabète
régime est déconseillé en raison du déséquilibre pour autant qu'ils assurent des apports suffisants,
alimentaire qu'il induit. adaptés, réguliers et diversifiés. Le régime médi-
En revanche, peut-on prescrire un régime terranéen dans sa déclinaison «grecque ou cré-
végétarien dans le diabète de type 2? toise » semble le plus à même d'infléchir dans le
Fort des résultats rapportés dans la littérature bon sens les travers de l'alimentation des sociétés
cette question est légitime. Pourtant, il n'est pas industrielles moyennant quelques adaptations
raisonnable de prescrire un tel régime à un patient assez simples : remplacement d'une partie des
car cela bouleverse par trop les repères et risque graisses par l'huile d'olive, préférence donnée
de créer des situations de déséquilibre alimentaire aux céréales moins raffinées, consommation
et de subcarences notamment chez les personnes plus importante de fruits et légumes et moindre
âgées. Il est plus raisonnable de s'inspirer du d'aliments industriels… Il répond de façon satis-
végétarisme pour augmenter la consommation de faisante aux valeurs de convivialité et de plaisir
fibres et de céréales peu raffinées et réduire celle alimentaire qui font partie des fondements de
des viandes rouges ou de charcuterie. l'alimentation «à la française ». Adopter ces
Le végétarisme n'est pas une panacée mais un grands principes serait assurément un grand pas
guide qui permet d'éclairer les comportements vers la prévention des maladies chroniques dites
pour accéder à un meilleur équilibre nutritionnel. de société. Le PNNS en propose une déclinaison
Chez les pratiquants, il n'est pas incompatible avec très acceptable qui a toute sa place chez les sujets
un traitement optimal du diabète de type 1 ou 2 diabétiques ou à risque de le devenir.

147
Prescrire un régime CHAPITRE
15
chez le patient
diabétique : principes
généraux
L. Monnier, C. Colette

PLAN DU CHAPITRE périodes postprandiales tardives (3 à 4 heures


Mesures hygiéno-diététiques 149 après le début des repas) voire même très tardives
L'étape incontournable : le diagnostic nutritionnel 151 (périodes interprandiales au-delà de la quatrième
Prérequis pour la prescription diététique 158 heure après le début du repas). Dans ce type
Stratégie générale de la mise en place des mesures de diabète, le contrôle de l'hyperglycémie
diététiques chez le patient diabétique 159
chronique globale évaluée par l'HbA1c et dési-
Construction pratique du régime du patient diabétique 161
gnée encore sous les termes «d'hyperglycémie
Exemple de construction pratique 164
ambiante » ou «d'exposition chronique au glu-
Quelques remarques supplémentaires 165
cose » est surtout sous la dépendance du traite-
Utilisation des saveurs, des sensations en bouche et
des arômes dans la prescription diététique 166 ment insulinique. Il n'en reste pas moins que
Avenir de la prescription diététique 171 les résultats obtenus sur l'HbA1c sont meilleurs
lorsque les règles hygiéno-diététiques sont respec-
tées que lorsqu'elles sont ignorées.

Mesures hygiéno-diététiques Dans le diabète de type 2


Les mesures hygiéno-diététiques, même si elles Les mesures hygiéno-diététiques sont indis-
sont difficiles à mettre en œuvre, sont la pierre pensables aux différentes étapes de la maladie :
angulaire du traitement des états diabétiques, prédiabète, diabète avéré avec ou sans complica-
qu'ils soient de type 1 ou 2. Ce concept est parfois tions, diabète insuliné ou non insuliné, diabète
remis en cause par certains qui considèrent que sans ou avec facteurs de risque cardiovasculaire
la prescription diététique est trop complexe, que associés (hypertension artérielle, dyslipidémie,
le temps passé à instaurer un régime et à assurer tabagisme). Dans ce cas, les mesures diététiques
son suivi est beaucoup trop long par rapport aux ont pour objectifs de réduire les fluctuations
bénéfices que l'on peut en attendre. C'est pour- glycémiques mais surtout de participer à la dimi-
tant l'observation quotidienne qui nous apprend nution de «l'hyperglycémie ambiante » en agis-
que les patients diabétiques, qui ne respectent pas sant surtout sur l'insulinorésistance, qui est le
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un minimum de règles hygiéno-diététiques, sont responsable essentiel des désordres glycémiques


Manueldenutritionpourlepatientdiabétique

rarement bien équilibrés. du diabète de type 2, au moins au moment de la


découverte de la maladie et dans les premières
Dans le diabète de type 1 années de son évolution. À un moindre degré,
les mesures hygiéno-diététiques permettent de
Les mesures hygiéno-diététiques sont essen- sauvegarder l'insulinosécrétion résiduelle. Grâce
tiellement destinées à réduire les fluctuations à leurs actions sur l'insulinorésistance et sur l'in-
glycémiques vers le haut (dérives hyperglycé- sulinosécrétion résiduelle, les régimes renforcent
miques postprandiales) ou vers le bas (épisodes l'efficience (efficacité et sécurité) des traitements
hypoglycémiques). Les hypoglycémies sur- pharmacologiques et elles ralentissent proba-
viennent en général à distance des repas dans les blement, sans qu'il y ait de preuves formelles,

149
Partie III. Comment personnaliser les mesures diététiques

l'escalade médicamenteuse qui caractérise l'his- mesures nutritionnelles : respecter les saveurs, les
toire naturelle du diabète de type 2. Le passage arômes, l'onctueux et de manière plus générale la
progressif d'une monothérapie orale vers une sensation en bouche. Ainsi comme tout traitement,
bithérapie orale, puis vers une des thérapeutiques les régimes doivent répondre à un critère essentiel :
injectables (agonistes des récepteurs du GLP-1 l'efficience, qui englobe efficacité, sécurité, qualité
ou insuline) est, semble-t-il, plus lent quand les de vie et satisfaction du patient. Efficacité et sécu-
mesures diététiques sont respectées. Enfin, il est rité dépendent essentiellement du médecin. Par
indéniable que les traitements hygiéno-diété- exemple, un régime hypocalorique prescrit chez un
tiques participent à la lutte contre les facteurs de patient diabétique obèse doit conduire à une perte
risque qui sont fréquemment associés au diabète pondérale. Ainsi, avant toute mise en œuvre d'un
et qui favorisent l'apparition ou la progression régime, il convient d'établir un diagnostic nutri-
des complications vasculaires. Ainsi, la prise en tionnel qui comprend une évaluation des désordres
charge nutritionnelle des diabétiques, à condi- à corriger par les mesures diététiques. L'enquête ali-
tion qu'elle soit bien comprise et observée, reste mentaire fait partie de cette étape. La sécurité d'un
la «clé de voûte » des mesures thérapeutiques régime sous-entend qu'il ne faut pas augmenter le
des états diabétiques. De plus, à l'instar des risque hypoglycémique et même le réduire ou le
traitements pharmacologiques, les traitements supprimer autant que faire se peut. C'est dans cet
nutritionnels devraient s'éloigner d'une vision esprit que chez un diabétique insuliné, les régimes
purement « glucocentrique » ciblant uniquement trop restrictifs ou déséquilibrés et qui ne respectent
les désordres glycémiques, pour s'élargir vers des pas les grands équilibres nutritionnels et métabo-
objectifs « multifactoriels », ciblant l'ensemble des liques doivent être évités ou proscrits. La qualité de
facteurs de risque et des pathologies associées au vie et la satisfaction du patient diabétique devraient
diabète sucré comme l'hypertension artérielle, les faire l'objet d'une attention particulière car il est
désordres lipidiques, les troubles de l'hémostase. impossible d'inscrire un régime dans la durée s'il
ne respecte pas les composantes sociales, cultu-
Les constats pratiques : qu'en relles, hédonistes, professionnelles ou religieuses
est-il dans la vie quotidienne ? de chaque personne. Les objectifs médicaux des
mesures diététiques doivent être discutés avec le
Tout serait parfait si les bonnes pratiques recom- patient en fonction de ses souhaits et de son mode
mandées par la médecine académique se décli- de vie. Un programme nutritionnel plus que des
naient de manière fluide et systématique au niveau mesures diététiques devrait être défini. La déno-
de la pratique quotidienne. Malheureusement, la mination idéale bien qu'elle soit un peu longue
mise en œuvre et la poursuite sur le long terme devrait être la suivante : «programme nutritionnel
des mesures diététiques sont souvent assimilables médicalisé à visée thérapeutique». Cette dénomi-
à une course d'obstacles où les échecs et la non- nation intègre en effet l'ensemble des caractéris-
observance sont plus fréquents que les succès et la tiques de ce que l'on appelle plus communément
bonne compliance. Nombreux sont les facteurs qui les «régimes » ou les «mesures diététiques». Le
sont à la base de ce constat. En tout premier lieu, terme «nutritionnel» est plus large que celui de
il convient de reconnaître que la prescription d'un diététique, car ce dernier ne concerne que la partie
régime est l'un des actes thérapeutiques les plus technique de la prescription. Le terme «médica-
difficiles à mettre en œuvre car il nécessite de la lisé» signifie que la prescription doit être réalisée
part du thérapeute une connaissance étendue de la par des professionnels de santé, médecins et diété-
nutrition, de l'équilibre nutritionnel et des tables ticiens. Le terme «thérapeutique» sous-entend que
de composition alimentaires. En deuxième lieu, il les mesures nutritionnelles ne devraient pas être
convient de rendre le suivi du régime réalisable et considérées comme accessoires mais qu'elles sont
acceptable sur de longues périodes de temps, sur- à positionner au même niveau que les traitements
tout quand la prescription diététique s'adresse à des pharmacologiques. Enfin le terme «programme»
patients atteints d'affections chroniques comme les signifie comme nous l'avons mentionné plus haut
états diabétiques qu'ils soient ou non accompagnés que la prescription nutritionnelle doit être faite à
d'autres pathologies. La faisabilité des régimes est partir d'un plan thérapeutique librement discuté
fondée sur le maintien de la qualité gustative des avec le patient.

150
Chapitre 15. Prescrire un régime chez le patient diabétique : principes généraux

L'étape incontournable : Évaluation de la balance


énergétique
le diagnostic nutritionnel
Le métabolisme énergétique de l'homme est régi par
La prescription diététique nécessite des mesures les deux grands principes de la thermodynamique.
quantitatives et qualitatives qui sont basées sur Le premier stipule que la balance énergétique
une évaluation préalable de l'état nutritionnel est équilibrée chez un individu dont le poids est
et de la balance énergétique du patient. Cette stable. Le deuxième nous indique que tout régime
phase d'évaluation peut être divisée en plu- amaigrissant s'accompagne inéluctablement d'une
sieurs étapes. Elle nécessite le recueil des don- baisse des synthèses protéiques, d'une diminution
nées suivantes. du volume de la masse maigre, avec pour consé-
quence une réduction de la masse musculaire.
Évaluation des caractéristiques En pratique médicale courante, l'évaluation de la
balance énergétique d'un individu devrait servir de
anthropométriques du patient point de repère avant toute prescription diététique.
Cette première évaluation ne nécessite que des Il faut savoir que l'organisme humain fonctionne
outils simples : une bascule, une toise, une cal- comme une «machine thermique» qui obéit au
culette et éventuellement un ruban métrique. premier principe de la thermodynamique. Chez
Après avoir pesé et mesuré le sujet on peut cal- l'homme, il s'exprime par l'équation suivante : U
culer son indice de masse corporelle : IMC (kg/ = Q Ŕ W. Dans cette équation, Q représente les
m2) = poids (kg)/T2 où « T » est la taille exprimée apports caloriques et W les dépenses énergétiques.
en mètres. Le poids est considéré comme normal La balance est équilibrée lorsque U = 0 c'est-à-dire
quand l'IMC est < 25. On parle de surcharge pon- lorsque Q = W. Toute prise de poids est caractéri-
dérale entre 25 et 30 et d'obésité au-delà de 30. La sée par une balance énergétique positive U > 0 sur
mesure du tour de taille avec un ruban métrique une durée de temps plus ou moins prolongée. Dans
est intéressante pour discerner les obésités viscé- ce cas, Q est supérieur à W. En revanche, toute
rales (androïdes) et périphériques (gynoïdes). On perte de poids (par exemple chez un patient diabé-
parle d'obésité viscérale lorsque le tour de taille tique de type 2 obèse) est sous la dépendance d'une
est supérieur à 94 cm chez l'homme et à 80 cm perte d'énergie ce qui implique que Q soit inférieur
chez la femme. L'obésité est dite périphérique à W. En accord avec ce principe et compte tenu du
dans le cas contraire. Cette définition a été modi- fait qu'une perte de poids de 1 kg nécessite un défi-
fiée il y a quelques années. À cette époque-là, les cit énergétique de 7700 kcal, un régime qui rédui-
seuils étaient plus élevés : 102 cm pour l'homme et rait l'apport quotidien de 500 kcal par rapport aux
88 cm pour la femme. À notre avis, les nouveaux dépenses (Q Ŕ W = Ŕ 500 kcal) devrait conduire
seuils sont trop bas et les anciens seuils étaient à un déficit calorique de 3500 kcal par semaine
probablement trop élevés. La bonne définition c'est-à-dire à une perte de poids de 0,5 kg/semaine.
se trouve sûrement entre les deux. Ceci signifie Malheureusement ces calculs optimistes sont fré-
qu'il ne faut pas être trop rigide sur les seuils et quemment contredits par les faits observés. La
ce d'autant plus que la mesure du tour de taille perte de poids est souvent plus faible que celle qui
n'est pas infaillible. En effet, tout le monde peut est normalement prédite car les patients acceptent
comprendre aisément que la mesure du tour de mal les contraintes diététiques et suivent les régimes
taille peut varier selon que le ruban métrique est de restriction calorique de manière plus ou moins
plus ou moins serré et selon que les repères pris laxiste (fig. 15.1). Compte tenu de ces observations,
au moment de la mesure sont plus ou moins bien la mise en place de mesures diététiques, surtout
déterminés. Il n'en reste pas moins que l'obésité vis- lorsqu'il s'agit d'un régime de restriction calorique
cérale est celle qui est habituellement associée au devrait être précédée par une évaluation de la
diabète de type 2 et de manière plus générale aux balance énergétique avec quantification des apports
états d'insulinorésistance. C'est pour cette raison (Q) et des dépenses (W). En cours de cure d'amai-
que la mesure du tour de taille, même si elle reste grissement, en particulier lorsque la perte de poids
imprécise, devrait faire partie de l'examen clinique observée reste en deçà des prévisions théoriques, les
d'un patient diabétique et obèse. quantités Q et W doivent être réévaluées.

151
Partie III. Comment personnaliser les mesures diététiques

Adhésion
au régime (%)

0 100
observée

Modificationdepoids(kg) –5 75

–10 50
prédite

–15 25

–20 0
0 25 50 75 100
Semaines
Figure 15.1. Perte de poids observée et prédite chez des obèses soumis à des régimes de
restriction calorique.
La différence entre la perte de poids observée et prédite est liée à l'érosion de l'observance des mesures diététiques au cours du
temps.D'après : Heymsfield SB, Harp JB,Reitman ML, Beetsch JW, Schoeller DA, Erondu N, Pietrobelli A. Why do obese patients
not lose more weight when treated with low-calorie diets? A mechanistic perspective.Am J Clin Nutr 2007; 85(2) : 346-54.

Évaluation des dépenses Ainsi, le lecteur pourra toujours calculer sa


énergétiques dépense énergétique de repos à partir de ce type
d'équation en sachant que leur degré d'erreur est
Deux cas de figure doivent être envisagés selon
élevé : ± 15 % par rapport à la valeur réelle. L'erreur
que l'on dispose ou non d'outils comme la bio- est encore amplifiée par le fait que la dépense éner-
impédancemétrie ou la calorimétrie indirecte. gétique totale (W) est déduite de la dépense de
Cas le plus fréquent repos en appliquant un coefficient multiplicateur
dont la valeur moyenne est de l'ordre de 1,5. En
Le médecin ne dispose pas d'outils de mesure
effet, chez un sujet ayant une activité moyenne, la
de la dépense énergétique comme la bio- dépense énergétique liée à l'activité physique est en
impédancemétrie ou la calorimétrie indirecte. général égale à la moitié de la dépense basale. Ce
Dans ce cas, la dépense énergétique de repos coefficient de correction peut être plus ou moins
(DER exprimée en kcal/j), encore appelée métabo- élevé en fonction de l'activité physique du sujet :
lisme de base, peut être quantifiée par des formules 1,2 pour un sujet ayant une activité faible, plus de
plus ou moins empiriques comme les équations de 2 pour les personnes ayant une activité physique
Harris et Benedict ou les équations de Schofield. soutenue à la fois dans le contexte professionnel et
Toutes sont basées sur le fait qu'elles tiennent extraprofessionnel. Ceci signifie que l'évaluation
compte de l'âge, du sexe et des caractéristiques de W implique une estimation préalable de l'acti-
anthropométriques du sujet : poids et taille. À titre vité physique du patient. En pratique nous utili-
d'exemple, l'équation de Harris et Benedict, qui a sons une grille simple (tableau 15.1) qui permet
été établie il y a près de 100 ans (1919) fournit une de coter l'activité physique en faible, moyenne ou
estimation de la DER (kcal/j) qui peut être calculée forte en fonction des réponses fournies aux deux
de la manière suivante : questions élémentaires suivantes : que faites-vous
• pour les hommes DER = 66,5 + (13,7 × poids) pendant votre travail ? Que faites-vous en dehors
+ (5,0 × taille) Ŕ (6,8 × âge) ; de votre travail ? En combinant les réponses obte-
• pour les femmes DER = 665,1 + (9,6 × poids) nues pour ces deux questions, l'activité physique
+ (1,8 × taille) Ŕ (4,7 × âge). peut être quantifiée à partir de la grille indiquée
Dans ces équations, le poids, la taille et l'âge sur le tableau 15.2.
sont respectivement exprimés en kg, cm et années.

152
Chapitre 15. Prescrire un régime chez le patient diabétique : principes généraux

Tableau 15.1. Estimation de l'activité physique Tableau 15.3. Dépenses énergétiques globales
du patient à partir d'un questionnaire simple. (niveau calorique) en fonction de l'âge, du
sexe et de l'activité physique chez un adulte.
Réponses à la question Niveau d'activité
Question 1 : Que faites-vous pendant votre Niveau Âge Sexe Activité
travail ? calorique

Je reste assis en Faible 2 600 Jeune M Moyenne


permanence ou ou
Je me déplace Moyenne adulte forte
fréquemment en marchant jeune
J'exerce un travail manuel Forte 2 400 2 critères de la ligne du haut
Question 2 : Que faites-vous en dehors 2 200 1 critère de la ligne du haut
de votre travail ? 2 000 Aucun critère de la ligne du haut
Je reste assis Faible Les dépenses énergétiques (colonne de gauche) sont exprimées
J'ai une activité physique Moyenne en kcal/j.
de loisir (une ou plusieurs
fois par semaine) Ce tableau est valable pour les adultes. Chez
J'ai une activité sportive Forte
l'enfant et l'adolescent on peut appliquer les règles
de compétition suivantes : W = 1 100 kcal/j à l'âge de 1 an, puis
on incrémente W de 100 kcal pour chaque année
Tableau 15.2. Grille d'évaluation finale de d'âge jusqu'à la puberté (fig. 15.2). Ainsi à l'âge de
l'activité physique d'un patient en combinant 5 ans, la valeur de W est de l'ordre de 1 500 kcal/j.
les réponses aux questions 1 et 2 du Au moment de la puberté, elle augmente et se situe
tableau 15.1. aux alentours de 3 000 kcal/j (fig. 15.2).
Cas le moins fréquent
Évaluation Évaluation
Pendant le En dehors du globale Lemédecindisposed'outilsdemesuredeladépense
travail travail énergétique comme la bio-impédancemétrie ou la
calorimétrie.
Activité faible Activité faible Activité faible
L'une des deux activités au moins Activité Bio-impédancemétrie
est moyenne moyenne C'est une méthode simple, relativement peu coû-
L'une des deux activités au moins Activité forte teuse, qui peut être mise en œuvre par tout méde-
est forte cin praticien. Elle est théoriquement destinée à la
quantification de la masse maigre de l'organisme
Dans la
donnent desmesure
résultatsoùapproximatifs,
les formules ilempiriques
convient (muscles, organes pleins tels que le foie, les reins,
de simplifier le calcul de W en utilisant des règles le cœur…). La technique consiste à faire passer un
beaucoup plus accessibles. À titre d'exemple, le courant de très faible intensité (quelques milliam-
calcul de W peut être conduit selon la méthode qui pères) à travers l'organisme dont la masse maigre
est indiquée sur le tableau 15.3. Trois paramètres se comporte comme un conducteur cylindrique
sont pris en compte : l'âge, le sexe et l'activité phy- de volume V et de longueur L (L = taille du sujet)
sique. Pour un sujet de moins de 45 ans, de sexe (fig. 15.3). À noter que la masse grasse (tissu adi-
masculin à activité physique moyenne ou forte, peux) est un isolant qui n'est pas traversé par ce
la dépense énergétique globale (W) est de l'ordre courant. L'impédancemètre permet de mesurer
de 2 600 kcal/j (ligne du haut). La perte d'un des l'impédance de la masse maigre, c'est-à-dire la
critères de la ligne du haut réduit W de 200 kcal/j. résistance que le conducteur (masse maigre) oppose
Pour une personne de plus de 45 ans de sexe fémi- au passage du courant électrique. L'impédance est
nin à activité physique faible, la dépense énergé- donnée par une équation bien connue en physique
tique W est de l'ordre de 2 000 kcal/j (ligne du bas). des courants électriques : Z = ρ × L2/V où ρ est la
résistivité de la masse maigre.
153
Partie III. Comment personnaliser les mesures diététiques

Période
pubertaire

Besoinsénergétiques(kcal/j)
3000

2500

2000

1500
1100

1 5 10 15 20
Âge (années)
Figure 15.2. Dépenses et besoins énergétiques chez l'enfant et l'adolescent en fonction de l'âge.

de la morphologie du corps humain avec assimi-


lation de la masse maigre à un cylindre, ce qui
V paraît relativement loin de la réalité.

L
Calorimétrie indirecte
2 2 Elle permet de mesurer la dépense énergétique à
IMPÉDANCE = Z = . L /V V =  .L /Z
 = résistivité (ohm-cm) partir de la quantification des échanges respira-
L = longueur du conducteur  taille du patient toires : quantification du volume d'O2 consommé
V = volume du conducteur = volume de la masse maigre (VO2) et de la quantité de gaz carbonique produit
Figure 15.3. Principe de la (VCO2). En effet, la métabolisation de tout substrat
bio-impédancemétrie. chimique (S) en présence d'O2 conduit à la pro-
Cette méthode permet de mesurer le volume de la masse duction d'eau, de gaz carbonique et d'énergie selon
maigre (V) et par extrapolation le métabolisme de base l'équation : S + O2 → H2O + CO2 + Énergie (E).
qui lui est proportionnel. Si le sujet est au repos, l'énergie produite cor-
respond au métabolisme de base. En appliquant
La résistivité dépend de la température du les lois de la physiologie et de la thermodyna-
sujet, de son équilibre hydroélectrolytique mique, l'énergie produite (E) est donnée par une
(en particulier des taux de sodium [Na] et de équation linéaire dont les variables sont VO2,
potassium [K]). Pour un sujet n'ayant pas de VCO2 et N (quantité d'azote excrétée par voie
fièvre (température 37 °C), n'ayant pas de désé- urinaire par 24 heures). Les constantes a, b et c
quilibre ionique et au repos depuis plusieurs de l'équation linéaire E = aVO2 + bVCO2 + cN
minutes, la résistivité est une constante. Z est sont données par la physiologie. Pour réaliser
donné par l'impédancemètre, L est la taille du cette mesure, il faut disposer d'un calorimètre
sujet donnée par la toise. Dans ces conditions, qui permet, en faisant respirer la personne sous
le calcul du volume (V) de la masse maigre est un canopy, de mesurer les quantités VO2 et
donné par l'équation : V = ρ × L2/Z. De plus, la VCO2 à partir des flux entrant (Fin) et sortant
bio-impédancemétrie peut donner accès à une (Fout) d'oxygène et de gaz carbonique dans le
évaluation des dépenses de repos (DER) car ces canopy (fig. 15.4). Malheureusement, la mesure
dernières sont proportionnelles au volume de la de la DER par calorimétrie exige l'acquisition
masse maigre : DER = kV. Bien que tous les bio- d'un appareillage complexe et coûteux dont
impédancemètres permettent de mesurer à la l'utilisation reste limitée aux services hospita-
fois la dépense énergétique de repos et d'évaluer liers spécialisés. De toute manière, la mesure de
la composition corporelle, cette méthode reste la dépense énergétique de repos (DER) four-
approximative car elle suppose une modélisation nie par bio-impédancemétrie ou calorimétrie

154
Chapitre 15. Prescrire un régime chez le patient diabétique : principes généraux

Canopy

FoutO2 FoutCO2
FinO2
FinCO2

E = a VO2˙ + b VCO2˙ + c N ˙
Figure 15.4. Principe de la détermination du métabolisme de base (E) en calorimétrie indirecte.
VO2 et VCO2 sont respectivement les volumes d'O2 consommés et de CO2 produits au cours de la respiration. N est la
quantité d'azote excrétée par les urines. Les quantités VO2 et VCO2 sont automatiquement calculées en mesurant les flux
d'O2 et de CO2 qui pénètrent (Fin) et qui sortent du canopy (Fout).
indirecte doit être ultérieurement multipliée par l'interview. Les deux problèmes liés à ce type
le coefficient de correction lié à l'activité phy- d'enquête sont : la durée du recueil des données et
sique (en général 1,5) afin d'obtenir la dépense les incertitudes de la méthode.
énergétique globale (W). Les omissions sont nombreuses et aboutissent à
une sous-estimation des apports : phénomène de
Évaluation des apports sous-déclaration ou «under-reporting ».
énergétiques (Q)
Elle ne peut être réalisée que par la technique Rappels des habitudes alimentaires
des enquêtes alimentaires. Plusieurs méthodes ou « food frequency recalls »
peuvent être envisagées mais il convient d'emblée Ce type de méthode a pour but d'essayer de
de souligner que toutes sont entachées d'erreur. reconstituer l'histoire alimentaire d'un individu
La faille la plus fréquente est une sous-déclaration sur une période de plusieurs semaines ou plu-
(« under-reporting ») des apports nutritionnels. sieurs mois. Les questions portent sur toutes les
Elle est surtout marquée chez les sujets obèses prises alimentaires. Les fréquences hebdoma-
et plus particulièrement chez les femmes. Cette daires et éventuellement mensuelles sont évaluées.
sous-déclaration peut atteindre Ŕ30 à Ŕ40 % par Comme la précédente, cette méthode fait appel à
rapport aux apports réels. Schématiquement, les la mémoire et demande du temps. En revanche,
techniques d'enquête alimentaire peuvent être elle est certainement plus fiable que la précédente
subdivisées en deux grands groupes : les enquêtes dans la mesure où elle est moins influencée par
par interrogatoire et les enquêtes par journal les variations de l'alimentation à court terme voire
alimentaire. même au jour le jour. L'interrogatoire sur l'utilisa-
Enquêtes par interrogatoire tion des corps gras doit être particulièrement soi-
gné (nombre de bouteilles d'huile, de plaquettes
Enquêtes par rappel diététique à court de beurre ou de margarine achetées par semaine),
terme car c'est à ce niveau que les erreurs sont les plus
Elles sont réalisées en questionnant le sujet sur importantes.
ses consommations alimentaires pendant le Pour éviter la sous-estimation des apports
jour ou les jours qui ont précédé l'interview. La caloriques et pour que l'enquête alimentaire soit
durée de la période explorée peut aller jusqu'à réalisée dans un délai de temps raisonnable, il
une semaine mais la méthode la plus simple est est possible d'utiliser une enquête alimentaire
bien évidemment le rappel des 24 heures («24-h rapide qui est un compromis entre l'enquête clas-
recall »), le recueil des données ne portant que sur sique par interrogatoire et les « food-frequency
la consommation alimentaire du jour qui précède recalls ». Sans entrer dans les détails que le

155
Partie III. Comment personnaliser les mesures diététiques

lecteur intéressé pourra trouver dans la publi- Tableau 15.4. Enquête alimentaire rapide.
Les trois premières questions portent sur les aliments
cation originale de cette méthode1, nous sou-
riches en protéines.
haitons rappeler les bases et les principes de sa
mise en œuvre. Cette enquête est basée sur deux Calcul des Résultat
constats : le recueil des aliments riches en pro- protides
tides est relativement exact et les apports proti- Question 1
diques représentent un pourcentage relativement Petite portion n= n × 20 g =
fixe (15 %) de l'apport énergétique total. La réali- (100 g)
sation pratique de l'enquête comporte huit ques-
Portion n= n × 25 g =
tions simples (tableaux 15.4 et 15.5). moyenne
• Les trois premières portent sur les aliments (125 g)
riches en protéines (tableau 15.4). L'apport pro-
Grande n= n × 30 g =
téique lié aux trois catégories d'aliments riches portion
en protides est donné par les équations d'équi- (> 150 g)
valence indiquées sur la figure 15.5. La somme Question 2
des apports protidiques est ensuite calculée. À
cette somme il faut ultérieurement ajouter 10 g Lait (1 bol) n= n× 7g=
de protéines « forfaitaires » qui sont systéma- Yaourts n= n × 3,5 g =
tiquement apportées par les autres aliments : (1 pot)
riz, pâtes alimentaires… La valeur ainsi obte- Fromage n= n× 7g=
nue est ensuite multipliée par 24 pour obtenir (30 g)
le niveau des calories associées aux protéines. Fromage n= n× 7g=
Le coefficient multiplicateur 24 est lié au fait blanc (100 g)
que 1 g de protéines = 4 kcal et que les calories Question 3
protéiques représentent 15 % (environ 1/6e) des
1/4 de n= n× 5g=
calories totales. baguette
• Les cinq questions suivantes portent sur cer- (50 g)
tains comportements alimentaires spécifiques
1/2 baguette n= n × 10 g =
(tableau 15.5) : le grignotage, la consommation (100 g)
de boissons caloriques, d'entrées salées, de
3/4 de n= n × 15 g =
desserts sucrés et de repas «festifs ». Le grigno-
baguette
tage est estimé de manière semi-quantitative (150 g)
à 150 kcal/j s'il est modéré et à 300 kcal/j s'il
1 baguette n= n × 20 g =
est important. L'apport calorique fourni par
(200 g)
les boissons caloriques, qu'elles soient sucrées
ou alcoolisées est calculé sur la base suivante : Protéines 10 g
«forfaitaires »
1 portion = 1 verre (120 mL) = 70 kcal pour les
boissons telles que le vin, la bière, les sirops et les Total des protides Pg
jus de fruits ; les volumes par portion sont évi- Conversion en calories : (total des protides) × 24 = P × 24 = E1 kcal.
demment moindres pour les boissons fortement n = nombre de portions (les portions de référence sont définies
sur la figure 15.5. La somme des protides (P en g) est effectuée
alcoolisées : apéritifs, liqueurs. Les entrées salées dans la colonne de droite et multipliée ultérieurement par 24
sont représentées par les tartes ou les feuille- pour obtenir le niveau des calories E1 associées aux protéines
tés salés et par les charcuteries. Considérant (cf. texte pour le détail).
qu'une portion moyenne d'entrée salée fournit D'après : Monnier L, Colette C, Percheron C, Pham TC, Sauvanet JP, Ledevehat
C, Vialettes B. [Dietary assessment in current clinical practice: how to conciliate
approximativement 350 kcal, ceci signifie que rapidity, simplicity and reliability?]. Diabetes Metab 2001; 27(3) : 388-95.

1. Monnier L, Colette C, Percheron C, Pham TC, la prise d'une portion d'entrée salée une fois
Sauvanet JP, Ledevehat C, Vialettes B.[Dietary assess-
ment in current clinical practice: how to conciliate par semaine correspond à un apport calorique
rapidity, simplicity and reliability?]. Diabetes Metab quotidien moyen de 350 kcal/7, soit 50 kcal. Le
2001 ; 27(3) : 388-95. même raisonnement est utilisé pour les desserts

156
Chapitre 15. Prescrire un régime chez le patient diabétique : principes généraux

Tableau 15.5. Enquête alimentaire rapide.


Les cinq dernières questions portent sur les comportements alimentaires spécifiques.

Calcul des calories Résultat


Question 4
Grignotage (un peu) 150 kcal
Grignotage (élevé) 300 kcal
Question 5
Vin = verres par jour n= n × 70 kcal =
Bière = verres par jour n= n × 70 kcal =
n × 70 kcal =
n × 70 kcal =
Question 6
Tartes salées par semaine n= n × 50 kcal =
Feuilletés salés par semaine n= n × 50 kcal =
Charcuteries par semaine n= n × 50 kcal =
Question 7
Tartes sucrées ou gâteaux par n= n × 50 kcal =
semaine
Entremets sucrés par semaine n= n × 50 kcal =
Question 8
Repas «extras » par semaine n= n × 200 kcal =
Total des calories E2 kcal
Total général des calories : somme des résultats des tableaux 15.4 et 15.5 : E1 + E2 = E kcal par jour.
n = nombre de portions (cf. le texte pour la définition des n et de leurs équivalences caloriques). La somme des calories (E2) associées à
ces comportements spécifiques doit être ultérieurement ajoutée à E1 pour obtenir le niveau de l'apport calorique total (E).
D'après: Monnier L, Colette C, Percheron C, Pham TC, Sauvanet JP, Ledevehat C, Vialettes B. [Dietary assessment in current clinical practice: how to
conciliate rapidity, simplicity and reliability?]. Diabetes Metab 2001; 27(3) : 388-95.

sucrés : tartes sucrées, gâteaux, entremets sucrés, Cette enquête rapide, que nous avons dévelop-
flans, crèmes glacées… Pour chaque portion pée il y a près de 15 ans et que nous avons infor-
moyenne on estime que l'apport énergétique est matisée grâce à un logiciel de manipulation simple
de 350 kcal, soit un apport moyen de 50 kcal par permet une estimation fiable des apports ali-
jour, pour une consommation égale à une fois mentaires (Q). Un exemple de calcul des apports
par semaine. La dernière question concerne le protidiques et caloriques par enquête alimentaire
nombre hebdomadaire de repas «festifs », c'est- rapide est donné dans le chapitre 16.
à-dire qui sortent de l'ordinaire. Un repas de En tout état de cause, elle est beaucoup plus
ce type apporte 2 000 à 2 200 kcal soit environ fiable que celle qui est réalisée par les enquêtes
1 400 kcal de plus qu'un repas normal. Ceci alimentaires avec recueil des consommations sur
signifie que la contribution supplémentaire d'un un journal alimentaire, méthode développée dans
repas «festif » par semaine à l'apport calorique le paragraphe qui suit.
quotidien est de 1 400 kcal/7, soit 200 kcal.
Enquêtes basées sur l'enregistrement
• Le calcul de l'apport énergétique total (Q) est
effectué en additionnant le résultat obtenu à des consommations dans un journal
partir des trois questions portant sur les protides alimentaire
(tableau 15.4) et des cinq questions relatives aux Cette méthode fait appel le plus souvent au
comportements spécifiques (tableau 15.5). remplissage d'un semainier quand le recueil des

157
Partie III. Comment personnaliser les mesures diététiques

ÉQUIVALENCES CALORICO-PROTIDIQUES PROTIDES CALORIES

UNE PORTION VIANDE POISSON 2 ŒUFS JAMBON


MAIGRE
DE VIANDE OU
10 g 25 g 180
D’ÉQUIVALENT
VIANDE 125 g 150 g 2 TRANCHES

LAIT YAOURTS FROMAGE FROMAGE


UNE PORTION
BLANC
DE PRODUITS
LAITIERS
7g 120
LAIT OU
ÉQUIVALENT
LAIT 200 mL 2 100 g = 3 CÀS 30 g

PAIN
(UN PETIT PAIN 4 BISCOTTES
UNE PORTION
= 1/4 DE BAGUETTE)
DE PAIN OU
5g 120
ÉQUIVALENT
PAIN

50 g 30 g

Figure 15.5. Description des grandes équivalences nutritionnelles calorico-protidiques.

données porte sur une période de 7 jours. Ceci à la sous-estimation des apports nutritionnels
permet de mieux appréhender la moyenne des (« under-reporting ») surtout pour les aliments à
consommations quotidiennes. Pour simpli- forte teneur glucidique et lipidique. C'est pour
fier le relevé des données, certains ont proposé cette raison que l'enquête rapide basée sur les
de réaliser des journaux alimentaires sur 3 ou « food frequency recalls » a notre préférence
4 jours, l'un d'entre eux étant un jour de congé. depuis de nombreuses années.
Les indications fournies par le patient sont sou-
vent entachées d'erreurs car les consommations
de corps gras d'accompagnement, utilisés pour
l'assaisonnement ou la cuisson, sont le plus sou- Prérequis pour la prescription
vent sous-estimées ou parfois même non men- diététique
tionnées (« under-recording »). Par ailleurs, un
patient auquel on remet un journal alimentaire Il est constitué par la connaissance de la composi-
prend souvent conscience des erreurs alimen- tion des aliments. En France, il est conseillé d'utili-
taires qu'il commet, surtout lorsqu'il est obèse, et ser les tables du Centre informatique sur la qualité
il a tendance à réduire spontanément ses apports des aliments (Ciqual). Pour certains aliments peu
alimentaires en dehors de toute prescription courants, il est parfois indispensable de recourir à
diététique. Ce patient ne consignera sur son d'autres tables établies dans d'autres pays. Le pro-
semainier qu'une consommation modifiée et en blème est que tous ces documents sont difficiles à
général inférieure à ses apports habituels. Ainsi consulter et se prêtent mal à une prescription diété-
au phénomène bien connu d'« under-recording » tique en pratique courante. Pour cette raison, nous
(sous-déclaration dans les relevés alimentaires), avons l'habitude d'utiliser des tableaux d'équiva-
vient se surajouter un phénomène d'« under- lences très simplifiés ne contenant qu'une quantité
eating » (sous-consommation par rapport aux limitée de données quantitatives. C'est ainsi que la
apports habituels). Ces deux phénomènes ont un plupart des aliments de consommation courante
effet additionnel et contribuent dans tous les cas peuvent être regroupés dans les trois tableaux

158
Chapitre 15. Prescrire un régime chez le patient diabétique : principes généraux

d'équivalences suivants : calorico-protidique Le sujet est en excès pondéral


(fig. 15.5), calorico-glucidique (fig. 15.6), calorico- et ne présente aucune
lipidique et boissons caloriques (fig. 15.7).
des pathologies associées
évoquées plus haut
Stratégie générale de la mise Les mesures diététiques de départ se résument
à la prescription d'un régime hypocalorique et
en place des mesures diététiques contrôlé en glucides sur le plan quantitatif et qua-
chez le patient diabétique litatif. Si la perte de poids est au rendez-vous, ce
type de régime va améliorer les désordres glycé-
Deux grands cas de figure doivent être envisagés miques. Dans les cas les plus favorables il peut les
(fig. 15.8) : le patient diabétique est en excès pon- faire disparaître en particulier lorsqu'il s'agit d'un
déral ou il est en poids normal (selon que l'IMC diabète de type 2 de découverte récente. Quand
est ≥ ou < 25 kg/m2). À l'intérieur de ces deux cas l'objectif pondéral fixé par le médecin est atteint,
de figure, le sujet peut ne présenter qu'un diabète il faut consolider les mesures diététiques.
ou avoir d'autres états pathologiques relevant
d'une prescription diététique (pathologies diéto-
dépendantes ou diéto-sensibles). Ce dernier cas est Le sujet diabétique est en excès
relativement fréquent chez les personnes diabé- pondéral et il présente une
tiques. En effet, en plus des désordres glycémiques, pathologie diéto-dépendante
ces patients ont souvent une hypertension artérielle ou diabéto-sensible associée
ou une hyperlipidémie. De surcroît, et plus souvent
que les sujets non diabétiques, ils peuvent présen- Les mesures diététiques sont les mêmes que
ter un syndrome œdémateux lié par exemple à une dans le cas précédent. Ce sont elles qui doivent
insuffisance cardiaque, ou une rétention azotée en être recommandées dans un premier temps. Si
relation avec une insuffisance rénale chronique… la perte pondérale est effective, il est possible en

ÉQUIVALENCES CALORICO-GLUCIDIQUES GLUCIDES CALORIES


PAIN RIZ PÂTES POMMES
(UN PETIT PAIN DE TERRE
= 1/4 DE BAGUETTE)
UNE PORTION 25 g 120
DE FÉCULENT
120 g
APRÈS 120 g
50 g 4 CÀS = 120 g CUISSON HARICOTS

1 PORTION
200 g
UNE PORTION = 1 FRUIT
DE FRUITS 12 g 50
OU LÉGUMES

LAIT YAOURTS
UNE PORTION
DE PRODUITS
LAITIERS 10 g 120
AVEC
GLUCIDES
200 mL 2

Figure 15.6. Description des grandes équivalences nutritionnelles calorico-glucidiques.

159
Partie III. Comment personnaliser les mesures diététiques

ÉQUIVALENCES CALORICO-LIPIDIQUES LIPIDES CALORIES

BEURRE OU 1 CÀS D’HUILE 1 CÀS DE SAUCE


MARGARINE
UNE PORTION 10 g 10 g
DE CORPS 10 g
10 g 90
GRAS

ÉQUIVALENCES BOISSONS CALORIQUES CALORIES

UNE RATION
DE BOISSONS 70
CALORIQUES

VIN JUS DE FRUIT = APÉRITIF BIÈRE


(1 VERRE) (1 VERRE)

Figure 15.7. Description des grandes équivalences nutritionnelles concernant les corps gras et les
boissons énergétiques.

Excès de poids Poids normal

Absence de Présence d’une Absence de Présence d’une


pathologie associée pathologie associée pathologie associée pathologie associée
diéto-dépendante diéto-dépendante diéto-dépendante diéto-dépendante
ou diéto-sensible ou diéto-sensible ou diéto-sensible ou diéto-sensible

Régime hypocalorique + Régime hypocalorique + Régime normocalorique Régime normocalorique


contrôle des apports contrôle des apports mais contrôle des apports mais contrôle des apports
glucidiques en quantité glucidiques en quantité glucidiques en quantité glucidiques en quantité
et qualité et qualité et qualité et qualité

Perte de poids Perte de poids

La pathologie La pathologie La pathologie La pathologie


associée associée associée associée
disparaît ne disparaît pas disparaît ne disparaît pas

Mesures diététiques Mesures diététiques Mesures diététiques Mesures diététiques


pour consolider le spécifiques pour consolider le spécifiques
résultat résultat

Figure 15.8. Organigramme décrivant la stratégie générale à mettre en œuvre pour la prescription
diététique chez le patient diabétique selon qu'il est en excès pondéral ou en poids normal.
La stratégie pour la prescription diététique doit être également modulée en fonction de la présence ou de l'absence
d'une autre pathologie diétosensible associée au diabète.

160
Chapitre 15. Prescrire un régime chez le patient diabétique : principes généraux

plus de l'amélioration des désordres glycémiques


d'assister à une disparition ou une réduction des
Construction pratique du régime
anomalies associées. À titre d'exemple, il a été du patient diabétique
démontré qu'une perte pondérale raisonnable
Elle est basée sur une démarche qui comporte
comprise entre Ŕ3 et Ŕ10 % par rapport au poids
de départ est capable d'améliorer ou de faire trois objectifs (calorique, glucidique et protidique)
disparaître les perturbations cliniques ou méta- qu'il faut d'abord définir pour les hiérarchiser
boliques associées au diabète pléthorique. C'est ultérieurement en trois étapes successives. Enfin,
le cas en particulier pour l'hypertension arté- il faut répartir les aliments sélectionnés sur les
rielle et les dyslipidémies. Lorsque le sujet se repas de la journée.
trouve dans ce cas de figure favorable, un régime
de consolidation doit lui être prescrit pour pré-
venir le retour aux anomalies de départ. Si les Définition des objectifs
anomalies cliniques ou biologiques liées à la Objectif calorique
pathologie associée ne disparaissent pas ou si
le résultat est jugé insuffisant, il convient dans Le niveau calorique du régime est défini en fonc-
un deuxième temps de prescrire des mesures tion du poids du sujet. Si le sujet est en poids
diététiques spécifiques. Par exemple, un régime normal, c'est le tableau 15.3 qui permet de défi-
hyposodé devient indispensable en cas d'hyper- nir le niveau des apports caloriques. Ce dernier
tension artérielle. Quand il existe une hyperli- doit être égal à celui des besoins caloriques, les-
pidémie on doit privilégier l'apport de certains quels sont fonction de l'âge, du sexe et de l'acti-
acides gras désaturés (ω9 ou ω3), réduire vité physique. Si le sujet est en excès pondéral, le
les apports en cholestérol, ou augmenter les niveau calorique du régime amaigrissant devrait
apports en phytostérols en fonction du phéno- être égal au besoin calorique multiplié par 2/3
type de la dyslipidémie associée au diabète. (tableau 15.6). Prenons l'exemple d'une per-
sonne de sexe féminin diabétique obèse, âgée de
30 ans et ayant une activité physique moyenne,
Chez la personne diabétique ses besoins énergétiques (dépenses énergé-
en poids normal tiques) sont de l'ordre de 2 400 kcal/j (ligne 2
du tableau 15.3). Dans ces conditions, le niveau
Le même schéma thérapeutique devrait être calorique du régime amaigrissant doit être fixé
adopté. Toutefois, dans ce cas, le régime de aux alentours de 2 400 kcal multiplié par 2/3 soit
départ doit être normocalorique, avec un niveau 1 600 kcal/j (ligne 2 du tableau 15.6). Ce dernier
d'apport énergétique égal aux besoins caloriques tableau a l'avantage de donner directement le
du sujet estimés à partir de son âge, de son acti- niveau des apports caloriques conseillés pour un
vité physique et son sexe (tableau 15.3). Les seules régime hypocalorique en fonction de l'âge, du
mesures diététiques porteront dans un premier sexe et de l'activité physique.
temps sur le contrôle quantitatif et qualitatif des
apports glucidiques, en fixant en général l'apport
glucidique à 45 % de l'apport énergétique total et Objectif protidique
en privilégiant les glucides à pouvoir hyperglycé- Le niveau des apports protidiques du régime
miant modéré ou faible. Selon que le sujet aura une peut être directement déduit de l'apport calo-
pathologie associée ou non on sera amené dans un rique en sachant que pour un régime normoca-
deuxième temps à prescrire ou non des mesures lorique le pourcentage des calories doit être aux
diététiques spécifiques qui dépendront du type de alentours de 15 % de l'apport énergétique total.
la pathologie associée et de son évolution favorable Si la personne est soumise à un régime hypoca-
ou défavorable avec le régime initial. lorique ce pourcentage devrait être porté à 20 %.

161
Partie III. Comment personnaliser les mesures diététiques

Tableau 15.6. Calcul des niveaux des apports avec deux positions extrêmes entre 40 et 55 %
caloriques lors de la prescription d'un régime (cf. chapitre 7). Si nous revenons au cas de la patiente
hypocalorique chez un patient en excès pris pour exemple, l'objectif glucidique sera fixé à
pondéral. [1 600 × 0,45]/4 soit 180 g de glucides par jour dans
la mesure où 1 g de glucides fournit 4 kcal.
Niveau Âge Sexe Activité
calorique physique
(kcal) Hiérarchisation et remplissage
1 800 Jeune M Moyenne des objectifs
ou ou
Les objectifs ayant été définis pour les calories,
adulte élevée
les protides et les glucides, encore faut-il les hié-
jeune
rarchiser pour rendre la prescription diététique
1 600 2 critères de la ligne du haut réalisable et rationnelle. Pour des raisons que le
1 400 1 critère de la ligne du haut lecteur saisira au fil des lignes qui suivent, l'ordre
1 200 Aucun des critères de la ligne du haut hiérarchique et de remplissage sera le suivant :
l'objectif protidique d'abord, l'objectif glucidique
Cette même règle s'applique à un patient diabétique dès lors
en second et le calorique en dernier (fig. 15.9).
qu'il est obèse ou en surcharge pondérale.

Première étape : remplir l'objectif


Cette augmentation de la quantité relative de l'ap- protidique (X g de protides)
port protidique est liée au fait qu'il faut maintenir (fig. 15.9)
la quantité absolue de protéines à un niveau suffi- Les aliments qui permettent de remplir cet objec-
sant pour essayer de limiter autant que possible la tif sont présents sur la figure d'équivalence calo-
perte de masse maigre qui accompagne les régimes rico-protidique (fig. 15.5). Il faut essayer, dans la
amaigrissants, deuxième principe de la thermo- mesure du possible, de répartir les aliments dans
dynamique oblige. Si nous reprenons le cas de la les trois classes qui appartiennent à ce tableau
patiente que nous avons pris pour exemple dans d'équivalence calorico-protidique c'est-à-dire :
le paragraphe précédent, 20 % de calories proti- viande et équivalents viande, produits laitiers,
diques pour un régime à 1 600 kcal correspondent pain et équivalents pain. En pratique, il convient
à un apport quotidien égal à [1 600 × 0,20]/4 soit de tenir compte des 10 g de protides «forfai-
80 g de protides. Si cette même patiente avait été taires » qu'il faut afficher avant de commencer à
en poids normal, c'est 15 % de l'apport énergé- introduire les aliments protidiques. Ces 10 g de
tique (2 400 kcal) qu'il aurait fallu apporter sous protides correspondent à la quantité minime de
forme de protides soit [2 400 × 0,15]/4 soit 90 g protides qui sont apportés par les aliments qui ne
de protides. Ainsi, il apparaît qu'en définissant contiennent que de faibles quantités de protéines
un apport relatif à 20 % dans le cadre d'un régime et qui ne figurent donc pas sur la figure 15.5. On
hypocalorique, on assure un apport protidique en introduit ensuite chaque classe d'aliments calo-
quantité absolue qui n'est que légèrement inférieur rico-protidiques jusqu'à ce que le total des pro-
à celui obtenu avec un apport relatif à 15 % dans le tides (y compris les 10 g de «forfaitaires ») atteigne
cadre d'un régime normocalorique. une valeur proche de l'objectif protidique (pour la
patiente prise en exemple, X = 80 g).
Objectif glucidique
Comme le niveau des apports protidiques, il est Deuxième étape : remplir
défini à partir de l'apport calorique. Toutefois, il l'objectif glucidique (Y2 en g
est variable d'un patient à l'autre car il doit être de glucides) (fig. 15.9)
personnalisé en fonction du type de diabète et
surtout des pathologies associées (dyslipidémie L'objectif protidique étant atteint, l'objectif gluci-
en particulier). En général, la moyenne se trouve dique devra être rempli. Pour réaliser cet objectif,
aux alentours de 45 % de l'apport calorique total il faut dans un premier temps calculer les quantités

162
Chapitre 15. Prescrire un régime chez le patient diabétique : principes généraux

Z2
Objectif calorique kcal/j
(kcal/j) Corps gras à ajouter Portions de
pour atteindre corps
l’objectif calorique gras

Y2 Z1
en g/j Portions de kcal/j
Objectif glucidique
féculents
(g/j)
Aliments à ajouter 5 portions
pour atteindre d’Eq fruits Quantité de
l’objectif glucidique et/ou légumes calories
soit 60 g de apportées par
glucides tous les
Y1
Pain aliments
en g/j
Objectif protidique ou Eq Pain Quantité de en dehors
(X en g/j) Lait glucides des corps
ou Eq Lait apportés par gras
Viande les aliments
ou Eq Viande riches en
10 g protides
“forfaitaires”

Colonne des Colonne des Colonne des


aliments riches apports apports
en protides glucidiques caloriques
Figure 15.9. Remplissage progressif des différents objectifs protidique (X g/j), glucidique (Y2 g/j),
et calorique (Z2 g/j).
Y1 g/j est la quantité de glucides apportés par les aliments protidiques situés dans la première colonne.
Z1 est la quantité de calories apportées par la somme des aliments protidiques et glucidiques situés respectivement dans
la première et la deuxième colonne.

de glucides apportés par les aliments utilisés pour Troisième étape : remplir l'objectif
atteindre l'objectif protidique. Par exemple, si dans calorique (Z2 en kcal) (fig. 15.9)
la colonne des aliments protidiques on a intro-
L'objectif glucidique étant atteint, il faut calculer
duit deux équivalents pain (soit 100 g de pain),
on a apporté sous forme de pain 50 g de glucides le total des calories apportées par les aliments
(cf. fig. 15.6). Ces 50 g seront représentés dans la utilisés dans les deux premières colonnes pour
colonne des apports glucidiques (partie inférieure : remplir les deux premiers objectifs : proti-
«Quantité de glucides apportés par les aliments dique et glucidique. Supposons que le nombre
riches en protides»). Supposons que cette rubrique de calories fournies par ces aliments soit égal
conduise à Y1 g de glucides et que l'objectif glu- à Z1. L'objectif calorique final (Z2 en calories)
cidique soit de Y2 g. Il faudra trouver (Y2 Ŕ Y1) sera atteint en ajoutant des portions de corps
grammes de glucides pour atteindre l'objectif glu- gras et en procédant de telle manière que le
cides. Ceci sera réalisé tout d'abord grâce aux ali- nombre d'équivalents lipides (fig. 15.7) permette
ments répertoriés sur la figure 15.6 avec en premier d'assurer un apport calorique égal à Z2 Ŕ Z1.
lieu un apport de cinq portions de fruits et légumes Cette partie « corps gras » (partie supérieure de
par jour (recommandation du PNNS «Programme la colonne des apports caloriques) nous paraît
national nutrition santé»). Ces cinq portions appor- importante car les corps gras permettent par
teront 5 × 12 = 60 g de glucides (cf. fig. 15.6). Pour le biais de l'onctueux de conférer une certaine
atteindre l'objectif final de Y2 gde glucides, il faudra palatabilité au régime. Ceci est indispensable si
ajouter des portions de féculents (partie haute de la l'on veut que le régime soit accepté et surtout
colonne des apports glucidiques) en se référant à la suivi sur la durée. Un régime trop appauvri en
figure 15.6. Il faudra calculer le nombre de portions lipides est souvent rejeté par les patients au bout
de féculents nécessaires pour compléter la colonne de quelques semaines, ce qui explique les échecs
et atteindre l'objectif glucidique. des régimes par simple « abandon » d'observance.

163
Partie III. Comment personnaliser les mesures diététiques

De surcroît, si on recommande que les corps gras Première étape : remplir l'objectif
soient au moins partiellement fournis par les protidique (X = 80 g)
huiles aromatiques comme l'huile d'olive, il est
possible d'augmenter la palatabilité de l'alimen- Ŕ 10 g de protéines «forfaitaires » = 10 g
tation. Normalement, il est conseillé d'apporter Ŕ 1,5 Eq viande qui apportent 25 × = 37 g
1 cuillerée à soupe d'huile d'olive chaque fois que 1,5 g de protides
l'on apporte 700 kcal. Ŕ 3 Eq lait qui apportent 7 × 3 g de = 21 g
protides

Répartition des aliments entre Ŕ 2 Eq pain qui apportent 5 × 2 g de = 10 g


protides
les différentes prises alimentaires
Total protides X = 78 g
de la journée
En général, chez le patient diabétique, c'est la
Deuxième étape : remplir
répartition des glucides qui est prioritaire, la règle
habituelle étant d'apporter 1/5e des glucides au petit l'objectif glucidique (Y2 = 180 g)
déjeuner et les 4/5e restants à parties égales sur les • En reportant les glucides apportés par les ali-
deux autres repas de midi et du soir (tableau 15.7). ments utilisés pour le remplissage de l'objectif
D'autres répartitions sont possibles en fonction protidique. Cette quantité de glucides (en g) est
des habitudes du patient, en particulier lorsque désignée par le symbole Y1.
des collations interprandiales s'avèrent néces-
saires. Pour le reste, c'est-à-dire pour la répartition Ŕ 1,5 Eq viande = 0 g de
des aliments, c'est une question de bon sens qui glucides
domine car on ne va pas donner une portion de Ŕ 3 Eq lait répartis
poisson ou de viande au petit déjeuner.
- en lait (200 mL) = 1 Eq = 10 g
lait

Exemple de construction pratique - en 2 yaourts = 1 Eq lait


- en 30 g de fromage
= 10 g
=0g
= 1 Eq lait
Prenons le cas de la patiente diabétique de type 2
obèse dont les objectifs protidiques, glucidiques et Ŕ 2 Eq pain = 25 × 2
caloriques ont été fixés à X = 80 g, Y2 = 180 g et Z2 = 50 g
= 1 600 kcal. Y1 = 70 g

Tableau 15.7. Répartition des aliments entre les différents repas.

Petit déjeuner Glucides Repas de midi Glucides Dîner Glucides


Pain (20 g) 10 g Pain (40 g) 20 g Pain(40 g) 20 g
1 fruit 12 g Féculents (120 g) 25 g Féculents (120 g) 25 g
Lait (200 mL) 10 g Légumes et/ou 12 g Légumes et/ou 12 g
crudités (1 port) crudités (1 port)
1 fruit 12 g 1 fruit 12 g
1 yaourt 5g 1 yaourt 5g
Total glucides 32 g 74 g 74 g
Exemple d'un régime apportant 1600 kcal, 80 g de protides (20 % de l'apport énergétique) et 180 g de glucides (45 % de l'apport
énergétique).
Répartition des glucides au cours de la journée avec un régime apportant un total de 180 g de glucides.
Pour compléter l'apport calorico-protidique les équivalents viande (1,5) seront répartis de la manière suivante : 125 g de viande à midi
et 1 tranche de jambon le soir.
L'équivalent lait (sans glucides) sera apporté le soir : 30 g de fromage.

164
Chapitre 15. Prescrire un régime chez le patient diabétique : principes généraux

• En complétant par d'autres aliments glucidiques • 1/5e soit 36 g au petit déjeuner ;


(fig. 15.6) pour atteindre Y2 : il faut trouver • 2/5e soit 72 g aux deux autres repas.
Y2 Ŕ Y1 = 180 Ŕ 70 = 110 g de glucides. Un exemple de répartition tenant compte de ces
données est fourni tableau 15.7. La répartition des
aliments calorico-protidiques pour compléter les
Ŕ Avec 5 portions de fruits 12 × 5 = 60 g apports caloriques sera ultérieurement effectuée
et légumes de la manière suivante :
Ŕ Avec 2 portions de 25 × 2 = 50 g • 1 équivalent et demi de viande : 125 g de viande
féculents
à midi et une tranche de jambon le soir ;
Y2 Ŕ Y1 = 110 g • 1 équivalent lait (sans glucides) sous forme de
Total glucides Y2 = 180 g 30 g de fromage le soir (à noter que le régime
contient bien 3 Eq lait puisque deux d'entre eux
(avec glucides) sont déjà présents dans le tableau
sous forme de 200 mL de lait le matin (1 Eq lait)
Troisième étape : remplir et sous forme de 1 yaourt au repas de midi et du
l'objectif calorique soir (2 yaourts = 1 Eq lait).
(Z2 = 1 600 kcal)
• En reportant les calories apportées par les ali-
ments utilisés pour le remplissage des objectifs
Quelques remarques
protidiques et glucidiques. Cette quantité de supplémentaires
calories est désignée par le symbole Z1.
Quand il s'agit d'un patient diabétique en excès pon-
Ŕ 1,5 Eq viande = 180 × 1,5 = 270 kcal déral, il convient pendant la phase d'amaigrissement
Ŕ 3 Eq lait = 120 × 3 = 360 kcal d'éviter tous les aliments à haute densité énergétique
ou toutes les situations qui conduisent à la consom-
Ŕ 2 Eq pain = 120 × 2 = 240 kcal
mation d'aliments à haute densité énergétique
Ŕ 5 portions de fruits et = 50 × 5 = 250 kcal (feuilletés salés, tartes salées, charcuteries, gâteaux,
légumes
entremets sucrés, boissons caloriques, grignotage,
Ŕ 2 portions de féculents = 120 × 2 = 240 kcal repas festifs). Lorsque le poids raisonnable est atteint
Z1 = 1 360 kcal (objectif pondéral), se pose le problème du régime
d'entretien. Deux solutions sont envisageables.
• En complémentant par des corps gras (fig. 15.7) • La première consiste à élargir le régime mais en
pour atteindre Z2 il faut trouver (Z2 Ŕ Z1) restant restrictif en calories : en général 300 à
= 240 kcal. 400 kcal de moins que les apports alimentaires
initiaux. Par exemple pour un niveau calorique
Ŕ Avec 3 Eq de corps gras 3 × 90 = 270 kcal initial (avant tout régime) de 2 400 kcal/j, le
par exemple niveau calorique du régime amaigrissant sera
Le total calories obtenu Z2 = 1 630 kcal fixé à 1 600 kcal/j et celui du régime de stabilisa-
est : tion à 2 100 kcal/j.
• La deuxième solution est de maintenir le
Le calcul est illustré sur la figure 15.10 qui per-
régime instauré pendant la cure d'amaigrisse-
met de mieux comprendre les principes du calcul. ment (par exemple 1 600 kcal/j) en autorisant
Il sera utilisé pour tous les exemples de régimes un ou deux écarts par semaine sous forme de
qui seront fournis et calculés dans ce manuel. repas festifs. Étant donné que chaque repas
festif apporte 1 400 kcal de plus qu'un repas
Répartition des aliments entre normal, on peut considérer qu'un sujet qui
les différents repas suit pendant la semaine un régime à 1 600 kcal
avec un ou deux repas festifs hebdomadaires a
Les 180 g de glucides seront répartis de la manière en fait un apport calorique moyen quotidien
suivante : égal à 1 800 kcal (1 repas festif par semaine) ou

165
Partie III. Comment personnaliser les mesures diététiques

Z2= 1 600
kcal/j
Objectif calorique
(1 600 kcal/j) Corps gras à ajouter 3 portions de
pour atteindre corps
l’objectif calorique gras

Y2
2 portions de kcal/j
Objectif glucidique féculents
(180 g/j) (50 g de Glu) Z1
Aliments àen ajouter Z1=1 360 kcal
g/j 5 portions
pour atteindre d’Eq fruits =
l’objectif glucidique et/ou légumes
Quantité de
soit 60 g de calories
apportées par
glucides
tous les
2 Eq Pain aliments
Objectif protidique 70 g de en dehors
(X = 80 g/j) 3 Eq Lait glucides des corps
apportés par gras
1,5 Eq Viande les aliments
riches en
10 g protides
“forfaitaires”

Colonne des Colonne des Colonne des


aliments riches apports apports
en protides glucidiques caloriques
Figure 15.10.
Remplissage progressif des différents objectifs protidiques, glucidiques et calorique pour un régime calculé pour
apporter : X = 80 g de protides ; Y2 = 180 g de glucides ; Z2 = 1600 kcal.
Dans le cas présent :
Ŕ Y1 = quantité de glucides apportés par les aliments protidiques (70 g);
Ŕ Z1 = quantité de calories apportées par la somme des aliments protidiques et glucidiques (1360 kcal).

2 000 kcal/j (2 repas festifs par semaine). Cette Saveur salée de l'alimentation
solution est souvent choisie par les patients Elle est apportée par le chlorure de sodium dont
car elle permet de rétablir une vie sociale et l'apport doit être plus ou moins diminué en cas
conviviale. Évidemment, l'important est de ne de régime hyposodé. Les sels de régime à base de
pas dépasser deux repas festifs par semaine car chlorure de potassium sont de substituts gustatifs
au-delà la stabilisation du poids corporel après de pauvre qualité car ils ont un goût amer.
cure d'amaigrissement n'est plus garantie.
Saveur sucrée de l'alimentation
Utilisation des saveurs, Elle est en général sous la dépendance du saccha-
rose qui a l'inconvénient d'apporter des calories
des sensations en bouche (4 kcal/g) et d'entraîner des hyperglycémies post-
et des arômes dans la prandiales chez les diabétiques. Les édulcorants
intenses (cyclamates, saccharine, aspartame, acé-
prescription diététique sulfame, sucralose, le rébaudioside A plus connu
Nombreux sont les régimes qui sont contraignants, en sous le nom de stévia) peuvent être utilisés pour
reproduire le goût sucré quand les apports en
particulier ceux qui comportent une restriction calo-
sucres doivent être limités. Certains monosac-
rique. Pour que ces régimes puissent être suivis sur le
charides comme le glucose ou le fructose ont un
long terme, il faut qu'ils soient acceptables sur le plan
goût sucré bien marqué. C'est en particulier le cas
gustatif. Il faut donc rétablir un certain équilibre dans
pour le fructose dont le pouvoir sucrant est même
le triangle de la palatabilité qui comprend : la sensa-
supérieur à celui du saccharose. Ceci explique
tion en bouche, les saveurs et les arômes (fig. 15.11).
que le fructose soit utilisé comme substitut du
Saveurs saccharose dans les confitures allégées dites pour
diabétiques. Ces confitures sont deux fois moins
Elles sont au nombre de cinq : le salé, le sucré, riches en glucides que les confitures normales. À
l'amer, l'acide et l'umami. quantités égales, elles sont moins caloriques, ce

166
Chapitre 15. Prescrire un régime chez le patient diabétique : principes généraux

Onctueux

Palatabilité

Saveurs Arômes
• Salé (plus de 5 000)
• Sucré
• Acide
• Amer
• Umami
Figure 15.11. Le triangle de la palatabilité avec ses trois composantes : la saveur, les arômes et la
sensation en bouche.

qui explique leur qualificatif de confitures « allé- c'est-à-dire en ayant une bonne connaissance de
gées ». De plus, le fructose, constituant glucidique leurs avantages et de leurs inconvénients. À titre
essentiel de ce type de confiture a un pouvoir d'exemple, il convient de se méfier de certains
hyperglycémiant plus faible que celui du saccha- produits dits « sans sucre » où le pouvoir sucrant
rose d'où le terme utilisé de confiture «pour dia- est apporté par des édulcorants de charge tels que
bétiques ». De notre point de vue, l'utilisation de les sucres-alcools (xylose, sorbitol). Ces derniers
ce type de confiture par les patients diabétiques ont un pouvoir hyperglycémiant quasiment nul
n'est pas à privilégier. Il est préférable de recom- mais ils apportent autant de calories que le sac-
mander l'utilisation de confitures normales aux charose : 3,2 kcal/g contre 4 kcal/g. C'est ainsi que
patients diabétiques qui revendiquent un pen- certaines confiseries (bonbons «dits » sans sucre)
chant pour le goût sucré. Toutefois il convient de ou le chocolat «sans sucre » contiennent autant
limiter la consommation des confitures normales de calories que leurs équivalents traditionnels.
et de connaître exactement leur composition en Le patient doit être informé de ces problèmes, en
glucides. Une confiture normale a une teneur particulier lorsqu'il est en excès pondéral.
calorique de l'ordre de 270 kcal/100 g et une
teneur glucidique aux alentours de 60 g/100 g Saveurs acides et amères
(une vingtaine de calories et 5 g de glucides pour Elles sont en général peu appréciées par les
une cuillère à café bien remplie). Ces teneurs sont consommateurs, sauf quand elles sont neutrali-
en moyenne de 150 kcal/100 g et 30 g/100 g pour sées par des saveurs agréables telles que le salé et
une confiture allégée, mais avec d'assez grandes le sucré. Quelques exemples permettent d'illustrer
variations d'un produit à l'autre. Le problème des cette observation. Les yaourts naturels ont une
édulcorants et des produits allégés sera envisagé petite saveur acidulée qui provient de la trans-
ultérieurement dans un chapitre spécifique, mais formation d'une partie du lactose du lait en acide
d'ores et déjà, il convient de souligner que ces lactique qui est utilisé lors de la fabrication des
produits peuvent être d'une aide certaine chez les yaourts. Pour rendre les yaourts plus agréables,
patients diabétiques lorsqu'ils souhaitent, pour les consommateurs ont tendance à y ajouter du
des raisons évidentes, se faire plaisir en consom- sucré et les industriels de l'agroalimentaire à les
mant des aliments à goût sucré (entremets en additionner en édulcorants ou en fruits. Le choco-
particulier). Insistons dès maintenant sur le fait lat serait difficile à consommer si la saveur amère
que ces produits dits « sans sucre » ou « allégés en très prononcée du cacao n'était pas neutralisée
sucre » doivent être consommés intelligemment, par l'adjonction de saccharose. Les chocolats trop

167
Partie III. Comment personnaliser les mesures diététiques

noirs qui ont des teneurs en cacao supérieures à polyphénols. C'est le cas pour l'huile d'olive qui
75 % reçoivent un accueil mitigé car leur saveur possède en plus l'énorme avantage de fournir des
trop amère est jugée défavorablement par les acides gras monoinsaturés (acide oléique) dont le
consommateurs. rôle bénéfique a été démontré en termes de santé.
Étant donné que l'onctueux est l'une des sensa-
Umami tions les plus difficiles à reproduire, les graisses
gardent toujours une supériorité en bouche
C'est une saveur qui est surtout rencontrée dans la
incontestable sur toutes les pseudo-solutions
cuisine asiatique. L'umami est apporté par les sels
proposées par l'industrie agroalimentaire. C'est
d'acides aminés tels que le glutamate de sodium
ainsi que les substituts protéiques introduits dans
qui se trouve dans les sauces de soja par exemple.
les crèmes allégées, les amidons modifiés utilisés
L'utilisation de ces sauces conduit à une augmen-
dans les sauces à faible teneur calorique, n'ar-
tation des apports en sodium, ce qui peut être pré-
rivent jamais à reproduire le caractère onctueux
judiciable chez les personnes hypertendues.
et crémeux de l'aliment de référence.

Sensations en bouche
Arômes
L'onctueux est fourni par les graisses. C'est pour
cette raison qu'un régime trop appauvri en Quand les réductions d'apports en sel, en sucres
graisses est rarement compatible avec une pres- ou en graisses sont indispensables, les arômes
cription diététique sur le long terme. Maintenir peuvent venir au secours du consommateur.
un apport en corps gras est donc indispensable Les arômes se différencient des saveurs par leur
si l'on souhaite que les régimes soient suivis. taille et leur mode de perception. Les saveurs
Dans l'exemple que nous avons pris (régime à sont en général apportées par des molécules de
1 600 kcal), nous avons volontairement maintenu taille variable, mais dont le poids moléculaire
trois portions de corps gras. Le choix peut être varie entre habituellement entre 150 et 10 000 Da
panaché entre corps gras solides (beurre, marga- (fig. 15.12). Elles sont perçues exclusivement par
rine) et liquides (huiles végétales). Si l'on souhaite la langue. En revanche, les arômes sont des molé-
combiner l'onctueux et les arômes, le mieux est cules de petite taille (esters, cétones, aldéhydes,
de privilégier la consommation d'huiles végétales composés hétérocycliques). Leur poids molécu-
qui apportent des arômes naturels sous forme de laire est faible (< 200 Da) (fig. 15.12). En raison

Volatilité
Haute Arôme
+ Saveur

Arôme
Faible
+ Saveur

Nulle Sensation
Saveur en bouche

0 150 250 5 000 > 10 000


< 10 000 Poids
Esters, cétones, composés cycliques simples moléculaire
Acides carboniques, amides
Sucres, acides aminés, sels, composés amers (acide, amer, salé, sucré, umami)
Peptides, amidons

Figure 15.12. Volatilité des différentes substances en fonction de leur poids moléculaire.
Les arômes ont un poids moléculaire < 150Ŕ250. Les saveurs ont un poids moléculaire entre 150 et 10000. Les
substances qui interviennent dans la sensation en bouche ont un poids moléculaire > 5000Ŕ10 000.

168
Chapitre 15. Prescrire un régime chez le patient diabétique : principes généraux

de leur structure chimique et de leur petite taille, d'olive aient des goûts très différents en fonction
ils sont fortement volatils. Ceci explique que les du terroir d'origine et en fonction du procédé de
arômes soient perçus par les récepteurs olfactifs, fabrication qui leur est appliqué. Les arômes sont
par perception directe (olfaction directe ou odo- d'autant plus conservés que la filtration est faible.
rat) ou indirecte (rétro-olfaction) par volatilisa-
Arômes obtenus après transformation
tion dans l'arrière-gorge (fig. 15.13).
Leur production se fait sous l'influence de deux
Arômes : où les trouve-t-on ? processus : la fermentation et le brunissement.
Comment les produit-on ? Les noms de deux grands biologistes français sont
attachés à ces deux processus : Louis Pasteur pour
Les arômes sont largement répandus dans la la fermentation et Louis-Camille Maillard pour le
nature. Bien que leur nombre soit considérable brunissement. Quelques exemples vont permettre
(plus de 5 000) il est possible de les regrouper en de mieux comprendre les choses.
seize classes élémentaires qui sont indiquées sur • Les arômes du vin (polyphénols) sont naturel-
la roue des arômes (fig. 15.14). lement présents dans la peau du raisin (arômes
Arômes naturels primaires), mais la fermentation, qui trans-
forme le jus de raisin en vin, produit de nou-
Les légumes et les fruits en contiennent de veaux arômes qui enrichissent la qualité du
grandes quantités : 358 arômes dans une fraise ! vin : ce sont les arômes secondaires.
Certains corps gras contiennent des arômes natu- • Les arômes des fromages proviennent des
rels. C'est le cas des huiles d'olive et des huiles de réactions de fermentation dues à la présence
noix. Les autres huiles (tournesol, maïs) en sont de micro-organismes (levures, champignons)
dépourvues car elles sont soumises à un proces- qui sont introduits lors de la maturation du
sus de purification industrielle. L'huile d'olive est fromage. Tous les fromages sont fabriqués
riche en arômes car elle n'est jamais purifiée. Elle après coagulation du lait par une enzyme : la
est obtenue par pression-filtration. Ce procédé présure. Les fromages frais qui en résultent sont
de fabrication rudimentaire, venu du fond des ensuite soumis à un processus d'affinage par
âges, permet de garder tous les arômes contenus des traitements physicochimiques (pression,
dans le fruit. C'est ce qui explique que les huiles cuisson…) ou biologiques, par introduction

Arôme (olfaction et rétro-olfaction) Saveur (goût)


Figure 15.13. Différences entre arômes et saveurs.
Les saveurs sont perçues au niveau de la langue. Les arômes sont perçus soit par olfaction directe, soit par
rétro-olfaction.

169
Partie III. Comment personnaliser les mesures diététiques

S S N

O
SH N O
N O
Aillé Herbacé
C O CHO
él Fruité
S 16 1
O er Citron
i 15 2
3
C Beurré Roue Menthe OH
O 13 4
des
h 12 5 OH
11 Fleur
a
6
CHO 10 7 Épicé
SH
m 9 8

pi

R
a
n
c
e

a
r
ô
m
e
s
C
H
O
V
ia
n
d
e
B
o
ui
ll
o
n
Boisé
Caramel OH
N Grillé OH
O
N
HO S OH
O N

Figure 15.14. La roue des arômes avec ses seize composantes fondamentales.

de micro-organismes : Penicillium roqueforti trop riches en AG polyinsaturés (huiles de


pour le roquefort, Penicillium camemberti pour maïs, de tournesol, de colza, de soja, de noix).
le camembert. Ce sont ces micro-organismes Les huiles qui contiennent des arômes sont plus
qui produisent les arômes. Dans le roquefort, agréables à consommer (olive, noix) que celles
le Penicillium roqueforti se développe au cœur qui en sont dépourvues (huiles de maïs, de
de la pâte, tandis que dans le camembert, tournesol, de colza, de soja). Si l'on tient compte
le Penicillium camemberti ne se développe de l'ensemble de ces caractéristiques, l'huile
que dans la croûte. Ainsi, une personne qui d'olive est sûrement celle qui possède les meil-
consomme du camembert en enlevant la croûte leurs atouts en termes de goût et de santé.
se prive de la plupart des arômes contenus dans • En mangeant des fromages aromatiques en
le camembert. Les fromages stérilisés (destruc- petite quantité plutôt que des fromages fades en
tion des micro-organismes) sont en général grande quantité.
dépourvus de goût. • En utilisant les arômes du grillé. Certaines viandes
ou certains poissons ont peu de goût, en particulier
Comment restaurer le goût lorsqu'il s'agit de viande ou de poisson maigre. Il
est bien connu que les poissons gras (maquereaux,
en jouant sur les arômes ? sardines) sont plus «forts en goût» que les poissons
Ceci peut être obtenu de plusieurs façons. maigres,carlesarômessontfabriquésenpartiedans
• En ajoutant des herbes odorantes : thym, laurier, les parties grasses du poisson. Il en est de même
ail, oignon, ciboulette, estragon, basilic, persil, pour les viandes grasses (agneau, mouton) qui se
fenouil. prêtent mieux à la grillade que les viandes maigres.
• En utilisant des huiles aromatiques. Les huiles La grillade fournit trois types d'arômes : les pre-
végétales peuvent être classées en fonction miers proviennent de la réaction de Maillard (au
de leur teneur en acides gras (AG) désaturés sein de la chair de viande ou de poisson) par com-
(monoinsaturés et polyinsaturés), en fonction binaison d'acides aminés et de ribose provenant de
de leur qualité aromatique et de leur onctuosité. la dégradation des acides nucléiques ; les seconds
En fait, toutes ont la même onctuosité car elles proviennent de l'oxydation des acides gras polyin-
contiennent 85 à 90 % de graisses. Les huiles saturés contenus dans les phospholipides des
riches en AG monoinsaturés (huile d'olive) graisses invisibles de la viande ou du poisson ; les
seraient meilleures pour la santé que les huiles troisièmes proviennent de la combustion du bois.

170
Chapitre 15. Prescrire un régime chez le patient diabétique : principes généraux

Tous ces arômes se recombinent entre eux pour C'est ce qui explique que certains médecins consi-
donner le goût de «grillé». Pour que les viandes ou dèrent qu'un traitement pharmacologique doit
les poissons maigres retrouvent un certain goût, il être mis en train dès que le diagnostic de dia-
est d'usage d'associer des sauces, mais le bénéfice bète sucré est posé. Les optimistes diront que les
diététique de la viande ou du poisson maigre est régimes peuvent être suivis à condition d'être cor-
immédiatement annihilé par l'adjonction d'une rectement expliqués et de s'intégrer dans un pro-
sauce riche en graisse. C'est pour cette raison que la gramme éducatif. Les réalistes dont nous faisons
grillade peut être utilisée pour conférer des arômes partie diront que les mesures diététiques devraient
à des viandes ou à des poissons qui en seraient toujours être mises en œuvre. L'important est
dépourvus, mais les arômes seront nettement moins de donner au patient diabétique un outil et de
prononcés que dans les viandes ou les poissons gras, lui expliquer l'intérêt qu'il représente. La suite
car les teneurs en phospholipides sont plus faibles. dépend évidemment du patient et de ses choix
Par voie de conséquence, les arômes provenant de de vie : accepter quelques contraintes diététiques
l'oxydation des acides gras polyinsaturés seront très ou se reposer entièrement sur la prise en charge
nettement diminués. La grillade ne doit pas être pharmacologique. Dans tous les cas de figure,
utilisée de manière systématique ni trop fréquente, il est indispensable de réduire les contraintes
car elle peut conduire à la production de composés au minimum car comme le disait il y a près de
cycliques, aromatiques, à potentiel cancérigène. 20 ans le célèbre gastronome et auteur culinaire
Cette production est d'autant plus forte que les tem- Jean-Anthelme Brillat Savarin dans son traité de
pératures appliquées sont plus élevées. C'est pour la physiologie du goût : «Les grands efforts sont
cette raison que le braisé est préférable au grillé. rares ; et si l'on veut être suivi, il ne faut proposer
aux hommes que ce qui leur est facile et même,
quand on le peut, ce qui leur est agréable ».
Avenir de la prescription
diététique
Les pessimistes diront que les régimes sont trop
difficiles à expliquer pour des résultats aléatoires.

171
Prescrire un régime CHAPITRE
16
chez une personne
prédiabétique
L. Monnier

PLAN DU CHAPITRE conversion de moitié (tableau 16.1). Ces résultats


Introduction et principes généraux 173 sont d'autant plus intéressants que dans deux
Exemple pratique 174 de ces études les pertes pondérales sont restées
modestes, de l'ordre de quelques kilogrammes.
Ces études d'intervention nutritionnelle ont été
Introduction et principes comparées à des interventions pharmacologiques
avec des médicaments insulinosensibilisateurs
généraux comme la metformine (étude DPP), avec des inhi-
biteurs des alpha-glucosidases comme l'acarbose
Le diabète de type 2 est une maladie qui survient (étude STOP-NIDDM), avec un glinide comme
en général à l'âge adulte, c'est-à-dire au-delà de le natéglinide (étude NAVIGATOR) ou, très
40 ans. C'est pour cette raison que pendant long- récemment, avec un agoniste des récepteurs du
temps le diabète de type 2 a été désigné sous le GLP-1 comme le liraglutide (étude Scale Obesity
terme de diabète de la « maturité ». Aujourd'hui, and Prediabetes). Dans tous les cas, sauf avec le
en raison de l'augmentation sans cesse croissante liraglutide à la dose de 3 mg/j, les médicaments
de l'obésité, qui fait le lit du diabète de type 2, la se sont avérés beaucoup moins efficaces que les
fréquence de cette maladie ne cesse d'augmenter. mesures hygiéno-diététiques (tableau 16.1). Dans
De plus, comme l'obésité touche des personnes de l'étude NAVIGATOR, réalisée avec le natéglinide,
plus en plus jeunes, le diabète de type 2 apparaît l'impact du traitement sur la conversion du pré-
de plus en plus tôt, voire même à l'adolescence. diabète en diabète de type 2 a même été nul. La
Le diabète de type 2 patent est en général précédé mesure la plus efficace et la moins coûteuse (quid
par une période plus ou moins longue pendant du prix du liraglutide à la dose de 3 mg/j ?) pour
laquelle le sujet est «prédiabétique » : intolérant prévenir la conversion d'une intolérance au glu-
au glucose ou présentant des anomalies de la gly- cose en diabète de type 2 semble être la restriction
cémie à jeun. Quand une intolérance au glucose calorique couplée à une augmentation modérée
apparaît chez un sujet adulte, il a été démontré par mais significative de l'activité physique. C'est
plusieurs études que le taux de conversion en dia- ce qui ressort de la plupart des études. De plus,
©2018,ElsevierMassonSAS.Tousdroitsréservés

bète de type 2 franc est de l'ordre de 10 % par an. la majorité des auteurs ont proposé des mesures
Manueldenutritionpourlepatientdiabétique

En d'autres termes, si on prend pour référence un nutritionnelles plus spécifiques que la simple
groupe de 100 sujets adultes ayant une intolérance restriction calorique. Elles reposent sur les prin-
au glucose, 50 d'entre eux, soit la moitié, seront cipes du régime méditerranéen : réduction des
devenus diabétiques au bout de 5 ans. Grâce à apports en acides gras saturés (moins de 10 %
des mesures hygiéno-diététiques, il a été démon- de l'apport énergétique total), augmentation des
tré par au moins deux études publiées dans les apports en acides gras désaturés, augmentation de
années 2000 (une étude finlandaise et une étude la consommation de fruits, légumes et fibres ali-
nord-américaine appelée « Diabetes Prevention mentaires. Dans une étude récente publiée dans
Program ») que l'on pouvait réduire le taux de le British Medical Journal Open Diabetes Research

173
Partie III. Comment personnaliser les mesures diététiques

Tableau 16.1. Variations du risque relatif de convertir une intolérance au glucose (prédiabète) en
diabète de type 2 patent.

Étude (année) Mode d'intervention ou traitement Variation du risque relatif de


(mécanisme d'action) conversion en diabète de type 2
Finlandaise (2001) Hygiéno-diététique Ŕ 58 %
Diabetes Prevention Program (2002) Hygiéno-diététique Ŕ 58 %
Diabetes Prevention Program (2002) Metformine (insulinosensibilisateur) Ŕ 31 %
STOPŔNIDDM (2002) Acarbose (inhibiteur des Ŕ 25 %
alpha-glucosidases)
NAVIGATOR (2010) Natéglinide (insulinosécrétagogue) +7%
Scale Obesity and Prediabetes (2017) Liraglutide (agoniste des Ŕ 79 %
récepteurs du GLP-1)
Le signe Ŕ indique une réduction du risque. Les mesures hygiéno-diététiques donnent globalement des résultats meilleurs que les
traitements pharmacologiques, à l'exception du liraglutide. L'étude avec le liraglutide est référencée de la manière suivante :
Lancet published online February 22, 20173.

and Care2, des résultats intéressants ont été rap- haute teneur protéique sur le long terme. Toutefois,
portés avec une intervention nutritionnelle chez il est intéressant de noter que la masse maigre des
des patients obèses prédiabétiques. Les auteurs sujets a augmenté avec le régime à haute teneur
ont utilisé une restriction calorique (Ŕ 500 kcal protéique, alors qu'il a baissé avec le régime riche
par rapport aux besoins énergétiques du sujet) et en glucides. Ces résultats suggèrent fortement que
l'ont associée à l'une des deux catégories suivantes la préservation de la masse maigre, c'est-à-dire du
de prescription diététique. La première était riche capital musculaire, est un élément sur lequel on
en protéines (30 % de l'apport énergétique total) et doit porter un regard particulier quand on veut
relativement pauvre en glucides (40 % de l'apport prévenir l'apparition d'un diabète sucré. Dans
énergétique). La deuxième prescription était nor- ces conditions, l'activité physique qui préserve
moprotéique (15 % de l'apport énergétique total) la diminution des masses musculaires au cours
et riche en glucides (55 % de l'apport énergétique des cures d'amaigrissement apparaît également
total). La comparaison des deux régimes montre comme une mesure clé qui fait partie intégrante
une rémission de l'état prédiabétique chez la tota- de la stratégie préventive du diabète.
lité des sujets recevant le régime à haute teneur Ces principes généraux ayant été développés,
protéique, alors que le taux de rémission n'est que il apparaît souhaitable de donner un exemple
d'un tiers dans le groupe sous régime riche en concret, pour mieux comprendre la stratégie à
glucides. Compte tenu du faible nombre de sujets mettre en œuvre.
inclus et de la courte durée de l'étude (6 mois), il

Exemple pratique
est indispensable d'émettre un certain nombre de
bémols en ce qui concerne l'efficacité du régime à
Prenons l'exemple d'un sujet de 42 ans, chez
2. Stentz FB, Brewer A, Wan J, Garber C, Daniels B,
Sands C, Kitabchi AE. Remission of pre-diabetes to lequel on a fait un diagnostic de « prédiabète » :
normal glucose tolerance in obese adults with high glycémie à jeun à 1,15 g/L, HbA1c à 6,4 % et
protein versus high carbohydrate diet: randomized antécédents familiaux de diabète sucré (père dia-
control trial. BMJ Open Diabetes Res Care 2016 ; 4(1) : bétique et un frère de 50 ans qui est diabétique
e000258. depuis plusieurs années). Ce sujet est en excès
3. le Roux CW, Astrup A, Fujioka K, Greenway F, Lau pondéral (IMC = 30 kg/m2, poids = 89 kg, taille
DCW, Van Gaal L et al. 3 years of liraglutide versus
= 172 cm). À l'interrogatoire, il a une activité
placebo for type 2 diabetes risk reduction and weight
management in individuals with prediabetes: a ran- physique moyenne. Devant ces observations,
domised, double-blind trial. Lancet 2017; 389(10077) : le médecin fait pratiquer une hyperglycémie
1399-409. provoquée orale (HGPO), qui donne le résultat

174
Chapitre 16. Prescrire un régime chez une personne prédiabétique

2,0

1,8
Avant régime et
1,6 perte de poids

Glycémie(g/L)
1,4

1,2
Après régime et
1,0 perte de poids

0 30 60 90 120
Minutes
Figure 16.1. Résultats des hyperglycémies provoquées orales (HGPO) du patient qui a été pris
pour exemple.
Les résultats sont indiqués au départ et après 6 mois de traitement hygiéno-diététique (régime hypocalorique).

indiqué sur la figure 16.1. À la deuxième heure Calcul à partir de la formule


de l'HGPO, la glycémie est à 1,70 g/L. Le diag- de Harris et Benedict
nostic d'intolérance au glucose est porté. Si ce
Cette formule donne la dépense énergétique de
sujet était exempt de troubles de la régulation
glycémique, le taux du glucose plasmatique à la repos (DER). Chez l'homme, rappelons que son
deuxième heure d'une épreuve d'HGPO aurait dû expression est la suivante :
rester strictement inférieur à 1,40 g/L. Devant cet DER (kcal/j) = 66,5 + (13,7 × poids) + (5,0 ×
état des mesures hygiéno-diététiques devraient taille) Ŕ (6,8 × âge)
être envisagées pour prévenir l'évolution vers un avec le poids exprimé en kg, la taille en cm et
diabète franc dont la survenue paraît hautement l'âge en années. Pour ce patient le calcul donne le
probable dans un futur proche. résultat suivant : DER = 1 846 kcal. Étant donné
Plusieurs séquences sont envisagées : que la dépense calorique totale (W) est en moyenne
• réaliser une évaluation du niveau des dépenses égale à DER × 1,5 on peut estimer W à 2 769 kcal/j.
et besoins caloriques du sujet ;
• prescrire un régime préventif basé sur les Si le médecin dispose
résultats de l'évaluation nutritionnelle préalable ; d'un bio-impédancemètre
• vérifier que les recommandations hygiéno- La DER mesurée grâce à cette méthode donne un
diététiques prescrites sont observées et évaluer résultat à 1 780 kcal, ce qui permet de calculer la
leur impact au bout de quelques mois. dépense globale (W) = DER × 1,5 = 1 780 × 1,5 =
2 670 kcal/j.
Première séquence : Si on tient compte des erreurs liées aux approxi-
calculer le niveau mations des trois méthodes, on peut conclure
que la dépense globale se situe aux alentours de
des dépenses caloriques du sujet
2 700 kcal/j.
Plusieurs approches sont possibles.
Deuxième séquence :
Méthode simple calculer les apports caloriques
On utilise le tableau 15.3. Le sujet a une activité par une enquête alimentaire
physique moyenne, il est de sexe masculin et il a rapide (« food frequency recall »)
moins de 45 ans. Ses besoins énergétiques et par
voie de conséquence ses dépenses énergétiques Le recueil des données est consigné
totales (W) se situent aux alentours de 2 600 kcal/j. tableaux 16.2 et 16.3. Cette enquête rapide

175
Partie III. Comment personnaliser les mesures diététiques

Tableau 16.2. Résultats de l'enquête alimentaire rapide pratiquée chez le patient pris pour exemple
en utilisant la méthode des « Food frequency recalls».
Questions portant sur les aliments riches en protides.

Calcul des protides Résultat


Question 1
Petite portion (100 g) n= n × 20 g =
Portion moyenne (125 g) n=2 n × 25 g = 50 g
Grande portion (> 150 g) n= n × 30 g =
Question 2
Lait (1 bol) n= n× 7g=
Yaourts (1 pot) n=1 n × 3,5 g = 3,5 g
Fromage (30 g) n=2 n× 7g= 14 g
Fromage blanc (100 g) n= n× 7g=
Question 3
¼ de baguette (50 g) n= n× 5g=
½ baguette (100 g) n= n × 10 g =
¾ de baguette (150 g) n= n × 15 g =
1 baguette (200 g) n=1 n × 20 g = 20 g
Protéines «forfaitaires » 10 g
Total des protides P = 97,5 g
Conversion en calories : (total des protides) × 24 = 97,5 × 24 = E1 = 2340 kcal.
Ŕ Question 1 : Combien de fois par jour (n) consommez-vous de portions de viande ou un équivalent viande (œufs, poisson, jambon)?
Ŕ Question 2 : Combien de fois par jour (n) consommez-vous de portions de produits laitiers?
Ŕ Question 3 : Combien de portions de pain (n) consommez-vous par jour?
Ajouter 10 g de protéines «forfaitaires».
Faire le total des protides (P) apportés par les aliments riches en protides puis faire la conversion en calories apportées
par ces aliments en multipliant par 24 (E1).

permet en huit questions de calculer les apports Troisième séquence : prescription


protidiques et caloriques (Q) du sujet. Le pre- du régime de prévention
mier groupe de questions (tableau 16.2) porte
de la conversion du prédiabète
sur les aliments calorico-protidiques. Ces ques-
tions permettent de calculer un apport calo- en diabète de type 2 patent
rique « intermédiaire » lié à ce type d'aliments Compte tenu des données qui ont été publiées
(E1). Dans le cas présent, les valeurs obtenues dans la littérature, les mesures diététiques
sont de 2 340 kcal par jour pour l'apport éner- devraient répondre aux objectifs suivants.
gétique et de 97 g pour les protides. Un deu- • Entraîner une perte de poids, ce qui sous-entend
xième groupe de cinq questions (tableau 16.3) de prescrire un régime hypocalorique. Si on
porte sur certains comportements alimentaires se base sur un régime qui supprime 33 % des
spécifiques. Le résultat obtenu chez ce sujet est calories par rapport aux dépenses caloriques
de 470 kcal/j (E2). L'apport calorique total est (W) et aux apports caloriques de départ (Q),
fourni en faisant la somme des résultats obte- et dans la mesure où Q ≈ W ≈ 2 700 kcal/j, le
nus tableaux 16.2 et 16.3 (E1 + E2 = E), soit régime amaigrissant devrait être fixé à un niveau
E approximativement égal à 2 800 kcal/j. de l'ordre de 2 000 kcal/j.

176
Chapitre 16. Prescrire un régime chez une personne prédiabétique

Tableau 16.3. Résultats de l'enquête alimentaire rapide chez le patient pris pour exemple
en utilisant la méthode des « Food frequency recalls».
Questions supplémentaires portant sur les comportements alimentaires spécifiques et permettant d'évaluer la quantité
de calories correspondante (E2).

Calcul des calories Résultat


Question 4
Grignotage (un peu) 150 kcal
Grignotage (élevé) 300 kcal
Question 5
Vin = verres par jour n=1 n × 70 kcal = 70 kcal
Bière = verres par jour n= n × 70 kcal =
n × 70 kcal =
n × 70 kcal =
Question 6
Tartes salées par semaine n =1 n × 50 kcal = 50 kcal
Feuilletés salés par semaine n = 1 n × 50 kcal = 50 kcal
Charcuteries par semaine n =2 n × 50 kcal = 100 kcal
Question 7
Tartes sucrées ou gâteaux n= n × 50 kcal
par semaine
Entremets sucrés par n= n × 50 kcal
semaine
Question 8
Repas «extras » par n=1 n × 200 kcal = 200 kcal
semaine
Total des calories E2 = 470 kcal
Ŕ Question 4 : Grignotage.
Ŕ Question 5 : Boissons caloriques (alcoolisées ou sucrées).
Ŕ Question 6 : Entrées salées (portions n en fréquence par semaine). En sachant qu'une portion d'entrée salée apporte environ 350 kcal,
la consommation d'une portion par semaine retentit sur les apports énergétiques à hauteur de 50 kcal/j.
Ŕ Question 7 : Desserts sucrés (portions n en fréquence par semaine). En sachant qu'une portion de dessert sucré apporte environ
350 kcal, la consommation d'une portion par semaine retentit sur les apports énergétiques à hauteur de 50 kcal/j.
Ŕ Question 8 : Repas «extras» (repas de fête, sortie au restaurant…). En sachant qu'un repas festif apporte environ 1400 kcal de plus
qu'un repas normal, la consommation d'un repas festif par semaine retentit sur les apports énergétiques à hauteur de 200 kcal/j.
L'apport calorique total (E) est calculé en faisant la somme des calories enregistrées sur les tableaux 16.2 et 16.3 (E1 + E2 = E).
Total général des calories : somme des résultats des tableaux 16.2 et 16.3.
E1 + E2 = 2340 + 470 = E = 2810 kcal/j.

• Préserver la masse maigre en apportant une puisque nous avons indiqué plus haut qu'une
quantité de protides suffisante (au moins 20 % étude avait montré qu'un régime à 40 % de
de l'apport calorique total). Dans le cas de ce glucides et 30 % de protides était une stratégie
patient, ceci correspond à 100 g de protides/j. efficace pour faire régresser un état prédiabétique.
• Réduire les apports glucidiques entre 40 et 45 % Si le choix de 40 % de glucides nous paraît justi-
de l'apport énergétique total. Si on choisit 40 % fié, notre opinion est plus mitigée sur les 30 % de
de l'apport énergétique sous forme de glucides, protides que nous considérons comme excessifs.
ceci correspond à 200 g de glucides/j. Dans le Pour cette raison notre choix s'est porté sur 20 %
cas présent, 40 % paraissent préférables à 45 % de protides c'est-à-dire 100 g par jour.

177
Partie III. Comment personnaliser les mesures diététiques

Comme nous l'avons déjà développé plus haut, il Ŕ 2,5 Eq viande = 180 × 2,5 = 450 kcal
faut hiérarchiser les objectifs selon la séquence sui- Ŕ 3 Eq lait = 120 × 3 = 360 kcal
vante : objectif protidique, glucidique et calorique.
Ŕ 2 Eq pain = 120 × 2 = 240 kcal
Première étape : remplir l'objectif Ŕ 5portionsdefruits et légumes = 50 × 5 = 250 kcal
protidique (X = 100 g)
Ŕ 3 portions de féculents = 120 × 3 = 360 kcal
Ŕ 10 g de protéines «forfaitaires » = 10 g
Z1 = 1 660 kcal
Ŕ 2,5 Eq viande qui apportent = 62,5 g
2,5 fois 25 g de protides
• En complétant pour atteindre Z2 (2 000 kcal).
Ŕ 3 Eq lait qui apportent = 21 g Il faut trouver (Z2 Ŕ Z1) = 2 000 Ŕ 1 660 =
3 fois 7 g de protides
340 kcal.
Ŕ 2 Eq pain qui apportent = 10 g
2 fois 5 g de protides
Ŕ Avec 4 Eq de corps gras 4 × 90 = 360 kcal
Total protides X = 103,5 g Le total calories obtenu est : Z2 = 2 020 kcal

Deuxième étape : remplir l'objectif La construction du régime est illustrée sur la


glucidique (Y2 = 200 g) figure 16.2. Grâce à ce régime, le sujet a perdu
• En reportant les glucides apportés par les 10 kg en 6 mois. La glycémie à jeun est à 0,95 g/L,
aliments utilisés pour le remplissage de l'HbA1c à 5,9 % et l'hyperglycémie provoquée
l'objectif protidique (Y1 g de glucides). orale (HGPO) (fig. 16.1) montre que la glycémie à
la deuxième heure est à 1,10 g/L. Les trois mesures
Ŕ 2,5 Eq viande = 0 g de glycémiques pratiquées lors de cette deuxième
glucides HGPO indiquent clairement que l'état de prédia-
Ŕ 3 Eq lait répartis : bète a disparu.
- en lait (200 mL) = 10 g
= 1 Eq lait Autres mesures complémentaires
- en 2 yaourts = 1 Eq = 10 g
lait Activité physique
Ŕ 2 Eq pain = 25 × 2 = 50 g Pendant la période d'amaigrissement, il faudrait
Y1 = 70 g
conseiller à ce sujet de faire 1 heure de marche
soutenue 3 fois par semaine, ce qui correspond
à une dépense énergétique de l'ordre de 4 kcal
• En complétant pour atteindre Y2 : il faut trouver par minute de marche soit environ 240 kcal
Y2 Ŕ Y1 = 200 Ŕ 70 = 130 g de glucides. pendant 1 heure et 720 kcal de dépenses éner-
gétiques cumulées par semaine. Cette activité
Ŕ Avec 5 portions = 12 × 5 = 60 g de glucides physique, en plus de son effet sur la balance
de fruits et légumes
énergétique, permettra de sauvegarder la masse
Ŕ Avec 3 portions = 25 × 3 = 75 g de glucides maigre. La bio-impédancemétrie, pratiquée chez
de féculents ce patient avant la cure d'amaigrissement et au
Y2 Ŕ Y1 (réel) = 135 g de glucides bout de 6 mois, a montré que sur la perte pon-
Total glucides Y2 = 70 + 135 = 205 g de dérale de 10 kg, 2 kg à peine ont été perdus sous
glucides forme de masse maigre. Les 8 kg restants ont été
perdus sous forme de masse grasse. Ce résultat
peut être considéré comme très satisfaisant car
Troisième étape : remplir l'objectif
tout régime hypocalorique (deuxième principe
calorique (Z2 = 2000 kcal)
de la thermodynamique oblige) s'accompagne
• En reportant les calories apportées par les en général d'une perte de poids qui se répartit
aliments utilisés pour le remplissage des de la manière suivante : deux tiers pour la masse
objectifs protidiques et glucidiques (Z1 kcal). grasse et un tiers pour la masse maigre.

178
Chapitre 16. Prescrire un régime chez une personne prédiabétique

Z2 = 2 000
kcal/j
Objectif calorique
Corps gras à ajouter 4 portions de
(Z2 = 2 000 kcal/j)
pour atteindre corps
l’objectif calorique gras

Y2 Z1
g/j 3 portions de kcal/j
Objectif glucidique féculents
(Y2 = 200 g/j) (75 g de Glu)
Aliments à ajouter Z1 = 1 660 kcal
5 portions
pour atteindre =
d’Eq fruits
l’objectif glucidique et/ou légumes Quantité de
soit 60 g de calories
glucides apportées par
Y1 tous les
Objectif protidique 2 Eq Pain aliments
70 g de en dehors
(X = 100 g/j) 3 Eq Lait glucides des corps
apportés par gras
2,5 Eq Viande les aliments
riches en
10 g protides
“forfaitaires”

Colonne des Colonne des Colonne des


aliments riches apports apports
en protides glucidiques caloriques
Figure 16.2. Illustration du remplissage des objectifs protidique (X), glucidique (Y2) et calorique (Z2).
Dans le cas du patient pris pour exemple : X = 100 g de protides ; Y2 = 200 g de glucides et Z2 = 2000 kcal. Les objectifs
doivent être hiérarchisés : protidique en premier (colonne de gauche), glucidique en second (colonne du milieu) et
«in fine » calorique (colonne de droite). Pour les calculs intermédiaires (Y1 = quantité de glucides apportés par les
aliments de la première colonne et Z1 = quantité de calories apportées par l'apport cumulé des aliments des colonnes
de gauche et du milieu) nous demandons au lecteur de se reporter au texte.

Surveillance du régime termes, une stabilité de la créatininurie au cours


En dehors de la surveillance des données anthro- de la cure d'amaigrissement indique que la masse
pométriques (poids, index de masse corporelle et musculaire a été globalement préservée.
tour de taille), d'autres éléments devraient être Enfin, gardons pour la fin le contrôle de la
surveillés : bilan lipidique, pression artérielle. La natriurèse sur 24 heures. Le mentionner à la fin
surveillance de ces paramètres revêt une certaine de ce chapitre ne signifie pas que ce contrôle revêt
importance, surtout si l'obésité et l'état prédiabé- moins d'importance que les autres. Au contraire,
tique s'inscrivent dans le cadre d'un syndrome nous pensons qu'il est primordial car la bonne
plurimétabolique avec désordres lipidiques observance d'un régime hypocalorique est le plus
(hypertriglycéridémie associée à une diminution souvent associée à une natriurèse < 100 mmol/j.
du HDL-cholestérol) et hypertension artérielle. En effet, un régime de restriction calorique est
La bio-impédancemétrie a un intérêt certain pour «ipso facto » hyposodé, à condition que la per-
estimer l'évolution de la masse maigre. Si cet exa- sonne ne fasse pas usage de la salière au moment
men ne peut être pratiqué, on peut se contenter de la préparation et de la consommation des repas.
d'une mesure de la créatininurie sur les urines de Ainsi, une natriurèse < 100 mmol/j est un index
24 heures en sachant qu'une excrétion urinaire de qui permet de vérifier que le régime a été correcte-
créatinine égale à 1 g/j correspond à une quantité ment suivi. Si le sujet n'a pas perdu de poids ou
de muscles de l'ordre de 20 kg. Dans le cas pré- si la perte de poids a été minime, l'observation
sent, une perte de masse maigre de 2 kg corres- d'une natriurèse élevée indique que les mesures
pond approximativement à une diminution de diététiques ont été vraisemblablement peu suivies.
la masse musculaire de l'ordre de 1 kg. Entre la Ce test objectif permet à ce moment-là d'aider le
créatininurie de départ et d'arrivée (6 mois après) médecin et le patient pour identifier les failles qui
on devrait observer une différence minime, aux se sont introduites dans l'observance des recom-
alentours de 50 mg/j. Il est fort probable que mandations qui avaient été prodiguées lors des
cette différence restera indétectable. En d'autres consultations antérieures.

179
Prescrire un régime CHAPITRE
17
chez un patient
diabétique de type 2
obèse
L. Monnier

PLAN DU CHAPITRE en grande partie liée à l'accroissement de la masse


Stratégie générale 183 adipeuse. En effet, bien que la partie visible et
Construction pratique du régime 186 aisément quantifiable de l'obésité soit l'augmen-
Quelques informations complémentaires pour assurer tation du poids corporel, sa vraie définition est
l'équilibre nutritionnel et pour prévenir le risque
cardiovasculaire 189 une augmentation de la masse du tissu adipeux.
Cas particulier : la prescription diététique chez le Par ailleurs, il convient de savoir que les cellules
diabétique de type 2 très obèse et très insulinorésistant 191 adipeuses (adipocytes) gorgées de triglycérides
ne se limitent pas à une simple réserve de lipides
La majorité des patients diabétiques de type 2 à l'intérieur de l'organisme. En effet, il est main-
est en excès pondéral : surcharge pondérale tenant démontré qu'elles secrètent ou libèrent de
simple (si l'index de masse corporelle est com- nombreuses substances désignées sous le terme
pris entre 25 et 30 kg/m2) ou obésité (si l'IMC d'adipokines (fig. 17.1). Certaines d'entre elles
est supérieur ou égal à 30 kg/m2). Même si le comme l'interleukine 6 (IL-6), la résistine et le
diabète de type 2 est une maladie génétique avec TNFα jouent un rôle clé dans l'insulinorésistance
une hérédité de type polygénique, ce sont les des sujets obèses. Quand l'obésité s'aggrave, et
facteurs environnementaux qui déclenchent et quand elle évolue depuis de nombreuses années,
conditionnent l'apparition du diabète de type 2 on assiste à des modifications moléculaires
chez des sujets ayant des antécédents familiaux et cellulaires au niveau du tissu adipeux avec
de diabète sucré ou chez des sujets ayant des un état inflammatoire de faible niveau (« low
anomalies biologiques caractéristiques d'un état grade ») qui est en partie dû à une infiltration par
« prédiabétique » : anomalies de la glycémie à des macrophages qui s'insinuent entre les adipo-
jeun, intolérance au glucose. Lorsque le diabète cytes. Ces anomalies qui apparaissent dans les
a été diagnostiqué, il est maintenant bien établi obésités installées de longue date contribuent à
que les mesures hygiéno-diététiques permettent rendre les sujets encore plus insulinorésistants
d'améliorer les désordres glycémiques. Dans le au fur et à mesure que le temps s'écoule. Chez
cas le plus favorable, ces derniers peuvent même les diabétiques de type 2 obèses, les désordres
glycémiques sont relativement sensibles aux trai-
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disparaître. C'est en réduisant l'insulinorésis-


tance des patients diabétiques obèses que les tements antidiabétiques et aux mesures hygiéno-
Manueldenutritionpourlepatientdiabétique

régimes hypocaloriques exercent leur action diététiques dans les premières années après la
bénéfique sur les désordres glycémiques. Dans le découverte du diabète. Si le diabète est ancien et
diabète de type 2, l'insulinorésistance s'exprime si l'obésité n'a pas régressé, les différentes théra-
sur plusieurs sites tissulaires. Au niveau du foie, peutiques, qu'elles soient médicamenteuses ou
elle entraîne une exagération de la production nutritionnelles, perdront de leur efficacité et les
hépatique du glucose. Au niveau des tissus péri- désordres glycémiques deviendront de plus en
phériques, en particulier au niveau des muscles, plus difficiles à combattre. Ceci explique en par-
elle conduit à une diminution de l'utilisation du tie l'escalade thérapeutique qui caractérise l'évo-
glucose. L'origine de cette insulinorésistance est lution du diabète de type 2 au cours du temps.

181
Partie III. Comment personnaliser les mesures diététiques

INSULINORÉSISTANCE
Protéine C
Réactive
FOIE

IL-6
Résistine
Muscle

OBÉSITÉ +

OBÉSITÉ OBÉSITÉ
récente installée

INSULINORÉSISTANCE

Figure 17.1. Mécanisme de l'insulinorésistance périphérique (muscles) et hépatique chez les


obèses.
L'inflation du tissu adipeux par hypertrophie (augmentation de la taille) et hyperplasie (augmentation du nombre) des
adipocytes conduit à une libération d'adipokines (TNFα, IL-6, résistine) qui diminuent l'action de l'insuline au niveau du
foie et des tissus périphériques. Dans les obésités «vieillies », l'apparition de cellules inflammatoires mastocytes dans le
tissu adipeux aggrave ce phénomène.

À partir de ces constatations, il apparaît que avec les régimes les plus restrictifs, mais «in fine »
la prise en charge hygiéno-diététique du diabète l'intensité de la baisse glycémique à moyen terme,
de type 2 doit être précoce et efficace. De plus, au bout de quelques mois, dépend de l'amplitude
elle doit être maintenue sur le long terme, ce qui de la perte pondérale et non pas de la vitesse avec
est un des objectifs les plus difficiles à atteindre. laquelle elle a été obtenue. En paraphrasant le
L'efficacité des régimes au moment de la décou- célèbre vers de la fable du lièvre et de la tortue, on
verte du diabète sucré est un fait bien établi. peut dire : «Rien ne sert de courir, il faut partir à
L'une des meilleures preuves a été apportée par point mais en plus et surtout il faut atteindre la
la célèbre étude de l'UKPDS («United Kingdom ligne d'arrivée ». Ces observations sont résumées
Prospective Diabetes Study »). Chez des patients et illustrées sur la figure 17.2. Dans la mesure où
diabétiques dont on vient de découvrir la maladie les régimes à très basses calories ne sont pas plus
et dont l'HbA1c était à 9 %, un simple régime de efficaces sur le moyen et le long terme que les
restriction calorique apportant 1 361 kcal/j a per- régimes moins restrictifs, l'objectif est d'obtenir
mis une perte de poids de l'ordre de 6 kg sur une une perte pondérale entre 2 et 4 kg par mois avec
période de 3 mois avec une baisse concomitante de un objectif raisonnable : 5 à 10 % de réduction du
l'HbA1c qui est passée de 9 à 7 %. Avec des régimes poids corporel par rapport au poids de départ. Si
hypocaloriques plus ou moins restrictifs, il a été cet objectif est atteint, l'un des problèmes majeurs
démontré que l'on pouvait faire passer la glycémie sera ultérieurement de stabiliser le poids corporel
à jeun de 3 g/L à moins de 1,5 g/L après quelques de manière durable. Malheureusement, toutes les
jours ou semaines de régime chez des patients dia- études montrent que cette stabilisation est loin
bétiques de découverte récente n'ayant reçu aucun d'être la règle et qu'elle est même l'exception.
traitement médicamenteux (fig. 17.2). La perte de Quand on suit des cohortes de patients diabé-
poids et la baisse de la glycémie sont plus rapides tiques sur le long terme, on constate que la perte

182
Chapitre 17. Prescrire un régime chez un patient diabétique de type 2 obèse

Poids de départ

(b)

POIDS
(a) (c)
Poids d’arrivée

Glycémie de départ

(b)
GLYCÉMIE

(c)
Glycémie d’arrivée
(a)

À court terme À moyen terme


(quelques jours (quelques mois)
ou semaines)
Figure 17.2. Influence à court et moyen terme de différentes modalités de perte de poids sur
l'évolution de la glycémie chez des patients diabétiques non insulinodépendants.
(a) Régimes à très basse teneur calorique. (b) Régimes avec restriction calorique modérée. (c) Régimes intermédiaires.

de poids est satisfaisante au cours de la première avec une surcharge pondérale majeure, installée
année mais avec une reprise de poids progressive depuis plusieurs années ou décennies avec un état
au cours des années qui suivent. L'exemple type de d'insulinorésistance très marqué.
ce genre d'évolution est fourni par l'étude Look
AHEAD (Action for Health in Diabetes) où il a été
démontré qu'un régime de restriction calorique
(1 200 à 1 800 kcal/j) couplé à une augmentation
Stratégie générale
modérée de l'activité physique entraîne une perte Objectifs
de poids de l'ordre de 8 kg au cours de la première
année (fig. 17.3A). Malheureusement, au cours des Les trois objectifs à poursuivre sont les suivants :
neuf années qui suivirent, les investigateurs assis- • réduire l'excès pondéral pour réduire l'insuli-
tèrent à une reprise du poids conduisant à une norésistance et pour combattre l'hyperglycémie
différence pondérale de 2 kg entre le groupe sou- globale dite hyperglycémie «ambiante »;
mis à des mesures hygiéno-diététiques intensives • réduire les excursions glycémiques postpran-
et le groupe standard. En termes d'HbA1c, après diales dont la contribution à l'HbA1c est de l'ordre
une amélioration significative de l'HbA1c (Ŕ 0,65 de 1 % en termes de points de pourcentage. À titre
point de pourcentage) au cours de la première d'exemple, chez un sujet dont l'HbA1c est à 8 %, la
année, le différentiel à 10 ans n'était plus que de 0,1 simple éradication ou réduction des montées gly-
en faveur du groupe intensif (fig. 17.3B). Encore cémiques après le repas doit permettre de rame-
faut-il préciser que ces interventions hygiéno- ner l'HbA1c aux alentours de 7 %;
diététiques furent réalisées chez des patients • éviter les épisodes hypoglycémiques au moins
diabétiques, soit au moment de la découverte de chez les patients qui sont traités par des antidia-
leur maladie (UKPDS) soit après quelques années bétiques oraux comme les sulfonylurées ou les
d'évolution (étude Look AHEAD) sans pour glinides qui sont susceptibles de provoquer ce
autant inclure des sujets ayant un diabète ancien, type d'événement.

183
Partie III. Comment personnaliser les mesures diététiques

102

100 * * *
* * * *
*

Poidscorporel(kg)
98
* Groupe standard
*
96

94

Groupe intensif
92

90
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
A Années

Groupe standard
7.4

* * * * Groupe intensif
7.2

7
HbA1c(%)

6.8

6.6

6.4
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
B Années
Figure 17.3. A. Évolution du poids corporel au cours de l'étude Look AHEAD chez des patients
diabétiques de type 2 obèses. Comparaison du groupe prise en charge diététique « intensive»
et du groupe prise en charge diététique « standard». B. Évolution de l'HbA1c au cours de l'étude
Look AHEAD chez des patients diabétiques de type 2 obèses. Comparaison du groupe prise en
charge diététique « intensive» et du groupe prise en charge diététique « standard».

Moyens diététiques donne directement le niveau calorique du régime.


Si l'on souhaite une estimation plus précise du
Les moyens pour atteindre ces objectifs peuvent
niveau calorique de la restriction calorique, il faut
être résumés de la manière suivante. mesurer la dépense énergétique de repos (DER)
par bio-impédancemétrie ou la calculer par la for-
Prescrire un régime mule de Harris et Benedict, par exemple. Dans ces
hypocalorique progressif conditions, le niveau de la restriction calorique
et personnalisé doit être fixé au niveau de la DER puisque cette
dernière est en général égale à 0,66 × W (où W est
La «personnalisation » impose de fixer le niveau
la dépense énergétique globale).
de la restriction calorique en fonction de l'âge, du
sexe, et de l'activité physique du sujet. Le carac- Contrôler l'apport glucidique
tère « progressif » ne peut être obtenu qu'avec
et le maintenir aux alentours de
une restriction calorique modérée par rapport
aux besoins énergétiques du sujet. En général, 45 % de l'apport énergétique global
l'apport calorique devrait être de Ŕ 33 % en des- Il faut bien noter que les apports glucidiques,
sous des besoins énergétiques. Le tableau 15.6 même chez un patient diabétique, doivent

184
Chapitre 17. Prescrire un régime chez un patient diabétique de type 2 obèse

rester à un niveau raisonnable. Une restric- Deuxième principe


tion trop sévère en glucides (régime apportant Toute consommation d'aliment glucidique
moins de 40 % de calories sous forme de glu- devrait être, autant que possible, combinée avec
cides) n'a pas d'intérêt et serait même contre- un apport lipido-protidique qui amortit les mon-
productive. En effet, il faut garder à l'esprit que tées glycémiques postprandiales. La prise d'un
le système nerveux consomme une quantité aliment glucidique très hyperglycémiant (pâtisse-
de glucose de 120 à 150 g par jour et que toute rie, entremets sucrés) devrait être évitée dans les
réduction de l'apport glucidique quotidien en périodes interprandiales.
dessous de 120 g s'accompagne inéluctablement
d'une production de glucose par le foie pour Troisième principe
compenser le déficit provoqué par des apports La structure d'un repas doit être telle que les
alimentaires insuffisants. Cette production glucides soient consommés en respectant la
hépatique du glucose appelée phénomène de chronologie suivante : les plus lents au début, les
« néoglucogenèse » s'effectue à partir de subs- intermédiaires (féculents, pain) en milieu et en fin
trats non glucidiques comme certains acides de repas. Si le repas comporte une prise de glucides
aminés (alanine en particulier) libérés par le rapides (pâtisseries et/ou entremets sucrés), c'est
muscle lorsque les apports alimentaires en glu- en fin de repas qu'ils devraient être consommés.
cides sont trop faibles. La conséquence est une Toutefois, pour les aliments à fort pouvoir hyper-
fonte des masses musculaires, phénomène que glycémiant, il convient de répéter que leur consom-
l'on cherche à prévenir dans les régimes amai- mation doit être épisodique (lors d'un repas de fête
grissants par un apport protidique augmenté par exemple). Pour simplifier le message, il est
en valeur relative (20 % des calories totales) et possible d'utiliser un concept parlant, bien qu'il
par une activité physique adaptée aux capacités soit jugé par certains comme un peu simpliste. Il
du sujet. consiste à classer les glucides en trois catégories :
Pour éviter les montées glycémiques excessives, les glucides lents ou ultralents (qui «rampent »),
il est important de préconiser l'utilisation de glu- les glucides intermédiaires (qui «marchent ») et
cides à faible pouvoir hyperglycémiant, à index les glucides rapides (qui «courent ») (fig. 17.4). Les
glycémique ≤ 100 (pour mémoire, l'index glycé- glucides qui «rampent » (crudités par exemple)
mique du pain blanc est égal à 100) et de limiter devraient être donnés en entrée, les glucides qui
celle des glucides à fort pouvoir hyperglycémiant «marchent » (féculents) au milieu du repas et les
ayant un index glycémique > 100. La prise en glucides qui «courent » (pâtisseries ou entremets
compte de l'index glycémique n'est pas toujours sucrés) au moment du dessert en recommandant
évidente. Pour qu'elle le devienne, il faut rappeler de les consommer le moins souvent possible.
quelques principes simples.
Premier principe Éviter les hypoglycémies
Chez le patient diabétique de type 2 non insuliné, Pour prévenir les hypoglycémies, le mieux est de
c'est en général le petit déjeuner qui est le repas le répartir les prises glucidiques sur les trois repas
plus hyperglycémiant. Dans ces conditions, c'est principaux de la journée en respectant une dis-
à ce moment-là que l'on doit être le plus vigilant tribution du type : 1/5e des apports glucidiques
sur le pouvoir hyperglycémiant des aliments. La au petit déjeuner et 2/5e aux deux autres repas.
consommation de lait, de yaourts, de fruits frais Ce principe est applicable à tous les types de dia-
doit être privilégiée. En revanche, celle du pain bète, quels que soient les traitements. Toutefois,
(index glycémique = 100) doit être contrôlée et il convient de souligner que le risque hypoglycé-
limitée pour éviter les dérives glycémiques exces- mique n'est présent qu'avec les traitements insuli-
sives dans la période qui suit le petit déjeuner. Il niques et avec certains antidiabétiques oraux dits
va de soi que les produits alimentaires très hyper- «insulinosécrétagogues non glucodépendants »
glycémiants (index glycémique > 100) comme les (comme les sulfonylurées et les glinides). Dans
confitures, le miel, le sucre en morceaux et les ce cas, des collations glucidiques interpran-
flocons de céréales doivent être autant que pos- diales peuvent devenir nécessaires. Dans le cas
sible évités. contraire, il est préférable de les éviter.

185
Partie III. Comment personnaliser les mesures diététiques

LES DIFFÉRENTS SUCRES

LES GLUCIDES LENTS


À FAIBLE POUVOIR
HYPERGLYCÉMIANT
(glucides qui rampent)
- Légumes frais

LES GLUCIDES LENTS


À POUVOIR HYPERGLYCÉMIANT
MODÉRÉ
(glucides qui marchent)
- Lait - Légumes secs - Fruits
- Pâtes alimentaires - Riz
- Pommes de terre - Pain

LES GLUCIDES PLUS RAPIDES


(glucides qui courent)
- Confitures - Miel - Patisseries
- Entremets sucrés

Figure 17.4. Représentation imagée du concept de sucres qui « rampent», qui « marchent» et qui
« courent».
Cette illustration peut être utilisée dans les séances d'éducation thérapeutique pour permettre aux patients diabétiques
de mieux comprendre les différences de pouvoir hyperglycémiant entre catégories d'aliments

Construction pratique du régime Deuxième étape : remplir l'objectif


glucidique (Y2 = 135 g)
Comme indiqué dans le chapitre 15, il faut définir • En reportant les glucides apportés par les ali-
les objectifs protidique, glucidique et calorique et ments utilisés pour le remplissage de l'objectif
les hiérarchiser dans cet ordre. Le régime à 80 g protidique (Y1 g).
de protides, 180 g de glucides et 1 600 kcal a déjà
été détaillé au chapitre 15. Pour compléter la série Ŕ 1 Eq viande = 0 g de
des régimes hypocaloriques habituels, nous pro- glucides
posons au lecteur de détailler la construction de Ŕ 2 Eq lait répartis
trois régimes supplémentaires avec 20 % de calo- en lait (200 mL) = 10 g
ries protidiques et 45 % de calories glucidiques : = 1 Eq lait
• régime à 1 200 kcal, 60 g de protides et 135 g de
en 30 g de = 0 g
glucides ; fromage = 1 Eq
• régime à 1 400 kcal, 70 g de protides et 160 g de lait
glucides ; Ŕ 2 Eq pain = 25 × 2 = 50 g
• régime à 1 800 kcal, 90 g de protides et 200 g de
glucides. Y1 = 60 g

Régime à 1200 calories • En complétant pour atteindre Y2 : il faut trou-


Première étape : remplir ver Y2 Ŕ Y1 = 135 Ŕ 60 = 75 g de glucides.
l'objectif protidique (X = 60 g)
Ŕ 10 g de protéines «forfaitaires» = 10 g Ŕ Avec 4 portions de fruits = 12 × 4 = 48 g
et légumes de glucides
Ŕ 1 Eq viande qui apporte 25 g de protides = 25 g
Ŕ Avec 1 portion de = 25 g
Ŕ 2 Eq lait qui apportent 2 fois 7 g de protides = 14 g féculents
Ŕ 2 Eqpain qui apportent 2 fois 5 gdeprotides = 10 g Y2 Ŕ Y1 (réel) = 73 g
Total protides X = 59 g Total glucides Y2 = 60 + 73 = 133 g

186
Chapitre 17. Prescrire un régime chez un patient diabétique de type 2 obèse

Troisième étape : remplir l'objectif Régime à 1400 kcal


calorique (Z2 = 1600 kcal)
Première étape : remplir l'objectif
• En reportant les calories apportées par les ali- protidique (X = 70 g)
ments utilisés pour le remplissage des objectifs
protidiques et glucidiques (Z1 kcal). Ŕ 10 g de protéines = 10 g
«forfaitaires »
Ŕ 1 Eq viande = 180 kcal Ŕ 1,5 Eq viande qui = 37 g
Ŕ 3 Eq lait = 120 × 2 = 240 kcal apporte 1 fois
et demie 25 g de protides
Ŕ 2 Eq pain = 120 × 2 = 240 kcal
Ŕ 2 Eq lait qui apportent 2 = 14 g
Ŕ 4 portions de fruits = 50 × 4 = 200 kcal fois 7 g
et légumes de protides
Ŕ 1 portion de féculents = 120 kcal Ŕ 2 Eq pain qui apportent 2 = 10 g
Z1 = 980 kcal fois 5 g
de protides

• En complétant pour atteindre Z2 il faut trouver Total protides X = 71 g


(Z2 Ŕ Z1) = 220 kcal.
Ŕ Avec 2,5 Eq de corps gras par 2,5 × 90 = Deuxième étape : remplir l'objectif
exemple 225 kcal glucidique (Y2 = 160 g)
Le total calories obtenu est : Z2 = 1 205 kcal • En reportant les glucides apportés par les ali-
ments utilisés pour le remplissage de l'objectif
Le calcul est illustré sur la figure 17.5. protidique (Y1 g).

Z2 = 1 200
kcal/j
Objectif calorique 2,5 portions de
(1 200 kcal/j) Corps gras à ajouter
corps
pour atteindre
gras
l’objectif calorique

Y2 Z1
en g/j 1 portions de kcal/j
Objectif glucidique
féculent
(135 g/j) (25 g de Glu)
Aliments à ajouter 4 portions Z1 = 980 kcal
pour atteindre d’Eq fruits =
l’objectif glucidique et/ou légumes Quantité de
soit 48 g de calories
glucides apportées par
tous les
2 Eq Pain aliments
Objectif protidique
Y1 = 60 g de en dehors
(60 g/j) 2 Eq Lait glucides des corps
apportés par gras
1 Eq Viande les aliments
riches en
10 g protides
“forfaitaires”

Colonne des Colonne des Colonne des


aliments riches apports apports
en protides glucidiques caloriques
Figure 17.5. Représentation schématique de la construction pratique d'un régime à 1 200 kcal,
60 g de protides et 135g de glucides. Les objectifs doivent être remplis de manière séquentielle :
Ŕ objectif protidique en premier en faisant appel aux aliments à teneur protidique élevée pour atteindre X g = 60 g de
protides (colonne de gauche);
Ŕ objectif glucidique en second (colonne du milieu) en reportant les glucides apportés par les aliments utilisés dans
la colonne de gauche (Y1 g de glucides) puis en complétant par des aliments riches en glucides et non utilisés dans la
colonne de gauche. La somme doit permettre d'atteindre l'objectif glucidique (Y2 en g = 135);
Ŕ objectif calorique en trois (colonne de droite) en reportant les calories des aliments utilisés dans les deux premières
colonnes (Z1 kcal) et en complétant par des portions de corps gras pour atteindre l'objectif calorique final (Z2 = 1200 kcal).

187
Partie III. Comment personnaliser les mesures diététiques

Ŕ 1,5 Eq viande = 0 g de glucides Troisième étape : remplir l'objectif


calorique (Z2 = 1400 kcal)
Ŕ 2 Eq lait répartis
= 10 g
• En reportant les calories apportées par les ali-
- en lait (200 mL) = 1 Eq
lait ments utilisés pour le remplissage des objectifs
protidiques et glucidiques (Z1 kcal).
- en 2 yaourts = 1 Eq lait = 10 g
Ŕ 1,5 Eq viande = 180 × 1,5 = 270 kcal
Ŕ 2 Eq pain 25 × 2 = 50 g
Ŕ 2 Eq lait = 120 × 2 = 240 kcal
Y1 = 70 g
Ŕ 2 Eq pain = 120 × 2 = 240 kcal
• En complétant pour atteindre Y2 : il faut trou- Ŕ 5 portions de fruits et légumes = 50 × 5 = 250 kcal
ver Y2 Ŕ Y1 = 160 Ŕ 70 = 90 g de glucides. Ŕ 1 portion de féculents = 120 kcal

Ŕ Avec 5 portions de fruits = 12 × 5 = 60 g Z1 = 1 120 kcal


et légumes de glucides • En complétant pour atteindre Z2 (1 400 kcal). Il
Ŕ Avec 1 portion = 25 g de glucides faut trouver (Z2 Ŕ Z1) = 1 400 Ŕ 1 120 = 280 kcal.
de féculents
Ŕ Avec 3 Eq de corps gras 3 × 90 = 270 kcal
Y2 Ŕ Y1 (réel) = 85 g
de glucides Le total calories obtenu est : Z2 = 1 390 kcal
Total glucides Y2 = 70 + 85 = 155 g
de glucides Le calcul est illustré sur la figure 17.6.

Z2 = 1 400
kcal/j
Objectif calorique 3 portions de
(1 400 kcal/j) Corps gras à ajouter
corps
pour atteindre
gras
l’objectif calorique

Y2 Z1
en g/j 1 portion de kcal/j
Objectif glucidique
féculents
(160 g/j) (25 g de Glu)
Aliments à ajouter 5 portions Z1 = 1 120 kcal
pour atteindre d’Eq fruits =
l’objectif glucidique et/ou légumes Quantité de
soit 60 g de calories
glucides apportées par
tous les
2 Eq Pain aliments
Objectif protidique
Y1 = 70 g de en dehors
(70 g/j) 2 Eq Lait des corps
glucides
apportés par gras
1,5 Eq Viande les aliments
riches en
10 g protides
“forfaitaires”

Colonne des Colonne des Colonne des


aliments riches apports apports
en protides glucidiques caloriques
Figure 17.6. Représentation schématique de la construction pratique d'un régime à 1 400 kcal, à
70 g de protides et 160 g de glucides. Les objectifs doivent être remplis de manière séquentielle :
Ŕ objectif protidique en premier en faisant appel aux aliments à teneur protidique élevée pour atteindre X en g = 70 de
protides (colonne de gauche);
Ŕ objectif glucidique en second (colonne du milieu) en reportant les glucides apportés par les aliments utilisés dans
la colonne de gauche (Y1 g de glucides) puis en complétant par des aliments riches en glucides et non utilisés dans la
colonne de gauche. La somme doit permettre d'atteindre l'objectif glucidique (Y2 en g = 160);
Ŕ objectif calorique en trois (colonne de droite) en reportant les calories des aliments utilisés dans les deux premières
colonnes (Z1 kcal) et en complétant par des portions de corps gras pour atteindre l'objectif calorique final (Z2 = 1400 kcal).

188
Chapitre 17. Prescrire un régime chez un patient diabétique de type 2 obèse

Régime à 1800 kcal Ŕ 2 Eq viande = 180 × 2 = 360 kcal


Première étape : remplir l'objectif Ŕ 3 Eq lait = 120 × 3 = 360 kcal
protidique (X = 90 g) Ŕ 2 Eq pain = 120 × 2 = 240 kcal
Ŕ 5 portions de fruits et légumes = 50 × 5 = 250 kcal
Ŕ 10 g de protéines «forfaitaires » = 10 g
Ŕ 3 portions de féculents = 120 × 3 = 360 kcal
Ŕ 2 Eq viande qui apportent 2 fois 25 g de = 50 g
protides Z1 = 1 570 kcal

Ŕ 3 Eq lait qui apportent 3 fois 7 g de = 21 g


protides • En complétant pour atteindre Z2 (1 800 kcal).
Ŕ 2 Eq pain qui apportent 2 fois 5 g de = 10 g Il faut trouver (Z2 Ŕ Z1) = 1 800 Ŕ 1 570 =
protides 230 kcal.
Total protides X = 91 g Ŕ Avec 2,5 Eq de corps = 2,5 × 90 = 225 kcal
gras
Deuxième étape : remplir l'objectif Le total calories obtenu Z2 = 1 795 kcal
glucidique (Y2 = 200 g) est :

• En reportant les glucides apportés par les ali- Le calcul est illustré sur la figure 17.7.
ments utilisés pour le remplissage de l'objectif
protidique (Y1 g).

Ŕ 2 Eq viande = 0 g de
Quelques informations
glucides complémentaires pour assurer
Ŕ 3 Eq lait répartis l'équilibre nutritionnel
en lait (200 mL) = 1 Eq lait = 10 g
et pour prévenir le risque
en 2 yaourts = 1 Eq lait = 10 g
cardiovasculaire
en 30 g de fromage = 1 Eq lait =0g
Ŕ 2 Eq pain 25 × 2 = 50 g Faire maigrir les patients diabétiques obèses pour
Y1 = 70 g réduire les désordres glycémiques est une mesure
indispensable pour prévenir le risque cardiovascu-
laire qui est augmenté chez ces patients. Toutefois,
• En complétant pour atteindre Y2. Il faut trouver cette mesure n'est pas suffisante. Pour compléter
Y2 Ŕ Y1 = 200 Ŕ 70 = 130 g de glucides. les mesures diététiques, encore faudrait-il qu'elles
Ŕ Avec 5 portions de fruits 12 × 5 = 60 g de glucides soient antiathérogènes, antithrombogènes et
et légumes antioxydantes. Ces trois objectifs peuvent être
Ŕ Avec 3 portions de 25 × 3 = 75 g de glucides obtenus par les mesures suivantes.
féculents
Y2 Ŕ Y1 (réel) = 135 g de Augmenter les apports
glucides en graisses monoinsaturées
Total glucides Y2 = 70 + 135 = 205 g
de glucides
Pour atteindre cet objectif, il est conseillé d'uti-
liser préférentiellement les huiles végétales qui
contiennent un fort pourcentage d'acides gras
Troisième étape : remplir l'objectif
monoinsaturés. L'huile d'olive (75 % d'acide
calorique (Z2 = 1800 kcal) oléique) administrée à raison de 1 cuillerée à
• En reportant les calories apportées par les ali- soupe pour chaque apport de 700 kcal est sûre-
ments utilisés pour le remplissage des objectifs ment la meilleure méthode pour assurer un
protidiques et glucidiques (Z1 kcal). apport en graisses monoinsaturées égal à 20 %

189
Partie III. Comment personnaliser les mesures diététiques

Z2 = 1 800
kcal/j
Objectif calorique 2,5 portions de
(1 800 kcal/j) Corps gras à ajouter
corps
pour atteindre
gras
l’objectif calorique

Y2 Z1
en g/j 3 portions de kcal/j
Objectif glucidique
féculents
(200 g/j) (75 g de Glu)
Aliments à ajouter 5 portions Z1 = 1 570 kcal
pour atteindre d’Eq fruits =
l’objectif glucidique et/ou légumes Quantité de
soit 60 g de calories
glucides apportées par
tous les
2 Eq Pain aliments
Objectif protidique
Y1 = 70 g de en dehors
(90 g/j) 3 Eq Lait des corps
glucides
apportés par gras
2 Eq Viande les aliments
riches en
10 g protides
“forfaitaires”

Colonne des Colonne des Colonne des


aliments riches apports apports
en protides glucidiques caloriques
Figure 17.7. Représentation schématique de la construction pratique d'un régime à 1 800 kcal,
90 g de protides et 200 g de glucides. Les objectifs doivent être remplis de manière séquentielle :
Ŕ objectif protidique en premier en faisant appel aux aliments à teneur protidique élevée pour atteindre X g = 90 g de
protides (colonne de gauche);
Ŕ objectif glucidique en second (colonne du milieu) en reportant les glucides apportés par les aliments utilisés dans
la colonne de gauche (Y1 g de glucides) puis en complétant par des aliments riches en glucides et non utilisés dans la
colonne de gauche. La somme doit permettre d'atteindre l'objectif glucidique (Y2 en g = 200);
Ŕ objectif calorique en trois (colonne de droite) en reportant les calories des aliments utilisés dans les deux premières
colonnes (Z1 kcal) et en complétant par des portions de corps gras pour atteindre l'objectif calorique final (Z2 = 1800 kcal).

de l'apport énergétique total. L'huile d'arachide d'autres substances odorantes dont la perception
(50 % d'acide oléique) peut être utilisée pour rem- olfactive est agréable et que l'on a l'habitude de
placer l'huile d'olive comme corps gras dans les désigner sous le terme d'« arômes ».
préparations culinaires qui nécessitent une cuis-
son. L'huile de colza (62 % d'acide oléique) peut La répartition des glucides
également être utilisée comme substitut de l'huile
d'olive. Par rapport à l'huile d'olive, elle a l'avan-
sur les trois repas de la journée
tage d'apporter des acides gras ω3. En revanche, et au cours des repas doit obéir
elle a l'inconvénient de ne pas apporter de poly- à un ordre bien précis
phénols. Ces derniers ont des propriétés antioxy-
Pour les raisons que nous avons évoquées plus
dantes qui ne sont pas négligeables en termes de
haut, les glucides à pouvoir hyperglycémiant
protection cardiovasculaire. De plus, les polyphé-
faible ou intermédiaire (qui «rampent » ou qui
nols confèrent à l'huile d'olive son goût particulier
«marchent ») devraient être réservés pour le petit
car ces substances sont des composés aroma-
déjeuner et pour les entrées des deux autres repas.
tiques. Cette propriété est liée au fait que l'huile
d'olive n'est pas purifiée alors que la majorité des
autres huiles végétales (colza et arachide) le sont. Les apports en NaCl devraient être
La purification des huiles élimine les polyphénols inférieurs à 6 g par jour même si le
et toutes les substances odorantes. Cette puri-
sujet n'est pas hypertendu
fication est parfois nécessaire car la présence de
substances odorantes n'est pas synonyme de goût Cet objectif est en général réalisé spontanément
agréable. En effet, certaines substances chimiques quand on prescrit un régime hypocalorique car la
dites «odorantes » ont une odeur désagréable plupart des aliments qui sont recommandés dans
bien qu'elles soient parfois chimiquement proches ce type de régime ont en général des teneurs en

190
Chapitre 17. Prescrire un régime chez un patient diabétique de type 2 obèse

sodium (Na) faibles ou modérées. L'important est perte pondérale de l'ordre de 2 à 3 kg par mois
que le sujet qui suit le régime hypocalorique ne au moins pendant les premières semaines/mois.
sale pas ses aliments avec du sel de cuisine, soit au
moment de leur préparation, soit au moment de Les apports en fruits
leur consommation : la salière ne doit pas être sur la
table. Les régimes restrictifs en calories sont spon-
et légumes doivent être de l'ordre
tanément hyposodés car comme nous avons pu le de 4 à 5 portions par jour comme
voir dans les exemples qui ont été donnés, ils abou- le préconise le PNNS
tissent à une suppression des aliments suivants :
Cette recommandation repose sur plusieurs éléments.
• les tartes salées ;
Les fruits et les légumes sont riches en minéraux et
• les feuilletés salés ;
en vitamines hydrosolubles. De plus, ils apportent
• les plats précuisinés commercialisés par la
des fibres alimentaires (pectines, cellulose, hémi-
grande distribution ;
celluloses) qui amortissent les montées glycémiques
• les petits gâteaux salés d'apéritif ;
postprandiales. Enfin, certains contiennent des
• les olives ;
antioxydants naturels qui pourraient jouer un rôle
• les amandes salées, les cacahuètes, les noix de
dans la prévention cardiovasculaire. Leur teneur en
cajou (à noter que les cacahuètes apportent
glucides à absorption rapide reste en général modérée
10 kcal par unité).
bien que tous les fruits et tous les légumes n'aient pas
De plus un régime hypocalorique conduit à
la même teneur glucidique. Pour simplifier la pres-
une limitation des apports en fromages affinés
cription des régimes, nous avons considéré qu'une
et salés dont la densité énergétique est élevée,
portion de légumes frais (200 g) et qu'une portion
surtout quand il s'agit de fromages à pâte cuite
de fruits (une orange, une poire ou une pomme)
ou pressée. Dans les régimes hypocaloriques, la
apportent 50 kcal et 12 g de glucides. En toute rigueur,
consommation de pain est en général contingen-
il faudrait distinguer deux catégories de légumes
tée. Dans les régimes que nous avons proposés, la
frais : d'un côté les légumes à feuilles (salade), à fruits
consommation proposée pour le pain n'a jamais
(tomates), à branches (céleris) ou à fleurs (chou-fleur)
dépassé deux équivalents pain par jour, soit
et de l'autre les légumes à racines (carottes) et les petits
100 g de pain (1/2 baguette). Cette limitation est
pois. Cette deuxième catégorie de légumes frais a une
basée sur deux arguments : en premier lieu, le
teneur en glucides qui est environ le double de celle
pain normal est salé (1 à 2 g de NaCl pour 100 g) ;
de la première catégorie. De même, les bananes, les
en deuxième lieu, le pain a un pouvoir hypergly-
raisins, les cerises, sont plus riches en glucides que
cémiant relativement élevé (index glycémique
les autres fruits (pommes, poires, agrumes). Dans la
= 100). Ceci nous amène à une remarque qui a
prescription d'un régime ceci n'a guère d'importance
une certaine importance. Le suivi de l'obser-
car il est rare qu'une personne consomme spontané-
vance d'un régime hypocalorique, à condition
ment tous les jours les mêmes fruits et légumes. C'est
que le patient ne sale pas ses aliments, peut être
pour cette raison qu'il est préférable de raisonner en
évalué en mesurant l'excrétion du Na urinaire
termes de moyenne dans la mesure où les apports
sur les urines recueillies pendant une durée de
sont en général différents d'un jour à l'autre.
24 heures. Dans la mesure où la prise de 3 g de
NaCl entraîne une excrétion sodée de 50 mmol/j,

Cas particulier : la prescription


on peut considérer qu'un sujet qui suit correcte-
ment un régime hypocalorique et donc modé-
rément hyposodé devrait avoir une natriurèse diététique chez le diabétique
< 100 mmol/j. Dans le cas contraire, le médecin
sera en droit de se poser la question sur la réa- de type 2 très obèse et très
lité de l'observance vis-à-vis des mesures dié- insulinorésistant
tétiques, surtout si la perte pondérale reste très
en deçà de ce qui a été prévu. Normalement, un Ce cas de figure est malheureusement de plus en
régime hypocalorique correctement suivi avec plus fréquent et il n'est pas rare de voir des per-
une diminution de l'apport calorique de 33 % sonnes ayant un diabète de type 2, insulinées
par rapport à l'état de base doit conduire à une ou non, ayant un excès pondéral majeur avec un

191
Partie III. Comment personnaliser les mesures diététiques

index de masse corporelle ≥ 35 kg/m2. Ces per- nutritionnelles très restrictives sont très variables
sonnes ont en général leurs tissus périphériques et souvent non prévisibles. Certains répondent
et leur foie qui sont très résistants à l'action de rapidement de manière favorable, d'autres
l'insuline. Quand ils nécessitent un traitement résistent à la réduction calorique. Enfin un dernier
insulinique, on peut se rendre compte que ces groupe répond de manière excessive. C'est parmi
patients sont très insulinorésistants parce qu'il eux que se recrutent les sujets qui vont présenter
faut utiliser des doses d'insuline fortes (plus de des hypoglycémies. De toute manière, ces régimes
1 unité par kilogramme de poids et par jour). très restrictifs en calories ne peuvent être mainte-
En dépit de ces doses fortes que l'on est amené nus que sur une durée de quelques jours. Au-delà,
souvent à augmenter de manière progressive, les apports énergétiques doivent être élargis et
ces sujets restent souvent mal équilibrés. Chez portés à un niveau de l'ordre de 1 400 à 1 600 kcal.
les sujets diabétiques très insulinorésistants non La vitesse de perte de poids subit assez rapide-
insulinés, cet état se manifeste par un mauvais ment une première décélération pour se stabiliser
contrôle glycémique qui persiste même lorsque pendant un certain temps à 0,5 kg/semaine. Un
les traitements par antidiabétiques oraux ou par peu plus tard, au bout de quelques semaines (par
antidiabétiques injectables non insuliniques (ago- adaptation des dépenses énergétiques aux apports
nistes des récepteurs du GLP-1) sont portés à leurs caloriques) une deuxième décélération se produit,
doses maximales. De plus, ces patients sont sou- la vitesse de perte de poids devenant largement
vent hypertendus, présentent une stéatose ou une inférieure à 0,5 kg/semaine. Étant donné que
stéatohépatite non alcoolique et une dyslipidémie le résultat à long terme sur l'insulinorésistance
associées au diabète. dépend du degré de la perte de poids, c'est un
délai de plusieurs mois qui est souvent nécessaire
pour observer des résultats significatifs. L'objectif
Réduction de l'insulinorésistance de perte de poids étant de l'ordre d'une dizaine
par la voie diététique de kilogrammes, c'est pendant cette période que
les patients se découragent. Si la perte de poids
La meilleure méthode pour réduire l'insulino-
devient de 200 g par semaine, l'atteinte de l'objec-
résistance sévère chez les personnes ayant un tif pondéral (Ŕ 10 kg) va demander une période de
diabète de type 2 avec une obésité majeure est de 10 mois. C'est pour cette raison que la chirurgie
leur faire perdre du poids. En général une mise dite «métabolique » connaît un succès croissant
en route rapide d'un régime très restrictif (1 000 chez ce type de personne.
à 1 200 kcal/j) permet en quelques jours de lever
une partie de l'insulinorésistance. Le résultat est
une amélioration assez rapide des glycémies. La Chirurgie « métabolique »
levée partielle de l'insulinorésistance est attestée ou bariatrique
par la réduction drastique (de moitié en général)
des doses d'insuline chez les patients diabétiques Ce type de traitement est en général proposé
de type 2 insulinés avec de fortes doses. À titre chez des patients qui ont un index de masse cor-
d'exemple, un sujet de 120 kg pour une taille de porelle ≥ 35 kg/m2 et qui n'arrivent pas à obtenir
180 cm et traité par une dose de 150 unités/j et un équilibre métabolique satisfaisant avec les
consommant 2 500 kcal/j peut passer à 75 unités/j règles hygiéno-diététiques classiques et avec un
en l'espace de 3 à 4 jours si on institue un régime traitement antidiabétique optimisé à des doses
à 1 000 kcal/j. Le problème est que cette réduction maximales tolérées, qu'il s'agisse de préparations
drastique des apports énergétiques avec baisse orales ou injectables. Le côté positif de cette
concomitante et rapide des doses d'insuline ne chirurgie métabolique est lié au fait que les pertes
peut se faire que sous surveillance médicale stricte. pondérales peuvent atteindre 20 à 30 kg chez des
Ceci signifie concrètement qu'une hospitalisation patients où les mesures classiques ne permettent
est nécessaire pour éviter tout risque d'accident d'atteindre généralement et péniblement qu'une
aigu (hypoglycémie sévère par exemple) au cours perte pondérale de 5 à 10 kg. Le côté négatif est la
de la mise en place de ce type de régime. En effet, nécessité de réaliser une intervention chirurgicale
les réponses des patients à ces manipulations qui peut être relativement lourde et qui entraîne

192
Chapitre 17. Prescrire un régime chez un patient diabétique de type 2 obèse

des conséquences digestives et métaboliques. sont beaucoup plus lourdes car en plus de la
Deux types de techniques chirurgicales peuvent réduction de la poche gastrique (50 mL environ)
être envisagées. on réalise un court-circuit digestif par montée
d'une anse intestinale en «Y » (fig. 17.8). Au cours
Techniques restrictives de cette intervention la partie biliopancréatique
du tube digestif est isolée. L'intestin grêle est sec-
Elles consistent à réduire le volume de l'estomac soit
tionné à une distance de 25 cm de l'angle de Treitz
en cerclant l'estomac avec un anneau ajustable, soit
(jonction du duodénum et du jéjunum). L'anse
en réalisant un agrafage vertical le long de la petite
ainsi isolée est ensuite réabouchée dans l'intestin
courbure de l'estomac (fig. 17.8). L'anneau ajustable
grêle à une distance de l'ordre de 90 à 150 cm en
réduit le volume de l'estomac à une poche inférieure
aval de la transsection intestinale. Cette dernière
à une centaine de millilitres. L'intervention est
est anastomosée à la poche gastrique pour réta-
relativement simple et l'anneau peut toujours être
blir la continuité du tube digestif. À l'issue de
retiré. Les résultats sur le poids sont moins marqués
cette intervention, la partie qui sert à l'absorption
qu'avec l'agrafage vertical dont la variété la plus
des nutriments (anse commune) est réduite à un
classique est la gastrectomie en manchon («sleeve
segment de 450 à 550 cm de long. C'est l'anse
gastrectomy»). Dans ce cas on procède à une abla-
commune qui se trouve en aval du «Y ». Si l'on
tion complète du fundus et de la grande courbure
souhaite augmenter la malabsorption, il faut
de l'estomac qui se trouve réduit à un tube de faible
réduire la longueur de l'anse commune.
calibre qui va du cardia au pylore. Cette interven-
Ces techniques restrictives et malabsorptives
tion est plus efficace que l'anneau gastrique mais
sont indiscutablement les plus efficaces sur le
elle à l'inconvénient d'être irréversible.
plan pondéral. L'inconvénient majeur est qu'elles
Techniques restrictives ne sont pas anodines : risque péri- et postopé-
ratoire et à distance, possibilités de carences
et malabsorptives minérales et vitaminiques si une surveillance
Ce deuxième groupe de techniques chirurgi- nutritionnelle de longue durée n'est pas conduite
cales consiste à restreindre à la fois le volume de manière stricte. Les supplémentations vitami-
de l'estomac et l'absorption des nutriments. Ces niques doivent être réalisées avec des prépara-
techniques dites restrictives et malabsorptives tions polyvitaminées. Une attention particulière

A B
Figure 17.8. Illustration des deux grandes catégories de techniques utilisées en chirurgie métabolique.
A. Méthode restrictive et malabsorptive. Intervention avec réduction de la poche gastrique (50 mL) et réalisation d'un
court-circuit digestif avec montée d'une anse en «Y ». B. Méthode restrictive avec gastrectomie en manchon («sleeve
gastrectomy»).

193
Partie III. Comment personnaliser les mesures diététiques

doit être portée sur les supplémentations en fer, l'index de masse corporelle est ≥ 35 kg/m2. Devant
en vitamine B12 et en calcium sous peine de voir l'inflation du nombre des obèses dans certains
apparaître des anémies ou des déminéralisations pays comme les États-Unis, certaines recomman-
osseuses. Toutefois, toutes les vitamines sont dations, qui nous paraissent exagérées, suggèrent
concernées après ce type de chirurgie. Enfin, il que la chirurgie métabolique peut devenir une
faut être également vigilant sur le statut protéique option thérapeutique chez les personnes ayant un
des individus. Une balance protidique négative diabète de type 2, un index de masse corporelle
par diminution des apports protidiques peut compris entre 30 et 34,9 kg/m2 et qui ne sont pas
conduire à une réduction de la masse maigre et équilibrées de manière satisfaisante lorsqu'un
au-delà à une baisse du taux des protides plas- traitement antidiabétique optimisé a été mis en
matiques. Nous avons indiqué plus haut que la place, qu'il s'agisse d'antidiabétiques oraux ou
chirurgie métabolique peut être envisagée quand injectables, insuline incluse.

194
Prescrire un régime CHAPITRE
18
chez un patient
diabétique de type 2
en échec du traitement
par antidiabétiques oraux
L. Monnier

PLAN DU CHAPITRE bénéficier d'une autre alternative à l'insulinothé-


Cas clinique 196 rapie sous la forme d'un traitement par agonistes
Réponses aux différentes questions posées des récepteurs du GLP-1. Comme l'insuline, ces
avec discussion des options proposées 196
agonistes sont injectables mais par contre ils sont
Conclusion 202
exempts de risque hypoglycémique. De plus, ils
ont la propriété intéressante d'entraîner une perte
Le diabète de type 2 est une maladie évolu- de poids alors que la mise en route d'un traite-
tive caractérisée par une dégradation progres- ment insulinique chez un patient diabétique de
sive de l'insulinosécrétion résiduelle et par une type 2 a tendance à entraîner un gain pondéral, en
escalade thérapeutique. Au départ, la prédo- moyenne de + 2 kg chaque fois que l'on fait bais-
minance de l'insulinorésistance par rapport à ser l'HbA1c de 1 % (équation de Yki-Järvinen).
l'insulinopénie explique l'efficacité des mesures Par voie de conséquence, lorsque le sujet est en
hygiéno-diététiques associées à une monothé- échec des antidiabétiques oraux et lorsqu'il est en
rapie par insulinosensibilisateurs (metformine). surcharge pondérale, il est aujourd'hui possible
Ce médicament, commercialisé il y a plus dans un premier temps de prescrire un traitement
de 50 ans, garde toute sa valeur quand le diabète par agoniste des récepteurs du GLP-1 avant d'en-
de type 2 est diagnostiqué. Toutefois, son effi- visager un traitement insulinique. Toutefois cette
cacité en monothérapie s'émousse de manière stratégie a un impact limité sur l'HbA1c : Ŕ 1 %
progressive lorsque l'insulinosécrétion résiduelle en point de pourcentage d'HbA1c. Ceci signifie
devient de plus en plus précaire. Dans un deu- que tout patient diabétique gardant une HbA1c
xième temps, c'est-à-dire au bout de quelques > 8 % sous traitement par antidiabétiques oraux
mois ou années, selon la vitesse de dégradation à doses maximales tolérées n'a que de faibles
de l'insulinosécrétion résiduelle, le médecin se chances de voir son HbA1c descendre en dessous
voit dans l'obligation d'intensifier le traitement de 7 % avec la seule adjonction d'un agoniste
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par antidiabétiques oraux pour passer progres- des récepteurs du GLP-1. À ce stade, l'obtention
Manueldenutritionpourlepatientdiabétique

sivement à des bithérapies puis éventuellement à d'une HbA1c inférieure à 7 % ne peut être obser-
des trithérapies orales. Quand on arrive au stade vée que si le patient en excès pondéral consent
de l'échec secondaire des thérapies orales à doses en plus à suivre une prescription diététique afin
maximales tolérées, la question qui se pose natu- de perdre du poids. Le régime de restriction calo-
rellement est de savoir s'il ne faut pas avoir recours rique est donc important pour placer le traitement
à l'insulinothérapie. Aujourd'hui en France, c'est par agonistes des récepteurs du GLP-1 dans des
plus de 80 000 patients traités jusque-là par anti- conditions optimales d'efficacité. Si les objectifs
diabétiques oraux qui doivent avoir recours à un d'HbA1c ne sont pas atteints, l'insulinothérapie
traitement insulinique. Depuis quelques années, va devenir indispensable. Si cette option est rete-
le patient en échec des antidiabétiques oraux peut nue, et si le patient est en surcharge pondérale,

195
Partie III. Comment personnaliser les mesures diététiques

non seulement le régime ne doit pas être aban- les crèmes glacées… ». Jusqu'ici il n'y a eu ni
donné ou négligé, mais il devrait au contraire être évaluation des apports nutritionnels ni prescrip-
poursuivi et même renforcé pour éviter tout gain tion diététique détaillée, quantifiée, personnali-
pondéral lors de la mise en route du traitement sée et clairement expliquée.
insulinique. En général, l'insuline est démarrée Après une monothérapie initiale par metfor-
sous la forme d'un schéma de type basal, c'est- mine à la dose de 1,7 g/j, les médecins ont été ame-
à-dire une seule injection quotidienne d'un ana- nés progressivement à intensifier le traitement
logue prolongé de l'insuline : détémir ou glargine. devant une détérioration de l'équilibre glycé-
Dans la majorité des cas l'injection est pratiquée mique de cette patiente. Après 15 ans d'évolution
avant le repas du soir. Si la mise sous insuline a le traitement en cours est le suivant :
été précédée par un essai thérapeutique par un • metformine (1,7 g/j) ;
agoniste des récepteurs du GLP-1, ce dernier • glimépiride (6 mg/j) ;
peut être poursuivi ou arrêté. La décision dépend • sitagliptine (100 mg/j).
le plus souvent des résultats obtenus pendant la Malgré ce traitement, l'HbA1c reste depuis
période de quelques mois ou semaines durant plusieurs mois supérieure à 8 %. Depuis plu-
laquelle l'agoniste des récepteurs du GLP-1 a été sieurs semaines, la glycémie avant le petit
testé. Si un effet même modéré a été obtenu sur le déjeuner est régulièrement comprise entre 1,8 et
poids et l'HbA1c, la poursuite de l'agoniste « en 2 g/L. Cette patiente ne fait qu'un seul contrôle
duo » avec l'insuline paraît justifiée. Dans le cas glycémique par jour. Enfin, la dernière HbA1c
contraire, il semble inutile de le continuer. Dès est à 8,7 %. Son médecin actuel pense que l'insu-
lors, l'amélioration de l'équilibre glycémique linothérapie est nécessaire mais la patiente est
repose sur l'insulinothérapie en sachant que dans réticente car elle ne se plaint de rien si ce n'est
ce cas il faut titrer au mieux le traitement afin depuis quelque temps de se lever en milieu de
d'éviter deux pièges. Le premier serait une « sous- nuit pour uriner.
titration » de l'insuline qui conduirait au maintien Cette observation pose de multiples problèmes.
d'une « surexposition » glycémique ; le deuxième • Dans la mesure où l'IMC est à 27,2 kg/m2,
serait un « surdosage » insulinique qui conduirait peut-on envisager une amélioration de l'équi-
à une prise de poids et au risque d'hypoglycémie. libre glycémique en maintenant seulement le
La titration optimale de l'insuline ne peut être traitement par antidiabétiques oraux, mais en
obtenue que si les règles hygiéno-diététiques sont demandant à la patiente de suivre une prescrip-
observées de manière correcte. C'est cet aspect tion diététique stricte ?
du problème qui va être développé dans les lignes • Faut-il envisager un traitement par un agoniste
qui suivent en se basant sur un exemple concret. des récepteurs du GLP-1 en couplant la mise
en route de ce traitement avec une prescription
diététique stricte ?
Cas clinique • Faut-il lui proposer d'emblée ou de manière
différée de débuter une insulinothérapie ? Dans
Une femme de 67 ans (poids : 72 kg, taille 162 cm, ce cas, quelles sont les mesures diététiques qui
IMC = 27,2 kg/m2) a un diabète de type 2 depuis doivent être envisagées ?
plus de 15 ans. Dans un premier temps, elle a reçu
des recommandations diététiques qui n'ont jamais
été réellement suivies au cours des 15 années Réponses aux différentes
d'évolution du diabète. Il faut également recon-
naître que ces recommandations n'ont jamais été questions posées avec discussion
établies sur des bases solides. En effet les deux ou des options proposées
trois médecins qui avaient ou ont assuré son suivi
s'étaient ou se sont contentés de prodiguer quelques Avant d'envisager cette discussion, il convient
vagues conseils du style : «éviter les charcuteries, de faire quelques commentaires sur la quasi-
les plats précuisinés achetés dans les grandes absence de prescription diététique et de ce fait
surfaces, les boissons sucrées, les pâtisseries, sur l'absence d'observance vis-à-vis de mesures

196
Chapitre 18. Prescrire un régime chez un patient diabétique de type 2

diététiques qui n'ont pas été réellement claire- Première question – Peut-on
ment formulées. En effet, il apparaît que pendant envisager une amélioration
les 15 ans qui se sont écoulés depuis la découverte
de l'équilibre glycémique de cette
du diabète, c'est le traitement pharmacologique
qui a toujours été privilégié. Focaliser l'attitude patiente par la prescription
thérapeutique sur l'option médicamenteuse par d'une diététique stricte?
rapport à la prise en charge nutritionnelle est un
Première étape – Convaincre
cas de figure qui est loin d'être l'exception. Il est
même souvent la règle dans la mesure où certains la patiente du bien-fondé
experts diabétologues nord-américains ont pré- des renforcements thérapeutiques
tendu, il y a quelques années, qu'il était inutile (diététique en premier,
ou au moins peu utile de faire une prescription pharmacologique en second)
diététique chez les patients diabétiques de type 2
dont on venait de découvrir la maladie. Cette Cette première étape est loin d'être gagnée car la
attitude un peu surprenante, si ce n'est un peu patiente n'a pas de plainte particulière. Une HbA1c
consternante, est fondée sur l'argument que les à 8,7 % est certes élevée mais ce dosage n'est pas
prescriptions diététiques sont rarement suivies toujours «parlant » pour les patients alors qu'il
par les patients et que la durée de temps consa- correspond en général à une glycémie moyenne
cré à l'éducation diététique par rapport à son sur 24 heures de l'ordre de 1,8 g/L. Cette patiente
bénéfice éventuel est beaucoup trop importante. pratique une seule glycémie par jour avant le
Aujourd'hui, la revue américaine Diabetes Care, petit déjeuner. Bien que cette glycémie soit régu-
première référence internationale en matière lièrement comprise entre 1,8 et 2 g/L, il n'est pas
d'éducation et de recherche clinique et appli- sûr que ce contrôle ponctuel soit un élément de
quée dans le domaine du diabète, publie envi- motivation. Pour cette raison, il est indispensable
ron tous les 2 ans des recommandations portant d'aller plus loin et de montrer à la patiente que
sur la thématique « Nutrition et Diabète ». Bien cette élévation glycémique n'est ni ponctuelle, ni
qu'elles soient bien documentées, ces recom- isolée, mais qu'elle correspond à une hyperglycé-
mandations restent à notre avis un peu trop mie chronique qui concerne l'ensemble des glycé-
théoriques et peu exploitables en pratique par mies de la journée.
le médecin prescripteur. Par ailleurs, les arbres Le plus simple est de pratiquer quelques pro-
thérapeutiques proposés par le consensus ADA/ fils glycémiques sur la journée à condition qu'ils
EASD (American Diabetes Association/European comportent plusieurs contrôles glycémiques choi-
Association for the Study of Diabetes) indiquent sis de manière sélective pour refléter au mieux
clairement que les mesures hygiéno-diététiques l'évolution des glycémies sur la journée. Ceci peut
sont nécessaires dans le diabète sucré, sans être réalisé en mesurant la glycémie aux instants
toutefois en détailler les modalités alors que les suivants :
traitements pharmacologiques sont dévelop- • avant les trois repas de la journée ;
pés de manière exhaustive. Tous ces éléments • une heure et demie à 2 heures après le début
indiquent que la nutrition ne fait pas malheu- de chaque repas pour avoir une estimation de
reusement partie des préoccupations priori- ce que l'on désigne sous le terme de glycémies
taires de nombreux experts diabétologues, bien postprandiales ;
que tout le monde s'accorde pour en reconnaître • une glycémie avant le coucher.
les bienfaits potentiels. Dans ces conditions, on Ce profil glycémique dit «7 points » répété sur
comprend que les médecins prescripteurs ne se 2 à 3 jours consécutifs permet d'avoir une idée
sentent pas particulièrement investis dans cette beaucoup plus précise des désordres glycémiques
tâche. La conséquence est que de nombreuses qu'une simple glycémie ponctuelle. Dans le cas
personnes comme la patiente que nous avons présent, la patiente accepte de réaliser ce profil
prise pour exemple n'observent pas les recom- glycémique avec le lecteur de glycémie qui lui a été
mandations nutritionnelles lorsqu'elles sont for- prescrit il y a quelques années. Les résultats sont
mulées de manière trop imprécise. les suivants (fig. 18.1) :

197
Partie III. Comment personnaliser les mesures diététiques

3,0 Enquête alimentaire préalable réalisée


par interrogatoire rétrospectif
2,5 sur les quelques jours qui ont précédé
la consultation
Glycémie(g/L)

2,0 Résultats
1,5 Petit déjeuner

1,0
• 1 tasse de café au lait sans sucre tous les jours :
60 kcal.
0,5 • 2 biscottes (60 kcal) et 1 cuillerée à café de
8 12 19 23 confiture normale (25 kcal).
Heures de la journée • 1 fruit (50 kcal).
Le dimanche, la patiente remplace les 2 bis-
Figure 18.1. Profil glycémique « 7 points»
cottes et la confiture par 1 croissant (250 kcal).
chez la patiente prise pour exemple.
Profil sous antidiabétiques oraux à doses maximales, Repas de midi
avant tout renforcement du traitement diététique ou
médicamenteux par un agoniste des récepteurs du GLP-1 • Entrées : 100 g de crudités (25 kcal) avec dit-
ou par insuline. elle 1 cuillerée à café d'huile végétale (45 kcal).
Deux fois par semaine, les crudités sont rempla-
• glycémie avant le petit déjeuner = 2 g/L ; cées par 3 tranches de saucisson (300 kcal).
• glycémie une heure et demie après le petit • Plat principal :
déjeuner = 2,5 g/L ; Ŕ 200 g de féculents sous forme de pommes de
• glycémie avant le repas de midi = 2 g/L ; terre, de pâtes ou de riz (200 kcal) avec un
• glycémie une heure et demie après le repas de peu de sauce : 1 cuillerée à café ou à soupe (la
midi = 2,30 g/L ; patiente ne sait pas trop)? Dans ces conditions,
• glycémie avant le repas du soir = 1,5 g/L ; l'apport calorique peut aller de 25 à 50 kcal;
• glycémie une heure et demie après le repas du Ŕ 100 g de viande grillée ou 1 portion de poisson
soir = 2,20 g/L ; cuit au four (1 à 2 fois par semaine) (150 kcal).
• glycémie avant le coucher = 2,10 g/L ; • Dessert :
La moyenne glycémique est à 2,08 g/L. Ŕ 1 fruit (50 kcal).
Au vu de ce profil, la patiente prend conscience Ŕ 1 portion de fromage (120 kcal).
du mauvais équilibre de «son » diabète et se dit Le dimanche, la patiente remplace le fruit et la
prête à suivre les recommandations. portion de fromage par une pâtisserie (350 kcal).
À noter que la patiente consomme régulière-
ment environ 1/4 de baguette de pain (50 g), soit
Deuxième étape – 120 kcal au repas de midi.
La prescription diététique
Évaluation des dépenses Repas du soir
énergétiques (W) • Entrées : 100 g de crudités (25 kcal) avec dit-
La patiente a une activité physique moyenne. elle 1 cuillerée à café d'huile végétale (45 kcal).
Compte tenu de son âge et des données indi- Jamais de charcuterie.
quées sur le tableau 15.3 ses besoins énergé- • Plat principal :
tiques sont de l'ordre de 2 200 kcal/j. Si l'on Ŕ 200 g de féculents (200 kcal) sous forme de
souhaite lui faire perdre du poids, c'est donc pommes de terre ou de pâtes ou de riz avec
un régime aux alentours de 1 400 à 1 600 kcal/j un peu de sauce : 1 cuillerée à café ou à soupe
(tableau 15.6) qu'il faudrait lui prescrire. Une (comme précédemment, la patiente ne sait
enquête alimentaire préalable est toutefois pas trop). Dans ces conditions, l'apport calo-
souhaitable pour préciser les habitudes alimen- rique peut aller de 25 à 50 kcal ;
taires de la patiente. Ŕ 100 g de viande grillée (150 kcal).

198
Chapitre 18. Prescrire un régime chez un patient diabétique de type 2

Deux fois par semaine, la patiente remplace Grand total des apports caloriques
les féculents et la viande par une portion de tarte moyens sur une journée
salée (quiche ou pizza) (350 kcal). 219 + 827 + 667 = 1 773 kcal/j.
• Dessert : 1 fruit (50 kcal) et 1 yaourt (60 kcal).
Interprétation
À noter que la patiente consomme régulière-
ment environ 1/4 de baguette de pain (50 g), soit Au terme de cette enquête alimentaire, trois
120 kcal au repas du soir. remarques évidentes peuvent être émises : le
recueil des données est long, le calcul est « beso-
Calcul des apports caloriques
gneux » et, de surcroît, le résultat fourni est
Petit déjeuner probablement sous-estimé. Le calcul conduit à
• Petit déjeuner habituel : 195 kcal. un résultat Q = 1 773 kcal/j alors que la dépense
• Petit déjeuner du dimanche : 360 kcal. calorique (W) de cette patiente, qui est en poids
• Moyenne des apports caloriques au petit déjeu- stable, est estimée à 2 200 kcal/j. En application
ner sur chaque jour de la semaine = [(195 × 6) du premier principe de la thermodynamique,
+ 360] divisé par 7 = 219 kcal/j. Q devrait être égal à W, ce qui indique que
l'enquête alimentaire pratiquée par interroga-
Repas de midi toire a conduit à une sous-estimation en pour-
• Entrées : centage égale à (2 200 Ŕ 1 773)/2 200 = −19 %.
Ŕ repas de midi habituel : 70 kcal ; La sous-estimation est certainement liée à une
Ŕ repas de midi avec charcuterie : 300 kcal ; sous-déclaration des apports lipidiques car il est
Ŕ moyenne des apports caloriques en probable que tous les corps gras (beurre, marga-
entrées sur chaque jour de la semaine = rines, huiles végétales) n'ont pas été répertoriés.
[(70 × 5) + (300 × 2)] divisé par 7 = 136 kcal/j. Dans ces conditions, il ne faut pas s'étonner que
• Plat principal : moyenne des apports caloriques les médecins soient peu enclins à se lancer dans
du plat principal sur chaque jour de la semaine une enquête alimentaire classique dans leur pra-
= [(200 + 25) × 7] + [150 × 7], somme totale tique quotidienne au cours d'une consultation
ensuite divisée par 7 = 375 kcal. dont la durée est forcément limitée. Pourquoi
• Dessert : passeraient-ils un temps considérable pour arri-
Ŕ moyenne des apports caloriques au dessert ver à un résultat qui est manifestement sous-
sur chaque jour de la semaine = [(50 + 120) estimé ? C'est pour cette raison que l'enquête
× 6] + [350], somme totale ensuite divisée par alimentaire rapide telle que nous l'avons déve-
7 = 196 kcal/j ; loppée dans d'autres chapitres nous paraît une
Ŕ moyenne des apports caloriques totaux du méthode beaucoup plus appropriée pour estimer
repas de midi sur chaque jour de la semaine les apports nutritionnels. Rappelons que cette
= 136 + 375 + 196 + 120 (pain) = 827 kcal/j. enquête peut être faite en quelques minutes sur le
principe des « Food Frequency Recalls » et qu'elle
Repas du soir donne un résultat voisin de celui qui correspond
• Entrées : moyenne des apports caloriques en à la réalité avec une sous-estimation nulle ou très
entrées sur chaque jour de la semaine = 70 kcal/j. modeste. Toutefois, certains diront : « pourquoi
• Plat principal : moyenne des apports caloriques faire une enquête alimentaire, même rapide, si
du plat principal sur chaque jour de la semaine le résultat est identique à celui de l'estimation
[(200 + 25 + 150) × 5 + (350) × 2], somme divi- des dépenses caloriques ». Cette remarque est
sée ensuite par 7 = 367 kcal/j. parfaitement légitime, mais elle omet de dire que
• Dessert : moyenne des apports caloriques au l'enquête alimentaire apporte des données com-
dessert sur chaque jour de la semaine = 50 + 60 plémentaires sur la consommation en protides et
= 110 kcal/j. sur les comportements alimentaires spécifiques.
• Moyenne des apports caloriques totaux du De plus et surtout, elle permet d'amorcer un dia-
repas du soir sur chaque jour de la semaine = 70 logue avec le patient ce qui est un prélude indis-
+ 367 + 110 + 120 (pain) = 667 kcal/j. pensable avant toute prescription diététique.

199
Partie III. Comment personnaliser les mesures diététiques

La prescription diététique du traitement par un agoniste des récepteurs du


proprement dite GLP-1 permet une amélioration significative
Chez cette patiente, comme nous l'avons indiqué de l'HbA1c. Quand on compare le produit actif
plus haut, le niveau des apports caloriques devrait à un placebo le gain en termes d'HbA1c est en
être fixé à 1 600 kcal/j avec respectivement 20 % moyenne de 1 %, au moins au cours des premières
et 45 % des apports énergétiques sous forme de semaines. L'effet tend à s'émousser avec le temps.
protides et de glucides. Un exemple de ce type de Il est bien certain que la mise en place du trai-
régime a été donné dans le chapitre 15. tement par agoniste des récepteurs du GLP-1 ne
dispense pas de la poursuite des mesures hygiéno-
Troisième étape – Évaluation diététiques. Si elles sont maintenues et suivies on
peut espérer une baisse cumulée de l'HbA1c de
de l'impact de la prescription l'ordre de 1,5 % (−0,5 % étant la part du régime
diététique et −1 % étant celle de l'agoniste des récepteurs du
Si le régime est correctement suivi on peut envisa- GLP-1). Ainsi, si on se place dans la meilleure des
ger une perte pondérale de l'ordre de 5 à 6 kg sur hypothèses, il pourrait être possible chez cette
une période de 3 mois afin de ramener le poids aux patiente de ramener l'HbA1c entre 7 et 7,5 % et
alentours de 67 kg et l'index de masse corporelle d'observer une petite baisse complémentaire de
(IMC) aux alentours de 25,7 kg/m2, c'est-à-dire poids (−2 kg) en combinant les deux types de
à la limite supérieure de la normale. Désormais mesures thérapeutiques. Toutefois, comme nous
la question est la suivante : « cette perte de poids venons de le signaler, il est classique d'assister
sera-t-elle suffisante pour entraîner une amé- à une perte d'efficacité sur le moyen terme (au
lioration des désordres glycémiques ?». À partir bout d'une année environ). La cause de cet échec
des données fournies par des études pratiquées relatif réside en général dans une moins bonne
dans des populations ayant des caractéristiques observance des mesures hygiéno-diététiques,
proches de celles présentes chez la patiente prise mais également dans une perte d'efficacité de
pour exemple on peut escompter au maximum l'agoniste des récepteurs du GLP-1 avec le temps.
une baisse de l'HbA1c de l'ordre de 0,5 % en point En effet, cette classe de médicament agit partielle-
de pourcentage. Dans la mesure où l'HbA1c de ment en stimulant l'insulinosécrétion résiduelle.
départ est à 8,7 %, il est donc illusoire de penser Cette dernière est en général très altérée au stade
que l'HbA1c pourra descendre en dessous de 8 %. de l'échec secondaire des antidiabétiques oraux,
Dans ces conditions il convient d'envisager des appelé encore stade d'« épuisement insulinique ».
traitements pharmacologiques complémentaires. Étant donné que cet état va encore s'aggraver
progressivement au cours des mois à venir il n'est
Deuxième question – Faut-il pas étonnant de voir l'efficacité des agonistes des
récepteurs du GLP-1 s'amenuiser même si les
entreprendre un traitement prescriptions diététiques sont bien observées.
par un agoniste des récepteurs
du GLP-1 ?
Troisième question –
Étant donné qu'il n'existe aucun caractère d'ur-
Le traitement insulinique
gence, il est tout à fait légitime de proposer dans un
premier temps de tester l'impact de cette classe de Qu'il ait été prescrit d'emblée ou plus vraisembla-
médicament. Les études LEADER et SUSTAIN-6 blement en différé, après essai d'un agoniste des
publiées toutes les deux en 2016 ont testé res- récepteurs du GLP-1, le traitement insulinique est la
pectivement l'efficacité de deux agonistes des thérapeutique qui devra être in fine prescrite à cette
récepteurs du GLP-1, le liraglutide commercialisé patiente. Avant d'initier le traitement insulinique le
depuis quelques années sous le nom de Victoza® médecin propose à la patiente de réaliser un enre-
et le semaglutide non commercialisé. Les deux gistrement glycémique continu en ambulatoire
études ont montré que, chez des patients ayant (holter glycémique). Les résultats rapportés sur la
un diabète de type 2 avec une HbA1c moyenne de figure 18.2 montrent que l'équilibre glycémique
l'ordre de 8,5 % à l'état de base, la mise en route est très insuffisant avec une prédominance de

200
Chapitre 18. Prescrire un régime chez un patient diabétique de type 2

Glycémie (mg/dL)

Petit déjeuner Dîner


220
Delta PP
200 40 mg/dL
= 0,40 g/L
180

160

140
Delta basal
120 80 mg/dL
= 0,80 g/L
100

80
0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 22 24
Temps de la journée (heures)
Figure 18.2. Enregistrement continu de la glycémie sur 24 heures chez la patiente prise pour exemple.
Profil enregistré après quelques mois de traitement par mesures diététiques renforcées et par un agoniste des récepteurs
du GLP-1. Les résultats montrent une persistance des désordres glycémiques avec une hyperglycémie basale fortement
prédominante. La contribution du basal par rapport au postprandial (PP) peut être évaluée en calculant le rapport
Δbasal/ΔPP où Δbasal est égal à la différence entre la glycémie avant le petit déjeuner et 1 g/L, et où ΔPP est égal à la
différence entre le pic glycémique post-petit déjeuner et la glycémie avant le petit déjeuner.
Chez la patiente prise pour exemple Δbasal = 0,80 g/L et ΔPP = 0,40 g/L avec un rapport Δbasal/ΔPP = 2.

l'hyperglycémie basale sur l'hyperglycémie post- masse corporelle (IMC) a été ramené au voisinage
prandiale. Devant ces constatations, le médecin de la normale grâce aux traitements antérieurs
décide de traiter la patiente par une insulinothéra- qu'ils soient nutritionnels ou médicamenteux. En
pie basale sous la forme d'un analogue prolongé de revanche, compte tenu du fait que l'insulinothéra-
l'insuline, la glargine U100 (Lantus®), dont la durée pie comporte un risque d'hypoglycémie (un épi-
d'action est environ de 24 heures. L'injection est sode symptomatique par mois en moyenne chez
réalisée une fois par jour, avant le dîner, avec une ce type de patiente), il est indispensable de com-
posologie de départ égale à 10 unités. pléter les recommandations diététiques quantita-
L'instauration de l'insulinothérapie sous- tives par des conseils plus qualitatifs portant sur la
entend que plusieurs messages éducatifs soient répartition des glucides au cours de la journée au
transmis à la patiente. moment des trois repas principaux et au moment
des collations quand elles sont nécessaires ou
Premier message – souhaitables. L'introduction de collations inter-
Maintenir le régime prandiales ou avant le coucher doit être prise en
considération quand on considère que le risque
Cette mesure est indispensable sous peine d'assis- d'hypoglycémie est élevé à un moment donné de
ter à une prise pondérale sous traitement insuli- la journée. Le plus souvent c'est au milieu de la
nique. Toutefois pour éviter les hypoglycémies nuit avec ce type de schéma insulinique.
et dans la mesure où la patiente a perdu un peu Dans ces conditions il est parfois utile de refaire
de poids pendant les quelques mois qui ont pré- un holter glycémique en ambulatoire lorsque
cédé le traitement insulinique, il est recommandé les doses optimales auront été trouvées après
d'élargir l'apport calorique et de le porter à un quelques semaines de titration.
niveau compris entre 1 800 et 2 000 kcal/j, alors
que le régime initial avait été fixé à 1 600 kcal/j.
Deuxième message – Définir
Si on choisit 2 000 kcal/j, c'est-à-dire un régime
quasiment normocalorique, ceci signifie que des objectifs glycémiques clairs
l'on cherche à stabiliser le poids. Cette attitude La cible thérapeutique recommandée chez cette
semble raisonnable dans la mesure où l'index de patiente était d'atteindre une glycémie avant le

201
Partie III. Comment personnaliser les mesures diététiques

petit déjeuner (glycémie de référence) comprise avant le dîner qui sert de glycémie de sécurité. De
approximativement entre 1,1 et 1,5 g/L. Après plus de temps en temps, tous les 15 jours ou tous
une augmentation progressive des doses d'insu- les mois, il est préférable de demander au patient
line, la glycémie finit par se stabiliser entre 1,2 d'effectuer un profil glycémique « 7 points » pour
et 1,4 g/L avec une dose d'insuline glargine U100 vérifier que le couplage mesures diététiques-
de 28 unités par jour. Le holter glycémique pra- insuline est correct.
tiqué à ce moment-là (fig. 18.3) montre que les
glycémies les plus basses (nadirs glycémiques) se
situent aux alentours de 1,05 g/L vers 4Ŕ5 heures
du matin et en fin d'après-midi, juste avant le Conclusion
dîner. Il convient de noter que ce type de pro-
fil glycémique est tout à fait classique avec une Au terme de cette observation, il apparaît que
glycémie de fin d'après-midi qui est, en général, la nature de la prescription diététique n'est pas
identique au nadir glycémique nocturne. C'est immuable chez un patient diabétique. Elle doit
pour cette raison que la glycémie qui précède le être personnalisée et adaptée en fonction du
dîner peut être considérée comme une glycémie poids et du type de traitement. Dans le cas pré-
de « sécurité » qui devrait être maintenue au- sent la prescription diététique a été différente
dessus de 1 g/L pour éviter les hypoglycémies au moment de l'échec secondaire des antidia-
autant que faire se peut. La présence de glycémies bétiques oraux à doses maximales tolérées et
trop basses en fin d'après-midi et la survenue lorsque la patiente a été mise sous traitement
d'hypoglycémies nocturnes doivent conduire à insulinique. Quand ce type de traitement a été
un réajustement à la baisse des doses d'insuline mis en train il doit être surveillé pour adapter les
et, éventuellement, à l'introduction d'une colla- doses d'insuline mais également pour réviser les
tion apportant 20 g de glucides avant le coucher. consignes diététiques en fonction du profil gly-
Par ailleurs, ceci signifie qu'une personne sous cémique. C'est ainsi que l'on peut être conduit à
insulinothérapie basale devrait faire au moins modifier la répartition des glucides sur les trois
deux glycémies par jour, l'une avant le petit principaux repas et à introduire de nouvelles col-
déjeuner pour titrer les doses d'insuline, l'autre lations ou au contraire à en supprimer.

Glycémie (mg/dL)
Petit déjeuner Dîner
220

200

180

160

140
Glycémie de sécurité
120
Glycémie de référence
100

80
0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 22 24
Temps de la journée (heures)
Figure 18.3. Enregistrement continu de la glycémie sur 24 heures chez la patiente prise pour exemple.
Profil enregistré après initiation et titration de l'insulinothérapie (profil en trait plein). Pour mémoire est rappelé en trait
pointillé le profil avant l'initiation de l'insulinothérapie. Les deux glycémies les plus importantes pour la surveillance
ultérieure de l'équilibre glycémique sous insuline sont indiquées par les points noirs.

202
Prescrire un régime chez CHAPITRE
19
un patient diabétique
de type 2 avec des
facteurs de risque
cardiovasculaires
associés au diabète
L. Monnier

PLAN DU CHAPITRE et meilleur contrôle des désordres glycémiques du


Diabète de type 2 et dyslipidémie 203 diabète sucré. De plus les caractères diéto-dépen-
Diabète de type 2 et hypertension artérielle 211 dants et diabéto-dépendants sont eux-mêmes reliés
entre eux car, dans les chapitres qui précèdent,
L'insulinorésistance qui s'exprime au niveau du foie nous avons déjà souligné l'importance des mesures
et des tissus périphériques joue un rôle important diététiques pour améliorer l'équilibre glycémique
dans l'apparition des désordres glycémiques du des patients diabétiques. La restriction calorique
diabète sucré de type 2. L'insulinorésistance est et la réduction pondérale sont en général le déno-
elle-même sous la dépendance de deux types de minateur commun de ces mesures diététiques.
facteurs, les uns étant génétiques et les autres envi- Cependant, la restriction calorique doit souvent être
ronnementaux. Parmi les facteurs environnemen- complétée par des mesures plus spécifiques quand
taux, c'est l'excès de poids de type viscéral qui est au elle ne s'avère pas suffisamment efficace. Sur la
premier rang. Les états de surcharge pondérale et figure 19.1 nous avons schématiquement représenté
d'obésité sont eux-mêmes liés à un déséquilibre de les relations entre diéto- et diabéto-dépendances en
la balance énergétique avec des apports caloriques prenant pour exemple l'association entre obésité,
alimentaires (Q) supérieurs à la dépense énergé- diabète de type 2 et désordres lipidiques. Dans ce
tique globale (W). Les facteurs génétiques et envi- chapitre, nous envisagerons successivement l'asso-
ronnementaux ont également une responsabilité ciation du diabète sucré aux désordres lipidiques
partagée dans l'apparition de certains facteurs de puis celle du diabète à l'hypertension artérielle, en
risque qui sont associés au diabète sucré de type 2 sachant que l'association des trois (diabète, dyslipi-
(hypertension artérielle, dyslipidémie des états démie et hypertension artérielle) est une situation
diabétiques, la plus typique étant une hypertrigly- fréquente qui fait partie d'une entité décrite sous le
©2018,ElsevierMassonSAS.Tousdroitsréservés

céridémie avec diminution du HDL-cholestérol). terme de «syndrome plurimétabolique ».


Manueldenutritionpourlepatientdiabétique

Dans la mesure où le mode de vie (excès alimen-


taires, sédentarité) est impliqué dans l'apparition
de ces désordres associés au diabète sucré, on peut Diabète de type 2 et dyslipidémie
affirmer qu'ils seront en partie «diéto-sensibles»
puisque partiellement «diéto-induits». De plus, Fréquence et exploration
comme ils sont souvent associés au diabète de de la dyslipidémie du diabétique
type 2, ces désordres sont en partie «diabéto-dépen-
dants». Ceci est manifeste pour la dyslipidémie du La dyslipidémie est fréquente chez les personnes
diabétique qui peut disparaître ou qui est souvent qui ont un diabète de type 2. Elle touche plus
très améliorée en combinant mesures diététiques de 50 % des diabétiques de type 2, la fréquence

203
Partie III. Comment personnaliser les mesures diététiques

Autres causes de Autres causes de


diéto-dépendance : diéto-dépendance :
Excès de glucides – Excès de glucides
rapides rapides
– Alcool

Diabète Diabéto-dépendance
Dyslipidémie
de type 2 « diabétique »

Insulinorésistance
Obésité

Figure 19.1. Relations entre diabète de type 2, dyslipidémie du diabétique, insulinorésistance liée
à l'obésité et facteurs environnementaux nutritionnels.

pouvant atteindre 85 % dans certaines séries. diabétiques de type 2 pour lesquels on peut consi-
La forme la plus fréquente est une hypertrigly- dérer que les taux de LDL-cholestérol sont trop
céridémie associée à une diminution du HDL- élevés. Ainsi, la situation du patient diabétique est
cholestérol. Ces anomalies quantitatives cachent très différente de celle du sujet non diabétique et
des désordres plus subtils tels que la présence de les normes que l'on doit appliquer au diabétique
petites LDL denses très athérogènes. Ces dernières n'ont rien à voir avec celles qui sont définies pour
ne peuvent être détectées que par des techniques les sujets exempts de diabète.
comme l'ultracentrifugation qui est hors du Le phénotypage simple de la dyslipidémie du
champ de l'exploration routinière des désordres diabétique (ou associée au diabète) conduit à
lipidiques. C'est pour cette raison qu'en pratique identifier trois entités (fig. 19.2).
clinique on se contente d'un phénotypage simple
basé sur le dosage plasmatique du cholestérol Hypertriglycéridémie
total, des triglycérides et du HDL-cholestérol. pure sans hypercholestérolémie
En utilisant le calcul basé sur la formule de
C'est la forme la plus fréquente. Elle est carac-
Friedewald et à condition que les triglycérides
térisée par une hypertriglycéridémie (taux de
soient inférieurs à 3 g/L, il est possible d'avoir une
triglycérides > 1,5 g/L) et une diminution du
estimation du LDL-cholestérol. Ce dernier n'est
HDL-cholestérol (< 0,40 g/L chez les hommes et
classiquement pas augmenté dans la dyslipidémie
< 0,50 g/L chez les femmes). Cette forme pourrait
du diabétique si on prend pour référence les seuils
être caractérisée comme une hypertriglycéridé-
qui sont habituellement proposés chez les sujets
mie pure sans hypercholestérolémie.
non diabétiques : 1,60 g/L par exemple. Toutefois,
si l'on considère que le diabétique de type 2 est Hypercholestérolémies isolées
un sujet à haut risque d'accident cardiovascu-
(avec augmentation élective
laire, on devrait normalement considérer que le
LDL-cholestérol devrait être inférieur à 1 g/L et du LDL-cholestérol)
même à 0,70 g/L pour certains. Si l'on prend ces En principe, elles ne sont pas plus fréquentes chez
valeurs seuil pour référence, c'est une majorité de les patients diabétiques que chez les personnes qui

204
Chapitre 19. Prescrire un régime chez un patient diabétique de type 2...

LDL-cholestérol (g/L)

Limite
LDL-chol
supérieure
dépend du
nombre
de facteurs de
risque
Triglycérides (g/L)

1,5 g/L

Hypercholestérolémies Hyperlipidémies Hypertriglycéridémies


pures combinées endogènes
Figure 19.2. Les trois grandes catégories de dyslipidémies identifiables par la simple
détermination du LDL-cholestérol et des triglycérides.

sont exemptes de diabète sucré. En effet, l'hyper- Conséquences de la dyslipidémie


cholestérolémie, quand elle est présente chez un du diabétique
patient diabétique est non diabéto-dépendante,
et son mécanisme est indépendant de l'insulino- Très fortement athérogène, la dyslipidémie du
résistance ou de l'insulinopénie. Cette remarque diabétique augmente le risque cardiovasculaire
doit être tempérée, comme nous l'avons dit plus de manière considérable. Si l'on considère que le
haut, par le fait que les seuils de LDL-cholestérol diabète, par lui-même, multiplie le risque d'acci-
communément admis chez les sujets non dia- dent cardiovasculaire par un facteur 2,5 et que la
bétiques doivent être révisés à la baisse chez les dyslipidémie associée augmente encore ce risque
sujets diabétiques. À titre d'exemple, toutes choses par un facteur 3, le risque global chez un sujet
étant égales par ailleurs (âge, sexe,…) un seuil de diabétique et dyslipidémique est de l'ordre de 2,5
LDL-cholestérol qui serait défini à 1,60 g/L chez × 3 = 7,5 par rapport à celui d'un sujet qui serait
un sujet non diabétique devrait être fixé à 1 g/L exempt de diabète. En effet, il est bien connu depuis
chez une personne diabétique. l'étude de Framingham et du MRFIT (Multiple
Risk Factor Interventional Trial) que les risques
Forme intermédiaire appelée ne s'additionnent pas mais qu'ils se multiplient.
De surcroît, les études épidémiologiques initiées
hyperlipidémie combinée ou mixte essentiellement par l'école finlandaise ont montré
Elle associe une augmentation des triglycérides, que, parmi les trois facteurs de risque que sont le
une baisse du HDL-cholestérol et une augmen- diabète, l'hypertension artérielle et les désordres
tation du LDL-cholestérol. Cette forme est assez lipidiques, la répartition des risques n'est pas
fréquente dans le diabète de type 2. Elle peut la même sur les différents secteurs artériels. Le
être assimilée en partie à l'hypertriglycéridémie diabète, quand il est associé à une dyslipidémie,
pure. Ceci est d'autant plus vrai qu'en fonction entraîne surtout des complications coronaires.
du temps un même sujet peut présenter soit une L'association diabète-hypertension artérielle est
hypertriglycéridémie pure soit une hyperlipidé- particulièrement délétère pour les artères cervi-
mie de type mixte. cales. Enfin, l'association diabète-tabagisme est

205
Partie III. Comment personnaliser les mesures diététiques

néfaste pour tous les secteurs vasculaires avec hormonosensible dont le rôle est d'hydrolyser
peut-être une spécificité pour les artères des les triglycérides plasmatiques transportés par les
membres inférieurs. L'agressivité de l'association VLDL ou very low density lipoproteins (fig. 19.3).
diabète-dyslipidémie pour les parois vasculaires La baisse du HDL-cholestérol (dit d'« antirisque »)
des artères coronaires a été confirmée par les est mécaniquement liée à l'augmentation des tri-
études d'intervention. L'étude STENO, publiée glycérides plasmatiques. La relation inverse entre
il y a quelques années a montré que la réduction les deux paramètres a été établie par de nom-
de la dyslipidémie est aussi importante si ce n'est breuses études (fig. 19.4). Cette baisse du HDL-
plus que l'amélioration de l'équilibre glycémique. cholestérol peut être expliquée par les désordres
Dans ces conditions, la prise en charge d'une engendrés par l'insulinorésistance et l'insuli-
dyslipidémie associée au diabète sucré est cru- nopénie relative au niveau du métabolisme du
ciale si on souhaite réduire les risques d'accidents HDL-cholestérol. Le déficit en lipoprotéine lipase
cardiovasculaires. entraîne un défaut de formation des HDL natives
qui proviennent du catabolisme des chylomicrons
Mécanisme et des VLDL. De plus, le cholestérol transporté
par les HDL est transféré préférentiellement dans
des dyslipidémies du diabète les VLDL et les LDL par la CETP (cholesteryl ester
L'insulinorésistance et l'insulinopénie relative transfer protein) dont l'activité est augmentée
sont les deux causes principales de ce type de dys- dans les états d'insulinorésistance et d'insulino-
lipidémie. En effet, l'insuline est une hormone clé pénie relative. Ainsi le défaut de la production des
dans la régulation du métabolisme des triglycé- HDL et l'excès de transfert du cholestérol des HDL
rides plasmatiques. De manière globale, elle freine vers des lipoprotéines athérogènes conduisent à la
la production des triglycérides plasmatiques par diminution du HDL-cholestérol, qui constitue
le foie et elle stimule l'épuration plasmatique des l'une des caractéristiques de la dyslipidémie du
triglycérides en activant la lipoprotéine lipase diabétique de type 2 (fig. 19.5). Toutes les mesures

CE
Production de Insuline Tissu
TG + adipeux
triglycérides et de
cholestérol par le foie LPL
VLDL
Catabolisme des
triglycérides
des VLDL
Triglycérides
Cholestérol estérifié

Acide gras + Glycérol Cholestérol CE


IDL
TG
Éthanol Glucose

Catabolisme des
triglycérides
des IDL Tissu
Autres adipeux
CE LPL
tissus Catabolisme du
cholestérol
TG +
des LDL LDL Insuline
Figure 19.3. Représentation simplifiée de la circulation des triglycérides et du cholestérol à
l'intérieur de l'organisme. Il faut noter que l'insuline active la lipoprotéine lipase (LPL).
TG : triglycérides ; CE : cholestérol estérifié ; VLDL : very low density lipoprotein ; LDL : low density lipoprotein.

206
Chapitre 19. Prescrire un régime chez un patient diabétique de type 2...

thérapeutiques destinées à combattre l'insulino- de l'hypoHDLémie, qui est un facteur de risque


résistance ou à préserver/stimuler l'insulinosécré- cardiovasculaire jugé par certains comme étant
tionrésiduellesetraduisentparunediminutiondes aussi important que l'élévation du cholestérol
triglycérides plasmatiques et par une correction transporté par les LDL. Parmi ces mesures, cer-
taines sont de nature pharmacologique, mais
2 d'autres relèvent de la prise en charge diététique et
r = –0,51 nutritionnelle avec une mention particulière pour
la réduction des surcharges pondérales.
P < 0,001
HDL-cholestérol(nmol/L)

Bases du régime des diabétiques


1 de type 2 ayant une dyslipidémie
La dyslipidémie typique chez les patients ayant
un diabète de type 2 associe une hypertriglycéri-
démie et une baisse du HDL-cholestérol. Les tri-
glycérides plasmatiques transportés par les VLDL
0 sont synthétisés dans le foie à partir des deux
0 10 20 substrats suivants : les acides gras et le glycérol
VLDL1 TG (fig. 19.3). Le glycérol est un métabolite intermé-
diaire sur les voies métaboliques qui assurent la
Figure 19.4. Relation inverse entre le taux
métabolisation de l'éthanol et des sucres simples
du HDL-cholestérol et les triglycérides dans les
(glucose, fructose). Le glucose et le fructose
VLDL plasmatiques (VLDL1 TG).
D'après : Vakkilainen J, Mero N, Schweizer A, Foley JE, peuvent être apportés directement par l'alimenta-
Taskinen MR. Effects of nateglinide and glibenclamide on tion car ce sont des nutriments qui sont présents
postprandial lipid and glucose metabolism in type 2 sous forme libre, et directement disponibles dans
diabetes. Diabetes Metab Res Rev 2002; 18(6) : 484-90. de nombreux fruits. Le raisin est par exemple

CHOL
VLDL+LDL

FOIE

Chylo  LPL
HDL
+VLDL natives

Artère
CETP avec dépôt
CHOL intrapariétal
CHOL de cholestérol
HDL
VLDL+LDL

Figure 19.5. Mécanismes de l'augmentation du LDL-cholestérol et de la diminution du HDL-


cholestérol (dit « antirisque ») chez les diabétiques de type 2 ayant un état d'insulinorésitance
et une insulinosécrétion résiduelle diminuée.
Ces anomalies métaboliques conduisent à une accumulation de cholestérol dans les parois artérielles par excès de
dépôts et défaut d'épuration
LPL : lipoprotéine lipase dont l'activité est stimulée par l'insuline. En revanche, son activité est diminuée chez les
diabétiques de type 2 ; CETP : cholesteryl ester transfer protein dont l'activité est augmentée chez les diabétiques de
type 2 ; VLDL : very low density lipoprotein ; LDL : low density lipoprotein.

207
Partie III. Comment personnaliser les mesures diététiques

riche en fructose, mais il faut savoir que certains Dans les hyperlipidémies de type mixte, leur
fruits secs comme les dattes contiennent à par- efficacité est en général bonne sur la composante
ties égales de grandes quantités de fructose et de hypertriglycéridémique. En revanche, il persiste
glucose. Le goût très sucré du miel est en grande souvent une hypercholestérolémie résiduelle car
partie lié à sa grande teneur en fructose (40 %). Le les taux de cholestérol plasmatique sont beau-
saccharose apporté par l'alimentation est hydro- coup moins sensibles aux mesures diététiques
lysé au niveau des entérocytes pour libérer du glu- (diéto-sensibilité) et au contrôle des désordres
cose et du fructose, lesquels sont ensuite déversés glycémiques (diabéto-sensibilité). Ceci s'explique
dans le torrent circulatoire pour être métabolisés. aisément par le fait que le cholestérol non HDL
De toute manière, chez des sujets prédisposés est la somme du LDL-cholestérol et du VLDL-
comme le sont les diabétiques insulinorésistants cholestérol (fig. 19.3 et 19.5). La production des
avec une insulinosécrétion résiduelle altérée, un VLDL étant très sensible aux mesures diététiques
apport excessif en sucres simples peut entraîner et à l'équilibre diabétique, c'est cette fraction qui
une production exagérée de triglycérides par le va être impactée dans les hyperlipidémies de
foie avec pour conséquence une hypertriglycé- type mixte. Toutefois le cholestérol des VLDL est
ridémie endogène. Le terme «apport excessif » une composante mineure du cholestérol plasma-
correspond pour le patient diabétique à un apport tique non HDL qui est surtout transporté sous
qui serait souvent considéré comme «raison- forme de LDL-cholestérol (fig. 19.3) dont les taux
nable » pour un sujet exempt de diabète sucré. Il sont peu sensibles au régime et au contrôle du
s'agit donc d'un excès relatif. Ceci signifie que la diabète. Le caractère diéto- et diabéto-résistant
réduction de ce type de dyslipidémie doit passer des hypercholestérolémies, qu'elles soient ou non
obligatoirement par une limitation des substrats combinées aux hypertriglycéridémies, impose
qui participent à la production des triglycérides. souvent d'avoir recours à des traitements pharma-
La réduction des acides gras se fait naturellement cologiques qui seront envisagés en parallèle.
à travers la restriction calorique. La réduction des
sucres simples implique de limiter au minimum Conduite pratique
les apports en aliments ou boissons à goût sucré dans les hypertriglycéridémies pures
(confitures, miel, pâtisseries, entremets sucrés,
Deux éléments dont il convient
boissons sucrées du commerce). Enfin, les bois-
de tenir compte en priorité
sons alcoolisées doivent être proscrites car l'alcool
est un puissant inducteur des hypertriglycéridé- Le sujet est obèse
mies chez les sujets comme les diabétiques qui ou en surcharge pondérale
sont prédisposés à ce type de désordre lipidique. Il faut envisager un régime de restriction calorique
en le couplant à une réduction des glucides simples
Conduite pratique (aliments et boissons à goût sucré) et un arrêt des
du régime en cas de dyslipidémie boissons alcoolisées. L'apport total en glucides doit
chez un patient diabétique être fixé aux alentours de 45 % des calories totales.
Dans certains cas, la restriction glucidique doit
Trois cas de figure vont être envisagés : hyper- être portée à 40 % de l'apport énergétique total.
triglycéridémie endogène pure, hyperlipidémie
Le sujet a un diabète mal équilibré
de type mixte et hypercholestérolémie pure sans
hypertriglycéridémie. D'emblée, il faut souligner Il faut revoir le traitement pharmacologique anti-
que la sensibilité aux mesures diététiques décroît diabétique afin de ramener l'HbA1c en dessous de
en fonction du type de la dyslipidémie en allant 7 % selon les recommandations des organismes
des hypertriglycéridémies vers les hypercholes- nationaux (Haute Autorité de santé ou HAS) et
térolémies. Il en est de même pour la diabéto- internationaux (American Diabetes Association
dépendance. Concrètement, ceci signifie que ou ADA et International Diabetes Federation ou
les prescriptions diététiques et l'amélioration IDF). Cet objectif de 7 % doit être évidemment
de l'équilibre glycémique sont efficaces sur les modulé en fonction de la «vulnérabilité » du
hypertriglycéridémies pures et qu'elles ont peu patient (âge, présence de complications cardiovas-
d'action sur les hypercholestérolémies pures. culaires) et du risque d'hypoglycémie.

208
Chapitre 19. Prescrire un régime chez un patient diabétique de type 2...

Si le sujet n'est ni en excès pondéral, Nous n'insisterons jamais assez sur le fait que la
ni mal équilibré sur le plan glycémique somme des calories fournies par les glucides et
Dans ce cas, qui est dans l'ensemble le moins les acides gras monoinsaturés doit représenter
fréquent, il faut prescrire un régime normoca- environ les deux tiers de l'apport énergétique soit
lorique avec des mesures diététiques spécifiques 45 % de glucides et 20 % sous forme d'acides gras
qui rejoignent celles que nous avons évoquées monoinsaturés (cf. fig. 7.12). Cette répartition
précédemment. paraît la plus efficace chez les patients diabétiques
• Arrêt des boissons alcoolisées. de type 2 depuis que les travaux de Reaven aux
• Contrôle des apports glucidiques aux alentours États-Unis ont montré que c'est elle qui conduit
de 40Ŕ45 % de l'apport énergétique total. aux meilleurs profils en termes de glycémie et
• Réduction drastique ou suppression des sucres de triglycérides plasmatiques lorsque ces deux
rapides. La vigilance devrait surtout s'exercer paramètres sont enregistrés sur une durée de
au niveau des boissons sucrées dont la teneur en 24 heures (fig. 19.6).
saccharose par litre est de l'ordre de 120 g. Tous
les produits alimentaires à goût sucré : confi- L'huile d'olive : indispensable pour
series, confitures, miel, pâtisseries, biscuits atteindre l'objectif de 20 % de calories
sucrés, doivent être déconseillés. sous forme de graisses monoinsaturées
Ces mesures doivent être conjuguées avec un Pour que la prescription soit facile à réaliser, nous
apport substantiel en acides gras monoinsaturés. réitérons la proposition simple que nous avons

16 P< 0,001
GLYCÉMIEmmol/L

12
8
4
0

5
TRIGLYCÉRIDESmmol/L

P< 0,001
4
3
2
1
0

8 10 12 14 16 18 20 22 24 2 4 6 8

Heures de la journée

Régime 1 : 55 % de glucides et 10 % de MIS

Régime 2 : 40 % de glucides et 25 % de MIS


Figure 19.6. Profils de la glycémie et des triglycérides plasmatiques sur 24 heures chez des
diabétiques de type 2 en fonction du régime.
Régime 1 : 55 % de glucides et 10 % de graisses monoinsaturées (MIS).
Régime 2 : 40 % de glucides et 25 % de graisses monoinsaturées (MIS).D'après : Chen YD, Coulston AM, Zhou MY,
Hollenbeck CB, Reaven GM. Why do low-fat high-carbohydrate diets accentuate postprandial lipemia in patients with
NIDDM? Diabetes Care 1995 ; 18(1) : 10-6.

209
Partie III. Comment personnaliser les mesures diététiques

déjà énoncée à plusieurs reprises : prévoir un Tableau 19.1. Calcul de l'apport en acides
apport en huile d'olive égal à une cuillerée à soupe gras monoinsaturés (MIS) dans un régime
chaque fois que l'on apporte 700 kcal. à 1 400 kcal/j dans lequel on préconise la
Pour donner une démonstration claire de consommation quotidienne de 2 cuillerées à
cette proposition, nous proposons au lecteur soupe d'huile d'olive.*.
de revenir au régime à 1 400 kcal décrit dans
Type d'aliment Quantité Apport en
le chapitre 17 et de compléter le calcul. En
MIS (g)
reprenant les données de ce régime nous allons
démontrer que l'objectif à 20 % de calories sous Viande ou Eq viande 1,5 Eq 7,5
forme d'acides gras monoinsaturés est bien Lait ou 2 Eq lait repartis en :
atteint en se basant sur la recommandation de
consommer 2 cuillerées à soupe d'huile d'olive Ŕ lait Ŕ 200 mL 2
qui apportent 15 g de graisses monoinsaturées. Ŕ pots de yaourts Ŕ 2 pots 1
Avant de se lancer dans ce calcul qui est indiqué
sur le tableau 19.1, il convient de rappeler que Portions de corps gras : 3 Eq
répartis en :
l'huile d'olive a une teneur moyenne en acide
oléique de l'ordre de 75 % et que de nombreux
aliments comme la viande contiennent une Ŕ càs d'huile d'olive Ŕ2 15
quantité non négligeable d'acide oléique comme Ŕ beurre Ŕ 10 g 2,5
indiqué ci-dessous. Apports forfaitaires en MIS 3
par les autres aliments
Total des apports 31 g
• Côtelette d'agneau : 10 g pour 100 g. en monoinsaturés
• Viande de bœuf : 5 g pour 100 g.
Les 31 g d'acides gras monoinsaturés correspondent à un apport
• Volaille : 2Ŕ3 g pour 100 g.
calorique égal à 279 kcal pour un apport calorique total de
• Poisson gras : 2 à 3 g pour 100 g. 1400 kcal/j, soit ≈ 20 % de l'apport énergétique quotidien.
• Œufs : 2 à 3 g pour 100 g. * L'huile d'olive ayant une teneur moyenne en acide oléique de
• Lait : 2 g pour 200 mL. l'ordre de 75 %, 2 cuillerées à soupe apportent 15 g d'acide oléique.
• Fromages affinés : 6Ŕ10 g pour 100 g.
Que faut-il envisager quand les mesures
• Fromage blanc : 2 g pour 100 g.
• Yaourts : 0,5 g pour 100 g. diététiques ne suffisent pas pour corriger
• Beurre : 25 g pour 100 g. l'hypertriglycéridémie ?
Après s'être assuré que le régime a été correctement
suivi, il est possible, si l'hypertriglycéridémie n'a pas
Le beurre est riche en acide oléique, été corrigée, de prescrire un traitement médicamen-
mais il contient également beaucoup d'acides teux sous forme de fibrates. Ces médicaments, qui
gras saturés. En tenant compte de tous les sont des activateurs de la lipoprotéine lipase (LPL),
aliments qui apportent des quantités substan- exercent une action hypotriglycéridémiante. En
tielles d'acides gras monoinsaturés et en consi- général, ils permettent une réduction de l'hypertri-
dérant que l'ensemble des aliments pauvres en glycéridémie «résiduelle» de l'ordre de 40 %. Ainsi,
acides gras monoinsaturés correspond à un on peut considérer que chez un sujet qui garde un
apport forfaitaire de 3 g, on arrive à un total taux de triglycérides compris entre 1,5 et 2,5 g/L après
de 31 g par jour avec le régime à 1 400 kcal pris des mesures diététiques et l'obtention d'un contrôle
pour exemple et que nous avions proposé dans glycémique correct, il est possible d'arriver à un taux
le chapitre 17. Cet objectif est bien obtenu à < 1,5 g/L si on rajoute un traitement par fibrates
condition que deux des trois portions de corps (fénofibrate ou bézafibrate, par exemple). L'autre
gras soient consommées sous forme d'huile alternative, qui donne des résultats superposables,
d'olive. Dans ces conditions, 31 g de graisses est l'utilisation d'un traitement par niacine. Toutefois
monoinsaturées apportent 31 × 9 = 279 kcal les fibrates nous paraissent préférables car la niacine
soit environ 20 % de l'ensemble des 1 400 kcal a des effets secondaires relativement fréquents qui
fournies par ce régime. importunent la vie du sujet (épisodes de «flush»).

210
Chapitre 19. Prescrire un régime chez un patient diabétique de type 2...

Conduite pratique dans les signifie qu'il faut déployer beaucoup d'efforts
hyperlipidémies mixtes pour peu de résultats. C'est pour cette raison
qu'une hypercholestérolémie absolue ou relative,
Les principes thérapeutiques sont tout à fait
lorsqu'elle est détectée chez un patient diabétique,
superposables à ceux des hypertriglycéridémies requiert un traitement pharmacologique par sta-
pures. La seule différence réside dans les résul- tine : pravastatine, simvastatine, atorvastatine ou
tats des mesures diététiques et de l'équilibration rosuvastatine. La plupart des statines permettent
du diabète, qui sont en général satisfaisants d'obtenir une baisse du LDL-cholestérol comprise
sur la composante « triglycérides » mais beau- entre 30 et 50 % avec des différences assez mar-
coup moins sur la composante cholestérol. En quées entre les différents produits (fig. 19.7). Si les
cas d'hypercholestérolémie « résiduelle » après résultats sont insuffisants il est toujours possible
application des mesures diététiques communes d'ajouter un traitement par ézétimibe (Ezétrol®)
à toutes les hypertriglycéridémies, qu'elles soient qui permet de gagner 15 % supplémentaires.
pures ou mixtes, il est possible d'envisager des Chez de nombreux patients diabétiques, il faut
traitements nutritionnels plus spécifiques. Parmi bien reconnaître que les taux plasmatiques du
ces derniers, on peut citer la réduction à moins LDL-cholestérol sont au-dessus des seuils conseil-
de 300 mg/j des apports alimentaires en choles- lés dans la mesure où le diabète sucré est un fac-
térol ou la supplémentation de l'alimentation teur de risque indépendant majeur. Certains
en phytostérols. Toutefois ces mesures restent considèrent même que le diabète est un équivalent
souvent insuffisantes pour normaliser les taux de maladie cardiovasculaire. Dans ces conditions,
de cholestérol plasmatique. À ce moment-là, la les patients diabétiques devraient avoir un taux
seule solution est d'envisager un traitement par plasmatique de LDL-cholestérol au moins infé-
statine à la dose minimale efficace pour rame- rieur à 1 g/L. Pour atteindre cet objectif c'est une
ner le LDL-cholestérol en dessous du seuil qui majorité de diabétiques qui devraient recevoir
a été fixé : moins de 1 g/L dans la majorité des un traitement par statine car, spontanément et à
cas ; moins de 0,70 g/L si le sujet est à haut risque l'instar de ce qui est observé dans la population
d'accident cardiovasculaire. générale non diabétique, c'est plus de 80 % des
Conduite pratique personnes diabétiques qui ont un taux plasma-
tique de LDL-cholestérol supérieur à 1 g/L.
dans les hypercholestérolémies pures
Les mesures diététiques sont en général déce-
vantes. De surcroît, elles sont contraignantes Diabète de type 2
pour le patient car elles impliquent de réduire les et hypertension artérielle
apports alimentaires en cholestérol à moins de
300 mg/j, voire même à moins de 200 mg/j. Quand Les valeurs tensionnelles devraient être mainte-
on sait qu'un jaune d'œuf contient 300 mg de nues en dessous de 130/80 mmHg car l'élévation
cholestérol et qu'une petite portion de viande en de la pression artérielle est un facteur de risque
apporte 100 mg, il est facile de comprendre qu'un cardiovasculaire bien identifié. L'augmentation
régime pauvre en cholestérol soit difficile à mettre de la pression artérielle exerce ses effets délétères
en œuvre et surtout à suivre sur le long terme. sur l'ensemble du réseau artériel avec toutefois
Des produits diététiques enrichis en phytostérols une cible préférentielle : les vaisseaux cervicaux
peuvent être proposés. L'apport doit être au moins (artères carotides et vertébrales). Au niveau des
de 1,6 g/j pour espérer atteindre péniblement reins et de la rétine, l'hypertension artérielle
une diminution du LDL-cholestérol de l'ordre de aggrave les risques de néphropathie et de réti-
10 %. Ceci peut être obtenu grâce à l'utilisation nopathie par ses effets néfastes sur les endothé-
de margarines enrichies en phytostérols dont la lium des capillaires des glomérules rénaux et des
teneur est de l'ordre de 800 mg pour 10 g (mar- vaisseaux rétiniens. En d'autres termes tous les
garine ProActiv par exemple). Dans la majorité vaisseaux de l'organisme sont concernés par les
des cas, les mesures diététiques restent modestes conséquences d'une pression artérielle excessive
en matière d'hypercholestérolémies pures, ce qui et mal contrôlée.

211
Partie III. Comment personnaliser les mesures diététiques

–10

RéductionduLDL-Cholestérol(%)
–20

–30 Pravastatine

–40 Simvastatine

–50

–60 Atorvastatine

–70 Rosuvastatine
Dose le plus souvent utilisée
ou recommandée

Doses de statines
10 20 40 80 (mg/j)
Figure 19.7. Effets de différentes catégories de statines sur le LDL-cholestérol.
Pour chaque statine, il existe une dose recommandée qui correspond en général à la posologie qui entraîne la baisse la
plus forte du LDL-cholestérol. Au-delà de cette dose, la chute de LDL-cholestérol est beaucoup plus faible (en moyenne Ŕ
6 % chaque fois que l'on double la dose).

Dans la majorité des cas le contrôle de la pres- déconseiller au sujet le fâcheux réflexe d'utiliser
sion artérielle nécessite un traitement médica- la salière à table.
menteux, préférentiellement par inhibiteurs de
l'enzyme de conversion (IEC) ou par antagonistes Le régime hyposodé :
de l'angiotensine II (ARA II ou sartans). Quand une mesure nécessaire
ces médicaments prescrits en monothérapie sont
insuffisants il est possible d'associer d'autres
dans la majorité des cas de figure
antihypertenseurs : diurétiques, antagonistes cal- Le sel (NaCl ou chlorure de sodium) est l'une
ciques, bêtabloquants. des saveurs fondamentales qui permet de don-
Bien que l'efficacité des traitements pharma- ner du goût aux aliments. Un repas trop fade est
cologiques soit largement prouvée, leur impact mal perçu par le patient qui est également un
bénéfique sur la pression artérielle est potentialisé consommateur. Ceci peut avoir des conséquences
par l'observance de mesures diététiques. chez des sujets âgés ayant un appétit diminué. Un
régime trop pauvre en sel risque de les inciter à
Chez le patient diabétique réduire leurs prises alimentaires et à les conduire
en excès pondéral à des états de dénutrition très préjudiciables chez
cette catégorie de personnes. Ceci sous-entend
Une perte de poids de l'ordre de 5 à 10 % par que les régimes hyposodés devraient être mani-
rapport au poids de départ permet dans certains pulés avec précaution et qu'ils ne devraient pas
cas, lorsque les chiffres tensionnels sont peu aug- être trop excessifs.
mentés, de normaliser la pression artérielle. Si À l'inverse, le sel stimule l'appétit. Les indus-
cette dernière reste au-dessus des seuils recom- triels de l'agroalimentaire et de la grande distribu-
mandés, la perte de poids conduit le plus souvent tion ne s'y sont pas trompés quand ils proposent
à une amélioration des valeurs tensionnelles et des plats précuisinés ayant une teneur en sel exces-
contribue à rendre le traitement pharmacolo- sive. Il en est de même dans les restaurants où le
gique ultérieur plus efficace. Il convient de noter chef cuisinier à parfois tendance à avoir la main
qu'en général tout régime de restriction calorique, un peu lourde en ajoutant du sel afin de flatter les
quand il est correctement suivi et à condition que papilles gustatives de ses clients. L'hôte qui reçoit
le sujet évite de saler son alimentation, est auto- des convives a également le même réflexe. Dans
matiquement hyposodé. S'il ne l'est pas, il faut ces conditions, il convient de se méfier des repas

212
Chapitre 19. Prescrire un régime chez un patient diabétique de type 2...

festifs qui, de surcroît, sont souvent précédés par Sel ajouté à table
ou au moment
un apéritif où biscuits salés, olives, cacahuètes, 4g de la cuisson
pistaches, noix de cajou et autres condiments salés
Aliments ayant
font partie de la tradition. Les meilleurs cocktails subi un traitement
d'accueil sont ceux qui sont constitués par des 4g
Aliments naturels
«petits légumes » (tomates cerises, branches de
1à2g
chou-fleur, carottes découpées en lamelles). Tous
ces constituants d'apéritif ont l'avantage d'être Figure 19.8. Contribution des différentes
peu caloriques et d'être dépourvus de sel. sources d'apports sodés chez un adulte
Pour en revenir au titre de ce paragraphe, les correctement nourri qui ne fait pas attention
régimes hyposodés sont recommandés chez la à sa consommation de sel ou d'aliment
plupart des patients diabétiques hypertendus. apportant du sodium.
La restriction sodée doit en général rester modé- Le Français consomme en moyenne 8 à 9 g de NaCl par jour.
rée : moins de 6 g de NaCl par jour. Ce régime
hyposodé dit «standard » est dans l'ensemble correctement nourri et ne faisant pas attention à
peu contraignant et s'avère en général suffi- ses apports sodés, l'alimentation fournit environ
samment efficace. Les restrictions plus sévères 8 à 9 g de NaCl par jour. Les aliments naturels
(moins de 3 g de NaCl par jour) ne doivent être ont une contribution qui se situe entre 1 et 2 g de
réservées qu'à des cas relativement rares (hyper- NaCl (fig. 19.8). Dès qu'un aliment subit un «trai-
tension artérielle prononcée) ou à des situations tement » (pain, biscotte, fromages) sa teneur en
particulières (insuffisance cardiaque, syndromes NaCl augmente. En effet, lors des «traitements »
œdémateux…). artisanaux ou industriels, les boulangers ou les
fabricants de fromage ajoutent du sel pour exhaus-
Conduite pratique ter le goût ou pour l'utiliser comme conservateur.
d'un régime hyposodé Il faut garder à l'esprit que le sel a été employé très
tôt (2 à 3 siècles avant notre ère) comme conser-
Prérequis : connaître vateur alimentaire. Les aliments ayant une teneur
la teneur en sel des aliments modérée en NaCl ont une contribution moyenne
La première question est de savoir de quoi on à l'apport sodé aux alentours de 4 g/j (fig. 19.8). Si
parle quand on aborde le problème du sel. Au sens l'apport du consommateur français atteint 8 à 9 g
nutritionnel du terme, le sel est le NaCl (chlorure de NaCl par jour c'est parce que les 4 g restants
de sodium). Toutefois, au sens physiologique sont fournis par le sel ajouté (sel de cuisson ou
du terme, c'est le sodium (Na) qui joue un rôle sel de table) ou par des aliments à forte teneur en
dans la régulation de la pression artérielle. Ceci NaCl : charcuteries, conserves de viandes, viandes
signifie que certains «sels » tels que le bicarbo- fumées, poissons séchés, tartes salées (pizzas,
nate de sodium contenus dans certaines boissons quiche), feuilletés salés et surtout les plats précui-
gazeuses (Vichy, Vals…) doivent être pris en sinés achetés dans les supermarchés (fig. 19.8).
compte dans les régimes hyposodés. Pour connaître la quantité de Na élément
apporté par le NaCl ou pour convertir le NaCl en
Teneur en sodium des aliments Na élément, il faut appliquer la règle suivante :
et des boissons
Les aliments peuvent être classés en faiblement, 3 g de NaCl = 50 mmol de Na élément = 1,2 g
modérément ou fortement salés selon que leur de Na élément.
teneur en Na élément est comprise entre 50 et
100 mg/100 g, entre 500 mg et 1 g/100 g et supé- Pour le bicarbonate de sodium, l'équation serait
rieur à 1 g/100 g (tableau 19.2). Les aliments la suivante :
naturels n'ayant subi aucun traitement (viandes,
poisson frais, légumes, fruits, féculents tels que
1 g de bicarbonate de Na = 11 mmol
le riz, les pommes de terre, les légumes secs)
de Na élément = 0,27 g de Na élément
ont des teneurs faibles en sodium. Chez un sujet

213
Partie III. Comment personnaliser les mesures diététiques

Les eaux bicarbonatées sodiques les plus Régimes hyposodés standard


riches en bicarbonates et en sodium telles que la Ce sont les plus fréquents. Dans ce cas, l'apport est
Vichy Célestins ou St-Yorre contiennent plus de de 4 à 5 g de NaCl par jour, ce qui correspond à un
1 000 mg de Na+ élément par litre (tableau 19.2). apport en Na élément de l'ordre de 1,6 à 2 g par jour.
Il faut noter que toutes les eaux gazeuses ne Pour arriver à cet objectif, il faut supprimer le sel de
sont pas forcément riches en bicarbonates et cuisine (à table et au moment de la préparation des
en sodium. C'est le cas en particulier de l'eau plats) et supprimer tous les aliments dont la teneur
de Perrier qui est gazéifiée avec du CO2 et qui en Na élément est > 1 g/100 g (tableau 19.2). Les eaux
contient une faible quantité de Na élément : gazeuses riches en sodium dont la teneur est > 1 g/L
9,4 mg/L. Pour connaître la teneur en sodium doivent être également proscrites (tableau 19.2). En
d'une eau minérale, il est donc indispensable revanche, les aliments des autres groupes peuvent
de lire l'étiquette sur laquelle la composition en être consommés avec quelques bémols : éviter les
minéraux est indiquée. fromages à pâte cuite ou pressée qui sont plus riches
en sodium que les fromages à pâte molle. À ce stade,
Prescription pratique il est inutile de proposer l'utilisation de pain ou de
d'un régime hyposodé biscottes sans sel.
Trois types de modèles peuvent être proposés. Régimes hyposodés stricts
Dans ce cas, l'apport en Na Cl est < 3 g/j soit un
Tableau 19.2. Teneur en sodium (Na) élément apport en Na élément inférieur à 1,2 g/j. Pour
de différentes classes d'aliments et de atteindre cet objectif, il faut remplacer le pain
différents types de boissons. et les biscottes par des produits équivalents dits
«sans sel ». Les fromages affinés riches en sodium
Teneur Teneur
en Na (/100 g) (plus de 500 mg/100 g) doivent être remplacés
par des fromages blancs (moins de 500 mg/100 g)
Aliments
(tableau 19.2). Toutefois ces derniers doivent être
Faible 50 à Aliments naturels non contrôlés en quantité car leur teneur moyenne en
100 mg «traités » (viandes, poissons, Na s'étale de 50 à 250 mg/100 g. De plus, les por-
œufs, légumes, féculents)
tions de fromages blancs consommées habituelle-
Modérée 500 mg à Pain, biscottes, fromages, lait ment (50 à 100 g environ) sont plus importantes
1g (pour le lait les teneurs sont que celles des fromages affinés (30 g environ).
de 500 mg par litre)
Forte >1g Charcuteries, conserves, Régimes hyposodés très stricts
viandes salées, poissons
Ils n'utilisent que des produits naturels. Le lait
séchés, olives, tartes salées,
feuilletés salés, plats lui-même (500 mg de Na/L) est remplacé par
précuisinés des laits désodés. Il convient de souligner que
Eaux minérales teneur en mg/L
les régimes hyposodés stricts sont rarement
recommandés dans l'hypertension artérielle. En
Faible < 20 mg Eaux plates (Vittel, Evian, revanche, ils sont proposés chez les insuffisants
Volvic) et certaines eaux
gazeuses (Perrier, La Salvetat)
cardiaques ou dans les syndromes œdémateux
quelle qu'en soit la cause.
Modérée 100 à Badoit, Quézac
300 mg Comment vérifier le suivi
Forte >1g Vichy Célestins, St-Yorre d'un régime hyposodé ?
Pour les aliments la teneur en sodium est exprimée en mg/100 g. La natriurèse mesurée sur les urines de 24 heures
Pour les boissons elle est exprimée en mg/L. À noter que pour les est le moyen le plus simple pour contrôler l'ob-
aliments on peut utiliser des mmol/100 g pour le Na et
des g/100 g si les résultats sont exprimés en NaCl, qui est la servance d'un régime hyposodé. Sachant que la
forme la plus répandue du sodium dans l'alimentation. Dans les consommation de 3 g de NaCl par jour entraîne
boissons le sodium est surtout sous forme de bicarbonates. Pour une natriurèse quotidienne de 50 mmol, le bon
aider à s'y retrouver, l'équivalence est la suivante : 3 g de NaCl
= 50 mmol de Na élément = 1,2 g de Na élément. suivi d'un régime hyposodé standard et strict

214
Chapitre 19. Prescrire un régime chez un patient diabétique de type 2...

devrait se traduire respectivement par des excré- associés au diabète de type 2 consiste dans la
tions urinaires de Na < 100 mmol/j et 50 mmol/j. majorité des cas à recommander une restriction
À noter que le terme régime «sans sel » utilisé calorique pour entraîner une perte de poids de
communément est un raccourci de langage car l'ordre de Ŕ 5 à Ŕ 10 % par rapport au poids de
tous les régimes, même les plus stricts, apportent départ. Des mesures diététiques complémentaires
toujours une certaine quantité de sodium. Stricto peuvent être mises en place si la perte de poids
sensu, c'est le terme de régime hyposodé qu'il faut reste insuffisante. Toutefois, ce sont le plus sou-
utiliser. vent des traitements pharmacologiques par hypo-
En conclusion de ce chapitre, il apparaît que lipidémiants ou antihypertenseurs qui devront
la prescription diététique des facteurs de risque être envisagés en cas d'échec.

215
Prescrire un régime CHAPITRE
20
chez un patient
diabétique de type 1
en poids normal
L. Monnier

PLAN DU CHAPITRE ces traitements n'arrivent jamais à assurer la


Stratégie générale des mesures diététiques «tranquillité glycémique » qui est observée chez
dans le diabète de type 1 218
un sujet exempt de diabète. Ceci signifie concrè-
Conduite pratique du régime 223
tement que les glycémies fluctuent au cours de
Quelques remarques supplémentaires 225
la journée entre pics et nadirs. Les pics hyper-
glycémiques sont le plus souvent observés après
Les patients ayant un diabète de type 1 insuliné les repas, mais ils peuvent survenir également
sont en général en poids normal. En France, ce à d'autres moments de la journée. La survenue
sont environ 150 000 personnes qui souffrent de des nadirs glycémiques est en général observée à
ce type de pathologie. Le caractère «insulinopé- distance des repas. Quand ils sont trop marqués,
nique » de cette variété de diabète est lié à la dis- ils conduisent à des épisodes hypoglycémiques
parition des cellules bêta des îlots de Langerhans (glycémie < 0,70 g/L) lesquels perturbent la vie du
sous l'influence d'agressions immunologiques patient en raison de leur symptomatologie angois-
survenant à bas bruit pendant toute la période sante (malaises, symptômes adrénergiques avec
qui précède la découverte, en général brutale, de tachycardie, sueurs) et du risque de perturbations
la maladie diabétique. Étant donné que la des- neurologiques (agitation, agressivité, troubles
truction des cellules qui sécrètent l'insuline est de la conscience avec désorientation temporo-
«irréversible », les personnes qui développent un spatiale). Les troubles peuvent aller jusqu'au coma
diabète de type 1 doivent obligatoirement être ou se manifester sous forme de crises comitiales.
traitées par de l'insuline. Ce traitement doit ten- Fort heureusement beaucoup d'hypoglycémies
ter de mimer la sécrétion insulinique normale restent mineures et sont parfaitement ressen-
qui peut être schématiquement séparée en deux ties par le patient qui les corrige de lui-même
composantes, l'une qui est basale et l'autre qui est par une prise de glucides rapides complétée
prandiale. La première couvre les besoins insuli- éventuellement par l'ingestion de glucides lents.
niques nocturnes et interprandiaux, la deuxième Même quand elles sont mineures, ces hypogly-
les besoins postprandiaux sur une période de 3 cémies restent une source d'inquiétude pour le
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à 4 heures après l'ingestion d'un repas. Compte patient en raison de leur caractère répétitif : un
tenu de ces remarques, les personnes qui déve- à deux épisodes par semaine en moyenne. Les
Manueldenutritionpourlepatientdiabétique

loppent un diabète de type 1 doivent se traiter cas sévères avec trouble neurologiques, nécessi-
par des schémas insuliniques de type basal-bolus tant l'assistance d'une tierce personne et au pire
administrés par multi-injections ou par pompe conduisant à une hospitalisation d'urgence sont
à insuline (cf. chapitre 4). De nombreux progrès rares. Toutefois, il est impossible d'assurer à un
ont été réalisés en termes de traitement insuli- patient diabétique de type 1 qu'il ne fera pas un
nique. Toutefois, malgré la mise au point d'insu- jour ou l'autre une hypoglycémie sévère. Certains
lines dont les profils d'action sont de plus en plus patients diabétiques, pour se mettre à l'abri des
adaptés à la couverture des besoins insuliniques hypoglycémies, ont tendance à garder des glycé-
de base et prandiaux, il n'en reste pas moins que mies plutôt élevées avec une exposition chronique

217
Partie III. Comment personnaliser les mesures diététiques

et permanente à l'hyperglycémie qui se manifeste • réduire les excursions glycémiques postpran-


par des taux d'HbA1c relativement hauts. Dans ce diales parce qu'elles contribuent à l'hyperglycé-
cas, le sujet s'expose à un risque de complications mie «ambiante » et à l'augmentation de l'HbA1c ;
chroniques micro- ou macroangiopathiques sur le • prévenir et traiter les épisodes hypoglycémiques.
long terme. Pour résumer la situation, l'équilibre Comme nous l'avons largement développé dans
glycémique du diabète de type 1 apparaît comme les lignes précédentes, cet objectif est l'un des
un compromis permanent entre une maîtrise trop points clés du traitement du patient diabétique
stricte des glycémies (recherche à tout prix de la de type 1. Quand ces épisodes surviennent, il
normoglycémie) qui conduit aux hypoglycémies faut évidemment les corriger immédiatement.
et un contrôle trop relâché des hyperglycémies Toutefois, il convient de ne pas les «surcorri-
qui réduit la fréquence des hypoglycémies mais ger » par une prise glucidique exagérée. En effet,
qui augmente le risque de développer des com- la « surcorrection » peut conduire à des rebonds
plications vasculaires sur le long terme. Pour hyperglycémiques post-hypoglycémie. Ces der-
atteindre un équilibre glycémique satisfaisant, niers peuvent être responsables à leur tour d'un
plusieurs conditions doivent être remplies : le déséquilibre chronique du diabète, avec labilité
choix des insulines et du schéma insulinique glycémique caractérisée par de larges fluctuations
doit être le plus judicieux possible. En particu- entre pics et nadirs.
lier, il est indispensable d'adapter le traitement à
la vie du patient et non l'inverse. Enfin, les doses Moyens diététiques
d'insuline délivrées par le schéma basal-bolus
sous forme de multi-injections ou grâce à une Pour atteindre ces objectifs, les mesures diété-
pompe à insuline doivent être ajustées en fonction tiques sont indispensables, mais elles ne peuvent
des résultats de l'autosurveillance glycémique. être dissociées du traitement insulinique. C'est
Toutefois, l'outil insulinique reste insuffisant donc le couple régime-insulinothérapie qu'il va
pour atteindre un équilibre glycémique correct si falloir ajuster en permanence. Pour assurer ce
les mesures hygiéno-diététiques recommandées couplage, certains se basent sur les données de
ne sont pas clairement définies et observées de l'insulinothérapie dite «fonctionnelle ». D'autres
manière correcte. Ainsi, elles constituent avec l'in- se basent sur les données des holters glycémiques
sulinothérapie les deux piliers sur lesquels repose utilisés soit en temps réel soit en temps différé.
la thérapeutique du patient diabétique de type 1. Ces outils, même s'ils se développent, ne sont pas
utilisés de manière routinière. Pour cette raison,
le couplage diététique-insulinothérapie reste
Stratégie générale des mesures dans la majorité des cas sous la dépendance de
l'autosurveillance glycémique pluriquotidienne,
diététiques dans le diabète grâce à l'utilisation de lecteurs de glycémie dont
de type 1 la technologie et la fiabilité n'ont cessé d'évoluer
depuis leur première mise sur le marché, il y a une
Objectifs trentaine d'années. Pour stratifier les mesures
diététiques dans la prise en charge du diabète de
Les trois objectifs à poursuivre sont les suivants : type 1, il faut donc procéder en plusieurs étapes.
• maintenir le poids à un niveau normal avec • La mise en place de mesures diététiques quanti-
idéalement un IMC < 25 kg/m2. En général, tatives qui, dans un premier temps, ne sont pas
les patients diabétiques de type 1 sont en poids dépendantes de l'insulinothérapie. Elles sont
normal, mais il faut savoir que l'insuline par essentiellement basées sur l'âge, le sexe, l'activité
elle-même peut favoriser la prise de poids si la physique et le poids du sujet. Ces mesures doivent
maîtrise des apports caloriques n'est pas stricte- conduire à définir pour un sujet donné le niveau
ment assurée. De plus, en cas de gain pondéral, des apports calorique, protidique et glucidique.
le sujet insuliné peut développer un état d'insu- • L'éducation aux mesures diététiques spéci-
linorésistance progressif, qui conduit à une fiques. Elles concernent la répartition des prises
augmentation des doses d'insuline ; glucidiques au cours de la journée avec une

218
Chapitre 20. Prescrire un régime chez un patient diabétique de type 1 en poids normal

mention très particulière pour la prévention diabétiques insulinés, lorsque la libération d'acides
et le traitement des hypoglycémies. C'est à ce gras devient excessive par rapport à la couverture
niveau que le couplage régime-insulinothérapie insulinique. Dans ce cas, un régime trop restrictif
joue un rôle clé avec la nécessité d'adapter les en glucides et trop consommateur d'acides gras
doses d'insuline à la quantité et à la qualité des endogènes ou exogènes risque de conduire à la
glucides apportés au moment des repas. production excessive de corps cétoniques et à des
états de cétose auxquels les patients diabétiques de
Définir les niveaux calorique, type 1 sont particulièrement exposés si l'insulino-
thérapie est mal ajustée. De plus, les régimes trop
protidique et glucidique
hypoglucidiques sont sources d'épisodes hypogly-
des mesures diététiques cémiques. Ainsi, le patient diabétique de type 1
La personnalisation de ces mesures est essentielle- insuliné est exposé à la «double peine » : risque
ment basée sur les critères suivants : poids corpo- de cétose et augmentation des hypoglycémies si le
rel, âge, sexe et activité physique. Si le sujet est en niveau de l'apport glucidique n'est pas maintenu à
poids normal, le niveau de l'apport calorique doit un niveau suffisant. Un pourcentage de calories
être fixé au niveau des besoins caloriques décrits glucidiques fixé à 45 % semble pour de nombreux
et définis tableau 15.3. Si le sujet est en excès pon- patients être un compromis satisfaisant.
déral (cas beaucoup plus rare chez le patient dia-
bétique de type 1) c'est le tableau 15.6 qui devrait
Répartition des prises glucidiques
être utilisé pour fixer le niveau des apports calo-
riques. La réduction des calories ne devrait pas au cours de la journée
excéder Ŕ 33 % par rapport au niveau des dépenses La répartition des glucides au cours de la journée
caloriques habituelles du sujet. Si le régime est doit être personnalisée en fonction de l'activité
normocalorique, les apports protidiques sont professionnelle du sujet, de son activité physique,
fixés à 15 % de l'apport énergétique total. En cas et du risque d'hypoglycémie. En général, on pré-
de régime hypocalorique, c'est 20 % de l'apport conise une répartition de 1/5e des glucides au petit
énergétique total qui est le pourcentage recom- déjeuner et de 2/5e aux deux autres repas. Cette
mandé. Dans tous les cas, l'apport glucidique doit répartition doit être modulée en fonction de
être maintenu à un niveau suffisant, supérieur à l'activité physique du sujet pendant et en dehors
40 % de l'apport énergétique total. Dans la plu- du travail. Une activité physique plus importante
part des cas, c'est entre 45 et 50 % que l'on fixe dans l'une des périodes postprandiales impose
le niveau de l'apport glucidique. Pour certains, de majorer la prise glucidique au cours du repas
il pourrait paraître paradoxal de préconiser un qui précède cette activité physique accrue. À titre
apport substantiel en glucides alimentaires chez d'exemple, si l'activité physique est importante
des sujets pour lesquels il faut éviter les dérives dans la matinée, il faut renforcer l'apport gluci-
hyperglycémiques. C'est pourtant ce qui est pré- dique de 10 à 20 g au moment du petit déjeuner.
conisé à partir des données de la physiologie, À l'inverse, une faible activité physique dans la
laquelle, il ne faut pas l'oublier, devrait servir de matinée devrait conduire à réduire l'apport glu-
guide chaque fois que l'on préconise des mesures cidique de 10 à 20 g au moment du petit déjeuner.
diététiques. La physiologie nous apprend qu'un Le risque hypoglycémique doit être pris en
régime trop pauvre en glucides conduit à une uti- compte. En dehors de la réduction des doses
lisation des substrats énergétiques de substitution d'insuline couvrant les périodes où les hypo-
(les lipides) pour couvrir les besoins énergétiques glycémies s'expriment, il est souvent indispen-
de l'individu. Les lipides, c'est-à-dire les acides sable d'introduire des collations interprandiales
gras, qu'ils soient d'origine endogène (provenant apportant en général 20 g de glucides. Ainsi, la
du tissu adipeux) ou exogène (provenant de l'ali- survenue d'hypoglycémies en fin de matinée doit
mentation) fournissent l'énergie de substitution inciter à introduire une collation glucidique entre
en étant oxydés pour fournir in fine du gaz 10 et 11 heures du matin. Dans certains cas, on
carbonique et de l'eau. Toutefois, cette combus- se trouve confronté à une montée glycémique
tion peut rester incomplète, en particulier chez les rapide et intense dans les 30 minutes qui suivent

219
Partie III. Comment personnaliser les mesures diététiques

le petit déjeuner et à des hypoglycémies en fin d'insuline prandiale doit être augmentée. À l'in-
de matinée. Cette situation peut être en partie verse, elle doit être diminuée si elle est en dessous
solutionnée en diminuant la quantité de glucides de la limite inférieure.
et en proposant des aliments à faible pouvoir
hyperglycémiant au moment du petit déjeuner Prévenir et corriger
et en reportant la quantité de glucides retranchés
au petit déjeuner sur une collation prise entre 10 les hypoglycémies
et 11 heures du matin. Les collations, quand elles La fréquence des hypoglycémies symptomatiques
sont recommandées, doivent être constituées par mais pas forcément sévères est de l'ordre d'une
un mélange de glucides à pouvoir hyperglycé- par semaine chez le patient diabétique de type 1
miant faible et intermédiaire avec éventuellement insuliné. L'instabilité du diabète augmente la fré-
un aliment lipido-protidique pour que la montée quence des hypoglycémies. C'est pour cette raison
glycémique de la collation ne soit pas excessive. qu'il convient d'identifier les diabètes instables
Pour atteindre cet objectif, la collation type peut et de corriger cette instabilité autant que faire se
être constituée par un fruit (12 g de glucides et peut. La meilleure méthode pour évaluer l'ins-
50 kcal), une biscotte (7 g de glucides et 30 kcal) et tabilité d'un diabète est de mesurer la variabilité
10 g de fromage ou 5 g de beurre (0 g de glucides glycémique par l'utilisation d'un enregistrement
et 40 kcal). Ainsi une collation de ce type fournit glycémique continu en ambulatoire. Cette tech-
environ 20 g de glucides et 120 kcal. nique, mieux connue sous le qualificatif de holter
Les doses d'insuline doivent être adaptées à la glycémique, permet de calculer plusieurs index
quantité de glucides apportés par l'alimentation. qui évaluent la variabilité glycémique sur une
Cette adaptation est surtout valable pour les même journée ou d'un jour à l'autre. La répartition
doses d'insuline prandiales délivrées en géné- des glycémies autour de la moyenne glycémique
ral sous forme d'analogues rapides de l'insuline des 24 heures est statistiquement quantifiée par
(NovoRapid®, Humalog® ou Apidra®). Chez un le calcul de la déviation standard (DS autour de
sujet exempt de diabète sucré ayant une sécré- la moyenne). Toutefois, l'amplitude de la DS est
tion insulinique normale et une activité physique toujours positivement corrélée avec le niveau de
moyenne, l'utilisation du glucose est de l'ordre de la moyenne glycémique. Ceci signifie qu'un sujet
10 g par heure. Dans les périodes postprandiales, ayant une moyenne glycémique élevée (hypergly-
la sécrétion insulinique augmente, entraînant cémie «ambiante ») peut avoir une DS augmentée
une augmentation de l'utilisation du glucose. sans être pour autant instable. En revanche, un
Chez le diabétique de type 1 insulinopénique, il sujet ayant une moyenne glycémique subnormale
est généralement admis que pour métaboliser peut avoir une DS en apparence dans des limites
10 g de glucides alimentaires il faut injecter de raisonnables sans pour autant avoir un diabète
1,5 à 2 unités d'analogue rapide de l'insuline au considéré comme stable. Il est donc indispensable
petit déjeuner. Pour les deux autres repas, la dose d'avoir un index corrigé par la moyenne glycé-
d'analogue rapide et de l'ordre de 1 unité pour mique. La meilleure façon d'y parvenir est de
10 g de glucides. Ces données connues depuis de calculer le coefficient de variation pour le glucose
nombreuses années ont été confirmées par l'insu- dont la valeur en pourcentage est égale à CV (%)
linothérapie dite «fonctionnelle ». Toutefois, dans = [DS/moyenne glycémique de 24 heures] × 100.
la mesure où il s'agit de données moyennes elles Nous avons récemment démontré qu'une valeur
doivent être personnalisées et adaptées à chaque du CV (%) > 36 % correspond à un diabète de
patient diabétique. De plus, la dose d'insuline type 1 instable (fig. 20.1). Cet état concerne plus
prandiale à injecter en bolus avant chaque repas de la moitié des patients diabétiques de type 1
doit être modulée en fonction du niveau de la (fig. 20.1). Cette définition de l'instabilité est
glycémie préprandiale. Pour cela, il convient de basée sur le fait que dans une population de
définir une zone de glycémie optimale avec deux patients diabétiques de type 2 traités uniquement
limites inférieure et supérieure entre lesquelles par insulinosensibilisateurs et donc exempt de
la glycémie préprandiale devrait se situer. Si elle risque hypoglycémique, le coefficient de variation
dépasse la limite supérieure vers le haut, la dose du glucose ne dépasse jamais 36 % (fig. 20.1).

220
Chapitre 20. Prescrire un régime chez un patient diabétique de type 1 en poids normal

40 40

Groupe 1 Groupe 2
30 30

Fréquencerelative(%dutotal)
36 % 36 %

20 20

55,7 % au-dessus

10 10

0 0
0 10 20 30 40 50 60 0 10 20 30 40 50 60 70 80
Coefficient de variation pour le glucose (%)
Figure 20.1. Distributions de la variabilité glycémique estimée à partir du coefficient de variation
pour le glucose (CV %) dans deux populations.
Ŕ Groupe 1 : patients diabétiques de type 2 traités uniquement par des insulinosensibilisateurs (metformine ou
glitazones) c'est-à-dire par des médications antidiabétiques ne comportant aucun risque d'hypoglycémie et considérés
comme stables (population de référence).
Ŕ Groupe 2 : patients diabétiques de type 1 traités par multi-injections d'insuline ou pompe à insuline (schéma basal-
bolus). Dans ce groupe, 55,7 % des patients ont un CV % > 36 % et peuvent être considérés comme ayant un diabète
instable.D'après Monnier L, Colette C, Wojtusciszyn A, Dejager S, Renard E, Molinari N, Owens DR. Toward Defining the
Threshold Between Low and High Glucose Variability in Diabetes. Diabetes Care. 2017; 40(7) : 832-8.

Ces résultats publiés dans le numéro du mois de Seuils et cibles thérapeutiques


juillet 2017 de la revue Diabetes Care4 permettent Hyperglycémie ambiante
de compléter les recommandations de bon équi-
libre diabétique. Aux deux règles de maintenir
l'HbA1c en dessous de 7 % (règle modulable en HbA1c
fonction de la vulnérabilité du patient) et de gar- <7%
der la glycémie au-dessus de 0,70 g/L pour éviter
les hypoglycémies, il faudrait ajouter une troi-
sième règle : maintenir le coefficient de variation
du glucose en dessous de 36 % (fig. 20.2). Cette
recommandation permettrait d'éviter les fluc- Équilibre
tuations aiguës de la glycémie entre pics et creux. glycémique
En effet, en dehors d'accroître le risque d'hypo-
glycémie, il est probable que les variations subites CV Glycémie
et intempestives de la glycémie aient un impact < 36 % > 0,70 g/L
délétère sur les endothélium vasculaires et parti-
cipent au développement et à la progression des
complications micro- et macrovasculaires. Variabilité glycémique Hypoglycémies
Figure 20.2. Seuils et cibles thérapeutiques
4. Monnier L, Colette C, Wojtusciszyn A, Dejager S, recommandés intégrant les trois désordres
Renard E, Molinari N, Owens DR. Toward Defining the glycémiques du diabète : l'hyperglycémie
Threshold Between Low and High Glucose Variability ambiante, la variabilité glycémique et le
in Diabetes. Diabetes Care. 2017 ; 40(7) : 832-8. risque d'hyperglycémie.

221
Partie III. Comment personnaliser les mesures diététiques

La correction de l'instabilité d'un diabète de spécifiques FreeStyle Optium®). La constata-


type 1 est donc un problème important. Cette cor- tion d'une hyperglycémie (glycémie > 2,5 g/L)
rection exige en premier lieu d'adapter au mieux associée à la présence de corps cétoniques en
le traitement insulinique. Chez les sujets traités quantité anormale (présence de une à plusieurs
par multi-injections, le passage sous pompe est croix d'acétone dans les urines ou cétonémie
la première voie à envisager. Dans tous les cas, il > 0,5 mmol/L) doit conduire à un rattrapage
faut revoir les mesures diététiques en modifiant la insulinique sous la forme d'une injection d'un
distribution des glucides au cours de la journée, bolus sous-cutané d'analogue rapide de l'insu-
en introduisant des collations qui permettent line. Il faut savoir qu'une dose de 3 unités d'ana-
d'étaler les ingestions de glucides alimentaires logue rapide de l'insuline, injectée à un patient
pour rendre leur absorption plus régulière et pour hyperglycémique, fait chuter la glycémie en
éviter leur irruption trop subite dans le torrent moyenne de 1 g/L en l'espace d'une heure. Ainsi,
circulatoire. La correction des hypoglycémies par un patient ayant une glycémie à 3 g/L verra sa
des mesures diététiques ne peut être réalisée que glycémie ramenée une heure après à 2 g/L si
si le sujet est conscient et s'il est capable d'ingé- on lui administre par voie sous-cutanée une
rer des glucides. La correction immédiate d'une dose de 3 unités d'analogue rapide (Humalog®,
hypoglycémie symptomatique mais modérée NovoRapid®, Apidra®). Ce résultat n'est bien sûr
requiert la prise de 10 à 20 g de glucides rapides qu'une moyenne car une glycémie à 3 g/L est
(saccharose ou glucose), soit 2 à 4 morceaux de un niveau mesuré à un instant donné, ne per-
sucre ou 1 verre de 120 mL de boisson sucrée du mettant pas de savoir si le sujet est à un niveau
commerce (jus d'orange par exemple). Si l'hypo- stable, ou si sa glycémie est sur une pente ascen-
glycémie survient à distance d'un repas, il est dante ou descendante. Si la glycémie est en
recommandé de faire suivre la prise de glucides train de monter, le résultat sera moindre. En
rapides par une collation, 1 heure après, apportant revanche, la baisse de la glycémie sera beaucoup
20 g de glucides lents (40 g de pain par exemple). plus marquée si le sujet est déjà sur une trajec-
Dans tous les cas, il est recommandé après une toire glycémique descendante. Pour la pratique
hypoglycémie et après sa correction de réaliser un clinique, il est donc nécessaire de se donner
contrôle glycémique une heure puis deux heures toujours une marge de sécurité lorsqu'on fait un
après pour vérifier l'efficacité des mesures qui ont bolus d'insuline ultrarapide (analogue rapide)
été entreprises. et de ne pas rechercher à ramener la glycémie
à un niveau strictement normal. Reprenons
Prévenir et corriger l'exemple d'un sujet dont la glycémie est à 3 g/L
et chez lequel on propose de faire une injection
les épisodes de cétose de l'ordre de 3 unités. Elle permettra d'enrayer
En dehors des hypoglycémies, le patient diabé- la dérive hyperglycémique si le sujet est en mon-
tique de type 1 peut être sujet à des épisodes de tée, et de faire descendre la glycémie si le sujet
cétose qui surviennent dans toutes les situations est en niveau stable ou en pente descendante,
qui conduisent à une carence insulinique : tout en évitant le risque hypoglycémique dans
• oubli d'une injection d'insuline ; le cas où la glycémie est spontanément en train
• sous-dosage insulinique ; de diminuer.
• épisode intercurrent (fièvre, grippe, accident) L'apport d'insuline n'est toutefois pas suffi-
qui augmente les besoins insuliniques et qui, sant lorsque le sujet est hyperglycémique avec
par voie de conséquence, entraînent une dérive des signes biologiques de cétose débutante (une
anormale de la glycémie vers le haut et une ou plusieurs croix d'acétone dans les urines ou
mobilisation des acides gras qui interviennent cétonémie supérieure à 0,5 mmol/L. En effet,
comme carburant de substitution du glucose. pour résoudre l'épisode de cétose, il faut en plus
La métabolisation incomplète des acides gras de l'insuline apporter du carburant glucidique
conduit à la production de corps cétoniques pour enrayer la production excessive de corps
qui peuvent être détectés dans les urines par cétoniques. Ceci ne pourra être obtenu que
des bandelettes réactives (Keto-Diastix®) ou par un apport glucidique adéquat. Le supplé-
dans le sang par autocontrôle (bandelettes ment insulinique à déterminer en fonction du

222
Chapitre 20. Prescrire un régime chez un patient diabétique de type 1 en poids normal

niveau de la glycémie devra être suivi par une protidique (15 % des calories) devrait être égal à
collation qui apporte 20 à 30 g de glucides afin [2 400 × 0,15]/4 = 90 g/j et l'apport glucidique (si
d'apporter le carburant glucidique. Une à deux on le fixe à 45 % des calories totales) devrait être
heures après, la glycémie devra être mesurée de [2 400 × 0,45]/4 = 270 g/j.
et les corps cétoniques devront être recherchés
dans l'urine ou dans le sang. À noter que les Étapes de la mise en place
glucides apportés par cette collation devront
être des glucides rapides, afin de les rendre dis-
du régime de 2400 kcal
ponibles et métabolisables dans les meilleurs Première étape, remplir
délais. Si l'épisode cétosique précède un repas l'objectif protidique (X = 90 g)
(par exemple le petit déjeuner), il faut appor- Ŕ 10 g de protéines «forfaitaires » = 10 g
ter la quantité totale de glucides alimentaires
Ŕ 1,5 Eq viande qui apporte 1,5 fois 25 g = 37 g
normalement prévus (40 g par exemple pour de protides
un petit déjeuner). Toutefois et contrairement
à ce qui est prévu habituellement, il faut que les Ŕ 4 Eq lait qui apportent 4 fois 7 g de protides = 28 g
glucides soient en majorité fournis sous forme Ŕ 3 Eqpain qui apportent 3 fois 5 g de protides = 15 g
de sucres facilement assimilables : jus de fruits, Total protides X = 90 g
compotes, confitures, purées… Il va de soi que
la dose d'insuline ultrarapide qui est injectée Deuxième étape : remplir
en bolus préprandial devra être augmentée au l'objectif glucidique (Y2 = 270 g)
prorata de l'hyperglycémie. Prenons l'exemple
d'un sujet qui a une glycémie à 3,5 g/L avant le • En reportant les glucides apportés par les ali-
petit déjeuner et qui reçoit habituellement un ments utilisés pour le remplissage de l'objectif
bolus d'insuline ultrarapide (analogue rapide protidique (Y1 g).
de l'insuline) égal à 5 unités. Dans ce cas de Ŕ 1,5 Eq viande = 0 g de
figure on essayera de ramener la glycémie en glucides
dessous de 2 g/L dans l'heure qui suit en faisant Ŕ 4 Eq lait répartis :
un rajout de 4 à 5 unités d'analogue rapide de
l'insuline, soit un bolus total de 9 à 10 unités. - en lait = 10 g
(200 mL) = 1 Eq
La mesure de la glycémie est indispensable une
lait
heure après pour évaluer l'efficacité de cette
- en 2 yaourts = 10 g
supplémentation et pour s'assurer que son effet = 1 Eq lait
n'a pas été excessif.
- en 60 g de = 0 g
fromage = 2 Eq
lait

Conduite pratique du régime Ŕ 3 Eq pain = 25 × 3 = 75 g


Y1 = 95 g
Détermination pratique
des objectifs quantitatifs • En complétant pour atteindre Y2. Il faut trouver
Y2 Ŕ Y1 = 270 Ŕ 95 = 175 g de glucides.
Comme indiqué dans le chapitre 15, il faut définir
les objectifs protidique, glucidique et calorique et Ŕ Avec 6 portions 12 × 6 = 72 g de glucides
les hiérarchiser dans cet ordre. Pour cela, le mieux de fruits et légumes
est de prendre l'exemple d'une patiente diabétique Ŕ Avec 4 portions 25 × 4 = 100 g de
de type 1, insulinée et active, en poids normal de féculents glucides
(index de masse corporelle : 23 kg/m2, poids Y2 Ŕ Y1 (réel) = 172 g de
66,5 kg pour une taille de 170 cm). Le niveau calo- glucides
rique du régime, en accord avec les recomman- Total glucides Y2 = 95 + 172 = 267 g
dations colligées sur le tableau 15.3 devrait être de glucides
fixé à 2 400 kcal. Dans ces conditions, l'apport

223
Partie III. Comment personnaliser les mesures diététiques

Troisième étape : remplir l'objectif Répartition des glucides


calorique (Z2 = 2400 kcal)
au cours de la journée
• En reportant les calories apportées par les ali-
À l'interrogatoire de cette patiente, on note
ments utilisés pour le remplissage des objectifs
protidiques et glucidiques (Z1 kcal). qu'elle a une activité physique relativement
importante sur l'ensemble de la journée (du
Ŕ 1,5 Eq viande = 180 × 1,5 = 270 kcal matin 8 heures jusqu'en fin d'après-midi
Ŕ 4 Eq lait = 140 × 4 = 480 kcal 18 heures environ). Elle a tendance à faire des
hypoglycémies en fin de matinée, d'après-midi
Ŕ 3 Eq pain = 120 × 3 = 360 kcal
et parfois en milieu de nuit. Dans ces condi-
Ŕ 6 portions de fruits et = 50 × 6 = 300 kcal
tions, on lui propose la répartition suivante
légumes
pour les glucides :
Ŕ 4 portions de féculents = 120 × 4 = 480 kcal • 40 g au petit déjeuner ;
Z1 = 1890 kcal • 20 g pour la collation de milieu de matinée ;
• 90 g au repas de midi ;
• En complétant pour atteindre Z2 (2 400 kcal). Il • 20 g pour la collation de milieu d'après-midi ;
faut trouver (Z2 Ŕ Z1) = 2 400 Ŕ 1 890 = 510 kcal. • 80 g pour le dîner ;
Ŕ Avec 6 Eq de corps gras 6 × 90 = 450 kcal • 20 g pour la collation avant le coucher.
En accord avec cette répartition glucidique on
Ŕ + 1 verre de vin par jour 70 = 70 kcal
peut proposer chez cette patiente de distribuer les
Le total calories obtenu Z2 = 2 410 kcal aliments calorico-glucidiques de la manière sui-
est : vante entre les trois repas principaux et les trois
Le calcul est illustré sur la figure 20.3. collations (tableau 20.1).

Z2
6 portions de
Objectif calorique Corps gras à ajouter corps
(Z2 = 2 400 kcal/j) pour atteindre gras
l’objectif calorique + 1 verre de
vin
Y2 Z1
4 portions de
Objectif glucidique féculents
(100 g de Glu) Z1= 1 890 kcal
(Y2 = 270 g/j)
Aliments à ajouter 6 portions =
pour atteindre d’Eq fruits Quantité de
l’objectif glucidique et/ou légumes calories
soit 72 g de apportées
glucides par
Y1
tous les
3 Eq Pain 95 g de aliments
Objectif protidique
4 Eq Lait glucides en dehors
(X = 90 g/j)
apportés par des corps
1,5 Eq les aliments gras
Viande riches en
10 g protides
“forfaitaires”
Colonne des Colonne des Colonne des
aliments riches apports apports
en protides glucidiques caloriques
Figure 20.3. Illustration du remplissage des objectifs protidiques (X), glucidique (Y2) et calorique
(Z2). Dans le cas de la patiente prise pour exemple : X = 90 g de protides; Y2 = 270 g de glucides
et Z2 = 2 400 kcal.
Les objectifs doivent être hiérarchisés : protidique en premier (colonne de gauche), glucidique en second (colonne du
milieu) et in fine calorique (colonne de droite). Pour les calculs intermédiaires (Y1 = quantité de glucides apportés par les
aliments de la première colonne et Z1 = quantité de calories apportées par l'apport cumulé des aliments des colonnes de
gauche et du milieu) nous demandons au lecteur de se reporter au texte.
Pour connaître les teneurs nutritionnelles des différentes portions, se reporter aux figures 15.5, 15.6 et 15.7.

224
Chapitre 20. Prescrire un régime chez un patient diabétique de type 1 en poids normal

Tableau 20.1. Répartition des glucides chez la patiente prise pour exemple.
La proposition porte sur une journée de 24 heures pour un apport glucidique total de 270 g/j.

Petit Glu Collation Glu Repas de Glu Collation Glu Dîner Glu Collation Glu
déjeuner (g) (milieu de (g) midi (g) (milieu (g) (g) (avant (g)
matinée) d'après-midi) coucher)
Pain 20 2 biscottes 13 Pain (30 g) 15 2 biscottes 13 Pain (20 g) 10 1 biscotte 7
(40 g) 1 yaourt 5 1 fruit 12 1 yaourt 5 1 fruit 12 1 fruit 12
1 fruit 12 1 portion 12 1 portion 12
Lait 10 de légumes de légumes
(200 mL) 240 g de 50 240 g de 50
féculents féculents
Total 42 18 89 18 84 19
glucides

Quelques remarques L'utilisation de produits dits sans sucre peut


être préconisée chez les patients qui souhaitent
supplémentaires consommer une petite «satisfaction à goût sucré »
au moment d'un dessert ou à la fin d'un repas.
Ce type de régime contient six portions de corps Ces produits alimentaires sont réellement «sans
gras ce qui permet d'assurer sa palatabilité au sucre » puisque le saccharose, constituant habi-
niveau de l'onctueux. Si l'on se réfère à la recom- tuel de l'aliment de référence, est remplacé par
mandation d'apporter 1 cuillerée à soupe d'huile un sucre-alcool (xylitol, sorbitol…) qui n'a aucun
d'olive pour 700 kcal, ceci signifie que sur les six impact sur la glycémie. Le seul bémol, comme
portions de corps gras, trois d'entre elles (soit nous l'avons déjà signalé, est que ces édulcorants
3 cuillerées à soupe) devraient être consom- de charge, qui entrent dans la composition des
mées sous forme d'huile d'olive. En revanche, le produits dits sans sucre, apportent autant de
régime proposé n'apporte pratiquement pas de calories que l'aliment de référence. Leur utili-
glucides à goût sucré pour éviter les dérives gly- sation ne pose pas de problème à condition que
cémiques excessives au moment des repas et des les patients soient pleinement conscients que leur
collations. Seules, les quatre portions de fruits apport calorique est loin d'être négligeable et que
qui contiennent des sucres simples sont pour- leur consommation doit rester raisonnable. En
voyeuses de goût sucré. Pour certaines personnes, revanche, nous sommes peu favorables à l'utilisa-
cet apport risque d'être insuffisant et d'être à tion de confitures dites «pour diabétiques » où le
l'origine de frustrations. Dans ce cas, l'utilisation saccharose a été en partie remplacé par du fruc-
d'édulcorants peut être recommandée, soit sous tose. Ce dernier a un pouvoir sucrant plus élevé
forme de sucrettes ou de poudres contenant de que le saccharose mais il apporte à quantité égale
l'aspartame, de l'acésulfame K, du sucralose ou de autant de calories que le saccharose et après méta-
la stévia. Ces édulcorants intenses dont le pouvoir bolisation hépatique il finit par être transformé
sucrant est au moins 200 fois supérieur à celui du en glucose. Les confitures dites pour diabétiques
saccharose peuvent être également trouvés dans ont une teneur en glucides qui est en général 2 fois
des boissons «light » où le goût sucré est reproduit plus faible que celle des confitures traditionnelles.
par des mélanges d'aspartame, d'acésulfame K et Le problème réside dans le fait que les patients en
de stévia. La même remarque peut être faite pour les consomment souvent 2 fois plus dans la mesure
yaourts. Ces édulcorants intenses ont l'avantage où ils considèrent qu'elles sont appauvries en
de ne pas apporter de calories (cf. chapitre 22). sucre. Personnellement, si le patient ressent le
Toutefois d'autres d'édulcorants, dits de charge, besoin impératif de goût sucré au moment du petit
conduisent à un apport calorique substantiel. Ces déjeuner, nous préférons lui recommander d'uti-
édulcorants de charge entrent dans la composi- liser une confiture normale en sachant qu'une
tion des sorbets «sans sucre », des bonbons dits cuillerée à café bien rase contient environ 5 g de
«sans sucre » ou des chocolats dits «sans sucre ». saccharose, c'est-à-dire une quantité relativement

225
Partie III. Comment personnaliser les mesures diététiques

négligeable. Enfin, il convient de souligner que repas, on peut admettre en première approxima-
«recommandation diététique » et «prescription tion que les besoins insuliniques prandiaux sous
d'un régime » ne sont pas synonymes de «prohibi- forme d'analogues rapides de l'insuline seront en
tion ». Compte tenu de cette remarque, il n'est pas moyenne de 6 unités le matin, 9 unités à midi et
interdit à un patient diabétique de type 1 insuliné 8 unités le soir, soit un total de 23 unités d'insu-
de s'octroyer le plaisir de consommer une pâtis- lines prandiales. Chez un diabétique de type 1
serie ou un entremets sucré à la fin d'un repas à en poids normal, les doses totales d'insuline sur
condition que la taille de la portion reste raison- la journée (doses prandiales + dose basale) sont
nable et que cette pratique reste peu fréquente en général de l'ordre de 0,5 à 0,7 unité/kg/j, soit
(une fois par semaine par exemple). En effet, 33 unités ou 46 unités selon que le patient se situe
il faut savoir qu'une portion de gâteau apporte dans la zone basse ou haute. Si 23 unités d'insu-
environ 350 kcal et 30 à 40 g de glucides. Dans line sont administrées en prandial, la dose d'in-
ces conditions, le patient devra augmenter sa dose suline basale devrait être logiquement comprise
prandiale d'analogue rapide de l'insuline de 3 à entre [33 Ŕ 23] = 10 unités et [46 Ŕ 23] = 24 unités.
4 unités environ avant le repas concerné par cette Il est bien certain que ces doses ne sont données
prise glucidique supplémentaire. qu'à titre indicatif et qu'elles doivent être adaptées
En conclusion de ce chapitre, nous sommes quotidiennement en fonction des besoins du sujet
conduits à donner quelques informations sur les qui sont sous la dépendance des prises alimen-
doses d'insuline qui devraient être normalement taires mais également de toute une série d'autres
administrées à la patiente que nous avons prise facteurs parmi lesquels il faut citer l'activité phy-
pour exemple dans les lignes qui précèdent. En sique, et tous les autres facteurs qui sont inquan-
se basant sur 1,5 unité/10 g de glucides au petit tifiables comme les soucis ou les contrariétés de la
déjeuner et 1 g/10 g de glucides aux deux autres vie quotidienne.

226
Prescrire un régime CHAPITRE
21
chez un diabétique
ayant une insuffisance
rénale chronique
L. Monnier

PLAN DU CHAPITRE sont pas encore requises. En revanche, en dessous


Principes généraux des régimes du patient diabétique de 10 mL/min/1,73 m2, l'insuffisance rénale chro-
insuffisant rénal chronique 228
nique est étiquetée «terminale » et le recours aux
Conduite pratique du régime 231
méthodes d'épuration extrarénale devient indis-
Quelques remarques supplémentaires 233
pensable avant une éventuelle greffe rénale qui
Conclusion 234
reste la thérapeutique idéale chez l'adulte jeune.
Dans le diabète de type 2, les lésions spécifiques
Les complications rénales sont fréquentes chez de microangiopathie sont mélangées avec des
les patients diabétiques. Dans le diabète de lésions de néphroangiosclérose. Ces altérations
type 1, l'altération des fonctions rénales est la non spécifiques sont liées surtout à l'âge et sont
conséquence d'une atteinte des capillaires glo- le témoin d'une athérosclérose diffuse dont la
mérulaires qui conduit à la classique glomérulos- survenue et la progression sont accélérées par les
clérose de Kimmelstiel-Wilson après une longue désordres glycémiques. Comme dans le diabète de
évolution qui passe par plusieurs étapes : lésions type 1, ces lésions peuvent conduire à une insuf-
fonctionnelles au départ avec hyperfiltration glo- fisance rénale chronique terminale dont le trai-
mérulaire ; lésions anatomiques ultérieurement, tement repose sur des techniques de suppléance
avec épaississement des membranes basales des rénale par hémodialyse ou dialyse péritonéale.
capillaires glomérulaires et prolifération mésan- L'insuffisance rénale chronique, quand elle
giale. Les lésions ultimes sont constituées par une survient chez un patient diabétique, est souvent
désorganisation de l'architecture glomérulaire et presque toujours associée à une hypertension
avec occlusions artériolaires et disparition pro- artérielle et à des désordres lipidiques associant
gressive des glomérules. Sur le plan clinique, après hypertriglycéridémie, diminution du HDL-
une période où les fonctions rénales sont nor- cholestérol et augmentation du LDL-cholestérol.
males en dehors de l'hyperfiltration se développe Dans l'insuffisance rénale chronique du diabé-
une néphropathie « incipiens » où la seule anoma- tique, cette dyslipidémie est surtout l'apanage
lie visible est de nature biologique : microalbumi- du diabète de type 2. Enfin, quand l'insuffisance
nurie pathologique comprise entre 30 et 300 mg/j. rénale chronique survient, en particulier chez un
©2018,ElsevierMassonSAS.Tousdroitsréservés

Quand les lésions rénales continuent à évoluer, le patient diabétique de type 2 d'un certain âge, il
Manueldenutritionpourlepatientdiabétique

patient entre dans la phase de néphropathie avé- faut éviter un état de dénutrition qui s'accompa-
rée, hypertensive d'abord et macroalbuminurique gnerait d'une anémie et d'une sarcopénie avec
(> 300 mg/j) puis urémigène et œdémateuse ulté- fonte des masses musculaires. Ceci signifie que les
rieurement. À ce stade, la filtration glomérulaire apports protidiques doivent être maintenus à un
ne cesse de se dégrader pour conduire à une insuf- niveau suffisant. Enfin, la survenue d'une altéra-
fisance rénale chronique. Dans un premier temps, tion des fonctions rénales et plus particulièrement
la filtration glomérulaire reste comprise entre 10 d'une insuffisance rénale chronique terminale
et 50 mL/min/1,73 m2 de surface corporelle. À ce introduit des éléments d'instabilité glycémique
stade-là, les méthodes d'épuration extrarénale ne tout d'abord en générant ou en aggravant les états

227
Partie III. Comment personnaliser les mesures diététiques

d'insulinorésistance et ensuite en modifiant la «pool échangeable » essentiellement plasmatique.


pharmacodynamique et la pharmacocinétique Il est constitué par des acides aminés libres (50 à
des médications antidiabétiques, qu'il s'agisse de 80 g). Des échanges existent entre les deux pools
traitements oraux ou injectables (l'insuline en avec normalement une équivalence ente l'anabo-
particulier). lisme et le catabolisme (4 g/kg/j). Si l'équilibre est
Au terme de cette introduction, il apparaît respecté, les réserves protéiques restent stables.
que la prise en charge d'une personne diabétique Le pool échangeable est de plus ouvert sur l'exté-
ayant une insuffisance rénale chronique pose de rieur. En moyenne, on considère que les apports
nombreux problèmes thérapeutiques parmi les- protéiques, si on se base sur les apports nutrition-
quels les problèmes nutritionnels sont loin d'être nels conseillés (ANC) devraient être au moins de
les moindres. 1 g/kg/j pour un sujet correctement nourri. Les
protéines provenant du catabolisme et des apports
protéiques alimentaires sont en partie dégradées
Principes généraux des régimes sous forme de déchets azotés (créatinine, urée,
acide urique) qui sont ensuite éliminés de l'orga-
du patient diabétique insuffisant nisme par le biais de l'émonctoire urinaire. Pour
rénal chronique éviter l'accumulation d'azote (N) à l'intérieur de
l'organisme, le bilan azoté (apports protidiques
Contrôle des désordres alimentaires Ŕ pertes azotées) doit être équilibré.
du métabolisme protéique Sachant que 1 g de protéines = 0,16 g d'azote, on
peut estimer les pertes azotées quotidiennes à
Chez un sujet sain, le métabolisme des protéines 0,16 g/kg/j. Pour un sujet de 70 kg l'apport pro-
peut être résumé de la manière suivante (fig. 21.1). téique alimentaire devrait être au moins de 70 g/j
Les protéines de l'organisme se distribuent en et l'excrétion d'azote de l'ordre de 11 g/j. Cet
deux compartiments. Le plus important, consti- azote est éliminé dans les urines sous forme, en
tué par les protéines de réserve, est de l'ordre de moyenne, de 20 g d'urée/j, 1,5 g de créatinine/j et
12 à 14 kg chez un adulte sain. Le deuxième est un 600 mg d'acide urique/j.

Protéines alimentaires

Anabolisme Protéines corporelles


Acides aminés
1 g/kg/j libres

4 g/kg/j 12–14 kg
50–80 g

1 g/kg/j

Catabolisme

urée
N urinaire créatinine
Ac. urique

Bilan azoté = Apports alimentaires (protéiques) – Pertes azotées (protéiques)


1 g de protéine = 0,16 g d’azote
Figure 21.1. Métabolisme des protides chez un sujet sain.

228
Chapitre 21. Prescrire un régime chez un diabétique ayant une insuffisance rénale chronique

Au cours de l'insuffisance rénale chronique, d'un catabolisme azoté. Chez l'insuffisant rénal
la perturbation la plus importante est une dimi- chronique, il est indispensable de ne pas ajouter
nution de l'excrétion des déchets azotés avec un supplément de catabolisme azoté chez une
hyperazotémie, hypercréatininémie et hype- personne qui est déjà orientée vers l'hypercatabo-
ruricémie. Par ailleurs, l'insuffisance rénale lisme protidique.
chronique s'accompagne d'une diminution de
l'appétit. La balance azotée devient négative et le Contrôle des désordres lipidiques
catabolisme prend le dessus sur l'anabolisme pour
conduire à une diminution de la masse maigre Il s'agit le plus souvent d'une dyslipidémie qui
(protéines de réserve) et à un état de dénutrition. associe hypertriglycéridémie et diminution du
Ceci implique que les protéines alimentaires uti- HDL-cholestérol. L'attitude thérapeutique sur
lisées chez l'insuffisant rénal chronique doivent le plan nutritionnel est superposable à celle qui
être choisies parmi celles qui se fixent le mieux a été développée dans le chapitre 19. L'une des
sur les tissus de l'organisme. Ces protéines dites mesures essentielles est de maintenir un apport
à haute valeur biologique doivent avoir la préfé- en acides gras monoinsaturés de l'ordre de 20 %
rence car elles possèdent le meilleur rapport azote de l'apport énergétique total afin que la somme
fixé/azote absorbé. Elles sont essentiellement des calories fournies par les glucides et les acides
d'origine animale : œuf, produits laitiers et viande gras monoinsaturés soit égale aux deux tiers de
(tableau 21.1). En revanche, les protéines végétales l'apport calorique total.
ont un rendement d'utilisation beaucoup plus
faible, de l'ordre de 60 % (tableau 21.1). Contrôle des apports sodés
Dans la plupart des cas, il est conseillé de pres-
Contrôle des désordres
crire un régime apportant moins de 5 à 6 g de
du métabolisme glucidique NaCl soit moins de 80 à 100 mmol de Na élément.
Il doit faire appel aux mêmes principes que ceux Cette attitude est recommandée aussi bien chez le
qui ont été développés dans les autres chapitres : patient ayant une insuffisance rénale chronique
contrôle des apports glucidiques aux alentours de non dialysé que chez les personnes déjà soumises
45 à 50 % de l'apport énergétique total, limitation à des séances d'épuration rénale par dialyse.
des apports en glucides à fort pouvoir hyperglycé-
miant. Quand le patient est obèse, une restriction
calorique doit être envisagée. Toutefois, le niveau
Traiter les carences en vitamines
de l'apport calorique ne devrait pas descendre en et en minéraux
dessous de 2 000Ŕ2 100 kcal/j car il faut garder en L'insuffisant rénal chronique souffre fréquem-
mémoire que tout régime de restriction calorique
ment de carences vitaminiques et en oligoélé-
s'accompagne d'une perte de masse maigre et
ments. Ces carences sont liées aux perturbations
du métabolisme rénal, à des apports alimentaires
Tableau 21.1. Valeur biologique des protéines insuffisants et à des troubles de l'absorption intes-
en fonction de leurs sources alimentaires. tinale. Quand le sujet est traité par séances d'épu-
ration extrarénale, la carence en minéraux et
Protéines alimentaires Valeur biologique (%) vitamines peut être aggravée par des pertes exces-
Œuf 95 sives dans les bains de dialyse. Les supplémenta-
Lait et produits laitiers 80 tions vitaminiques journalières recommandées
sont indiquées sur le tableau 21.2. À noter que ces
Viande 75
supplémentations peuvent être obtenues grâce
Céréales et graines 60 à l'administration d'une tablette de préparation
oléagineuses
multivitaminique commercialisée sous des noms
Légumineuse 60 divers. Pour la vitamine D, les supplémentations
La valeur biologique d'une protéine est définie comme le rapport doivent être fixées en fonction de la calcémie, de
de l'azote (N) fixé sur les tissus/l'azote (N) absorbé. la phosphorémie et du statut osseux du patient.

229
Partie III. Comment personnaliser les mesures diététiques

Tableau 21.2. Supplémentations vitaminiques Apports en calcium


journalières recommandées chez les patients
ayant une insuffisance rénale chronique.
Ils devraient être augmentés, mais les possibilités
diététiques restent limitées car les aliments les plus
Vitamines Supplémentation riches en calcium comme les produits laitiers sont
journalière également riches en phosphates. Pour assurer un
Vitamine B1 (thiamine) 1,1 à 1,2 mg apport calcique suffisant, de 800 mg par jour envi-
ron, on peut faire appel si nécessaire à des prépa-
Vitamine B2 (riboflavine) 1,1 à 1,3 mg
rations médicamenteuses apportant du calcium.
Vitamine B6 (pyridoxine) 10 mg
Vitamine C (ac. ascorbique) 75 à 90 mg Apports en potassium
Vitamine B9 (ac. folique) 1 mg Ils doivent être en général diminués. Pour cela
Vitamine B12 (cobalamine) 2,4 mg on conseille aux patients de réduire leur consom-
Vitamine B3 (niacine, 14 à 16 mg
mation d'aliments riches en potassium : légumes,
nicotinamide, ac. nicotinique, fruits, fruits secs, chocolat. Le cas échéant, on peut
vitamine PP) faire appel à des résines échangeuses d'ions type
Vitamine B8 (biotine) 30 mg
Kayexalate® qui visent à limiter l'absorption diges-
tive du potassium. Toutefois, il convient de noter
Vitamine B5 (ac. pantothénique) 5 mg que pendant la période d'insuffisance rénale qui
Vitamine A (rétinol) 700 à 900 mg précède les dialyses (lorsque la filtration gloméru-
Vitamine E 400 à 800 UI laire est comprise entre 10 et 50 mL/min/1,73 m2),
Vitamine K 90 à 120 mg
on peut voir des hypokaliémies chez des patients
traités par des diurétiques de l'anse comme le
D'après: Fouque D, Vennegoor M, ter Wee P, Wanner C, Basci A, furosémide. Ces hypokaliémies peuvent survenir
Canaud B et al. EBPG guideline on nutrition. Nephrol Dial Transplant également en cas de pertes digestives (vomisse-
2007; 22(Suppl 2) : i45-87.
ments, diarrhées). Elles doivent être corrigées
Étant donné que l'insuffisance rénale chronique car elles risquent de conduire à des troubles du
rythme cardiaque. La correction doit se faire
est associée à un défaut de transformation de la
grâce à des préparations médicamenteuses à base
25-(OH)-vitamine D en 1,25-(OH)2-vitamine
de sel de potassium, mais en prenant la précaution
D par défaut enzymatique de la 1α­hydroxylase de surveiller la kaliémie car on risque de passer
rénale, il faut donner la préférence aux prépara-
rapidement de l'hypokaliémie à l'hyperkaliémie
tions déjà hydroxylées en position 1 : 1α­(OH)­
chez des patients insuffisants rénaux chroniques
vitamine D (Un-Alfa®) ou 1,25-(OH)2-vitamine
qui ont perdu la capacité de réguler de manière
D (Rocaltrol®). Pour les apports minéraux, cer- fine le métabolisme du potassium.
tains doivent être augmentés, tandis que d'autres
doivent être restreints.
Acidose métabolique
Apports en phosphates Elle devra être corrigée par une supplémentation
Pour éviter l'hyperphosphorémie, l'apport en en bicarbonate de sodium de l'ordre de 2 à 4 g par
phosphate doit être limité et compris entre 800 et jour, la dose étant établie à partir du taux de bicar-
1 000 mg par jour. Le problème est que les phos- bonates plasmatiques. Cette précaution est sur-
phates sont souvent associés à l'apport protéique, tout valable chez les sujets dialysés, mais elle l'est
lequel doit être augmenté chez l'insuffisant rénal également dans la période qui précède la dialyse.
chronique dialysé. Les séances d'hémodialyse ne
peuvent éliminer qu'une quantité limitée de phos- Apports en oligoéléments
phates (500 à 700 mg par dialyse). Pour cette rai-
son, la balance phosphorée est souvent positive. Trois d'entre eux sont particulièrement concernés :
Pour rééquilibrer cette balance, il est indispen- • le fer : apport conseillé de 8 à 15 mg/j ;
sable de prescrire des fixateurs digestifs du phos- • le zinc : 8 à 15 mg/j ;
phore qui sont pris au moment des repas. • le sélénium : 55 mg/j.

230
Chapitre 21. Prescrire un régime chez un diabétique ayant une insuffisance rénale chronique

Conduite pratique du régime Ŕ 1 Eq pain (1 petit pain de 50 g) = 5g


Ŕ 3 Eq lait qui apportent 3 fois 7 g de protéines = 21 g
Chez un patient ayant Total protides = 56 g
une insuffisance rénale chronique
Deuxième étape : remplir l'objectif
avancée (en général filtration
2 glucidique (Y2 = 250 g)
glomérulaire < 30 mL/min/1,73 m )
• En reportant les glucides apportés par les ali-
Dans cette situation, il faut réduire les apports pro- ments utilisés pour le remplissage de l'objectif
téiques pour éviter l'accumulation de déchets azo- protidique (Y1 g).
tés. Toutefois, il faut maintenir un apport suffisant
Ŕ 1 petit Eq viande = 0g
en protéines (apport de sécurité) afin d'éviter la
fonte de la masse maigre et les états de dénutrition. Ŕ 1 Eq pain = 25 g
L'apport protéique est en général fixé à 0,8 g de Ŕ 3 Eq lait répartis :
protéines/kg/j en privilégiant comme nous l'avons
- en lait (200 mL) = 10 g
indiqué plus haut les aliments contenant des pro-
téines à haute valeur biologique. - en 2 yaourts = 10 g
L'apport calorique énergétique devrait être com- - en 30 g de fromage =g
pris entre 30 et 40 kcal/kg de poids idéal/j. Si nous Y1 = 45 g
prenons une personne dont le poids idéal est de
55 kg, ceci correspond à un apport aux alentours • En complétant pour atteindre Y2 : il faut trou-
de 1 900 kcal/j. Pour une personne ayant un poids ver 250 Ŕ 45 = 205 g de glucides.
idéal à 70 kg, c'est un apport compris entre 2 100
et 2 200 kcal/j qu'il faudrait recommander. Ces Ŕ Avec 5 portions de fruits = 12 × 5 = 60 g
données permettent de constater qu'il est peu sou- et légumes de glucides
haitable de préconiser des régimes restrictifs tels Ŕ Avec 6 portions de féculents = 25 × 6 = 150 g
qu'on peut les recommander chez des personnes de glucides
diabétiques obèses n'ayant pas d'atteinte des fonc- Par exemple :
tions rénales.
- 2 portions de pomme de terre
Pour illustrer ces recommandations, nous allons
(2 grosses pommes de terre)
donner l'exemple d'un patient diabétique pesant
70 kg et pour lequel l'apport calorique doit être fixé - 240 g de riz
à 2 200 kcal/j. Dans ce cas de figure, l'apport proti- - 240 g de pâtes alimentaires
dique doit être fixé à 0,8 g/kg/j, soit 56 g/j. L'apport Y2 Ŕ Y1 (réel) = 210 g de glucides
glucidique peut être fixé à 45Ŕ50 % des calories
Total glucides = Y2 = 210 + 45 = 255 g de glucides
totales. Si nous choisissons un pourcentage à 45 %,
la quantité de glucides à fournir par 24 heures est
égale à [2 200 × 0,45]/4 = 250 g de glucides. En Troisième étape : remplir l'objectif
accord avec la méthode que nous avons proposé calorique (Z2 = 2200 kcal)
dans le chapitre 15, il convient de hiérarchiser les • En reportant les calories apportées par les ali-
objectifs en respectant la séquence suivante : ments utilisés pour le remplissage des objectifs
• objectif protidique en premier soit 56 g ; protidiques et glucidiques (Z1 calories).
• objectif glucidique en second soit 250 g ;
• objectif calorique en dernier soit 2 200 kcal. Ŕ 1 petit Eq viande = 150 kcal
Ŕ 1 Eq pain = 120 kcal
Première étape : remplir l'objectif
Ŕ 3 Eq lait = 360 kcal
protidique (X = 56 g)
Ŕ 5 portions de fruits et légumes = 250 kcal
Ŕ 10 g de protéines «forfaitaires » = 10 g
Ŕ 6 portions de féculents = 720 kcal
Ŕ 1 petit Eq viande (100 g) qui apporte 20 g = 20 g
de protéines Z1 = 1 600 kcal

231
Partie III. Comment personnaliser les mesures diététiques

• En complétant pour atteindre Z2 (2 200 kcal). pour lequel on a fixé l'apport calorique à
Il faut trouver Z2 Ŕ Z1 = 2 200 Ŕ 1 600 = 600 kcal. 2 200 kcal/j. Dans ce cas, il est dialysé avec un
Ŕ Avec 6,5 Eq de corps = 6,5 × 90 = 585 kcal apport protidique à 1,2 g/kg/j, soit 84 g par
gras jour. L'apport glucidique comme précédemment
est fixé à 45 % des calories totales soit [2 200 ×
Le total des calories Z2 = 2 185 kcal
obtenues est : 0,45]/4 = 250 g de glucides.
Les objectifs sont les suivants :
Le calcul est illustré sur la figure 21.2. • protides = 84 g ;
• glucides = 250 g ;
• calories = 2 200 kcal.
Chez un patient ayant Première étape : remplir
une insuffisance rénale l'objectif protidique (X = 84 g)
chronique dialysée Ŕ 10 g de protéines «forfaitaires » = 10 g
Dans cette situation, pour éviter toute dénutrition Ŕ 2 Eq viande (125 g) qui apportent 2 fois = 50 g
25 g de protéines
protéique et dans la mesure où l'élimination des
déchets azotés est assurée par les séances d'hémodia- Ŕ 2 Eq pain soit 2 fois 5 g de protides = 10 g
lyse, l'apport protidique doit non seulement être égal Ŕ 3,5 Eq lait qui apportent 3,5 fois 7 g de = 24,5 g
aux ANC (0,8 g/kg de poids corporel/j), mais il doit protéines
même être légèrement supérieur (1,2 par kg de poids Total protides = 84,5 g
corporel/j). Comme dans le cas précédent, l'apport
protéique doit être assuré par des aliments riches en
Deuxième étape : remplir l'objectif
protides et à haute valeur biologique : œufs, viandes,
glucidique (Y2 = 250 g)
produits laitiers. L'apport calorique doit être en
moyenne de 35 kcal par kg de poids idéal et par jour. • En reportant les glucides apportés par les ali-
Comme dans le cas précédent, prenons ments utilisés pour le remplissage de l'objectif
l'exemple d'un patient diabétique pesant 70 kg protidique (Y1 g).

Z2

Objectif calorique Corps gras à ajouter 6,5 portions


(Z2 = 2 200 kcal/j) de
pour atteindre
corps
l’objectif calorique
gras
Y2 Z1
6 portions de
Objectif glucidique féculents
(Y2 = 250 g/j) (150 g de Glu) Z1 = 1 600 kcal
Aliments à ajouter 5 portions
pour atteindre =
d’Eq fruits Quantité de
l’objectif glucidique et/ou légumes
calories
Soit 60 g de
apportées par
glucides
Y1 tous les
1 Eq Pain 45 g de aliments
Objectif protidique
en dehors
(X = 56 g/j) 3 Eq Lait glucides des corps
apportés par gras
1 Eq Viande les aliments
(petit) riches en
10 g protides
“forfaitaires”
Colonne des Colonne des Colonne des
aliments riches apports apports
en protides glucidiques caloriques
Figure 21.2. Illustration du remplissage des objectifs protidique (X), glucidique (Y2) et calorique
(Z2) chez un patient diabétique ayant une insuffisance rénale chronique non dialysée.
Dans le cas pris pour exemple : X = 56 g de protides, Y2 = 250 g de glucides et Z2 = 2200 kcal. Le calcul a été effectué à
partir de la connaissance des teneurs nutritionnelles des différentes portions décrites sur les figures 15.5, 15.6 et 15.7.

232
Chapitre 21. Prescrire un régime chez un diabétique ayant une insuffisance rénale chronique

Ŕ 2 Eq viande = 0 g de glucides Ŕ 2 Eq viande = 360 kcal


Ŕ 2 Eq pain soit 2 fois 25 g de = 50 g Ŕ 2 Eq pain = 240 kcal
glucides
Ŕ 3,5 Eq lait = 420 kcal
Ŕ 3 Eq lait répartis : = 250 kcal
Ŕ 5 portions de fruits et
- en lait (200 mL) = 10 g légumes
- en 2 yaourts = 10 g – 5 portions de féculents = 600 kcal
- en 30 g de fromage = 0g Z1 = 1 870 kcal
Y1 = 70 g
• En complétant pour atteindre Z2 (2 200 kcal). Il
• En complétant pour atteindre Y2 : il faut trou- faut trouver Z2 Ŕ Z1 = 2 200 Ŕ 1 870 = 330 kcal.
ver 250 Ŕ 70 = 180 g de glucides. Ŕ Avec 3,5 Eq de corps gras = 3,5 × 90 = 315 kcal

Ŕ Avec 5 portions de fruits 12 × 5 = 60 g de glucides Le total des calories Z2 = 2 185 kcal


obtenues est :
et légumes
Ŕ Avec 5 portions de 25 × 5 = 125 g de
féculents Le calcul est illustré sur la figure 21.3.
glucides
Y2 Ŕ Y1 (réel) = 185 g de
glucides
Total glucides Y2 = 185 + 70 = 255 g Quelques remarques
de glucides
supplémentaires
Troisième étape : remplir l'objectif
calorique (Z2 = 2200 kcal) Stimuler les prises alimentaires
• En reportant les calories apportées par les ali- Dans la mesure où les insuffisants rénaux chro-
ments utilisés pour le remplissage des objectifs niques ont souvent un état d'inappétence, il faut
protidiques et glucidiques (Z1 calories). stimuler les prises alimentaires en leur offrant une

Z2

Objectif calorique Corps gras à ajouter 3,5 portions


(Z2 = 2200 kcal/jour) de
pour atteindre
corps
l’objectif calorique
gras
Y2 Z1
5 portions de
Objectif glucidique féculents
(Y2 = 250 g/j) (125 g de Glu) Z1 = 1 870 kcal
Aliments à ajouter 5 portions
pour atteindre =
d’Eq fruits Quantitéde
l’objectif glucidique et/ou légumes
calories
Soit 60 g de
apportées par
glucides
Y1 tous les
2 Eq Pain 70 g de aliments
Objectif protidique
en dehors
(X = 84 g/j) 3,5 Eq Lait glucides
descorps
apportés par
gras
2 Eq Viande les aliments
riches en
10 g protides
“forfaitaires”
Colonne des Colonne des Colonne des
aliments riches apports apports
en protides glucidiques caloriques
Figure 21.3. Illustration du remplissage des objectifs protidique (X1), glucidique (Y2) et calorique
(Z2) chez un patient diabétique ayant une insuffisance rénale chronique dialysée.
Dans le cas pris pour exemple : X = 84 g protides, Y2 = 250 g de glucides et Z2 = 2200 kcal. Le calcul a été effectué à
partir de la connaissance des teneurs nutritionnelles des différentes portions décrites sur les figures 15.5, 15.6 et 15.7.

233
Partie III. Comment personnaliser les mesures diététiques

alimentation ayant une bonne qualité gustative. Le hyperglycémie. Ceci implique que le jour avec
maintien d'un apport lipidique correct (6,5 portions dialyse le sujet est à risque d'épisode hypogly-
de corps gras dans le premier régime et 3,5 dans le cémique en fin de séance. Dans ces conditions,
second) est indispensable pour assurer l'onctueux. il est peut-être recommandé de baisser de 3 ou
Dans la mesure où le régime doit être hyposodé, 4 unités la dose de glargine U100 qui est injectée
il est toujours possible d'introduire des boissons la veille avant le repas du soir. En fin de dialyse,
sucrées ou des entremets sucrés pour stimuler l'ap- il est souvent recommandé de prendre le repas
pétit. Dans ces conditions, il est préférable d'avoir du soir immédiatement et de commencer par des
quelques dérives hyperglycémiques que d'avoir un glucides rapides pour éviter les épisodes hypo-
patient qui devient dénutri par manque d'appétit. Si glycémiques qui peuvent survenir au moment
l'on voit que le sujet est inappétent, il faudra rem- du « débranchement » du patient. Enfin, il est
placer des portions de féculents par des entremets recommandé vers 17 heures de faire un contrôle
sucrés par exemple. De toute manière, on a toujours glycémique. Si ce dernier montre une glycémie
la possibilité d'utiliser des édulcorants intenses un peu basse, il faut prévoir une collation appor-
pour apporter le goût «sucré». tant une vingtaine de grammes de glucides.

Répartition des prises glucidiques


Tant que le sujet n'est pas dialysé, on peut appli- Conclusion
quer la règle générale : 1/5ème des calories gluci-
diques au petit déjeuner et 2/5ème au moment La survenue d'une insuffisance rénale chro-
des deux autres repas. Si le sujet est insuliné, on nique chez un patient diabétique, en particu-
retombe dans le cas général des collations telles lier lorsqu'il est traité par insuline, introduit de
que nous les avons décrites dans le chapitre 20. nouveaux problèmes nutritionnels qui doivent
Quand le sujet est dialysé, les prises gluci- être bien maîtrisés si l'on souhaite que le diabète
diques peuvent être soumises à une modulation soit correctement équilibré et si l'on veut éviter
en fonction de l'horaire des séances de dialyse. les états de dénutrition. C'est à ce niveau que les
Si le patient est insuliné, les horaires et les doses supplémentations vitaminiques sont indispen-
des injections d'insuline devront également sables et que les apports en minéraux doivent
tenir compte des horaires des séances de dialyse. être contrôlés : restriction pour le sodium et le
Il est impossible dans ce chapitre de prendre en potassium, apports suffisants en calcium. C'est
compte tous les cas de figure. Pour cette raison, pour cette raison que dans les deux exemples
nous nous contenterons d'en prendre un seul : de régime que nous avons donnés, nous avons
le cas d'un sujet diabétique de type 2 traité nor- maintenu 3 à 3,5 équivalents lait. Sachant qu'un
malement les jours sans dialyse par une injec- équivalent lait (Eq lait) apporte environ 200 mg
tion d'analogue lent de l'insuline (1 injection de Ca et que l'apport forfaitaire est de l'ordre
de glargine U100 : 20 unités avant le dîner). de 400 à 500 mg/j, on peut estimer l'apport cal-
Supposons que le patient prenne les jours de cique des deux régimes que nous avons pris pour
dialyse trois repas par jour avec la répartition exemples aux alentours de 1 000 à 1 200 mg/j.
glucidique suivante : 50 g de glucides le matin, Il convient de se rappeler qu'un sujet adulte
100 g à midi et 100 g le soir. Supposons que la sain a en général un apport calcique de l'ordre
séance d'hémodialyse démarre à 13 heures et se de 800 mg par 24 heures. Dans ces conditions,
termine à 19 heures avec une séance un jour sur les deux régimes que nous proposons assurent
deux. Au cours de la séance de dialyse, il peut un apport en calcium plus élevé que celui qui
y avoir un transfert assez important de glucose est recommandé chez un sujet adulte en bonne
dans le liquide d'hémodialysat si le sujet est en santé, ce qui est le but recherché.

234
Transformer les aliments CHAPITRE
22
industriellement :
comment? Pourquoi ?
Est-ce utile pour le diabétique
et pour le consommateur en général ?
L. Monnier, C. Colette

PLAN DU CHAPITRE de la cuisson que pratiquaient nos ancêtres autour


Un peu d'histoire et quelques réflexions générales 237 d'un feu de bois. La plus grande révolution ali-
Quelques données pratiques sur la dégradation et la mentaire fut ultérieurement celle du néolithique
transformation des aliments 238
10 000 ans avant notre ère. Au cours de cette étape
Quelques données pratiques sur la technologie
alimentaire : la physicochimie des aliments 246 cruciale, les hommes passent sur quelques cen-
Quelques données supplémentaires en prenant pour taines d'années du statut de cueilleurs-chasseurs
exemple les transformations des produits laitiers 252 préhistoriques à celui d'agriculteurs-éleveurs. La
Différences d'apport glucidique avec deux régimes transformation de denrées telles que les céréales
isocaloriques quand on substitue des produits et les produits laitiers conduit à la production de
alimentaires allégés à leurs référents non allégés 259
Conclusion 260
pain, d'huiles végétales et de dérivés du lait (fro-
mages, beurre), produits alimentaires inconnus
jusque-là. Les premières productions de sucre
à partir de cannes à sucre cultivées aux Indes
Un peu d'histoire et quelques et découvertes par les Perses ont certainement
débuté cinq siècles avant notre ère. Elles diffu-
réflexions générales sèrent progressivement vers d'autres contrées au
cours des siècles qui suivirent. Le sel fut utilisé
Depuis toujours l'homme, au cours de sa longue pour la première fois comme conservateur deux à
histoire, a cherché à transformer les aliments pour trois siècles avant notre ère.
améliorer leurs qualités gustatives et leurs capa- Le XVIIIe et le XIXe siècle furent marqués par
cités de conservation permettant une disponibi- la découverte majeure de procédés de trans-
lité alimentaire plus régulière sur des périodes formation alimentaire auxquels sont attachés
de temps prolongées. Si l'on ne connaît pas les noms de plusieurs scientifiques français :
grand-chose de l'alimentation des tout premiers Nicolas Appert pour le procédé de stérilisation,
hommes, on sait cependant depuis la décou- Louis Pasteur pour le procédé de pasteurisation
verte de la grotte de l'Arago, près de Perpignan, et pour la découverte des réactions de fermenta-
©2018,ElsevierMassonSAS.Tousdroitsréservés

que l'homme de Tautavel, forme européenne de tion qui sont impliquées dans la fabrication de
Manueldenutritionpourlepatientdiabétique

l'Homo erectus, fut à l'origine de la découverte nombreux produits alimentaires et de boissons,


du feu, il y a environ 400 000 ans. Passant du et Louis-Camille Maillard pour la découverte de
stade de consommateur de viande crue (le plus la réaction de brunissement qui concerne à la fois
souvent des charognes ramassées au gré de ses la production des arômes alimentaires, mais aussi
pérégrinations) à celui de viande cuite, l'homme leur dégradation.
de Tautavel découvrit sans le savoir le premier Aujourd'hui, la chimie a fait de plus en plus
procédé thermique de conservation alimentaire irruption dans nos assiettes. Les additifs alimen-
connu, c'est-à-dire la cuisson. Les procédés ther- taires (conservateurs, agents gélifiants, colorants,
miques tels que la pasteurisation et la stérilisation antioxydants, arômes divers, édulcorants…) en
ne sont que le prolongement, certes fort lointain, sont l'expression la plus visible. Leurs buts sont

237
Partie IV. Grandes questions et idées fausses

d'améliorer la qualité des aliments et d'augmenter de pression, qui trouvent que l'information est
leur sécurité sanitaire. Toutefois, la chimie ali- biaisée car trop favorable à certains produits
mentaire est de plus en plus décriée et les additifs alimentaires ou à l'inverse trop défavorable à
sont l'objet de débats incessants au cours desquels d'autres. Si dans les lignes qui suivent nous pou-
s'affrontent «supporters » et «détracteurs ». Dans vons aider le médecin prescripteur et le patient
ce contexte, où le consommateur a de la peine à à retrouver leur chemin dans le dédale des pro-
séparer le vrai du faux, se développent des peurs duits proposés, ce chapitre pourrait être considéré
multiples plus ou moins fondées. Certains consi- comme utile, voire même indispensable.
dèrent que l'industrie agroalimentaire est surtout
mobilisée par les profits immédiats et reste peu
disposée à fournir toutes les informations objec-
tives et claires que tout consommateur est en droit
Quelques données
d'attendre quel que soit son état de santé. Ainsi, le pratiques sur la dégradation
but de ce chapitre est d'essayer, autant que faire et la transformation des aliments
se peut, de démêler le vrai du faux en sachant que
cette tâche est difficile. C'est pour cette raison Dégradation des aliments
que nous essayerons de rester le plus objectif pos-
sible en rappelant cependant quelques données Tout consommateur sait que tous les aliments se
essentielles : l'espérance de vie n'a jamais été aussi dégradent sous l'influence de l'oxydation, de la
longue que de nos jours, les grandes épidémies chaleur, de l'exposition à la lumière, des modifi-
ou intoxications alimentaires qui se propageaient cations de pH, mais surtout sous l'influence de
autrefois sur une grande échelle ont aujourd'hui l'action de micro-organismes dont il convient
disparu du paysage sanitaire des pays dits «déve- d'éviter la prolifération. Toutefois, ces micro-
loppés ». Les contrôles et les normes sur la qualité organismes ne sont pas l'enfer promis au consom-
des aliments définis par les organismes nationaux mateur. S'ils ne sont pas pathogènes, ils peuvent
et internationaux (Food and Drug Administration être utiles, voire même indispensables. N'oublions
ou FDA et European Food Safety Authority ou pas que ce sont les réactions de fermentation
EFSA) n'ont jamais été aussi nombreux. D'autre découvertes par Louis Pasteur, qui permettent
part, l'information alimentaire ou nutritionnelle à certains aliments de s'enrichir en arômes. Le
par le canal des médias et d'internet n'a jamais roquefort sans Penicillium roqueforti et le camem-
été aussi abondante. D'ailleurs, c'est peut-être bert sans Penicillium camenberti resteraient des
cette dernière constatation qui pose le plus de pro- fromages insipides. C'est malheureusement à
blèmes. En effet, comme dans beaucoup d'autres ce triste sort que ces fromages sont condamnés
domaines, c'est la «profusion » qui peut conduire lorsqu'ils sont exportés aux États-Unis après une
à la confusion. La lecture des étiquettes, préco- stérilisation imposée par les autorités sanitaires
nisée par ceux qui font de l'information nutri- américaines, obsédées par la destruction de tous
tionnelle, reste un exercice délicat car la grande les micro-organismes même quand ils sont inof-
distribution a davantage tendance à «brouiller » fensifs et utiles pour conférer des arômes à des
les pistes qu'à clarifier la lecture des informations produits alimentaires qui en seraient dépourvus
théoriquement indiquées sur les emballages. La après avoir été soumis à une stérilisation abusive.
lecture simplifiée par des pastilles de couleurs Tout Européen qui a voyagé aux États-Unis a pu
différentes en fonction de la qualité nutritionnelle se faire une idée de la faible palatabilité (c'est un
«supposée » des produits commercialisés devrait euphémisme) des fromages français consommés
faciliter l'information. Toutefois, il n'est pas sûr sur le continent Nord-Américain.
qu'elle réponde à toutes les questions car elle Dans un autre registre, l'adjonction de sucre, de
risque de rester limitée à des informations rela- sel, le séchage et le fumage font partie des procé-
tivement simplistes, les pastilles rouges étant par dés ancestraux utilisés pour la conservation des
exemple attribuées aux aliments trop riches en sel, aliments Au IIe millénaire avant J.-C., c'est-à-dire
en sucre, en acides gras saturés. De toute manière, avant la fondation de Rome, la salaison était uti-
cette mesure est déjà contestée par divers groupes lisée comme méthode de conservation pour les

238
Chapitre 22. Transformer les aliments industriellement : comment ? Pourquoi ?

viandes, les poissons, les olives. Le séchage et le (ultra-haute température) qui peut être conservé
fumage sont des moyens de conservation connus pendant 3 mois quand l'emballage reste fermé.
depuis l'antiquité. La fumée contient de nombreux À l'inverse de la pasteurisation, la stérilisation
composés volatiles, comme l'acétaldéhyde, l'acé- détruit les micro-organismes présents dans le
tone, des phénols et polyphénols qui ont un pou- produit.
voir antiseptique dont nos ancêtres, utilisateurs
du fumage, ignoraient le mécanisme d'action. Le
sel, conservateur de base de nombreux produits Conservation par le froid :
alimentaires, a été pendant plusieurs siècles une réfrigération, congélation
denrée stratégique. Ce n'est pas par hasard que la et surgélation
gabelle avait été instaurée comme impôt par les
rois de France dès le Moyen Âge. Aujourd'hui, ces La réfrigération est un procédé de conservation à
procédés de conservation ancestraux sont tou- courttermeàunetempératurede2à5 °C.Ellen'em-
jours d'actualité et parfois même sur la sellette. La pêche pas la croissance des micro-organismes. Au
guerre incessante, livrée à juste titre par les nutri- contraire, la congélation bloque la croissance des
tionnistes et en particulier par les spécialistes micro-organismes sans pour autant détruire ceux
de l'hypertension artérielle aux industriels de qui sont déjà présents dans le produit. Même si la
l'agroalimentaire suspectés de saler abusivement croissance des micro-organismes est bloquée à
les aliments qu'ils produisent et commercialisent, partir de Ŕ3 °C, la température de sécurité utilisée
n'est qu'un épisode de plus à verser au dossier en congélation est de Ŕ18 °C. Pour certaines den-
de la saga du sel utilisé comme conservateur à rées alimentaires comme les poissons, les crèmes
travers les siècles. À ces procédés ancestraux de glacées, les températures de congélation sont plus
conservation des aliments sont venus se surajou- basses : Ŕ30 °C. La congélation peut détériorer les
ter les procédés de conservation thermiques par structures cellulaires des produits alimentaires
la chaleur (pasteurisation, stérilisation) ou par le lorsqu'elle est appliquée de manière trop lente. En
froid (réfrigération, congélation), les procédés de effet, toute congélation conduit à la formation de
conservation chimique (en agissant sur le pH, en cristaux de glace à l'intérieur des cellules lorsque
ajoutant des antioxydants et au sens le plus large la température du produit traverse la strate ther-
du terme des additifs alimentaires). La lyophilisa- mique comprise entre de + 4 et Ŕ4 °C (zone de for-
tion (version moderne du séchage) et l'irradiation mation maximale de cristaux de glace), (fig. 22.1).
des aliments viennent compléter cette liste. Plus le produit alimentaire restera longtemps
dans cette zone, plus la taille des cristaux de glace
Conservation par la chaleur : sera importante. C'est pour cette raison qu'une
pasteurisation et stérilisation congélation lente (baisse de température < 10 °C/
minute) entraîne la formation de cristaux de
D'un point de vue pratique, la pasteurisation est un glace relativement volumineux, qui dilacèrent les
procédé de chauffage à température relativement membranes cellulaires dont la rupture entraîne
peu élevée (+ 85 °C) pendant 15 à 20 secondes. un déplacement d'eau du milieu intracellulaire
La pasteurisation ne détruit pas les germes. Elle vers le milieu extracellulaire avec effondrement
stabilise le produit mais n'empêche pas la pro- des structures cellulaires au moment de la décon-
lifération ultérieure de micro-organismes. Ce gélation. La libération d'enzymes et de substrats
procédé est appliqué à la conservation du lait, des normalement emprisonnés dans le cytoplasme
jus de fruits et de conserves à base de fruits. Une accélère la dégradation des tissus qui se ramol-
boisson ou un produit alimentaire pasteurisé doit lissent pour revêtir un aspect peu présentable
être conservé à une température de 0 à 6 °C après après décongélation (fig. 22.2). Pour minimiser
ouverture et consommé en moins de 7 jours. La ces phénomènes d'effondrement des structures
stérilisation ou appertisation est un procédé de cellulaires (en particulier végétales), il faut rem-
conservation par application d'une température placer la congélation par la surgélation (congé-
élevée sur un intervalle de temps court : chauffage lation cryogénique) qui permet d'atteindre très
à 140Ŕ150 °C pendant 2 secondes pour le lait UHT rapidement une température très basse : Ŕ 40 °C.

239
Partie IV. Grandes questions et idées fausses

Température (° C)
20

15

10

Zone de formation maximum


0
des cristaux de glace

−5

−10

Congélation
−20 lente

Congélation
rapide
Temps
Figure 22.1. Effet de la vitesse de congélation sur le temps passé dans la zone de formation
maximum des cristaux de glace dans les structures cellulaires.
La durée du temps de passage dans cette zone est indiquée par les deux intervalles horizontaux et fléchés.
Macrocristaux
Exsudation +
d’eau
Effondrement cellulaire

Congélation
lente
Structurecellulaire
audépart

Décongélation

Surgélation

Préservation des
Microcristaux structures
d’eau
Figure 22.2. Effet de la congélation lente ou rapide (surgélation ou cryocongélation)
sur les structures tissulaires des aliments.
La surgélation, en conduisant à la production de cristaux de glace de petite taille, assure la préservation des structures
cellulaires. La congélation lente conduit à la formation de macrocristaux de glace à l'intérieur des cellules, à une rupture
des membranes cellulaires et à une désorganisation de l'architecture des cellules.

Dans ce cas, il y a formation de microcristaux D'un point de vue général, ce sont les procédés
sans éclatement des structures cellulaires. Ceci thermiques les plus intenses et les plus courts (sté-
permet de minimiser les phénomènes d'exsuda- rilisation et surgélation) qui assurent la meilleure
tion et de libération enzymatique au moment de préservation des qualités physiques (texture) et
la décongélation. organoleptiques des aliments.

240
Chapitre 22. Transformer les aliments industriellement : comment ? Pourquoi ?

Lyophilisation coefficient (aω) qui permet de quantifier la dis-


ponibilité de l'eau dans un aliment donné par
C'est un procédé basé sur l'élimination complète
rapport à sa disponibilité dans l'eau pure où les
de l'eau présente dans le produit alimentaire. molécules ont une liberté de mouvement égale
Sur le plan bactériologique, ce procédé est d'une à 100 % puisqu'elles ne sont liées à aucun subs-
sûreté absolue car aucun micro-organisme ne trat. Chaque fois que l'on introduit une substance
peut se développer sur un substrat totalement capable de fixer l'eau (sel, sucre, alcool) ou chaque
déshydraté : lait en poudre par exemple. fois que l'on réduit la teneur en eau d'un produit
Irradiation des aliments alimentaire (séchage, lyophilisation), on réduit la
mobilité des molécules d'eau par fixation sur la
par des rayonnements gamma substance introduite ou par augmentation de leur
C'est une méthode de préservation alimentaire qui liaison avec les constituants organiques déjà pré-
est destinée à détruire tous les parasites (insectes) sents dans le milieu. L'activité de l'eau pure est par
ou micro-organismes présents dans les produits définition égale à 1. Sur la figure 22.3, nous avons
céréaliers après la récolte. L'irradiation étant réalisée indiqué les possibilités de prolifération de micro-
par une source externe, le risque de contamination organismes (bactéries, levures, moisissures) en
radioactive est totalement absent. Il est donc indis- fonction de l'activité de l'eau.
pensable de préciser que la stérilisation par irra- • De manière schématique, tous les aliments dont
diation externe ne comporte aucun danger mais ce l'activité de l'eau est comprise entre 0,91 et 1 sont
procédé reste d'utilisation limitée car le mot «irradia- des substrats sur lesquels n'importe quel micro-
tion» a une connotation péjorative auprès du public. organisme (bactérien en particulier) peut proli-
férer. Tous les produits naturels appartiennent à
cette catégorie : fruits, légumes, œufs, viandes,
Diminution de l'activité de l'eau : poissons, lait… Certains produits transformés
un mécanisme à la croisée appartiennent également à ce groupe : fromages
des chemins de la plupart à pâte molle, pain, crèmes glacées. Tous les ali-
des procédés de conservation ments dont l'activité de l'eau est comprise entre
0,88 et 0,91 (fromages à pâte dure, saucisson
alimentaire sec…) sont de mauvais substrats pour les bacté-
L'activité de l'eau, à ne pas confondre avec la ries. En revanche, ils restent exposés à la proli-
concentration de l'eau dans un aliment est un fération des levures et des moisissures.

ACTIVITÉ DE L’EAU (a)


Activité de l’eau = 1 (eau libre)

Autres aliments
(n’importe quel micro-organisme peut proliférer)
0,91
Fromages à pâte dure, saucisson sec
(pas de prolifération bactérienne, mais levures et moisissures peuvent
0,88 proliférer)
Farine, riz
(pas de prolifération de levures, mais les moisissures peuvent
proliférer)
0,80
Aliments très riches en sel
Fruits secs
Confitures très sucrées
Pâtes alimentaires
Biscuits
(pas de prolifération de moisissures)

Activité de l’eau = 0 (produit lyophilisé)

Figure 22.3. Activité de l'eau dans les aliments en fonction de leur type.
Possibilité de prolifération de micro-organismes (bactéries, levures, moisissures) en fonction du niveau de l'activité de l'eau.

241
Partie IV. Grandes questions et idées fausses

• Entre 0,8 et 0,88, les levures sont incapables et nutritionnelles au cours du temps. Les corps
de pousser, mais la prolifération des moisis- gras utilisés dans l'alimentation, qu'ils soient
sures reste possible. C'est le cas pour le riz et les solides ou liquides, peuvent être dégradés soit
farines. Lorsque l'activité de l'eau est inférieure par oxydation (rancissement des graisses) soit au
à 0,80, aucun micro-organisme ne peut plus se cours du chauffage lorsqu'ils sont utilisés pour la
développer. Ce groupe de produits alimentaires cuisson des aliments.
englobe les confitures très sucrées, les aliments
très riches en sel, les fruits secs, les pâtes ali- Oxydation des lipides
mentaires, les biscuits.
Elle conduit à l'apparition d'espèces chimiques
Pour illustrer ces propos, prenons deux exemples.
(aldéhydes ou cétones) volatiles qui confèrent au
• Le premier est celui des confitures. Classiquement,
produit alimentaire qui a été oxydé une odeur
elles contiennent environ 60 g de glucides pour
rance et un goût désagréable. Tous les produits
100 g. En revanche, les confitures allégées dites
alimentaires qui contiennent des lipides peuvent
pour «diabétiques» ont une teneur glucidique
rancir, mais certains produits sont plus exposés
2 fois plus faible : 30 g pour 100 g, la majorité des
que d'autres à ce phénomène en particulier les
glucides étant sous forme de fructose dont le pou-
corps gras qui sont riches en acides gras polyin-
voir sucrant est plus élevé que celui du saccharose,
saturés. Ce sont donc les huiles végétales, riches
constituant majoritaire des confitures normales.
en acide linoléique (huile de tournesol, de maïs,
La faible teneur en glucides des confitures dites
de pépin de raisin) et en acide alpha-linolénique
pour diabétiques les expose aux proliférations de
(huile de colza, de soja, de noix), qui sont les
moisissures. En pratique quotidienne, toutes les
plus touchées par ce phénomène (cf. fig. 7.6). Le
ménagères savent que des filaments blanchâtres,
rancissement est une réaction en chaîne qui com-
dus à la prolifération de moisissures, apparaissent
porte plusieurs phases : initiation, propagation et
rapidement à la surface d'une confiture allégée si
terminaison.
le pot n'a pas été conservé au réfrigérateur après
ouverture. Ceci est lié au fait que l'activité de l'eau Phase d'initiation
dans les confitures allégées est supérieure à 0,80
Elle est caractérisée par la réaction d'un radi- .
alors qu'elle est inférieure à 0,80 dans les confitures cal libre (en général l'anion superoxyde OŔ2)
traditionnelles.
pourvu d'un électron « célibataire » particuliè-
• Le deuxième exemple est celui des produits lyo-
philisés tels que le lait en poudre. Aucun micro- rement agressif et qui va réagir avec un acide
gras polyinsaturé (R1H) présent dans.le produit
organisme ne peut se développer et proliférer
sur le lait en poudre tant qu'il n'a pas été recons- alimentaire. L'anion superoxyde (OŔ) est 2 lui-
titué. Sa sécurité d'emploi devrait donc être même fabriqué à partir de l'oxygène de l'air (O2)
totale. En fait, les épisodes de gastroentérites sous l'effet de la lumière ou de la chaleur. Ceci
sont fréquents dans certains pays du continent signifie que toute préparation d'huile végétale,
africain lorsque le lait en poudre est reconstitué ouverte, mal refermée, conditionnée dans une
avec une eau non potable contaminée. Ce n'est bouteille qui laisse passer les rayons lumi-
pas le produit initial qui pose problème mais neux et entreposée à température ordinaire,
l'eau qui a servi à sa reconstitution. Il est donc est un milieu de production idéal pour l'anion
indispensable qu'une information très précise superoxyde. Si cette production survient dans
soit prodiguée aux utilisateurs de lait en poudre un produit alimentaire pauvre en acides gras
dans tous les pays où l'eau ne répond pas aux polyinsaturés, l'anion superoxyde n'exercera
normes d'hygiène et de potabilité. pas son agressivité naturelle puisqu'il ne ren-
contrera pas de substrats susceptibles de déclen-
Dégradation des aliments cher la réaction en chaîne de rancissement. En
riches en lipides revanche, supposons que l'anion superoxyde
apparaisse dans un milieu riche en acides gras
L'une des questions posées régulièrement par les désaturés de la série ω6 (acide linoléique à deux
patients concerne la préservation des corps gras et doubles liaisons) ou encore plus désaturés de
la conservation de leurs qualités organoleptiques la série ω3 (acide alpha-linolénique et acide

242
Chapitre 22. Transformer les aliments industriellement : comment ? Pourquoi ?

eicosapentaénoïque, respectivement à trois ou Si le nombre n est élevé, la réaction en chaîne peut


cinq doubles liaisons). Dans ce cas, cette espèce conduire à la production d'un grand nombre de
particulièrement réactive de l'oxygène va réa- composés aldéhydiques et cétoniques, avec une
gir avec l'acide gras de structure générale R1H. odeur de «rance » d'autant plus forte que la réac-
L'électron célibataire de l'anion superoxyde va tion a été plus longue et plus intense.
être transféré sur l'acide gras qui va lui-même
Protection contre le rancissement
se transformer en radical libre R1°. Sous l'action
des graisses
de l'oxygène, le radical R1° va se transformer en
radical peroxyl R1OO° (fig. 22.4). Le rancissement des corps gras alimentaires
a deux conséquences : disparition d'un cer-
Phase de propagation
tain nombre d'acides gras polyinsaturés avec
Le radical R1OO° formé pendant la phase d'ini- réduction de la qualité nutritionnelle du pro-
tiation va transférer son électron libre sur un duit alimentaire et production de composés à
autre acide gras polyinsaturé (R2H) qui va à goût désagréable qui rendent le produit non
son tour se transformer en radical libre R2° puis consommable. Pour éviter le rancissement, il
en R2OO°. Le radical R1OO° en perdant son faut conserver les produits alimentaires dans
électron va capter un atome d'hydrogène pour des emballages ou des bouteilles opaques à la
donner un hydroperoxyde (R1OOH) et au-delà lumière et les stocker dans un endroit frais
des composés volatils comme les aldéhydes ou (réfrigérateur de préférence). Il convient d'évi-
les cétones. Leur odeur « rance » rend le produit ter autant que possible le contact avec l'oxygène
inconsommable. La réaction va ultérieurement de l'air en rebouchant soigneusement les bou-
se propager d'un acide polyinsaturé à un autre teilles d'huiles végétales et en recouvrant après
avec formation à chaque étape d'hydrope- chaque utilisation les corps gras solides (beurre,
roxydes, d'aldéhydes et de cétones. margarine) avec leur emballage d'origine. Pour
éviter ou freiner l'oxydation des corps gras, le
Phase de terminaison
fabricant ajoute le plus souvent des antioxydants
La réaction en chaîne s'arrête lorsque le dernier de type vitamine E. C'est ce qui est régulière-
radical libre d'acide gras Rn° rencontre un autre ment réalisé pour éviter l'oxydation des huiles
radical libre X°, pour donner par appariement des végétales polyinsaturées (type tournesol, maïs,
deux électrons libres, un composé stable Rn-X. pépin de raisin…). Il faut noter que si les corps

_
R1H Initiation
O2

R1OOH R1OO° R2H

Propagation
R2OOH R2OO°
R3H

R3OOH R3OO°

Terminaison
X° R3 − OOX
par un pontage
entre R3 et X
Figure 22.4. Différentes phases qui conduisent à l'oxydation et au rancissement des lipides
contenus dans les corps gras alimentaires représentés par le symbole RnH.
Chaque substrat réactif est affecté d'un électron libre. À partir du premier substrat réactif (l'anion superoxyde O2−)
se forme une chaîne de substrats réactifs (radicaux RnOO°) qui donnent naissance à des composés volatils.
Ce sont eux qui donnent l'odeur rance aux huiles végétales qui ont été l'objet de ces phénomènes d'oxydation.

243
Partie IV. Grandes questions et idées fausses

gras solides (margarines enrichies en acides l'acide oléique (une seule double liaison). Si l'on
gras ω6 ou ω3), ou les huiles végétales riches en prend comme exemple l'huile de tournesol, on
acides gras polyinsaturés sont les plus exposés peut considérer qu'à l'état de base (avant tout
au phénomène de rancissement, d'autres pro- chauffage) elle contient 60 % d'acide linoléique
duits alimentaires peuvent rancir à condition et 25 % d'acide oléique. Après 20 chauffages
de contenir une petite quantité d'acides gras successifs à 180 °C, la teneur en acide linoléique
polyinsaturés. Les viandes, en particulier quand passe de 60 à 45 % et celle de l'acide oléique
elles sont hachées, peuvent faire l'objet d'un de 25 à 23 %. Après 20 chauffages successifs
processus d'oxydation. Les poissons gras, même à 240 °C, la teneur en acide linoléique passe
surgelés, peuvent rancir au bout de quelques de 60 à 30 % et celle de l'acide oléique de 25
mois. L'entreposage du lait à basse température à 22 %. Ainsi, il apparaît que la perte d'acides
n'empêche pas totalement son oxydation. En gras polyinsaturés des huiles peut devenir
revanche, l'huile d'olive, riche en acide oléique importante après chauffages répétés et lorsque
(75 %), acide gras monoinsaturé, a peu tendance les températures sont élevées. En revanche, la
à s'oxyder. perte d'acides gras monoinsaturés est faible, de
l'ordre de 2 à 3 %.
Altération des corps gras
au cours du chauffage Production de composés nouveaux
Le chauffage peut modifier la composition des Les composés d'oxydation qui apparaissent
corps gras par disparition des acides gras polyin- au cours du chauffage sont de structures très
saturés et par apparition de composés nouveaux variables (fig. 22.5).
dont certains sont toxiques. • Les composés d'oxydation primaire sont consti-
tués par des hydroperoxydes d'acides gras. Ils
Perte d'acides gras insaturés
n'ont pas de toxicité connue car ils sont rapide-
Elle dépend du nombre et de la température des ment dégradés sans être stockés par les tissus de
chauffages, mais aussi de la nature des graisses. l'organisme.
Les acides gras polyinsaturés de l'huile de tour- • Les produits d'oxydation secondaire sont
nesol (acide linoléique à deux doubles liaisons) constitués par les oxymonomères et des oxy-
disparaissent en quantité plus importante que polymères. Ces derniers sont mal métabolisés

OH
Produits d’oxydation d’acides gras
O

PRIMAIRES
CH3 COOH (Hydroperoxydes)
OH
SECONDAIRES
CH3 COOH (Oxymonomères)
CH3 COOH (Oxydimères)
O et
CH3 COOH Oxypolymères

CH3 COOH Monomères cycliques

Hydrocarbures polycycliques
Benzopyrène

Figure 22.5. Composés d'oxydation qui apparaissent au cours du chauffage des acides gras
contenus dans les aliments

244
Chapitre 22. Transformer les aliments industriellement : comment ? Pourquoi ?

10 TOURNESOL

Pourcentagedecomposésnouveaux
(60 à 66 % d’ac. linoléique)

ARACHIDE
(50 à 60 % d’ac. oléique)
5
PALME
(40 à 50 % d’ac. palmitique)

0
0 5 10 15
Nombre de chauffages
Figure 22.6. Pourcentage de formation de composés nouveaux au cours du chauffage répété de
différentes catégories d'huiles végétales (palme, arachide, tournesol).
D'après : Causeret J. Chauffage des corps gras et risques de toxicité. Cah Nutr Diet 1982; 17 :19Ŕ33.

et ont tendance à être incorporés dans les


structures cellulaires où ils peuvent avoir des Au terme de ce paragraphe sur la dégradation
effets délétères. et la transformation, quelques recomman-
• Les produits d'oxydation secondaire consti- dations peuvent être formulées. Cinq d'entre
tués par des composés cycliques sont formés elles nous paraissent plus importantes que les
en quantité nettement plus faible que les autres :
oxymères non cycliques. En revanche, leur • un produit stérilisé, même s'il a été conservé au
potentiel toxique est beaucoup plus élevé. Les réfrigérateur, ne doit pas être consommé au-delà
benzopyrènes (hydrocarbures polycycliques) d'une semaine après sa première utilisation ;
• un produit surgelé ne doit pas être décon-
sont les plus toxiques mais ils n'apparaissent
gelé et recongelé de manière cyclique. En effet,
que dans des conditions extrêmes de chauf-
la surgélation est un procédé de conservation
fage, par exemple dans les grillades de viandes qui ne détruit pas les micro-organismes. Toute
ou de poissons. décongélation s'accompagne d'une relance de
Sur la figure 22.6, sont indiqués les pourcen- la prolifération des micro-organismes dont la
tages de composés nouveaux qui apparaissent quantité augmentera de manière plus ou moins
dans différents types d'huiles (tournesol, ara- rapide après chaque décongélation, même si une
chide, palme) lors du chauffage à 200Ŕ220 °C. recongélation lui succède ;
Cette production reste faible tant que le nombre • les produits alimentaires riches en sel ou en
de chauffages reste limité. Pour cette raison, sucre et ceux qui sont partiellement ou totale-
il est conseillé de ne pas réutiliser les huiles ment déshydratés sont peu exposés à la prolifé-
surtout lorsqu'elles sont riches en acides gras ration des micro-organismes. Cette propriété est
polyinsaturés. En effet, la production de com- liée à la diminution de l'activité de l'eau ;
posés nouveaux augmente avec le degré d'insa- • les corps gras solides et les huiles végétales
turation des huiles. L'huile de palme, riche riches en acides gras polyinsaturés doivent être
en acides gras (AG) saturés (40 à 50 % d'acide conservés au froid, à l'abri de la lumière et de l'air
palmitique) donne naissance à moins d'espèces sous peine de rancissement ;
nouvelles que l'huile d'arachide riche en AG • l'utilisation des bains de friture devrait être
monoinsaturés (50 à 60 % d'acide oléique), limitée à deux ou trois chauffages maximum
pour éviter la dégradation des acides gras polyin-
laquelle donne naissance à moins d'espèces
saturés et surtout pour éviter leur conversion en
nouvelles que l'huile de tournesol (60 à 66 %
espèces chimiques dangereuses pour la santé.
d'acide linoléique polyinsaturé).

245
Partie IV. Grandes questions et idées fausses

Quelques données pratiques au premier abord comme purement artisanal. Les


transformations du lait en fromages, en beurre,
sur la technologie alimentaire : en yaourts, en crèmes diverses, sont des procédés
la physicochimie des aliments industriels qui se sont affinés au cours du temps.
La fabrication de produits aussi anciens que le pain
La diversification des qualités organoleptiques ou les charcuteries relève également de transfor-
des aliments est une préoccupation de l'indus- mations que certains peuvent considérer comme
trie agroalimentaire qui ne fait que répondre à artisanales, mais qui en fait sont de plus en plus
la demande des consommateurs. Cette réponse réalisées industriellement. La deuxième consta-
consiste à améliorer le goût (la palatabilité) des tation est que les édulcorants, autour desquels
aliments, à les rendre plus onctueux, plus cra- certains groupes de pression ne cessent d'agiter
quants, plus croustillants, à améliorer leur aspect des polémiques, n'ont jamais induit d'effets secon-
extérieur (couleur, texture…), en somme à déve- daires à court ou à long terme au cours de leur utili-
lopper de nouveaux produits alimentaires. Ces sation, qui a maintenant démarré depuis plusieurs
réponses exigent des transformations physico- décennies et qui porte sur une grande échelle. De
chimiques qui reposent parfois sur des prouesses toute manière, cette consommation est surveillée
techniques. Certaines d'entre elles font appel à des et réglementée par des normes sévères formulées
additifs alimentaires dont l'utilisation est souvent par de nombreux organismes nationaux et inter-
ultérieurement décriée par certains organismes et nationaux. Le principe de précaution est passé par
certains groupes de consommateurs. Les trans- là. Il est devenu même un dogme quasi absolu.
formations physicochimiques appliquées aux Les industriels de l'agroalimentaire qui veulent
aliments devraient donc être analysées avec un commercialiser de nouveaux produits sont donc
certain recul tout en gardant un esprit critique. soumis à des contraintes de plus en plus sévères
Certaines de ces transformations n'ont probable- et il est bien certain que la sécurité alimentaire ne
ment aucun intérêt particulier si ce n'est d'appâ- peut que continuer à progresser, ce qui apparaît
ter le consommateur. D'autres sont certainement comme une excellente chose. Après ce préambule,
utiles quand elles permettent à certains patients nous allons prendre quelques exemples de trans-
(les diabétiques en font partie) de consommer des formations physicochimiques portant sur des pro-
aliments qui a priori leur seraient peu recomman- duits alimentaires dont la consommation peut être
dés. L'utilisation d'édulcorants («faux sucres »), de proposée, voire même conseillée, dans certaines
produits alimentaires allégés, peut être utile pour affections chroniques comme les états diabétiques.
de nombreux diabétiques qui veulent retrouver
le goût du sucré sans être obligés de consommer Substituts caloriques
des produits alimentaires riches en sucres rapides
à goût sucré (pâtisseries, entremets sucrés, frian- Ils sont utilisés pour la fabrication des aliments
dises diverses, biscuits, chocolat…). L'analyse dits « allégés ». Si on considère qu'un aliment est
de ces produits alimentaires nouveaux dont la un assemblage plus ou moins complexe de trois
texture et la composition sont modifiées par rap- variétés essentielles de nutriments (les glucides,
port à l'aliment traditionnel de référence auquel les lipides et les protéines), on peut alléger cet
ils sont censés ressembler exige de ne pas tomber aliment en remplaçant les parties glucidique ou
dans le piège qui consisterait à opposer le «natu- lipidique par des constituants dépourvus de calo-
rel » à «l'industriel ». La solution de facilité serait ries comme l'eau ou les édulcorants intenses. On
de considérer le premier comme paré de toutes peut également remplacer les constituants les plus
les vertus et le deuxième comme porteur de tous caloriques, c'est-à-dire les lipides (9 kcal/g) par
les défauts. Quelques constatations ou remarques des protéines ou des glucides (amidons modifiés)
simples permettent de comprendre que cette vision dont la teneur calorique est beaucoup plus faible
manichéenne ne correspond pas à la réalité. La (4 kcal/g) (fig. 22.7). Toutefois, la technologie de
première constatation est que «l'industriel » existe fabrication des allégés exige de préserver autant
depuis longtemps. Toute transformation des ali- que faire se peut leurs qualités organoleptiques
ments est un procédé industriel même s'il apparaît (saveurs, onctuosité, arômes). Cet objectif n'est

246
Chapitre 22. Transformer les aliments industriellement : comment ? Pourquoi ?

− Protides
Lipides
− Amidons modifiés
− Eau

− Édulcorants de charge
Glucides − Édulcorants intenses

Protides

Figure 22.7. Méthodes utilisées pour alléger un aliment.


Les glucides ou les lipides sont remplacés par des composants qui peuvent être soit dépourvus de calories, soit moins
caloriques.

7
Glucoseplasmatique(mmol/L)

Temps d’ingestion
4
Temps (min)
– 40 0 30 60 90 120 150 180
Figure 22.8. Réponse glycémique après ingestion de glucose (trait plein) ou de xylitol (trait
pointillé) chez des sujets témoins.
D'après : Natah SS, Hussien KR, Tuominen JA, Koivisto VA. Metabolic response to lactitol and xylitol in healthy men. Am J
Clin Nutr 1997; 65(4) : 947Ŕ50.

malheureusement pas toujours possible, ce qui à celui du saccharose qui est par définition égal
explique que le jugement qualitatif des consom- à 1. La valeur énergétique des sucres-alcools
mateurs soit fréquemment en défaveur du produit (polyols), même si elle est plus faible que celle
allégé par rapport à l'aliment de référence. des sucres (2,4 kcal/g au lieu de 4 kcal/g) est loin
d'être négligeable. Les produits alimentaires
qui en contiennent (bonbons «sans sucre » et
Utilisation des édulcorants chocolat «sans sucre ») doivent être évités ou
Qu'ils soient naturels ou non, les édulcorants utilisés de manière prudente par les personnes
ont pour dénominateur commun de conférer en excès pondéral. En revanche, leurs faibles
une saveur sucrée qui est perçue au niveau de index glycémiques (de l'ordre de 8 quand on
la langue. L'information est ensuite transmise et prend pour référence le glucose dont l'index
interprétée au niveau du système nerveux central. glycémique est égal à 100) en font des produits
Les édulcorants sont habituellement classés en intéressants chez les diabétiques en poids nor-
deux catégories : les édulcorants de charge et les mal. Sur la figure 22.8, nous avons illustré de
édulcorants intenses. manière comparative la réponse glycémique
• Les édulcorants de charge sont des sucres- après ingestion d'une quantité équivalente de
alcools (xylitol, sorbitol, mannitol) dont le pou- glucose et de xylitol, l'un des polyols les plus
voir sucrant est voisin ou légèrement supérieur utilisés comme édulcorant de charge.

247
Partie IV. Grandes questions et idées fausses

• Ce sont surtout les édulcorants intenses qui d'autres des accouchements prématurés chez les
sont utilisés comme substituts caloriques dans femmes enceintes, il n'y a aujourd'hui aucun élé-
les produits alimentaires. En effet, les édulco- ment permettant de dire que l'aspartame exerce
rants intenses ont un pouvoir sucrant qui est un quelconque effet délétère quand on reste dans
en général 100 à 300 fois supérieur à celui du les limites de la dose journalière autorisée (DJA
saccharose. Prenons l'exemple de l'aspartame = 40 mg/j/kg). Dans la mesure où 1 litre de Coca-
dont le pouvoir sucrant est égal à 200, ceci signi- Cola light contient 240 mg d'aspartame, il faudrait
fie que 25 mg d'aspartame (0,1 kcal) donnent la qu'un adulte boive plus de 10 litres de Coca-Cola
même perception sucrée qu'un morceau de sucre light par jour pour dépasser cette dose. De plus,
contenant 5 g de saccharose (20 kcal). Dès lors, il convient de noter que la DJA est calculée en
il est facile de comprendre pourquoi les édulco- divisant par 100 la DSEIO (dose sans effet indési-
rants intenses sont largement utilisés dans les rable observé) qui est de 4 000 mg/kg/j (fig. 22.9).
produits ou boissons allégés. L'exemple le plus Ceci signifie que le principe de précaution a été
typique est celui des sodas dits «light » qui sont appliqué de manière plus que stricte pour l'aspar-
dépourvus de tout apport calorique alors qu'un tame. Pour clore ce débat, nous ajouterons que la
soda normal apporte environ 40 kcal/100 mL. consommation quotidienne d'aspartame par per-
L'aspartame et l'acésulfame de potassium sont sonne dans l'Union européenne est en moyenne
les édulcorants les plus communément utilisés. de 4 mg/kg/j, soit 10 fois plus faible que la DJA
Ils entrent dans la composition des yaourts, des (fig. 22.9).
entremets et crèmes glacées allégés. L'acésulfame D'autres édulcorants intenses sont utilisés : le
de potassium a une structure chimique proche de sucralose (dérivé synthétique du saccharose sur
la saccharine, découverte il y a plus de 100 ans. lequel trois radicaux hydroxylés ont été remplacés
L'aspartame est un dipeptide méthylé constitué par trois atomes de chlore), le néotame (dérivé de
par de l'acide aspartique et de la phénylalanine. l'aspartame mais avec un pouvoir sucrant multi-
Sa seule vraie contre-indication est la phénylcé- plié par 4 000 par rapport au saccharose) et enfin
tonurie, maladie génétique rare qui touche envi- le rébaudioside A, plus connu sous le nom de
ron 1 enfant sur 27 000 naissances. En revanche, stévia.
l'aspartame est depuis plusieurs décennies la cible Ce dernier édulcorant mérite quelques com-
de croisades menées par des intégristes de la lutte mentaires supplémentaires car il bénéficie
anti-aspartame. Accusé par les uns de provoquer d'un préjugé favorable lié à son statut de pro-
des hépatocarcinomes chez les rongeurs et par duit «naturel ». Extrait d'une plante originaire

Consommation
DSEIO journalière
divisée est 10 fois
par 100 inférieure à
= DJA la DJA

1 2

DSEIO DJA Consommation


4 000 mg/kg/j 40 mg/kg/j moyenne d’aspartame
dans l’UE
4 mg/kg/j
Figure 22.9. Définition de la DJA (dose journalière autorisée) et de la DSEIO
(dose sans effet indésirable observé).
Application à l'aspartame et comparaison de la DJA et de la DSEIO avec la consommation moyenne quotidienne
par habitant dans l'UE (Union européenne).

248
Chapitre 22. Transformer les aliments industriellement : comment ? Pourquoi ?

d'Amérique du Sud (Stevia rebaudiana), il a un Protéines utilisées comme


pouvoir sucrant élevé : 200 à 300 fois celui du substituts lipidiques
sucre de table. Une faible partie est absorbée par Elles sont utilisées dans les crèmes glacées. Elles
le tube digestif. Elle est ensuite métabolisée au sont constituées par un mélange de protéines,
niveau du foie, puis éliminée par voie biliaire et issues du lait et de l'œuf, et par des agents de
urinaire. L'apport calorique est nul. La reproduc- texture indigestibles (gommes). Le plus difficile,
tion du goût sucré est excellente avec cependant quand on remplace des lipides par des protéines,
un arrière-goût de réglisse. Son utilisation dans les est de reproduire le caractère onctueux du produit
produits et boissons allégés ne cesse d'augmenter alimentaire. C'est pour cette raison que les crèmes
et pourrait progressivement se substituer à celle glacées allégées n'arrivent jamais à atteindre
de l'aspartame et de l'acésulfame de potassium. la palatabilité de leurs homologues tradition-
nels en dépit des efforts réalisés par l'industrie
Substituts caloriques alimentaire.
destinés à remplacer les lipides Amidons modifiés utilisés
Dans ce cas, la fraction lipidique de l'aliment est comme substituts lipidiques
en général remplacée par des nutriments diges- Les amidons modifiés sont utilisés dans la fabrica-
tibles mais moins caloriques que les lipides. tion des sauces industrielles et de certains desserts
Ces nutriments digestibles peuvent être des sucrés allégés et surgelés. Les chaînes d'amidon
protéines ou des amidons modifiés. Le but est de subissent une dénaturation (appelée rétrograda-
remplacer les lipides, qui fournissent 9 kcal/g, par tion) (fig. 22.10) au cours de leur refroidissement
des substrats dont le contenu énergétique est deux ou de leur congélation. Ce phénomène sera déve-
fois plus faible (4 kcal/g) : protéines ou amidons loppé de manière plus compacte un peu plus loin
modifiés. dans ce chapitre. Afin de préserver leur texture,

RÉTROGRADATION

AMIDONS MODIFIÉS
Figure 22.10. Les chaînes d'amidon sont des polymères du glucose à haut poids moléculaire.
Lors du refroidissement après chauffage, les chaînes d'amidon organisées en réseau sont soumises au phénomène de
rétrogradation (effondrement de la structure). Ce phénomène s'accompagne d'une exsudation des molécules d'eau
(représentée par les points noirs) qui sont normalement emprisonnées dans le réseau des chaînes d'amidon. Pour éviter
ces phénomènes, on peut modifier les amidons en insérant dans les chaînes des radicaux phosphorés (points blancs) qui
stabilisent la structure du réseau. Les molécules d'eau restent ainsi emprisonnées dans les mailles du réseau.

249
Partie IV. Grandes questions et idées fausses

on peut modifier les amidons en introduisant Pour fabriquer un corps gras solide (margarine
par exemple des radicaux phosphorés, qui stabi- au tournesol) à partir de l'huile de tournesol, il
lisent leur structure. Cette transformation permet est donc indispensable de réduire le pourcentage
au réseau des chaînes d'amidon de garder l'eau d'acide linoléique soit par interestérification soit
emprisonnée dans leurs mailles (fig. 22.10). Leur par hydrogénation.
texture est ainsi préservée donnant au consom- Le procédé d'interestérification consiste à faire
mateur une sensation en bouche qui reproduit au une recombinaison entre deux types de triglycé-
moins partiellement l'onctuosité des produits de rides, les uns provenant de l'huile de tournesol
référence : sauces et desserts glacés. À cet égard, (riche en acides gras polyinsaturés), les autres pro-
rappelons qu'une sauce traditionnelle est en géné- venant d'un corps gras riche en acides gras satu-
ral un mélange à parts égales d'eau et de lipides. rés. Par échange on obtient un corps gras ayant
une teneur intermédiaire en acides gras saturés
et polyinsaturés avec un point de fusion situé à
Traitement des corps gras mi-chemin entre celui de l'huile de tournesol et
alimentaires pour les faire passer celui du corps gras riche en acides gras saturés.
de l'état liquide à l'état solide En choisissant judicieusement les proportions
respectives des triglycérides riches en acides gras
Deux procédés peuvent être utilisés : l'interesté-
saturés et polyinsaturés, on peut obtenir un corps
rification et l'hydrogénation. Les corps gras ali- gras dont le point de fusion est supérieur à la tem-
mentaires sont constitués par des triglycérides pérature ambiante habituelle, c'est-à-dire qui reste
dont les fonctions alcool du glycérol sont estéri- solide à l'état normal.
fiées par des acides gras qui peuvent être saturés Le procédé d'hydrogénation consiste à trans-
ou désaturés. Le point de fusion du corps gras est former une partie des acides gras polyinsaturés
élevé quand l'acide gras est saturé, il diminue avec en acides gras saturés en hydrogénant les doubles
le degré de désaturation de l'acide gras. liaisons, c'est-à-dire en les faisant disparaître.
Le point de fusion est la température qui Malheureusement, ce procédé aboutit à la fabrica-
marque la frontière entre l'état liquide et solide tion d'isomères trans d'acides gras (les acides gras
du corps gras. En dessus du point de fusion, le naturels ont normalement une configuration cis).
corps gras est sous forme liquide, en dessous La transformation d'un acide gras désaturé en son
il est solide. À titre d'exemple, voici quelques isomère trans s'accompagne d'une linéarisation
points de fusion : de la chaîne carbonée avec perte des propriétés
• triglycérides constitués par de l'acide palmi- antiathérogènes et antithrombogènes de l'acide
tique (saturé) = 63 °C ; gras dont il est issu.
• triglycérides constitués par de l'acide oléique C'est pour cette raison que le procédé d'interes-
(monoinsaturé) = 13 °C ; térification est de plus en plus utilisé.
• triglycérides constitués par de l'acide élaïdique
(isomère trans monoinsaturé de l'acide oléique) Fabrication des corps gras allégés
= 44 °C ;
• triglycérides constitués par de l'acide linoléique Les régimes amaigrissants sont en général basés
(polyinsaturé) = Ŕ5 °C. sur une réduction des apports en graisses alimen-
Considérons les deux extrêmes : l'acide pal- taires car leur métabolisme est préférentiellement
mitique et l'acide linoléique. Un corps gras riche orienté vers le stockage dans le tissu adipeux.
en acide palmitique reste solide tant que la tem- La réduction des apports en graisses alimen-
pérature ne dépasse pas 63 °C. Ceci explique que taires est malheureusement accompagnée par
les margarines riches en acide palmitique soient une perte de la «palatabilité » alimentaire, car les
toujours solides à la température ambiante. En graisses sont vectrices de l'onctueux (l'une des
revanche, un corps gras riche en acide linoléique composantes majeures de la sensation en bouche)
devient liquide dès que la température est supé- mais également de nombreux arômes. Le consom-
rieure à Ŕ5 °C. C'est pour cette raison que l'huile mateur se trouve donc confronté à un dilemme :
de tournesol, qui contient 65 % d'acide linoléique perdre en qualité alimentaire pour perdre du
est toujours liquide à température ambiante. poids. L'utilisation de corps gras allégés est en

250
Chapitre 22. Transformer les aliments industriellement : comment ? Pourquoi ?

apparence une méthode qui pourrait concilier


ces deux faits a priori incompatibles. C'est pour
cette raison que l'industrie agroalimentaire pro-
pose au consommateur toute une variété de corps A
gras allégés (beurres ou margarines). Soulignons
d'emblée que les beurres et margarines normales
ont une teneur moyenne en graisses de l'ordre
de 85 %, les 15 % restant étant sous forme d'eau.
Un corps gras solide est considéré comme allégé
lorsque sa teneur en lipides est inférieure à 80 %, ce B
qui signifie que l'on introduit une quantité d'eau
croissante au fur et à mesure que l'on diminue le
Pôle lipophile Eau = phase dispersée
pourcentage en lipides. Les termes de margarines Émulsifiant
ou de beurres allégés utilisés par le grand public Pôle hydrophile
Huile = phase continue
ne sont pas reconnus par le Codex Alimentarius Figure 22.11. Émulsions d'eau dans l'huile.
pour lequel la dénomination légale est celle de L'eau est la phase dispersée et l'huile (lipides)
«pâtes à tartiner ». C'est sous cette dénomination la phase continue.
que ces produits alimentaires sont vendus par la A. Beurre normal dans lequel l'eau ne représente que
grande distribution. 15 % de la masse totale, tandis que la partie lipidique
Essayer de faire coexister dans le même milieu est de l'ordre de 85 %. B. Pâte à tartiner («beurre
une phase lipidique et hydrique est une mission allégé ») dans lequel une quantité d'eau supplémentaire
a été incorporée dans le produit alimentaire. Pour que
délicate car ces deux phases sont normalement l'émulsion eau dans l'huile reste stable, il est nécessaire
non miscibles. L'état qui permet leur cohabitation d'introduire des agents tensioactifs (émulsifiants
porte le nom d'émulsion dont la définition est la possédant un pôle lipophile et un pôle hydrophile). Ces
suivante : «état colloïdal caractérisé par l'exis- agents se disposent au niveau de l'interface eau/huile.
tence de particules dispersées (phase dispersée)
dans une phase liquide continue (phase continue) des monoglycérides (cf. fig. 7.9), des protéines
d'un autre constituant ». Les margarines et le ou des agents stabilisants hydrophiles (alginates,
beurre sont des émulsions où les phases disper- amidons modifiés). La production de pâtes à tar-
sée et continue sont respectivement l'eau et l'huile tiner très riches en eau, de crèmes glacées allégées
(fig. 22.11A). À l'inverse, les mayonnaises et les et de mayonnaises allégées fait appel à ces émul-
crèmes glacées sont des émulsions où la phase dis- sifiants hydrophiles. Grâce à eux, il est possible
persée est l'huile tandis que la phase continue est d'obtenir des pâtes à tartiner contenant 80 % d'eau
l'eau (cf. fig. 7.9). et 20 % de lipides, c'est-à-dire ayant une com-
Pour «alléger » les beurres ou les margarines, position qui est l'inverse des margarines et des
il faut accroître la proportion d'eau. Pour que ces beurres normaux. L'inversion est telle que l'eau
émulsions, enrichies en eau, soient stables, il est (phase dispersée) des margarines et des beurres
indispensable d'introduire des émulsifiants qui normaux devient la phase continue dans les pâtes
sont des agents amphipolaires munis d'un pôle à tartiner. C'est pour cette raison que l'appella-
hydrophile et d'un pôle lipophile, l'un des deux tion margarines «allégées » et beurres « allégés »
pôles étant en général prédominant par rapport est incorrecte car ces produits, appelés «pâtes à
à l'autre. Le choix de l'émulsifiant dépend de la tartiner », ne correspondent pas au même type
nature de l'émulsion. Dans les émulsions d'eau d'émulsion que les margarines et beurres dont ils
dans l'huile, il est préférable d'utiliser des émul- se réclament.
sifiants ayant un pôle lipophile prépondérant
(lécithines à pôle lipophile fort associées à des Transformation des amidons
diglycérides). C'est le cas pour les beurres et les
margarines allégés (fig. 22.11B). À l'inverse, pour L'amidon est présent dans les végétaux sous forme
les émulsions d'huile dans l'eau (type mayon- de granules intracellulaires denses. Il existe deux
naise), il est préférable d'utiliser des émulsifiants grandes variétés d'amidon : l'amylose et l'amylo-
ayant un pôle hydrophile prépondérant tels que pectine. Les amidons sont des hauts polymères du

251
Partie IV. Grandes questions et idées fausses

glucose à structure linéaire (amylose) ou ramifiée des amidons rétrogradés. Pour éviter ce phéno-
(amylopectine) (cf. fig. 6.1 et 6.2). mène, il faut modifier les amidons pour empêcher
Les amidons peuvent être modifiés, dénaturés leur rétrogradation et donc leur effondrement.
ou dégradés par la double action de l'eau et du Ceci peut être obtenu grâce à l'introduction de
chauffage (gélatinisation) avec ultérieurement radicaux phosphorés qui stabilisent le réseau des
une rétrogradation lors du refroidissement. chaînes d'amidon (amidons réticulés) (fig. 22.10).
Ce type de modification est utilisé pour la fabri-
Gélatinisation des amidons cation des sauces industrielles, ou des desserts
sucrés allégés et surgelés.
Sous l'effet du chauffage et de l'eau, les grains
d'amidon augmentent en volume, perdent leur
structure semi-cristalline, et une partie de l'ami-
don (amylose surtout) est solubilisée dans l'eau.
La solution devient visqueuse. Il se forme de l'em-
Quelques données
pois d'amidon. Ce phénomène est appelé gélatini- supplémentaires en prenant
sation des amidons. pour exemple les transformations
Rétrogradation des amidons des produits laitiers
Si on refroidit les amidons gélatinisés, ils vont être Le lait, produit «naturel », peut être consommé
l'objet d'un nouveau phénomène appelé rétrogra- directement. Ses propriétés nutritionnelles posi-
dation des amidons (fig. 22.10). Sur le plan physi- tives et bien connues sont sa richesse en protéines
cochimique, ce phénomène est caractérisé par une à haute valeur biologique (7 g dans 200 mL), sa
perte d'eau et par un remaniement des amidons richesse en calcium (200 mg pour 200 mL) et son
qui se condensent pour donner une structure apport en glucides (10 g pour 200 mL) sous forme
semi-cristalline différente de celle des amidons de lactose. En revanche, le lait contient des acides
natifs initiaux. C'est le phénomène de la rétrogra- gras saturés (7 g pour 200 mL) (fig. 22.12). Cette
dation (fig. 22.10). Le phénomène de rétrograda- richesse en acides gras saturés a incité l'industrie
tion sera d'autant plus intense que le chauffage agroalimentaire à produire des laits totalement
initial aura été plus fort, que l'empesage (forma- écrémés ou demi-écrémés. L'avantage évident est
tion d'empois d'amidon) aura été plus poussé et la suppression totale ou la réduction drastique
que la perte d'eau aura été plus importante. (de moitié) des acides gras saturés que l'on accuse
Les deux phénomènes, gélatinisation suivie habituellement de favoriser le développement des
d'une rétrogradation plus ou moins forte, sont maladies cardiovasculaires quand leur apport est
utilisés dans l'industrie agroalimentaire pour excessif. La suppression des graisses saturées ou
la fabrication de produits industriels ou semi- leur réduction s'accompagnent bien évidemment
industriels : farines instantanées, corn flakes, d'une réduction de l'apport calorique. En général
«vermicelles chinois »… Les amidons fortement 200 mL de lait (1 bol) fournissent 120 kcal. Le lait
rétrogradés, tels qu'ils sont obtenus dans les écrémé n'en fournit que 40 et le lait demi-écrémé
«vermicelles chinois » aboutissent à des aliments environ 80. Le lactose du lait a l'avantage d'être un
lentement dégradables dans la lumière du tube glucide lent, peu hyperglycémiant, dont l'index
digestif, c'est-à-dire à index glycémiques faibles. glycémique est de l'ordre de 50 %. Cette propriété
La rétrogradation des amidons est un phéno- est liée au fait que l'absorption du lactose par la
mène qui n'est pas toujours avantageux. C'est le barrière intestinale nécessite une hydrolyse préa-
cas en particulier pour la fabrication de sauces lable par une lactase qui clive le lactose pour libé-
industrielles fabriquées à partir d'amidons. Dans rer une unité de glucose et une unité de galactose.
ce cas, il faut éviter le phénomène de rétrograda- La lactase étant une enzyme peu active, la diges-
tion qui aboutirait à des sauces peu gélifiables au tion du lactose est lente et la montée glycémique
moment du réchauffage et donc peu présentables, reste faible. La contrepartie de la faible activité de
avec apparition de deux phases : l'une hydrique la lactase est la possibilité d'« intolérance au lac-
en surface et l'autre semi-solide caractéristique tose », qui se manifeste par des troubles digestifs

252
Chapitre 22. Transformer les aliments industriellement : comment ? Pourquoi ?

Lait (200 mL) tenter de remédier à cette faible teneur en vita-


mine D, de nombreuses préparations de lait sont
aujourd'hui enrichies en vitamine D avec des taux
qui sont portés à un niveau compris entre 3 et
Fromage frais 6 μg/250 mL. Malgré ceci, le lait reste une boisson
(100 g) qui n'apporte qu'une quantité limitée de vitamine
D à moins d'en consommer des quantités assez
importantes.
Les quantités de sodium contenues dans le lait
Fromage (30 g)
sont loin d'être considérables même si elles ne
sont pas négligeables : 500 mg de Na élément par
litre. Toutefois, ceci signifie qu'il est inutile de
recommander l'usage de laits pauvres en sodium
dans le cadre de régimes hyposodés standard où
Protéine = 7 g l'apport en Na élément doit rester en dessous de
Lipides = 7 g 2 g par jour (5 à 6 g de NaCl par jour).
Malgré toutes ses qualités, qui sont plus impor-
Glucides = 10 g dans le lait
 0 g dans le fromage frais
tantes que ses défauts, le lait a, depuis qu'il existe,
 0 g dans le fromage été soumis à des transformations : fabrication
de fromages, de yaourts, de beurre, production
Eau de crèmes laitières, de babeurre et fabrication de
Figure 22.12. Composition en nutriments du «beurres allégés » dont la vraie dénomination est
lait entier, du fromage blanc et des fromages celle de «pâtes à tartiner ». Ces produits sont des-
affinés. tinés à valoriser le lait et à diversifier l'offre ali-
Les fromages ont pour caractéristique de ne pratiquement mentaire. Sur la figure 22.13, nous avons résumé
pas contenir de glucides, le lactose ayant été éliminé lors toutes les transformations dont le lait peut être
de la coagulation de la caséine. Par ailleurs, au cours de
la fabrication des fromages, une partie plus ou moins
l'objet. Certaines permettent d'illustrer les trans-
importante de l'eau qui était contenue dans le lait a été formations alimentaires que nous avons décrites
éliminée (égouttage ou autres actions…). dans les deux premiers paragraphes de ce cha-
pitre. Si on part du lait cru, la première transfor-
mation correspond à la production des fromages
parfois incommodants. Ces intolérances au lac-
dont la première étape est la coagulation du lait.
tose peuvent survenir à n'importe quel moment L'écrémage (deuxième transformation du lait)
chez un individu. Toutefois, elles se manifestent conduit à la crème de lait et au-delà, après barat-
surtout chez les individus qui reprennent une tage, au beurre et au babeurre. Enfin, le procédé
alimentation lactée après l'avoir abandonnée pen- de fermentation est à la base de la fabrication de
dant des périodes relativement prolongées. C'est yaourts et de l'affinage des fromages frais pour
pour cette raison que de nombreuses préparations conduire aux fromages fermentés.
utilisées comme suppléments nutritionnels dans
la réalimentation des sujets dénutris ou inappé- Fabrication des fromages
tents sont exemptes de lactose.
Enfin, sans vouloir décevoir ceux qui pensent Elle est basée sur la coagulation de la caséine (pro-
que le lait est riche en vitamine D, nous sommes téine) du lait sous l'action combinée de la présure
dans l'obligation de signaler que le lait ne contient (une enzyme initialement extraite du rumen des
que des quantités faibles de vitamine D. La teneur ruminants), du chauffage et d'une acidification du
du lait de vache en vitamine D n'est que de 1 à milieu (fig. 22.14). La présure entraîne une hydro-
3 μg pour 250 mL, alors que l'apport nutritionnel lyse de la K-caséine qui à l'état normal se trouve à la
recommandé (ANC) chez une personne adulte surface des micelles du lait qui sont constitués par
soumise à une exposition solaire normale est des agrégats de lipides et par les autres protéines
de 10 μg/j. Quand l'exposition solaire est insuf- du lait (caséines α et β). C'est donc la K-caséine
fisante, l'ANC devrait être porté à 20 μg/j. Pour qui permet aux micelles de rester en suspension

253
Partie IV. Grandes questions et idées fausses

Lait cru

Écrémage Coagulation Fermentation

Crème Lait écrémé Fromage Petit


frais lait
Yaourts

Barrattage Affinage

Différentes variétés
Babeurre Beurre de fromages

Figure 22.13. Description synthétique des différentes transformations dont le lait cru peut être l'objet.

Réchauffage + bactéries lactiques + présure

Petit lait
Coagulation de la caséine
Caillé

Égouttage

Maturation Pâte
• Molle
• PRESSéE
• CUITE
• DURE

Figure 22.14. Description synthétique de la fabrication des fromages avec les deux étapes
successives : la coagulation qui conduit du lait aux fromages frais et la maturation (affinage) qui
conduit des fromages frais aux fromages affinés.

dans le milieu liquide du lait (fig. 22.15). La dispa- obtient le fromage frais ou blanc. La deuxième
rition de la K-caséine sous l'influence de la présure est constituée par le surnageant, désigné sous le
réduit la solubilité des micelles qui vont s'agréger terme de «petit-lait ». Ce dernier, qui est éliminé
les unes aux autres. Pour compléter l'agrégation, en grande partie lors de l'égouttage initial, contient
il est indispensable d'acidifier le milieu afin d'en- la majorité du lactose. Si on part d'une quantité
traîner une précipitation des autres molécules de de lait de l'ordre de 200 mL, on obtient après
caséine (α et β), dont la solubilité minimum se égouttage environ 100 g de fromage frais. Puisque
situe en milieu légèrement acide (point isoélec- les lipides et les protéines qui étaient présents dans
trique, pHi ≈ 4,6). Le résultat est une agrégation les 200 mL de lait se retrouvent entièrement dans
des micelles lipidiques dans le réseau de caséine les 100 g de fromage frais on peut considérer que
ainsi néoformé (fig. 22.15). Après coagulation, les 100 g de fromage frais ont la composition sui-
deux fractions peuvent être individualisées et vante (fig. 22.12) :
séparées. La première est constituée par ce que • 7 g de protéines/100 g ;
l'on désigne sous le terme de caillé (phase molle • 7 g de lipides/100 g ;
lipido-protidique). C'est à partir du caillé que l'on • lactose (glucides ≈ 0).

254
Chapitre 22. Transformer les aliments industriellement : comment ? Pourquoi ?

 des micelles : 20–300 


K-caséine
Phosphate de Ca

Présure hydrolyse de la K-caséine


+
Acidification de la solubilité des protéines

Agrégation des micelles

Figure 22.15. Description détaillée du phénomène de coagulation de la caséine,


qui conduit du lait à la production du caillé.
La K-caséine qui se trouve à la périphérie des micelles lipido-protéiques en suspension dans le lait est hydrolysée par la
présure. Les micelles s'agrègent entre elles. De plus, l'acidification crée une coagulation des autres molécules de caséine
(α et β) avec formation d'un réseau protéique dans lequel les lipides sont emprisonnés.

Lait entier
Le fromage blanc est le point de départ des
fromages affinés, l'affinage portant le terme de
maturation. Selon le procédé utilisé, on peut obte- Crème Crème

nir (fig. 22.16) : Lait écrémé Lait écrémé

• les fromages à pâte molle (type brie, camem-


bert). Dans ce cas, l'égouttage est poursuivi
pour éliminer une quantité supplémentaire
d'eau. Des micro-organismes (Penicillium
camemberti) sont déposés à la surface du fro-
mage blanc. Suite à une réaction de fermen-
tation, ces micro-organismes produisent des
arômes qui restent en majorité localisés en sur-
face dans la croûte du fromage ;
• les fromages à pâte cuite ou pressée. Ils sont
Fabrication de la crème et du lait écrémé
considérés comme des fromages à pâte dure.
Ils contiennent en général moins d'arômes que Figure 22.16. Fabrication de la crème de lait
les fromages à pâte molle. L'affinage s'accompa- et du lait écrémé par la méthode
gnant d'une perte d'eau beaucoup plus pronon- de séparation centrifuge.
cée que pour la variété précédente, leur densité
énergétique est plus forte. De plus le producteur voire même quelques années. D'un point de
ajoute souvent du sel au cours de l'affinage, vue général, les fromages à pâte cuite ou à pâte
lequel peut se prolonger sur plusieurs mois, pressée ont une teneur en Na et en minéraux

255
Partie IV. Grandes questions et idées fausses

(calcium en particulier) qui est élevée. C'est contiennent 7 g de protéines et 7 à 10 g de lipides,


pour cette raison que les fromages à pâtes cuites le reste étant représenté par de l'eau (fig. 22.12).
ou pressées sont fortement déconseillés chez Par esprit de simplification, nous avons l'habitude
tous les patients pour lesquels est indiqué un de considérer que :
régime hyposodé. Par ailleurs, ce type de fro-
mage est également contre-indiqué chez tous
les sujets qui souffrent d'hypercalciurie et de 1 bol de lait = 100 g de fromage blanc = 30 g de
lithiase urinaire calcique ; fromage affiné = 1 portion de produit laitier
• les fromages fermentés avec insémination à cœur = 200 mg de calcium = 7 g de protéines.
de la pâte du fromage par des micro-organismes.
C'est ainsi que sont obtenus les fromages dits
Toutefois, cette équation n'est valable que si le
«bleus», l'exemple le plus typique étant le
Roquefort où le micro-organisme est le célèbre sujet consomme des catégories de fromages affinés
Penicillium roqueforti. Les parties «bleues» de la qui varient d'un jour à l'autre, les valeurs de 200 mg
pâte du fromage sont celles où les proliférations des pour le calcium et de 7 g pour les protéines n'étant
micro-organismes sont les plus marquées. Par voie qu'une moyenne. Pour un sujet qui ne consomme-
de conséquence, les arômes sont surtout concen- rait que des fromages à pâte cuite ou à pâte pressée,
trés dans les parties «bleues» même s'ils diffusent la teneur en calcium de la portion de 30 g de fro-
ensuite dans l'ensemble de la pâte du fromage. mage affiné devrait être multipliée par 2 ou par 3.
D'un point de vue général, après affinage, tous les
fromages perdent une quantité d'eau assez impor- Écrémage du lait
tante par égouttage, par pression ou chauffage. et fabrication des crèmes
Si l'on souhaite retenir quelques messages rela-
tivement simples, on peut considérer que 100 g La technique consiste à introduire le lait dans
de fromage frais conduisent à 30 g de fromage un séparateur centrifuge muni de palettes per-
affiné (1 portion classique). Ces fromages affinés cées d'orifices (fig. 22.17). Au niveau de chaque

FABRICATION
DES FROMAGES
Coagulation en présence
de présure
Petit lait pour donner le caillé
ou fromage blanc
Fromage blanc

Maturation (affinage) à partir du fromage blanc après avoir éliminé le petit lait

Par égouttage et Par égouttage et


micro-organismes micro-organismes
de surface au sein de la pâte
Fromages à pâte molle Fromages bleus
Par pression et cuisson
(Brie, Camembert, etc.) (Roquefort, etc.)
Arôme dans la croûte Fromages à pâte dure Arôme dans le cœur
(Gruyère, etc.) de la pâte
Peu d’arômes
Figure 22.17. Différents types de fromages obtenus suite au procédé de maturation
(fermentation, égouttage, pression, cuisson).

256
Chapitre 22. Transformer les aliments industriellement : comment ? Pourquoi ?

orifice, s'effectue une séparation par décantation est compromise lorsque l'on essaie d'introduire
entre deux fractions. La première est la crème des quantités d'eau supplémentaires. La tech-
du lait, riche en lipides (30Ŕ35 %) et qui tend à nique des beurres dits allégés qu'il convient de
prendre une voie ascendante dans le séparateur désigner sous le terme de « pâtes à tartiner » fait
centrifuge. La deuxième fraction est représentée appel à des agents tensioactifs ; lécithines, digly-
par le lait écrémé. Elle est liquide, plus lourde cérides, monoglycérides, protéines, caséinate de
et elle prend une voie descendante quand elle sodium. La quantité d'agents tensioactifs (émul-
parvient au niveau des orifices de décantation. sifiants) est d'autant plus élevée que la quantité
Cette fraction est riche en eau, en protéines et d'eau est plus forte. Les quantités d'eau dans les
en lactose, mais elle est évidemment dépourvue pâtes à tartiner peuvent aller jusqu'à 80 % du
de lipides. Ainsi, après de multiples rotations, les produit final. Toutefois, il convient de souligner
deux phases se trouvent ainsi séparées. La crème que ces produits font de moins en moins appel
peut être consommée telle quelle mais elle est à des constituants d'origine laitière. Dans cer-
également un constituant essentiel des sauces et taines pâtes à tartiner, les mono- et diglycérides
des crèmes glacées. En effet, son onctuosité liée sont fournis par des huiles végétales. Le seul
à sa richesse en lipides lui confère une sensation constituant d'origine laitière est représenté par
en bouche inégalable. Toutes les tentatives de les protéines qui jouent le rôle d'agent tensioac-
l'industrie agroalimentaire pour remplacer l'onc- tif. Le produit final n'a donc presque plus rien
tueux lipidique des sauces et des crèmes glacées à voir avec le lait. C'est pour cette raison que le
traditionnelles par des protéines ou des amidons terme de pâte à tartiner doit être utilisé à la place
modifiés pour produire des sauces ou des glaces du terme de beurre allégé qui est totalement
allégées ne se traduisent en général que par des impropre dans le vocabulaire alimentaire.
demi-succès. Le babeurre, qui est la partie de la crème de lait
qui reste après barattage et fabrication du beurre,
Barattage se présente sous l'aspect d'un liquide blanc de goût
aigrelet. Le babeurre encore appelé «lait battu » ou
Le beurre est obtenu à partir de la crème de lait. lait de beurre a une valeur nutritionnelle indiscu-
Le mode de production du beurre repose sur table. Moins riche en lipides que le lait, il contient
un traitement mécanique qui consiste à agiter des protéines et du lactose dont une partie s'est
la crème de lait dans une chambre cylindrique transformée en acide lactique sous l'influence de
munie de battes destinées à briser la membrane ferments lactiques. Ceci explique le goût aigre-
des lobules graisseux contenus dans la crème. let du babeurre. Les protéines du babeurre en
Les petits grains de beurre formés suite à ce trai- raison de leur pouvoir émulsifiant peuvent être
tement mécanique sont ensuite séparés du reste utilisées dans la fabrication des pâtes à tartiner
de la mixture (le babeurre) dans un tambour dont elles sont parfois l'un des principaux agents
muni d'un filtre perforé. Cette deuxième étape émulsifiants. En résumé, la composition en nutri-
permet de concentrer les lipides pour créer une ments du babeurre s'apparente à celle des yaourts.
émulsion dont la phase continue très riche en Toutefois leur teneur calorique et lipidique est
graisses (85 % de lipides environ) englobe une plus faible que celle des yaourts naturels (environ
phase hydrique dispersée peu abondante (moins 40 kcal pour moins de 1 g de lipides pour 100 g).
de 15 %). Ainsi se forme une émulsion stable type
eau/huile grâce à une opération appelée barat-
tage et qui englobe les deux étapes qui viennent Procédés de fermentation
d'être décrites. La stabilité est indispensable appliqués aux produits laitiers
pour l'obtention d'un corps gras solide comme le
beurre dans lequel cohabitent deux constituants, Comme nous l'avons indiqué plus haut, la réaction
l'eau et les graisses, qui à l'état normal ne sont de fermentation appliquée à l'affinage des fromages
pas miscibles et ont une tendance spontanée à se conduit à certaines variétés de fromages : camem-
séparer. Quelques agents tensioactifs normale- bert, brie, roquefort. C'est cette réaction qui confère
ment présents dans la crème de lait permettent à ces fromages leur teneur en arômes et leur goût
d'assurer la stabilité de l'émulsion. Cette stabilité si particulier. En revanche, dans la fabrication des

257
Partie IV. Grandes questions et idées fausses

yaourts, la réaction de fermentation est appliquée Récapitulatif de la composition


au lait cru. Le yaourt est donc un «lait fermenté » nutritionnelle du lait
par l'addition et le développement de bactéries
et de ses dérivés
lactiques thermophiles. Ces bactéries transfor-
ment une partie du lactose en acide lactique, ce qui Le tableau 22.1 est destiné à aider le consom-
confère au yaourt une saveur acide que certains mateur dans ses choix. La plupart des quantités
consommateurs ont tendance à neutraliser en ajou- de produits laitiers (lait et dérivés) mentionnées
tant du sucre ou en achetant des yaourts enrichis en sur ce tableau sont ajustées sur une base de
fruits ou en édulcorants. Un pot de yaourt «nature » 120 kcal par unité. L'équivalence est formulée
(100 g environ) fabriqué à partir de lait entier non de la manière suivante :
écrémé apporte 50 à 60 kcal, 5 g de glucides, 3,5
à 4 g de protides et 1,5 g de lipides environ. Les
yaourts fabriqués à partir de lait écrémé (0 % de 1 bol de lait entier (200 mL) = 100 g de fromage
matière grasse) ont une teneur calorique de l'ordre blanc (4 cuillerées à soupe bien remplies) = 30 g
de 40 kcal par pot. Ainsi, il apparaît que l'« écono- de fromage affiné (portion habituelle) = 15 g de
mie » de calories réalisée en remplaçant le yaourt beurre = 120 kcal.
«nature » par des yaourts à 0 % de matière grasse
est extrêmement modeste, de l'ordre de 10 à 15 kcal
par pot. En revanche, le consommateur doit être La teneur en lipides par ordre décroissant
vigilant lorsqu'il consomme certaines variétés de peut être établie de la manière suivante : beurre
yaourts enrichis en fruits ou en crème. Dans le pre- > crème > fromage affiné > fromage blanc > lait
mier cas, la teneur en glucides augmente l'apport > yaourt. Il convient de savoir que les graisses des
calorique qui peut tutoyer les 100 kcal/pot. Dans les produits laitiers sont essentiellement saturées.
deux cas, l'adjonction de crème faite pour conférer Les protéines contenues dans certains produits
de l'onctueux au yaourt (yaourt à la Grecque par laitiers (lait, fromages, yaourts) sont à haute
exemple) augmente de manière notable l'apport valeur biologique.
calorique qui peut dépasser 200 kcal/pot. La pré- Enfin, pour terminer, il faut se rappeler que le
sentation la plus perverse des yaourts est celle qui beurre, bien qu'il soit un dérivé du lait, n'appar-
consiste à fabriquer des yaourts à 0 % de matière tient pas pour un nutritionniste à la classe des pro-
grasse mais enrichis en fruits. Avec ce type de duits laitiers mais à la classe alimentaire des corps
yaourt, même s'il est dépourvu de lipides, l'apport gras. Ceci est lié à sa teneur en graisses qui est de
calorique en glucides est plus élevé que celui d'un l'ordre de 85 %, c'est-à-dire dans la zone des huiles
yaourt nature en raison des calories glucidiques végétales et des margarines. Dans la construction
supplémentaires apportées par les fruits ajoutés. Le d'un régime, il est donc indispensable de classer le
paradoxe peut se traduire de la manière suivante : beurre dans cette catégorie et non dans celle des
50 à 60 kcal par pot de yaourt nature contre 70 à équivalents lait. Cette remarque doit être toujours
80 kcal par pot de yaourt à 0 % de matière grasse présente à l'esprit en raison de son importance
mais avec fruits ajoutés. pratique.

Tableau 22.1. Composition nutritionnelle des produits alimentaires dérivés du lait.

Aliment Lait Lait Fromage Fromage Crème Beurre Yaourt


écrémé frais
Quantité 200 mL 200 mL 100 g 30 g 30 g 15 g 1 pot
Glucides (g) 10 10 ≈0 0 ≈0 0 5
Protides (g) 7 7 7 7 0 0 3,5
Lipides (g) 6 0 10 10 13 13 1,5
Calories (kcal) 120 40 120 120 120 120 50

258
Chapitre 22. Transformer les aliments industriellement : comment ? Pourquoi ?

Différences d'apport glucidique (régime A) et l'autre des produits alimentaires


transformés (régime B) sous forme de sauces allé-
avec deux régimes isocaloriques gées, de pâte à tartiner, de lait écrémé, de produits
quand on substitue des produits laitiers à 0 % de matières grasses, il apparaît que
l'apport calorique peut être identique aux alen-
alimentaires allégés tours de 2 000 kcal/j alors qu'il aurait dû norma-
à leurs référents non allégés lement être inférieur avec le régime B par rapport
au A. Dans l'exemple que nous avons pris, l'iden-
Le tableau 22.2 est destiné à démontrer l'existence tité d'apport calorique est liée au fait que le sujet
de cette différence. En comparant deux régimes «soumis » au régime B a augmenté le volume des
(A et B), l'un apportant des aliments traditionnels portions des produits alimentaires allégés. Deux

Tableau 22.2. Comparaison de deux régimes (A et B) isocaloriques (≈ 2 000 kcal/j).

Régime A Régime B
Repas Aliments Cal G (g) Aliments Cal G (g)
(kcal) (kcal)
Petit déjeuner Lait normal (200 mL) 120 10 Lait écrémé (200 mL) 40 10
Biscottes (2) 60 14 Biscottes (2) 60 14
Confiture (1 càc) 20 4 Confiture pour diabétiques (2 càc) 20 4
Beurre (5 g) 40 0 Pâte à tartiner à 50 % de MG (10 g) 40 0
Fruit (1) 50 12 Fruit (1) 50 12
Repas de midi Crudités (1 portion) 50 12 Crudités (1 portion) 50 12
Huile (1 càs) 90 0 Huile (1 càs) 90 0
Viande (125 g) 180 0 Viande (150 g) 220 0
Riz (240 g) 240 50 Riz (240 g) 240 50
Sauce normale (1 càs) 90 0 Sauce allégée avec amidons 45 10
Fromage (30 g) 120 0 modifiés (2 càs)
Compote normale (100 g) 100 25 Fromage à 0 % de MG (30 g) 40 0
Pain (50 g) 120 25 Compote allégée (200 g) 140 30
Pain (50 g) 120 25
Repas du soir Crudités (1 portion) 50 12 Crudités (1 portion) 50 12
Huile (1 càs) 90 0 Huile (1 càs) 90 0
Poisson (100 g) 120 0 Poisson (150 g) 180 0
2 pommes de terre (taille 3 pommes de terre (taille moyenne) 180 37
moyenne) 120 25
Pâte à tartiner à 20 % de MG (20 g) 20 0
Sauce normale (2 càs) 90 0 Fruits (2) 100 24
Fruit (1) 50 12 Yaourt à 0 % de MG enrichi 100 15
Yaourt normal (1 pot) 60 5 en fruits (1 pot)
Pain (50 g) 120 25 Pain (50 g) 120 25
Total 1 980 226 1 995 280
Le régime A est construit en utilisant des produits alimentaires traditionnels de référence.
Le régime B est construit en substituant des produits alimentaires allégés (indiqués en gras) aux produits alimentaires traditionnels.
La substitution étant réalisée pour arriver au même total calorique il apparaît que l'apport glucidique est plus important avec le régime B
qu'avec le A. MG = matière grasse; cas = cuillère à soupe; cac = cuillère à café.

259
Partie IV. Grandes questions et idées fausses

facteurs sont impliqués dans ce phénomène. En pondérale chez les sujets obèses qui souhaitent
premier lieu, les produits allégés n'assurent pas la maigrir. La réduction de densité énergique
même sensation de satiété, ce qui incite le sujet à (moins de calories dans le même volume) des
consommer davantage. La deuxième raison est produits allégés par rapport à l'aliment tradition-
que le consommateur pense qu'il peut augmenter nel de référence ne conduit pas forcément à une
le volume des portions alimentaires parce qu'elles baisse de l'apport calorique global car les sujets
contiennent moins de calories. Le résultat montre qui utilisent des produits allégés ont tendance
que les deux régimes A et B sont équivalents à augmenter leur consommation en termes de
en termes d'apports caloriques. En revanche, le volume et in fine à consommer la même quantité
régime B apporte davantage de glucides (280 g et de calories. La personne qui consomme 20 g de
56 % de l'apport énergétique total) que le régime A pâte à tartiner à 45 % de matière grasse ou 10 g
(226 g et 46 % de l'apport énergétique total). Ceci de beurre normal contenant 90 % de matière
n'est pas forcément une bonne nouvelle pour les grasse aura un apport calorique de l'ordre de 80
personnes qui sont diabétiques car l'apport glu- à 90 kcal dans les deux cas de figure. L'utilisation
cidique en pourcentage devrait rester en dessous de produits allégés ne pourra être efficace que si
de 50 % de l'apport énergétique total. Si l'on tient elle s'insère dans le cadre d'un plan alimentaire
compte de toutes ces données, il apparaît que la défini par le médecin et observé par le patient.
consommation de produits transformés (allégés L'emploi d'édulcorants intenses permet aux
pour la plupart d'entre eux) n'est pas indispensable. patients diabétiques de retrouver le goût du sucré
En effet, il est tout à fait possible de contrôler les sans risque d'entraîner des dérives hyperglycé-
apports caloriques sans avoir recours à des pro- miques. Les polémiques qui ont eu lieu contre
duits alimentaires allégés même si leur consom- certains édulcorants intenses comme l'aspartame
mation peut s'avérer utile chez certaines personnes. ne reposent sur aucune base scientifique sérieuse
Dans tous les cas de figure, et plus particulièrement et ne servent qu'à perpétuer des frayeurs qui ne
chez les personnes diabétiques, l'utilisation de pro- profitent en général qu'à ceux qui les agitent. Ce
duits alimentaires allégés devrait toujours être cor- n'est pas pour autant que les édulcorants doivent
rectement expliquée par un professionnel de santé être utilisés sans discernement. Certains comme
averti et elle devrait s'intégrer dans le cadre d'un les édulcorants de charge (sucres-alcools) sont
programme nutritionnel bien défini. aussi caloriques que les sucres qu'ils sont cen-
sés remplacer. De plus, les édulcorants, quels
qu'ils soient, entraînent une accoutumance au
goût sucré qui peut avoir des effets «pervers »
Conclusion pour induire ultérieurement une consommation
excessive d'aliments caloriques ayant une teneur
Pour revenir au titre de ce chapitre, les transfor- élevée en sucres rapides. Il faut savoir aussi que
mations industrielles sont-elles utiles, inutiles, certaines transformations alimentaires (la gril-
voire même néfastes pour le consommateur lade, le fumage par exemple) peuvent conduire à
en général et pour les patients diabétiques plus la formation d'espèces chimiques dont certaines
particulièrement ? Le côté utile de ces transfor- ont une toxicité évidente. L'une des recomman-
mations est indiscutable quand il s'agit d'assurer dations essentielles est donc de diversifier son
la sécurité alimentaire en termes de préserva- alimentation et les modes de préparation des
tion et de conservation des aliments. Il est éga- aliments. Consommer des grillades ou des pro-
lement au premier plan si on se place du côté duits fumés de temps en temps ne présente pas
de la présentation des aliments, c'est-à-dire des de danger particulier ; en consommer tous les
qualités organoleptiques des aliments (goûts, jours est en revanche fortement déconseillé.
textures, couleurs…). L'utilité est-elle au rendez- Les additifs alimentaires ajoutés par l'industrie
vous quand on cherche à produire des aliments agroalimentaire sont soumis à des normes d'uti-
allégés ou des boissons dites light ? L'utilisation lisation définies par les organismes nationaux
de produits alimentaires «allégés » en calories, ou internationaux. En revanche, nous regrettons
en graisses et en sucres n'a jamais apporté la que leur présence dans les aliments ne soit le plus
preuve de son efficacité en termes de réduction souvent indiquée sur l'étiquetage que par des

260
Chapitre 22. Transformer les aliments industriellement : comment ? Pourquoi ?

sigles incompréhensibles pour le consommateur. 800 mg qui sont habituellement recommandés).


Pourquoi par exemple ne pas indiquer l'aspar- Une alimentation sans produits laitiers est donc
tame par son vrai nom plutôt que par le sigle E951 carencée en calcium et peut conduire à une
qui est sa dénomination officielle. Dans le même balance calcique négative avec des conséquences
ordre d'idée, les banales vitamines C et E qui sont à terme sur le capital osseux. Les protéines du
ajoutées comme conservateur et antioxydant lait, les caséines, sont à haute valeur biologique
dans certains produits alimentaires sont indi- et sont donc utiles dans le maintien de notre
quées respectivement par les sigles E300 (vita- masse protéique (masse maigre et musculaire
mine C) et E307, E308, E309 pour les tocophérols plus particulièrement). En revanche, les produits
(vitamine E). Pourquoi ne pas les appeler tout laitiers contiennent des graisses saturées dont la
simplement par leurs noms afin que le consom- consommation en quantité excessive peut facili-
mateur puisse disposer d'une information claire. ter la survenue des maladies cardiovasculaires.
Pour clore ce chapitre, comment ne pas s'oppo- Ceci nous conduit à réitérer le message que nous
ser fermement au concept de ceux qui au nom avons énoncé plus haut : la consommation des
de croyances ou d'allégations totalement infon- aliments doit être diversifiée. La seule chose qui
dées se permettent de porter l'opprobre sur la soit recommandée est d'éviter la consommation
consommation de produits laitiers. Le lait, les fro- à la fois abusive et régulière de tel ou tel aliment.
mages, les yaourts apportent des éléments nutri- La consommation de produits laitiers s'intègre
tifs indispensables. La moitié du calcium ingéré totalement dans ce concept fondamental qu'est
par un individu normalement nourri est fourni l'équilibre alimentaire.
par les produits laitiers (400 mg environ sur les

261
Structurer la prise CHAPITRE
23
alimentaire chez le
patient diabétique :
pourquoi ? Comment ?
La place de l'insulinothérapie
dite « fonctionnelle »
L. Monnier

PLAN DU CHAPITRE de contrôler et de limiter les montées glycé-


Les périodes qui suivent une prise alimentaire : miques postprandiales chez les personnes qui ne
description des profils glycémiques postprandiaux chez
les sujets qu'ils soient diabétiques ou non 264 sont pas diabétiques (fig. 23.1). Chez les patients
Conséquences sur la structuration des repas 266 diabétiques, les deux mécanismes hormonaux
Conclusion 274 sont plus ou moins perturbés. La perte partielle
(diabète de type 2) ou totale (diabète de type 1)
Toute prise alimentaire qui contient des glucides de la réponse insulinique postprandiale et
entraîne une montée glycémique. Chez un sujet l'absence de freination de la sécrétion de gluca-
qui n'est pas diabétique, les excursions glycé- gon conduisent à des dérives hyperglycémiques
miques postprandiales sont limitées en durée postprandiales excessives dont l'amplitude et la
(moins de 2 heures) et en amplitude (moins de durée sont proportionnelles aux altérations des
1,40 g/L en général) (cf. fig. 4.2). Cette limitation deux sécrétions hormonales précitées (fig. 23.1).
des montées glycémiques est liée à deux méca- Il convient toutefois de noter que la responsabi-
nismes. Le premier est la stimulation de la sécré- lité des perturbations de la sécrétion insulinique
tion de l'insuline. Cette réponse insulinique qui dans les perturbations des glycémies postpran-
est en général parallèle à la montée glycémique diales dépasse de très loin celle des troubles de la
vient s'inscrire en supplément de la sécrétion sécrétion de glucagon. Chez les personnes ayant
basale interprandiale. En effet, entre les repas, un diabète de type 2, il faut ajouter que l'altération
un sujet non diabétique maintient une sécrétion de la réponse insulinique immédiate à l'apport
relativement stable et constante qui conduit à des glucidique alimentaire est également associée à
taux plasmatiques d'insuline inférieurs à 10 mU/L un état d'insulinorésistance périphérique et hépa-
(60 pmole/L). Cette sécrétion est destinée à assu- tique. L'insulinorésistance périphérique diminue
rer le contrôle de la glycémie entre les repas et la vitesse d'utilisation du glucose au niveau des
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à la maintenir idéalement entre 0,80 et 1 g/L. tissus périphériques (muscles, tissu adipeux)
Manueldenutritionpourlepatientdiabétique

Après la prise d'un repas glucidique, les taux qui métabolisent le glucose sous l'influence de
plasmatiques de l'insuline s'élèvent rapidement l'insuline. L'insulinorésistance hépatique conduit
pour atteindre en moyenne 40 à 60 mU/L (240 à une mauvaise freination de la production hépa-
à 360 pmole/L) (cf. fig. 4.2). La limitation de la tique du glucose en période postprandiale. Les
montée glycémique est également liée à la freina- dérives glycémiques postprandiales sont donc la
tion de la sécrétion du glucagon en période post- résultante des perturbations hormonales et méta-
prandiale. Ainsi, l'augmentation de l'hormone boliques multiples, qui sont reliées entre elles.
hypoglycémiante (l'insuline) et la diminution de À titre d'exemple, le maintien d'une production
l'hormone hyperglycémiante (le glucagon) sont hépatique de glucose excessive en période post-
les deux mécanismes principaux qui permettent prandiale est la conséquence de la diminution de

263
Partie IV. Grandes questions et idées fausses

Stimulation de l’insuline

− +

Production hépatique Utilisation périphérique


du glucose du glucose
A Freination du glucagon

Déficit de stimulation de l’insuline

+ −

Production hépatique Utilisation périphérique


du glucose du glucose
B Déficit de freination du glucagon

Figure 23.1. Régulation de la réponse glycémique avec un repas glucidique chez un sujet sain (A)
et chez un patient diabétique (B).
La montée glycémique anormalement ample et prolongée chez le patient diabétique est due à une anomalie de la
réponse hormonale postprandiale : déficit de la réponse insulinique et défaut de freination de la sécrétion du glucagon.
La conséquence est une production hépatique du glucose non freinée et une diminution de l'utilisation du glucose.

la réponse insulinique, de la baisse de sensibilité médicamenteux ont une action sur la glycémie
des cellules hépatiques à l'insuline et de l'absence postprandiale, il apparaît indispensable de struc-
de freination du glucagon. turer les prises alimentaires chez le patient diabé-
Enfin, il ne faut pas oublier que la réponse insu- tique pour faciliter l'action de ces médicaments à
linique en période postprandiale n'est pas exclusi- visée postprandiale, voire même pour éviter leur
vement stimulée par la montée glycémique, mais utilisation.
qu'elle dépend également d'autres facteurs comme
les incrétines intestinales dont le GLP-1 (gluca-
gon-like peptide-1) est le représentant le plus mar-
quant. Chez les patients diabétiques de type 2, la
Les périodes qui suivent une
diminution de la sécrétion du GLP-1 et l'insensi- prise alimentaire : description
bilité des cellules bêta-langerhansiennes au GLP-1 des profils glycémiques
participent à la baisse de la capacité de la réponse
insulinique. Ainsi, suite à une altération anato- postprandiaux chez les sujets
mique (disparition ou déficit de réplication) ou à qu'ils soient diabétiques ou non
des troubles fonctionnels par diminution de leur
sensibilité aux stimuli habituels, les cellules bêta- Chez une personne qui n'est pas diabétique, trois
langerhansiennes qui sécrètent l'insuline n'as- séquences (postprandiale, postabsorptive et de
surent plus la couverture habituelle des besoins jeûne) se succèdent après l'ingestion d'un repas.
insuliniques en période postprandiale. La première (fig. 23.2) a une durée qui débute avec
Dans le diabète de type 2, ces altérations s'ex- l'ingestion des aliments glucidiques et qui se ter-
priment d'une manière séquentielle. Au cours mine avec le passage de la dernière molécule de
d'une première étape, c'est la réponse insulinique monosaccharides (glucose ou autre ose simple) de
postprandiale qui est altérée, ce qui explique que la lumière du tube digestif vers le torrent circula-
les désordres de la glycémie postprandiale appa- toire. Cette période couvre donc la digestion des
raissent précocement dans l'histoire naturelle du glucides et leur absorption intestinale. Sa durée
diabète (cf. fig. 2.6). Même si certains traitements totale est de l'ordre de 4 heures, mais la montée

264
Chapitre 23. Structurer la prise alimentaire chez le patient diabétique : pourquoi ? Comment ?

glycémique au-dessus de la ligne de base (avant la glycémie qui revient à un niveau normal à partir
l'ingestion du repas) est beaucoup plus courte : de la 120e minute (fig. 23.3A). Les altérations de la
moins de 2 heures. Au-delà, la glycémie retourne à réponse insulinique chez les patients diabétiques
son niveau de départ. Ce décalage entre la durée de de type 2 conduisent souvent à une montée glycé-
la période postprandiale et celle de la montée gly- mique qui dépasse largement les 4 heures, c'est-
cémique au-dessus de son niveau de base (moins à-dire la durée de la période postprandiale pour
de 2 heures) est expliqué par la réponse insuli- déborder sur la période suivante, c'est-à-dire sur
nique. Cette dernière est parallèle à la montée gly- la période postabsorptive (fig. 23.3B). Dans ces
cémique au début du repas. Ultérieurement, elle conditions, il est facile de comprendre qu'à raison
reste légèrement décalée vers le haut par rapport à de trois repas par jour, un sujet puisse avoir une
hyperglycémie postprandiale qui s'étale sur une
REPAS durée de temps supérieure à 12 heures. «Vivre en
hyperglycémie postprandiale pendant plus de la
moitié de leur existence », c'est ce qui est souvent
observé chez de nombreux patients diabétiques
de type 2 si les prises alimentaires ne sont pas
Postprandiale Postabsorptive De jeûne correctement structurées et si le traitement médi-
4 heures 6 heures camenteux (insuline ou autres médications anti-
Figure 23.2. Séquences métaboliques qui diabétiques) n'est pas suffisamment ajusté à ces
suivent un repas glucidique. prises alimentaires.
La période postprandiale démarre avec le début du La situation va être sensiblement différente
repas et se termine lorsque les glucides alimentaires ont entre les patients diabétiques de type 1 chez les-
totalement été digérés et absorbés. quels la sécrétion insulinique a totalement disparu

15 A B C D
1500
Glycémie(mmol/L)

Insulinémie(pmol/L)
1000
10

500

5 0
0 60 120 0 60 120 0 60 120 0 60 120
Minutes Minutes Minutes Minutes
Dose Dose
d’insuline d’insuline
(analogue (analogue
rapide) rapide)
Figure 23.3. Réponses glycémiques (points noirs) et insulinémiques (points blancs) après un repas
glucidique.
Pour les réponses insulinémiques, elles correspondent soit au dosage de l'insuline endogène (traits pleins, figures A et
B) soit au dosage de l'insuline exogène qui résulte de l'injection de la dose d'analogue rapide de l'insuline avant le repas
(traits pointillés, C et D).
A. Chez des sujets n'ayant aucun trouble de la glucorégulation. Les deux réponses sont totalement parallèles.
B. Chez des sujets ayant un diabète de type 2. La réponse insulinique est retardée, caractérisée par un hyperinsulinisme
tardif mais relatif et qui reste en général incapable de contrecarrer l'état d'insulinorésistance responsable de cet
hyperinsulinisme. C. Chez des sujets ayant un diabète de type 1 avec une glycémie élevée avant le repas et recevant un
analogue rapide de l'insuline sous forme de bolus préprandial. D. Chez un sujet ayant un diabète de type 1 avec une
glycémie normale avant le repas et recevant un analogue rapide de l'insuline sous forme de bolus préprandial. La période
tardive à la deuxième heure est marquée par un excès d'insuline et par un risque hypoglycémique.

265
Partie IV. Grandes questions et idées fausses

et les diabétiques de type 2 chez lesquels il persiste cet hyperinsulinisme réactionnel s'il a été stimulé
une sécrétion insulinique résiduelle même si de manière excessive par un repas trop riche en
celle-ci est insuffisante et retardée. Toutefois, les glucides, peut conduire à des hypoglycémies dites
deux types de patients se rejoignent au moins sur réactionnelles ou fonctionnelles, qui surviennent
un point : l'absence d'ajustement entre les taux à distance de la prise alimentaire entre la 3e et la
plasmatiques de l'insuline et du glucagon après 4e heure. Cette survenue d'hypoglycémies dites
ingestion d'un repas glucidique (fig. 23.3). «réactionnelles » paraît en apparence paradoxale
Chez les diabétiques de type 1, il est classique dans la mesure où les deux premières heures ont
d'injecter une dose d'insuline à action rapide sous été au contraire marquées par une montée gly-
forme de bolus avant chaque repas pour tenter cémique anormalement élevée. Ainsi, l'un des
de contrôler les montées glycémiques postpran- points communs aux diabètes de types 1 et 2 est
diales. Toutefois, malgré les progrès qui ont été constitué d'un côté par une montée glycémique
réalisés, les analogues rapides de l'insuline (lis- excessive dans la période qui suit la prise alimen-
pro, asparte, glulisine) ont une action qui est tou- taire par manque d'insuline exogène ou endogène
jours décalée par rapport à la montée glycémique : et d'un autre côté par un risque d'hypoglycémie à
leur maximum d'action survient en général vers distance entre la 3e et la 4e heure par excès d'insu-
la 60e minute (fig. 23.3C et D) alors qu'il devrait line, qu'elle soit exogène (diabète de type 1) ou
se situer aux alentours de la 30e minute. De plus, endogène (diabète de type 2) (fig. 23.3). Le plus
leur durée totale d'action est de 4 à 5 heures souvent ces hypoglycémies surviennent chez les
alors qu'elle ne devrait pas dépasser 2 heures de patients diabétiques de type 1 et beaucoup plus
manière idéale. Les nouvelles préparations ultra- exceptionnellement chez les diabétiques de type 2
rapides telles que l'« ultra-fast aspart » (Fiasp®) car l'hyperinsulinisme du diabétique de type 2 est
semblent agir plus vite (gain de quelques minutes) une conséquence de l'insulinorésistance qui pro-
et sur une période plus courte (3 à 4 heures). Il a tège en théorie contre les risques d'hypoglycémie.
été démontré avec ces insulines dites ultrarapides Ce point commun qui traduit une inadéquation
que les valeurs glycémiques observées 1 heure et entre l'insulinémie et la glycémie est illustré sur la
2 heures après l'ingestion d'un repas sont plus figure 23.3 (fig. 23.3B pour le diabète de type 2 et
basses qu'avec l'analogue rapide de référence, en fig. 23.3C et D pour le diabète de type 1).
l'occurrence l'insuline asparte (NovoRapid®).
Chez le patient diabétique de type 2, la réponse
insulinique est retardée (fig. 23.3B). Pour imager Conséquences
ce retard, certains diabétologues parlent de pan-
créas «paresseux ». Toujours est-il que la sécrétion sur la structuration des repas
endogène d'insuline ne répond pas de manière
immédiate lors d'une ingestion glucidique. Ce
Répartition des nutriments
temps de latence entraîne une montée glycémique sur un repas donné (fig. 23.4)
excessive au cours des 30 à 120 minutes qui suivent Un repas glucidique apporte normalement entre
le début de la prise alimentaire. Dans certains cas,
30 et 100 g de glucides.
en particulier lorsque le patient se trouve au stade
précoce des désordres glycémiques, c'est-à-dire
dans la période de transition entre le prédiabète et Petit déjeuner
le diabète sucré avéré, la phase d'hyposécrétion ini- Dans la plupart des sociétés, la consommation
tiale est le plus souvent suivie d'une hypersécrétion de glucides est en général beaucoup plus faible
tardive entre la 2e et la 3e heure. Cette hypersécré- au moment du petit déjeuner qu'aux autres repas
tion est liée à l'insulinorésistance qui caractérise le de la journée. Les quantités de glucides sont aux
diabète de type 2. Elle est donc réactionnelle, mais alentours de 30 à 40 g le matin et de 70 à 100 g
également relative, car elle est en général inca- aux deux autres repas. La qualité des glucides est
pable de ramener la glycémie à la normale dans les également variable entre les trois repas. Le plus
délais habituels (moins de 2 heures) en raison de souvent, le petit déjeuner est relativement riche
l'insulinorésistance. Dans certains cas, pour peu en glucides à fort pouvoir hyperglycémiant (jus
que l'insulinorésistance ne soit pas trop marquée, de fruits, viennoiseries, confitures, biscottes,

266
Chapitre 23. Structurer la prise alimentaire chez le patient diabétique : pourquoi ? Comment ?

A Petit déjeuner

1re partie 2e partie

Protéines et lipides Glucides avec des


index glycémiques
faibles ou intermédiaires

B Repas de midi ou du soir

Entrée Plat principal Dessert

N’importe quel aliment glucidique


Glucides à faible index Glucides à index mais l’apport de ceux qui ont un
glycémique glycémique intermédiaire index glycémique élevé devrait être
mélangés avec des mélangés avec sa fréquence
limité dansIndex et/ou
glycémique dans la
faible
protéines et des lipides des protéines et des taille de ses portions
lipides Les protéines et les lipides sont
seulement facultatifs

Figure 23.4. Structuration d'un repas glucidique recommandée chez un patient diabétique.
A. Petit déjeuner. B. Repas de midi et du soir.

flocons d'avoine). Il convient de noter que le pain d'éviter une charge glucosée trop importante
grillé souvent consommé au petit déjeuner a un au moment du petit déjeuner. La quantité de
pouvoir hyperglycémiant plus élevé que celui du glucides ne devrait pas dépasser 40 g et l'apport
pain blanc, lequel a lui-même un index glycé- glucidique devrait être assuré par des aliments à
mique relativement fort, égal à 100 dans l'échelle index glycémique faible ou modéré (fruits frais,
de référence qui est habituellement utilisée (cf. lait, yaourts). À titre d'exemple, il est préférable
chapitre 6). La montée glycémique liée à l'inges- de consommer des fruits frais plutôt que des jus
tion de ces glucides dits «rapides » peut être en de fruits pressés. La plus mauvaise solution serait
partie amortie soit par la consommation de glu- de prendre des jus de fruits du commerce qui sont
cides plus lents sous la forme de fruits entiers ou toujours plus sucrés que les jus de fruits pressés,
de lait (le lactose a un index glycémique faible, surtout lorsqu'ils contiennent des sucres ajoutés. Il
voisin de 50), soit par la consommation conco- est bien certain que le petit déjeuner ne se prête
mitante d'aliments lipido-protidiques (beurre, guère à la consommation de légumineuses bien
jambon, fromages). Il n'en reste pas moins que que certains nutritionnistes anglais aient, il y a une
sauf cas particulier, ce sont les glucides à fort pou- trentaine d'années, préconisé la consommation de
voir hyperglycémiant qui constituent la majeure lentilles au petit déjeuner. À notre connaissance, ce
partie de l'apport nutritionnel du petit déjeuner. message n'a guère reçu d'écho favorable auprès des
C'est pourtant au moment de ce premier repas de consommateurs. En revanche, même si la consom-
la journée que l'on devrait être le plus vigilant sur mation d'aliments comme le pain, qui a un index
le pouvoir hyperglycémiant des aliments. En effet, glycémique non négligeable, ne peut être évitée,
c'est en fin de nuit et pendant la première partie de son pouvoir hyperglycémiant peut être «tam-
la matinée que la sensibilité des tissus à l'insuline ponné » par la prise concomitante de fromage,
est la plus faible et que la production hépatique du de jambon et de corps gras (beurre par exemple).
glucose est à son maximum. Dès lors, il est facile De plus en plus dans les buffets de restaurant sont
de comprendre que, au moins chez les patients proposées au petit déjeuner des salades compo-
diabétiques de type 2, c'est la glycémie qui suit le sées avec des légumes frais (carottes, tomates) et
petit déjeuner qui est la plus forte de la journée. des céréales (maïs). Cette consommation ne peut
Chez les diabétiques, il est donc recommandé qu'être recommandée aux personnes diabétiques.

267
Partie IV. Grandes questions et idées fausses

Pour les deux autres (lait, yaourts) au début du petit déjeuner et de


repas de la journée réserver pour la fin les aliments purement gluci-
diques ou riches en glucides (fruits, pain…). La
Au cours de ces deux repas, les aliments gluci-
confiture n'est pas à prohiber à condition qu'elle
diques (les féculents en général) sont tradition- soit apportée en petite quantité (une à deux cuil-
nellement mélangés à des aliments lipidiques, lerées à café soit 3 à 6 g de glucides rapides) à la
lipo-protidiques ou protidiques (viandes, pois- fin du petit déjeuner. Comme nous l'avons déjà
sons…) qui amortissent les montées glycémiques indiqué dans un autre chapitre, nous ne sommes
postprandiales. Ces mesures ne sont toutefois pas très favorables à la consommation de confi-
pas suffisantes pour éviter les montées glycé- tures dites pour diabétiques, même si elles ont
miques excessives. Si l'on revient à l'inadéquation une teneur en sucre 2 fois plus faible que celle des
entre l'insulinémie et la glycémie que nous avons confitures traditionnelles. Mieux vaut consom-
décrite plus haut, il faudrait idéalement que les mer une quantité modérée de confiture normale
repas soient structurés de la manière suivante : qu'une quantité non contrôlée ou immodérée de
les glucides les plus lents en entrée, les glucides confiture pour diabétiques.
intermédiaires en accompagnement du plat prin- Sur la figure 23.4, nous avons résumé les pro-
cipal et les glucides les plus rapides en fin de repas. positions de séquences nutritionnelles qui nous
Dans ces conditions, les entrées devraient être paraissent les plus appropriées au petit déjeuner
constituées par des crudités accompagnées d'un (fig. 23.4A) et aux deux autres repas de la journée
assaisonnement lipidique (huile végétale) et éven- (fig. 23.4B) pour éviter les excursions glycémiques
tuellement d'un apport protidique sous forme postprandiales dans le diabète sucré.
de poulet ou de jambon découpés finement en
lamelles ou en petits cubes et mélangés à la salade
ainsi composée. Les glucides à pouvoir hypergly- Répartition des nutriments
cémiant intermédiaire (pommes de terre, légumes
au cours de la journée
secs, riz, pâtes) devraient accompagner l'aliment
protidique (viande, poisson) qui en général Si l'on considère la répartition des nutriments au
constitue le plat principal. Au moment du dessert, cours de la journée, c'est celle des glucides qui doit
le mieux pour une personne diabétique est de être prise en considération en priorité chez un
consommer des fruits ou du fromage. Toutefois, patient diabétique. La répartition habituelle est
tout diabétique a comme tout consommateur le 1/5e des calories glucidiques au petit déjeuner et
besoin ou le désir de consommer des aliments 2/5e au moment des deux autres repas de la jour-
riches en sucres rapides à goût sucré lorsque l'oc- née. Il est bien certain que cette répartition doit
casion se présente : repas de famille, repas de fête, être adaptée aux habitudes du sujet, à sa vie pro-
repas du week-end. La consommation de produits fessionnelle, à son activité physique et aux risques
sucrés (pâtisseries, entremets sucrés…) doit sur- d'hypoglycémie. Un repas devra contenir d'autant
venir au moment du dessert car c'est à ce moment moins de glucides que l'activité physique dans les
qu'ils auront le moins d'impact sur la glycémie. quelques heures qui suivent ce repas sera faible. À
En ce qui concerne la consommation de pain, elle l'inverse, une activité physique soutenue dans une
peut être étalée sur toute la longueur du repas en période de la journée devrait être précédée par un
sachant tout de même qu'il vaut mieux le consom- repas plus riche en glucides.
mer en milieu qu'en début de repas car il convient Prenons l'exemple simple d'un patient diabé-
de rappeler à nouveau que le pouvoir hyperglycé- tique qui a une activité physique faible dans la
miant du pain n'est pas négligeable. La structure matinée et relativement intense dans l'après-midi.
idéale d'un repas est illustrée sur la figure 23.4B. Dans ce cas de figure, le simple bon sens indique
Pour en revenir au petit déjeuner, on peut appli- que l'apport glucidique du petit déjeuner doit être
quer une démarche semblable à celle des deux modeste, moins de 30 g de glucides (soit 1 fruit,
autres repas pour éviter une montée glycémique 1 yaourt et 2 biscottes par exemple) le tout pou-
trop brusque (fig. 23.4A). Dans ce cas, l'attitude vant être accompagné d'une noisette de beurre
sera de donner les aliments protéino-lipidiques et d'une demi-tranche de jambon pour assurer
(jambon, fromage) ou protéino-lipido-glucidiques l'apport lipido-protidique et pour améliorer la

268
Chapitre 23. Structurer la prise alimentaire chez le patient diabétique : pourquoi ? Comment ?

palatabilité du petit déjeuner. En revanche, le salés en entrées ou en tant que plat principal.
repas de midi devra être relativement copieux avec La portion moyenne de tarte salée ou de feuilleté
un apport glucidique de plus de 100 g. Cet objectif apporte 360 à 400 kcal avec un apport glucidique
peut être atteint avec par exemple : 2 portions de qui est de l'ordre de 25 à 30 g. Le pouvoir hyper-
120 g de riz soit 50 g de glucides, 1/4 de baguette glycémiant de ces glucides est indiscutable même
de pain, soit 25 g de glucides, 1 fruit soit 12 g s'il reste moins important que celui des pâtisse-
de glucides et une assiette de crudités en entrée : ries ou des entremets sucrés. En effet, les autres
12 g de glucides. Pour dépasser les 100 g de glucides, constituants nutritionnels de la tarte salée, qui
il suffit d'ajouter du pain au prorata de l'objectif sont le plus souvent de nature lipido-protidique
qui est poursuivi : 20 g de pain supplémentaire (jambon, fromages par exemple) ont tendance
pour chaque incrément glucidique de 10 g. Enfin, à tamponner le pouvoir hyperglycémiant de la
des collations glucidiques apportant une vingtaine pâte qui entre dans la composition des tartes ou
de grammes de glucides peuvent être program- des feuilletés salés. Si on a le choix, il est préfé-
mées dans les périodes interprandiales (milieu de rable de les consommer en remplacement du plat
matinée ou d'après-midi) ou à distance des repas principal plutôt qu'en entrée afin de ne pas posi-
(avant le coucher) en fonction du risque d'hypo- tionner des glucides à pouvoir hyperglycémiant
glycémie dans les périodes correspondantes. Un non négligeable en première partie du repas,
sujet diabétique insuliné, qui fait des hypoglycé- c'est-à-dire dans la période où ils sont susceptibles
mies nocturnes, devrait prendre avant le coucher de conduire aux montées glycémiques les plus
une collation comportant par exemple 1 fruit (12 g marquées.
de glucides) et un ou 2 yaourts (5 à 10 g de glu-
cides) soit un total de 17 à 22 g de glucides.
Adaptation du traitement
médicamenteux antidiabétique
Répartition des glucides à la structure des repas
sur la semaine Ce problème est surtout crucial pour les
La plupart des personnes ont coutume de prendre patients diabétiques qui sont traités par
pendant le week-end un à deux repas plus copieux insuline. Chez ceux qui ne reçoivent qu'un
qu'à l'habitude. Ces repas sont en général accom- traitement par antidiabétiques oraux ou par
pagnés de la prise de pâtisseries ou d'entremets agonistes des récepteurs du GLP-1, c'est-à-dire
sucrés qui augmentent la ration glucidique. Une par des médications non insuliniques, l'adap-
pâtisserie de taille moyenne apporte une quantité tation du traitement à la structure des repas
de glucides de l'ordre d'une trentaine de grammes. est simple. La seule précaution est d'éviter de
L'une des solutions pour éviter l'excès de glucides prendre un antidiabétique oral type sulfony-
est de réduire la quantité de pain en sachant que lurée quand on est à jeun ou quand on saute
30 g de glucides sont apportés par 60 g de pain. un repas. En effet, les sulfonylurées font sécré-
Ainsi, c'est cette quantité de pain qu'il faudrait ter de l'insuline de manière indépendante du
en théorie supprimer pour contrôler l'apport glucose. Le risque d'une prise de sulfonylurée
glucidique. Toutefois, ceci n'est pas toujours pos- en dehors de toute prise alimentaire est donc
sible sauf à supprimer complètement l'apport de celui de l'hypoglycémie. En revanche, chez les
pain au moment des repas festifs. Pour éviter cet patients traités par insuline, il est nécessaire de
inconvénient, il est toujours possible de combiner moduler les doses d'insuline, en particulier les
la réduction du pain avec celle des féculents qui bolus d'insuline préprandiaux, pour contrôler
accompagnent le plat principal. Quelle que soit la les excursions glycémiques postprandiales. La
solution choisie, la pâtisserie ou l'entremet sucré distribution quantitative des insulines pran-
doivent être consommés en fin de repas car c'est à diales sur les trois repas de la journée varie
ce moment-là qu'ils seront les moins hyperglycé- d'un sujet à l'autre et même souvent d'un jour
miants. L'un des problèmes qui se posent au cours à l'autre chez un même sujet. La teneur en
des repas du week-end est la consommation de glucides des repas et la qualité des glucides
tartes salées (quiches ou pizzas) ou de feuilletés ingérés jouent un rôle dans cette variabilité.

269
Partie IV. Grandes questions et idées fausses

Pour maîtriser ce problème et afin de donner diabétiques. La fiabilité de « l'insulinothéra-


des consignes plus précises à leurs patients, pie fonctionnelle » ne pourrait être pleinement
certains professionnels de santé pratiquent admise que si la régulation glycémique chez les
ce qu'ils désignent sous le terme d'« insulino- diabètes insulinés obéissait à un modèle stable.
thérapie fonctionnelle ». Cette technique qu'il Ce n'est malheureusement pas le cas. Cette opi-
vaudrait mieux appeler « insulinothérapie phy- nion est confortée par les observations fournies
siologique » est en fait une méthode éducative par les nouvelles techniques d'enregistrement
qui a pour objectif de chercher à adapter les glycémique continu en ambulatoire. Ces tech-
doses d'insuline aux épisodes physiologiques niques ont montré que la variabilité glycémique
(repas, activité physique) ou pathologiques sur la même journée et surtout d'un jour à l'autre
(hypoglycémies). est l'un des principaux soucis des patients et l'un
Avant de poursuivre plus loin notre propos, des obstacles majeurs au bon contrôle glycé-
et avant de développer les arguments scienti- mique des diabétiques insulinés. Dans les lignes
fiques en faveur ou non de l'insulinothérapie qui suivent, nous tenterons de dégager les mes-
fonctionnelle, nous aimerions préciser qu'il sages pratiques que l'on peut tirer de l'insulino-
serait difficile de trouver des médecins suscep- thérapie fonctionnelle tout en soulignant qu'ils
tibles de pratiquer une insulinothérapie dite doivent être considérés avec un esprit critique et
« non physiologique » c'est-à-dire « non fonc- ne pas être pris au pied de la lettre.
tionnelle ». Bien que certains se revendiquent
comme étant des fondateurs ou des adeptes de
Principes de base
l'insulinothérapie dite fonctionnelle (terme
inconnu dans la diabétologie anglo-saxonne), de l'insulinothérapie fonctionnelle
cette méthode n'est l'apanage de personne dans Le métabolisme du glucose peut être décrit par un
la mesure où elle correspond à la pratique de modèle simple qui dépend de deux flux entrants
tous les thérapeutes qui font de l'insulinothéra- de glucose (input). Le premier est représenté par
pie physiologique guidée par le bon sens c'est-à- l'absorption intestinale des glucides et le deuxième
dire adaptée à la vraie vie du patient. Pour que par le flux de glucose modulé par les médicaments
« l'insulinothérapie fonctionnelle » préconisée à visée antidiabétique. Le flux sortant de glucose
par certains soit réellement « physiologique », (output) est la réponse glycémique (fig. 23.5).
encore faudrait-il qu'elle réponde aux critères Chez un patient traité par insuline, on peut cal-
de la physiologie, ce qui est loin d'être évident. culer théoriquement la dose d'insuline basale en
En effet, « l'insulinothérapie fonctionnelle » est supprimant le flux de glucose intestinal et en ne
basée sur une mesure des besoins insuliniques conservant que le flux de glucose lié à l'action de
chez des patients diabétiques soumis à un jeûne l'insuline. Ce flux basal, obtenu grâce à un jeûne
absolu ou relatif (glucidique), les deux étant absolu ou grâce à un jeûne glucidique est uni-
des situations peu recommandées voire même quement conditionné par les besoins en insuline
non recommandables dans la vraie vie des basale dont les doses quotidiennes nécessaires

Flux de glucose lié à l’absorption


intestinale des glucides

Métabolisme Réponse glycémique


du glucose

Flux de glucose modulé par


l’insulinothérapie

Figure 23.5. Représentation schématique du métabolisme du glucose.


En insulinothérapie fonctionnelle, le calcul de la dose d'insuline basale est basé sur la suppression du flux de glucose lié
à l'absorption intestinale des glucides grâce à un jeûne total ou grâce à un jeûne glucidique.

270
Chapitre 23. Structurer la prise alimentaire chez le patient diabétique : pourquoi ? Comment ?

peuvent être ainsi déterminées (fig. 23.5). Le flux même dans les formes qui sont considérées a priori
de glucose intestinal ou prandial est ultérieure- comme relativement stables.
ment rétabli en réintroduisant des repas dont la
teneur en glucides est quantifiée. Les doses pran- Instabilité des paramètres
diales d'insuline permettant de contrôler les glycé- métaboliques impliqués
mies postprandiales sont ainsi considérées comme dans la régulation glycémique
représentatives des bolus à administrer au moment
des trois principaux repas de la journée (fig. 23.6).
et conséquence sur la
Ce calcul élémentaire est basé sur l'hypothèse que détermination des besoins
la régulation de la glycémie obéirait chez les dia- insuliniques
bétiques à un modèle stable au cours du temps. La variabilité des montées glycémiques postpran-
L'expérience clinique montre malheureusement diales qui sont plus longues et plus intenses que
que la régulation de la glycémie obéit au contraire chez les non diabétiques est conditionnée par de
à un modèle variable (fig. 23.7) au cours du temps, nombreux facteurs.
sur une même journée et d'un jour à l'autre. Il en
est ainsi pour l'absorption intestinale des glucides Besoins insuliniques prandiaux
et pour la métabolisation des médicaments hypo- • Certains sont de nature purement alimentaire :
glycémiants, avec une mention particulière pour charge en glucides au moment de chaque repas,
l'insuline. C'est donc l'instabilité et non la stabi- index glycémique des aliments, association
lité qui est la règle dans le diabète sucré insuliné, des glucides à d'autres nutriments (protides,

Flux de glucose lié à une quantité


définie de glucides à chaque repas

Métabolisme
du glucose Réponse glycémique
postprandiale

Doses d’insuline prandiale ajustées à


la quantité de glucides ingérés à
chaque repas
Figure 23.6. En insulinothérapie fonctionnelle, le calcul des doses d'insuline prandiale est réalisé
en introduisant des repas dont la teneur en glucides est quantifiée et en adaptant l'insuline
de manière à ramener les excursions glycémiques postprandiales à la normale.

Absorption
intestinale
des glucides

Métabolisme

Glycémie
Pharmacocinétique
et pharmacodynamie
de l’insuline

Figure 23.7. Le métabolisme du glucose répond à un modèle aléatoire dans lequel les différents
paramètres varient continuellement au cours du temps chez un même patient.

271
Partie IV. Grandes questions et idées fausses

lipides). À titre d'exemple, une portion de pain d'analogues rapides de l'insuline qu'il convient de
blanc apportant 50 g de glucides entraîne une donner sont en général égales à 1,5 unité avant le
réponse glycémique deux fois plus forte que petit déjeuner et à 1 unité avant le repas de midi ou
celle obtenue avec une demi-portion de pain avant le repas du soir. Ces doses ne sont bien évi-
blanc apportant 25 g de glucides. De plus, le demment que des moyennes qui sont à moduler
pouvoir hyperglycémiant des glucides alimen- d'un individu à l'autre et qui peuvent même fluc-
taires diffère d'un aliment à l'autre en fonction tuer au cours du temps chez un même individu.
de l'index glycémique des aliments et des traite- Comme nous l'avons déjà signalé, il convient de
ments thermiques et mécaniques qui leur sont remarquer que les doses d'insuline à fournir avant
appliqués. Ces problèmes ont déjà été largement le petit déjeuner sont chez la majorité des patients
évoqués dans le chapitre consacré aux «glucides plus élevées que celles à injecter avant les deux
alimentaires » (chapitre 6). autres repas. Cette différence est due au fait que
• La période de la journée joue un rôle. Les petits c'est en fin de nuit et dans la matinée que la sen-
déjeuners sont les repas qui donnent naissance sibilité à l'insuline est la plus faible et par voie de
aux excursions glycémiques postprandiales les conséquence que les besoins insuliniques sont les
plus fortes, au moins chez les diabétiques de plus importants.
type 2. Dans ce groupe de patients, ce sont les
Besoins insuliniques de base
montées glycémiques qui suivent les repas qui
conditionnent la variabilité glycémique globale. Si l'insulinothérapie fonctionnelle a permis de
• La variabilité glycémique dépend du type de dia- définir des règles relativement claires pour les
bète et du traitement qui lui est appliqué. La classi- besoins insuliniques prandiaux, il n'en est pas de
fication se fait selon un ordre décroissant qui est le même pour les besoins insuliniques de base. En
suivant : diabète de type 1 > diabète de type 2 insu- effet, la détermination de ce type de besoin en
liné > diabète de type 2 traité par antidiabétiques insulinothérapie fonctionnelle est conduite grâce
oraux (ADO) > sujets sains. Comparativement à un jeûne total ou glucidique. Dans les deux cas,
aux sujets sains dont la variabilité glycémique ce jeûne induit des modifications métaboliques
reste faible, les patients diabétiques ont une importantes (fig. 23.8). Chez une personne nor-
variabilité glycémique qui est augmentée d'un malement nourrie, le maintien de la glycémie à la
facteur de l'ordre de 2 pour les diabètes de type 2 normale provient de la glycogénolyse hépatique
non insulinés, de l'ordre de 3 pour les diabètes tant que les réserves en glycogène hépatique ne
de type 2 insulinés et de l'ordre de 4 voire même sont pas épuisées. Ce phénomène couvre toute
plus pour les diabètes de type 1. En dépit de cette la période postabsorptive qui va de la 4e à la
absence de stabilité, l'insulinothérapie fonction- 10e heure après l'ingestion d'un repas. Au cours
nelle a permis de donner des consignes pour défi- de cette période, la production hépatique de glu-
nir les doses d'insuline prandiale en fonction de la cose par glycogénolyse est de 5 g/h, la production
quantité de glucides ingérés à tel ou tel repas. Pour de corps cétoniques reste faible (1 g/h), le muscle
une prise de 10 g de glucides, les doses moyennes libère environ 1,5 g d'acides aminés par heure et

Période postabsorptive Jeûne court

Tissu Libération d’acides gras


adipeux
7 g/h 14 g/h

Production de corps cétoniques


Foie
1 g/h 3 g/h

Figure 23.8. Utilisation de substrats métaboliques au cours du jeûne.

272
Chapitre 23. Structurer la prise alimentaire chez le patient diabétique : pourquoi ? Comment ?

le tissu adipeux déverse 7 g d'acides gras libres pour maintenir la glycémie à un niveau normal
toutes les heures. Quand le sujet entre en période après une injection d'insuline a un coefficient de
de jeûne (au-delà de la 10e heure après l'ingestion variation égal à 68 % pour la NPH, 48 % pour la
d'un repas), les métabolismes subissent des alté- glargine et 27 % pour la détémir.
rations importantes qui ne cessent de s'aggraver Dans tous les cas de figure et quelle que soit la
au fur et à mesure que le jeûne se prolonge. La nature de l'insuline, la reproductibilité des profils
production de glucose par le foie ne provient plus d'action insulinique est peu prévisible d'un jour à
de la glycogénolyse mais de la néoglucogenèse l'autre chez un même sujet. Cette variabilité s'ex-
(qui est de l'ordre de 2 g/h). La production de plique en partie par les variations de résorption
corps cétoniques passe de 1 à 2,5 g/h, la libération de l'insuline au niveau du site d'injection. Pour
d'acides gras libres au niveau du tissu adipeux une même préparation d'insuline, la résorption
passe de 7 à 14 g/h. Ces différents phénomènes de l'insuline dépend de facteurs non prévisibles
contribuent à modifier la sensibilité à l'insuline et non quantifiables. Dans ces conditions, l'insu-
des tissus périphériques car il est bien connu que linothérapie fonctionnelle n'apparaît pas comme
les corps cétoniques et les acides gras libres sont la meilleure méthode pour mesurer les besoins
des facteurs d'insulinorésistance. insuliniques. Peut-on lui trouver un substitut ?
En conclusion, le jeûne, lorsqu'il se prolonge,
crée un état d'insulinorésistance croissant qui Holter glycémique :
modifie les besoins insuliniques. Il est donc phy- une technologie d'avenir
siologiquement impossible de déterminer une
dose d'insuline basale à partir d'un jeûne prolongé pour éduquer les diabétiques
dans la mesure où le système métabolique est en et pour ajuster les traitements
dérive permanente. Si chiffre il y a pour la dose, il Le holter glycémique en ambulatoire a actuellement
est obligatoirement entaché d'erreur et en tout état atteint un degré de fiabilité suffisant pour permettre
de cause il n'est pas extrapolable à la vraie vie du une analyse correcte de l'évolution glycémique sur
patient diabétique insuliné chez lequel le jeûne est une durée de quelques jours. Son intérêt est évident
fortement déconseillé et chez lequel la prise régu- dans les deux types de diabète (type 1 et type 2).
lière de trois repas quotidiens est au contraire for-
tement recommandée. Cette remarque s'applique Holter glycémique dans le diabète de type 2
en particulier au jeûne religieux du ramadan, La pratique de l'enregistrement glycémique
lequel modifie les besoins insuliniques de base continu en ambulatoire a permis de montrer que
et prandiaux. Ceci explique qu'il soit préférable chez les diabétiques de type 2 l'hyperglycémie
d'exempter les patients diabétiques insulinés de la postprandiale précède l'hyperglycémie basale.
pratique du ramadan. Pour en revenir à l'insuli- Dès que l'HbA1c est comprise entre 6,5 et 7 %,
nothérapie fonctionnelle, l'interprétation de ses les montées glycémiques postprandiales sont
résultats devient encore plus complexe quand anormales. De plus, ces dérives hyperglycémiques
on sait que la résorption et la métabolisation des sont surtout bien marquées après le petit déjeuner.
préparations d'insuline (ce que les scientifiques La maîtrise d'une glycémie matinale correcte est
désignent sous les termes de pharmacocinétique et donc indispensable si on veut améliorer l'équilibre
de pharmacodynamie) sont l'objet de larges varia- des patients diabétiques de type 2. La réduction
tions intra-individuelles. En effet, la durée d'action des hyperglycémies postprandiales et de l'hyper-
des insulines n'est qu'une donnée moyenne qui glycémie de fin de nuit et de la matinée permet de
varie d'un sujet à l'autre et surtout chez un même gagner entre 1 et 1,4 % d'HbA1c. Ceci signifie qu'il
sujet d'un jour à l'autre. Plusieurs études ont mon- est important de prescrire des mesures diététiques
tré une variabilité intra-individuelle importante et de se préoccuper de la structure des repas pour
du taux de l'insuline plasmatique après injection améliorer le contrôle glycémique des patients
d'insuline : 28 % pour la NPH, 14 % pour la dété- diabétiques de type 2. Ces mesures ne peuvent
mir et 33 % pour la glargine. Ces résultats ont été être qu'utiles pour potentialiser l'action des
confirmés par les études de pharmacodynamie. En traitements médicamenteux destinés à contrôler
effet, le débit de perfusion glucosée indispensable les excursions glycémiques qui suivent les repas.

273
Partie IV. Grandes questions et idées fausses

Holter glycémique dans le diabète de type 1 excessif. En effet, après un repas du soir pris à
En analysant les profils glycémiques de patients 20 heures, il est classique de s'installer tranquille-
ayant un diabète de type 1 traité par multi- ment dans un fauteuil plutôt que d'avoir une acti-
injections d'insuline (schéma basal-bolus), on vité physique. Si de surcroît la personne se couche
peut observer qu'ils sont différents en fin d'après- relativement tôt, il est facile de comprendre que la
midi selon que l'HbA1c est supérieure ou infé- baisse glycémique après une montée glycémique
rieure à 8 % (fig. 23.9). Les malades ayant une après le dîner sera difficile à obtenir.
HbA1c inférieure à 8 % ont souvent une glycémie

Conclusion
de fin d'après-midi proche de la normale. Dans
ces conditions, le dîner entraîne une montée gly-
cémique relativement modeste et les glycémies
moyennes nocturnes se situent souvent dans une Pour conclure ce chapitre, il apparaît que l'apport
zone acceptable. En revanche, les patients ayant glucidique en quantité et en qualité doit être maî-
une HbA1c ≥ 8 % gardent souvent des glycémies trisé chez tous les patients diabétiques. Tous les
fortes en fin d'après-midi. Dans la période qui repas de la journée sont concernés avec cependant
suit le dîner les glycémies atteignent des niveaux une vigilance particulière pour le petit déjeuner
élevés qui se perpétuent pendant la période noc- et le dîner. Les repas festifs sont possibles chez le
turne. Ces différences peuvent être liées à un patient diabétique à condition de suivre quelques
sous-dosage insulinique plus ou moins volontaire règles simples : consommer les aliments sucrés
au moment du repas de midi, pour essayer d'éviter en fin de repas plutôt qu'en début et si c'est pos-
les hypoglycémies de fin d'après-midi et surtout sible réduire la quantité de pain au moment de ce
nocturnes. Ces dernières sont l'une des craintes type de repas pour compenser l'augmentation de
majeures des diabétiques de type 1 insulinés. Ces l'apport glucidique liée aux pâtisseries et entre-
patients devraient donc exercer une vigilance mets sucrés. Enfin, pour terminer, il est toujours
particulière sur la glycémie de fin d'après-midi préférable quel que soit le repas de le structurer de
afin de la maintenir dans une zone intermédiaire la manière suivante : les glucides lents en entrée,
pour qu'elle soit ni trop basse ni trop élevée. Ces les glucides à pouvoir hyperglycémiant intermé-
observations indiquent également que l'apport diaire avec le plat principal et les glucides rapides,
glucidique au moment du dîner ne doit pas être s'il y en a, en dessert.

240

220
Glucoseconcentration(mg/dL)

200 HbA1c  8 %

180

160

140

HbA1c  8 %
120

100
0 200 400 600 800 1000 1200 1400
Temps (minutes)
Figure 23.9. Profils glycémiques chez des patients de type 1 traités par schémas basal-bolus.
En trait plein : sujets ayant une Hba1c supérieure ou égale à 8 %. En trait pointillé sujet ayant une HbA1c inférieure
à 8 %.

274
Éviter les CHAPITRE
24
comportements
alimentaires délétères
J.-L. Schlienger

PLAN DU CHAPITRE des sensations de moins en moins ressenties


Définitions des troubles du comportement alimentaire 275 par l'individu tant est dominant le contrôle
Classification des troubles du comportement cognitif nécessaire à l'élaboration et à la prise
alimentaire 276
d'un repas et la pression sociale qui édicte
Données épidémiologiques 278
des codes et des normes. Les conduites obser-
Causes et mécanismes 279
vées s'écartent souvent de cette ligne pour
Traitement des troubles du comportement alimentaire 282
répondre à des signaux neurobiologiques non
Prévention et traitement des troubles du comportement
alimentaire dans le diabète de type 1 283 physiologiques tels que la restriction cogni-
tive ou, au contraire, une désinhibition avec
Le comportement alimentaire a pour but pre- levée des interdits implicites entraînant une
mier de satisfaire les besoins vitaux de l'orga- prise alimentaire chaotique, impulsive, ina-
nisme par un ensemble de décisions et d'actes daptée de type psychopathologique. Il s'agit
en lien avec la consommation des aliments. alors de troubles du comportement alimen-
En plus des mécanismes physiologiques qui taire (TCA).
assurent le maintien de l'homéostasie grâce à
un système complexe de capteurs et de régu-
lations neurohormonales, il est déterminé Définitions des troubles
par un ensemble de facteurs intriqués, psy- du comportement alimentaire
chologiques, socioculturels et affectifs. Les
besoins sont traditionnellement couverts de Les TCA sont définis par l'association de per-
façon discontinue par des repas séparés par turbations du comportement alimentaire, de
des intervalles de non-consommation. La troubles de la perception de l'image corporelle
nature et la quantité du contenu du repas sont et d'obsessions alimentaires ou pondérales. Ils
théoriquement adaptées à l'état métabolique. se manifestent souvent à l'adolescence, période
Planifiée dans le temps et organisée dans sa de plus grande fragilité psychoaffective. Chez
structure, la prise alimentaire est également l'adulte, les troubles sont plus sévères avec un
sous l'inf luence de signaux émotionnels et ancrage des symptômes et des conséquences
de stress. L'espèce humaine a la capacité psychosociales plus marquées. Bien qu'exception-
nellement liés à une atteinte organique les TCA
©2018,ElsevierMassonSAS.Tousdroitsréservés

d'anticiper l'organisation de la prise alimen-


taire et de la moduler en fonction d'objectifs sont d'authentiques maladies chroniques. Ils tra-
Manueldenutritionpourlepatientdiabétique

d'ordre sanitaire en s'imposant un régime duisent habituellement par une réponse répétitive
alimentaire particulier mais ne parvient pas univoque et systématique, une situation de mal-
toujours à s'abstraire d'autres motivations être, de mésestime de soi, de dépression ou de
d'ordre psychoaffectif qui se surimposent aux restriction chronique. L'hyperphagie prime large-
besoins physiologiques. Le cerveau produit ment sur l'anorexie ou la boulimie. Des TCA aty-
des conduites alimentaires résultant de la piques, moins visibles mais fréquents, se situent à
combinaison d'un ensemble d'informations l'interface du normal et du pathologique. Ils sont
provenant de plusieurs systèmes sensoriels et volontiers une réponse au stress, aux contraintes
cognitifs. La faim, l'appétit et la satiété régis- et aux émotions et souvent associés à une baisse
sant la conduite alimentaire primaire sont de l'estime de soi et à un sentiment de culpabilité.

275
Partie IV. Grandes questions et idées fausses

Classification des troubles passif est fréquent et survient souvent en réponse


à une situation de stress ou de contrainte. Son
du comportement alimentaire ressenti est plutôt agréable et ne génère guère de
culpabilité ;
Le DSM (Diagnostic and Statistical Manual of
• l'hyperphagie correspond à un apport calo-
Mental Disorders) est l'ouvrage de référence qui rique excessif durant le repas secondaire à une
classifie et catégorise les critères diagnostiques augmentation de la faim et de l'appétit et/ou à
des troubles mentaux spécifiques sur la base de une sensation de rassasiement insuffisante ou
données statistiques. La cinquième version (DSM- retardée ;
5) publiée en 2013 modifie quelque peu les cri- • la tachyphagie est caractérisée par une vitesse
tères des TCA par rapport au DSM-IV datant de excessive de la prise alimentaire ce qui aboutit à
1994. Le «binge eating disorder » (BED) devient la consommation de portions trop importantes ;
une catégorie diagnostique à part entière et sort • les compulsions alimentaires induisent la
du groupe des troubles alimentaires atypiques consommation impulsive et brutale d'un ali-
(EDNOS pour eating disorder not otherwise speci- ment en réponse à une envie. Elles surviennent
fied) qui regroupe l'hyperphagie nocturne (NES) surtout en fin de journée lors de la perte du
et diverses formes d'anorexie ou de boulimie contrôle social et induisent un sentiment de
incomplètes atypiques (tableau 24.1) : culpabilité. Le «craving » correspond à une envie
• maintien d'un poids dans les limites de la nor- impérieuse de manger, proche de la compulsion.
male en dépit de la présence des autres critères
d'anorexie mentale ;
Anorexie mentale
• présence des critères de la boulimie avec une
faible fréquence des crises ; Elle est définie par les critères suivants :
• méthodes compensatoires à la suite de l'absorp- • restriction de la consommation d'énergie par
tion de petites quantités de nourriture ; rapport à ce qui est attendu menant à un poids
• le sujet mâche et recrache, sans avaler, de inférieur au poids normal pour le sexe, l'âge et
grandes quantités de nourriture. la taille ; les critères du DSM-IV étaient plus
D'autres TCA sont plus communs et souvent explicites et plus restrictifs : perte de poids
minimisés ou méconnus. Ils sont volontiers asso- > 15 %, IMC < 18,5 kg/(m)2 chez l'adulte ou < au
ciés à une prise de poids excessive et peuvent être 10e percentile chez l'adolescent ;
un facteur causal d'obésité : • peur intense de prendre du poids ou de devenir
• le grignotage. Il est défini par l'ingestion répétée gros ; refus et peur de maintenir ou d'atteindre
de divers aliments en dehors d'un repas et en un poids minimum normal pour l'âge et la
dehors d'un contexte de faim. Ce comportement taille ;

Tableau 24.1. Les principales catégories de TCA.


Apports excessifs Apports insuffisants Hypercontrôle Peur de manger
alimentaire
Hyperphagie Restriction cognitive Orthorexie Phobies alimentaires
Tachyphagie Anorexie mentale
Grignotage
Compulsions alimentaires
Craving
Boulimie
Binge eating
Crises alimentaires
nocturnes
Les TCA atypiques reprennent sur un mode mineur certaines des caractéristiques des TCA plus conventionnels et sont souvent
méconnus.

276
Chapitre 24. Éviter les comportements alimentaires délétères

• altération de la perception du poids ou de sa considéré comme une entité propre. Les critères
forme corporelle, influence excessive du poids diagnostiques sont :
corporel ou de la silhouette sur l'évaluation de • épisodes récurrents de crises de boulimie avec
soi ou absence persistante de reconnaissance de sentiment de perte de contrôle (sentiment ce
la dangerosité du faible poids actuel (déni retar- ne pas pouvoir s'arrêter de manger ou de ne
dant la prise en charge). pas pouvoir contrôler ce que l'on mange ou en
L'aménorrhée ne fait plus partie des critères du quelle quantité) ;
DSM-5 : ce critère était difficilement applicable • les épisodes de boulimie sont associés à au
aux jeunes filles avant leurs premières règles, aux moins trois des caractéristiques suivantes :
femmes sous contraception orale, aux femmes manger beaucoup plus rapidement que la nor-
ménopausées et aux hommes. male ; manger jusqu'à ressentir une sensation
L'anorexie mentale se présente soit sous une de plénitude inconfortable ; manger de grandes
forme restrictive pure, soit sous une forme com- quantités de nourriture sans ressentir de sen-
portant des crises de boulimie avec un comporte- sation de faim physique ; s'isoler pour manger
ment de purge (vomissement, laxatifs,...). en raison de la gêne ressentie à ingérer une
quantité excessive de nourriture ; ressentir un
Boulimie dégoût de soi et/ou une grande culpabilité voire
se sentir déprimé après avoir trop mangé ;
Elle est avec l'anorexie mentale, à laquelle elle peut • le comportement boulimique est la source
être associée, le TCA le plus emblématique. Les d'une souffrance marquée ;
critères diagnostiques sont : • le comportement boulimique survient en
• survenue récurrente de crises alimentaires. moyenne au moins 1 ×/semaine depuis 3 mois ;
Une crise de boulimie se caractérise par deux • le comportement boulimique n'est pas associé à
critères : l'utilisation récurrente de comportements com-
Ŕ manger en peu de temps une quantité impor- pensatoires inappropriés comme dans la bouli-
tante de nourriture, mie et ne survient pas exclusivement au cours
Ŕ sentiment de perte de contrôle durant l'épisode; de l'anorexie ou de la boulimie.
• comportements compensatoires inappro- L'hyperphagie boulimique nocturne est carac-
priés et récurrents visant à prévenir la prise de térisée par la survenue des accès la nuit.
poids (vomissements, laxatifs, jeûne, activité
physique…) ;
• crises et comportements compensatoires surve-
Autres troubles des conduites
nant au moins 1 ×/semaine sur une période de alimentaires non répertoriés
3 mois ; dans le DSM-5
• estime de soi influencée de façon excessive par
le poids et la silhouette.
Restriction « cognitive »
Le trouble ne survient pas exclusivement pendant Il s'agit d'une restriction délibérée de la prise ali-
des épisodes d'anorexie mentale dont il est, par cer- mentaire dans le but de perdre du poids ou de ne
tains côtés, un équivalent. Il peut également survenir pas en prendre (repas sautés, limitation drastique
au décours d'une anorexie mentale en rémission. Il des apports).
existe diverses présentations : avec vomissements ou La restriction cognitive est un syndrome
prise de purgatifs ou d'autres stratégies de contrôle qui complique habituellement la pratique de
du poids (jeûne, activité physique excessive). régimes restrictifs infligés à répétition dans
le but de maintenir une silhouette idéalisée et
Hyperphagie boulimique parfois de perdre du poids sans motif médical.
ou « binge eating disorder » Le comportement alimentaire devient réflexif
ou frénésie alimentaire et non plus intuitif. Le sujet exerce un contrôle
d'ordre cognitif sur sa conduite alimentaire
C'est une variante de la boulimie qui s'en dis- en vue de maigrir ou de ne pas grossir. Il en
tingue par l'absence de comportement compensa- résulte une perte du contrôle des sensations
toire. C'est le TCA probablement le plus fréquent, alimentaires perçues aboutissant à un ressenti

277
Partie IV. Grandes questions et idées fausses

complexe associant la peur d'avoir faim, la Orthorexie


culpabilité et la frustration. Il ne s'agit pas Elle correspond à un contrôle obsessionnel de l'ali-
d'un état stable, mais de deux états alternant mentation en toutes circonstances en appliquant des
entre eux avec une périodicité variable. Le normes nutritionnelles excessives sans phases ni de
premier est caractérisé par un hypercontrôle désinhibition ni d'accès alimentaires. L'orthorexie
avec une inhibition volontaire des sensations est souvent associée à un usage déraisonnable de
alimentaires et une maîtrise du comportement compléments alimentaires, à une hyperactivité
alimentaire. Le second consiste en un état de physique et à un refus du plaisir alimentaire. Plus
désinhibition et de perte de contrôle, aboutis- qu'un TCA il s'agit d'une attitude régie par des
sant à des accès alimentaires à type d'hyperpha- règles strictes consenties sans objectif pondéral.
gie, de compulsions ou de crises boulimiques.
Paradoxalement, en voulant manger moins on

Données épidémiologiques
finit par manger plus et plus mal parce que le
système de contrôle mental est débordé par des
émotions induites et extra-alimentaires. Il en
résulte une dégradation de l'estime de soi, une En France, la prévalence des TCA, tous types
altération de l'humeur et des difficultés rela- confondus, est estimée à plus de 4 % avec un pic
tionnelles associées à une souffrance psychique chez les adolescents et les femmes jeunes. Elle est
relevant d'une prise en charge psychologique. sensiblement plus importante (> 10 %) lorsque
La phase volontariste est dominée par le refus les troubles sont recherchés dans ces populations
d'écouter les signaux de faim et de satiété pour à risque à l'aide de questionnaires spécifiques
leur substituer des règles alimentaires strictes et comme le questionnaire SCOFF (tableau 24.2).
rigides glanées auprès des médias et des profes- Le risque relatif d'anorexie mentale (AM) est de
sionnels de santé dans le but de contrôler le poids. 1 homme pour 10 femmes. Entre 12 et 18 ans, la
Il en résulte un comportement alimentaire non prévalence est de 1,2 % chez les filles et de 0,03 %
adapté ne prenant pas en compte les systèmes de chez les garçons. L'âge de début se situe entre 14
régulation physiologiques. Les efforts déployés et 19 ans mais un âge plus précoce ou plus tardif
pour lutter contre les appétits spécifiques et les est possible. La puberté est une période à risque.
envies de manger conduisent à élaborer des stra- L'incidence de l'AM qui a augmenté dans les pays
tégies de résistance en proscrivant les aliments développés entre les années 1950 et 1990 semble
réputés énergétiques, en définissant le permis et actuellement stabilisée.
l'interdit, en mettant en place des conduites d'évi- La prévalence et l'incidence de la boulimie
tement pour éviter toute perte de contrôle (refus sont moins bien connues parce qu'elle est souvent
des repas festifs, conviviaux) et en gérant les dissimulée. La prévalence est estimée autour de
écarts alimentaires par un système de punition- 1 à 1,7 % chez les femmes et 0,1 à 0,5 % chez les
récompense. L'installation de rituels alimentaires hommes. Les garçons souffrant de TCA ont plus
(pesée des aliments, consommation ritualisée souvent que les filles des antécédents de surpoids
de certains aliments) participe à l'obsession ali- et de troubles de l'attention.
mentaire qui envahit peu à peu tout le champ de L'hyperphagie boulimique est plus fréquente
réflexion et abolit toute notion de plaisir, la seule chez les adultes que chez les adolescents. La pré-
satisfaction provenant du respect des règles. valence est estimée entre 1 et 4,5 %. Elle est fré-
À la phase d'hypercontrôle succède une phase quemment associée à l'obésité.
de perte de contrôle favorisée par des événements Les formes atypiques (EDNOS) sont beaucoup
de vie, le stress, la fatigue, un déséquilibre psy- plus fréquentes. D'après une méta-analyse portant
chologique ou l'exposition à des aliments inter- sur plus d'une centaine d'études, les symptômes
dits. Elle est à l'origine d'accès alimentaires avec alimentaires et la psychopathologie des EDNOS
une prise de poids pouvant mener à l'obésité en sont comparables à ceux de l'anorexie et de la
l'absence de reprise du contrôle cognitif. Selon la boulimie raison pour laquelle les EDNOS sont
fréquence et l'intensité de ces phases s'installent regroupés sous le terme de «troubles de l'alimen-
des TCA pérennes. tation ou de l'ingestion d'aliments non spécifiés ».

278
Chapitre 24. Éviter les comportements alimentaires délétères

Tableau 24.2. Questionnaire SCOFF sinon de dépendance du moins de demande d'ali-


pour le dépistage des TCA. ments gras et sucrés. C'est dans cette mesure que
les troubles compulsifs du comportement alimen-
Questions Oui Non
taire présentent des similitudes avec les conduites
1) Vous faites-vous vomir lorsque vous addictives.
avez une sensation de trop-plein ?
Il n'existe pas de mécanismes univoques pou-
2) Êtes-vous inquiet(e) d'avoir perdu le vant expliquer les TCA, dont l'expression est à la
contrôle des quantités que vous mangez? fois psychique, comportementale et somatique.
3) Avez-vous récemment perdu plus de Il est admis que le mode de vie de type « occi-
6,8 kg en moins de 3 mois? dental » des pays industrialisés ou en transi-
4) Vous trouvez-vous gros(se) alors même tion économique et la valorisation excessive
que les autres disent que vous êtes trop de l'idéal « minceur » qui en est l'un des traits
mince? culturels sont des facteurs de risque de TCA.
5) Diriez-vous que la nourriture domine Les effets collatéraux des campagnes de préven-
votre vie ? tion de l'obésité semblent également jouer un
Deux réponses positives permettent d'affirmer avec une rôle dans l'apparition des TCA. Ces influences
quasi-certitude l'existence de TCA. Une réponse positive oriente incitent à adopter des régimes restrictifs ou
vers un TCA atypique.
Source : Grigioni S, Garcia FD, Déchelotte P. Sémiologie et classification
d'exclusion, une orthorexie et la pratique sou-
des troubles du comportement alimentaire. Med Mal Metab 2012; 6(2) : tenue d'exercices physiques favorisant l'appa-
125-30. rition de TCA, notamment durant la période
vulnérable de l'adolescence. L'insatisfaction de
La durée d'évolution est mal connue. Celle de l'image du corps particulièrement fréquente
l'anorexie mentale varie de 1,7 à 3 ans avec des à cet âge incite à entreprendre une restriction
extrêmes de quelques mois à plusieurs dizaines alimentaire drastique pour obtenir un amai-
d'années. Les données concernant la durée de la grissement rapide et, idéalement, sélectif de
boulimie sont moins abondantes mais les symp- certaines parties du corps. Les épisodes de frin-
tômes alimentaires persistent plus longtemps gale incontrôlables conduisent à des accès d'hy-
(durée moyenne de 8 ans). perphagie impulsive générateurs de culpabilité,
d'autodépréciation, d'anxiété et de dépression
et, parfois à des stratégies de contrôles du poids
Causes et mécanismes au moyen d'artifices (vomissements, laxatifs)
qui soulagent l'anxiété mais renforcent la pra-
La prise alimentaire est un acte résultant de l'inté- tique et la culpabilité.
gration de nombreux signaux neurohormonaux Outre des facteurs de susceptibilité génétique
par diverses structures du système nerveux cen- probables, toutes les circonstances qui perturbent
tral dont la finalité est de satisfaire les besoins de l'équilibre alimentaire et l'intégration des signaux
l'organisme par une adaptation permanente des de faim et de satiété peuvent générer des TCA :
apports. La prise alimentaire est perturbée par le déstructuration plus ou moins volontaire des
stress ou l'anxiété. Les aliments riches en graisses repas, restriction cognitive, désir de maîtriser sa
ou en sucre à haute densité énergétique sont des silhouette, etc.
renforçateurs naturels de l'envie de s'alimenter Dans l'anorexie mentale, l'inhibition de la prise
pouvant déborder la régulation de la balance alimentaire est habituellement liée à une problé-
énergétique. L'expérience de «récompense » liée matique psychique : trouble de l'image de soi,
à la dimension hédonique de certains aliments désarroi face aux changements corporels de la
peut devenir un facteur de renforcement des com- puberté, manque d'estime de soi et de confiance,
portements d'hyperphagie et des comportements dépression, difficultés relationnelles familiales…
boulimiques. L'hédonisme prend le pas sur la Les régimes alimentaires sont des facteurs déclen-
logique de la stabilité pondérale et énergétique. La chants au même titre que les événements de vie et
profusion actuelle de nourriture et la confection de séparation ou les bouleversements induits par
d'aliments très palatables conduisent à un état la puberté.

279
Partie IV. Grandes questions et idées fausses

Troubles du comportement associés à un diabète plus mal équilibré et à une


alimentaire et adolescence moins bonne observance du traitement avec des
omissions plus fréquentes des injections d'insu-
La pratique de régimes hypocaloriques autopres- line. Ils sont également plus fréquents en cas de
crits et itératifs, le syndrome de restriction cogni- surpoids ou d'obésité. Dans ce cas, l'omission des
tive et les antécédents d'anorexie mentale sont les injections d'insuline ou la réduction des doses sont
principaux facteurs de risque de la boulimie et de souvent justifiées par le désir de perdre du poids et
ses équivalents. Les régimes alimentaires imposés sont assimilables à un comportement de «purge ».
par une situation médicale comme l'obésité ou le La prévalence des TCA est comparable chez les
diabète entraînent un sentiment de frustration dif- adolescents diabétiques et non diabétiques et net-
ficile pendant l'adolescence, période de la vie mar- tement plus faible que chez les jeunes filles.
quée par une aspiration aux conduites libérées. Ils Les facteurs prédisposant les diabétiques aux
contribuent à rendre la maladie encore plus intolé- TCA, outre le sexe féminin et l'adolescence, sont
rable alors que l'adolescent cherche à la fuir ou à la nombreux et intriqués. En première ligne figurent
dissimuler à son groupe. Dans les cas extrêmes les le surpoids ou une prise de poids spontanément
régimes médicaux mal compris et mal conçus sont imputée au traitement plutôt qu'à un déséquilibre
assimilables à une restriction alimentaire qui favo- de l'alimentation qui est pourtant fréquent. Une
rise les accès alimentaires et induisent par réaction mauvaise estime de soi et l'insatisfaction de l'image
un renforcement de la restriction avec une perte corporelle Ŕ quel que soit le poids Ŕ qui ne sont pas
des repères élémentaires comme le rythme et la rares lors de l'adolescence sont plus fréquentes et
structure des repas. L'hyperphagie boulimique et la augmentent au fil du temps chez les adolescentes
boulimie finissent par se pérenniser et à enclencher diabétiques et sont fortement associées à l'existence
un phénomène addictif chez les sujets prédisposés. de TCA dont elles sont des facteurs prédictifs.
Indépendamment des mécanismes neurobiolo- Quelques traits de caractères semblent prédisposer
giques mis en œuvre, les hypoglycémies fréquentes aux TCA : perfectionnisme, obsession pondérale,
dans le diabète de type 1 contribuent à perturber les attitude narcissique, tendance à se culpabiliser
repères et déstructurer la prise alimentaire soit par d'être malade et personnalité «borderline» pou-
une surcorrection des hypoglycémies par une prise vant aller jusqu'à la volonté d'autodestruction.
excessive d'aliments sucrés Ŕ la transgression étant Le diabète, comme toute maladie chronique,
autorisée par la situation Ŕ soit par une surconsom- peut induire des TCA par lui-même. Les scores
mation chronique et anticipative des hypoglycémies. de TCA sont plus élevés chez les jeunes femmes
diabétiques présentant une dépression favorisée
Particularités des troubles par le diabète et ses complications. L'anxiété est
du comportement alimentaire associée positivement aux TCA dans la popula-
tion générale comme chez les sujets diabétiques
au cours du diabète (fig. 24.1) bien que les adolescentes diabétiques
Place des troubles avec TCA semblent avoir des scores d'anxiété et
de dépression moins élevés que les adolescentes
du comportement alimentaire avec TCA non diabétiques. Le milieu fami-
chez les patients diabétiques lial peut contribuer à l'installation des TCA :
Plusieurs méta-analyses concluent à une préva- remarques négatives des parents quant au poids
lence plus élevée des TCA chez les adolescentes corporel, critiques insistantes des pratiques ali-
présentant un diabète de type 1 par rapport aux mentaires, déséquilibre alimentaire à la table
adolescentes indemnes de diabète. Son estima- familiale, discorde familiale et séparation des
tion varie en fonction des moyens diagnostiques parents… Plusieurs facteurs inhérents au traite-
mis en œuvre (entretiens, autodéclarations, ques- ment du diabète sont associés à la fréquence des
tionnaire spécifique). La prévalence globale est de TCA. Le traitement insulinique intensif accroît
l'ordre de 7 à 10 % contre 2 à 3 % dans la popula- le risque de gain pondéral et, du même coup, le
tion générale. Elle est plus élevée chez les adoles- risque de réduction inapproprié des doses d'insu-
centes que chez les préadolescentes. Les TCA sont line ou l'espacement des injections d'insuline

280
Chapitre 24. Éviter les comportements alimentaires délétères

Insulinothérapie Facteurs Surpoids


familiaux Diététique
intensive silhouette
surveillance

Comptage calorique/
Hypoglycémie interdits alimentaires Restriction
cognitive

Faim Dépression
impérieuse TCA anxiété

Omission/
réduction insuline

Hyperglycémie
Diabète instable Correction par
insuline

Figure 24.1. Principaux déterminants des troubles des conduites alimentaires dans le diabète
de type 1 et leurs conséquences sur le contrôle du métabolisme glucosé.

dans le but de gérer le poids. L'interdiction de la un certain nombre de signes d'alerte gagnent à
consommation de certains aliments et une pres- être connus. Un contrôle glycémique médiocre
cription diététique trop restrictive créent l'envie est habituel et le taux d'HbA1c est significative-
de consommer les aliments interdits et favorisent ment plus élevé en cas de TCA. Les épisodes de
le grignotage allant parfois jusqu'à la frénésie cétose ou d'acidocétose sont plus fréquents et
alimentaire, sans compensation insulinique. La correspondent parfois à une réduction intem-
survenue d'épisodes hypoglycémiques récurrents pestive ou subreptice des doses d'insuline dans
accompagnés de faim et leur correction par la un but d'amaigrissement. Les épisodes récur-
consommation d'aliments et de boissons sucrés rents d'hypoglycémie, surtout lorsqu'ils ne sont
normalement interdits perturbent l'ordonnance- pas expliqués par une modification de l'activité,
ment alimentaire et peuvent induire un sentiment sont également des signes pouvant faire suspec-
de culpabilité suivi d'une période de restriction ter un comportement de purge après un épisode
alimentaire responsable de nouveaux accès hypo- de frénésie alimentaire. Ces éléments qui ne
glycémiques avec installation d'un cercle vicieux. sont pas exclusifs les uns des autres conduisent
La survenue d'hypoglycémies à l'occasion d'une à suspecter des TCA. Les situations de stress
pratique sportive peut également susciter des majorent le risque de TCA davantage encore
habitudes de surconsommation alimentaire anti- que dans la population générale. D'autres signes
cipatoire assimilable à un TCA. incitent à suspecter des TCA : refus de se peser,
préoccupations envahissantes de l'apparence,
Signes d'appel en faveur calcul des calories et pesée des aliments, perte de
de troubles du comportement poids soi-disant inexpliquée, hypoglycémie après
une alimentation insuffisante, activité physique
alimentaire dans le diabète excessive, perte du contrôle glycémique après
Le diagnostic de TCA atypiques ou modérés n'est une période de stabilité… Le recours à un ques-
pas facile en raison d'une tendance aux conduites tionnaire simple comme le questionnaire SCOFF
de dissimulation, de banalisation et de déni. En (tableau 24.2), permet de conforter une suspicion
plus des facteurs de risque décrits précédemment et d'envisager une stratégie thérapeutique.

281
Partie IV. Grandes questions et idées fausses

Risques liés aux troubles référent organise la prise en charge avec le souci de
du comportement alimentaire la cohérence dans la continuité des soins face à des
patients prompts à manipuler et à faire s'affronter
dans le diabète
les différents soignants (médecin, diététicien[ne],
Les TCA sont à l'origine d'un mauvais contrôle assistante sociale, thérapeute familial, etc.).
métabolique et favorisent la survenue de com- La grande disparité des conceptions des soi-
plications aiguës et chroniques. La première gnants, la résistance des patient(e)s et de leur
conséquence des TCA est l'instabilité glycémique entourage à une prise en charge psychiatrique,
pouvant confiner à un authentique diabète ins- des conseils diététiques parfois inappropriés et
table. Les accès alimentaires et les omissions la mauvaise compréhension de ces troubles par
des injections d'insuline sont associés à des épi- l'entourage sont les principaux freins à la mise en
sodes d'hyperglycémie hectique et à des périodes place d'un projet thérapeutique mené en ambu-
d'acidocétose. Les TCA restrictifs sont associés latoire ou en hospitalisation avec le support de
aux épisodes itératifs d'hypoglycémie grave. structures à type d'hôpital de jour ou de réseau
Les hospitalisations sont significativement plus de soins. Les indications d'hospitalisation ont fait
fréquentes en cas de TCA. Plusieurs études ont l'objet de recommandations par la Haute Autorité
mis en évidence la plus grande fréquence des de santé pour l'anorexie mentale. Elles n'ont pas
dyslipidémies, de l'hypertension artérielle et des encore été formalisées pour la boulimie. À titre
complications microvasculaires en cas de TCA ou indicatif les recommandations du NICE (National
d'antécédents de TCA (risque de rétinopathie × Institute for Health and Care Excellence) préco-
2,5 en cas de boulimie ou de frénésie alimentaire). nisent de traiter ambulatoirement la majorité des
La durée et la fréquence des omissions d'injec- patients souffrant de boulimie ou d'équivalents,
tion d'insuline motivées par des préoccupations l'hospitalisation étant à envisager pour les patients
alimentaires ou pondérales sont associées à une à risque suicidaire ou à risque de passage à l'acte
augmentation de l'incidence de la rétinopathie et auto-agressif grave. L'hospitalisation conven-
de la néphropathie. Certaines études font même tionnelle s'impose dans les formes très sévères
état d'une augmentation de la mortalité à moyen ou comportant des complications somatiques ou
et long terme chez les adolescentes diabétiques psychiatriques graves et paraît souhaitable en cas
présentant ou ayant présenté des TCA et des com- de comorbidité comme le diabète qui est instabi-
portements de restriction insulinique. lisé par ces pratiques.

Approche nutritionnelle
Traitement des troubles Toujours nécessaire mais rarement suffisante, elle
du comportement alimentaire est cruciale en cas de précarité somatique. Dans
l'anorexie mentale, la lutte contre la dénutrition
La prise en charge thérapeutique s'adresse aux et ses complications est conditionnelle pour per-
composantes comportementales et psychiques mettre d'entreprendre un travail psychiatrique de
des TCA. Elle est adaptée à la gravité des troubles qualité.
et à la personnalité des patients dont certains, au- Les troubles du comportement alimentaire ne
delà du déni, ne sont pas prêts à abandonner leurs relèvent pas d'un régime stricto sensu.
pratiques. L'hospitalisation ou un séjour dans La « normalisation » alimentaire qualitative
une structure de soins de suite sont indiqués en et quantitative passe par le respect du rythme
cas de troubles sévères pour entreprendre selon et de la structure des repas et la redécouverte de
le cas une renutrition, un sevrage ou un éloigne- la diversité. Elle constitue un objectif important
ment du milieu habituel. Chez l'adolescent se aussi bien dans l'anorexie que dans la boulimie.
pose de surcroît la question de l'autonomie et de Son intérêt est à la fois somatique et symbo-
la signification des troubles. Une prise en charge lique. La tenue d'un livre de bord alimentaire
multidisciplinaire prolongée, reposant sur un relatant tous les événements alimentaires faci-
tandem psychiatre/somaticien est nécessaire pour lite les échanges avec les soignants et restitue
répondre à la complexité du trouble. Un soignant une certaine réalité alimentaire objective, bien

282
Chapitre 24. Éviter les comportements alimentaires délétères

qu'il existe d'importants biais dans l'estimation supériorité sur les autres. La thérapie familiale
quantitative. La lutte contre la déstructuration favorisant la reconstruction de relations familiales
des repas (horaires et contenu), facteur d'auto- apaisées et de confiance semble la plus adaptée
entretien et de récidive des troubles, est fonda- chez les jeunes en panne d'adolescence. Les tech-
mentale. L'apprentissage du partage des repas niques cognitivo-comportementales semblent
intégrés dans un cadre familial ou social est mieux convenir aux troubles boulimiques. Les
un autre moyen de « normalisation » de la prise approches d'inspiration analytique ciblent bien
alimentaire. En revanche, la prescription de les enjeux narcissiques surgissant au moment de
« régimes », souvent réclamée par les patients, est l'adolescence. Les antidépresseurs et les anxioly-
un piège dans lequel il faut se garder de tomber. tiques peuvent présenter un intérêt ponctuel en
Les conseils d'éviction alimentaire ou la mise complément d'une psychothérapie pour traiter les
en scène de repas aberrants ou dissociés sont à symptômes spécifiques concomitants.
proscrire car ils risquent d'aggraver les troubles
en confortant certains fantasmes alimentaires.
Les conseils diététiques se limitent à une négo-
ciation pour tenir compte de la lipophobie et de la
Prévention et traitement
saccharophobie, fréquemment mises en avant, en des troubles du comportement
privilégiant les aliments énergétiques «neutres »
comme les féculents, les céréales et les légumi-
alimentaire dans le diabète
neuses. Les TCA ne constituent pas une bonne de type 1
opportunité d'éducation nutritionnelle. Il est
souhaitable de se limiter à un rappel de l'impor- Aspect préventif
tance de la diversité alimentaire et de la hiérarchie La prévention des TCA consiste à ne pas mécon-
des aliments en fonction de leur teneur en nutri- naître la personnalité de l'adolescente, son degré
ments. À ce stade, l'effort éducatif porte davan- d'acceptation et de compréhension du diabète et
tage sur le comportement et les pratiques que la présence de facteurs susceptibles de favoriser
sur la composition précise des repas. Quelques les TCA. Les prescriptions concernant le mode de
pare-feu peuvent être proposés au cas par cas vie et l'alimentation doivent être empreintes d'une
dans les formes compulsives, bien qu'ils aient un certaine souplesse. Les préoccupations ayant trait
impact limité et puissent eux-mêmes être source à l'apparence et au poids doivent être prises en
de dérives alimentaires : substitution des aliments considération par les professionnels de santé et par
habituels par des leurres peu énergétiques comme la famille avec bienveillance en évitant les mesures
la prise d'un verre d'eau ou de crudités (croquer restrictives mais sans faire preuve d'un trop grand
une carotte, par exemple), prise systématique laxisme complice. L'objectif est d'aider l'adolescente
d'une collation à visée anticipative décomptée des à s'accepter et à mener une vie proche de celle de
repas principaux. son cercle sans perdre de vue que les adolescentes
diabétiques ont une faible motivation à changer
Approche psychothérapique leurs habitudes alimentaires et qu'elles ont du mal à
accepter les frustrations dans ce domaine.
et médicamenteuse
Elle est indispensable dans tous les troubles
Aspect thérapeutique
du comportement et a fait ses preuves dans un
contexte de prise en charge multidisciplinaire. Le traitement des TCA graves est crucial en
Son but est de créer les conditions d'une relation raison de leurs répercussions sur l'équilibre
thérapeutique de confiance facilitant l'évoca- glycémique. La cause pressentie des TCA est
tion du vécu, des représentations intimes et des la principale cible thérapeutique. La prise en
symptômes ressentis comme honteux. Toutes les charge psychologique est fondamentale tant
approches psychothérapeutiques remplissant ce est forte l'intrication entre les troubles de l'hu-
cahier des charges sont recevables puisqu'aucune meur et les TCA. L'objectif de contrôle glycé-
d'entre elles ne semble avoir démontré de réelle mique, en dehors des situations de déséquilibre

283
Partie IV. Grandes questions et idées fausses

caricatural, se situe en deuxième ligne. Un dis- documentant sans attitude culpabilisante les
cours trop directif et des prescriptions trop circonstances de survenue. Les contraintes
restrictives aboutissent souvent à l'opposé de ce de l'insulinothérapie et des injections mul-
qui est souhaité. Les soignants doivent savoir tiples peuvent être atténuées par la mise en
freiner les exigences des parents sans les déni- place d'une pompe à insuline qui permet de
grer et accompagner l'adolescent(e) par l'écoute réagir en temps réel aux conduites respon-
sans perdre de vue leur rôle de guide. Les théra- sables de variations glycémiques, de réduire
pies cognitivo-comportementales et les groupes le risque d'hypoglycémie et de limiter la prise
de paroles entre pairs sont particulièrement de poids. Une étude multicentrique récente
indiqués alors que l'éducation thérapeutique et a confirmé que l'initiation d'un traitement
nutritionnelle conventionnelle suscite souvent par pompe à insuline s'accompagnait d'une
méfiance et rejet. Un traitement spécifique de la diminution des conduites alimentaires per-
dépression ou de l'anxiété au besoin pharmaco- turbées et d'une amélioration de l'équilibre
logique peut s'avérer intéressant. glycémique. Le diabétologue et le médecin
traitant ne peuvent faire l'économie d'une
Aspects spécifiques au diabète approche multidisciplinaire tant sont com-
plexes et interconnectés les déterminants
Les objectifs glycémiques sont à assou- psychosociaux, médicaux et diététiques des
plir pour éviter les hypoglycémies tout en TCA et de leurs solutions.

284
Personnaliser les CHAPITRE
25
conseils diététiques
en fonction du mode
de vie de la personne
diabétique
J.-L. Schlienger

PLAN DU CHAPITRE avec le poste de travail et, au besoin, proposer des


Diabète et activité professionnelle 285 aménagements.
Diabète et activité physique 288 En pratique, il est conseillé d'informer le méde-
Repas pris en dehors du domicile ou repas cin du travail (ou son représentant sur le site de
qui sortent de l'ordinaire 300
travail), puisqu'il est la seule personne de l'envi-
ronnement professionnel habilitée à recevoir des
informations médicales sous le sceau du secret
Diabète et activité professionnel. Il est également utile d'informer
quelques collègues de confiance de la possibilité
professionnelle de malaises et des moyens d'y remédier.
La reconnaissance de la qualité de travailleur
Généralités handicapé par la MDPH concerne un handi-
Le fait d'être diabétique n'est évidemment pas cap visible mais aussi les effets indésirables liés
incompatible avec une activité professionnelle, à au traitement, l'altération de l'état général ou la
quelques exceptions près, qui tiennent moins aux survenue d'hypoglycémies itératives à l'origine
contraintes du traitement qu'au risque de surve- d'arrêts de travail ou d'une moindre performance
nue d'une hypoglycémie inopinée pouvant mettre au travail. Elle a l'avantage de protéger un emploi
sa propre vie ou celle des autres en danger. C'est et de favoriser l'accès à des formations et à une
principalement pour cette raison que certaines reconversion professionnelle ou une adaptation
professions ou postes de travail ne sont pas acces- d'un poste de travail.
sibles ou conseillés aux diabétiques insulinotrai-
tés : certains métiers du bâtiment, conduite de
Restrictions professionnelles
machines dangereuses, postes isolés ou en hau- Les postes de sécurité sont contre-indiqués en cas
teur. Néanmoins la survenue d'un accident de ce de (ou de risque) malaises hypoglycémiques : tra-
©2018,ElsevierMassonSAS.Tousdroitsréservés

type engage la responsabilité personnelle. vail en hauteur, manipulation d'outils dangereux,


Manueldenutritionpourlepatientdiabétique

En cas de diabète, le projet professionnel devrait conduite de véhicules (chauffeurs de poids lourds
être élaboré très en amont chez l'adolescent et chez ou de transports en commun), conduite d'engins
l'adulte jeune. Les textes ne prévoient pas l'obliga- (chariot élévateur, engins de chantier, grue…),
tion d'informer l'employeur ni même le médecin contact avec des courants à haute tension, aiguil-
du travail de l'existence d'un diabète pour éviter leur, poste de travail isolé.
tout risque de discrimination… bien qu'une telle L'aptitude au travail peut être remise en cause
discrimination soit elle-même illégale (article au stade de diabète compliqué : déficit visuel, réti-
L1132-1 du Code du travail). Mis dans la confi- nopathie proliférative, néphropathie évoluée…
dence, le médecin du travail est à même de vérifier Une réorientation professionnelle ou une adapta-
si l'état de santé et le traitement sont compatibles tion de poste permettent souvent la poursuite de

285
Partie IV. Grandes questions et idées fausses

l'activité professionnelle (la rétinopathie prolifé- Le travail posté : peu conseillé


rative n'est pas compatible avec un travail de force chez un sujet diabétique
mais ne contre-indique pas le travail sur écran).
Il existe différents types de travail posté : le travail
de nuit à horaires réguliers, le travail en trois fois
Impact défavorable huit heures qui consiste à travailler huit heures
du travail sur le diabète d'affilée à des moments différents de la journée ou
L'équilibre métabolique peut être perturbé par de la nuit au cours de la semaine et le travail par
les conditions de travail. Le stress et les efforts quarts fractionnés (plusieurs périodes distinctes
intenses irréguliers sont des causes soit d'hyper- de travail le même jour). Le travail posté est for-
glycémie soit d'hypoglycémie. Les modifications tement déconseillé à la fois en cas de diabète de
du rythme de vie par un travail posté, un travail type 1 (DT1) ou de type 2 (DT2) car il complique
de nuit ou les décalages horaires perturbent les l'administration de l'insuline (sauf en cas de
prises alimentaires et la programmation du trai- pompe à insuline, cas de figure peu fréquent dans
tement. La réalisation de l'autosurveillance glycé- ce contexte), favorise la prise de poids, majore
mique et l'accès à la nourriture peuvent s'avérer l'insulinorésistance et le risque de syndrome
difficiles dans certains postes. Le travailleur, quel métabolique et de complications cardiovascu-
que soit son poste, doit toujours avoir sur lui des laires. Les prises alimentaires ne doivent pas être
morceaux de sucre à consommer dès l'apparition suspendues durant la période de travail, a fortiori
de prodromes évocateurs d'hypoglycémie. s'il s'agit d'un travail physique. Comme tout autre
sujet diabétique, le travailleur posté doit adapter
Alimentation et travail : son alimentation pour éviter l'hypoglycémie et
l'hyperglycémie en ne sautant pas de repas et en
diabète insulinotraité évitant de grignoter. L'eau, plus que pour tout
La possibilité de s'alimenter à des horaires précis autre, est la boisson du travailleur.
est une condition importante au maintien d'un Quelles que soient les modalités et les
bon contrôle métabolique en dépit des horaires contraintes, il est souhaitable de débuter le
de travail. temps de travail après la prise d'un repas struc-
La situation est assez simple lorsque le travail- turé (ou d'un petit déjeuner standard si le travail
leur occupe un emploi à la journée et a accès à débute en début de matinée) comportant dans
un restaurant d'entreprise. Il est recommandé tous les cas une ration de glucides à index gly-
de contrôler la glycémie capillaire pour décider cémique bas (tableau 25.1). La prise alimentaire
du niveau du bolus (selon le schéma en cours) et se fait lors d'une pause qui ne doit pas être infé-
d'appliquer le plan alimentaire habituel, sachant rieure à 20 minutes de telle sorte qu'il ne s'écoule
que la plupart des restaurants d'entreprise offrent pas plus de 5 heures entre le dernier repas et la
suffisamment de possibilités pour y parvenir. En collation. La nuit, il y a place pour une colla-
cas d'absence de féculents la compensation se fait tion protéino-glucidique entre 2 et 4 heures du
par le pain. Le fruit est le dessert à privilégier. La matin. Les grignotages et la consommation de
boisson idéale est l'eau. produits sucrés (pâtisseries, confiseries, sodas,
En l'absence de restaurant d'entreprise, le tra- barres chocolatées) ou gras (charcuteries, chips,
vailleur doit emporter un repas préparé à domicile plats industriels) de même que les excitants (café,
en veillant à consommer une portion de féculents boissons énergisantes) sont à prohiber. À la fin
et/ou de pain et un fruit. Le plat principal protéino- du poste de nuit il est recommandé de vérifier la
glucidique (viande ou équivalent et féculents) peut glycémie capillaire et d'anticiper le petit déjeu-
habituellement être réchauffé sur place au moyen ner par la prise d'une tranche de pain pour éviter
d'un micro-ondes. Le pain est la variable d'ajuste- tout incident sur le chemin du retour.
ment pour assurer un apport glucidique suffisant.
L'autre solution consiste à prendre un plat du jour
Conditions particulières de travail
dans un restaurant de proximité en se limitant à Le travail en conditions difficiles (au froid ou
une consommation d'eau. au chaud) ou le travail de force nécessitent une

286
Chapitre 25. Personnaliser les conseils diététiques en fonction du mode de vie...

Tableau 25.1. Exemples de plans alimentaires selon l'horaire du poste de travail.


Équipe du matin Équipe de l'après-midi Travail de nuit
5 à 13 heures 13 à 21 heures 21 à 5 heures
Dîner la veille au soir Petit déjeuner standard Repas du soir (domicile)
Blanc de poulet/riz/pain Œuf dur/pain complet/produit Potage/gratin de pâtes au jambon
complet/fruit laitier/boisson chaude et/ou pain/salade verte/yaourt/fruit
Collation au lever (3Ŕ4 h) Déjeuner (cantine ou domicile) Collation (1 à 3 h)
Boisson chaude/pain complet Repas complet équilibré Viande froide/pain complet/fruit
ou tasse de céréales non sucrée
Petit déjeuner (lieu de travail) Collation (16Ŕ17 h) Petit déjeuner (avant le coucher)
Boisson chaude/pain Pain complet/produit laitier Boisson chaude/pain complet/un œuf
complet/beurre/produit laitier dur/produit laitier
Déjeuner (cantine ou domicile) Repas du soir (à domicile) Repas de midi (13 h, à domicile)
Repas complet équilibré Repas complet équilibré Repas complet équilibré
Ne pas sauter de repas et ne pas grignoter. Veiler à la consommation de glucides à index glycémique bas à chaque repas. Si le domicile est éloigné du
lieu de travail prendre le petit déjeuner à l'issue du travail de nuit sur place.

adaptation des apports hydriques et énergétiques


qui ne diffèrent guère chez les sujets diabétiques
sinon qu'ils doivent être particulièrement régu-
liers. Les métiers du bâtiment sont à risque à la
fois du fait de la pénibilité, des conditions d'hy-
giène (environnement peu favorable à l'autocon-
trôle glycémique et à l'injection d'insuline), des
habitudes alimentaires de chantier (casse-croûte
hyperénergétique, repas gamelle) et du risque
d'hypoglycémie. Ces activités professionnelles
devraient être évitées en cas de DT1.

Travail et diabète de type 2


non insulinotraité
Présentant en apparence moins de risques et
donc moins de contre-indications ou réserves
professionnelles, le DT2 non insulinotraité
nécessite néanmoins quelques précautions. Le
principe d'une alimentation équilibrée, suffi-
sante et à faible charge glycémique garde toute
sa pertinence pour maintenir un bon contrôle
glycémique et pour prévenir les complications
cardiovasculaires. Le maintien d'un poids satis-
faisant est un objectif important. Or, le travail
posté favorise la prise pondérale et le syndrome
métabolique et majore la résistance à l'insuline.
Le risque hypoglycémique est certes moins pré-
occupant mais n'est pas négligeable en cas de
traitement par sulfonylurée ou par glinide.

287
Partie IV. Grandes questions et idées fausses

Diabète et activité physique les sujets les plus actifs par rapport aux sujets les
moins actifs. La réduction des affections corona-
Quelques définitions riennes imputable à l'activité physique est du même
ordre que celle obtenue par la correction des grands
L'activité physique correspond à toute activité facteurs de risque modifiables tels que le tabagisme
de contraction des muscles squelettiques qui ou l'hypercholestérolémie. Le bénéfice tient davan-
augmente significativement la dépense d'éner- tage au volume total et à la pratique d'une activité
gie au-dessus de la dépense de repos alors que la d'endurance (aérobie) augmentant la capacité car-
sédentarité Ŕ qui n'est pas synonyme d'inactivité Ŕ diorespiratoire qu'à l'intensité de l'activité.
comporte des activités entraînant une dépense énergé- L'effet cardiovasculaire bénéfique d'une activité
tique proche de la valeur de repos (occupations assises : physique régulière s'explique principalement par
lecture, télévision, ordinateur, transports passifs…). la diminution du travail cardiaque liée à la réduc-
L'activité physique est caractérisée par l'intensité, la tion des résistances périphériques en dépit d'une
durée, la fréquence et le type. Elle se décline en quatre augmentation du volume circulant. Il en résulte
types principaux : l'activité physique professionnelle, une diminution de la fréquence cardiaque de
liée aux transports (transport «actif» à pied ou à vélo repos et de la pression artérielle. Par ailleurs, l'ac-
par opposition au transport motorisé), de loisirs (acti- tivité physique augmente la sensibilité à l'insuline,
vités sportives) et domestique. L'intensité de l'activité augmente le HDL-cholestérol, diminue les trigly-
physique est définie par le nombre de MET (metabolic cérides et la lipémie postprandiale, réduit l'agré-
equivalent task) qui correspond à la dépense énergé- gation plaquettaire et a un effet antithrombogène.
tique au repos. Lesport est une sous-catégorie de l'acti- Enfin l'activité physique participe au maintien du
vité physique qui requiert un effort physique encadré poids en réduisant le gain de poids lié à l'âge. Pour
par des règles et coutumes et se déroule habituellement avoir un effet sur ce type de paramètres, l'activité
dans un cadre de compétition. physique doit donc être pratiquée régulièrement.

Activité physique et santé en général


Activité physique
Au même titre que les habitudes alimentaires, l'ac- et contrôle du poids
tivité physique est un complément indissociable de Les données observationnelles sont en faveur d'un
toutes les actions de prévention portant sur le mode effet protecteur de l'activité physique et de la dimi-
de vie. L'activité physique fait partie des modifica- nution de la sédentarité sur le gain de poids dès
tions thérapeutiques du mode de vie (MTMV) et l'enfance. Chez l'adulte le risque de développer une
apparaît à ce titre comme un déterminant impor- obésité à moyen terme est directement lié au niveau
tant de la santé à tous les âges de la vie. Une pra- d'activité physique et de sédentarité. L'activité phy-
tique régulière, même d'intensité modérée, est sique est associée à un meilleur contrôle de l'obé-
associée à une réduction de la mortalité globale et à sité viscérale et contribue à diminuer le périmètre
une diminution d'incidence des principales patho- abdominal. Toutefois, chez des sujets obèses la
logies chroniques et des comorbidités du diabète. perte de poids imputable à l'activité physique en
Elle participe au contrôle du poids et est un élément plus des mesures diététiques n'est que de l'ordre
clé de la prévention et du traitement des maladies de 1 kg, démontrant ainsi qu'une activité physique
métaboliques à condition d'être pratiquée régu- modérée et régulière a un coût énergétique modeste
lièrement car ses effets sur les métabolismes et les et insuffisant pour améliorer de façon majeure la
grandes fonctions sont transitoires. Par ailleurs elle balance énergétique à moins de pratiquer une acti-
est associée à une amélioration de la qualité de vie. vité physique soutenue plusieurs heures par jour ce
Activité physique et prévention qui n'est pas réaliste chez des sujets obèses. L'intérêt
de l'activité physique est majeur dans la prévention
cardiovasculaire de la reprise de poids après un amaigrissement. En
Il existe une relation inverse entre l'activité phy- pratique, si l'activité physique n'est pas un régula-
sique et la morbi-mortalité cardiovasculaire, teur pondéral très efficace, elle n'en est pas moins
notamment pour les cardiopathies ischémiques un facteur essentiel de santé par les bénéfices
avec une diminution du risque de 20 à 35 % pour qu'elle apporte en matière de qualité de vie et de

288
Chapitre 25. Personnaliser les conseils diététiques en fonction du mode de vie...

prévention cardiométaboliques sans compter son que dans le DT2, l'activité physique n'en est pas
impact sur la mobilité des sujets obèses. moins intéressante dans la mesure où elle améliore
la représentation de la maladie pour le patient et son
Activité physique et diabète entourage et contribue à l'intégration sociale qu'il
s'agisse d'activité physique programmée, de sport
De grandes études observationnelles ont clairement de loisir ou de compétition. L'activité physique a en
mis en évidence que le risque de diabète était directe- commun avec la diététique d'avoir des effets favo-
ment en rapport avec le niveau d'activité physique et le rables multiples mais de durée limitée dans le temps.
niveau de sédentarité, ces deux paramètres étant indé- Seule une bonne adhésion à ces deux approches
pendants l'un de l'autre. Dans la cohorte de la Nurse's thérapeutiques fondamentales, c'est-à-dire une pra-
Health Study, une heure supplémentaire de marche tique régulière soutenue par un support éducatif, un
rapide par jour diminuait le risque de diabète de 34 % suivi au très long cours et l'appoint des réseaux et des
alors que chaque tranche de deux heures passées à associations, assure la pérennisation des bénéfices.
regarder la télévision augmentait le risque de 14 %.
Les études d'intervention comme la DPS (Diabetes Activité physique comme
Prevention Study), le DPP (Diabetes Prevention traitement du diabète de type 2
Program) ou l'étude Da Quing ont souligné le rôle
décisif de l'activité physique sur la réduction du risque Les effets bénéfiques de l'activité physique sur l'équi-
d'apparition de diabète de type 2 chez les sujets à haut libre glycémique du DT2 indépendamment de la perte
risque métabolique. Dans l'étude finlandaise DPS, de poids ou d'un régime alimentaire ont été démon-
toutes choses étant égales par ailleurs, une marche de trés par plusieurs méta-analyses. Tous les types d'acti-
2,5 heures par semaine réduisait le risque relatif de vité physique Ŕ endurance, renforcement musculaire
développer un diabète de type 2 de 70 % par rapport à ou combinaison des deux Ŕ sont efficaces ainsi qu'en
une marche de moins d'une heure par semaine. Dans atteste une diminution de l'HbA1c de Ŕ 0,5 à Ŕ 0,7 %
l'étude DPP qui associait un régime hypocalorique et par rapport aux sujets peu actifs, soit autant que ce
une activité physique programmée la réduction de la que l'on est en droit d'attendre de diverses molécules
conversion reste significative au-delà d'une décennie. antidiabétiques (metformine, glitazones, gliptines,
Dans une méta-analyse, l'activité physique et l'ali- inhibiteurs de l'α-glucosidase…). Une activité phy-
mentation contrôlées comparée à des conseils seuls sique structurée est associée à une réduction plus
fait baisser la glycémie de 0,15 g/L et l'incidence du importante de l'HbA1c lorsqu'elle dépasse 150 min/
diabète de type 2 de 30 à 67 %. Une activité physique semaine (Ŕ 0,8 % versusŔ 0,4 % pour une activité phy-
équivalente à au moins 2,5 heures de marche par sique < 150 min/semaine). La diminution de l'HbA1c
semaine entraîne une baisse du risque d'apparition observée après une activité physique régulière est plus
du diabète de type 2 de 65 %, indépendamment de la marquée lorsque le diabète de type 2 est peu sévère.
diététique, de l'IMC de départ ou de sa variation. Par L'activité physique a l'avantage sur les molécules
ailleurs, les personnes dont l'aptitude aérobie était la antidiabétiques d'être un facteur de protection
plus faible avaient 3 fois plus de risque de développer vasculaire qui participe au contrôle des facteurs de
un diabète de type 2 que ceux dont l'aptitude aérobie risque intrinsèques que sont l'excès de graisse viscé-
était élevée et ce, indépendamment de l'IMC. rale, l'hypertension artérielle et la dyslipidémie à quoi
En agissant sur l'équilibre glycémique et les fac- s'ajoute un effet anti-ischémique, antiarythmique,
teurs de risque cardiovasculaire, l'activité physique antithrombotique et anti-inflammatoire. Le niveau
est aussi un traitement non médicamenteux du dia- d'activité physique habituelle, sans intervention, est
bète de type 2 validé par plusieurs méta-analyses. Sa un prédicteur de mortalité totale dans le DT2. Dans
mise en œuvre peut nécessiter quelques adaptations une méta-analyse portant sur 17 cohortes, une aug-
nutritionnelles afin que le remède ne devienne pas mentation de l'activité physique de 1 MET-h/semaine
pire que le mal en déstabilisant l'équilibre glycé- était associée à une diminution de la mortalité totale
mique et en générant des hypoglycémies. Comme et cardiovasculaire respectivement de 9 % et 7 %.
tout traitement, l'activité physique se prescrit. Dans La prescription d'une activité physique dans le
le diabète de type 1 (DT1), bien que le bénéfice de DT2 est d'autant plus intéressante que chez les dia-
l'activité physique sur l'équilibre glycémique n'ait bétiques le niveau d'AP spontanée est près de 2 fois
pas été démontré avec le même niveau de preuve moindre que dans la population générale à âge

289
Partie IV. Grandes questions et idées fausses

comparable du fait d'une obésité et de comorbidités une amélioration de la sensation de bien-être qui
plus fréquentes. L'activité physique régulière favo- peuvent concourir à l'installation et à la pérenni-
rise une diminution de la masse grasse viscérale sation d'une attitude favorable à la santé combi-
qui est bien corrélée avec la baisse de la glycémie nant le bien manger au bien bouger.
et de l'insulinémie. Par ailleurs, l'activité physique
permet de s'opposer à la perte de la masse muscu-
laire et des capacités physiques qui est plus mar- Besoins nutritionnels particuliers
quée que dans la population générale. Les sujets Énergétique de l'effort –
DT2 de l'étude LOOK-AHEAD qui ont bénéficié
d'une intervention vigoureuse comportant une Implications nutritionnelles
activité physique supervisée et un plan alimentaire L'activité physique entraîne une augmentation de
ont vu la sévérité de l'incapacité réduite de près de la dépense énergétique liée aux contractions mus-
moitié par rapport à un groupe témoin. culaires. L'énergie provient de la transformation
Les effets de l'entraînement sur le métabolisme d'énergie chimique en énergie mécanique et en
glucosé peuvent se résumer à une amélioration de la chaleur par hydrolyse de l'adénosine triphosphate
sensibilité à l'insuline et de la disponibilité du glucose. (ATP), chaque molécule fournissant 7,3 kcal. Le
Schématiquement, l'activité physique d'endurance muscle contient 3 g d'ATP/kg ce qui correspond à
favorise les processus oxydatifs et la sensibilité à l'in- 50 kcal. Cette source immédiatement disponible ne
suline alors que l'activité physique contre résistance nécessite pas d'oxygène mais n'autorise qu'un effort
augmente la masse musculaire et la capacité d'utili- très bref de l'ordre de 3 secondes à puissance maxi-
sation du glucose. Les principaux mécanismes sont : male. La poursuite de l'exercice dépend de la capa-
• l'optimisation de la signalisation post-réceptorielle cité de resynthèse de l'ATP dont les concentrations
de l'insuline; musculaires sont faibles. Le métabolisme anaérobie
• l'augmentation du transfert de glucose du foie vers mis en jeu lors des efforts intenses et très brefs, exi-
le muscle, avec épargne d'insuline : la consomma- gés par la pratique de certains sports, occupe une
tion d'énergie et de glucose induite par l'activité place insignifiante d'un point de vue nutritionnel.
physique diminue la glycémie et les réserves gly- Il est d'abord alactique puis lactique par transfor-
cogéniques des muscles sollicités ce qui améliore le mation du glycogène musculaire en lactates dont
taux de captation musculaire du glucose sanguin l'accumulation entraîne une diminution du pH et
indépendamment de l'insuline. L'augmentation des des crampes musculaires. Il est mis en route dès
récepteurs GLUT4 par une voie non insulinodé- que l'effort dépasse 10 à 15 secondes et permet de
pendante est un effet majeur de l'activité physique; produire 120 à 130 kcal/min. Sa capacité dépend
• l'activation de la glycogène synthétase et de la des stocks de glycogène musculaire et de l'accu-
glycolyse par l'augmentation de l'hexokinase à mulation des lactates et de l'acidose qui en résulte.
l'origine d'une augmentation de la capacité oxy- Le système anaérobie lactique est amélioré par
dative musculaire ; l'entraînement et permet d'espérer une production
• un remodelage musculaire avec le maintien des de 350 à 400 kcal à puissance maximale. Au-delà
fibres musculaires de type I les plus sensibles à de quelques minutes, le métabolisme aérobie pour-
l'insuline lors des efforts d'endurance ; voit à l'énergie nécessaire par l'intermédiaire d'une
• une augmentation de la sensibilité musculaire à oxydation du glucose et des acides gras au niveau
l'insuline du fait de la déplétion en glycogène pen- de la chaîne respiratoire mitochondriale et, à un
dant plusieurs heures après l'arrêt de l'exercice; moindre degré, par l'oxydation des acides aminés (5
• l'augmentation de la densité capillaire (capillari- à 15 %). Il représente la principale source d'ATP et
sation) et du débit sanguin musculaire par une assure la fourniture d'énergie dans des conditions
vasodilatation NO-dépendante majore la quan- basales et dès que l'effort se prolonge. La consom-
tité de glucose et d'insuline délivrée au muscle ; mation maximale d'oxygène (VO2 max), facile à
• une diminution de la masse grasse viscérale mesurer au cours de l'exercice, traduit la puissance
bien corrélée avec la baisse de la glycémie et de maximale du métabolisme aérobie (directement
l'insulinémie. sous la dépendance des apports alimentaires). La
À ces effets s'ajoutent une amélioration du profil capacité du système aérobie dépend de la VO2 max
lipidique, une amélioration du profil tensionnel et et donc de l'entraînement et des stocks énergétiques.

290
Chapitre 25. Personnaliser les conseils diététiques en fonction du mode de vie...

Nutriments de l'effort Apports protidiques


Il est admis que les personnes physiquement Les apports nutritionnels conseillés (ANC) en pro-
actives n'ont pas besoin de compléments nutritifs téines satisfont aux besoins d'une activité physique
additionnels au-delà de ceux apportés par une de loisir ou occasionnelle. Il convient de privilégier
alimentation équilibrée, à l'exception de certaines les protéines de haute valeur biologique et d'aug-
pratiques sportives à haut risque de déséquilibre menter les ANC (× 1,5 à 2) chez les sportifs de haut
nutritionnel comme les sports à catégorie de niveau ou chez les culturistes en utilisant des pro-
poids qui nécessitent parfois des régimes amai- téines alimentaires ou des poudres de protéines.
grissants vigoureux sinon intempestifs en phase Apports liquidiens (hydriques)
de précompétition. Selon l'Anses le recours à une
alimentation particulière comme la «micronutri- Le remplacement anticipé des pertes liquidiennes
tion », très en vogue dans les milieux sportifs, n'est (sudation, polypnée) liées à l'effort contribue à pré-
pas justifié. La prise en charge nutritionnelle des server la performance. Une hydratation régulière,
sportifs doit se faire conformément aux recom- avant la sensation de soif, prévient la survenue d'un
mandations consensuelles et à la réglementation. coup de chaleur et diminue le risque de crampes
musculaires. Avant une épreuve, il est souhaitable
Apports glucidiques d'ingérer une boisson de façon fractionnée (300Ŕ
L'essentiel du surcroît d'apport énergétique est assuré 500 mL en 2 heures) surtout si les conditions clima-
par les glucides, véritables substrats énergétiques de tiques prédisposent à la sudation. Pendant l'épreuve,
l'effort. Ils permettent de remplacer le glycogène mus- la quantité d'eau est ajustée à la perte d'eau prévisible
culaire et de maintenir l'homéostasie glycémique. Ils et peut aller jusqu'à 1,5 L/h lorsque l'activité dépasse
constituent au moins 55 % de la ration énergétique et 1 heure. Au-delà d'une durée de 3 heures, les besoins
jusqu'à 70 % dans les sports d'endurance. Le glyco- sont de l'ordre de 0,5 à 1 L/h. Après l'exercice, il
gène musculaire est utilisé localement sans possibilité convient de restaurer rapidement le déficit hydrique
de resynthèse durant l'effort. Son épuisement induit en apportant une quantité de boisson compensant
une fatigue locale. Leglycogène hépatique, totalement 150 %de la perte de poids constatée durant l'épreuve.
utilisable, a pour but d'éviter l'hypoglycémie. La tota- L'adjonction de 1 à 1,5 g de sel (NaCl) par litre de
lité des stocks de glycogène assure 3 heures d'effort à boisson limite la diminution du volume plasmatique
70 % de la VO2 max. Dans les sports d'endurance, il durant un exercice intense
est d'usage d'augmenter la ration glucidique (glucides Apports en micronutriments
à index glycémique bas ou intermédiaire) durant
De nombreuses vitamines et oligoéléments sont
les 3 jours précédant une compétition pour obtenir
un taux maximum de glycogène musculaire lors de impliqués dans le métabolisme énergétique.
l'épreuve. Pendant les épreuves de longue durée, il est Leurs besoins augmentent au prorata de l'effort,
fait appel à des glucides à index élevé (solution de glu- notamment pour les vitamines B. Leur couverture
cose, de saccharose, de maltodextrine, de polyglucose suppose une alimentation variée, voire une sup-
ou de fructose). plémentation en vitamines B, en fer, en calcium et
en magnésium selon le type d'alimentation. Une
Apports lipidiques bonne hygiène de vie et la consommation en quan-
Ils contribuent de façon significative à l'apport tités suffisantes de produits laitiers, de légumes
énergétique lors de la phase d'entraînement et secs et verts, de céréales, de viandes et éventuelle-
apportent des acides gras essentiels et des vita- ment de boissons de l'effort évitent toute carence.
mines liposolubles. L'oxydation lipidique couvre
deux tiers des besoins de base. En début d'exercice,
Boissons du sportif
elle permet d'épargner les réserves en glycogène Les boissons énergétiques de l'effort proposées dans
puis elle prend une part de plus en plus importante le commerce (cocktails énergétiques, vitaminés et
et remplace peu à peu les substrats glucidiques mais enrichis en électrolytes) peuvent trouver leur place
ne permet pas un effort aussi intense. Les apports durant la phase d'attente, durant l'épreuve et lors de
conseillés de l'ordre de 25 à 30 % de la ration dans la récupération. Elles trouvent également leur place
les sports d'endurance ne diffèrent guère de ceux à la mi-temps lors de la pratique de sports collectifs.
d'un sujet ayant une activité physique standard. Il convient de distinguer les boissons énergétiques

291
Partie IV. Grandes questions et idées fausses

des boissons énergisantes (tableau 25.2). Les pre- population générale ne nécessite pas d'adaptation
mières sont des boissons de l'effort, ont une com- significative des apports dès lors que l'alimenta-
position réglementée et proposent une formulation tion est suffisante (poids stable) et équilibrée. Il
en accord avec les besoins spécifiques du sportif n'en est pas de même lors de la pratique sportive
dont la dépense énergétique est intense. Elles ne de compétition.
doivent pas être acides, gazeuses ou trop sucrées.
Les boissons énergisantes sont issues d'un Période d'entraînement
concept marketing et contiennent des substances
L'alimentation comporte trois repas par jour et
stimulantes, voire excitantes (caféine, guarana,
une ou deux collations si le délai entre deux repas
taurine, arginine, ginseng, glucuronate, etc.). Ces
est supérieur à 4 heures. Chaque repas principal
boissons peuvent provoquer un retard à la percep-
comporte quatre portions de glucides (féculents,
tion du seuil de fatigue et favoriser des troubles
légumes, fruits crus ou cuits, sucre simple) et est
du rythme. Leur consommation doit être enca-
basé sur les principes de l'alimentation équilibrée
drée chez les mineurs et est déconseillée chez les
et diversifiée en tenant compte des préférences et
femmes enceintes ou allaitantes, lors de la pratique
des intolérances de chacun. Les apports énergé-
d'une activité physique intense ou en association
tiques sont évalués par la taille des portions de
avec l'alcool. Elle est contre-indiquée en cas de
féculents (céréales, légumineux, farineux et fécu-
diabète du fait d'une teneur excessive en glucides.
lents). En réalité les besoins ne sont guère modifiés
chez le pratiquant occasionnel ou de loisir (jusqu'à
Compléments alimentaires trois séances par semaine). Les niveaux d'activité
La problématique des compléments alimentaires physique sont indiqués dans le tableau 25.3.
interpelle de nombreux sportifs qui y voient • Féculents : ils sont à consommer à chaque repas ou
un moyen d'augmenter les performances et de lors des collations en quantités proportionnelles à
réduire la fatigue. L'analyse objective des effets la dépense énergétique. Ils représentent la princi-
potentiels des compléments est le plus souvent pale variable d'ajustement pour gérer le poids. Les
décevante et proche d'un effet placebo. pâtes et le riz sont les féculents de référence.
Pour l'Anses, la consommation des complé- • Produits laitiers : sources majeures de calcium
ments alimentaires ne se justifie que par la néces- bien assimilable et de protéines, le lait demi-
sité de compléter des apports jugés insuffisants écrémé, les yaourts et le fromage blanc sont à
par un médecin ou un diététicien. consommer à hauteur de trois à quatre portions
par jour.
Les grands repères • Viandes, poissons et œufs : ils assurent la cou-
de l'alimentation lors d'une verture des besoins protéiques augmentés par
l'activité musculaire (de l'ordre de 1 à 2 g de
activité sportive de compétition protéines/kg/j selon l'intensité et la nature de
La pratique d'une activité physique programmée l'activité). Ceux dont la teneur en lipides est très
en accord avec les recommandations pour la élevée sont à éviter.

Tableau 25.2. Caractéristiques des boissons énergétiques et énergisantes.


Caractéristiques Boissons énergétiques Boissons énergisantes
Utilité Pour les efforts > 1 h 30 Non, proche du dopage
Osmolarité Isotonique Hypertonique
Teneur en glucides 30 à 50 g/L 100 g/L
Autres composés Na, K, Mg, vitamines B ?
Psychostimulants Ŕ Caféine, théobromine, taurine,
glucuronolactone
Les boissons énergétiques sont des «denrées destinées à une alimentation particulière» (DDAP).
Les boissons énergisantes sont déconseillées chez le sportif en application du principe de précaution.

292
Chapitre 25. Personnaliser les conseils diététiques en fonction du mode de vie...

Tableau 25.3. Niveaux d'activité physique : facteurs d'augmentation du métabolisme


de repos (MdR) et équivalents « marche» (km/j) selon le poids.
Indice MdR Distance de marche (km/j)
Poids 44 kg 70 kg 120 kg
Sédentaire 1,25 0 0 0
Peu actif 1,5 5 3,5 2,5
Actif 1,75 15 12 8
Très actif 2,20 30 25 20

• Fruits et légumes : sources de micronutriments Le petit déjeuner ou le repas se situe environ


indispensables, ils participent à la lutte contre le 3 heures avant l'épreuve. Très riche en glucides,
stress oxydant. Ils peuvent être consommés en il apporte au moins 500 kcal sous la forme de
abondance du fait de leur faible densité énergé- céréales, mueslis, biscuits ou riz avec, éven-
tique (cinq portions par jour). tuellement, une portion de viande hachée. La
ration d'attente consommée entre 1 heure 30 et
Aspects spécifiques à la pratique 15 minutes avant le départ de l'épreuve comporte
d'un sport de haut niveau du pain d'épice, une pâte de fruit ou une barre
céréalière. Une boisson est recommandée 10 à
Des stratégies nutritionnelles personnalisées 15 minutes avant : 250 mL de jus de fruits dilué ou
visent à corriger les principales erreurs commises une boisson d'effort avec apport glucidique.
par les sportifs (déstructuration des repas, gri-
gnotage, déséquilibre, diversification insuffisante Alimentation percompétition
et mauvaise hydratation) qui sont particulière-
ment délétères en cas de diabète. Elle a pour but d'éviter l'hypoglycémie d'effort
chez les sujets diabétiques tout comme chez les
Préparation à une épreuve sportive sujets non diabétiques.
longue et intense de type « fond » • Dans les épreuves de durée intermédiaire,
Elle commence souvent au début de la semaine qui l'hydratation régulière et anticipatoire par des
précède l'épreuve par un régime dissocié modifié boissons apportant des électrolytes, des vita-
à la manière «scandinave » qui semble avoir fait mines et des glucides (40 à 100 g/L de glucose,
la preuve de son intérêt pour améliorer les per- fructose, saccharose ou maltodextrines).
formances. Une première période d'alimentation • Dans les épreuves de très longue durée
conventionnelle pendant 3 jours (15 % protéines, (> 3 h 30), des aliments glucidiques solides sont
35 % lipides, 50 % glucides) est suivie d'une ingérés toutes les heures avec, éventuellement,
période d'enrichissement énergétique (+ 500 à de petites collations protéiques à intervalle de
1 000 kcal) par une augmentation des portions de 2 heures (viandes maigres, jambon, fromage
glucides «lents » jusqu'à 70 % de la ration énergé- maigre).
tique et une diminution des apports en lipides.
Alimentation post-compétition
Une augmentation transitoire des doses basales
d'insuline est habituellement nécessaire chez le Entreprise dès la fin de l'épreuve et après une
sujet diabétique insulinodépendant. Les aliments mesure de la glycémie capillaire, elle vise à réhy-
susceptibles de provoquer des problèmes diges- drater et à «resucrer » par l'ingestion de boissons
tifs sont écartés : graisses cuites, fibres irritantes énergétiques ou de jus de fruit suivie d'une col-
des légumes secs, aliments fermentés, épicés ou lation glucidique solide 1 heure plus tard (gâteau
fumés, boissons très gazeuses ou très sucrées. de riz ou de semoule, barre céréalière) et/ou d'un
La veille de la compétition le repas est composé repas renforcé en apports glucidiques (pâtes, riz,
d'un plat enrichi en glucides (pâtes cuites al dente, pommes de terre, fruits). Par la suite, l'alimen-
jusqu'à 400 g), d'un produit laitier, d'une entrée et tation est du même type que durant la période
d'un dessert glucidique. d'entraînement.

293
Partie IV. Grandes questions et idées fausses

Distinguer sédentarité une autre version d'activité physique qui permet


et inactivité physique souvent de joindre l'utile (se déplacer) à l'agréable.
Chacun devrait trouver une activité physique qui
En marge de l'activité physique, il est important lui convient soit en solitaire ou en couple, soit
de prendre en compte la sédentarité qui n'est pas dans un cadre associatif. Un avis médical de fai-
le contraire de l'activité physique. La sédentarité a sabilité est néanmoins souhaitable afin d'adapter
des effets différents de l'inactivité physique sur la la pratique de l'activité physique à la personne et à
santé. En effet avoir un bon niveau d'activité phy- son état de santé selon trois étapes :
sique ne protège pas totalement des effets délétères • lutter contre la sédentarité après l'avoir identi-
de la sédentarité. Rappelons que si seuls 30 % des fiée par un questionnaire spécifique. L'objectif
diabétiques déclarent avoir une activité physique est de réduire le temps de sédentarité de 1 à
suffisante (essentiellement des activités domes- 2 heures par jour entre le lever et le coucher en
tiques) la majorité est assise plus de 7 heures par interrompant volontairement la position assise
jour. Il est opportun de souligner que, d'après chaque heure pour «bouger » sous quelque pré-
une méta-analyse, les sujets qui passent le plus texte que ce soit ;
de temps assis ont un risque cardiovasculaire • accroître l'activité quotidienne non structurée
2,5 fois plus élevé et une mortalité toutes causes en privilégiant ou en créant toutes les oppor-
1,5 fois plus élevée indépendamment de l'activité tunités de bouger : se déplacer à pied ou à vélo
physique. La lutte contre la sédentarité est donc plutôt qu'en voiture, descendre d'un transport
tout aussi indispensable que l'activité physique en commun une station avant le but, préfé-
régulière. rer les escaliers à l'ascenseur ou aux escaliers
mécaniques ;
Quelle activité physique • encourager la pratique d'une activité physique
pratiquer ? structurée qu'elle soit de type sportive ou non.
Les objectifs sont d'au moins 150 min/semaine
La pratique d'une activité physique régulière d'une activité physique d'intensité modérée (40
quelle qu'elle soit Ŕ activités de loisir ou sportives à 60 % de la VO2 max ou 3 à 6 MET) répartie sur
ou même domestiques comme le jardinage Ŕ fait la base d'au moins 3 j/semaine en évitant une
partie intégrante du traitement du diabète. Son inactivité de plus de 2 jours consécutifs sans
bénéfice est prouvé dès lors qu'elle est régulière activité physique, soit 90 min/semaine d'acti-
et permet d'atteindre l'objectif de 30 minutes vité physique d'intensité élevée (> 60 % VO2
par jour. Il est important de choisir des activités max ou > 6 MET avec essoufflement et suda-
physiques plaisantes, peu contraignantes, plus tion), réparties en trois sessions de 30 minutes
faciles à intégrer dans la vie quotidienne. Le sport chacune. Les exercices peuvent être fractionnés
n'est qu'une forme particulière d'activité physique en sessions de 10 minutes sans perdre de leur
librement consentie par des pratiquants moti- intérêt. Par ailleurs, un renforcement muscu-
vés et entraînés. Il n'est pas synonyme d'activité laire d'intensité modérée portant sur les prin-
physique qui privilégie la marche sous toutes ses cipaux groupes musculaires effectué en deux
formes, de la simple promenade de durée prolon- sessions non consécutives est souhaitable.
gée, à la marche rapide (2 à 3 km à parcourir en L'évaluation préalable de la condition physique
30 minutes) à la marche nordique qui se pratique est souhaitable chez les sujets obèses, âgés ou pré-
avec des bâtons pour soulager les articulations des sentant des comorbidités au moyen, par exemple,
membres inférieurs. La marche contribue à la fois du test de Ruffier-Dickson adapté avec une chaise
à une meilleure gestion de l'équilibre glycémique (nombre de montées de la position assise sur une
et à la prévention cardiovasculaire. L'activité phy- chaise à la position debout, suivies d'un retour à
sique en milieu aquatique est particulièrement la position assise, effectuées pendant 45 secondes)
recommandée en cas de problèmes articulaires ou ou en mesurant le débit respiratoire de pointe
de surpoids. La pratique de 30 minutes d'aquagym chez les fumeurs. La mise en œuvre de l'activité
correspond à une activité physique de 30 minutes physique doit être progressive. Le démarrage
de marche rapide. Les promenades à vélo sont d'une activité physique intense ou sportive justifie

294
Chapitre 25. Personnaliser les conseils diététiques en fonction du mode de vie...

de principe la réalisation d'une épreuve d'effort du risque. En cas de surrisque d'hypoglycémie il


cardiaque. Il en est de même pour les sujets ayant convient d'éviter la pratique sportive en solitaire. Les
une grande ancienneté du diabète, des antécé- activités physiques pratiquées en environnement
dents de manifestations ischémiques ou plusieurs hostile ou les activités physiques extrêmes (para-
facteurs de risque. pente, plongée sous-marine…) sont déconseillées.
Dans le diabète de type 2, l'activité physique
peut également induire une hypoglycémie (selon
Particularités chez le diabétique le traitement) ou favoriser des incidents de santé
En théorie, la réalisation de ces objectifs ne (cardiopathie ischémique, artériopathie, rétino-
modifie pas les modalités de surveillance habi- pathie, néphropathie évolutive, neuropathie avec
tuelle du diabète de type 2 sur le plan de l'équi- lésions des pieds, risque de coup de chaleur ou
libre glycémique ou du suivi des complications risque d'hypotension orthostatique). L'éducation
dégénératives sauf exception (rétinopathie [pré] du patient, l'accompagnement médical, la pra-
proliférante, état cardiaque instable). Un bilan tique régulière, progressive et sécurisante par-
podologique à intervalles plus rapprochés à la viennent à minimiser ces risques (tableau 25.4).
recherche de microtraumatismes liés à l'acti-
vité physique est souhaitable. Il faut être prêt à Prévenir l'hypoglycémie
adapter le traitement antidiabétique (sulfamides,
glinide, insuline) à l'amélioration prévisible de par des mesures nutritionnelles
l'équilibre glycémique afin d'éviter les incidents La pratique d'une activité physique augmente le
hypoglycémiques. Il n'y a guère de conseils dié- risque d'hypoglycémie chez tout diabétique traité
tétiques particuliers à préconiser en dehors du
par une sulfonylurée, un glinide ou par l'insuline.
plan alimentaire approprié au diabète sauf en cas
En conséquence, il lui est recommandé de dis-
d'activité intense ou sportive.
En pratique, une surveillance métabolique plus poser en permanence de glucides rapides (barre
étroite est souhaitable au début de la pratique afin de céréale, pain, pâte de fruits, sucres emballés)
de bien faire prendre conscience de l'impact de à consommer dès les premiers signes d'hypogly-
l'exercice sur la glycémie dans un but pédagogique. cémie. Par précaution il est indispensable d'avoir
La mesure de la glycémie avant et après un exercice au moins 3 morceaux de sucre sur soi, Ŕ voire
est utile pour l'adaptation du traitement et pour jus- une ampoule de glucagon avec le nécessaire à
tifier la prescription d'éventuelles collations avant injecter en cas d'activité prolongée loin de ses
ou après l'exercice, notamment dans le diabète de bases (marche d'endurance, trekking, randonnée
type 1. La tenue d'un carnet de bord est conseillée cycliste, alpinisme, etc.) et de consommer des
pour interpréter les glycémies avant et après, pour glucides rapides (barre de céréale, pain, pâte de
noter d'éventuels incidents, pour ajuster le traite- fruits, sucres emballés) dès les premiers signes
ment et, surtout, pour convaincre de l'impact béné- d'hypoglycémie (si possible après vérification de
fique de l'activité physique sur les glycémies. la glycémie capillaire).

Tableau 25.4. Contre-indications d'une activité


Pratique de l'activité physique physique intense chez le diabétique de type 2.
chez le diabétique : les risques
Contre-indication Contre-indication
L'entraînement physique fondé sur une activité absolue relative
planifiée, structurée et répétée permet d'amélio- Insuffisance coronarienne Insuffisance coronarienne
rer ou de maintenir les capacités physiques chez HTA d'effort : traitée médicalement
tout sujet ne présentant pas de contre-indications. PAS > 240 mmHg ou PAD Diabète instable
Un sujet jeune présentant un diabète de type 1 > 120 mmHg Hypoglycémies
bien équilibré peut pratiquer la plupart des activités Insuffisance cardiaque asymptomatiques
physiques et/ou sportives à condition que son niveau Lésions des pieds
Rétinopathie proliférante
d'éducation nutritionnelle et thérapeutique le lui Microalbuminurie
Macroprotéinurie
permette et que le suivi médical soit à la hauteur

295
Partie IV. Grandes questions et idées fausses

Lorsque l'effort programmé est prolongé Répercussions métaboliques


pendant plusieurs heures, l'avant-dernier et du sport
le dernier repas doivent être enrichis en glu-
Elles sont dépendantes du type de sport et peuvent
cides à index glycémique bas. En cas d'effort
intense, il est recommandé d'absorber 15 à 20 g être difficiles à maîtriser lorsque les régulations
de glucides d'absorption rapide toutes les 30 à spontanées sont mises en défaut comme dans le
45 minutes pendant l'activité. Environ 20 à diabète insulinoprive. La différence avec le diabète
30 g de glucides sont rajoutés à la collation. Il de type 2 tient au fait que la surconsommation
faut également veiller à assurer une hydrata- musculaire des fuels énergétiques n'est pas com-
tion régulière et anticipatoire de la sensation pensée par une diminution spontanée et adaptée
de soif. de la sécrétion d'insuline. L'hyperinsulinisation
Lorsque les efforts sont moins prolongés mais exogène relative expose à un risque élevé d'hypo-
intenses, il est conseillé de rajouter 15 à 20 g de glycémie et perturbe la mobilisation du glycogène
glucides au repas précédant l'effort et de consom- hépatique et des acides gras libres, substrat éner-
mer de l'eau faiblement sucrée à intervalles régu- gétique se substituant au glucose lors des exercices
liers (200 mL toutes les demi-heures environ) de longue durée. À l'opposé, la sous-insulinisation
pendant l'effort. peut être responsable d'une hyperglycémie parfois
En cas d'effort imprévu durant plus d'une demi- majeure. Il appartient au sujet diabétique d'adap-
heure, la prise de 15 à 20 g de glucides au cours de ter la dose d'insuline et les apports énergétiques
l'effort (barre de céréales) et d'eau sucrée est pré- avant l'effort en anticipant la durée et l'intensité de
conisée ce qui suppose d'en avoir à sa disposition. l'effort. Ce véritable challenge suppose une bonne
La correction d'une hypoglycémie survenant connaissance de soi, une gestion réfléchie des
pendant l'effort, nécessite d'interrompre l'effort imprévus survenant durant la pratique sportive et
et de consommer immédiatement trois mor- une motivation sans faille. L'éducation thérapeu-
ceaux de sucres (15 g), de pratiquer une autosur- tique et nutritionnelle facilite l'acquisition de ces
veillance glycémique et de se restaurer dans le prérequis pour pratiquer une activité sportive de
meilleur délai en rajoutant 25 à 30 g de glucides haut niveau avec un entraînement approprié. Un
au repas (gâteau sec…) tout en poursuivant la diabétique bien équilibré évitant le double écueil
surveillance de la glycémie capillaire. La pré- de l'hyper- ou de l'hypo-insulinisation peut réali-
vention de l'hypoglycémie tardive à distance de ser les mêmes performances qu'un sujet non diabé-
l'effort (en fin de journée ou durant la nuit) est tique ainsi qu'en attestent de nombreux exemples
assurée par l'augmentation de la part des glu- récents d'athlètes parvenus au plus haut niveau de
cides (20 à 50 g sous forme de pain, de riz ou de leur discipline (athlétisme, cyclisme, football, ten-
pâtes) au repas suivant l'effort avec, au besoin nis). Les activités de haut niveau et la recherche de
une collation avant le coucher si la glycémie est la performance requièrent une période d'adapta-
à tendance basse. tion des apports glucidiques et des doses d'insuline
pouvant être émaillée de tâtonnements et d'erreurs
Pratique sportive de haut tant les besoins varient d'un individu à l'autre.
L'activité sportive de haut niveau nécessite une
niveau chez un diabétique formation à la gestion des variations glycémiques
jeune (diabète de type 1) afin de préserver à la fois la performance, la qualité
Le sport est une forme d'activité physique, plus de vie et la santé et d'éviter qu'elle ne soit qu'une
intense que l'activité physique d'entraînement, source de problèmes supplémentaires comme cela
qui a pour objectif la performance, souvent dans a été souvent affirmé.
un contexte de compétition pouvant confiner à Répercussions du sport
l'exploit. La pratique de ce type d'activité physique
est subordonnée aux capacités cardiorespiratoires sur l'équilibre glycémique
et ostéomusculaires entretenues par un entraîne- La contraction musculaire accroît la captation
ment régulier et à d'éventuelles contre-indications glucosée par les cellules musculaires indépen-
d'ordre médical. damment de l'insuline en surexprimant les

296
Chapitre 25. Personnaliser les conseils diététiques en fonction du mode de vie...

transporteurs de glucose GLUT4. La persistance l'effort facilitent l'adaptation des apports alimen-
de cet effet plusieurs heures après l'effort et la taires et de l'insulinothérapie. L'entraînement
nécessité de reconstituer les stocks hépatiques et reproduisant les conditions de la compétition
musculaires de glycogène imposent un apport fournit des indications utiles pour l'adapta-
glucidique conséquent au décours de l'effort. La tion des doses d'insuline nécessaires avant une
production endogène de glucose combinée à la épreuve longue. Toute pratique sportive de haut
diminution de l'insulinosécrétion et l'augmenta- niveau devrait être précédée par une vérification
tion de la glucagonémie parvient habituellement du statut glycémique et par un conditionnement
à maintenir la glycémie dans les limites basses de et un échauffement progressifs dans le but d'éviter
la normale. Dans le diabète de type 1 où l'insuli- des variations glycémiques trop importantes.
némie exogène n'est pas rétrorégulable par la gly- Lors d'un effort prolongé, l'alimentation est
cémie, l'inadaptation entre la production glucosée la principale variable d'ajustement ce qui ne
et l'excès de consommation glucosée musculaire dispense pas de réduire la dose d'insuline de 2
expose à un risque majeur d'hypoglycémie res- ou 4 unités avant l'épreuve. Durant les épreuves
ponsable d'une chute brutale des performances. de longue durée, la compensation des apports
L'hypoglycémie est d'autant plus redoutable qu'elle glucidiques prime sur la diminution des doses
accentue l'insensibilité aux signes adrénergiques d'insuline qui reste néanmoins nécessaire pour
d'alerte. La prévention des hypoglycémies passe empêcher les hypoglycémies tardives surve-
par une augmentation des apports glucidiques nant jusqu'à 24 heures après l'effort tant que
et une réduction modeste des doses d'insuline, persiste l'exacerbation de la sensibilité muscu-
la diminution de l'insulinémie étant nécessaire laire à l'insuline. Les épreuves de longue durée
pour favoriser la production de glucose (glycogé- (randonnée, trekking, trail, course de fond,
nolyse et néoglucogenèse) et la mise en circulation cyclisme) se préparent par une alimentation
de substrats énergétiques tels que les AG libres particulière visant à accroître les réserves gly-
permettant d'épargner le glucose. À l'opposé, un cogéniques en augmentant la ration glucidique
excès de sécrétion catécholergique lié au stress de (pâtes, riz, pain) des deux repas qui précèdent
l'effort peut induire une hyperglycémie dont la l'exercice. Il est recommandé de ne pas prendre
prévention passe principalement par l'entraîne- de repas consistant moins de 3 heures avant un
ment régulier et la préparation psychologique. effort intense de durée intermédiaire ou longue
en vertu de la « règle des 3 heures ». L'apport frac-
tionné et régulier en boisson et en glucides dès le
Préalables à l'effort
début des épreuves de longue durée (marathon,
et à la performance cyclisme) est la meilleure façon de prévenir le
Si la pratique de la plupart des sports est possible, risque d'hypoglycémie. En pratique, il est indis-
elle ne peut se faire sans précaution dont la pre- pensable d'avoir à disposition des aliments ou
mière est d'informer ses proches et l'entraîneur ou des boissons sucrées tout au long de l'épreuve
le coach du diabète et des mesures à prendre en et de consommer toutes les 30 à 45 minutes des
cas d'hypoglycémie. L'insuline étant un produit glucides à index glycémique élevé par fractions
interdit par l'Agence française de lutte contre le de 15 à 30 g. Par ailleurs la consommation anti-
dopage (décret du 22/12/2014, en application de la cipative (avant d'avoir soif) d'au moins 1/2 litre
convention internationale contre le dopage dans d'une boisson (eau ou boisson de l'effort pou-
le sport), une demande d'autorisation d'usage thé- vant contenir du sucre), adaptée aux conditions
rapeutique devrait être faite lors des compétitions climatiques, évite la déshydratation qui serait
officielles. sanctionnée par une contre-performance et par
Un entraînement régulier permet de dévelop- un risque d'hyperglycémie aiguë.
per les capacités physiques et de connaître les Lors d'un effort violent et bref, il n'y a guère
réactions individuelles à l'effort, dont les varia- de mesures diététiques ni d'adaptation des
tions glycémiques. Par principe, mieux vaut éviter doses d'insuline à envisager avant l'épreuve. En
les efforts imprévus et non planifiés. Les mesures revanche une collation glucidique est recomman-
répétées de la glycémie capillaire avant et après dée après l'épreuve.

297
Partie IV. Grandes questions et idées fausses

Prévenir et corriger sans délai d'un effort intense et prolongé ne met pas à l'abri
une hypoglycémie au cours d'une hypoglycémie en cours d'épreuve. De plus,
il n'existe pas de corrélation entre la diminution
d'une activité physique intense
des doses d'insuline et l'hypoglycémie alors
L'hypoglycémie d'effort a pour caractéristiques qu'une telle corrélation existe entre les supplé-
d'entraîner une perte brutale de la performance ments glucidiques et le nombre d'hypoglycémie.
lorsqu'elle se manifeste durant l'effort, de sur- Ces constatations devraient dissuader les sportifs
venir parfois plusieurs heures après l'effort et de se mettre volontairement en hyperglycémie
d'être mal ressentie. La martingale qui parvient comme certains en ont la tentation pour échapper
à la prévenir combine la reconnaissance des à la fatalité de l'hypoglycémie. Il est souhaitable
signes d'alerte modifiés par l'effort, l'ajustement de présenter un état glycémique stable Ŕ c'est-à-
du traitement insulinique et l'ingestion adaptée dire une glycémie comprise entre 1,10 et 1,5 g/L
de glucides. L'identification précoce des signes pour aborder une épreuve puis de s'alimenter tout
d'hypoglycémie durant l'effort est capitale car au long des épreuves sportives ou lors des entraî-
ils sont différents de l'hypoglycémie survenant nements intensifs de longue durée (> 1 heure). Des
au repos. Le stress de la compétition détourne correspondances entre le type d'activité physique
l'attention. La tachycardie, la sudation et les sen- et les modifications des doses d'insuline ont été
sations musculaires et respiratoires inhérentes proposées en dépit d'une grande variabilité indi-
à l'effort perturbent les repères. L'attention doit viduelle (tableau 25.5). Dans les épreuves durant
porter sur la prévention plutôt que sur la correc- moins d'une heure l'ingestion de 10 à 20 g de glu-
tion de l'hypoglycémie. La prévention exige une cides sous la forme de barres de céréales ou de pâte
participation active du sujet qui doit savoir uti- de fruit est conseillée 30 minutes avant l'effort Ŕ
liser à bon escient les données de l'auto-mesure de principe ou lorsque la glycémie capillaire est
glycémique au cours de l'entraînement puis avant, < 1,5 g/L. Ainsi dans une épreuve de demi-fond
pendant et après l'épreuve. Réduire la fréquence et d'une durée de 45 minutes se déroulant le matin
la gravité des hypoglycémies permet de préserver il est souhaitable de consommer 20 g de glucides
les signes d'alerte adrénergiques de l'hypoglycé- en plus du petit déjeuner standard et de réduire de
mie. L'existence d'une hyperglycémie au début 50 % le bolus d'insuline du matin. Les manipula-

Tableau 25.5. Propositions de modification des doses d'insuline rapide (IR) et basale (IB) et ration
glucidique supplémentaire avant ou durant l'épreuve en fonction de son intensité et de sa durée.
Intensité (en % de FMC) Durée < 20 min 20 min < durée < 60 min Durée > 60 min
Insuline (U) Insuline (U) Insuline (U)
Glucides (g/h) Glucides (g/h) Glucides (g/h)
Faible : < 60 % 0Ŕ10 g/h 10Ŕ20 g/h IR : Ŕ 5 %Ŕ 10 %
10Ŕ20 g/h
IB : Ŕ 5 %Ŕ 10 %
Modérée : 60Ŕ75 % IR : Ŕ 5 %Ŕ 10 % IR : Ŕ 5 %Ŕ 10 % IR : Ŕ 10 %Ŕ 20 %
0Ŕ20 g/h 20Ŕ60 g/h 20Ŕ100 g/h
IB : Ŕ 5 %Ŕ 10 % IB : Ŕ 10 %Ŕ 20 %
Forte : > 75 % IR : Ŕ 5 %Ŕ 30 % IR : Ŕ 5 %Ŕ 10 % IR : Ŕ 10 %Ŕ 30 %
10Ŕ30 g/h 30Ŕ100 g/h 30Ŕ100 g/h
IB : Ŕ 5 %Ŕ 20 % IB : Ŕ 10 %Ŕ 30 %
Ces valeurs définies pour une insulinothérapie de type basale-bolus sont données à titre indicatif et sujettes à d'importantes variations
individuelles.
FMC : fréquence cardiaque maximale.
D'après: Grimm JJ, Ybarra J, Berné C, Muchnick S, Golay A. A new table for prevention of hypoglycemia during physical activities in type 1 patients.
Diabetes Metab 2004; 30(5) : 465-70.

298
Chapitre 25. Personnaliser les conseils diététiques en fonction du mode de vie...

tions des doses d'insuline sont plus faciles à effec- En post-compétition, tout comme chez les
tuer lorsque l'insuline est administrée en continu sportifs non diabétiques, il est recommandé d'in-
à l'aide d'une pompe à insuline dans la mesure où gérer rapidement une boisson bicarbonatée pour
elles sont directement pilotées par les résultats des prévenir la survenue de crampes musculaires
glycémies capillaires (tableau 25.6). ainsi qu'une boisson sucrée (50 g de glucides)
Une collation glucidique est souhaitable avant puis de consommer un repas enrichi en glucides
le coucher après une épreuve (match, par exemple) (70 % de la ration). Des collations glucidiques au
ou un entraînement intensif pour éviter l'hypo- coucher (prévention de l'hypoglycémie nocturne)
glycémie nocturne. et interprandiales sont conseillées en fonction du
La survenue d'une hypoglycémie en cours niveau de la glycémie capillaire. Ces conseils sont
d'effort est possible en dépit de la mise en œuvre également valables lors des périodes d'entraîne-
de ces dispositions. Il importe alors de réagir sans ment intensif. En revanche, ils sont moins adaptés
délai en interrompant l'activité pour se resucrer aux épreuves brèves et intenses (courses de vitesse
au moyen de glucides à index glycémique élevé par exemple).
facilement transportables et disponibles et rapi-
dement absorbables à hauteur de 15 g (200 mL de Risques liés à l'hyperglycémie
jus de fruit sucré, 150 mL de soda ou 3 morceaux
Une glycémie capillaire > 3 g/L avant l'épreuve
de sucre). Une glycémie capillaire supérieure à
doit faire rechercher des corps cétoniques dans
1,25 g/L autorise la reprise de l'activité moyen-
le sang ou les urines. Leur présence devrait
nant un apport supplémentaire de glucides à
faire renoncer à l'épreuve en raison du risque de
index glycémique moyen (banane, biscuit, barre
décompensation acidocétosique. La correction de
de céréale…). En cas d'hypoglycémie sévère sur-
l'hyperglycémie par un bolus d'insuline rapide
venant lors d'un effort prolongé ou en cas d'inca-
doit être prudente (dose réduite de moitié par
pacité de se resucrer seul, l'injection de glucagon
rapport à la prescription habituelle). Il n'y a pas
est inopérante du fait de l'épuisement des réserves
de mesures alimentaires à préconiser dans cette
glycogéniques ; l'injection IV de glucose à 30 %
situation sinon de rappeler qu'une hyperglycémie
est alors la seule alternative et l'épreuve doit être
en début d'épreuve longue ne prémunit pas contre
durablement interrompue.
le risque d'hypoglycémie et ne dispense pas de la
L'hypoglycémie tardive post-compétition après
prise régulière de petites collations glucidiques
une épreuve de longue durée ou après une épreuve
en cours d'épreuve. Un exercice brutal et intense
intense comme un match traduit une reconstitu-
sans préparation peut entraîner une hyperglycé-
tion insuffisante des réserves glycogéniques alors
mie paradoxale liée à la décharge des hormones
que l'insulinosensibilité demeure accrue.
de stress et d'effort (adrénaline, cortisol…).

Tableau 25.6. Propositions de modification


des doses d'insuline administrées en continu Les disciplines sportives les plus
par une pompe à insuline (sujettes recommandables en cas de DT1
à d'importantes variations individuelles). (ou DT2)
Avant Pendant Après • Sports d'endurance : course à pied, cyclisme
l'effort sur route, VTT, ski de fond, équitation, randon-
née ou marche nordique. La natation devrait être
Bolus Ŕ25 Pas de Ŕ25 à Ŕ75 %
prandial à Ŕ50 % bolus 2 heures après
pratiquée en groupe pour des raisons de sécu-
3 heures ou plusieurs rité. Les exercices intenses contre résistance sont
avant repas si effort moins favorables en raison des dommages vascu-
très long laires qu'ils peuvent favoriser.
• Sports comportant des réserves sécuritaires
Débit de Ŕ50 % Ŕ50 % Ŕ25 % 2 à
base voire arrêt 3 heures liées aux risques particuliers pour le pratiquant
complet après, voire le et ses coéquipiers inhérents à la survenue d'une
pendant 1 lendemain si hypoglycémie : alpinisme, escalade, vol à voile,
à 2 heures effort très long parapente, plongée sous-marine. Aucun de ces

299
Partie IV. Grandes questions et idées fausses

sports n'est formellement interdit sous réserve Repas pris en dehors


que l'environnement soit informé et capable de
reconnaître et de corriger une hypoglycémie.
du domicile ou repas
• Sports comportant un engagement séquentiel qui sortent de l'ordinaire
intense comme les jeux de ballon en équipe (foot-
ball, rugby, handball, basket-ball, volley-ball), le L'un des prérequis pour l'élaboration d'une ali-
tennis, le squash, l'athlétisme ou le ski de piste. mentation équilibrée et variée en accord avec les
Ils entraînent un déséquilibre plus marqué du grands principes de l'« alimentation-santé » est
diabète et ne reproduisent pas les conditions de de pouvoir choisir les aliments et de connaître
l'entraînement ce qui peut priver le pratiquant leur mode de préparation. Ceci ne peut guère se
de repères quant à l'adaptation du traitement concevoir que dans un cadre domestique et après
lors des compétitions ou la reconnaissance d'une une information simple mais précise de la per-
hypoglycémie. Les pauses pratiquées dans ces sonne chargée d'acheter et de préparer les mets
types de sports doivent être mises à profit pour quand ce n'est pas le sujet diabétique lui-même
mesurer la glycémie et ingérer une collation. qui est à la manœuvre. Bien conçue, l'alimentation
• Sports où l'hypoglycémie est susceptible de domestique est à même de procurer du plaisir et
faire courir un risque fatal : sports mécaniques,
de satisfaire aux exigences de convivialité. Pour
sports aériens ou sous-marins.
autant elle ne remplace pas totalement l'attrait du
• Sports réputés dangereux pouvant être prati-
qués lorsque la brièveté de l'action n'expose pas
restaurant qui offre un environnement différent,
au risque d'hypoglycémie : parachutisme. permet de déguster une spécialité et de partager de
• Sports pouvant entraîner des complications nouvelles saveurs gastronomiques avec des amis.
liées au diabète : la boxe et d'autres sports de Bien souvent, pour des raisons professionnelles
combat ne sont pas recommandés en raison d'un ou de loisir (vacances), le restaurant s'impose
risque de traumatisme facial et oculaire direct. comme une solution de nécessité. Il existe plu-
Les efforts hyperviolents occasionnant des pous- sieurs formules de restauration hors foyer : restau-
sées tensionnelles brutales comme la musculation ration commerciale (comportant l'ensemble des
ou les sports de portée sont également à éviter. Les restaurants qu'ils soient gastronomiques ou dits
sports de contact peuvent devenir problématiques «rapides»), restauration collective, restauration
chez les sujets porteurs d'une pompe à insuline. automatique (distributeurs…) et circuits alter-
Il est souhaitable de n'exercer qu'une activité natifs qui nourrissent les personnes là où elles se
d'intensité progressive, sans efforts violents et trouvent (grandes surfaces, magasins, stations-
sans compétition en cas de complications micro- service, cinémas…) qui sont en pleine expansion.
vasculaires, notamment rétiniennes. Il n'est pas interdit d'aller au restaurant lorsqu'on
D'après : Grimm JJ, Ybarra J, Berné C, Muchnick S, est diabétique mais l'exercice peut s'avérer difficile
Golay A. A new table for prevention of hypoglycemia à gérer. En dehors de la restauration collective, il
during physical activities in type 1 patients. Diabetes
Metab 2004 ; 30(5) : 465-70. est rare que les mets proposés répondent aux cri-
tères de l'alimentation équilibrée. Il appartient au
diabétique bien informé de concilier les pièges de
la restauration et les recommandations nutrition-
nelles surtout si pour des raisons professionnelles
il est contraint de manger hors foyer quotidien-
nement. De fait, manger occasionnellement au
restaurant ne pose guère de problème puisque les
écarts éventuels seront corrigés ou compensés par
des repas plus adaptés préparés à domicile.
Des conseils précis sont difficiles à formuler
tant sont nombreuses les possibilités de restaura-
tion. La règle est de faire le bon choix des plats
en termes d'apports nutritionnels et de saveurs.
Les plats sont souvent trop riches en graisses et en

300
Chapitre 25. Personnaliser les conseils diététiques en fonction du mode de vie...

sucres. Il en est ainsi des sandwichs (hamburgers, avec farine correspond à un fruit plus 30 à 50 g
tortillas), frites, boissons sucrées et desserts gour- de pain. La prise en compte de la teneur en glu-
mands. Il faut également se méfier de certains cides lors des plats précédents, permet de choisir
yaourts ou sauces de salades qui sont d'apparence le dessert comme une variable de compensation
sains mais peuvent contenir beaucoup de crème lorsque l'apport glucidique est insuffisant. En cas
(comme la salade césar, par exemple). d'apport glucidique important un morceau de
fromage et un peu de pain complet remplacent
Quelques conseils pour manger avantageusement un dessert conventionnel.
• Contrôler les portions et ne pas se resservir.
sainement au restaurant • Boire au maximum un verre de vin ou équiva-
Un apport en glucides en quantité nécessaire lent et étancher sa soif avec de l'eau.
et suffisante à chaque repas est indispensable. • Manger lentement, déguster.
L'apport lipidique est garant de sapidité et d'onc-
tuosité mais mieux vaut éviter l'excès (notamment Gestion spécifique du traitement
en graisses saturées). L'alcool est un plaisir dont il quand la personne diabétique
faut user à très petite dose.
• Au restaurant, il ne faut pas succomber à la
va au restaurant
tentation de tout manger au prétexte «qu'on a Aller au restaurant conduit souvent à modifier
payé » surtout si les portions sont très copieuses. l'horaire habituel des repas. On y dîne habituel-
La fréquentation du restaurant même occasion- lement plus tard que chez soi. Le temps d'attente
nelle ne permet pas de faire n'importe quoi, entre la commande et le service est fréquent et
même «pour une fois »... souvent meublé par un apéritif liquide et solide
• Refuser les boissons apéritives alcoolisées et volontiers hypercalorique. L'horaire de la prise
bien maîtriser les aliments apéritifs hyperé- alimentaire peut poser un problème en cas d'insu-
nergétiques et gras (petits canapés, cacahuètes, linothérapie conventionnelle par deux injections
noix diverses, chips) et préférer si possible des matin et soir d'un analogue lent et d'un analogue
légumes crus (dips) ou les chips de légumes. retard. L'adaptation est plus facile lors d'un trai-
• Construire son repas selon la formule entrée + tement par basal-bolus ou par pompe externe. Il
plat + dessert en associant des légumes et des suffit de faire le bolus d'un analogue rapide au
féculents, en évitant la charcuterie, en privilé- début du repas, voire au moment où le premier
giant les plats de poisson et les fruits. plat est servi en cas de risque élevé d'hypogly-
• Repérer les plats contenant des féculents. Il cémie. Les médicaments insulinosécrétagogues
devrait y avoir toujours au moins un féculent à exposent à un risque très faible dans ce contexte.
chaque repas. Pour un repas retardé de plus d'une heure, il est
• Éviter les graisses cachées en prêtant attention recommandé de prendre une collation d'environ
aux termes utilisés pour décrire les plats (frit, 15 g de glucides (fruit, pain) quitte à soustraire
pané, sauté, crémeux, feuilleté…). Dans le ces glucides lors du repas qui va suivre. L'injection
doute, se renseigner sur la composition précise d'insuline est à faire avec le repas retardé. En cas
d'un plat. La restauration en général et, surtout, d'incertitude, il ne faut pas hésiter à mesurer une
les restaurants «bon marché » proposent sou- glycémie capillaire avant et après le repas afin de
vent des plats riches en graisses cachées pour prendre des dispositions permettant de prévenir
améliorer leurs qualités organoleptiques. une hypoglycémie ou, à distance du repas, de cor-
• Veiller à la nature de la garniture des plats et riger une hyperglycémie importante par un bolus.
s'assurer de la présence de féculents.
• Contrôler la consommation de pain qui a pour Repas festifs
intérêt de compléter les apports glucidiques si
ceux-ci sont insuffisants et ne pas se rabattre Les fêtes de famille sont l'occasion de repas fes-
sur le pain en attendant les plats. tifs qui font partie des plaisirs de la vie. L'impact
• Être vigilant face aux desserts. Un dessert sans de ces repas d'exception pour tout un chacun sur
farine est équivalent à un fruit mais un dessert l'équilibre glycémique peut être minimisé par la

301
Partie IV. Grandes questions et idées fausses

connaissance de quelques fondamentaux. Il n'y a avec le diabète. Un plat principal copieux peut être
lieu ni d'exiger un repas particulier ni d'imposer compensé par une entrée simple à base de poisson
des contraintes à ses hôtes au prétexte du diabète. ou de fruits de mer sans débauche de mayonnaise
Lors des repas de fête, la quantité consommée et par un dessert léger avec des fruits et sans
pose plus de problèmes que la nature des mets. crème. L'originalité consiste à mélanger tradition
Les repas festifs se distinguent, outre l'excellence et modernité en substituant par exemple les mar-
des mets, par leur durée avec une attente prolon- rons de la dinde ou le foie gras du chapon par des
gée entre les plats, par le déséquilibre nutritionnel petits légumes cuisinés ou des légumes oubliés
de plats volontiers copieux et riches en lipides comme le panais, les cardons ou le topinambour
et pauvres en féculents et par l'offre (trop) géné- à la manière des grands chefs d'aujourd'hui...
reuse de boissons alcoolisées, l'ensemble étant Quant au choix des desserts il est infini : sorbets,
consommé dans une ambiance qui ne prédispose gâteau léger accompagné de fruits en coulis, île
à la tempérance et la retenue. Le traitement doit flottante, salade de fruits...
être adapté en conséquence en s'aidant au besoin Après le festin, il reste à compenser les dérives
de la détermination de la glycémie capillaire pour et les excès éventuels par des repas conformes aux
guide en cas d'insulinothérapie par basal-bolus recommandations afin de restaurer peu à peu
ou par pompe externe. Il faut se méfier d'une aug- l'équilibre alimentaire qui se joue sur plusieurs
mentation anticipatoire et intempestive ou trop jours et non sur un seul repas.
précoce des doses d'insuline rapide sous peine
d'hypoglycémie. Restauration rapide
En tant qu'invité il ne faut pas bouder son plaisir
ou refuser des plats mais se montrer responsable Ce type de restauration, de plus en plus pratiquée,
face aux mets sucrés ou ayant un indice glycémique a pour inconvénient de proposer des plats riches
élevé et face aux boissons alcoolisées (2 verres en graisses et en sucres : hamburgers, pizzas,
maximum et pas d'apéritif alcoolisé pour éviter quiches, frites, desserts gourmands et boissons
une hypoglycémie alcoolo-induite tardive) et face sucrées… Il n'y a guère d'autres conseils à don-
aux glucides. L'apport en glucides doit être suffisant ner que d'éviter le plus possible ce type de res-
sans être excessif. Le pain permet de compléter une tauration bien que mieux vaut manger un repas
dotation insuffisante en glucides si les mets ne de type « fast-food » que de sauter un repas. En
comportent pas de féculents ce qui est souvent le fait, le choix des mets est limité et il faut essayer
cas lors des repas gastronomiques qui privilégient d'adapter le reste du menu à partir du plat le plus
des plats protéino-lipidiques. Le dessert peut être riche qui est le plus tentant, qu'il s'agisse du met
consommé en quantité modérée immédiatement à principal ou du dessert. Enfin, même dans les
l'issue du repas mais ne compense qu'imparfaite- « temples » du fast-food ou aux abords des « food
ment un déficit en glucides à index glycémique bas. trucks » il faut essayer de prendre son temps et
En tant qu'hôte, il est possible de composer un de mâcher longtemps pour manger moins de ce
menu original, savoureux et néanmoins compatible type d'aliments.

302
Nutrition et diabète CHAPITRE
26
de l'enfant
J.-L. Schlienger

PLAN DU CHAPITRE le traitement peut même être suspendu transitoi-


Diabètes de l'enfant 303 rement. Pendant cette période qui dure quelques
Traitement 303 semaines ou mois les modifications alimentaires
Prise en charge nutritionnelle 304 ou l'activité physique ont peu d'effet sur la gly-
Éducation nutritionnelle de l'enfant et des parents 305 cémie. Par la suite les besoins en insuline aug-
Hypoglycémies 305 mentent et l'insulinothérapie doit être poursuivie
Intégration scolaire et restauration collective 305 indéfiniment. Les objectifs sont de maintenir
une bonne qualité de vie malgré les contraintes,
Le diabète est la deuxième maladie chronique de de permettre un développement staturo-pondé-
l'enfant (après l'asthme). Cette affection débute de ral et une scolarité satisfaisante, de prévenir les
plus en plus tôt et est de plus en plus fréquente Son complications aiguës et chroniques en contrôlant
incidence est maximale autour de 10 à 14 ans. En la glycémie sans exposer aux hypoglycémies.
France, l'incidence du diabète de type 1 (DT1) est L'éducation nutritionnelle, l'apprentissage de la
de l'ordre de 15/100 000/an, le nombre moyen de gestion de l'autosurveillance et de l'administra-
nouveaux cas étant d'environ 1 500 par an. tion de l'insuline par l'enfant et les parents et la
pratique d'une activité physique sont les prérequis
pour optimiser le traitement.
Diabètes de l'enfant
Le diabète de type 1 auto-immun constitue plus Traitement
de 90 % des causes de diabète de l'enfant. Il existe
quelques formes de diabète monogénique dont la Les objectifs thérapeutiques fixés par la Société
forme la plus connue est le MODY-3 (Maturity internationale du diabète de l'enfant et de l'ado-
Onset Diabetes of the Young) à transmission auto- lescent (ISPAD) dépendent de l'âge de l'enfant :
somique dominante qui se singularise par une • enfants < 6 ans : HbA1c comprise entre 7,5 et
grande variabilité phénotypique pouvant réunir 8,5 % ;
dans une même famille une intolérance glucosée, • enfants prépubères : HbA1c < 8 % ;
un diabète de type 2 (DT2) ou de type 1 (DT1) • préadolescents et adolescents : HbA1c < 7,5 %.
avec la possibilité d'évoluer vers des complications Les différents schémas d'administration de l'in-
aiguës ou chroniques du type de celles du DT1. Le suline sont choisis par le diabétologue en concer-
type MODY-2 est une forme d'intolérance gluco- tation avec l'enfant et les parents en prenant
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sée se compliquant rarement. Le DT2 est rare et en compte le degré d'autonomie de l'enfant, les
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ne survient guère avant l'adolescence et dans un contraintes de l'environnement notamment sco-


contexte d'obésité. laire, les difficultés d'encadrement, la tolérance au
Le DT1 débute habituellement par un syn- traitement, la qualité de l'équilibre glycémique et
drome cardinal comportant une polyurie, une le risque hypoglycémique.
polydipsie, une asthénie et un amaigrissement Chacune des modalités d'administration de
inexpliqué. L'existence d'une glycosurie et d'une l'insuline a des répercussions et des exigences par-
cétonurie témoigne d'une insulinopénie sévère. Il ticulières en termes de mode de vie et d'alimenta-
n'est pas rare de constater quelques semaines après tion. Le schéma à deux injections sans injection à
le début du traitement une chute des besoins en l'heure du déjeuner (à condition que la glycémie
insuline. C'est la «lune de miel » pendant laquelle soit proche de la normale) impose des horaires

303
Partie IV. Grandes questions et idées fausses

réguliers d'injections effectuées à 12 heures d'in- en compte les besoins accrus par la croissance.
tervalle et une alimentation standardisée puisque Ils constituent l'essentiel de l'apport énergétique,
la dose d'insuline a été prédéfinie. La collation du c'est pourquoi il ne faut pas céder à la tentation de
goûter est peu souhaitable ou très restreinte du vouloir normaliser la glycémie en réduisant l'ap-
fait de la cinétique d'action de l'insuline (semi- port glucidique mais adapter les doses d'insuline
lente). La modulation de l'injection du matin ou la aux apports maîtrisés et privilégier les aliments à
modulation de l'alimentation permettent de gérer index glycémique (IG) bas pour limiter les excur-
l'activité physique programmée par anticipation. sions glycémiques. Il appartient à la famille de
Le recours au principe du « basal-bolus » ou à la donner l'exemple de l'équilibre et de la régularité
pompe à insuline lève une partie des contraintes alimentaire sans imposer des restrictions injusti-
en permettant d'adapter la dose d'insuline à la fiées. En simplifiant, l'alimentation d'un enfant
glycémie capillaire et aux événements de vie tels diabétique se résume à une alimentation équili-
que les repas, les collations ou l'activité physique brée. Il n'y a donc pas de raison d'envisager une
inopinée ou programmée. L'injection d'un ana- alimentation autre que celle du reste de la famille.
logue rapide avant chaque prise alimentaire ou
la réduction de la dose de l'analogue lent avant « Douceurs »
l'exercice programmé puis de l'analogue rapide
lors du repas qui suit permet de prévenir et les Comme pour les autres enfants, les desserts, les bois-
hyperglycémies postprandiales et les hypoglycé- sons sucrées et les bonbons ne sont pas totalement
mies post-exercice. Souplesse du traitement n'est interdits à condition que leur consommation soit
pas synonyme de laxisme, la liberté apparente occasionnelle et se fasse de préférence au cours ou
de ce schéma n'étant réelle que chez des enfants à l'issue d'un repas pour éviter les pics hyperglycé-
éduqués et motivés. L'éducation nutritionnelle est miques. Il faut en tenir compte dans l'estimation des
un élément essentiel du traitement du diabète qui doses d'insuline préprandiales. Il est nécessaire que
contribue grandement à harmoniser les variations l'enfant porte toujours sur lui du sucre ou des confi-
de l'alimentation et de l'activité à l'insulinothéra- series utilisables pour la correction d'une hypoglycé-
pie et vice et versa. L'administration de l'insuline mie. Les boissons sucrées peuvent être intéressantes
par basal-bolus ou par pompe externe est possible en cas d'activité physique intense et prolongée.
et plutôt bien acceptée par l'enfant et ses parents.
Collations
Prise en charge nutritionnelle Les collations n'ont pas d'indication médicale en
dehors du diabète instable où elles peuvent contri-
L'alimentation constitue une partie essentielle du buer à la prévention des hypoglycémies. Il n'y a pas
traitement du diabète chez l'enfant. Les apports lieu de fractionner l'alimentation dès lors que la prise
alimentaires doivent être en accord avec les des repas est synchronisée avec l'action de l'insuline.
besoins métaboliques et les dépenses propres à Le goûter est à la fois un repas et un temps de
l'enfance pour assurer une croissance et un déve- repos qu'il faut organiser soigneusement avec les
loppement psychologique normaux. Le terme de parents et l'entourage scolaire afin de ne pas perdre
régime diabétique, stricto sensu, n'a plus cours de vue que cet apport énergétique s'ajoute à la
chez l'enfant. Il s'agit d'un plan alimentaire prô- dotation journalière et qu'une charge glycémique
nant l'équilibre alimentaire sans grignotage et élevée peut perturber durablement l'équilibre
sans consommation de confiserie en dehors des glycémique. Idéalement, la collation de 16 heures
repas. La première consigne porte sur la régularité devrait s'adosser à un temps d'activité physique.
sur la base de trois repas par jour équilibrés (50 à
55 % de glucides dont 10 % de sucres «rapides » à Importance des horaires
index glycémique élevé et au goût sucré, 30 à 35 %
de lipides et 10 à 15 % de protéines) et de collations La contrainte principale de l'alimentation chez le
adaptées aux besoins mais aussi aux attentes de jeune diabétique n'est pas liée à l'interdiction rela-
l'enfant (plaisir alimentaire, socialisation avec les tive des sucreries mais à la nécessité de respecter
autres enfants). L'apport en glucose doit prendre des horaires de prise alimentaire et de s'astreindre à

304
Chapitre 26. Nutrition et diabète de l'enfant

respecter un plan alimentaire répétitif pour éviter les décisions anxiogènes (aliments, doses d'insuline,
à-coups alimentaires. Un enfant diabétique ne peut interprétation des glycémies capillaires, injec-
manger ni n'importe quoi, ni n'importe quand. Cela tions supplémentaires, activité physique…) pou-
est d'autant plus vrai en cas de traitement insulinique vant générer stress et anxiété pour les parents et
conventionnel puisque chaque injection d'insuline l'enfant avec des conséquences néfastes sur l'équi-
d'action rapide doit être suivie d'un repas contenant libre glycémique et la qualité de vie.
des glucides. L'utilisation des analogues rapides ou de L'investissement parental dans l'aide au soin ne
la pompe à insuline autorise davantage de souplesse. doit pas se transformer en relation négative géné-
ratrice de frustration qu'il s'agisse de l'alimenta-
Portions tion ou des activités de loisir. Prudence et mesure
ne sont pas synonymes d'interdit. L'information et
Les quantités ingérées ne sont pas indifférentes. la compréhension des camarades à bon escient ont
Suffisantes pour couvrir les besoins, elles ne doivent pour effet de faciliter l'acceptation et l'observance.
pas être excessives pour éviter le surpoids. Le chal-
lenge est de trouver le juste équilibre entre l'alimenta-
tion, l'activité physique et le traitement par insuline. Hypoglycémies
La définition des quantités est difficile et technique,
c'est pourquoi l'AJD (Association d'aide aux jeunes Elles ne sont jamais spontanées. Il appartient à
diabétiques) propose des équivalences simples pour l'enfant, aux parents et à l'entourage d'en déter-
stabiliser la quantité de glucides d'un repas : miner la cause pour les prévenir car elles sont
Féculents = légumes + pain = légumes + un peu anxiogènes et suscitent des comportements délé-
de féculents + un peu de pain tères pour l'équilibre métabolique tels que l'hype-
Il n'est pas inutile de connaître quelques corres- ralimentation avant une activité physique ou au
pondances entre les féculents et les unités ména- coucher dans le but de prévenir les hypoglycémies
gères : cuillerées, verres, tasses… nocturnes ou encore un resucrage intempestif.
Le traitement de l'hypoglycémie par voie orale ou
par voie parentérale pour les hypoglycémies sévères
Éducation nutritionnelle a pour objectif de restaurer une glycémie d'au moins
1 g/L. Le resucrage oral se fait toujours par un sucre
de l'enfant et des parents d'absorption rapide sur la base d'un morceau de
sucre (5 g) pour 20 kg de poids (soit 0,3 g/kg). Le
Pour toutes ces raisons l'éducation nutritionnelle
resucrage peut également être réalisé par du fruc-
s'adresse davantage aux parents qu'à l'enfant, du tose ou du dextrose. Les produits sucrés contenant
moins tant qu'il n'est pas autonome. Une fois les des graisses comme le chocolat ou les produits lai-
grands principes de l'insulinothérapie et de l'ali- tiers sont à éviter car ils ralentissent l'absorption du
mentation acquis, il est possible d'évoluer vers sucre. Le resucrage est complété par un glucide plus
l'insulinothérapie fonctionnelle en apprenant à «lent» pour consolider la normalisation de la gly-
quantifier les apports glucidiques à chaque repas et cémie surtout si l'hypoglycémie survient pendant
à les convertir en unités d'insuline correspondantes. la période d'action de l'insuline lente ou après un
Cette méthode apparemment complexe donne une effort physique. En l'absence de normalisation de la
certaine liberté dans l'élaboration des repas et évite glycémie capillaire après un délai de 10 à 15 minutes
qu'ils soient par trop standardisés et stéréotypés. un nouveau resucrage est nécessaire.
Même si le terme de régime a été remplacé par
celui de plan alimentaire, le fait d'être diabétique
a un retentissement non négligeable sur la vie
quotidienne de l'enfant et de sa famille. L'écoute Intégration scolaire
de l'enfant et de la famille au sein d'une prise en et restauration collective
charge pluridisciplinaire, voire un soutien psy-
chologique, facilite l'acceptation de la maladie et L'intégration scolaire d'un enfant diabétique com-
de tous les volets de son traitement. Au quotidien, porte de nombreuses contraintes. L'information
la gestion de la maladie comporte des prises de des enseignants est indispensable pour faire

305
Partie IV. Grandes questions et idées fausses

accepter certaines particularités et pour éviter et des conditions de délivrance. En cas d'oppo-
que les symptômes d'une hypoglycémie soient sition de la part du cadre administratif de res-
mal interprétés ou méconnus. Le diabète doit tauration, il est stipulé « que tout enfant ayant,
être intégré dans les contraintes d'organisation pour des problèmes médicaux, besoin d'un
familiale et scolaire afin que l'enfant ne pâtisse régime alimentaire particulier, défini dans le
pas d'une attitude ostracisante de la part des PAI, puisse profiter des services de restauration
camarades ou au contraire surprotectrice de la collective ». En cas de préconisation alimen-
part des enseignants. Information et anticipation taire particulière et médicalement justifiée des
sont les maîtres mots pour faire accepter et faire paniers repas fournis par la famille peuvent être
comprendre les particularités liées au traitement autorisés sous réserve de respecter la chaîne du
d'une maladie peu visible. froid par l'utilisation d'un sac de congélation
Le projet d'accueil individualisé (PAI) vise avec des glaçons pour conserver les aliments
à améliorer l'accompagnement de l'enfant dia- potentiellement à risque.
bétique afin qu'il ait une scolarité normale avec En cas de difficultés, notamment pour la parti-
les mêmes exigences que pour ses camarades en cipation aux activités périscolaires et aux voyages
termes d'alimentation saine et équilibrée, et les scolaires, une concertation entre le médecin trai-
mêmes activités périscolaires. Une circulaire tant, le médecin scolaire ou l'infirmière scolaire et
interministérielle (n° 2003-135 du 8 septembre les parents permet habituellement de trouver une
2003) définit les conditions d'accueil en collec- solution honorable pour l'enfant.
tivité des enfants et des adolescents porteurs L'objectif qui est d'assurer à l'enfant un déve-
d'une maladie chronique évoluant sur une longue loppement global normal sur les plans staturo-
période. pondéral, cognitif, psychologique et social doit
L'une des grandes inquiétudes des parents guider l'ensemble des attitudes et des postures
concerne la restauration scolaire collective. des intervenants : parents, camarades, ensei-
L'alimentation recommandée doit être équili- gnants et professionnels de santé. C'est à ce prix
brée et suffisante pour l'ensemble des enfants que l'enfant aura une qualité de vie satisfaisante
qu'ils soient ou non diabétiques ce qui, en théo- et sans frustration ressentie. Une alimentation
rie du moins, ne devrait pas nécessiter d'adapta- respectant les recommandations générales de
tion spécifique en cas de diabète. Il appartient à l'équilibre et de la diversité alimentaire y contri-
l'infirmière ou au médecin scolaire de s'assurer bue grandement que ce soit en milieu scolaire ou
du respect de la bonne composition des repas dans le milieu familial.

306
Nutrition et diabète CHAPITRE
27
à l'adolescence
J.-L. Schlienger

PLAN DU CHAPITRE grignotages associés, souvent, à un bouleverse-


Généralités 307 ment des horaires des prises alimentaires et à une
Besoins nutritionnels de l'adolescent 308 déstructuration des repas. Dans ce contexte, la
Prescription nutritionnelle 308 marge de manœuvre pour obtenir un comporte-
Les clés 309 ment compatible avec les objectifs d'un contrôle
glycémique de qualité est ténue.

Généralités L'adolescence
est une période singulière
Le diabète de l'adolescent diabétique est un défi
dans la vie d'un diabétique
thérapeutique pouvant être difficile à relever du
fait de besoins particuliers, d'une vulnérabilité D'un point de vue psychologique
liée au phénomène de transition et d'une posture L'adolescent est psychologiquement vulnérable.
ne favorisant ni l'observance ni l'analyse critique Il est confronté à la nécessité de s'approprier une
des comportements. L'éducation thérapeutique, la maladie chronique asymptomatique au moment
correction des erreurs alimentaires les plus gros- crucial où l'emprise parentale s'assouplit sans
sières, l'écoute empathique, le coaching et l'incita- s'effacer totalement, L'adolescent est enclin à
tion à l'activité physique sont les armes qui, bien prêter une importance excessive au regard des
prescrites, peuvent éviter un déséquilibre glycé- pairs sur les marques apparentes de sa maladie
mique trop marqué pendant toute la période qui qu'il cherche à dissimuler en évitant à tout prix
sépare de l'âge adulte où la prise en charge devient les hypoglycémies par une alimentation riche en
plus simple. Si les soignants et l'entourage doivent produits énergétiques et sucrés, en refusant les
faire preuve de compréhension, de patience et de signes ostentatoires (port d'une pompe à insuline,
tolérance, il n'en reste pas moins qu'ils ne doivent pratiques de l'autosurveillance glycémique ou
se montrer ni attentistes ni laxistes car un mau- pratique de bolus préprandiaux) et en calquant
vais contrôle métabolique fait le lit des complica- son comportement sur celui de ses camarades
tions micro- puis macrovasculaires. pour donner le change. Il s'ensuit la tentation
du déni avec un rejet du traitement et, souvent,
Adolescence et découverte une anxiété sociale associée à une dégradation
de l'autonomie de l'équilibre métabolique, notamment chez les
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garçons. Chez les jeunes filles la modification du


Le jeune adolescent, diabétique depuis quelques
Manueldenutritionpourlepatientdiabétique

schéma corporel et les normes sociétales de sil-


années ou qui le devient, doit faire face à la gestion houette et de poids favorisent un comportement
d'une affection chronique tout en étant confronté alimentaire de type restrictif et peuvent inciter à
à la fois aux tourments d'une certaine autonomi- réduire les doses d'insuline de façon inappropriée
sation par rapport au milieu familial et aux sol- pour éviter la prise de poids.
licitations d'un environnement nouveau. Il pallie
le manque d'expérience et de maturité nécessaires
aux «bons choix » de vie en adhérant, autant pour D'un point de vue physiologique
s'affirmer que pour se protéger, à un modèle iden- L'adolescence est caractérisée par une diminution
titaire privilégiant, entre autres, la sédentarité, de la sensibilité à l'insuline due à une modification
la restauration rapide, les boissons sucrées et les de la composition corporelle et à la production

307
Partie IV. Grandes questions et idées fausses

des hormones sexuelles. Les besoins quotidiens pour mieux s'intégrer à ses pairs. La prescription
en insuline s'accroissent en même temps que les répond à des objectifs précis et hiérarchisés au
besoins nutritionnels. premier rang desquels figurent la prévention des
grandes variations glycémiques et des hypoglycé-
Comportements dans le traitement mies et le maintien d'un poids normal sans perdre
de vue la prévention des complications micro-
du diabète : un rôle essentiel vasculaires qui peuvent apparaître dès cet âge.
L'obtention d'un équilibre métabolique est capi- La prescription porte davantage sur la régularité
tale pour prévenir les complications immédiates et le choix des aliments que sur un programme
et lointaines. Le traitement du diabète de l'ado- alimentaire très structuré et bien quantifié. Elle se
lescent s'avère difficile parce qu'il ne peut pas fonde sur les données d'une enquête alimentaire,
être mené à bien sans la participation active de s'applique à rester compatible avec une bonne
l'adolescent, avec une implication minorée de qualité de vie et se fait sur un mode empathique,
l'emprise parentale, et sans une prise en charge en évitant d'exclure un aliment, quitte à le repo-
multidisciplinaire des professionnels de santé. La sitionner dans la journée alimentaire, tel un ali-
diététique et l'augmentation de l'activité physique ment sucré à la fin d'un repas plutôt qu'entre les
gagnent à être associées à un soutien psycholo- repas ou à autoriser la consommation de boissons
gique permanent. édulcorées. Le maintien d'un volume conséquent
des portions, en privilégiant des aliments à faible
densité énergétique (fruits et légumes, légumi-
Besoins nutritionnels neuses et céréales complètes), facilite le rassasie-
ment. Des conseils précis sont donnés pour éviter
de l'adolescent la survenue des hypoglycémies spontanées ou à
l'occasion d'une activité physique.
Les apports énergétiques assurés par toutes les Les recommandations alimentaires sont théo-
classes alimentaires sont estimés à 60 kcal/kg de riquement proches d'une alimentation dite «nor-
11 à 14 ans et de 50 et 40 kcal/kg, respectivement, male » telle qu'elle est proposée par exemple par
chez les garçons et les filles de 15 à 18 ans (les le PNNS. Sauf qu'à l'adolescence l'alimentation
besoins d'un adulte sont de l'ordre de 30 à 35 kcal/ n'est le plus souvent pas «normale ». Le «grigno-
kg). Les besoins calciques sont élevés (1 200 mg/j, tage social » ou réactionnel y est particulièrement
contre 800 mg/j chez l'adulte), conjointement aux fréquent et admis. De nouveaux comportements à
apports en vitamine D afin d'obtenir une masse risque apparaissent. Parmi ceux-ci l'alcoolisation
osseuse satisfaisante, ce qui peut être obtenu par parfois massive mérite une mention particulière
la consommation d'au moins trois portions de en ce qu'elle peut être à l'origine, en plus des
produits laitiers chaque jour. Les besoins en fer troubles psychocomportementaux, d'hypoglycé-
sont majorés par l'augmentation de la masse éry- mies graves méconnues dans ce contexte.
throcytaire et par les menstruations chez les filles,
ce qui incite à consommer des aliments riches en
fer héminique (viande, poisson). Faire attention aux troubles
des conduites alimentaires
La connaissance du rôle de l'insuline sur la régula-
Prescription nutritionnelle tion pondérale peut inciter les adolescentes en mal
de contrôle pondéral à réduire les doses d'insu-
Recommandations générales line ou à mettre en place un régime aberrant dans
un climat de restriction cognitive. Il importe de
La prescription nutritionnelle est un temps impor- dépister les éléments de fragilité prédisposant aux
tant mais difficile du traitement du diabète chez troubles des conduites alimentaires (TCA) : émo-
l'adolescent qui a tendance à s'écarter du modèle tivité alimentaire ou troubles psychologiques plus
alimentaire familial, notamment lors des études caractérisés, prises alimentaires interprandiales,
supérieures ou de la formation professionnelle, consommation impulsive d'un aliment, ou accès

308
Chapitre 27. Nutrition et diabète à l'adolescence

alimentaires irrépressibles en grande quantité et comportements… Pour toutes ces raisons le


avec avidité sans sélection, boulimie et frénésie diabète peut devenir insupportable et plonger
alimentaire (cf. chapitre 24). l'adolescent(e) dans le désarroi alimentaire. Les
nouvelles technologiques peuvent contribuer à
Inciter à l'activité physique alléger le fardeau. Il en est ainsi d'un site dédié
aux adolescents diabétiques (www.diabeteetados.
L'augmentation de l'activité physique a pour fr) où ils peuvent trouver une réponse à certaines
avantage d'accroître la dépense énergétique et de leurs interrogations (Comment gérer les sorties
l'oxydation lipidique, de réduire la part de l'insu- entre copains ? vidéos sur le vécu de la pompe à
linorésistance qui apparaît à l'adolescence, de insuline, etc.). Des applications pour smartphone
détourner de l'obsession alimentaire qui s'installe ou des jeux vidéo interactifs combinent l'édu-
à la faveur des interdits, de faciliter la sociabilité, cation nutritionnelle et un coaching incitatif
et d'installer une dynamique psychologique posi- quotidien portant sur tous les aspects de la prise
tive. Elle est réalisable en privilégiant la marche en charge d'un surpoids. Quelques logiciels per-
pour l'essentiel des déplacements de la vie quoti- mettent de connaître, par exemple, la valeur calo-
dienne, en remplaçant les temps de loisirs séden- rique des aliments et peuvent être utilisés comme
taires par des jeux plus mobiles et en incitant à un jeu de devinettes sans tomber dans le piège de
la pratique d'une activité physique, et si possible l'obsession calorique.
sportive, accompagnée et compatible. La mise en place d'une pompe à insuline
peut être envisagée en cas de troubles du com-
Prendre en compte portement alimentaire ou chez l'adolescent en
souffrance dans le cadre d'une prise en charge
l'aspect psychologique multidisciplinaire dans la mesure où elle faci-
Même si le vécu est très variable d'un adolescent à lite la prise des décisions de dose et réduit une
l'autre, il peut être difficile pour certains d'accep- partie des contraintes liées à l'horaire et à la
ter les contraintes de la maladie qui les font se structure des repas.
sentir différents des autres. Cette différence, ils ne L'insulinothérapie fonctionnelle peut apporter,
l'ont pas choisie. C'est pourquoi certains ont ten- paradoxalement, une liberté relative concernant
dance à se révolter contre la maladie et d'autres, les repas à condition de bien connaître la teneur
à se replier sur eux-mêmes ce qui les rend tristes glucidique des aliments et d'accepter l'adminis-
ou agressifs. Un soutien psychologique peut être tration de l'insuline en basal-bolus ou, mieux, par
bien venu même en l'absence de demande expli- pompe à insuline. Elle permet d'adapter la dose
cite ou de traits psychopathologiques avérés pour d'insuline à l'alimentation.
renforcer la motivation et améliorer l'observance. L'utilisation d'un dispositif de mesure en
Il consiste à soutenir et à accompagner en positi- continu de la glycémie par un capteur et un lec-
vant, sans stigmatiser, ni culpabiliser. L'approche teur permettant de scanner et de collecter les
psychologique permet d'estimer le niveau de résultats lève la contrainte des piqûres et facilite la
motivation, de mieux planifier le suivi, de dépis- gestion de la glycémie. Cette technique innovante
ter les signes de fragilité et d'adapter le discours. d'ores et déjà disponible est intéressante pour flé-
chir l'hostilité des adolescents aux contraintes de
l'autosurveillance.
Comment éviter le désarroi
alimentaire ?
Limiter son alimentation lorsque les envies sont Les clés
présentes, devoir s'injecter de l'insuline plusieurs
fois par jour, manger sous le regard plus ou moins Au cours du diabète, l'alimentation souhaitable
réprobateur de la famille, vivre avec la peur de est souvent considérée comme pénalisante parce
l'hypoglycémie au ventre, avoir la hantise de la que parsemée d'interdits plus insupportables à
prise de poids et accepter une maladie qu'on a du l'adolescence que durant l'enfance. Cette vision
mal à comprendre, être responsable de ses choix n'est plus d'actualité : aucun aliment n'est à

309
Partie IV. Grandes questions et idées fausses

proscrire, si ce n'est sa consommation excessive. L'information des adolescents et de leur entou-


L'exigence se limite aux habitudes alimentaires rage évite les écueils du déni et facilite le façon-
recommandées aux sujets non diabétiques de nage de l'alimentation même si à cette période
même âge. Les apports alimentaires doivent être de la vie elle est rarement conforme aux recom-
variés, raisonnables et correctement répartis. Il mandations. La tolérance négociée des soignants
ne s'agit pas de moins manger mais de manger et des parents, se traduisant par exemple par un
mieux de tout, dans les bonnes proportions, à objectif glycémique transitoirement assoupli,
chaque repas et avec plaisir. Concilier diabète permet de mieux passer le cap difficile de l'ado-
et gourmandise n'est pas totalement impossible lescence sans perdre de vue que les adolescents
chez un adolescent éduqué et capable d'esti- les mieux intégrés dans leur milieu familial et
mer l'impact des aliments et des conditions scolaire ou universitaire sont aussi ceux dont le
alimentaires sur les variations glycémiques. diabète est le mieux équilibré.

310
Nutrition CHAPITRE
28
de la personne
diabétique enceinte
J.-L. Schlienger

PLAN DU CHAPITRE la mère et l'enfant. Par ailleurs, l'environnement


Particularités métaboliques de la grossesse 311 nutritionnel fœtal favorise l'expression d'un phé-
Besoins alimentaires 312 notype transgénérationnel d'obésité et de diabète
Risques liés au diabète 313 ultérieurs à la suite de processus épigénétiques de
Prise en charge diététique : les grands principes 313 programmation (méthylation, modification des
Synthèse 315 histones, microARN).

Une grossesse normale et un accouchement à


Modifications
terme par voie basse sont des objectifs parfaite-
ment envisageables en cas de diabète, qu'il s'agisse du métabolisme glucosé
d'un diabète préexistant à la grossesse Ŕ habi- D'importantes adaptations métaboliques sont
tuellement un diabète de type 1 (DT1) Ŕ ou d'un secondaires aux modifications hormonales qui
diabète gestationnel. En théorie, sous réserve d'un accompagnent la grossesse. L'élévation précoce
contrôle strict du métabolisme glucosé avant la de l'hormone lactogène placentaire stimule
conception et tout au long de la grossesse, l'évo- la lipolyse, antagonise l'action de l'insuline et
lution de la grossesse chez une diabétique devrait favorise le flux des substrats énergétiques vers le
être comparable à celle d'une grossesse normale fœtus. Les hormones stéroïdiennes sécrétées par
en dépit des risques propres à la grossesse. le placenta contribuent à l'insulinorésistance.
L'ensemble entraîne une profonde modification
du métabolisme glucidique. Le premier trimestre
Particularités métaboliques est marqué par l'augmentation de la réponse insu-
linique au glucose ce qui majore la lipogenèse et
de la grossesse le stockage des graisses. Peu après s'installe une
insulinorésistance périphérique physiologique
Les besoins nutritionnels spécifiques de la gros- dont la conséquence est de favoriser la lipolyse et
sesse visent à satisfaire les besoins incompres- la glucogenèse hépatique d'environ 30 %. À par-
sibles du fœtus, le maintien de l'homéostasie tir de la 20e semaine, l'insulinorésistance permet
maternelle et la préparation de l'allaitement. Le l'épargne des nutriments et dirige le flux des subs-
coût nutritionnel de la grossesse est variable selon trats énergétiques vers le fœtus durant la période
©2018,ElsevierMassonSAS.Tousdroitsréservés

le stade. Les besoins en nutriments et en micro- postprandiale au prix d'un accroissement consi-
Manueldenutritionpourlepatientdiabétique

nutriments sont accrus du fait du développement dérable des besoins en insuline. Chez les femmes
des tissus maternels (masse sanguine, placenta, non diabétiques à risque, ce même phénomène
glande mammaire) et du fœtus. La première favorise la survenue d'un diabète gestationnel.
phase anabolique avec constitution de réserves
nutritives maternelles est suivie d'une phase Modifications
catabolique dont la finalité est de diriger les flux du métabolisme énergétique
nutritionnels de la mère vers le fœtus, sans alté-
rer l'homéostasie maternelle grâce à l'utilisation Les besoins énergétiques augmentent progressive-
des réserves accumulées. Des apports nutrition- ment à partir du deuxième trimestre pour atteindre
nels inadéquats sont préjudiciables à la fois pour + 20 % en fin de grossesse. Le surcoût énergétique

311
Partie IV. Grandes questions et idées fausses

de la grossesse est estimé à environ 150 kcal/j pen- • Une prise de poids insuffisante s'accompagne
dant le premier semestre et à 250 kcal durant le der- d'un risque accru de retard de croissance intra-
nier trimestre soit un total de 20 000 à 30000 kcal utérin (RCIU), d'accouchement prématuré et
auxquels il faut ajouter 60000 à 70000 kcal de stoc- d'hypotrophie à la naissance.
kage des nutriments. Le coût lié au développement
fœtal en représente moins de la moitié. Il en résulte
une prise de poids physiologique qui est l'un des
déterminants du bon déroulement de la grossesse.
Besoins alimentaires
Au premier semestre, elle correspond à la consti-
tution de réserves adipeuses et à l'augmentation de
Besoins en nutriments
la masse sanguine de la mère. En fin de grossesse, Une alimentation diversifiée assurant un gain
la prise de poids maternelle correspond pour 60 % pondéral normal et progressif suffit à préserver
à une prise de poids obligatoire (masse sanguine, le statut nutritionnel de la mère et à éviter toute
développement utérin et des seins, liquide amnio- carence préjudiciable pour le fœtus.
tique et croissance fœto-placentaire), la partie Les glucides constituent l'essentiel de la ration
variable de la prise de poids étant due au stockage énergétique (50 à 55 %), soit un apport de 200 à
de réserves adipeuses et à l'inflation des liquides 300 g/j en fin de grossesse en privilégiant les glu-
extracellulaires. La prise pondérale moyenne est cides à index glycémique bas. Tout doit être fait
d'au moins 7,5 kg à terme. Elle dépend du poids pour éviter les situations à risque d'hypoglycé-
préconceptionnel comme le rappellent les recom- mie ou de cétogenèse qui sont toutes deux délé-
mandations internationales qui s'appliquent égale- tère pour la fonction cérébrale fœtale. Un déficit
ment en cas de DT1 (tableau 28.1). d'apport glucidique prolongé peut être à l'origine
• Une prise de poids excessive est associée à une d'une hypotrophie fœtale. Un excès d'apport favo-
prévalence accrue d'infections urinaires, d'hy- rise l'obésité maternelle.
pertension artérielle, de toxémie, de complica- Les besoins protéiques uniformément répar-
tions thromboemboliques et d'une majoration tis tout au long de la grossesse sont proches de
des indications de césarienne sans compter 1 g/kg par jour.
l'accentuation de l'hyperinsulinisme avec une Les apports lipidiques représentent environ
augmentation importante des besoins en insu- 30 % de la ration en veillant à assurer une dotation
line et, surtout, la macrosomie. Elle prédispose suffisante en acides gras ω3 grâce à la consomma-
également à la constitution d'une obésité mater- tion de poissons, de noix et l'utilisation d'huile de
nelle ultérieure. colza.
Tableau 28.1. Prise de poids recommandée Besoins spécifiques
durant la grossesse selon l'IMC
(recommandations internationales). L'augmentation des besoins en certains micronu-
triments a ouvert un débat sur l'opportunité d'une
IMC à la Prise de poids Prise de poids/ supplémentation prophylactique systématique ou,
conception totale (kg) semaine (kg) au contraire, ciblée pour quelques micronutri-
(kg/m 2) aux 2 e et ments : fer, calcium et vitamine D, vitamines B
3 e trimestres
notamment B9 (acide folique) et iode. L'adaptation
Maigreur : 12,5Ŕ18,0 0,51 maternelle des capacités d'absorption des apports
< 18,5 nutritionnels dispense a priori de toute sup-
Poids normal : 11,5Ŕ16,0 0,42 plémentation autre que celle de l'acide folique
18,5Ŕ24,9 qui doit être systématique et universelle dès la
Surpoids : 7,0Ŕ11,5 0,28 phase préconceptionnelle et pendant tout le pre-
25Ŕ29,9 mier trimestre. En effet, elle permet de prévenir
Obésité : > 30 5,0Ŕ9,0 0,22 les anomalies de fermeture du tube neural. Une
supplémentation en vitamine D durant le dernier
D'après: Rasmussen KM, Caalano PM, Yaktine AL. New guidelines for
trimestre (200 000 UI) est préconisée dans les
weight gain during pregnancy: what obstetrician/gynecologists should
know. Curr Opin Obstet Gynecol 2009; 21(6) : 521-6. régions septentrionales ou lorsque l'exposition au

312
Chapitre 28. Nutrition de la personne diabétique enceinte

soleil est restreinte. La supplémentation en iode soignants et la future mère, sans l'alliance d'une
est souhaitable quoique les apports iodés aient hygiène de vie parfaite, et d'une insulinothérapie
beaucoup crû au fil des dernières décennies. adaptée en permanence aux glycémies capillaires.
Le diabète n'induit pas de besoins spécifiques et
n'est pas une cause validée de supplémentation en Influence de la grossesse
micronutriments. Celle-ci n'est légitime que dans
les populations fragiles (revenus insuffisants,
sur le contrôle glycémique
alimentation déséquilibrée, comportements à de la mère
risque). La grossesse modifie les besoins en insuline et
majore le risque des complications métaboliques
aiguës. Au cours du premier trimestre, les besoins
Risques liés au diabète en insuline peuvent baisser transitoirement avec
un risque d'hypoglycémie accru du fait de la sur-
Risques généraux venue habituelle au premier trimestre de nausées
et de vomissements. Les épisodes d'hypoglycé-
pour la mère et l'enfant mie peuvent également être la conséquence de
Le maintien de la glycémie maternelle dans les l'intensification du traitement antidiabétique afin
limites de la normoglycémie Ŕ 0,60 g/L à 0,90 g/L d'obtenir une normoglycémie stricte. Par la suite
en préprandial, < 1,40 g/L 1 heure après les repas les besoins augmentent jusqu'au terme (d'environ
et < 1,20 g/L 2 heures après les repas Ŕ réduit les 50 %) ce qui nécessite une adaptation permanente
risques au maximum. Chez la mère, le diabète du traitement. Le risque d'acidocétose concerne
augmente le risque d'hypertension artérielle gra- principalement la dernière moitié de la grossesse
vidique et de pré-éclampsie (HTA associée à une et est favorisé par les infections intercurrentes ou
protéinurie > 300 mg/24 h). Ce risque augmente l'utilisation de β-mimétiques. En cas de traite-
particulièrement en cas de rétinopathie ou de ment par pompe à insuline les accès d'acidocétose
néphropathie préexistantes dont l'évolution est peuvent être liés à des problèmes techniques ou au
elle-même accélérée par la grossesse. Ces situa- relâchement de l'autocontrôle.
tions sont également associées à une incidence plus
élevée de RCIU. Le diabète mal contrôlé induit ou
majore les complications microvasculaires.
Le diabète a des répercussions sur l'organoge- Prise en charge diététique :
nèse, la croissance et la vitalité fœtale. Les fausses les grands principes
couches sont 2 fois plus fréquentes. L'embryo-
fœtopathie diabétique est la conséquence de l'effet Les recommandations diététiques valables chez
tératogène de l'hyperglycémie durant les huit pre- les femmes enceintes non diabétiques restent
mières semaines de la grossesse. Il s'agit principale- pertinentes moyennant quelques aménage-
ment de malformations cardiaques, urogénitales et ments. Leur but est de favoriser la normoglycé-
du système nerveux central. La macrosomie fœtale mie sans nuire ni au fœtus ni à la future mère.
s'explique par un hyperanabolisme en lien avec En théorie, l'apport alimentaire devrait être
l'hyperinsulinisme fœtale. Le risque de mortalité augmenté de 150 kcal/j au 1er trimestre et de
in utero tardive est également majoré par l'hyper- 250 kcal/j aux 2e et 3e trimestres. En pratique,
glycémie maternelle. Enfin, le diabète est associé à c'est sur l'évolution pondérale que se juge l'adé-
un risque plus élevé de prématurité et de retard de quation des apports énergétiques. Une prise de
maturation du surfactant pulmonaire. poids conforme aux objectifs (tableau 28.1) est
Tous ces risques peuvent être quasiment annu- le premier garant de l'équilibre métabolique.
lés par un excellent contrôle glycémique. Au cours La grossesse étant une période à haut risque de
de la grossesse diabétique, c'est donc l'objectif de prise de poids excessive une grande vigilance est
la normoglycémie qui est recherché de la phase nécessaire pour adapter le niveau des apports
préconceptionnelle jusqu'au terme. Il ne peut être énergétiques en veillant à ce qu'ils ne soient
atteint sans une étroite collaboration entre les jamais inférieurs à 1 600 kcal/j.

313
Partie IV. Grandes questions et idées fausses

La consultation diététique permet de rappeler Fibres


les grands principes du plan alimentaire souhai-
L'apport en fibres alimentaires est un élément
table dans tout diabète : alimentation régulière en
au moins trois repas, apportant 50 % de glucides à important de l'alimentation de la femme enceinte
index glycémique bas associés à des fibres, limita- diabétique. Les fibres solubles et insolubles conte-
tion des apports lipidiques à 30 ou 35 % et apport nues dans les légumes, les fruits et les céréales peu
protéique au moins égal à 1,0 g/kg pour répondre raffinées réduisent l'hyperglycémie postprandiale
aux besoins du fœtus. Il n'y a pas d'indication à et contribuent à l'équilibre glycémique diurne.
une supplémentation en dehors de l'acide folique La consommation de fibres souhaitable est d'au
dès la phase préconceptionnelle et pendant au moins 28 g/j.
moins 3 mois pour prévenir les anomalies de
fermeture du tube neural qui sont indépendantes Autres nutriments
de l'équilibre glycémique. En fait ces conseils dif-
En ce qui concerne les autres (micro)nutriments,
fèrent peu de ceux qui sont dispensés à l'ensemble
des femmes enceintes (tableau 28.2). les besoins sont les mêmes que ceux d'une femme
enceinte non diabétique. La consommation de pro-
Ration glucidique duits laitiers (3 à 4 par jour) couvre les besoins en
calcium. La consommation de produits carnés et de
La ration glucidique est l'objet d'une attention par- légumes secs assure une ration martiale correcte.
ticulière. Elle doit être répartie et conçue de telle La diversité des sources alimentaires couvre les
sorte qu'elle couvre les besoins tout en minimisant besoins vitaminiques à l'exception de la vitamine D
les variations glycémiques. La consommation de qui gagnerait à être supplémentée en deuxième
saccharose (sucre de cuisine), controversée, peut partie de grossesse. La consommation hebdoma-
être occasionnelle à condition qu'elle soit modérée daire de produits marins couvre les besoins en AG
et associée à un repas riche en fibres. Les boissons n-3 et en iode de manière acceptable.
sucrées non édulcorées sont à proscrire. Le recours
à certains édulcorants intenses est possible en l'ab- Hydratation
sence de risques démontrés. Il en est ainsi de tous
les édulcorants intenses et même de l'aspartam Elle est assurée par l'alimentation (1,5 litre/j) et
dont l'emploi a été stigmatisé dans cette situation. par les boissons non sucrées, non édulcorées et
L'association statistique qui a été établie entre l'aug- pas ou faiblement énergétique.
mentation du risque de prématurité et la consomma-
tion quotidienne de boissons qu'elles soient sucrées Collations (tableau 28.3)
ou édulcorées n'est pas synonyme de causalité.
Les collations sont plutôt adaptées à la situation
Tableau 28.2. Exemple de répartition de la grossesse diabétique mais leur prescription
journalière d'une alimentation apportant se fait au cas par cas. La répartition des apports
1 800 kcal et 250 g de glucides. glucidiques sur la journée en une, deux ou trois
collations a l'avantage d'éviter des apports gluci-
Petit Ŕ Lait ou laitage diques trop importants aux repas principaux et de
déjeuner Ŕ Pain (1/4 baguette) participer à l'écrêtement de l'hyperglycémie post-
Ŕ 5 à 10 g de beurre prandiale. La collation en soirée réduit la durée du
Ŕ Un petit fruit
Tableau 28.3. Exemples de collation apportant
Déjeuner Ŕ 100 g de viande ou poisson ou 2 œufs 20 g de glucides (10 heures, 16 heures, 22 heures).
et dîner Ŕ Légumes crus ou cuits à volonté
Ŕ 200 g de féculents cuits ou pain À domicile Ŕ 3 petits-beurre + 1 verre de lait
e
(1/3 de baguette) Ŕ ≈1/6 de baguette + 1 portion de fromage
Ŕ 1 càs d'huile Ŕ 1 fromage blanc + 1 compote
Ŕ 1 laitage ou 1 portion de fromage À l'extérieur Ŕ 1 fruit
Ŕ 1 fruit Ŕ 1 pain au lait

314
Chapitre 28. Nutrition de la personne diabétique enceinte

jeûne nocturne, prévient d'éventuelles hypoglycé- énergétiques et une adaptation très réactive
mies nocturnes plus ou moins symptomatiques et des modalités et des doses d'insuline dans le
limite l'hyperglycémie matinale réactionnelle. cadre d'une intensification du traitement :
injections préprandiales d'analogues rapides
associées à des analogues lents, insulinothé-

Synthèse
rapie continue par pompe avec éventuellement
une insulinothérapie fonctionnelle si elle est
déjà en cours et bien maîtrisée à la période
À peu de chose près, l'alimentation de la femme préconceptionnelle.
enceinte diabétique est similaire à celle d'une La prise en charge diététique devrait se pour-
femme enceinte non diabétique et à celle d'une suivre pendant la période postnatale pour éviter
femme diabétique non enceinte (tableau 28.2). les variations de la glycémie et favoriser le retour
Il faut éviter tout dogmatisme mais ne pas être au poids initial. Les apports énergétiques assurés
laxiste. Le plaisir de s'alimenter doit être pré- par une alimentation régulière et diversifiée sont
servé. C'est en définitive un dialogue entre une adaptés aux objectifs pondéraux en maintenant le
alimentation diversifiée, à faible charge gly- seuil minimum de 1 600 kcal/j tout au long de la
cémique, suffisante et conforme aux besoins période d'allaitement.

315
Nutrition CHAPITRE
29
dans la prévention
et le traitement
du diabète gestationnel
J.-L. Schlienger

PLAN DU CHAPITRE mière année de vie), la prévalence du DG était de


Épidémiologie 317 8 % en France en 2012. La tendance est à l'aug-
Physiopathologie du diabète gestationnel 318 mentation pour des raisons multiples : nouveaux
Dépistage et diagnostic du diabète gestationnel 318 critères de dépistage plus stricts, recul de l'âge au
Prise en charge 318 moment de la grossesse, augmentation de la préva-
Traitement diététique : la pierre angulaire du traitement lence de l'obésité et du surpoids. Le DG est actuelle-
du diabète gestationnel 319
ment la pathologie la plus fréquente de la grossesse.
Après la grossesse 320
Les facteurs de risque sont connus : âge maternel
supérieur à 35 ans, antécédents personnels de DG
Le diabète gestationnel (DG) est défini par l'Orga-
ou d'enfant macrosome, indice de masse corporelle
nisation mondiale de la santé comme un trouble (IMC) > 25 kg/m2, ou antécédents familiaux de
glycémique débutant ou diagnostiqué pour la pre- diabète de type 2 (DT2). Le statut pondéral, facteur
mière fois pendant la grossesse. Cette définition de risque modifiable a été particulièrement étudié.
recouvre deux situations bien distinctes : Selon une méta-analyse la prévalence augmente
• un diabète patent le plus souvent de type 2 précé- nettement avec l'IMC, le risque relatif de DG étant
dant la grossesse mais découvert à l'occasion de multiplié respectivement par 2, 3 et 5 en cas de
celle-ci et qui persistera à l'issue de la grossesse ; surpoids, d'obésité modérée et d'obésité morbide.
• une anomalie de la tolérance glucosée apparue Plusieurs études prospectives randomisées ont
au cours de la grossesse, le plus souvent en deu- confirmé l'intérêt d'une prise en charge diabé-
xième partie, et disparaissant au moins tempo- tologique intensive sur la morbidité materno-
rairement durant le post-partum. fœtale à court terme. En effet, le DG augmente
Un consensus international sur les modalités de le risque de pré-éclampsie et de césarienne en
dépistage et les critères diagnostiques du DG a été l'absence de traitement chez la mère et favorise la
proposé par un groupe d'experts internationaux macrosomie fœtale (responsable de dystocie des
à partir des données de l'étude Hyperglycemia épaules et de traumatismes fœtaux), sans compter
and Adverse Pregnancy Outcome (HAPO). Cette les effets à long terme qui sont loin d'être négli-
dernière a montré qu'il existait une corrélation
©2018,ElsevierMassonSAS.Tousdroitsréservés

geables en l'absence de prise en charge adaptée :


linéaire et positive entre l'hyperglycémie mater- incidence accrue de diabète pour la mère et risque
Manueldenutritionpourlepatientdiabétique

nelle et les complications périnatales et a précisé de surpoids ou d'obésité pour l'enfant, compli-
le seuil de glycémie à partir duquel apparaissaient cations néonatales (hypoglycémie rare en cas de
des complications materno-fœtales. DG mais plus fréquente en cas de macrosomie,
hypocalcémie, fragilité vis-à-vis des infections).

Épidémiologie
En revanche, il n'a pas été démontré de bénéfice
certain du traitement du DG sur le devenir méta-
bolique ultérieur de la mère qui reste à risque de
D'après les données de l'étude Épifane développer rapidement un DT2, et ce d'autant plus
(Épidémiologie en France de l'alimentation et de que le diagnostic de DG a été précoce. Même si les
l'état nutritionnel des enfants pendant leur pre- troubles métaboliques du DG sont réversibles, à

317
Partie IV. Grandes questions et idées fausses

condition d'adopter de bonnes habitudes diété- Tableau 29.1. Valeurs seuil pour le diagnostic
tiques et d'avoir une activité physique adaptée, le de diabète gestationnel après une charge
DG n'en est pas moins un précurseur du DT2. orale (HGPO) de 75 g de glucose.

Physiopathologie
Temps de l'HGPO mmol/L g/L
À jeun 5,1 0,92
du diabète gestationnel À 1 heure 10 1,80
À 2 heures 8,5 1,53
Le diabète gestationnel est la résultante d'une insu-
linorésistance marquée et d'une sécrétion insuli- D'après: CNGOF/SFD. Le diabète gestationnel. J Gynecol Obstet Biol
nique réactionnelle insuffisante. La diminution Reprod (Paris) 2010; 39(8 Suppl 2) : S139, S338-42.
de la sensibilité à l'insuline, trait physiologique de
toute grossesse, est ici plus précoce et plus sévère suffisants pour réaliser un dépistage en l'absence
(souvent elle existait déjà avant la grossesse) et s'ac- des critères de risque. L'existence d'un seul facteur
centue tout au long de la grossesse. L'hyperglycémie de risque suffit pour proposer un dépistage.
traduit une sécrétion d'insuline réactionnelle com-
pensatoire inadaptée qui s'aggrave tout au long
de la grossesse. Ce défaut de sécrétion d'insuline
Prise en charge
est lié à l'incapacité des cellules β à s'accroître en Les risques de complications materno-fœtales justi-
nombre et à sécréter davantage d'insuline. fient une prise en charge spécifique comportant des
mesures permettant d'obtenir une normoglycémie
Dépistage et diagnostic associées à une surveillance obstétricale particu-
lière. Il est à présent démontré à la suite d'études de
du diabète gestationnel cohortes randomisées contrôlées qu'un traitement
insuffisant du DG est associé à une augmentation de
En France, les modalités de prise en charge du DG la morbidité périnatale. Par ailleurs, l'exposition du
ont été précisées en 2010 par les recommandations fœtus in utero au diabète gestationnel de la mère peut
communes du Collège national des gynécologues modifier le statut métabolique postnatal de l'enfant
et obstétriciens français (CNGOF) et de la Société avec un risque accru d'intolérance au glucose et un
francophone du diabète (SFD). défaut de sécrétion d'insuline à l'âge adulte, indépen-
Le dépistage est indiqué, en présence de facteurs damment de la prédisposition génétique au diabète
de risque (âge maternel ≥ 35 ans, IMC ≥ 25 kg/m2, de type 2. Ce phénomène est attribué à un processus
antécédents de diabète au premier degré, anté- résultant d'une l'interaction génotype-environnement
cédent personnel de DG ou de macrosomie). Il conduisant à des changements épigénétiques respon-
consiste en : sables entre autres de la méthylation de l'ADN de
• une glycémie à jeun au 1er trimestre avec un gènes candidats pouvant avoir un impact sur le risque
seuil fixé à 0,92 g/L ; de développer un diabète de type 2 à l'âge adulte.
• une HGPO avec 75 g de glucose entre 24 et La modification du style de vie est fondamentale.
28 semaines d'aménorrhée avec trois valeurs Elle comporte d'une part un encouragement à une
dont une seule pathologique permet de retenir activité physique adaptée et régulière à hauteur de
le diagnostic de diabète gestationnel : 30 minutes 5 ×/semaine en l'absence de contre-
glycémie à H0 ≥ 0,92 g/L, à H1 ≥ 1,80 g/L, à H2 indication obstétricale et, d'autre part, une incon-
≥ 1,53 g/L (tableau 29.1). tournable prescription diététique. Le respect des
Pour le suivi l'objectif est : consignes diététiques est un préalable à tout autre
• à jeun : une glycémie < 0,95 g/L ; traitement. Ce n'est que lorsque les objectifs glycé-
• à 2 heures en postprandial : une glycémie miques ne sont pas atteints après une semaine de
< 1,20 g/L. «régime» bien suivi que peut être envisagé le recours
Il persiste un débat quant à l'opportunité d'un à l'insuline, seul traitement pharmacologique una-
dépistage systématique plutôt qu'un dépistage nimement validé du DG, bien que la metformine et
ciblé. À ce jour il n'existe pas de données en termes le glibenclamide, utilisés dans les pays anglo-saxons,
de rapport coût/efficacité ni d'autres arguments ne soient ni mutagènes ni tératogènes.

318
Chapitre 29. Nutrition dans la prévention et le traitement du diabète gestationnel

Traitement diététique : les plus grossières (alimentation déstructurée,


grignotage, consommation de boissons sucrées).
la pierre angulaire du traitement L'apport énergétique souhaitable se situe entre 25
du diabète gestationnel et 30 kcal/kg/j. Une restriction calorique portant
sur les aliments ayant une densité énergétique et
La diétothérapie du DG diffère par certains points un index glycémique élevés est souhaitable en cas
de la prise en charge des états prédiabétiques ou du d'obésité en veillant à ce que les apports ne soient
DT2 mais les principes de base restent communs. pas inférieurs à 1 600 kcal/j afin d'éviter la produc-
Elle constitue le traitement de première ligne. Son tion de corps cétoniques qui pourraient avoir un
but est d'assurer les besoins nutritionnels néces- impact négatif sur le développement fœtal.
saires à la grossesse tout en maintenant un statut
glycémique proche de la normale. Point de vue qualitatif : intérêt du
fractionnement
Apport énergétique
Les apports glucidiques devraient représenter 40 à
Il est déterminé individuellement en fonction de 50 % de la ration énergétique globale avec une bonne
l'IMC préconceptionnel et au moment du diagnos- répartition de leur consommation en trois repas et
tic et de la dynamique de la prise de poids durant une ou deux collations dans le but d'écrêter au maxi-
la grossesse. L'objectif est de maintenir un poids mum l'hyperglycémie postprandiale et de limiter la
normal pour le stade de la grossesse ou d'empê- variation glycémique. La consommation de fibres
cher une prise de poids excessive ou encore de cor- solubles contribue au contrôle des glycémies. Dans
riger un surpoids ou une obésité en agissant sur les tous les cas, l'apport lipidique doit être limité à moins
habitudes alimentaires et en corrigeant les erreurs de 35 % de la ration énergétique (tableau 29.2).

Tableau 29.2. Exemple de répartition des apports alimentaires en cas de diabète gestationnel.

Petit déjeuner Boisson d'usage sans sucre


Lait 1/2 écrémé
30 g de pain (peu raffiné de préférence)
5 à 10 à g de beurre
1 fruit
Collation de 10 heures 1 laitage sans sucre (yaourt)
(facultative, selon prescription) 30 g de pain ou 2 biscottes aux céréales
Déjeuner Crudité ou cuidité froide assaisonnée (1/2 càs d'huile)
100 g de viande maigre ou poisson ou volaille
Légumes verts cuits (à volonté)
100-150 g (cuits) de féculents (pommes de terre, pâtes, riz, légumes secs)
30 g de fromage
30 g de pain aux céréales
Collation de 16 heures 1 laitage sans sucre et 1 fruit
(facultative, selon prescription)
Dîner Potage de légumes verts
100 g de viande maigre ou équivalent (2 œufs)
Légumes verts (à volonté)
100 g de féculents cuits
30 g de pain aux céréales
Collation au coucher (22 heures) 1 laitage sans sucre et 1 fruit
(facultative, selon prescription)

319
Partie IV. Grandes questions et idées fausses

Évaluation de l'efficacité peu cuites (al dente) et les pommes de terre cuites
de la diétothérapie à l'eau ou à la vapeur avec la peau (purée, pommes
Elle est réalisée grâce à l'autosurveillance des sautées ou frites sont déconseillées). Consommer
des féculents à glucides plus complexes (légumes
glycémies capillaires sur la base de quatre à six secs, riz complet, pâtes au blé complet, pain aux
contrôles quotidiens avec au moins un contrôle céréales).
à jeun et 2 heures après le début du repas. En 4. Associer des légumes verts (cuits si le sérodia-
pratique, l'équilibre glycémique est jugé satisfai- gnostic de la rubéole est négatif) aux glucides
sant si la glycémie préprandiale est inférieure à parce que leur richesse en fibres contribue à la
0,95 g/L et si la glycémie postprandiale n'excède bonne régulation de la glycémie.
pas 1,20 g/L. L'autosurveillance est de surcroît un 5. Une collation est composée par exemple d'un
outil éducatif qui contribue à la compréhension fruit (sauf banane ou raisin) et d'un laitage sans
des effets des mesures diététiques ce qui facilite sucre.
l'observance. 6. En application du principe de précaution, les
L'indication d'une insulinothérapie selon un boissons édulcorées par des édulcorants intenses
schéma adapté au profil glycémique est posée sont déconseillées durant la grossesse.
lorsque la diététique ne suffit pas à atteindre les
objectifs glycémiques. La vigilance diététique
reste plus que jamais de mise pour éviter une prise Après la grossesse
de poids trop importante liée à l'effet intrinsèque
de l'insuline et pour minimiser le risque d'hypo- Dans le DG authentique, la glycémie se norma-
glycémie à vrai dire assez faible dans ce contexte lise habituellement rapidement après la grossesse
d'insulinorésistance. et le traitement pharmacologique (insuline) peut
être interrompu. Néanmoins, il convient de pour-
suivre l'incitation à modifier l'hygiène de vie pour
Les points forts du régime réduire le risque d'apparition d'un DT2 précoce
au cours du diabète gestationnel chez la mère. La prescription d'une alimentation
1. Avoir une alimentation équilibrée avec des équilibrée à faible densité énergétique et à faible
heures de repas régulières (petit déjeuner, déjeu- charge glycémique et une activité physique signi-
ner, dîner). ficative sont indispensables au très long cours
2. Supprimer les sucres et produits sucrés à index qu'il y ait ou non persistance de troubles de la
glycémique élevé (sucre en morceaux, en poudre régulation glycémique, qu'il y ait ou non de sur-
ou en sirop) ; miel, confiture, chocolat en mor- charge pondérale. Ces mesures soutenues par des
ceaux ou en boisson, laitages sucrés (entremets, séquences périodiques d'éducation thérapeutique
yaourt et petits-suisses sucrés, aromatisés ou permettent de réduire de moitié le risque de DT2.
fruités…), gâteaux, biscuits, barres de céréales, La survenue d'une nouvelle grossesse est habi-
confiserie ; jus de fruits (même 100 % aux tuellement responsable d'une rechute du DG
fruits), sodas, sirops ; céréales sucrées. Les fruits qu'il convient d'anticiper par la mise en place de
contiennent des sucres simples ayant un index consignes diététiques avec un contrôle strict de la
glycémique bas. Ils ont l'avantage d'être riches en
prise pondérale.
fibres et en micronutriments.
Les besoins d'une femme diabétique allaitante
3. Fractionner les glucides du repas (pain, fruits,
féculents…) en trois repas et une ou deux colla- sont globalement les mêmes qu'au cours de la
tions (après-midi, milieu de matinée) voire trois grossesse et ne présentent pas de particularités
collations (avant le coucher) selon la prescription. remarquables. Une alimentation variée et équi-
Chacun des repas doit apporter une quantité librée tant en qualité qu'en quantité, comportant
comparable de glucides à index glycémique rela- peu de glucides à index glycémique élevé, répond
tivement bas (pain, pâtes, riz, pommes de terre, aux besoins. La part recommandée de lipides
semoule, manioc, farine, céréales sans sucre). Par reste identique mais il faut veiller à ce que l'apport
ailleurs, dans le même but, les pâtes devront être en acides gras ω3 soit satisfait par la consomma-
tion de poissons gras et d'huiles végétales riches

320
Chapitre 29. Nutrition dans la prévention et le traitement du diabète gestationnel

en oméga 3 et 6 (huile de colza) (tableau 29.3). végétariennes strictes ou les végétaliennes relèvent
L'apport en protéines de la mère reste stable car la d'une supplémentation en fer, calcium, acide
teneur protéique du lait maternel est assez faible. docosahexaénoïque (DHA) et en vitamines B12,
Les mères allaitantes dites «à risque » comme les A et D.

Tableau 29.3. Propositions d'aliments chez une femme diabétique allaitante sur la base d'une
ration journalière de 2 500 kcal.

Aliments Quantité Compléments d'information


journalière
Lait 300 g Privilégier les fromages à moins de 25 % de matière grasse
Yaourt 2 yaourts
Fromage 30 g
Viande/ 170 g Consommer au moins deux fois par semaine des poissons gras (maquereaux,
poissons/œufs sardines, saumon…) pour les apports en acides gras essentiels, DHA,
vitamine A et vitamine D
La consommation occasionnelle de foie (de volaille, veau, porc ou bœuf) peut
être bénéfique pour l'apport en fer et vitamine B9
Féculents 250 g Consommer de préférence des céréales complètes
Pain 250 g
Légumes crus 150 g Légumes à feuilles vertes (chou, salade, épinards…) riches en vitamine B9
Légumes cuits 200 g
Fruits 300 g
Beurre 10 g
Margarine 20 g Préférer les margarines enrichies en oméga 3
Huile 2 càs Huile de colza et huile d'olive

321
Nutrition chez le CHAPITRE
30
patient diabétique
qui pratique le jeûne
religieux du ramadan
L. Monnier, A. El Azrak, D. Rochd, C. Colette

PLAN DU CHAPITRE sévères surtout si le rythme alimentaire est


Grandes périodes métaboliques chez la personne qui modifié et si l'administration des antidiabé-
n'est pas diabétique et chez les patients diabétiques 325
tiques (insuline en particulier) n'est pas ajustée
Modification du rythme des prises alimentaires au cours
du ramadan et conséquences sur la durée et le moment aux prises alimentaires. Pour l'insuline, il est
de l'état de jeune 326 indispensable d'assurer une bonne concor-
Comment répartir les prises glucidiques au cours du dance entre les injections et le moment des
ramadan pour essayer d'éviter les montées glycémiques prises alimentaires. De plus, au cours du rama-
excessives après les repas chez le diabétique 326
Nutrition au cours du ramadan : faits et failles 328
dan, la titration des doses doit être revisitée à
Adaptation du traitement médicamenteux antidiabétique
la lumière des quantités de glucides consommés
au cours du ramadan 330 au moment des repas.
Conclusion 333 Le jeûne du ramadan est caractérisé par
une abstinence totale de prise d'aliments et de
Le jeûne du ramadan est l'une des pratiques consommation de boissons entre le lever et le cou-
religieuses auxquelles tout musulman doit cher du soleil sur une durée d'un mois, la période
s'astreindre si ses conditions de santé le lui de l'année étant variable car basée sur le calen-
permettent. Certaines affections chroniques drier lunaire. C'est ainsi que le nombre d'heures
comme le diabète, qui nécessite des prises ali- de jeûne varie d'une année sur l'autre, plus élevé
mentaires à des horaires réguliers avec une lorsque le ramadan survient pendant l'été et beau-
charge glucidique relativement stable à chaque coup plus faible l'hiver. De plus, la durée quoti-
repas, peuvent être considérées comme un dienne du jeûne dépend de la zone géographique.
motif d'exemption dans la mesure où le jeûne En termes de santé, chez les diabétiques les
du ramadan s'accompagne de modifications risques sont ceux d'une détérioration de l'équi-
notables dans les rythmes alimentaires et dans libre glycémique. Dans une étude (EPIDIAR)
la composition des repas. De plus, il convient publiée il y a quelques années, il a été démontré
de ne pas oublier que les mesures diététiques, que la fréquence des risques d'accidents aigus
même lorsqu'elles sont pratiquées de manière (épisodes hyperglycémiques ou hypoglycé-
©2018,ElsevierMassonSAS.Tousdroitsréservés

stricte, sont rarement capables à elles seules miques) est multipliée approximativement par
d'assurer un équilibre glycémique satisfaisant un facteur 5, qu'il s'agisse de diabètes de type 1
Manueldenutritionpourlepatientdiabétique

chez les personnes diabétiques. Dans la majo- ou 2. Plus sournois mais peut-être encore plus
rité des cas, les mesures diététiques doivent importants, sont les désordres glycémiques
être complétées par des traitements pharmaco- chroniques engendrés par le ramadan. À cet
logiques, qu'il s'agisse de comprimés (antidia- égard, il convient de rappeler que le ramadan
bétiques oraux) ou de préparations injectables dure un mois et que toute exposition excessive
(agonistes des récepteurs du GLP-1 ou insu- au glucose, pour peu qu'elle s'étale sur quelques
line). Certaines de ces médications comme les semaines, entraîne une glycation anormale des
sulfonylurées, les glinides, et surtout l'insuline protéines des parois vasculaires, c'est-à-dire un
peuvent provoquer des hypoglycémies parfois vieillissement des petits et des gros vaisseaux

323
Partie IV. Grandes questions et idées fausses

de l'organisme, avec un effet mémoire qui peut cette hyperglycémie. Souvent le taux du glucose
avoir un retentissement plusieurs années après. sanguin ne retrouve son niveau basal qu'en fin
Ainsi, une période d'exposition anormale à d'après-midi, après une décroissance progres-
l'hyperglycémie pendant 1 mois, mais répétée sive mais lente pendant la période diurne d'abs-
tous les ans, correspond sur « N » années à une tinence alimentaire. Étant donné que le jeûne
hyperglycémie soutenue et cumulée de « N » du ramadan peut entraîner des désordres aigus
mois (fig. 30.1). Nul ne peut affirmer que cette et chroniques, plusieurs conférences de consen-
hyperglycémie est anodine. Il est même forte- sus (Casablanca, 1995) et plusieurs organisa-
ment probable qu'elle puisse être délétère par tions (Fédération internationale du diabète en
effet « mémoire ». De plus, après une période de collaboration avec l'Alliance internationale du
déséquilibre liée au ramadan, personne ne sait diabète et du ramadan) ont établi des recom-
en combien de temps le sujet retrouve son équi- mandations pour savoir si certaines personnes
libre glycémique de base (fig. 30.1). Les études diabétiques doivent être exemptées du jeûne
effectuées grâce à la technique de l'enregistre- religieux. À ce jour, il est difficile d'énoncer des
ment glycémique continu en ambulatoire n'ont règles générales et les décisions sont souvent
pour l'instant donné que des résultats fragmen- prises au cas par cas, les souhaits du patient
taires. La seule donnée sûre est que le repas de étant prioritaires, même si les conseils des pro-
rupture du jeûne (Iftar) après le coucher du fessionnels de santé devraient jouer à l'avenir
soleil s'accompagne d'un incrément glycémique un rôle de plus en plus important. De nombreux
franc de l'ordre de 1 g/L mais qui a tendance à facteurs doivent être pris en compte pour guider
persister pendant une bonne partie de la nuit, le patient dans sa décision. Ces facteurs seront
en particulier chez les patients diabétiques qui analysés à la fin de ce chapitre, mais il est bien
sont traités par insuline. Le repas pris avant le certain que l'adhésion aux mesures diététiques
lever du soleil (Sohour) contribue à réactiver se trouve en première ligne.
Niveaudel’hyperglycémie

1re année 2e année Nième année


ramadan ramadan ramadan
Post-ramadan Post-ramadan Post-ramadan

Retour à Retour à Retour à


l’équilibre l’équilibre l’équilibre
de base ? de base ? de base ?

Niveau de l’hyperglycémie habituelle en dehors du ramadan

1 mois 1 mois 1 mois 1 mois

Conséquences sur l’état vasculaire du patient diabétique


au bout de N années
Présence ou absence d’effet cumulatif par effet mémoire ?
Figure 30.1. Cas où le ramadan s'accompagne d'une hyperglycémie soutenue sur une période
de 1 mois chez un patient diabétique.
Au bout de N années, l'exposition à l'hyperglycémie est de N mois avec la possibilité de conséquences délétères
par effet cumulatif. De plus, nul ne sait en combien de temps s'effectue le retour à l'équilibre glycémique de base
après une hyperglycémie d'un mois au cours du ramadan.

324
Chapitre 30. Nutrition chez le patient diabétique qui pratique le jeûne religieux du ramadan

Grandes périodes métaboliques les besoins insuliniques postprandiaux sont en


général de 1 unité pour 10 g de glucides, on peut
chez la personne qui n'est pas formuler les deux équations suivantes.
diabétique et chez les patients
diabétiques Première équation

Besoins insuliniques Besoins insuliniques en période interprandiale


(postabsorptive et de jeûne) = 0,5 unité à 1 unité
au cours des trois grandes par heure.
périodes métaboliques Deuxième équation
Toute prise alimentaire comportant un apport Besoins insuliniques en période postprandiale
glucidique est suivie par trois périodes appelées = 1 unité pour 10 g de glucides.
états prandiaux, postabsorptifs et de jeûne. La
période postprandiale (digestion et absorption des Dans la mesure où le rythme des périodes
glucides) s'étale sur une durée de 4 heures après le de jeûne et de prise alimentaire va être modifié
début du repas. La période postabsorptive couvre au cours du ramadan, il faudra parfaitement
les 6 heures qui suivent la période postprandiale. identifier la chronologie des nouvelles périodes
Chez un sujet sain, l'état postabsorptif correspond postprandiales, postabsorptives et de jeûne par
à une période où le glucose sanguin est maintenu à rapport aux mêmes périodes avant le rama-
un taux normal (entre 0,80 et 1 g/L) grâce à la libé- dan quand la personne diabétique prenait trois
ration du glucose à partir du glycogène (glucide repas par jour pendant la période diurne. Cette
de réserve) qui a été stocké dans le foie pendant démarche est indispensable en particulier chez les
la période postprandiale. Au-delà de la dixième diabétiques insulinés pour redistribuer les injec-
heure, ce phénomène de glycogénolyse n'est plus tions d'insuline et pour retitrer les doses si le sujet
efficient car les réserves en glycogène sont épui- souhaite respecter le jeûne religieux.
sées. Pour maintenir la glycémie à un taux nor-
mal, le sujet est dans l'obligation de synthétiser
du glucose à partir de substrats non glucidiques. Quelques rappels de physiologie
Ce phénomène appelé néoglucogenèse prend le sur l'effet du jeûne
relais de la glycogénolyse. Pendant la période pos- sur les métabolismes
tabsorptive, l'utilisation du glucose par le cerveau
et les tissus périphériques se maintient à un taux Chez tout individu la prolongation du jeûne se tra-
assez stable chez un sujet qui reste au repos : 2 mg duit par une utilisation de substrats énergétiques
par kg de poids corporel et par minute, ce qui cor- endogènes qui se substituent aux glucides fournis
respond à l'utilisation de 8 à 9 g de glucose par par l'alimentation. Les acides gras sont au pre-
heure chez un sujet adulte non diabétique dont mier rang de ces substrats énergétiques. Libérés
le poids est de l'ordre de 70 kg. Cette utilisation par le tissu adipeux, ils fournissent 9 kcal/g mais
du glucose en période postabsorptive est sous la leur libération excessive conduit à la formation de
dépendance de la sécrétion basale interprandiale corps cétoniques. Chez un sujet sain qui jeûne la
de l'insuline. Les besoins insuliniques interpran- production des corps cétoniques reste dans des
diaux fluctuent au cours des 24 heures. Ils sont en limites raisonnables. Chez le diabète insuliné de
général à leur niveau le plus bas en milieu de nuit, type 1 mal équilibré, cette production devient
à leur niveau le plus élevé en fin de nuit et dans la telle qu'elle peut conduire le patient à un état de
matinée. Même si l'activité physique et les stress cétoacidose (coma cétoacidosique). Chez les dia-
modifient les besoins insuliniques interpran- bétiques insulinés, il est donc préférable que le
diaux, soit en les diminuant (activité physique), jeûne ne soit pas trop long. Au cours du rama-
soit en les augmentant (stress ou autre événement dan, l'état de jeûne proprement dit ne dépasse pas
intercurrent), ils sont en général compris entre quelques heures. Dans ces conditions, l'apparition
0,5 et 1 unité par heure en fonction du poids du des corps cétoniques ne franchit pas les limites de
sujet et du moment de la journée. Sachant que la physiologie. Dans les formes les plus marquées,

325
Partie IV. Grandes questions et idées fausses

elle s'arrête au stade de cétose sans signe clinique dernier sera pris relativement tôt si le ramadan est
particulier. L'évolution vers la cétoacidose est rare. en période hivernale et même encore plus tôt si la
Toutefois, au cours du ramadan, il a été rapporté personne habite dans une zone septentrionale. En
que les épisodes de cétoacidoses sont 4 à 5 fois plus revanche, le repas de rupture du jeûne sera pris
fréquents que chez le diabète de type 1 insuliné beaucoup plus tard, vers 20 heures par exemple, si
«en régime de croisière ». Même si les cétoacidoses le ramadan est en période estivale et si la personne
sont devenues rares dans le diabète de type 1, séjourne dans un pays du Sud. La durée de l'état
cette multiplication par 5 peut conduire à une physiologique de jeûne sera également condition-
fréquence non négligeable d'épisodes cétoacido- née par l'horaire du repas de l'aube, d'autant plus
siques. C'est pour cette raison qu'il est préférable longue que le repas de l'aube aura été pris plus
d'éviter l'évolution vers ce type de complication tôt. Pour la clarté du propos, prenons l'exemple
car un coma cétoacidosique nécessite une hospi- de la ville de Casablanca. Si le ramadan est au
talisation d'urgence et peut avoir une issue fatale mois de décembre, les repas de l'aube et de rup-
si la réanimation est entreprise avec retard. ture du jeûne seront pris respectivement à 6 h 50
et 18 h 30 avec un état physiologique de jeûne très
court, de moins de 2 heures, compris entre 16 h 50
et 18 h 30. En revanche, si le ramadan est au mois
Modification du rythme de juin, le repas de l'aube et le repas de rupture du
des prises alimentaires au cours jeûne seront pris respectivement à 3 h 30 du matin
et à 19 h 50 avec un état physiologique de jeûne
du ramadan et conséquences beaucoup plus long, supérieur à 6 heures compris
sur la durée et le moment entre 13 h 30 et 19 h 50. Ce simple exemple suffit
à démontrer que les recommandations à donner à
de l'état de jeune un patient diabétique devront tenir compte de la
période de l'année et de la géographie. De manière
Le passage d'une alimentation diurne à une ali-
générale, l'exemption du jeûne religieux du rama-
mentation nocturne entraîne des perturbations dan sera d'autant plus recommandée que l'état
métaboliques importantes. Prenons l'exemple physiologique de jeûne sera plus long. En effet, la
d'un sujet qui, en dehors du ramadan, a un prolongation de l'état de jeûne expose le sujet au
rythme de prises alimentaires constitué par un risque d'hypoglycémie, surtout quand les sujets
petit déjeuner à 8 heures, un repas de milieu de sont traités par des sulfonylurées ou par insuline.
journée vers midi et un dîner vers 20 heures. Pour conclure ce paragraphe, ce sont donc des
Si on tient compte du fait que les périodes décisions au cas par cas qui devront être envisa-
postprandiales et postabsorptives durent respec- gées en tenant compte non seulement de l'état du
tivement 4 et 6 heures et que l'état de jeûne phy- patient mais également de paramètres indépen-
siologique commence 10 heures après le début de dants de son état, tels que la saison et la géographie.
la dernière prise alimentaire, la période de jeûne
pour ce sujet ne durera que 2 heures en fin de nuit,
de 6 à 8 heures du matin. Pour ce sujet, la répar-
tition conseillée des apports glucidiques peut être Comment répartir
fixée à 1/5e au petit déjeuner et 2/5e aux repas de
midi et du soir.
les prises glucidiques
Au cours du ramadan, le rythme des prises au cours du ramadan pour
alimentaires de ce sujet va être modifié mais essayer d'éviter les montées
les modifications vont dépendre du calendrier
lunaire et de la zone géographique. De manière glycémiques excessives après
générale, l'état physiologique de jeûne sera les repas chez le diabétique
déplacé pour passer de la fin de nuit à la deu-
xième partie de l'après-midi, dans une tranche La solution la plus pertinente serait de tendre vers
de temps qui débutera vers 14-15 heures pour se une répartition proche de l'« isoglucidie » entre les
terminer avec le repas de rupture du jeûne. Ce trois repas (30 % pour l'Iftar, 40 % pour le repas

326
Chapitre 30. Nutrition chez le patient diabétique qui pratique le jeûne religieux du ramadan

de minuit et 30 % pour le Sohour). Cette solution à 7 g pour 100 g) et par le fait que le fructose, bien
permet d'étaler les montées glycémiques post- qu'il soit un monosaccharide, est beaucoup moins
prandiales sur la totalité de la durée de la période hyperglycémiant que le glucose. Toutefois, leur
nocturne puisque les prises alimentaires sont richesse en glucides fait que les dattes sont hyper-
concentrées et limitées sur cette période. glycémiantes en particulier lorsqu'elles viennent
s'ajouter aux petits gâteaux sucrés. La recomman-
Au moment de l'Iftar dation générale est que la quantité de glucides
consommés au moment du repas de rupture du
Quand le sujet n'a plus consommé d'aliments
jeûne ne devrait pas être excessive. Si on considère
glucidiques depuis un repas de l'aube pris très tôt qu'un «breakfast » normal apporte aux alentours
et dans la mesure où l'état de jeûne s'est prolongé de 40 g de glucides en moyenne, le repas de rup-
pendant plusieurs heures (plus de 6 heures dans ture du jeûne devrait se situer au maximum aux
certains cas), il est bien certain que le sujet éprou- alentours de 60 à 80 g de glucides en mixant les
vera normalement une grande sensation de faim glucides rapides et lents et en apportant conjoin-
au moment de la rupture du jeûne (vers 20 heures tement des aliments lipidiques ou protidiques
par exemple). Dans ces conditions, un apport tels que les produits laitiers (beurre, yaourts, fro-
glucidique est indispensable surtout si le sujet est mages, babeurre) pour essayer d'amortir les mon-
diabétique insuliné. Il est donc normal que cette tées glycémiques. À cet égard, signalons que les
prise glucidique soit plus importante (30 % de yaourts et le babeurre sont des aliments intéres-
l'apport glucidique quotidien) que pour le petit sants car ils apportent des glucides lents (du lac-
déjeuner traditionnel (environ 20 % de l'apport tose, 4 à 5 g pour 100 g) et des protéines (3 à 3,5 g
glucidique quotidien). Il ne faut pas oublier que le pour 100 g). Le babeurre est appelé encore «lait
terme «breakfast » signifie «rupture du jeûne » et battu ». Il est parfois désigné, mais de manière un
que l'Iftar (rupture du jeûne religieux) peut être en peu inappropriée, sous le terme de « petit-lait ».
première approximation comparé au petit déjeu- C'est le babeurre présenté sous forme d'une pré-
ner. Les deux ruptures du jeûne sont cependant paration semi-liquide et un peu aigrelette, qui est
très différentes car elles ne se situent pas au même traditionnellement consommé en accompagne-
moment de la journée et parce qu'elles sont précé- ment du couscous marocain le jour de la grande
dées par des états métaboliques de jeûne dont les prière du vendredi.
durées peuvent être très différentes (2 heures pour
le petit déjeuner classique, deux à plusieurs heures
pour le repas de rupture du jeûne en fonction du Glucides au moment
calendrier lunaire et de la zone géographique). des deux autres repas
Plus la durée de l'état de jeûne qui précède sera
longue, plus l'envie de consommer des glucides L'un des problèmes lors du ramadan est une
sera élevée. Une consommation excessive de glu- consommation excessive de glucides sur la
cides risque d'entraîner une montée glycémique période nocturne. Les enquêtes alimentaires qui
brutale, surtout si la rupture du jeûne est effectuée ont pu être conduites au moment du ramadan
avec des glucides très hyperglycémiants à index montrent une surconsommation de glucides par
glycémique élevé. Cette situation est observée avec rapport à l'alimentation habituelle. Les statis-
la consommation de jus de fruits et de pâtisseries tiques indiquent que la consommation de pro-
sous forme de petits gâteaux certes délicieux mais duits sucrés augmente de 30 g par jour (données
malheureusement très riches en sucres rapides. égyptiennes), que les dépenses ménagères en
Une consommation excessive de dattes sèches en fruits frais et secs et en boissons sucrées augmen-
début de repas de rupture du jeûne peut ampli- tent respectivement de 100 % et 50 % (données
fier la montée glycémique. En effet, il convient marocaines). Normalement, la consommation
de rappeler que les dattes sèches contiennent 70 g totale de glucides sur l'ensemble de la période
de glucides pour 100 g, qui se partagent à parts nocturne devrait rester entre 220 et 280 g de glu-
égales entre deux monosaccharides (le glucose et cides pour un adulte en poids normal. Chez un
le fructose). Par bonheur, leur pouvoir hypergly- diabétique, la consommation est fixée en fonction
cémiant est tamponné par la présence de fibres (6 du niveau calorique du régime en sachant que le

327
Partie IV. Grandes questions et idées fausses

pourcentage de glucides doit se situer aux alen- gâteaux sucrés, boissons sucrées). Chez le diabé-
tours de 45 % de la ration énergétique totale. Si on tique, les collations entretiennent l'hyperglycémie
se rapporte aux régimes que nous avons dévelop- nocturne car elles conduisent à un grignotage sur
pés dans le chapitre 15, l'apport glucidique total l'ensemble de la nuit. La deuxième question est de
peut être fixé de la manière suivante. savoir si le repas de minuit (dîner) doit être main-
tenu quand le repas de rupture du jeûne est suf-
• Régime à 1 400 kcal : 160 g de glucides. fisamment copieux et riche en glucides. En effet,
• Régime à 1 600 kcal : 180 g de glucides.
deux repas (l'Iftar et le Sohour) peuvent s'avérer
• Régime à 1 800 kcal : 200 g de glucides. suffisants. Si on court-circuite le dîner, l'Iftar
• Régime à 2 000 kcal : 225 g de glucides. devrait apporter environ les deux tiers de l'apport
• Régime à 2 200 kcal : 250 g de glucides. glucidique total et le Sohour un tiers. Pour en
• Régime à 2 400 kcal : 270 g de glucides. revenir à l'exemple d'un diabétique de type 1 dont
l'apport glucidique est de 270 g par jour, on peut
concevoir que le repas de rupture du jeûne devrait
Si nous prenons l'exemple d'un patient diabé- apporter environ 160 g de glucides et le Sohour
tique de type 1 en poids normal, dont l'apport 110 g. Dans la mesure où 160 g de glucides repré-
glucidique a été fixé à 270 g de glucides, la réparti- sentent un apport relativement fort sur un seul
tion glucidique pourrait être établie de la manière repas, ce dernier devrait être étalé sur une période
suivante. relativement longue de 2 à 3 heures par exemple
entre 21 heures et minuit. Le dîner de minuit peut
être une source de dérapage important en termes
• 80 g au moment de l'Iftar.
d'apport glucidique nocturne. À titre d'exemple,
• 110 g au moment du dîner.
nous avons calculé les apports nutritionnels four-
• 80 g au moment du Sohour.
nis par un dîner constitué par un tajine d'agneau
avec pastilla sucrée, les deux étant accompagnés
Pour le Sohour (repas qui précède l'aube), il est par 30 g de pain, 250 mL de Coca-Cola et des
dans tous les cas de figure indispensable d'insister mandarines (tableau 30.1). Même si on considère
sur la prise de glucides lents car il faut éviter la qu'une partie (environ 40 %) n'est pas consommée,
montée glycémique excessive à un moment de la l'apport énergétique par personne reste très élevé
journée où l'insulinorésistance est en train d'évo- (environ 2 000 kcal) avec un apport en glucides de
luer vers son maximum. De plus, il faut que cet l'ordre de 100 g. Cet exemple montre clairement
apport glucidique qui arrive en fin de nuit assure que le dîner à lui seul peut fournir une grande
une couverture glucidique relativement longue et partie des calories (2 000 kcal) chez un patient
permette d'attendre le repas de rupture du jeûne ayant un diabète de type 1 en poids normal et
qui ne sera pris qu'en début de soirée. pour lequel l'apport énergétique recommandé a
été fixé à 2 400 kcal pour toute la journée.

Nutrition au cours du ramadan : Failles confirmées par les faits


faits et failles Une observation clinique permet d'illustrer que
Failles supposées suite à ces failles diététiques l'équilibre glycé-
mique peut se détériorer chez un patient diabé-
Les dérives nutritionnelles au cours du ramadan tique au cours du ramadan.
sont fréquentes et surtout variables d'un jour à Chez un patient diabétique de type 2, traité par
l'autre. Les quantités de glucides consommées une association insuline-antidiabétiques oraux,
dans la période nocturne sont souvent excessives dont l'HbA1c avant le ramadan était à 8,4 %, nous
surtout en fin de semaine quand le dîner qui suit avons eu l'opportunité de réaliser un enregistre-
l'Iftar est plus copieux que d'habitude et quand la ment glycémique continu sur trois jours consé-
nuit est émaillée de collations successives riches cutifs pendant le ramadan (fig. 30.2). Son profil
en glucides souvent très hyperglycémiants (petits montre une exagération considérable de la montée

328
Chapitre 30. Nutrition chez le patient diabétique qui pratique le jeûne religieux du ramadan

Tableau 30.1. Exemple de dîner de minuit basé sur une pastilla sucrée et un tajine d'agneau.

Plat ou aliment Quantité Calories Protides Lipides Glucides


Pastilla sucrée 1 part 1 511 79 87 102
Tajine agneau 1 part 1 601 71 146 2
Mandarine 168 g 79 1 1 18
Coca-Cola 250 g 105 0 0 26
Pain 30 g 82 2 0 17
Calcul 3 378 153 234 165
(1 personne)
Ŕ 40 % non ≈ 2 000 ≈ 90 ≈ 140 ≈ 100
consommé
Calcul pour une personne au moment de la préparation. Il a été considéré de manière un peu arbitraire qu'il fallait ôter 40 % du calcul
pour évaluer la portion réellement consommée.
Calculs réalisés à partir des données aimablement fournies par le docteur A. El Azrak et les médecins du G11 (Casablanca).

Jour 1 Jour 2 Jour 3

24
22

20
Glucoseinterstitiel(mmol/L)

18

16
Repas
14 aube
(07h00)
12

10

8
Repas
6 aube
(07h00)
4
00h00 12h00 24h00 12h00 24h00 12h00 24h00 Temps
00h00 00h00 00h00 (heures)

Rupture Rupture Rupture


jeûne + insuline jeûne + insuline jeûne + insuline
(20h00) (20h00) (20h00)
Figure 30.2. Profils glycémiques sur 24 heures et pendant trois jours consécutifs chez un patient
diabétique de type 2 insuliné et exploré au cours du ramadan.
Les flèches verticales indiquent les moments des repas de rupture du jeûne. Les autres prises alimentaires entre
le coucher et le lever du soleil ne sont pas indiquées car non enregistrées par le patient. Les jours 1, 2 et 3 sont
respectivement un vendredi, un samedi et un dimanche. La plus forte montée glycémique (22 mmol/L soit 4 g/L)
correspond à la nuit du samedi au dimanche.

glycémique au moment de la rupture du jeûne, plateau à 4 g/L pendant toute la nuit jusqu'au matin
quel que soit le jour. Dans la soirée et la nuit du et avec un retour très lent et linéaire pour atteindre
samedi (jour 2) au dimanche (jour 3), on note une un taux subnormal (1,30 g/L) en fin d'après-midi.
hyperglycémie soutenue qui s'est maintenue en Ce patient était traité par une injection d'insuline

329
Partie IV. Grandes questions et idées fausses

avant le repas de rupture du jeûne. Cette injec- démontré que pendant le ramadan un traitement
tion associait un analogue prolongé de l'insuline optimisé par pompe à insuline chez des patients
(la glargine U100 à la dose de 44 unités) et un diabétiques de type 1 ne fait pas mieux qu'un
analogue rapide (la glulisine à la dose de 16 uni- schéma insulinique de type basal-bolus adminis-
tés). De plus, il recevait un traitement oral par tré en multi-injections. Les glycémies moyennes,
un insulinosensibilisateur, la metformine (2 g/j) la fréquence des épisodes hypoglycémiques et les
et une sulfonylurée, le glibenclamide (10 mg/j). profils glycémiques sont en tout point identiques
Cette observation montre clairement que le jeûne avec les deux traitements insuliniques alors qu'un
du ramadan peut s'accompagner de perturbations traitement par pompe devrait en principe amélio-
glycémiques majeures quand le patient ne respecte rer l'équilibre glycémique par rapport à un traite-
pas un programme nutritionnel et pharmacolo- ment par multi-injections. Bien que nous n'ayons
gique structuré et lorsque l'équilibre glycémique pas de preuve directe, il est probable que dans
est loin d'être satisfaisant (HbA1c > 8 %) avant le cette étude une amélioration franche de l'équi-
ramadan. De plus, l'observation que nous venons libre glycémique aurait été obtenue si l'un des
de relater soulève deux problèmes majeurs : deux groupes avait mieux suivi les recommanda-
• le retour très lent vers une normoglycémie au tions diététiques quelles que soient les modalités
cours de la période du jeûne diurne, lorsque la du traitement insulinique.
glycémie du matin est très élevée ;
• et la détérioration considérable de la glycémie
pendant la nuit avec une montée glycémique Adaptation du traitement
très rapide et très prononcée au moment de la
rupture du jeûne.
médicamenteux antidiabétique
Dans le cas présent, il est probable que l'hyper- au cours du ramadan
glycémie nocturne a été entretenue par un repas
(dîner) et par des collations répétées qui ont suivi Chez les patients diabétiques
le repas de rupture du jeûne. Ainsi, il apparaît que de type 2 non insulinés
les excès nutritionnels en particulier glucidiques
Le traitement médicamenteux peut être maintenu
chez un diabétique insuliné peuvent conduire à
des perturbations glycémiques durables. Pour les à son niveau habituel, au moins lorsqu'il n'existe
maîtriser, le traitement insulinique doit être cor- aucun risque d'hypoglycémie iatrogène : met-
rectement adapté et titré. Toutefois quand ces excès formine, inhibiteurs de la DPP-4, agonistes des
deviennent trop importants, il n'est pas sûr que récepteurs du GLP-1, inhibiteurs des alpha-glu-
l'adaptation des doses d'insuline soit suffisante. cosidases et pour le futur, inhibiteurs du SGLT2
(tableau 30.2).
Pour cette dernière classe de médicaments, la
Preuves que la diététique prudence d'utilisation ne porte pas sur le risque
est aussi importante que le hypoglycémique, mais sur le danger de déshy-
traitement antidiabétique dratation. En effet, les inhibiteurs du SGLT2
entraînent une perte d'eau et de sodium avec
L'observation que nous venons de rapporter risque d'hypovolémie. De plus, il a été rapporté
montre que l'absence de compliance aux mesures que les inhibiteurs du SGLT2 augmentent le
diététiques conduit à des dérives hyperglycé- risque de cétoacidose. Pour toutes ces raisons, les
miques au cours du ramadan. Dans une étude inhibiteurs du SGLT2 devraient être fortement
récente réalisée en Arabie saoudite5, il a été déconseillés au cours du ramadan, en particulier
chez tous les diabétiques qui séjournent dans les
pays très chauds et a fortiori lorsque la période
5. Alamoudi R, Alsubaiee M, Alqarni A3 Saleh Y, du jeûne religieux coïncide avec la saison la plus
Aljaser S, Salam A, Eledrisi M. Comparison of Insulin chaude.
Pump Therapy and Multiple Daily Injections Insulin
Regimen in Patients with Type 1 Diabetes During Par ailleurs, la prudence devrait être la règle
Ramadan Fasting. Diabetes Technol Ther 2017 ; lorsque le patient diabétique de type 2 est traité
19(6) : 349-54. par des antidiabétiques oraux susceptibles d'en-

330
Chapitre 30. Nutrition chez le patient diabétique qui pratique le jeûne religieux du ramadan

Tableau 30.2. Utilisation des traitements antidiabétiques non insuliniques pendant le ramadan :
risques et recommandations pratiques.

Antidiabétique Risque En pratique


Metformine Non Doses inchangées
Inhibiteurs des α-glucosidases Non Doses inchangées
Inhibiteurs de la DPP-4 Non Doses inchangées
Agonistes des récepteurs du Non Doses inchangées
GLP-1
Sulfamides hypoglycémiants Hypoglycémies Baisser la dose en titrant sur la glycémie la plus basse
celle de fin d'après-midi (nadir)
Glinides Hypoglycémies Baisser la dose et répartir sur la nuit
Inhibiteurs du SGLT2 Déshydratation À ne pas prescrire ou à arrêter
DPP-4 : dipeptidyl peptidase IV; GLP-1 :glucagon-likepeptide-1 ; SGLT-2 : cotransporteur sodium-glucose de type 2.

traîner des hypoglycémies comme les sulfonylu- Chez les patients diabétiques
rées et les glinides. Bien que certains auteurs aient insulinés (tableau 30.3)
proposé d'interrompre ces médicaments pendant
le ramadan, les hypoglycémies induites par les Qu'ils soient de type 1 ou de type 2, deux options
sulfonylurées et les glinides ne sont pas suffi- sont envisageables. La première consiste à prôner
samment fréquentes pour conduire à leur arrêt. l'exemption du jeûne religieux en particulier si
Certains proposent de remplacer les sulfonylurées l'équilibre glycémique est insuffisamment maî-
par les glinides, qui comportent moins de risque trisé en dehors du ramadan et surtout dans les
hypoglycémique. Le mieux est de titrer la dose de jours qui précèdent la période du jeûne religieux.
ces médicaments à un niveau qui permet d'évi- La deuxième option consiste à proposer au patient
ter les hypoglycémies en utilisant la glycémie de le passage à un schéma insulinique de type basal-
fin d'après-midi, avant le repas de rupture du bolus. Si le sujet est déjà sous ce schéma insuli-
jeûne. En effet, cette glycémie est la plus basse nique, il faut optimiser ce schéma et surtout le
de la journée chez tous les diabétiques de type 2 revoir afin que les injections d'insuline soient réa-
et plus particulièrement chez ceux qui suivent lisées avant les prises alimentaires qui comportent
le ramadan (fig. 30.2). Dans ces conditions, une charge glucidique significative en qualité et
la dose de sulfonylurée ou de glinide devrait quantité. Pour la pratique, nous considérerons
être ajustée de telle manière que ce minimum que tout apport glucidique de plus de 40 à 50 g,
(nadir) glycémique de fin d'après-midi, dit « de surtout s'il s'agit de glucides à index glycémique
sécurité », reste supérieur à 0,70-0,80 g/L. Très élevé, devrait être accompagné par une injection
récemment, certains ont proposé de remplacer d'analogue rapide selon les modalités suivantes :
la sulfonylurée par un agoniste des récepteurs 1 unité d'analogue rapide pour 10 g de glucides.
du GLP-1, le liraglutide ou Victoza®, à la dose de Pour le repas avant l'aube, cette dose devrait être
1,8 mg/j. Dans cette étude (LIRA-RAMADAN) portée à 1,5 unité pour 10 g de glucides, car c'est
il a été montré que les hypoglycémies étaient en fin de nuit que l'insulinorésistance et la pro-
beaucoup moins fréquentes sous liraglutide que duction hépatique de glucose sont à leur maxi-
sous sulfonylurée avec de surcroît un meilleur mum avec pour conséquences un phénomène de
contrôle glycémique global sous liraglutide. La l'aube (remontée glycémique en fin de nuit même
solution serait donc de remplacer la sulfony- en dehors de toute prise glucidique nocturne) et
lurée par un agoniste des récepteurs du GLP-1 un phénomène de l'aube étendu. Ce dernier se
avec toutefois un bémol : quid de la faisabilité de traduit par une excursion marquée de la glycémie
cette substitution quand la prise en charge par postprandiale en milieu de matinée.
les caisses d'Assurance maladie n'est pas totale- Au cours du ramadan, la prise d'un repas avant
ment assurée. l'aube, relativement riche en glucides, ne peut que

331
Partie IV. Grandes questions et idées fausses

Tableau 30.3. Utilisation et modalités de l'insulinothérapie pendant le ramadan :


risques et recommandation pratiques.

Insuline Risque En pratique


Diabète de type 2 Hypoglycémies Ŕ Opter pour une réduction de la dose totale d'insuline pour éviter les
insuliné et hyperglycémies hypoglycémies
Ŕ Si on reste sous insuline basale seule : réduire la dose d'insuline lente
ou semi-lente de 10 à 20 %
Ŕ Si on introduit des bolus prandiaux au moment des repas nocturnes
comportant une prise glucidique consistante, il faut prévoir une titration
progressive après avoir réduit la dose d'insuline basale (cf. texte)
Diabète de type 1 Hypoglycémies Ŕ Opter pour une réduction de l'insuline basale (Ŕ 20 %)
et hyperglycémies Ŕ Répartir les bolus prandiaux selon les prises alimentaires (cf. texte)
Cétoacidose

Repas 5−6 h Aube 8 h 10 h


avant l’aube
80 g de glucides :
Analogue rapide 12 unités

12 h

16 h
Dîner suivant le repas
de rupture du jeûne
(2 heures après)
100 g de glucides :
Analogue rapide 10 unités 20 h
Repas de rupture
du jeûne
90 g de glucides :
Analogue rapide 9 unités
Figure 30.3. Répartition suggérée pour les bolus d'analogue rapide de l'insuline au cours du
ramadan chez un patient traité par un schéma insulinique de type basal-bolus et prenant trois
repas pendant la nuit avec les apports glucidiques suivants : 90 g au repas de rupture du jeûne
(Iftar), 100 g au dîner qui suit, 80 g au repas pris avant l'aube (Sohour).

contribuer à majorer l'hyperglycémie de fin de haite pratiquer le jeûne religieux du ramadan,


nuit et à rendre la chute glycémique plus aléatoire il est préférable de lui proposer de passer à un
pendant le reste de la journée. C'est pour cette rai- schéma basal-plus ou basal-bolus. Pour éviter les
son que la règle de 1,5 unité d'analogue rapide de hypoglycémies, il convient dans un premier temps
l'insuline pour 10 g de glucides devrait être appli- de réduire la dose de basale de 10 à 20 % et d'in-
quée au repas pris avant l'aube plutôt que la règle troduire progressivement, en tâtonnant, les bolus
générale de 1 unité pour 10 g pour les autres repas. prandiaux. Dans le cas présent, il faudrait dimi-
À partir de ces considérations, prenons nuer immédiatement la dose basale à 0,4 U/kg/j.
l'exemple simple d'un patient diabétique de type 2 Les bolus d'analogues rapides de l'insuline doivent
moyennement équilibré, insuliné depuis plu- être injectés au moment de la rupture du jeûne,
sieurs mois ou années avec un schéma de type du dîner qui suit le repas de rupture du jeûne et
basal : une injection d'analogue lent de l'insuline du repas pris avant l'aube. Supposons que ces trois
(0,5 unité/kg de poids/j) avant le dîner. S'il sou- repas (fig. 30.3) apportent respectivement 90, 100

332
Chapitre 30. Nutrition chez le patient diabétique qui pratique le jeûne religieux du ramadan

Exemption Exemption
facultative recommandée

Normale HbA1c avant le ramadan Élevée


ou subnormale

Absence Comorbidités et complications vasculaires Présence

Absence Risque d’hypoglycémie Présence

Élevés Efforts du patient vis-à-vis du traitement Faibles

Figure 30.4. Proposition de schéma décisionnel pour savoir si la personne diabétique peut
pratiquer le jeûne religieux ou doit en être exemptée pendant la période du ramadan.

et 80 g de glucides, ils devraient d'après notre Conclusion


calcul être précédés par l'injection de doses d'ana-
logue rapide égales à 9, 10 et 12 unités (fig. 30.3). Si le médecin considère que les «entorses » ou les
Ces doses sont évidemment à proposer de manière «dérapages » nutritionnels ne peuvent être maî-
progressive et à ajuster en fonction des résultats trisés chez un patient diabétique donné, la bonne
de l'autosurveillance glycémique, qui doit être attitude est de lui déconseiller de pratiquer le
renforcée dans les jours qui précèdent le ramadan jeûne religieux. Ceci est particulièrement évident
et poursuivie pendant toute sa durée. De plus, les chez les diabétiques insuffisamment équilibrés à
schémas basal-plus ou basal-bolus doivent être l'état de base, «vulnérables », traités par des médi-
instaurés plusieurs jours, voire même plusieurs caments susceptibles d'entraîner des hypoglycé-
semaines, avant le début du ramadan pour tes- mies (sulfonylurées et/ou insuline), et/ou ayant
ter la réponse du sujet et afin d'établir la dose de des variations glycémiques importantes entre pics
basale. Dans le cas présent, il est probable qu'après et nadirs. Chez les autres, le jeûne religieux reste
titration progressive la dose de basale se situera possible.
aux alentours de 10 à 15 unités par jour, en accord Sur la figure 30.4, nous suggérons un schéma
avec le principe que nous avons énoncé plus haut : décisionnel permettant de préciser les condi-
0,5 à 1 unité de basale par heure. Toutefois, ces tions d'exemption du jeûne religieux chez les
doses ne sont données qu'à titre d'indication car patients diabétiques en fonction de plusieurs
les réponses sont très variables d'un sujet à l'autre. paramètres : taux d'HbA1c dans la période qui
Tout ceci indique que la gestion de l'insulinothé- précède le ramadan, présence ou absence de
rapie au cours du ramadan n'est pas un problème comorbidités et de complications vasculaires,
simple. C'est pour cette raison que dans de nom- risque d'épisodes hypoglycémiques, motivation
breux cas, la meilleure attitude serait d'essayer de du patient pour adhérer à son traitement dié-
dissuader tout diabétique insuliné de suivre le tétique et médicamenteux. Ces principes étant
jeûne religieux si certaines conditions ne sont pas posés, l'exemption peut être considérée comme
strictement remplies : observance suffisante d'un « facultative » lorsque le sujet est déjà bien équi-
programme nutritionnel structuré, acceptation et libré en dehors du ramadan, lorsque son risque
compréhension d'un schéma insulinique intensi- d'hypoglycémie est nul ou faible, lorsque sa
fié et augmentation du nombre de tests d'autosur- motivation à suivre les recommandations médi-
veillance glycémique. cales est élevée et lorsqu'il ne présente pas de

333
Partie IV. Grandes questions et idées fausses

comorbidités ou de complications vasculaires. « exemption facultative » et « exemption forte-


À l'inverse, l'exemption doit être fortement ment recommandée » il existe toute une série de
recommandée ou même impérative chez tous cas intermédiaires pour lesquels la décision doit
les sujets dont l'HbA1c est fortement augmen- être prise au niveau individuel. Le médecin joue
tée avant le ramadan, chez tous ceux qui sont à un rôle capital car c'est lui qui, en fonction de la
haut risque d'hypoglycémie, qui sont peu moti- position du curseur entre les positions extrêmes,
vés, ou qui sont déjà atteints de complications conseillera à son patient de pratiquer ou non le
cardiovasculaires. Entre ces deux positions, jeûne religieux.

334
Traitement du CHAPITRE
31
diabète induit
par des médicaments
diabétogènes
Le diabète cortico-induit
J.-L. Schlienger

PLAN DU CHAPITRE tant une insulinorésistance et à la présence de


Diabètes iatrogènes 335 tout autre facteur de risque de diabète ;
Classes thérapeutiques en cause 335 • des caractéristiques du traitement telles que la
Conduite à tenir pour prévenir un diabète cortico-induit dose journalière, la durée du traitement et la
ou le traiter 336
voie d'administration.
Particularités du traitement diététique d'un sujet
diabétique sous corticothérapie prolongée 337 La connaissance de ces particularités permet
Aspects pratiques 338 d'estimer le risque de diabète secondaire, de mieux
Conclusion 340 sélectionner les indications, de limiter la posolo-
gie et la durée ou de substituer la corticothérapie
Plusieurs médicaments d'usage plus ou moins dès que possible tout en prenant les devants par
courant peuvent occasionner des anomalies du une modification anticipative de l'hygiène de vie.
métabolisme glucidique et révéler ou induire un
diabète dit iatrogène. En cas de diabète connu leur
usage expose à un déséquilibre glycémique rele-
vant d'une adaptation diététique et thérapeutique.
Classes thérapeutiques en cause
En dehors des corticoïdes, plusieurs autres classes
thérapeutiques et molécules récentes entraînent
Diabètes iatrogènes des perturbations du métabolisme glucosé pou-
vant être responsables d'un diabète par des méca-
Le plus commun des diabètes iatrogènes est celui nismes qui restent encore débattus pour certaines
qui est secondaire à l'administration de corti- molécules.
coïdes par quelque voie que ce soit. La corticothé-
rapie a en effet de nombreuses indications dans Antipsychotiques de seconde
la pratique médicale. Elle est souvent employée
génération
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pendant une durée prolongée pour traiter des


Manueldenutritionpourlepatientdiabétique

affections systémiques inflammatoires ou dysim- À l'instar de l'olanzapine et de la clozapine, ils


munitaires. En oncologie, le traitement peut être sont fréquemment à l'origine d'un diabète habi-
intermittent mais à des doses très élevées. Le tuellement d'installation progressive mais des
diabète cortico-induit illustre bien la probléma- formes aiguës insulinodépendantes avec acidocé-
tique des diabètes secondaires dont la survenue tose ont également été décrites. Ils agiraient à la
dépend : fois par un effet orexigène responsable d'une prise
• du contexte individuel de prédisposition lié au de poids rapide et par des effets directs sur la sen-
terrain génétique, à l'existence d'une obésité, à sibilité à l'insuline et l'insulinosécrétion puisque
un âge avancé, à toute autre situation compor- l'installation d'un diabète a également été décrite

335
Partie IV. Grandes questions et idées fausses

indépendamment de toute prise de poids. Des lipodystrophique et le diabète dont l'incidence est
données expérimentales suggèrent que les nou- multipliée par 4. Les inhibiteurs des protéases ont
veaux antipsychotiques interfèrent avec la régu- un rôle causal direct dans le développement de
lation de la sécrétion de l'insuline en bloquant l'insensibilité à l'insuline et du diabète.
les récepteurs des neuromédiateurs sérotoniner-
giques et dopaminergiques et en antagonisant les Immunosuppresseurs
récepteurs muscariniques présents dans la cellule
β. Une perturbation du profil des adipokines a Ces médicaments, indispensables chez les trans-
également été avancée pour expliquer la diminu- plantés d'organe, sont responsables d'une inci-
tion de la sensibilité à l'insuline. La balance entre dence élevée de diabète de novo (de 15 à 35 %
ces mécanismes supposés expliquerait que ces selon les protocoles utilisés). Les corticoïdes en
molécules puissent induire selon le cas un diabète sont la cause principale. Les anticalcineurines
progressif de type 2 ou un diabète aigu de type 1. (la ciclosporine et plus particulièrement le tacro-
limus) y contribuent également en diminuant
l'insulinosécrétion.
Thérapies ciblées développées
en cancérologie
Certaines d'entre elles exposent à un risque accru Conduite à tenir pour prévenir
de diabète. Parmi d'autres effets endocriniens et
métaboliques, les inhibiteurs des tyrosine kinases un diabète cortico-induit ou le
dont l'action n'est pas sélective peuvent entraîner traiter
des hyperglycémies ou plus rarement des hypo-
glycémies justifiant une vigilance glycémique Les propositions de gestion de l'équilibre glycé-
d'autant que de telles actions opposées peuvent mique formulées dans le cadre de la corticothé-
survenir avec la même molécule chez un même rapie s'appliquent globalement aux perturbations
patient. Les inhibiteurs de mTOR (mammalian métaboliques induites par les autres molécules
target of rapamycin) modulant la voie de signa- potentiellement diabétogènes. L'exemple des
lisation PI3Kinase-Akt sont à l'origine d'hyper- (gluco)corticoïdes dont les indications sont nom-
glycémies fréquentes et parfois sévères liées à la breuses chez les sujets à risque de diabète ou chez
fois à une résistance accrue à l'insuline et à une les diabétiques avérés sera développé pour illus-
réduction de l'insulinosécrétion. trer l'attitude à avoir.

Statines Répercussions nutritionnelles et


métaboliques
La prescription de ces hypolipémiants de pre-
mière intention en prévention cardiovasculaire, Elles sont pour une bonne part à l'origine de la
dont l'efficacité a été démontrée avec un haut mauvaise réputation de la corticothérapie et
niveau de preuve, est associée à un risque accru dépendent de la dose, de la durée, de la nature et
de diabète de type 2 (DT2) chez des sujets à risque des modalités d'administration. Contrairement
métabolique traités par de fortes doses de sta- à une opinion répandue dans le grand public, le
tines. Le mécanisme en cause est encore incom- diabète connu n'est pas une contre-indication
pris. L'incidence du DT2 est faible et ne remet pas formelle à la prescription de (gluco)corticoïdes
en question la prescription chez les sujets à haut (GC) sous réserve d'une adaptation thérapeu-
risque cardiovasculaire. tique et d'un renforcement éclairé des mesures
adjuvantes que sont la diététique et l'activité
Inhibiteurs des protéases physique lorsqu'elle est possible. En revanche, la
prescription de GC en cures courtes de «confort »
Ces substances utilisées dans la thérapie anti- fréquemment proposée en médecine générale lors
rétrovirale qui a transformé le sida en maladie des états fébriles communs ou des accès de dou-
chronique sont responsables de divers troubles leurs ostéoarticulaires est contre-indiquée en cas
métaboliques. Parmi eux figurent le syndrome de diabète.

336
Chapitre 31. Traitement du diabète induit par des médicaments diabétogènes

Influence de la durée vant être réversible à l'arrêt de la corticothérapie.


de la corticothérapie Les GC ont des effets lipidiques en modifiant la
répartition du tissu adipeux dans les territoires
La corticothérapie en cure courte (inférieure abdomino-tronculaires aux dépens du tissu adi-
à 1 semaine) et à une dose < 0,5 mg/kg de peux sous-cutané glutéal. L'habituelle prise de
poids fréquemment utilisée dans les affections poids, pouvant être considérable, est avant tout
inflammatoires ou infectieuses aiguës n'a pas de liée à l'augmentation de l'appétit et des capacités
conséquences notables en l'absence de diabète de stockage lipidique. Les GC ont aussi tendance
préexistant en dehors du risque d'hypokaliémie. à augmenter la triglycéridémie et à accélérer les
En revanche, la corticothérapie prolongée a des processus d'athérosclérose. Les GC induisent une
répercussions quasi inéluctables dès lors que protéolyse se manifestant par une amyotrophie
la dose dépasse 10 mg/j, tout particulièrement de siège rhizomélique (rapide) et une ostéoporose
chez les personnes âgées. Le plus souvent les GC (lente). La protéosynthèse ralentie explique les
démasquent un diabète latent ou déséquilibrent troubles du développement staturo-pondéral chez
un diabète préexistant. l'enfant, les retards à la cicatrisation et la diminu-
tion de la synthèse protéique osseuse.
Mécanisme du rôle diabétogène Les effets électrolytiques sont fréquents et
gagnent à être prévenus de façon systématique
des glucocorticoïdes par une supplémentation médicamenteuse.
Il s'explique par la coexistence de plusieurs L'hypokaliémie et la rétention hydrosodée sont
mécanismes. Les corticoïdes ont un effet direct liées aux effets minéralo-corticoïdes plus ou
et permissif sur la néoglucogenèse. Ils sont à moins marqués selon la nature des GC. La réten-
même de s'opposer à l'effet vasodilatateur médié tion sodée a pour conséquence la survenue d'une
par l'insuline et entraîneraient une réduction hypertension artérielle ou la déstabilisation de
de la translocation des transporteurs de glucose l'équilibre tensionnel chez les hypertendus traités.
GLUT4 à la surface des cellules. Des données L'absorption calcique réduite du fait de l'action
expérimentales suggèrent la possibilité d'une antivitamine D des GC est à l'origine d'une ostéo-
altération fonctionnelle des récepteurs de l'insu- pénie cortisonique quasi inéluctable au-delà de
line et une perturbation de la signalisation de 3 mois de traitement.
l'insuline. L'augmentation de la néoglucogenèse La constance de ces effets secondaires incite à les
hépatique et la diminution de la captation du empêcher ou à les minimiser de façon préventive
glucose au niveau des tissus périphériques abou- par des mesures diététiques et des médications
tissent à une insulinorésistance pouvant être adjuvantes et à rechercher avec détermination
sévère. Les corticoïdes à dose élevée inhibent la plus faible dose possible de GC et la durée la
de surcroît la sécrétion d'insuline et pourraient moins longue de traitement.
s'opposer à ses effets au niveau du système ner-
veux central. Par ailleurs, une expression accrue
des récepteurs des GC dans le muscle squelet-
tique induit une insulinorésistance. L'obésité et Particularités du traitement
le syndrome métabolique semblent majorer les diététique d'un sujet diabétique
effets diabétogènes des corticoïdes du fait d'une
augmentation de la transformation de la corti-
sous corticothérapie prolongée
sone en métabolites actifs. Les indications de la corticothérapie tendent à
augmenter avec l'âge et sont donc assez nom-
Autres effets métaboliques breuses dans le DT2. Il s'agit souvent de traite-
des (gluco)corticoïdes ments locaux à visée anti-inflammatoire et
antalgique (injections intra-articulaires de corti-
Ils sont liés à l'action génomique et ne se limitent coïdes «retard ») dont l'inévitable effet systémique
pas à l'effet hyperglycémiant et à l'induction d'un peut se prolonger 6 semaines et se manifester par
diabète de type 2 chez les sujets prédisposés pou- un déséquilibre glycémique dont l'importance est

337
Partie IV. Grandes questions et idées fausses

difficile à prédire. Les infiltrations sous-conjonc-


tivales et péribulbaires en ophtalmologie s'accom-
Aspects pratiques
pagnent également de modifications glycémiques. Toute corticothérapie au long cours est tradi-
Les topiques cutanés ou ophtalmologiques ont tionnellement assortie d'un traitement adjuvant
un impact glycémique nul ou très modéré tout d'ordre hygiéno-diététique pour en limiter les
comme les corticoïdes inhalés. En revanche, les méfaits chez les sujets non diabétiques et a fortiori
«cures» de corticoïdes, facilement prescrites en chez les sujets à risque ou déjà diabétiques. Le
médecine de ville lors d'affections ORL ou broncho- régime «sans sel » et le régime «sans sucre » pres-
pulmonaires banales, ont un effet hyperglycémiant crits de principe depuis des lustres est aujourd'hui
aigu ce qui ne les rend pas souhaitables bien que remis en question parce que leur efficacité pré-
l'effet soit le plus souvent transitoire. La proba- ventive n'est pas bien démontrée et que leur appli-
bilité d'un déséquilibre glycémique est d'autant cation stricte ne favorise pas l'observance d'un
plus importante que le diabète est mal contrôlé traitement prolongé.
au moment de l'instauration du traitement. Dans
tous les cas, un contrôle des glycémies capillaires
doit être mis en place ou renforcé pour adapter le Traitement adjuvant
traitement antidiabétique oral ou le schéma insu- hygiéno-diététique
linique ou pour prescrire une insulinothérapie
Cette approche doit être systématique en cas de
temporaire. Une grande vigilance est de mise lors
de la décroissance et de l'arrêt de la corticothéra- corticothérapie prolongée à une dose > 10 mg/j.
pie pour limiter le risque hypoglycémique. L'activité physique régulière permet de minimiser
La diététique garde toute son importance la protéolyse musculaire et de lutter contre l'insu-
chez le diabétique cortico-traité. La prescrip- linorésistance. Des suppléments en vitamine D et
tion dûment argumentée d'une corticothérapie en calcium sont préconisés pour prévenir la démi-
impose de réexaminer point par point les diffé- néralisation osseuse.
rents postes alimentaires dans le but d'éviter un
apport énergétique excessif et de s'assurer que Principes généraux
l'alimentation a une faible charge glycémique et de l'approche diététique
une densité nutritionnelle élevée. Sur ce point,
elle ne diffère pas de ce qu'elle devrait être chez Les conseils nutritionnels visent à réduire l'apport
tout diabétique observant. La corticothérapie en sel (sans qu'il soit question de régime désodé),
fournit une bonne occasion de revoir la bonne à contrôler les apports en sucre rapide, à assurer
compréhension et la bonne application des un apport protéique suffisant et à favoriser la
recommandations diététiques de base. L'objectif consommation d'aliments riches en potassium.
premier est d'empêcher la prise de poids large- Le maintien d'un poids normal est un autre
ment sous-tendue par une modification du com- objectif important. Les mesures à prendre sont
portement alimentaire. L'hyperglycémie induite principalement comportementales puisque les
par les corticoïdes ne se gère pas en modifiant GC stimulent l'appétit. Enfin, l'alimentation doit
les apports glucidiques préconisés dans le cadre être cardioprotectrice pour s'opposer aux effets
du régime diabétique standard (aliments à proathérogènes des GC : réduction des matières
index glycémique faible, pas de prise glucidique grasses saturées, enrichissement en aliments
en dehors d'un repas structuré) mais par une antioxydants et en fibres. Les effets hyperglycé-
adaptation du traitement de façon à maintenir miants sont contrés en privilégiant les aliments à
les objectifs glycémiques, au besoin en introdui- faible index glycémique afin de limiter la charge
sant une insulinothérapie. Les aménagements du glycémique des repas. Le modèle alimentaire
régime alimentaire concernent les mêmes points préconisé répond globalement aux recommanda-
que chez les sujets non diabétiques : apports pro- tions du PNNS : faible charge glycémique, densité
téiques et vitamino-calciques suffisants, contrôle nutritionnelle élevée, densité énergétique faible,
des aliments athérogènes, réduction des apports apport calcique optimal sur la base de trois repas
sodés à moins de 6 g/24 heures. structurés équilibrés sans grignotage.

338
Chapitre 31. Traitement du diabète induit par des médicaments diabétogènes

Ce n'est qu'en cas d'HTA préexistante ou secon- gras et de pâtisserie est à réduire en fonction des
daire que la prescription diététique est renforcée objectifs. La réduction du risque athéromateux
par une réduction des apports sodés à 3 ou 4 g de majoré par les GC passe par une diminution de la
sel par jour (les apports souhaitables se situant consommation de graisses saturées et en privilé-
normalement au maximum 6 g/j). giant les graisses végétales.
La mise en place d'une corticothérapie est une La lutte contre l'inactivité permet de limiter les
excellente occasion pour «revisiter » et corriger les méfaits musculaires et osseux liés à l'effet pro-
habitudes alimentaires. Les principes du régime téolytique des GC tout en améliorant la sensibi-
diabétique s'appliquent en cas de diabète préexis- lité à l'insuline. Un apport suffisant en protéines
tant ou secondaire avec une vigilance glycémique (viandes maigres, poissons, œufs, produits laitiers
accrue au moyen d'une autosurveillance glycé- et légumineuses) poursuit le même objectif.
mique 3 fois par jour. À l'attention particulière Le régime est poursuivi aussi longtemps que le
apportée aux sucres ajoutés et à l'interdiction des traitement, sans interdits non justifiés mais avec
prises interprandiales de produits sucrés s'ajoute un accompagnement diététique régulier et empa-
une restriction énergétique mise en place avec thique. C'est dire l'importance de l'éducation thé-
tact et doigté afin d'éviter une prise de poids par- rapeutique et nutritionnelle du patient.
ticulièrement délétère dans ce contexte. L'exercice La prescription de potassium, de calcium et de
consiste donc à renforcer les mesures diététiques vitamine D, voire de biphosphonates, complète
qui sont de mises dans tout diabète. Les objectifs habituellement ces préconisations diététiques
sont le maintien du poids et le contrôle des excur- pour éviter que le traitement d'une maladie par
sions glycémiques postprandiales. Les sucres lents les GC ne soit à l'origine d'une autre maladie. En
sont autorisés en quantités adaptées à la situation effet, les pertes en potassium sont difficilement
pondérale. Les glucides ne doivent jamais être contrées par l'alimentation même lorsqu'elle est
ingérés en dehors d'un repas structuré y compris riche en fruits et légumes. L'apport calcique doit
lors des collations. La survenue d'une dérive glycé- être légèrement au-dessus des recommandations.
mique à la hausse en dépit de la bonne observance Ce seuil est facile à atteindre moyennant la prise
diététique nécessite une adaptation du traitement de 3 à 4 produits laitiers journaliers intégrés à une
hypoglycémiant en privilégiant les insulinosensi- alimentation standard. Néanmoins, les apports ali-
bilisateurs et les incrétinomimétiques et en évitant mentaires en vitamine D ne sont pas faciles à aug-
autant que faire se peut l'insulinothérapie pour menter et ne représentent au mieux que le quart
éviter la prise de poids. Par principe, la prise de des besoins d'où la nécessité d'une supplémenta-
poids est la conséquence d'une alimentation ina- tion vitaminique médicamenteuse systématique.
daptée aux besoins et un témoin de la facilité avec
laquelle les graisses sont stockées sous l'effet des Choix des aliments
GC lorsque les apports énergétiques sont majorés
par l'exacerbation de l'appétit. La consommation Les aliments autorisés ou déconseillés sont men-
de matières grasses, de plats en sauce, de fromages tionnés dans le tableau 31.1.

Tableau 31.1. Aliments autorisés ou déconseillés en cas de corticothérapie prolongée.

Aliments Déconseillés Autorisés


Produits laitiers Fromages à pâte ferme ou cuite Lait demi-écrémé ou écrémé
Crème Yaourt, petit-suisse, fromage blanc nature
Flan
Fromage sans sel ajouté
Viande Viande séchée, fumée, salée Viande au naturel, volaille, abats
Charcuterie Toutes Jambon sans sel, saucisse sans sel
Poisson Poisson en conserve, fumé, salé Poisson d'eau douce ou de mer au naturel
Produits de la mer Coquillages, crustacés, surimi
(Suite)
339
Partie IV. Grandes questions et idées fausses

Tableau 31.1. Suite.

Aliments Déconseillés Autorisés


Divers Plats préparés du commerce Œuf
Céréales et féculents Pain salé si plus de 100 g/j Pain et biscottes sans sel
Légumes Légumes en conserve, au naturel et Légumes frais ou surgelés
cuisinés Potage fait maison sans sel
Potage en brique ou en sachet
Fruits Fruits confits au sirop, compote sucrée Fruits frais crus ou cuits
Fruits secs et oléagineux Compote sans sucre
Fruits à coque salés pour apéritif Pur jus de fruit
Matières grasses Beurre demi-sel Beurre, huile, margarine, crème fraîche
Produits sucrés Sucre en dehors des repas Produits édulcorés
Pâtisserie Chocolat noir
Condiments et sauce Sel, sel de céleri Condiments sans sel
Cornichons, olives, câpres Sauces sans sel
Ketchup, Viandox, Bouillon Kub
Boissons Eaux riches en sel (Vichy Célestins, Eau plate ou gazeuse (Na < 20 mg/L : Evian,
Badoit, Quézac, Vals, etc.) Volvic, Perrier, etc.)
Sodas, Coca-Cola, Schweppes Café, thé, chicorée
Boissons alcooliques (1 à 2 verres) Boissons «light »
La quantité dépend du poids. L'existence d'un diabète rend la restriction en glucides plus rigoureuse. Le régime est appliqué avec
d'autant plus de rigueur que la dose de GC est élevée (> 30 mg/j).

Conclusion bilisation du diabète est plus faible chez un sujet


jeune de poids normal et dont le diabète de type 1
La prescription de médicaments potentiellement est bien équilibré que chez un sujet âgé en surpoids
diabétogènes chez des sujets à risque de diabète peu familiarisé avec l'autosurveillance glycé-
ou chez des diabétiques est possible pour autant mique. Dans tous les cas, le respect des consignes
qu'elle soit nécessaire. Les doses, la durée du traite- diététiques et, s'il y a lieu, l'adaptation du traite-
ment, les antécédents, l'âge, l'IMC, la qualité de ment pharmacologique, contribuent à maintenir
l'équilibre glycémique et la durée d'évolution du l'équilibre glycémique et à enrayer le risque com-
diabète sont des paramètres à prendre en considé- plications micro- et macrovasculaires. L'effet dia-
ration pour anticiper le déséquilibre glycémique bétogène des autres médicaments est plus difficile
induit par la corticothérapie. Le risque de désta- à anticiper car beaucoup plus inconstant.

340
Perdre du poids CHAPITRE
32
avec des médicaments :
est-ce possible ?
J.-L. Schlienger

PLAN DU CHAPITRE à infléchir durablement les «modifications thé-


Efficacité et limites des régimes «amaigrissants» 341 rapeutiques du mode de vie » (MTMV), locution
Une offre médicamenteuse très limitée 342 qui remplace aujourd'hui les sinistres «mesures
Des molécules en développement 342 hygiéno-diététiques » d'autrefois. L'application
Pas de traitement pharmacologique sans modification dans la vraie vie de toutes ces prescriptions frap-
thérapeutique du mode de vie (MTMV) 343
pées au coin du bon sens s'avère bien délicate.
L'enjeu n'est pas de perdre du poids Ŕ cela tout
Plus qu'une simple disgrâce, l'obésité est une mala- un chacun peut y parvenir Ŕ mais de maintenir
die chronique à part entière parce qu'elle expose à la perte de poids et de stabiliser le poids souhai-
des complications spécifiques et qu'elle est asso- table sans avoir d'impact négatif sur la santé, en
ciée à une surmortalité. La perte de poids durable maintenant une dépense énergétique de repos à
est la finalité de sa prise en charge thérapeutique. un niveau élevé et en préservant la masse maigre
Les moyens pour y parvenir devraient s'appuyer (c'est-à-dire musculaire) qui est le déterminant
sur la correction des mécanismes ayant conduit principal de la dépense énergétique de repos. Dès
à la prise de poids excessive dont le premier acte lors la question qui se pose est la suivante : Quel
mais non le seul est le déséquilibre de la balance type de régime hypocalorique ?
entre les apports et les dépenses énergétiques. Tous les régimes hypocaloriques ne répondent
pas à ces critères mais tous permettent d'obtenir
une perte de poids… pourvu qu'on les applique.
Efficacité et limites Toutefois, l'expérience montre que la reprise
pondérable est quasi inévitable. La perte de
des régimes « amaigrissants» poids maximale est habituellement atteinte en 4
à 6 mois, délai après lequel la courbe pondérale
Les régimes qui diminuent les apports éner- stagne en plateau quelques mois avant de remonter
gétiques et l'activité physique qui accroît les plus ou moins lentement vers la valeur de départ,
dépenses sont les armes thérapeutiques de pre- voire la dépasser. Il y a à cela des raisons physio-
mière ligne. Malheureusement, tout un chacun logiques et des raisons psychologiques. La restric-
connaît le taux de réussite médiocre à moyen ou tion alimentaire et la perte de poids déterminent
à long terme des innombrables régimes proposés une adaptation énergétique et comportemen-
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tant par les médecins et par les diététiciens que tale. Un sujet obèse qui a maigri dépense moins
Manueldenutritionpourlepatientdiabétique

par les gourous du Net qui cherchent à se démar- d'énergie que ne le laisserait supposer sa compo-
quer de la diététique académique peu performante sition corporelle du fait d'une diminution adap-
par des «coups médiatiques » qui sont autant tative de tous les postes de dépense énergétique.
d'aberrations métaboliques. L'activité physique, Concomitamment, la régulation hormonale du
souvent difficile à mettre en œuvre chez le sujet comportement alimentaire est bouleversée et tend
obèse, contribue à maintenir la perte de poids à accroître la sensation de faim par une augmenta-
obtenue par d'autres moyens mais ne peut à elle tion des taux de ghréline en phase interprandiale
seule induire une perte de poids. Quant à l'édu- tardive et une diminution des peptides anorexi-
cation thérapeutique qui informe, autonomise et gènes. Par ailleurs, les MTMV imposent tous les
du même coup responsabilise, elle ne suffit pas jours une gestion complexe en famille, en société

341
Partie IV. Grandes questions et idées fausses

et au travail au prix d'une maîtrise de soi difficile été brièvement commercialisé avant d'être retiré
à assumer au long cours. Autant dire que la perte en raison d'un risque de dépression grave.
de poids durable est une mission impossible pour Parce que le rapport bénéfice/risque de ces
le plus grand nombre et que des thérapeutiques médicaments était incompatible avec leur main-
complémentaires sont nécessaires. L'exercice phy- tien sur le marché, l'anathème a été jeté sur tous
sique est un élément facilitant et protecteur face à les médicaments de l'obésité. Du même coup, la
l'adaptation de la dépense énergétique induite par recherche de nouvelles molécules s'est trouvée
le régime. Les mesures d'accompagnement par ralentie à un moment où l'obésité était devenue
des actions éducatives, des mesures de coaching et un véritable fléau et où le recours à un médica-
les thérapies cognitivo-comportementales ont ment agissant sur la balance énergétique Ŕ en
toutes une grande utilité. Et pourtant, à en juger sus des MTMV Ŕ apparaissait plus que jamais
par les résultats, leur prescription ne suffit pas souhaitable.
souvent à obtenir une perte de poids thérapeu- Actuellement seul subsiste en France l'orlistat
tique. D'où l'intérêt porté aux médicaments qui, (Xenical®). Cette molécule dénuée d'action cen-
dans l'obésité comme dans toute maladie chro- trale et peu absorbée réduit ipso facto l'absorption
nique, ont une place légitime pour autant qu'ils des graisses intestinales en bloquant les lipases
permettent d'atteindre l'objectif sans dégâts col- pancréatiques ce qui réduit l'apport calorique et
latéraux mettant à mal la balance bénéfice/risque. provoque, en cas d'apports excessifs de graisses,
une diarrhée avec stéatorrhée. Les effets secon-
daires sont modestes et principalement intes-
tinaux lorsque l'alimentation est restreinte en
Une offre médicamenteuse graisses. Après un recul d'une vingtaine d'an-
nées, les effets secondaires plus sévères semblent
très limitée rares. Plusieurs études contrôlées contre placebo
Les premiers médicaments dits « coupe-faim » ont permis de démontrer l'efficacité de l'orlistat :
perte de poids supplémentaire de l'ordre de 4 à
ont été proposés il y a quelques décennies, à une
5 kg, plus durable Ŕ y compris dans le DT2 Ŕ et
époque où l'on considérait que l'obésité était due
amélioration des anomalies biologiques asso-
à une « faim excessive » qu'il suffisait de « cou-
ciées et de l'équilibre glycémique chez les sujets
per » pour solutionner le problème. Il s'agissait de
diabétiques.
produits appartenant à une classe thérapeutique
mal délimitée responsables d'addiction et d'effets

Des molécules en développement


indésirables redoutables. Les dérivés amphé-
taminiques avaient des effets neuropsychiques
et cardiovasculaires parfois mortels. Plusieurs
anorexigènes ont été commercialisés puis retirés D'autres médicaments sont en cours de déve-
de la pharmacopée européenne. La fenfluramine loppement. Certains disposent d'ores et déjà
puis la dexfenfluramine, agonistes d'un récepteur d'une homologation par la Food and Drug
sérotoninergique, ont été responsables de com- Administration (FDA) nord-américaine. D'autres
plications cardiorespiratoires majeures à type de ont obtenu une autorisation européenne de mise
valvulopathies. La prescription du benfluorex sur le marché dans l'obésité avec facteurs de risque
(Médiator®) a été détournée pour obtenir un effet cardiométabolique tels que le Mysimba® (associa-
anorexigène alors que l'autorisation de mise sur tion de naltrexone et de bupropion) et le Saxenda®
le marché le cantonnait au rôle de médication (liraglutide 3 mg). L'agence française du médica-
adjuvante du traitement du diabète de type 2 ment s'est prononcée contre la commercialisation
(DT2). La sibutramine inhibe la recapture de la de Mysimba® en raison d'un rapport bénéfice/
sérotonine et de la noradrénaline et augmente risque négatif en raison d'un effet sympathico-
de ce fait la sensation de satiété. Toutefois cette mimétique responsable d'une augmentation de
substance s'est avérée être hypertensiogène et à la fréquence cardiaque et de la pression artérielle
risque cardio-cérébro-vasculaire. Le rimonabant, avec augmentation du risque cardiovasculaire. De
agoniste inverse des récepteurs cannabinoïdes a plus, des effets neurologiques à type de convul-

342
Chapitre 32. Perdre du poids avec des médicaments : est-ce possible ?

sions ou de dépression sont possibles. Le Saxenda® pose à une prise de poids. Une perte de poids est
n'est autre que le liraglutide utilisé depuis une habituelle chez les sujets DT2 obèses traités par
décennie dans le traitement du diabète à la dose un analogue du GLP-1 associé ou non à un traite-
maximale de 1,8 mg/j sous le nom de Victoza®. ment par insuline.
Une étude contrôlée randomisée contre placebo

Pas de traitement
a montré chez des sujets obèses que l'administra-
tion de 3 mg de liraglutide pendant 56 semaines
entraînait une perte de poids moyenne de 8,4 kg pharmacologique sans
contre 2,8 kg dans le groupe placebo. Deux tiers
des patients ont perdu plus de 5 % de leur poids modification thérapeutique
et un tiers plus de 10 % de leur poids contre res- du mode de vie (MTMV)
pectivement 27 % et 14 % sous placebo. Les effets
indésirables digestifs étaient fréquents mais Pour restreintes qu'elles soient, les possibilités du
habituellement transitoires. D'autres effets secon- traitement médicamenteux de l'obésité ne sont
daires rares mais potentiellement graves comme pas sans intérêt à condition de respecter les indi-
la lithiase biliaire, la cholécystite aiguë et la pan- cations de prescription et d'accompagner celle-ci
créatite aiguë ont motivé la décision de différer systématiquement d'une action sur la MTMV.
la commercialisation de Saxenda® en France. Le Aucun médicament ne peut répondre de manière
liraglutide, analogue du GLP-1 favorise la perte de univoque à la complexité de l'obésité dont les
poids en modifiant le comportement alimentaire mécanismes neurobiologiques sous-jacents sont
par l'intermédiaire d'une action sur les récepteurs variables suivant les individus. La problématique
du GLP-1 situés dans l'hypothalamus. Il augmente ne se limite pas au contrôle de la faim comme on
la sensation de rassasiement et diminue la sensa- le pensait naïvement mais à celui de la globalité
tion de faim. L'imagerie cérébrale fonctionnelle a du comportement alimentaire qui découle d'une
révélé que le liraglutide diminuait l'activation du interaction entre l'alimentation et le plaisir, la
cortex à la vue d'aliments palatables et l'activation récompense et l'humeur, le dialogue entre le tissu
des régions cérébrales impliquées dans le circuit adipeux et le cerveau, sans omettre la prise en
de la récompense. Accessoirement, il ralentit la compte de l'hétérogénéité des obésités.
vidange gastrique ce qui explique les nausées et L'utilisation des médicaments de l'obésité
les vomissements et diminue la prise alimentaire. s'inscrit dans une stratégie où les moyens
Sans surprise, à la dose de 3 mg le liraglutide doivent être proportionnés aux objectifs. La
améliore la tolérance glucosée et réduit l'inci- perte durable de 4 ou 5 kg supplémentaires n'a
dence du diabète chez les sujets obèses. Chez les pas de sens dans une obésité commune sans
sujets diabétiques, il améliore l'HbA1c de 1,3 % et facteurs de risque notables ; elle en a chez un
permet souvent une réduction des médicaments sujet diabétique à haut risque cardiovasculaire !
antidiabétiques. La prescription de liraglutide Aussi faut-il appeler de ses vœux le développe-
«standard » (Victoza®) est d'ores et déjà indiquée ment de nouvelles molécules efficaces comme
comme traitement de deuxième ligne chez les par exemple la lorcasérine et l'association de
sujets diabétiques obèses, et davantage encore topiramate et de phentermine (Qsymia®) déjà
en association avec l'insulinothérapie qui prédis- commercialisées aux États-Unis.

343
Consommation d'alcool CHAPITRE
33
et diabète
J.-L. Schlienger

PLAN DU CHAPITRE
Métabolisme de l'alcool 345
Métabolisme de l'alcool
Pharmacocinétique de l'alcool 346
Le métabolisme de l'alcool est prépondérant dans
Principales boissons pourvoyeuses d'alcool 347
le foie mais peut aussi se faire dans l'estomac et,
Alcool et santé 348
pour une très faible part, dans le pancréas et le
Alcool et maladies métaboliques 349
cerveau.
Conclusion 352
L'absorption digestive de l'alcool est rapide
et quasi totale parce qu'elle s'effectue par un
La consommation de boissons alcooliques a une
mécanisme de diffusion. Après un premier pas-
dimension culturelle, sociale et hédonique qui
sage hépatique, l'alcool passe dans la circulation
contribue à marquer un style alimentaire. Inutile
générale et est distribué à l'ensemble des tissus
d'un point de vue physiologique, les boissons
et organes. L'élimination de l'alcool absorbé est
alcooliques répondent pourtant à la définition des
principalement de type catabolique par oxydation
aliments proposée par J. Trémolières : elles sont
hépatique, sans possibilité de stockage.
nourrissantes, appétentes et coutumières. Dans les
L'éthanol non métabolisé est excrété, via le
sociétés judéo-chrétiennes, elles sont un élément
poumon dans l'air expiré (< 10 %, estimés par
important du bien-vivre et de la convivialité. Pour
l'éthylomètre), la sueur, les urines et même le lait
le nutritionniste l'alcool est un nutriment énergé-
maternel.
tique qui fournit 7,1 kcal/g et qui se distingue des
L'impact énergétique de l'alcool ou éthanol est
autres nutriments par bien des points :
ambigu et dépend du niveau de consommation
• il possède d'importants effets psychotropes
(fig. 33.1).
pouvant entraîner des altérations du jugement,
des troubles du comportement (ivresse) et une
perte de conscience (coma éthylique) lors d'une En cas de consommation
consommation excessive aiguë ; modérée et intermittente
• sa consommation chronique peut conduire à
une dépendance alcoolique imprévisible ; Le métabolisme se fait en trois étapes :
• son métabolisme est particulier dans la mesure • transformation de l'alcool en acétaldéhyde ;
où l'alcool qui n'est pas stocké dans l'organisme • transformation de l'acétaldéhyde en acétate ;
est transformé en composés toxiques (acétaldé- • incorporation de l'acétate dans le cycle de
hyde) avant d'être éliminé par voie respiratoire Krebs.
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ou urinaire ; Le catabolisme passe par la voie de l'alcool


• les métabolites de l'alcool produits en excès sont
Manueldenutritionpourlepatientdiabétique

déshydrogénase (ADH) conduisant à l'acétal-


toxiques notamment pour le foie et le système déhyde, substance très toxique, mais catabolisée
nerveux central et peuvent être à l'origine de via l'aldéhyde déshydrogénase en acétate. Ces
pathologies irréversibles ; deux enzymes ont pour coenzyme le nicotina-
• contrairement aux autres nutriments énergé- mide adénine dinucléotide+ (NAD+), qui pro-
tiques, la consommation d'alcool n'est ni indis- duit du NAD hydrogéné (NADH). L'acétate
pensable ni utile. Le pourcentage des apports en peut être transformé en acétyl-coenzyme A
nutriments énergétiques ne tient d'ailleurs jamais et peut conduire en raison d'une inhibition
compte de l'apport en alcool et est exprimé par de l'oxydation des acides gras à la lipogenèse
rapport à l'apport énergétique non alcoolique. hépatique ou en cas de jeûne à la production

345
Partie IV. Grandes questions et idées fausses

NAD+ NADH + H+ NAD+ NADH + H+

Alcool ADH Acétaldéhyde ALDH Acétate


(CH3–CH2–OH) (CH3–CH = 0) (CH3–COO–)
(mitochondrie)
NADP NADPH

MEOS
(microsome)

Catalase
(peroxysome)

H2O2 H2O
Figure 33.1. Voies métaboliques de l'alcool et mécanisme de la production de corps cétoniques
(βOH butyrate) à partir du métabolisme de l'alcool.
ADH : alcool déshydrogénase; ALDH : acétaldéhyde déshydrogénase.Source : Dali-Youcef N, Schlienger JL. Métabolisme
de l'alcool. EMC - Hépatologie 2015; 11(1) : 1-8 [7-005-C-10].

de corps cétoniques mais aussi, en cas d'effort, d'alcoolisation aiguë ou chronique importantes
à la fourniture d'énergie et à la production de (fig. 33.2) :
bicarbonates. Dans ces conditions, les produits • synthèse accrue de triglycérides hépatiques et
du métabolisme de l'alcool peuvent aboutir, de lipoprotéines de très basse densité du fait de
secondairement, par l'intermédiaire de la chaîne l'accumulation d'α-glycérophosphate ;
respiratoire, à la synthèse d'adénosine triphos- • excès de production de lactates favorisant l'hy-
phate (ATP). perlactacidémie et l'hyperuricémie ;
• inhibition de la néoglucogenèse pouvant
En cas de consommation importante induire des hypoglycémies sévères ;
• réduction de l'α-oxydation des acides gras favo-
D'autres voies métaboliques n'impliquant pas risant la stéatose hépatique ;
l'alcool déshydrogénase sont mises en œuvre : • interférence avec le métabolisme des amines
• la voie de la catalase conduit aussi à l'acétaldé- biogènes et des endorphines puisque les
hyde en présence de H2O2 (eau oxygénée) ; enzymes de dégradation de ces amines (nora-
• la voie du système d'oxydation microso- drénaline, dopamine, sérotonine, acide gamma-
mial de l'éthanol (ou MEOS) mise en œuvre aminobutyrique) sont les mêmes que celles
lorsque la consommation dépasse 30 g impliquées dans la dégradation de l'alcool.
conduit également à l'acétaldéhyde en pré-
sence de NADPH. Cette voie est activée par
la consommation répétée d'alcool. Elle n'est
pas couplée avec la chaîne respiratoire, et Pharmacocinétique de l'alcool
conduit donc à partir de l'éthanol à un gas-
pillage d'énergie sous forme de chaleur, sans L'alcoolémie dépend de la quantité d'alcool
synthèse d'ATP. Dans ces conditions, l'alcool absorbée, de la vitesse de consommation, de la
apporte des calories qualifiées de « vides », présence d'aliments dans l'estomac, de l'espace
sans aucun impact énergétique. de diffusion (70 % du poids corporel chez
La diminution du NAD+ due à l'oxydation l'homme et 60 % chez la femme), et de l'efficience
hépatique de l'alcool est à l'origine de plusieurs du métabolisme. La quantité d'alcool ingérée se
perturbations pouvant être conséquentes en cas calcule par la formule :

346
Chapitre 33. Consommation d'alcool et diabète

Alcool

Lactate
Consommation d’O2 Acidose
Hyperuricémie
Radicaux libres MEOS ADH NADH/NAD
Hypoglycémie
Stress oxydatif
Dyslipidémie
Stéatose hépatique

Peroxydation lipidique Acétaldéhyde

ALDH

Acétate

Plasmatique Cycle de Krebs

Figure 33.2. Effets métaboliques délétères de la consommation excessive d'alcool.


Source : Dali-Youcef N, Schlienger JL. Métabolisme de l'alcool. EMC - Hépatologie 2015; 11(1) : 1-8 [7-005-C-10].

Volume ingéré (mL) × degré alcoolique × 0,8 La teneur en alcool d'une boisson alcoolisée
(densité)/K × poids en kg. est exprimée par son degré alcoolique. Il corres-
K représente le coefficient de diffusion (0,6 chez pond au volume d'alcool par litre. Sa conversion
la femme et 0,7 chez l'homme). quantitative tient compte de la densité de l'alcool
Le taux d'élimination de l'alcool est de l'ordre (0,8) : volume en dL × (degré alcoolique × 0,8).
de 0,15 g/L/h avec des variations individuelles Ainsi, 1 litre de vin à 12 % apporte 96 g d'alcool.
notables. L'alcoolémie peut être mesurée directement
La courbe d'alcoolémie présente une phase (prise de sang) ou calculée grossièrement en fai-
ascendante avec un pic entre 15 et 90 minutes sant le rapport de la quantité ingérée sur le poids
après l'ingestion suivie d'une phase en plateau cor- corporel multiplié par 0,68 chez l'homme et
respondant à la distribution et enfin une phase de 0,55 chez la femme. D'un point de vue médico-
décroissance sur plusieurs heures (2 à 6 heures) légal, l'alcoolémie est estimée indirectement
correspondant au métabolisme hépatique et à l'éli- dans l'air expiré en utilisant la correspondance :
mination de l'alcool non oxydé. Le pic est d'autant 1 g d'alcoolémie (22 mmol/L) équivaut à 0,5 mg
plus tardif et plus élevé que la consommation a d'alcool par litre d'air expiré.
été plus importante. Le volume de distribution est
réduit en cas de compartiment hydrique restreint
comme chez les femmes et les personnes âgées qui Principales boissons
ont une masse maigre relativement moins impor- pourvoyeuses d'alcool
tante. À jeun, l'absorption de l'alcool est plus
rapide ce qui détermine un pic plus élevé. L'alcool L'alcool est obtenu à la suite de la fermentation
est absorbé plus lentement et son métabolisme lors d'hydrates de carbone ou d'un processus de dis-
du passage hépatique est plus rapide et efficace tillation. Il est apporté par diverses boissons.
s'il est consommé au cours d'un repas. Un repas Traditionnellement, chaque volume d'un verre
glucidique est associé à une alcoolémie moindre d'usage pour une boisson alcoolique donnée
qu'après un repas lipidique ou protéique. apporte environ 10 g d'alcool ce qui correspond

347
Partie IV. Grandes questions et idées fausses

couramment à une «unité » d'alcool. Ainsi un sujet présente une affection susceptible d'être
verre de vin à 12° (10 cL) apporte 12 × 0,8 = 9,6 g aggravée par l'alcool même à très faible dose.
d'alcool, que l'on arrondit à 10 g. Il en est de même La composition nutritionnelle des boissons
d'un verre de bière ou de cidre de 25 cl à 5° ou d'un alcooliques est variable selon le type de boisson. Le
verre de whisky de 2,5 cL à 45°. vin rouge et à un moindre degré le vin blanc et la
La tendance actuelle d'augmenter la teneur bière sont intéressants par leur teneur en polyphé-
alcoolique du vin (13°, voire davantage) et de nols. La bière est relativement riche en folates et en
la bière doit faire revoir ces valeurs à la hausse. vitamine B12 mais la problématique nutritionnelle
Il est remarquable de noter que les alcools forts est dominée par l'apport énergétique. Les boissons
obtenus par distillation ou le vin standard qui est fermentées contiennent peu de glucides à l'excep-
«sec » ne contiennent que très peu de glucides. tion des vins doux et des vins cuits. La teneur en
En revanche, la bière et les boissons alcooliques glucides des alcools forts est négligeable. Les bois-
moelleuses ou sucrées contiennent des quantités sons dites sans alcool (< 1 % d'alcool) comme la
non négligeables de sucres soit résiduels, c'est-à- bière sans alcool contiennent parfois davantage de
dire n'ayant pas subi une fermentation alcoolique glucides lorsque la technique fait appel à un blo-
complète, soit ajoutés dont il faut tenir compte lors cage de la fermentation (tableau 33.1).
de l'estimation de l'apport énergétique mais aussi L'enquête alimentaire ne doit pas omettre de
en tant qu'aliment hyperglycémiant (tableau 33.1). préciser le niveau de la consommation de bois-
Bien que l'alcool apporte des calories pouvant sons alcooliques. Une consommation régulière
participer à la couverture des besoins énergé- contribue à positiver la balance énergétique et peut
tiques, il n'est pas pris en compte dans les recom- favoriser une prise de poids. En revanche, en cas de
mandations nutritionnelles. Tout au plus fixe-t-on consommation très élevée c'est la voie du «gaspil-
arbitrairement la limite supérieure de consom- lage» énergétique (voie du MEOS) qui est emprun-
mation à 30 g d'alcool par jour chez l'homme et tée, expliquant l'amaigrissement des gros buveurs
à 20 g/j chez la femme en se fondant sur un seuil d'autant plus que leurs autres apports nutritionnels
d'apparition de complications pathologiques en sont souvent réduits et ce, indépendamment d'éven-
rapport avec la consommation d'alcool. En réalité, tuelles carences spécifiques ou de comorbidités.
il n'existe pas de seuil validé car la relation entre
alcool et maladies se fait selon un continuum. Une
autre façon d'exprimer la quantité tolérable est de Alcool et santé
limiter la consommation à 5 % de la ration énergé-
tique totale ce qui représente environ 1,5 unité de Au regard des connaissances actuelles et dans
boisson alcoolique chez une femme et deux verres un climat de santé publique quelque peu liberti-
chez un homme. Il va de soi que l'éviction de toute cide, l'alcool pourrait être considéré comme une
boisson alcoolique est indispensable dès lors qu'un drogue parmi d'autres générant une dépendance

Tableau 33.1. Apport énergétique et teneur en sucre des boissons alcooliques d'usage.

boisson Apport calorique/100 mL Teneur en sucre Portion d'usage cL


(g/100 mL)
Bière 45 4 33
Bière sans alcool 20 4-6 33
Cidre brut 45 3-5 25
Vin rouge, blanc, rosé 80 0 12
Vin cuit, porto 120 10 8
Vins doux 150 20 8
Gin, whisky, vodka 240 0 4
Rhum, cognac, armagnac, eau-de-vie 300 0 2,5

348
Chapitre 33. Consommation d'alcool et diabète

chez certains sujets ayant une susceptibilité par- gène parce qu'il perturbe les facultés de jugement
ticulière (génétique, socioculturelle, fragilité et les réflexes. Il peut entraîner une addiction
psychologique…). En fait l'alcool a des effets sys- avec accoutumance et dépendance (symptômes
témiques paradoxaux. Toxique, facteur indiscu- de sevrage à l'arrêt). Indépendamment des effets
table de surmortalité lorsqu'il est consommé en liés à la dépendance, de très nombreuses affec-
excès, il est aussi reconnu à la suite de nombreuses tions aiguës ou chroniques sont imputables à un
études épidémiologiques aux résultats conver- excès de consommation d'alcool. Une consomma-
gents comme un facteur susceptible de réduire la tion excessive favorise la production de radicaux
mortalité globale Ŕ tout particulièrement corona- libres et crée un stress oxydant. Même à dose
rienne Ŕ lorsqu'il est consommé régulièrement et faible l'alcool peut être un promoteur de la can-
avec modération. En plus des lésions tissulaires cérogenèse et un agent mutagène, notamment en
parfois caricaturales qu'il peut induire (cirrhose, association à d'autres toxiques comme le tabac. Le
pancréatite, neuropathies et atteintes cérébrales), seuil pathogène est mal connu du fait de grandes
l'alcool a également des effets métaboliques assez variations individuelles. Aussi la consommation
mal connus et encore discutés. d'alcool doit-elle être proscrite dans un certain
nombre de situations bien tranchées :
Effets potentiellement bénéfiques • chez la femme enceinte dès le début de la
conception en raison d'un effet tératogène bien
d'une consommation modérée démontré. Par extension la consommation doit
et régulière être très limitée chez toute femme susceptible
La consommation modérée et régulière de bois- d'être enceinte ;
sons alcooliques au cours des repas avec une • chez les enfants et les adolescents ;
alimentation variée et une activité physique régu- • chez les conducteurs de machine ou de véhicule
lière est associée à une diminution de l'incidence parce que le temps de réponse réflexe est aug-
des maladies coronariennes, du diabète de type menté dès le seuil de 0,16 g/litre de sang ;
2 (DT2) et du déclin cognitif lié à l'âge sans qu'il • chez les sujets ayant présenté une addic-
soit possible d'affirmer une relation de causalité. tion quelconque ou chez les anciens buveurs
D'ailleurs, la consommation de vin rouge fait par- excessifs ;
tie du régime méditerranéen considéré comme le • chez les sujets hypertendus traités ou non car
modèle alimentaire le mieux à même de réduire l'alcool peut être hypertensiogène même à dose
l'incidence les maladies cardiométaboliques et les faible ;
autres maladies chroniques. Ces effets bénéfiques • lors de toutes les maladies induites par la
s'expliqueraient, en partie au moins, par ; consommation d'alcool ou susceptibles d'être
• la capacité de l'alcool à augmenter le HDL- aggravées par celle-ci : maladies digestives,
cholestérol ce qui expliquerait l'effet cardiovas- stéatose et cirrhose hépatiques, pancréatite
culaire bénéfique ; chronique, maladies cardiovasculaires, mala-
• l'amélioration de la sensibilité à l'insuline qui pour- dies neuropsychiatriques, cancers, certaines
rait expliquer la réduction du risque de diabète; dermatopathies comme le psoriasis et d'une
• la forte teneur du vin rouge en polyphénols aux façon générale toutes les maladies évolutives de
propriétés antioxydantes ; quelque sévérité.
• la modification du microbiote intestinal qui
augmenterait la disponibilité des polyphénols.
Alcool et maladies métaboliques
Effets délétères
de la consommation Sa consommation régulière a été associée à la pré-
excessive d'alcool vention du diabète de type 2 mais aussi à la surve-
nue d'hypoglycémie ou de désordres glycémiques
L'alcool est un psychotrope qui modifie l'humeur chez le sujet sain et chez le sujet diabétique. Les
(euphorie, dépression, agressivité) et le compor- données expérimentales ne pouvant pas être
tement (violence, désinhibition). Il est accidento- extrapolées à l'homme et les facteurs de confusion

349
Partie IV. Grandes questions et idées fausses

étant trop nombreux, il n'est pas facile de tenir un redouter chez un diabétique ayant une alimenta-
discours sans ambiguïté quant à la relation entre tion équilibrée suffisante et une consommation
alcool et métabolisme glucosé. alcoolique modérée. L'alcool ne majore pas l'effet
hypoglycémiant des sulfonylurées.
Alcool et glycémie
Les effets de l'alcool sur la glycémie dépendent des Quid de l'effet hyperglycémiant
conditions de consommation. Chez un sujet en de l'alcool ?
bonne santé il n'y a guère de répercussions lorsque Les résultats rapportés dans la littérature sont
la consommation est modérée et au cours d'un contradictoires. L'ingestion aiguë d'alcool ne
repas. Chez un sujet en bonne santé et en bon état semble pas véritablement hyperglycémiante
nutritionnel elle n'a pas de conséquence mesurable même si, expérimentalement, l'alcool en excès sti-
sur la glycémie lors du jeûne nocturne. Selon une mule la glycogénolyse et inhibe la mise en réserve
méta-analyse récente la consommation de 10 à 70 g du glycogène hépatique chez un animal nourri.
d'alcool/j (1 à 7 verres standards de vin ou de bière)
n'entraîne pas de perturbation glycémique chez le Effet sur l'utilisation glucosée
sujet non diabétique. En revanche, la consomma- L'étude des effets de l'alcool sur le métabolisme
tion aiguë d'alcool peut déclencher une hypogly- glucosé musculaire et des autres tissus ne fournit
cémie sévère chez un buveur excessif dénutri ou pas de résultats univoques. Les données sont par-
ayant une insuffisance hépatocellulaire. Quant à fois contradictoires et variables selon l'espèce et
l'effet hyperglycémiant des boissons alcoolisées les modalités d'administration de l'alcool. Dans
non sucrées il s'agit d'une fausse idée reçue. Un certaines études, l'alcool augmente la captation
sujet diabétique peut consommer un verre de bois- musculaire du glucose, dans d'autres il l'inhibe.
son alcoolique durant le repas sans conséquence Néanmoins, on admet qu'une consommation chro-
sur l'équilibre glycémique sous réserve qu'il n'existe nique modérée n'a pas de conséquences significa-
pas de contre-indication par ailleurs. tives sur le métabolisme glucosé périphérique. De
fait, la teneur en glycogène musculaire n'est dimi-
Hypoglycémie alcoolo-induite nuée que dans les modèles d'alcoolisation aiguë,
L'hypoglycémie induite par l'alcool est une com- bien que l'alcool soit un inhibiteur de la libération
plication redoutable survenant habituellement du glycogène musculaire. Par ailleurs, l'alcool ne
dans un contexte de jeûne prolongé et à l'occa- modifie pas la captation glucosée du myocarde ou
sion d'une consommation excessive. Elle est la du tissu adipeux et n'a pas d'effets métaboliques
conséquence de l'inhibition de la néoglucoge- sur les autres tissus périphériques. L'alcoolisation
nèse. Expérimentalement, l'alcool augmente la aiguë diminue la captation cérébrale du glucose
libération des lactates musculaires et empêche et la consommation glucosée cérébrale ainsi qu'en
l'utilisation hépatique des lactates ce qui explique atteste l'imagerie par PET-scan.
l'hyperlactacidémie observée chez les sujets Effets sur la tolérance glucosée
ayant ingéré de grandes quantités d'alcool à jeun.
L'alcool inhibe également la synthèse de glucose La diminution modérée de la vitesse de la vidange
de novo à partir du glycérol et de l'alanine mais gastrique et un possible impact de l'alcool sur la
n'a pas d'effet sur la néoglucogenèse à partir du sécrétion des incrétines pourraient contribuer à
pyruvate. L'inhibition de la néoglucogenèse est améliorer la tolérance au glucose. Les effets décrits
liée au métabolisme oxydatif de l'alcool par l'al- sont modestes et parfois contradictoires. Un effet
cool déshydrogénase qui élève le rapport NADH/ dose-réponse selon une courbe en U ou en J a été
NAD et, de ce fait, le rapport pyruvate/lactate. Par proposé pour expliquer les constatations discor-
ailleurs l'alcool réduit l'activité de la pyruvate car- dantes : un apport élevé n'aurait pas de répercus-
boxylase, enzyme limitante de la néoglucogenèse. sions mesurables alors qu'un apport modéré et
Dans les modèles de consommation chronique régulier améliorerait la tolérance glucosée. Cette
la capacité de néoglucogenèse n'est que modéré- vision conciliatrice est corroborée par les études
ment réduite. Cette complication n'est donc pas à de population rapportant une amélioration de la

350
Chapitre 33. Consommation d'alcool et diabète

tolérance au glucose et de la sensibilité à l'insuline gras libres (AGL) dont l'oxydation est dimi-
chez les consommateurs modérés et réguliers par nuée en présence d'un excès de NAD qui agit
rapport aux abstinents. Les effets délétères sur la comme un inhibiteur du cycle de Krebs. Il en
tolérance glucosée d'une consommation exces- résulte une cétogenèse à partir de l'acétoacétate
sive chronique sans hépatopathie seraient dus à provenant de l'alcool et des AGL, puis une aci-
l'un des métabolites de l'alcool plutôt qu'à l'alcool dose. L'acidocétose alcoolique est associée à une
lui-même. diminution de la sécrétion d'insuline et à une
élévation des hormones de la contre-régulation.
Effets sur l'insulinémie
Exceptionnellement et dans des conditions nutri-
et la sécrétion d'insuline
tionnelles précaires comportant notamment une
In vitro, l'alcool inhibe la phase précoce et la phase carence vitaminique B, l'ingestion excessive d'al-
tardive de l'insulinosécrétion. Il en est de même cool peut également se compliquer d'une acidose
pour son métabolite l'acétaldéhyde. Cet effet médié lactique.
par l'activation de la protéine kinase C (PKC) est
indépendant des canaux calciques. En réalité, ni
l'ingestion aiguë, ni la perfusion d'alcool, ni l'inges- Alcool et diabète
tion chronique d'alcool ne modifient l'insulinémie L'ensemble des données colligées dans des condi-
de façon univoque et tangible dans les différents tions expérimentales chez l'animal ou chez
modèles animaux. Chez l'homme, les modifications l'homme sain s'avère d'interprétation délicate.
observées sont d'interprétation difficile. Des études
L'impression globale était qu'une consommation
par glucose clamp ont suggéré que l'alcool potentia-
aiguë ou chronique pouvait contrarier l'utilisa-
lise la phase précoce et la phase tardive de la sécrétion
tion optimale du glucose par l'organisme et qu'elle
d'insuline et stimule la riposte d'insuline au stimu-
pouvait supprimer la production hépatique de
lus glucosé mais inhibe la stimulation de l'insuline glucose exacerbant à la fois le risque d'intolé-
par les sulfamides. En l'occurrence les effets in vitro rance au glucose ou de diabète et d'hypoglycémie
et in vivo sont très contradictoires et leur extrapola-
selon les circonstances nutritionnelles. En réalité
tion à l'homme pour le moins hasardeuse.
les études épidémiologiques ont fourni de façon
Impact de l'alcool sur l'action de l'insuline assez consensuelle des indications rassurantes. Si
une consommation massive ou excessive d'alcool
L'intoxication alcoolique aiguë expérimentale est
(> 60 g/j chez l'homme ou > 50 g/j chez la femme)
responsable d'une résistance à l'insuline dose-
a des effets systémiques et métaboliques délé-
dépendante. Cette insulinorésistance est à la
tères, une consommation modérée et régulière
fois hépatique et musculaire. Son mécanisme est
(< 30 g/j chez l'homme et < 20 g/j chez la femme)
encore discuté mais il impliquerait une diminu-
ne semble pas avoir de conséquences significa-
tion de la translocation du transporteur GLUT4.
tives sur l'équilibre glycémique, notamment sur
Au niveau du tissu adipeux, elle se manifeste par
la glycémie postprandiale. Il n'y a donc pas lieu
une moindre suppression de la lipolyse par l'insu-
de prohiber la consommation de boissons alcoo-
line. Chez l'homme, l'insulinorésistance globale
liques non sucrées chez un diabétique pourvu
et hépatique a été retrouvée lors de la réalisa-
que l'ingestion se fasse au cours d'un repas et qu'il
tion d'un clamp euglycémique hyperinsulinique
n'existe pas de comorbidités ou de complications
comme le suggère la réduction du débit glucosé
susceptibles d'être aggravées par l'alcool comme
nécessaire au maintien de la glycémie.
par exemple une neuropathie périphérique ou
une stéatose ou une stéatohépatite dites non
Acidocétose alcoolique alcooliques (tableau 33.2). Ces recommandations
L'acidocétose alcoolique est une complication rare et ces restrictions sont les mêmes que chez un
observée après une consommation massive dans sujet non diabétique. Le bilan nutritionnel doit
un contexte d'éthylisme chronique. Elle survient à prendre en compte l'apport énergétique lié à une
la suite d'un épuisement des réserves glycogéniques consommation modérée d'alcool dans l'optique
après un jeûne ou des vomissements. Les triglycé- d'une gestion pondérale optimale souvent néces-
rides du tissu adipeux sont hydrolysés en acides saire dans le DT2.

351
Partie IV. Grandes questions et idées fausses

Tableau 33.2. Contre-indications (CI) absolues occasionnelles ne peuvent être encouragées mais
ou relatives à la consommation de boissons exposent peu au risque d'hypoglycémie.
alcooliques en cas de diabète. Compte tenu des effets favorables sur la pré-
vention du risque coronarien et sur la mortalité
CI absolues CI relatives globale observés dans les populations de consom-
Enfance et adolescence Conduite de machine ou mateurs réguliers par rapport aux abstinents,
Grossesse de véhicule des recommandations précises sont difficiles à
Antécédents de sevrage Période formuler chez les sujets diabétiques tout comme
alcoolique périconceptionnelle dans la population générale.
Addictions Antécédents familiaux La consommation régulière d'alcool expose-t-elle
d'alcoolisme à un surrisque de diabète ?
Comorbidités :
Diabète instable Non ! Elle est même associée à une réduction
Ŕ stéatose ou
stéatohépatite Surpoids de l'incidence du DT2 de l'ordre de 25 % dans
Ŕ pancréatite les études observationnelles. L'effet préventif est
Ŕ neuropathie diabétique
plus constant et plus marqué chez la femme que
chez l'homme. On admet à présent qu'il existe
Consommation
de médicaments
une relation selon une courbe en U ou en J entre
incompatibles la consommation d'alcool et l'insulinémie ou la
sensibilité à l'insuline. En pratique, il n'y a guère à
attendre d'une abstinence chez les sujets à risque
En pratique et hormis ces réserves de bon sens de diabète, bien au contraire.
il n'y a pas lieu d'imposer l'abstinence alcoo-
lique du seul fait de l'existence d'un diabète.
Si la consommation « culturelle » et «sociale » Conclusion
modérée et régulière doit être évaluée systéma-
tiquement afin de corriger d'éventuelles dérives, La consommation modérée et régulière d'une
il n'y a pas à la dramatiser puisqu'elle n'interfère boisson alcoolisée non sucrée chez un sujet en bon
ni avec l'équilibre glycémique ni avec l'efficacité état nutritionnel n'a pas d'effets significatifs sur le
des médicaments. Il importe de mettre en garde métabolisme glucosé. Un diabétique peut consom-
contre les excès aigus occasionnels ou chroniques mer des boissons alcoolisées non sucrées dans les
qui sont potentiellement générateurs de complica- mêmes conditions qu'un sujet indemne de diabète
tions métaboliques aiguës comme l'hypoglycémie (< de 30 g/j chez les hommes et < de 20 g/j chez
ou l'acidocétose à glycémie normale (ou presque) les femmes, exclusivement au cours d'un repas) et
ou l'exceptionnelle acidose lactique. Outre les en tenant compte des mêmes contre-indications
conséquences accidentogènes, les méfaits neuro- (grossesse, antécédents de dépendance, sevrage
psychiatriques et les lésions tissulaires auxquels alcoolique, comorbidité influencée par la prise
expose une consommation excessive aiguë ou d'alcool…). En revanche, les excès aigus ou chro-
chronique, il convient de ne pas omettre le risque niques exposent à un accroissement du risque
d'hypoglycémie grave notamment chez les diabé- d'hypoglycémie et, exceptionnellement, d'acidose
tiques dénutris ou en situation de jeûne a fortiori lactique et d'acidocétose alcoolique à glycémie
lorsqu'ils sont sous traitement hypoglycémiant normale ou élevée.
(sulfamides ou insuline). Les libations festives

352
La stéatose hépatique : CHAPITRE
34
complication du
diabète ou association ?
J.-L. Schlienger

PLAN DU CHAPITRE correspond à une stéatose pure du tissu hépa-


Définitions 353 tique sans inflammation ni fibrose ;
Épidémiologie 353 • la stéatohépatite non alcoolique (nonalcoholic
Physiopathologie : l'insulinorésistance en première steatohepatitis ou NASH) où la stéatose s'ac-
ligne 354
compagne d'une inflammation du tissu hépa-
Diagnostic 355
tique, avec ou sans fibrose.
Évolution de la maladie 355
La stéatose hépatique simple est une hépatopa-
Signification de la stéatohépatite 355
thie bénigne alors que la stéatohépatite est à consi-
Traitement 355
dérer comme une hépatopathie potentiellement
Conclusion 358
grave. Seul l'examen histologique permet de faire
la distinction entre ces deux formes, le dosage
La stéatose hépatique non alcoolique et la stéato- des enzymes hépatiques et l'imagerie n'étant pas
hépatite non alcoolique sont devenues les affec- suffisamment discriminants. Par ailleurs le dia-
tions hépatiques les plus fréquentes dans les pays gnostic de stéatose alcoolique, longtemps la forme
développés, tout particulièrement chez les sujets la plus fréquente de stéatose, ne peut se faire que
présentant une insulinorésistance ou des manifes- sur des données (souvent peu fiables) d'interro-
tations évocatrices d'un syndrome métabolique. gatoire. Le diagnostic de NAFLD ou de NASH
Des données épidémiologiques récentes soulignent ne peut donc être retenu que chez les sujets dont
la grande fréquence de la stéatose hépatique chez la consommation alcoolique est ou était < 30 g/j
les sujets diabétiques de type 2 même en l'absence chez les hommes ou < 20 g/j chez les femmes.
d'obésité abdominale caractérisée. L'évolution de la L'origine métabolique (syndrome métabolique)
stéatose vers la stéatohépatite favorise l'installation de la stéatose non alcoolique est de loin la plus
d'une fibrose hépatique pouvant se compliquer par fréquente mais d'autres causes sont possibles :
une cirrhose et/ou un hépatocarcinome. Le diagnos- virales, médicamenteuses, déficits enzymatiques
tic précoce est souhaitable afin de mettre en place des congénitaux…
mesures thérapeutiques principalement nutrition-
nelles visant à limiter l'insulinorésistance qui semble
être le mécanisme physiopathologique prépondé-
rant. La stéatose précède souvent le diabète de type 2. Épidémiologie
©2018,ElsevierMassonSAS.Tousdroitsréservés

La prévalence exacte de la stéatose non alcoolique


Manueldenutritionpourlepatientdiabétique

Définitions et de la stéatohépatite non alcoolique est difficile


à préciser car elle dépend beaucoup des moyens
diagnostiques mis en œuvre. D'identification
La stéatose hépatique est définie par l'accumu- relativement récente elle en pleine expansion à
lation de lipides dans le foie avec une dégéné- l'échelle mondiale et accompagne « l'épidémie »
rescence graisseuse d'au moins 5 % des cellules de syndrome métabolique. Sa prévalence estimée
hépatiques. On distingue : est de l'ordre de 20 à 30 % en Europe. Elle est
• la stéatose hépatique dite non alcoolique plus de 2 fois plus fréquente en cas de syndrome
(nonalcoholic fatty liver disease ou NAFLD) métabolique et concernerait 65 à 75 % des sujets

353
Partie IV. Grandes questions et idées fausses

ayant un DT2 selon certaines données épidémio- inhibition insuffisante de la lipase hormonosen-
logiques récentes. Dans plus de la moitié des cas sible) et à une synthèse de novo accrue. Ces deux
la stéatose est une stéatohépatite. Les principaux derniers phénomènes sont favorisés par l'insuli-
facteurs de risque sont les états d'insulinorésis- norésistance périphérique. L'afflux des AGL dans
tance (obésité viscérale, syndrome métabolique, le foie déclenche une cascade métabolique avec
DT2), le surpoids, l'hypertriglycéridémie et les hyperproduction d'acyl- et d'acétyl-coenzyme A
antécédents familiaux de stéatose. et de malonyl-coenzyme A, substrats de la syn-
thèse des triglycérides par la voie de la lipogenèse
intra-hépatique favorisée par l'augmentation de la
Physiopathologie : concentration d'insuline via un facteur de trans-
cription (SREBP1c).
l'insulinorésistance en première Les dépôts ectopiques de lipides dans le foie
ligne s'accompagnent d'une insulinorésistance hépa-
tique avec une augmentation de la néoglucoge-
La stéatose hépatique non alcoolique est la consé- nèse hépatique, une diminution de la synthèse
quence d'un ensemble de facteurs métaboliques de glycogène et une altération de la signalisation
liés à l'insulinorésistance auxquels s'ajoute la par- moléculaire de l'insuline.
ticipation de facteurs moléculaires profibrotiques À ce mécanisme principal s'ajoute celui de la
(fig. 34.1). Les données épidémiologiques incitent lipotoxicité des AGL. Les troubles de l'oxydation
à considérer la stéatose non alcoolique comme des AG dus au stress oxydant mitochondrial et l'ac-
une manifestation phénotypique de l'insulinoré- cumulation des lipides dans les cellules de Kupffer
sistance. Il est admis que la dégénérescence grais- déterminent un stress du réticulum endoplas-
seuse initiale des hépatocytes est la conséquence mique et une activation de facteurs inflammatoires
d'un afflux d'acides gras libres (AGL) secondaire comme NF-κB qui aggravent l'insulinorésistance
à un apport alimentaire excessif, à une lipolyse hépatique et induisent la production de cytokines
accentuée au niveau du tissu adipeux (du fait d'une pro-inflammatoires (TNFα, IL-6) majorant la

Syndrome
métabolique  Cytokines et
adipokines pro-
inflammatoires
Activation  Stress oxydant
Insulino-
d’interactions  Apoptose
résistance  Surexpression
récepteurs toll-
like

Foie Inflammation
normal

Stéatose Stéatohépatite
Cirrhose
NAFLD NASH

Hépatokines Risque
AGL
cardiovasculaires
Lipotoxicité

Figure 34.1. Relations entre l'insulinorésistance, le syndrome métabolique, l'inflammation


et la stéatohépatite d'une part et les complications cardiovasculaires d'autre part.

354
Chapitre 34. La stéatose hépatique : complication du diabète ou association ?

dégénérescence des hépatocytes et pouvant être à stéatose de la stéatohépatite. En cas de doute, la


l'origine d'une mort cellulaire programmée (apop- présence d'une fibrose peut être précisée par la
tose). Cette dernière entretient l'inflammation réalisation d'un fibroscan.
chronique du parenchyme hépatique.
Par ailleurs, le foie stéatosique est capable de
sécréter des hépatokines comme la fétuine A qui
se lie aux récepteurs toll-like (TL-R4) qui contri-
Évolution de la maladie
buent à l'insulinorésistance. Les conditions d'évolution d'une stéatose bénigne
La fibrose secondaire est un processus d'origine
vers une stéatohépatite, d'une dégénérescence
multifactoriel impliquant divers facteurs intra- et
graisseuse des hépatocytes vers une NASH, de
extrahépatiques tels que les cellules de Kupffer
même que l'évolution d'une NASH vers la fibrose
et les facteurs de croissance dont l'activation
ou la cirrhose, ne sont pas connues avec certitude
est médiée par l'insulinorésistance. La dysbiose
par manque de données observationnelles lon-
intestinale si fréquente dans le syndrome méta-
gitudinales. Quoi qu'il en soit, la NASH est une
bolique et le diabète de type 2 et les adipokines
affection hépatique dite «avancée » puisque plus
sécrétées par le tissu adipeux viscéral participent
de 10 % des sujets présentent déjà une cirrhose au
au processus fibrotique.
moment du diagnostic. L'activité inflammatoire
appréciée à l'histologie est un facteur péjoratif de

Diagnostic
progression vers la fibrose.

En pratique, le diagnostic est souvent réalisé


devant une élévation des transaminases sériques
Signification de la stéatohépatite
ou chez des sujets à risque d'insulinorésistance Considérée le plus souvent comme une consé-
présentant une obésité viscérale, un syndrome
quence de l'insulinorésistance, la dégénérescence
métabolique, un diabète de type 2, une dyslipidé-
graisseuse des hépatocytes constitue également
mie avec hypertriglycéridémie ou un syndrome
un facteur favorisant de l'insulinorésistance péri-
des ovaires polykystiques. Toutefois le diagnostic
phérique. Certaines données épidémiologiques
ne repose pas sur le dosage des transaminases qui
suggèrent même que la NASH ne serait pas secon-
ont une faible valeur prédictive mais sur l'écho-
daire mais précéderait dans certains cas le syn-
graphie hépatique dont la sensibilité est de 85 % et
drome métabolique ou le diabète de type 2.
la spécificité de 94 % par rapport à l'examen his-
Par ailleurs, la présence d'une stéatose dans le
tologique qui est l'examen de référence. La grande
diabète de type 2 multiplie par un facteur 2 la
valeur de la biopsie hépatique tient au fait qu'elle
mortalité totale et cardiovasculaire par rapport
est capable de mettre en évidence la stéatose,
aux sujets atteints de diabète de type 2 indemnes
les lésions hépatocytaires, l'inflammation et la
de stéatose. Dans le diabète de type 2, la stéatose
fibrose. Elle contribue au diagnostic différentiel et
a été associée à un risque plus élevé de fibrillation
permet de préciser un score d'évolutivité prenant
auriculaire, d'insuffisance cardiaque, de dysfonc-
en compte l'intensité de la stéatose, la ballonisa-
tion diastolique et de troubles de la perfusion
tion des hépatocytes, l'activité inflammatoire et
myocardique (fig. 34.1).
la fibrose. Toutefois dans les formes communes, il
Un score a été établi pour préciser le niveau de
est de règle de différer la biopsie de quelques mois
risque de présenter une NASH (tableau 34.1).
pendant lesquels il est demandé au sujet de perdre
du poids. La perte de poids est souvent associée

Traitement
à une nette régression de la stéatose visible sur
l'échographie de contrôle. D'autres examens
d'imagerie comme la tomodensitométrie (TDM)
et l'imagerie en résonance magnétique nucléaire Qu'elle soit banale ou avérée la stéatose non
(IRM) peuvent révéler la stéatose lorsqu'elle est alcoolique liée à l'insulinorésistance mérite d'être
> 20 % mais ne permettent pas de distinguer la diagnostiquée afin de proposer une stratégie

355
Partie IV. Grandes questions et idées fausses

Tableau 34.1. Score de risque aussi bien chez l'adulte que chez l'enfant. Deux
de la stéatohépatite (NASH). études systématiques récentes soulignent que la
réduction pondérale de plus de 5 % est associée
Facteur Points Score à une diminution 10 à 80 % de la teneur lipi-
HTA 1 dique du foie, des transaminases et d'autres
marqueurs de lipotoxicité. La diminution de
Diabète de 1
type 2 l'inflammation et de la progression de la NASH
nécessite une perte de poids de plus de 10 %.
Transaminases 1
L'amélioration de la stéatose est proportionnelle
ASAT > 27 UI/L à la perte de poids.
Transaminases 1 Dans une étude d'intervention menée pendant
ALAT > 27 UI/L 48 semaines avec la réalisation d'une biopsie
Apnées du 1 hépatique avant et après, les signes histologiques
sommeil d'inflammation et la ballonisation des hépa-
tocytes avaient régressé de façon significative
Type caucasien 2
lorsque la perte de poids atteignait 7 %. Chez les
Risque de NASH 0Ŕ2 points = faible enfants porteurs d'une NAFLD une modification
3Ŕ4 points = moyen du style de vie aboutit également à une améliora-
5 = élevé tion au bout de 2 ans.
D'après: Pulzi FB, Cisternas R, Melo MR, Ribeiro CM, Malheiros CA, Le type de régime hypocalorique à privilé-
Salles JE. New clinical score to diagnose nonalcoholic steatohepatitis in gier en cas de stéatose est encore discuté. Dans
obese patients. Diabetol Metab Syndr 2011; 3(1) : 3. certaines études les régimes hypoglucidiques et
hypolipidiques avaient des effets comparables sur
thérapeutique adaptée en raison du risque d'évo- l'amélioration des transaminases, l'obésité vis-
lutivité de l'affection hépatique et en raison de cérale et la sensibilité à l'insuline. Dans d'autres
son association avec l'augmentation du risque études la restriction en glucides était plus béné-
cardiovasculaire. fique que la restriction en graisses. En fait, la
restriction glucidique s'avère particulièrement
Diététique : traitement bénéfique lorsque la stéatose s'est installée dans
de référence un contexte d'apports glucidiques excessifs. La
comparaison d'un régime diabétique dit «stan-
En l'absence d'autre traitement spécifique, la dard » (60 % de glucides, 20 % de lipides), d'un
stratégie consiste à traiter les maladies associées régime à index glycémique bas (50 à 55 % de glu-
de façon à prévenir l'évolution vers une cirrhose. cides et 30 % de lipides) et d'un régime de type
L'objectif est d'obtenir une modification du style méditerranéen (35 % de glucides à faible index
de vie pour obtenir une amélioration de la sensi- glycémique, 45 % de graisses monoinsaturées)
bilité à l'insuline moyennant une perte pondérale montre que les transaminases diminuent dans
progressive de 5 à 10 % ce qui est habituellement les trois groupes mais davantage dans le groupe
suffisant pour améliorer les lésions histologiques «régime méditerranéen ».
et les enzymes hépatiques mais pas la fibrose.
Restrictions diététiques
Restriction calorique plus spécifiques
À ce jour, le traitement de choix de la NAFLD et Alcool
de la NASH est donc nutritionnel. L'objectif est
d'obtenir une réduction du poids et de l'obésité C'est un nutriment clairement associé à la patho-
viscérale à l'aide d'une prescription diététique génie de la stéatose de par son métabolisme hépa-
fondée sur une réduction des apports énergé- tique. La limitation de la consommation d'alcool à
tiques d'environ 25 % et la lutte contre l'inacti- < 20 g/j, voire son exclusion complète, est un pré-
vité. Les recommandations nord-américaines et alable à toute prise en charge de la stéatose quelle
européennes mettent cette stratégie en exergue qu'en soit l'origine.

356
Chapitre 34. La stéatose hépatique : complication du diabète ou association ?

Fructose risque de stéatose de façon inégale ce qui inter-


C'est un monosaccharide de plus en plus utilisé pelle quant à l'impact des différents acides gras et
comme édulcorants sous forme d'isoglucose ou quant au rôle de l'environnement alimentaire.
de glucose-fructose (high fructose corn syrup Les acides gras polyinsaturés trans sont pro-
HFCS à 45 ou 55 % de fructose) dans divers ali- duits par l'hydrogénation partielle d'huiles et de
ments transformés et les sodas. La consommation graisses présentes dans les aliments transformés.
de ce sucre à index glycémique bas participe à la Ils favorisent l'installation d'une stéatose et d'une
pathogénie de la stéatose et favorise le dévelop- insulinorésistance. En France, leur consomma-
pement de l'insulinorésistance. Elle est en forte tion reste relativement limitée.
augmentation dans les sociétés industrielles.
Aux États-Unis la consommation de fructose est Mesures complémentaires
passée de 25 g/j dans les années 1970 à plus de
50 g/j au début des années 2000. Dans une étude Au régime modérément hypocalorique associé
de cohorte, la consommation de boissons sucrées à une activité physique régulière qui permettent
apparaît comme un prédicteur indépendant de d'espérer une franche amélioration de la stéatose à
la stéatose. Dans un essai randomisé, la consom- 6 mois, il convient d'associer des mesures complé-
mation de sodas est associée à un accroissement mentaires de prévention cardiovasculaire compte
de la teneur lipidique hépatique par rapport à la tenu de l'association de la stéatose avec l'augmen-
consommation isocalorique et isovolumique de tation du risque cardiovasculaire. Par ailleurs,
lait. selon le niveau de risque, l'existence d'une stéatose
L'impact du fructose sur l'accumulation de n'est pas une contre-indication à l'utilisation des
lipides dans le foie tient à son métabolisme par- statines sous couvert d'une surveillance pério-
ticulier. Contrairement au glucose, il ne peut être dique des transaminases.
stocké. Son métabolisme, insulino-indépendant, La performance de la perte de poids est telle que
shunte les deux enzymes (glucokinase et phospho- la présence d'une stéatose avérée est devenue l'un
fructokinase) qui régulent l'afflux de substrat des éléments de discussion quant à l'opportunité
vers les mitochondries hépatiques. Le fructose est d'un geste de chirurgie bariatrique en cas d'obésité
métabolisé directement en fructose-1-phosphate sévère (bien que ce critère ne soit pas repris dans
puis en pyruvate et en acétyl-coenzyme A qui les recommandations officielles). Techniquement,
est secondairement carboxylé en malonyl- l'abord laparoscopique peut être gêné par l'impor-
coenzyme A. Cette molécule favorise la syn- tance de l'hypertrophie hépatique. Le bénéfice est
thèse des acides gras et inhibe la bêta-oxydation. rapidement tangible en postopératoire tant en
Le fructose réduit l'oxydation lipidique. Une ali- ce qui concerne l'amélioration de la stéatose que
mentation riche en fructose est associée à une celle de l'inflammation de bas grade qui l'accom-
hypertriglycéridémie postprandiale et à une insu- pagne souvent.
linorésistance plus marquée comparativement à
une alimentation isocalorique pauvre en fructose. Approche médicamenteuse
Par ailleurs, la consommation de fructose semble
être profibrosante, notamment chez les sujets La difficulté de maintenir les modifications com-
âgés. Elle est associée à l'inflammation, à la bal- portementales au long cours qui sont la base du
lonisation des hépatocytes et à la progression des traitement non médicamenteux, a conduit à envi-
lésions hépatiques. sager d'autres solutions chez les sujets ayant un
stade avancé de NASH avec fibrose. Les insulino-
Part des lipides
sensibilisateurs sont théoriquement intéressants.
Il est souhaitable d'assurer un bon rapport acides Les plus actifs comme les glitazones (rosiglitazone
gras ω6/acides gras ω3. L'augmentation des et pioglitazone retirées du marché français) ont
apports en acides gras ω3 par des supplémenta- fait la preuve de leur efficacité sur la dégénéres-
tions ou par une modification de l'alimentation cence graisseuse et sur les transaminases mais
(poisson, noix et graines) a permis d'améliorer la non sur la fibrose. La metformine entraîne une
stéatose. L'alimentation hyperlipidique accroît le diminution modérée des transaminases et une

357
Partie IV. Grandes questions et idées fausses

amélioration de l'imagerie sans amélioration (diabète, dyslipidémie). Cette stratégie a pour but
significative des lésions inflammatoires et de la de prévenir l'évolution des lésions hépatiques vers
fibrose. Il reste que dans le cadre du diabète de la cirrhose et les complications cardiovasculaires
type 2, la metformine a bien un effet positif sur la associées de façon non fortuites.
stéatose et ses marqueurs plasmatiques. Ce béné-
fice disparaît toutefois à l'arrêt du traitement.
Les agents antioxydants et antifibrotiques, Conclusion
telles la vitamine E (800 UI/j) et la pentoxifyl-
line, ne sont pas approuvés pour le traitement de La stéatose et la stéatohépatite non alcooliques
la NASH/NAFLD. Il n'existe que peu de données sont très fréquemment associées au diabète de
émanant d'études contrôlées en double aveugle type 2 et aux situations comportant une insuli-
avec ces produits dont l'efficacité est incertaine. norésistance. En l'état, le traitement diététique
D'autres molécules ont été testées sans convaincre est le plus à même de limiter le développement
soit du fait d'une efficacité insuffisante, soit du de ces hépatopathies et d'en empêcher l'évolution
fait d'effets indésirables (orlistat, acide ursodé- à défaut de disposer de traitements médicamen-
soxycholique, bétaïne, probucol). teux spécifiques. La perte de poids par un régime
En dehors des options thérapeutiques encore hypocalorique équilibré soutenu par une activité
expérimentales, le traitement de la NASH est physique régulière, l'éviction des boissons alcoo-
similaire à celui du syndrome métabolique et liques, la diminution des apports en fructose
repose d'une part sur une modification des (notamment dans les boissons sucrées) et la limi-
comportements (activité physique et équilibre tation des acides gras «trans » sont les points forts
alimentaire avec restriction calorique) et d'autre du traitement de la stéatose non alcoolique qu'elle
part sur le traitement précoce des comorbidités soit ou non associée à un syndrome métabolique.

358
Flore intestinale CHAPITRE
35
et diabète
Le concept de dysbiose et son rôle
dans le diabète de type 2
J.-L. Schlienger

PLAN DU CHAPITRE
Microbiote intestinal : un écosystème hébergé
Microbiote intestinal :
et intégré 359
un écosystème hébergé et intégré
Déterminants du microbiote : importance
de l'alimentation 360 Le nouveau-né qui est dépourvu de microbiote
Concept de dysbiose 360
à la naissance est exposé aux bactéries de son
Microbiote et métabolisme 360
environnement qui colonisent peu à peu toutes
Dysbiose, obésité et diabète 361
ses cavités pour constituer son microbiote per-
Relation microbiote-diabète de type 2 : les mécanismes 361
sonnel spécifique, l'essentiel se situant dans le
Modifier le microbiote pour empêcher ou améliorer
le diabète 363 tube digestif et représentant une masse de près
Conclusion 364 de 2 kg. Les espèces bactériennes ne sont pas
les mêmes tout au long du tube digestif et leur
interaction avec l'hôte varie vraisemblablement
Le microbiote (« petit vivant »), terme qui a selon le site. Les bactéries aérobies et anaérobies
supplanté celui plus poétique de microf lore facultatives sont dominantes dans le grêle où
intestinale, un monde en soi (à tous les sens elles participent à la métabolisation rapide des
du terme) peuplé de cent mille milliards de glucides simples alors que les bactéries de l'il-
bactéries appartenant à plus d'un millier éon ont la faculté de dégrader les fibres solubles
d'espèces est un écosystème, voire un organe comme les fructo-oligosaccharides complexes.
à part entière. Le microbiome qui regroupe Dans le côlon, l'enrichissement en bactéries
l'ensemble des informations génétiques conte- anaérobies facilite les réactions de fermentation
nues dans ces bactéries équivaut à plus de à partir des fibres non digestibles ainsi que le
150 fois le génome humain. Considéré comme métabolisme des acides biliaires conjugués. Le
un « autre génome », il participe intimement séquençage de l'ensemble des gènes des bacté-
à l'équilibre de l'hôte et à la régulation de ses ries hébergées par le tube digestif (métagénome
métabolismes. L'étude du microbiote a connu ou microbiome) a mis en évidence des diffé-
un essor important grâce au développement rences selon les individus et l'absence de cer-
des méthodes d'analyse moléculaire qui ont tains gènes dans des maladies comme l'obésité,
permis de s'affranchir des aléas de la culture
©2018,ElsevierMassonSAS.Tousdroitsréservés

le diabète ou les maladies inflammatoires tra-


d'échantillons de selles. L'avènement de la
Manueldenutritionpourlepatientdiabétique

duisant l'absence ou à l'insuffisance d'espèces


biologie moléculaire a permis d'impliquer bactériennes.
le microbiote dans la pathogénie de diverses Les relations symbiotiques entre le microbiote
maladies de l'hôte et peut-être même de son et son hôte sont complexes et, pour une part, spé-
comportement psychique… Le microbiote culatives. Dans les premières années de la vie, le
et son microbiome font désormais partie des microbiote joue un rôle favorable sur le système
acteurs de la pathogénie du diabète de type 2 immunitaire et la prévention des allergies. Par la
et constituent une nouvelle cible préventive et suite, il contribue à la santé intestinale et à l'équi-
thérapeutique potentielle. libre métabolique en produisant des composés

359
Partie IV. Grandes questions et idées fausses

bénéfiques ou délétères. Des données récentes composé pour 80 à 90 % de bactéries appartenant


suggèrent même que les signaux émis par le soit aux Bacteroïdetes (Bacteroïdes, Prevotella) soit
microbiote modulent le fonctionnement neuro- aux Firmicutes (Clostridium, entérocoques, lacto-
cérébral. Si les interactions entre le microbiote bacilles, ruminocoques). Cette composition peut
et les métabolismes de l'hôte sont indéniables, il être sensiblement différente dans certaines patho-
semble que le génome de l'hôte peut également logies. Ainsi, le microbiote intestinal diffère dans
moduler le microbiome. l'obésité commune avec davantage de Firmicutes
et moins de Bacteroïdetes que chez les sujets
témoins. La dysbiose peut être la conséquence
Déterminants du microbiote : d'infections bactériennes, virales ou parasitaires,
d'une modification brutale de l'alimentation et de
importance de l'alimentation l'environnement, d'un déficit immunitaire ou de
la prise de médicaments comme les antibiotiques.
Le microbiote qui intègre des paramètres indi- La dysbiose n'affecte en fait que 2 à 3 % des espèces
viduels génétiques et comportementaux dépend qui représentent 70 % de l'ensemble des bactéries.
également de facteurs environnementaux comme La dysbiose a des conséquences systémiques et sur
le régime alimentaire, la présence de xénobio- les régulations métaboliques ainsi qu'en attestent de
tiques, la prise de médicaments ou les infections. nombreuses expérimentations animales Ŕ modèles
Les habitudes alimentaires sont le déterminant axéniques, manipulations diététiques, administra-
principal de sa composition à long terme. Les tion de prébiotiques, transplantation fécale Ŕ dont
individus caractérisés par les centaines de mil- les résultats ne peuvent pas être extrapolés sans
liers de gènes bactériens de leur microbiote, véri- nuances à l'homme.
table signature spécifique d'un individu, peuvent
être catégorisés en «entérotypes » définis par des
groupements enrichis de séquences bactériennes.
On distingue actuellement trois entérotypes :
Microbiote et métabolisme
le type 1 caractérisé par un enrichissement en
La flore microbienne a des fonctions métabo-
Bacteroïdes, prévalent chez les consommateurs de
graisses saturées, le type 2 enrichi en Prevotella liques liées à son équipement enzymatique ori-
associé à une alimentation riche en glucides ginal qui assure dans le côlon l'hydrolyse des
et le type 3 comportant un enrichissement en aliments peu digestibles comme les oligosaccha-
Ruminococcus. Le microbiote (et le microbiome) rides et les disaccharides (regroupés sous l'acro-
apparaît dès lors comme un organe intégrateur et nyme FODMAP), les fibres ou les lipides qui, au
identitaire, capable d'émettre des signaux spéci- terme de nombreuses réactions, sont métabolisés
fiques vers l'hôte. Des données expérimentales et en produits de fermentation utilisables par la
observationnelles convaincantes et de plus en plus flore elle-même, par la muqueuse intestinale et
nombreuses accréditent l'idée que son altération par l'hôte. Parmi ces métabolites, les acides gras
peut participer à la pathogénie de maladies méta- à chaîne courte (AGCC) Ŕ propionate, butyrate
boliques ou inflammatoires. et acétate Ŕ sont d'une part une source notable
d'énergie et, d'autre part, des signaux capables
d'interagir avec le métabolisme de l'hôte tant au
niveau local que systémique. D'autres nutriments,
Concept de dysbiose comme les protéines, conduisent à la formation
de substrats susceptibles d'intervenir sur les voies
La dysbiose est définie par l'existence d'un déséqui- biologiques de l'hôte.
libre de la représentation des différentes familles Des arguments convaincants plaident en faveur
bactériennes conduisant à l'expression de diverses d'un rôle de la composition du microbiote dans
pathologies. Ceci suppose de bien connaître les la pathogénie de l'obésité. Le transfert de la flore
caractéristiques du microbiote normal bien qu'il de souris obèses vers des souris axéniques (sans
n'existe pas de corrélation stricte entre la compo- microbiote) induit chez les secondes un accrois-
sition bactérienne et la fonction. Le microbiote est sement de la capacité de rendement énergétique

360
Chapitre 35. Flore intestinale et diabète

noté chez les premières. Le transfert du micro- positivement avec la glycémie mais les résultats
biote inhibe également la FIAF, protéine régulant sont loin d'être univoques. Les études métagé-
la hauteur des villosités intestinales et modulant nomiques effectuées dans des populations très
le rendement énergétique. Des corrélations ont différentes (chinoise et suédoise) ont montré que
pu être établies dans des modèles animaux et les diabétiques n'avaient qu'une diminution des
chez l'homme entre les populations bactériennes bactéries productrices de butyrate, sans modifica-
du microbiote et l'IMC, la résistance à l'insuline, tion univoque des rapports précités. Les résultats
la glycémie à jeun et les marqueurs de l'inflam- disponibles, encore très disparates, sont néan-
mation de bas grade, accréditant l'hypothèse moins en faveur d'une participation du microbiote
de médiateur ou de régulateur métabolique du dans la pathogénie du diabète. Ainsi Roseburia et
microbiote et du microbiome. Faecalibacterium prausnitzii sont des espèces bac-
Les acides gras à chaîne courte interagissent avec tériennes moins abondantes dans le DT2. Dans
les cellules intestinales L et K et stimulent la sécré- une étude de cohorte, les lactobacilles sont corré-
tion des incrétines (glucagon-like peptides, gastric lés positivement avec la glycémie et l'HbA1c alors
inhibitory polypeptide) et du peptide YY. Les acides que les Clostridia sont corrélés négativement avec
gras formés dans le côlon agiraient sur les cellules l'HbA1c, l'insulinémie, le peptide C et les trigly-
sécrétrices situées dans la partie distale du grêle par cérides. La méthode des clusters métagénomiques
l'activation de récepteurs couplés à la protéine G montre des disparités plus importantes entre les
par le biais d'un signal neuro-encéphalique. sujets DT2 et les sujets indemnes de DT2. Enfin,
le taux circulant de 16SrDNA, marqueur bacté-
rien spécifique, apparaît comme un facteur indé-
Dysbiose, obésité et diabète pendant du risque d'adiposité viscérale et de DT2
dans une population générale. S'il est prématuré
Le rôle métabolique d'une dysbiose a d'abord été d'établir un phénotype diabétique du microbiote
évoqué puis démontré dans l'obésité. La balance il n'en reste pas moins que le microbiote du DT2
énergétique positive pourrait être la conséquence se distingue par un déficit des bactéries Gram+
d'une augmentation de la capacité d'extraction produisant des acides gras volatils comme le buty-
calorique, phénomène transférable expérimen- rate (Clostridium) et la prolifération de pathogènes
talement, due au déséquilibre des familles bacté- opportunistes GramŔ comme les bacteroïdètes et
riennes. Elle pourrait également être due à l'action les protobactéries. Des études transversales ont
des métabolites de la fermentation microbienne mis en évidence des différences de composition
(acétate, propionate) qui agiraient comme des et de fonctionnalité du microbiote des patients
signaux par l'intermédiaire de récepteurs des cel- ayant un DT2 ou un prédiabète par rapport aux
lules épithéliales intestinales et en modulant par sujets ayant une tolérance glucosée normale. Un
exemple le comportement alimentaire par un effet transfert de flore de souris intolérantes au glucose
sur l'axe entérocérébral. vers des souris axéniques induit une intolérance
Des travaux récents suggèrent que le microbiome glucosée et, chez l'homme, le transfert du micro-
intestinal joue un rôle dans la physiopathologie du biote fécal de sujets témoins à des sujets atteints
diabète. Comme pour l'obésité, l'hypothèse d'une de syndrome métabolique améliore la biodiversité
interaction entre le microbiote et le métabolisme microbienne et les perturbations métaboliques.
glucosé est née de l'expérimentation chez les sou- Les faits sont assez probants mais les mécanismes
ris axéniques dont la tolérance glucosée restait en cause restent encore hypothétiques.
normale en dépit de manipulations diabétogènes.
Dans le modèle des souris diabétiques résistantes à
la leptine db/db, le microbiote comporte davantage
de Firmicutes que chez les témoins.
Relation microbiote-diabète
Chez l'homme, les résultats sont moins tranchés de type 2 : les mécanismes
et même parfois discordants selon les populations
étudiées. Les rapports Bacteroïdetes/Firmicutes Les mécanismes possibles sont nombreux et
et Prevotella/Clostridia coccoïdes sont corrélés synergiques (fig. 35.1 et 35.2).

361
Partie IV. Grandes questions et idées fausses

Microbiote

AGCC : propionate, Acides biliaires


LPS
acétate, butyrate
secondaires

+ –

Inflammation GLP-1 Dépense


énergétique

Figure 35.1. Répercussions du microbiote sur les métabolismes et l'inflammation.

Lipogenèse
Signaux épithélium néoglucogenèse
AGCC hépatique

Modulation
Extraction
appétit/satiété
énergétique
Dysbiose
intestinale
Obésité

PYY/GLP-1 Insulino- DT2


résistance

Inflammation
Perméabilité
barrière
intestinale LPS

Figure 35.2. Impacts théoriques de la dysbiose intestinale dans la pathogénie de l'obésité


et du diabète (PYY : peptide YY).

La théorie la mieux étayée est celle de l'aug- sérique des cytokines pro-inflammatoires favori-
mentation de la perméabilité intestinale et de sant un état inflammatoire de bas grade qui fait
l'altération de la couche muqueuse intestinale le lit de l'insulinorésistance. L'augmentation des
secondaire à la prolifération de certaines espèces concentrations sériques de LPS est associée à une
à l'origine d'une hyperabsorption de lipopoly- insulinorésistance et à un syndrome inflamma-
saccharides (LPS) provenant des membranes des toire. L'hyperperméabilité intestinale expliquerait
bactéries GramŔ et d'une endotoxinémie. Cette l'augmentation des taux circulants de LPS décrite
dernière est corrélée à l'absorption des graisses dans le DT2. Chez l'homme un repas riche en
chez l'homme sain et contribue à l'augmentation graisses induit une augmentation nette des taux

362
Chapitre 35. Flore intestinale et diabète

de LPS. Inversement, l'ingestion de prébiotiques pauvre en graisses, un enrichissement de l'alimen-


comme l'inuline diminue ce taux. tation en fibres solubles, une supplémentation en
Les acides biliaires interagissent avec le métabo- fibres fermentescibles et en prébiotiques comme les
lisme glucidique en activant l'expression du récep- fructo-oligogosaccharides et l'administration de
teur nucléaire FXR et en facilitant le couplage à la probiotiques ayant la capacité d'augmenter la popu-
protéine G ce qui accroît la production de GLP-1. lation des bifido-bactéries sont autant de moyens
La modification de leur métabolisme du fait d'une susceptibles d'agir sur la dysbiose intestinale du
dysbiose peut avoir des répercussions sur la sensi- DT2 et d'améliorer la glycémie, la sensibilité à
bilité à l'insuline dont la diminution est corrélée à l'insuline et les marqueurs de l'inflammation. Il est
celle des acides biliaires secondaires. Une amélio- d'ailleurs vraisemblable que les excellents résultats
ration de la sensibilité à l'insuline a été rapportée de la chirurgie métabolique soient pour une part
après l'administration de séquestrants des acides liés aux modifications du microbiote observées au
biliaires ou d'acides biliaires de synthèse. décours d'un bypass gastrique ou d'une gastrecto-
Les acides gras à chaîne courte (AGCC) comme mie en longitudinale (sleeve). L'enrichissement du
le butyrate produits par la fermentation colique microbiote intestinal 3 et 6 mois après un bypass
sont un autre facteur à considérer. L'administration gastrique, attribué aux modifications du métabo-
de butyrate améliore l'insulinorésistance chez lisme des acides biliaires, semble prédictif de la
des rongeurs. Les AGCC sont encore impliqués réponse pondérale et métabolique à la chirurgie.
dans la régulation de la sécrétion des hormones
intestinales GLP-1 ou PYY. In vitro, la réponse Moyens diététiques
de GLP-1 est majorée en présence de propionate.
Il est admis que le style alimentaire contemporain
Chez l'homme l'administration de probiotiques
à forte dose est suivie d'une augmentation de la et plus particulièrement l'alimentation de type
sécrétion de GLP-1 alors que les prébiotiques n'ont «Western » riche en graisses et en sucres a modi-
pas d'effet mesurable. fié la composition génétique et l'activité métabo-
lique du microbiote dans un sens qui favorise la
pandémie de maladies métaboliques chroniques
comme le diabète. L'expérimentation animale a
Modifier le microbiote clairement mis en évidence l'impact des nutri-
ments sur le microbiote et le microbiome. Les
pour empêcher ou améliorer interventions diététiques chez la souris gnotobio-
le diabète tique (axénique et à flore maîtrisée) ou «huma-
nisée » ou chez l'homme sont également à même
L'ensemble des données accumulées à ce jour de modifier la taxonomie et la fonctionnalité de
dont certaines demandent à être confirmées chez la flore assez rapidement ainsi qu'en témoignent
l'homme ouvre de nouvelles perspectives préven- les données recueillies lors du passage d'une ali-
tives et thérapeutiques dans les maladies métabo- mentation à dominante carnée vers une alimen-
liques comportant une insulinorésistance et une tation végétarienne. Les entérotypes dépendent
inflammation de bas grade et plus particulière- de l'apport énergétique, de la teneur de l'alimen-
ment dans le diabète de type 2. En l'état ce ne sont tation en lipides, en glucides, en fibres solubles
guère que les interventions diététiques qui sont à et insolubles fermentescibles. Il est établi qu'un
même de modifier de façon durable le microbiote régime restrictif sévère est suivi d'une augmenta-
et le profil métagénomique du microbiote qui tion de la richesse bactérienne du microbiote avec
favorise la prise de poids, l'insulinorésistance et une amélioration plus marquée de l'inflammation
l'inflammation, le recours aux antibiotiques ou au et du profil lipidique chez les sujets obèses dont
transfert de flore étant exclus. La place de la dié- le microbiome était le plus «abondant », mais les
tétique dans la gestion du diabétique trouve ainsi résultats sont parfois contradictoires. Chez des
un justificatif supplémentaire, au-delà des rôles animaux soumis à un régime riche en graisses,
conventionnels qui lui sont dévolus Ŕ gestion du le traitement par la metformine induit de façon
poids, maîtrise de l'hyperglycémie postprandiale synchrone un enrichissement en A. municiphila
et prévention de l'athérosclérose. Une alimentation et une amélioration de la tolérance au glucose…

363
Partie IV. Grandes questions et idées fausses

Globalement, une alimentation à faible densité affections particulières, ce n'est pas encore le cas
énergétique, pauvre en graisses et en glucides à dans l'obésité ou le diabète. La pharmacobiotique
index glycémique élevé et riches en fibres solubles qui propose d'administrer des prébiotiques non
comme les fructo-oligosaccharides accroît la absorbables, des probiotiques ou des substances
quantité de bactéries «bénéfiques ». Une alimen- ayant ces deux propriétés (symbiotiques) dans le
tation riche en fibres, toutes choses étant égales but de promouvoir de façon sélective la croissance
par ailleurs, améliore l'équilibre glycémique et la de certaines bactéries et de stimuler l'activité
sensibilité à l'insuline aussi bien chez les sujets en métagénomique ou métabolomique pour obtenir
surpoids que chez les sujets témoins. Le régime de des effets bénéfiques est une voie prometteuse
type méditerranéen répond bien à ce cahier des dans la prévention et le traitement des mala-
charges et permet d'améliorer la dysbiose Ŕ du dies métaboliques. Reste encore la possibilité de
moins dans l'obésité Ŕ avec des résultats promet- recourir à la transplantation fécale qui a déjà fait
teurs sur les marqueurs de la tolérance glucosée ses preuves dans certaines affections digestives
et de l'inflammation. L'utilisation des prébio- inflammatoires.
tiques et des probiotiques est une autre approche Dans l'immédiat, seuls les régimes pauvres
pour optimiser la composition et les fonctions du en graisse et en glucides et riches en fibres ali-
microbiote. mentaires fermentescibles ont prouvé quelque
efficacité dans le domaine des maladies méta-
Prébiotiques boliques. Ils sont proches de ce qui est recom-
mandé dans le traitement du diabète de type 2
Ce sont des substances dont la fermentation ou de l'obésité et agissent de façon directe sur
induit des modifications de la flore avec des les métabolismes et, vraisemblablement, de
répercussions bénéfiques pour le microbiote, le façon indirecte par l'intermédiaire du rééquili-
microbiome et l'hôte. Les fibres de type fructanes brage du microbiote.
abondantes dans certains aliments (β-fructanes
dans l'avoine, inuline dans l'artichaut ou le topi-
nambour) et toute la famille des fructo-oligosac-
charides (poireau, oignon, asperge, salsifis), des Conclusion
xylo-oligosaccharides (présents dans certaines
fractions du blé) ou des galacto-saccharides (pré- En l'état des connaissances, le microbiote d'un
sents dans les légumes secs et dans une moindre individu est un trait phénotypique qui fait sens en
mesure dans le lait) répondent à cette définition. tant que facteur prédisposant de l'obésité, du DT2
et de l'inflammation de bas grade qui participe à
Probiotiques l'insulinorésistance et au risque cardiovasculaire.
D'ores et déjà, en dépit de l'incertitude persistante
Ils sont naturellement présents dans les aliments quant aux mécanismes en cause, il est souhaitable
fermentés. Ce sont des micro-organismes vivants de modifier le microbiote des sujets DT2 par un
qui ont un effet favorable sur la santé de l'hôte régime alimentaire évitant les apports excessifs en
lorsqu'ils sont ingérés en quantité suffisante à graisses et en sucres et assurant un apport consé-
condition d'être inoffensifs, de survivre dans le quent en fibres. La consommation de prébiotiques
tube digestif et d'adhérer à l'épithélium intestinal. (certaines fibres alimentaires) et de probiotiques
Les aliments contenant un probiotique sont cou- sous la forme de yaourts et de laits fermentés
ramment appelés «probiotiques ». Les plus repré- améliore, en théorie du moins, le profil «santé »
sentatifs sont les laits fermentés comme le yaourt du microbiote. Quoi qu'il en soit l'étude du micro-
ou le kéfir. Les probiotiques sont aussi contenus biote et la compréhension des mécanismes en jeu
dans certains compléments alimentaires ou des dans la relation microbiote-microbiome-hôte font
médicaments (utilisés en post-antibiothérapie). Si partie d'un front de recherche en plein développe-
leurs effets bénéfiques sont établis pour la préven- ment qui aboutira, peut-être, à la mise au point de
tion ou le traitement de la diarrhée du voyageur, nouveaux supports pharmacobiotiques utilisables
de la diarrhée post-antibiotiques ou dans quelques dans le cadre du diabète.

364
Risques alimentaires CHAPITRE
36
et polluants
J.-L. Schlienger

PLAN DU CHAPITRE la sécurité et d'un emploi non trompeur. En Europe,


Additifs alimentaires 365 320 additifs sont autorisés sur la base d'une liste
Contaminants alimentaires 365 positive. Ils sont mentionnés sur l'emballage soit par
leur numéro E (comme Europe) soit par le nom de
À une époque où les grandes épidémies liées à l'additif. En alimentation «bio» environ 50 additifs
l'ingestion d'eau contaminée et d'aliments cor- sont autorisés dont les nitrites, les sulfites, le char-
rompus ont été globalement maîtrisées par des bon végétal, la pectine, l'agar-agar, le phosphate
mesures d'hygiène, la vigilance alimentaire reste monocalcique, le métabisulfite de potassium, etc.
de mise en dépit d'un dispositif réglementaire • Les colorants dont la plupart sont d'origine
complexe et rigoureux mis en place et appliqué à végétale et naturelle, n'ont pas d'utilité nutri-
tous les niveaux de la chaîne alimentaire. S'il par- tionnelle mais sont implicitement réclamés par
vient à limiter les risques d'intoxication alimen- les consommateurs.
taire il s'avère insuffisant pour maîtriser les risques • Les conservateurs freinent la prolifération des
imputables à l'environnement industriel et aux micro-organismes : acide acétique (vinaigre),
modes de production agricole. Nombre d'entre eux sel, nitrate de potassium (salpêtre).
échappent à la veille toxicologique conventionnelle
qui se contente de préciser des seuils de toxicité
et de prescrire des doses journalières admissibles
(DJA). L'usage d'additifs alimentaires autorisés, les
Contaminants alimentaires
substances intermédiaires produites lors des pro- Ce sont des substances étrangères (xénobio-
cédés de transformation alimentaire, la pollution tiques) provenant de l'environnement ou des
atmosphérique ou l'interaction entre les aliments et traitements subis par les aliments depuis leur
leurs contenants suscitent nombre de questions et production jusqu'à leur consommation par
d'inquiétudes auxquelles la science n'a pas encore divers procédés industriels ou domestiques
trouvé de réponses indiscutables ce qui donne le (cuisson) pouvant éventuellement comporter un
champ libre aux affirmations des lanceurs d'alerte. risque pour la santé publique. À la différence des
additifs, leur présence dans les aliments n'est pas

Additifs alimentaires
intentionnelle. Leurs origines sont multiples :
agricoles (pesticides, nitrates, résidus d'antibio-
tiques), industrielles et agroalimentaires (PCB,
L'usage des additifs alimentaires a plusieurs dioxines, phtalates,…), naturelles (mycotoxines,
©2018,ElsevierMassonSAS.Tousdroitsréservés

finalités : certains métaux lourds…), contact des aliments


• améliorer la sécurité sanitaire : il en est ainsi
Manueldenutritionpourlepatientdiabétique

avec l'emballage (bisphénol A, aluminium) ou


des conservateurs et acidifiants, des substances néoformés.
antioxydantes ;
• conférer une texture particulière (épaississant, Produits néoformés lors
gélifiant, poudre à lever) ; des traitements thermiques
• améliorer la stabilité d'un aliment (agent d'enro-
bage, émulsifiant, antiagglomérant, stabilisant) ; Le chauffage des aliments conduit à la produc-
• améliorer l'aspect et le goût (colorant, édulco- tion d'espèces chimiques nouvelles : amines
rant, exhausteur de goût, acidifiant). hétérocycliques, hydrocarbures aromatiques,
Les additifs sont contrôlés par une réglementa- polycycliques, produits de Maillard, produits
tion stricte, exigeant la démonstration de l'utilité, de d'altération thermo-oxydative des acides gras…

365
Partie IV. Grandes questions et idées fausses

Certains de ces composés ont des effets délé- Les études toxicologiques permettent de déter-
tères pour la santé. Les amines hétérocycliques et miner la dose la plus basse sans effet chez l'animal
les hydrocarbures aromatiques polycycliques se à partir de la toxicité classique sur 18 à 24 mois.
lient à l'ADN et peuvent avoir un effet mutagène Assortie d'un facteur de sécurité de 100 au moins,
avec un potentiel cancérogène démontré. elle permet de calculer la dose journalière admis-
Les produits avancés de la glycation ou AGE sible (DJA) qui, prise pendant la vie entière n'en-
(Advanced Glycation End products) sont formés traîne aucun risque appréciable ou identifiable
lors de la réaction de Maillard. Cette réaction res- pour la santé de l'homme. La DJA comparée à
ponsable du brunissement des aliments lors du l'exposition évaluée par l'analyse de la teneur en
chauffage des aliments est irréversible. Les AGE résidus d'une plante (limite maximale de résidus
peuvent être produits de façon endogène (comme ou LMR admise par kilo d'aliment) permet de
par exemple l'hémoglobine glycosylée ou glyquée calculer l'apport journalier maximal théorique
et la fructosamine au contact du glucose et des (AJMT) pour un aliment donné. Actuellement,
protéines) ou être néoformés de façon exogène par les résidus de pesticides sont bien présents sur
les procédés culinaires comme l'acrylamide. Les les aliments d'origine végétale mais dans des
AGE exogènes alimentaires considérés comme des limites jugées sans effet sur la santé. Néanmoins,
glycotoxines sont absorbés et s'ajoutent au pool des par principe mieux vaut consommer des fruits et
AGE endogènes, ils représentent environ 20 % de légumes issus de l'agriculture biologique.
l'ensemble des AGE circulants. Les AGE sont recon-
nus par des récepteurs membranaires (les RAGE) Mycotoxines
et activent la voie de signalisation cellulaire en Ce sont des contaminants toxiques naturels des
initiant la cascade de l'inflammation de bas grade. céréales, des oléagineux, des fruits et des légumes.
Les AGE sont considérés comme des produits pro- Elles sont produites par des moisissures et ont des
inflammatoires et pro-oxydants. Leur concen- effets sur la santé qui peuvent être redoutables
tration circulante ou intratissulaire est associée à comme la toxine de l'ergot de seigle qui était
l'athérome. Dans le diabète, une corrélation posi- responsable de l'ergotisme ou «mal des ardents »
tive a été décrite entre l'augmentation des AGE, la qui a sévi de façon épidémique au Moyen Âge.
progression des lésions de néphropathie diabétique Paradoxalement, les produits «bio » ont une
et la progression de l'athérosclérose. Un profil de teneur plus élevée en mycotoxines et les végéta-
syndrome métabolique avec insulinorésistance a riens y sont plus exposés que les omnivores.
été rapporté en cas d'excès d'AGE circulants. Enfin
in vitro, l'acrylamide s'avère cancérogène. Résidus d'antibiotiques
Les aliments qui ont la plus forte teneur en AGE Leur présence dans les tissus animaux accroît les
sont les chips, les frites, les tortillas, les céréales du petit risques d'antibiorésistance et peut induire des
déjeuner, la croûte du pain, les rôtis et les grillades. allergies.
Contaminants involontaires
Nitrates et les nitrites
Ce groupe très hétérogène comprend des subs- Ils ne sont pas intrinsèquement toxiques.
tances d'origine très diverse exposant à des risques • Les nitrates sont naturellement présents dans le
inégaux. Les consommateurs sont exposés directe- sol et dans les végétaux (ils sont indispensables
ment par voie aérienne ou cutanée à une multitude pour leur croissance) et dans l'eau de boisson.
de produits ayant des effets présumés toxiques • Les nitrites proviennent de la réduction des
quantifiables ou par voie indirecte et plus. nitrates par des enzymes bactériennes et sont
également apportés par les végétaux, en quan-
Produits phytosanitaires (PPS) tité beaucoup plus faible. La source principale
Les PPS regroupent les insecticides, les fongicides, des nitrites est représentée par les produits de
les herbicides, les nématicides… Dans leur usage charcuterie où ils sont utilisés comme inhibi-
agricole, ils sont utilisés avant, mais également teur de la croissance microbienne. Après leur
après la récolte pour empêcher la destruction par ingestion, les nitrates peuvent se transformer
des « ravageurs ». en nitrites dans le tube digestif sous l'action

366
Chapitre 36. Risques alimentaires et polluants

d'une nitrate réductase bactérienne. Un excès telle que celle du développement fœtal. En effet,
de nitrite est responsable chez le nourrisson ils n'ont pas d'effet monotoxique mais des effets
d'une anémie par methémoglobinémie. de type «cocktail » par un effet combinatoire d'un
• Les nitrosamines sont formées à partir des mélange de toxiques avec des effets possiblement
nitrites dans des conditions particulières. Les plus néfastes à faible dose qu'à forte dose. Les tra-
nitrosamines sont cancérigènes ce qui a justifié vaux les plus récents démontrent que l'exposition
la limitation de la consommation de charcute- à plusieurs perturbateurs endocriniens conduit
rie riche en nitrites à 25 g/j par l'OMS. à des effets de cumul de doses et non d'addition
des réponses qui sont a priori nulles lorsque la
Dioxines, furanes concentration de chacun des perturbateurs est
et polychlorobiphényles (PCB) inférieure au seuil d'une action de type toxique.
Le défi de la toxicologie moderne est de ne pas se
Ce sont des polluants organiques persistants contenter de vérifier que chaque contaminant se
(POP) qui appartiennent au groupe des perturba- situe en dessous du seuil de tolérance mais d'ap-
teurs endocriniens. Présents dans l'atmosphère, préhender les effets des doses cumulées.
ils peuvent contaminer les aliments et s'accumu- Les perturbateurs endocriniens regroupent des
ler dans le tissu adipeux d'où ils sont progressive- insecticides, des POP, des solvants plastiques (phta-
ment relargués. lates), des molécules entrant dans la constitution
des cosmétiques (parabènes,…), des métaux lourds
Métaux lourds tels que le cadmium, des phyto-œstrogènes, des
Ils peuvent s'accumuler et entraîner des risques mycotoxines (zéaralénone) et des molécules entrant
pour la santé. L'arsenic, le cadmium, le mercure et dans la constitution des plastiques (bisphénol A).
le plomb peuvent être problématiques. Le mercure Le bisphénol A (BPA) composant chimique pré-
est particulièrement présent dans la chair des pois- sent dans un type de plastique le polycarbonate est
sons carnivores situés en bout de chaîne alimen- l'archétype des perturbateurs endocriniens de syn-
taire qui ont la capacité de l'accumuler. D'origine thèse. Le BPA libéré de sa matrice plastique notam-
tellurique naturelle pour 80 % le risque mercuriel a ment lors du chauffage des récipients, contamine
conduit à prendre des mesures préventives quant à les aliments. C'est le cas des biberons en matière
l'usage du mercure. Il n'en reste pas moins souhai- plastique qui ont été interdits en Europe. Comme
table de consommer du poisson au moins 2 fois par d'autres perturbateurs, le BPA peut agir directe-
semaine. Un excès de consommation de mercure ment en modifiant l'activité du cytochrome P450
est associé au risque cardiovasculaire ; on estime hépatique qui participe à la synthèse, l'activation
que sa présence dans la chair de poissons contami- ou l'inactivation des hormones ou indirectement
nés atténue le bénéfice lié aux acides gras oméga 3. en augmentant certains facteurs de risque des
L'arsenic peut entraîner des affections cutanées. Le cancers hormonodépendants (âge de la puberté,
cadmium fait partie des perturbateurs endocri- poids). Des effets métaboliques susceptibles
niens. Le plomb induit le classique saturnisme. d'expliquer la pandémie d'obésité ou de favoriser
l'apparition d'un diabète sont également imputés
aux perturbateurs endocriniens. Les mécanismes
Perturbateurs endocriniens sont encore discutés. En mimant les effets de l'œs-
Les perturbateurs ou «disrupteurs » endocri- tradiol, le BPA pourrait intervenir sur l'homéosta-
niens sont des substances capables de simuler ou sie du glucose au niveau des cellules pancréatiques
de modifier les actions hormonales en se liant par le biais des récepteurs des œstrogènes de la
aux récepteurs hormonaux ou en modifiant leur membrane plasmique. Les perturbateurs agiraient
synthèse, leur transport et leur métabolisme. Ils sur le fœtus, particulièrement vulnérable, selon un
ont en commun d'exercer des effets subtils à dose effet épigénétique entraînant un sur-risque d'obé-
faible pendant un temps prolongé, parfois plu- sité et de diabète ultérieur chez l'enfant. D'aucuns
sieurs décennies Ŕ voire même générations Ŕ qui n'hésitent pas à expliquer d'ores et déjà l'augmen-
échappent au champ de vision de la toxicologie tation de l'incidence de l'obésité et du diabète
traditionnelle en ce qu'il n'est plus question de par l'exposition aux perturbateurs endocriniens
dose mais d'exposition et de phase de vulnérabilité durant la vie fœtale.

367
Y a-t-il des régimes CHAPITRE
37
« miracles » pour traiter
le diabète sucré ?
L. Monnier

PLAN DU CHAPITRE paraissent au premier abord «peu recomman-


Les lois qui régissent l'action des régimes de restriction dables » car pouvant avoir des effets néfastes sur le
calorique 370
comportement neuropsychique des individus. En
Les «contre» et «non-sens» physiologiques des régimes
trop restrictifs ou trop déséquilibrés 372 effet, ces produits sont utilisés en général comme
Conclusion 375 antiépileptiques ou pour le déconditionnement
de certaines addictions à l'alcool en particulier.
La prise en charge hygiéno-diététique demeure Le seul produit médicamenteux à visée amai-
un traitement incontournable pour la majorité grissante qui mérite de retenir l'attention est le
des patients diabétiques obèses. En effet, bien que liraglutide (Victoza®). Cet agoniste des récepteurs
leurs résultats soient spectaculaires, les techniques du GLP-1 est normalement utilisé dans le traite-
de la chirurgie bariatrique, appelée encore chirur- ment du diabète de type 2 mais il est également
gie «métabolique », restent réservées aux obésités actif sur le poids. Dans l'obésité, les doses propo-
morbides. De plus, à ce jour, les traitements phar- sées sont presque le double (3 mg/j) des posologies
macologiques de l'obésité restent soit peu effi- maximales (1,8 mg/j) utilisées dans le traitement
caces (perte de quelques kilogrammes) soit grevés des désordres glycémiques du diabète de type 2.
d'effets secondaires suffisamment préoccupants Le liraglutide exerce son effet en agissant sur les
pour que leur utilisation soit interdite ou reste centres nerveux qui contrôlent l'appétit. Toutefois,
limitée. À ce jour, le seul médicament utilisable en son effet moyen à la dose de 3 mg/j reste limité à
France pour faciliter les pertes de poids est l'orli- une perte de poids de l'ordre de 5 à 6 kg. Ainsi,
stat (Xenical®), une antilipase intestinale destinée la voie hygiéno-diététique reste le traitement de
à inhiber la digestion des graisses alimentaires. base de l'obésité et par voie de conséquence une
Toutefois, la prescription de ce médicament reste mesure thérapeutique fondamentale pour aider
confidentielle en raison de ses effets secondaires les traitements antidiabétiques médicamenteux
digestifs à type de diarrhée graisseuse (stéator- dans le diabète de type 2 pléthorique. Il faut tou-
rhée). Les neuromédiateurs de type amphétami- tefois reconnaître que la voie hygiéno-diététique a
nique ou sérotoninergique ont été retirés depuis une efficacité limitée car l'adhésion aux régimes
plusieurs années de la pharmacopée en raison de est rarement soutenue sur une longue période
leurs effets néfastes : troubles cardiovasculaires et de temps. De plus, les mécanismes de régulation
psychiques pour les amphétamines et risque d'hy- physiologiques font que l'organisme humain a
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pertension artérielle pulmonaire pour les séroto- presque toujours tendance à s'opposer aux modi-
Manueldenutritionpourlepatientdiabétique

ninergiques. Les antagonistes des récepteurs aux fications induites par les régimes de restriction
cannabinoïdes (rimonabant), qui avaient soulevé calorique. Cette résistance à la perte de poids
quelques espoirs il y a quelques années n'ont été après l'instauration de régimes hypocaloriques
commercialisés que sur une période de temps traditionnels a ouvert la porte à toute une série
courte et ils ont été retirés du marché rapide- de propositions plus ou moins honnêtes pour
ment en raison de leurs effets secondaires. Aux essayer d'accélérer les pertes pondérales et pour
États-Unis où l'obésité et le diabète de type 2 sont tenter de les rendre moins contraignantes. Les
beaucoup plus fréquents qu'en Europe, certains régimes à très basse teneur calorique et certains
produits médicamenteux sont prescrits dans le régimes déséquilibrés font partie de ces propo-
traitement de l'obésité. Certains d'entre eux nous sitions. Une analyse critique de ces propositions

369
Partie IV. Grandes questions et idées fausses

est indispensable. Toutefois, il convient d'emblée de la conversion en énergie «noble » (synthèse


d'indiquer que nous sommes peu favorables à la protéique) avec pour conséquence une fonte de
prescription de régimes à très basse teneur calo- la masse maigre. Ainsi tout régime de restric-
rique. Dans tous les cas de figure, il convient tion calorique conduit à une réduction du capi-
de rappeler que leur utilisation éventuelle doit tal musculaire, même si l'apport protéique est
être soigneusement encadrée : surveillance médi- maintenu à un niveau élevé. Cette réduction est
cale stricte et prescription sur de courtes périodes évidemment variable d'un sujet à l'autre.
de temps, à titre de «starter » pour initier une cure
d'amaigrissement. En revanche, les régimes désé-
quilibrés n'ont aucune base scientifique et doivent Lois physiologiques
être formellement rejetés car ils constituent des de la thermodynamique
impasses physiologiques. La physiologie ayant la
mauvaise idée de se venger quand elle est trans-
appliquées au sujet obèse
gressée, ils peuvent même devenir dangereux. et diabétique
C'est pour cette raison qu'il ne faut pas hésiter à Le phénomène d'adaptation
les qualifier de «charlatanesques ». De plus, ils
peuvent conduire à des carences multiples portant des apports aux dépenses
sur des nutriments aussi essentiels que les pro- caloriques : une constante
téines, les minéraux et les vitamines. C'est pour chez le sujet obèse en cours
cette raison que le qualitatif de «dangereux » doit de cure d'amaigrissement
être rajouté à celui de «charlatanesque ».
En accord avec ce phénomène, toute réduction
de l'apport calorique dans le cadre d'un régime

Les lois qui régissent l'action


amaigrissant est suivie au bout de quelques
semaines par une réduction des dépenses calo-
des régimes de restriction riques. Ainsi, même si le régime hypocalorique
est suivi de manière scrupuleuse, la différence
calorique entre les apports et les dépenses énergétiques
s'amenuisent au bout de quelques semaines.
Principes physiques La conséquence évidente est un ralentissement
de la thermodynamique de la perte de poids qui peut même conduire
appliqués à la physiologie au bout de quelques mois à un arrêt de la perte
humaine pondérale quand les dépenses deviennent égales
aux apports caloriques. Pour mieux comprendre
Ils portent sur deux points précis : ce phénomène d'adaptation des dépenses aux
• la balance énergétique, qui est la différence apports, prenons un exemple chiffré. Supposons
entre les apports et les dépenses énergétiques, qu'un sujet obèse diabétique de type 2 ait des
doit être équilibrée. Si elle ne l'est pas, l'orga- apports caloriques estimés à 2 500 kcal par jour.
nisme perd ou stocke de l'énergie, c'est-à-dire S'il est en poids stable depuis plusieurs mois,
des graisses, selon que la balance énergétique ceci signifie que ses dépenses énergétiques sont
est négative ou positive ; au même niveau que ses apports caloriques, soit
• l'énergie totale apportée à l'organisme humain 2 500 kcal/j. Supposons que le patient suive sur les
par les aliments est convertie soit en énergie conseils de son médecin un régime à 2 000 kcal
«noble » pour fournir du travail ou des syn- qui réduit ses apports de 500 kcal par rapport à
thèses protéiques, soit en énergie « dégradée » ses apports habituels. Pendant quelques semaines,
sous forme de chaleur. Les proportions res- la perte de poids va se maintenir à 0,5 kg/semaine.
pectives d'énergie «noble » et «dégradée » sont Au bout de 2 à 3 mois, elle devient égale à 0,2 kg/
variables et ne peuvent être définies a priori. semaine bien que le sujet ait suivi le régime à la
Toutefois, il est bien établi que toute diminu- lettre. Ce ralentissement de la perte de poids est
tion de l'énergie totale fournie à l'organisme lié au fait que la dépense calorique s'est progres-
(régimes hypocaloriques) entraîne une baisse sivement rapprochée du nouvel apport calorique

370
Chapitre 37. Y a-t-il des régimes «miracles » pour traiter le diabète sucré ?

(2 000 kcal/j). Étant donné que la perte de poids une activité physique adaptée aux capacités du
n'est plus que de 0,2 kg/semaine, on peut supposer patient. Ces deux mesures restent toutefois insuf-
que la nouvelle dépense calorique s'est stabilisée à fisantes et l'on peut considérer que toute perte de
2 200 kcal et que le différentiel entre les dépenses poids de 1 kg peut être subdivisée en deux com-
et les apports n'est plus que de 200 kcal/j (fig. 37.1). posantes : une diminution de masse adipeuse
de l'ordre de 700 g, le reste (300 g) étant consti-
tué par une diminution de la masse maigre. En
La perte de masse maigre d'autres termes, un sujet qui aura perdu un total
obligatoire au cours des cures de 10 kg aura diminué sa masse grasse de 7 kg et
d'amaigrissement est responsable sa masse maigre, c'est-à-dire sa masse protéique
d'une baisse de la dépense avec l'eau intracellulaire associée de l'ordre de
énergétique de repos (DER) 3 kg. La dépense énergétique de repos (méta-
bolisme de base) étant proportionnelle à la masse
chez tout obèse qui maigrit maigre, il est facile de comprendre que la dimi-
La perte de poids idéale au cours d'une cure nution de cette dernière entraîne mécaniquement
d'amaigrissement serait celle qui s'accompagne- une baisse de la dépense énergétique de base et
rait d'une perte de masse grasse sans toucher à ipso facto de la dépense énergétique totale. Chez
la masse maigre (muscles en particulier). Cette un sujet ayant une activité physique moyenne, la
vision optimiste des choses n'a malheureusement dépense énergétique de repos représente environ
aucune chance de se produire car le deuxième les deux tiers de la dépense totale. Pour mieux
principe de la thermodynamique s'y oppose. La expliciter le problème, revenons à l'exemple pré-
seule possibilité est de limiter la «casse » de masse cédent. Au bout de quelques mois, le sujet a perdu
maigre, c'est-à-dire de perte des réserves pro- 10 kg grâce au régime de restriction calorique
téiques en maintenant un apport protéique égal (2 000 kcal/j) qui lui a été prescrit. Sur ces 10 kg,
ou supérieur aux apports nutritionnels conseillés 3 ont été perdus sous forme de masse maigre avec
(ANC) : 1 g/kg de poids idéal/j et en conseillant une perte du métabolisme de base de l'ordre de 10

Évolution des dépenses et des apports énergétiques


Lors d’un régime amaigrissant

Dépenses énergétiques
2 500 kcal/j
− 500 kcal/j − 200 kcal/j

Apports énergétiques

Temps
Évolution du poids

− 0,1 à − 0,2 kg/semaine


Poids initial

− 0,5 kg/semaine

Temps
Figure 37.1. Évolutions parallèles et schématiques des dépenses énergétiques et du poids
corporel lors de la prescription d'un régime de restriction calorique avec diminution de 500 kcal
des apports énergétiques quotidiens par rapport au niveau de départ (2 500 kcal/j).

371
Partie IV. Grandes questions et idées fausses

à 15 %. Si nous admettons que ce dernier était de glycosurie résiduelle, car il est rare que le régime
1 600 kcal avant la cure d'amaigrissement (≈ 2 500 à lui seul ramène toutes les glycémies en dessous
× 2/3), on peut considérer qu'il est aux alentours de 1,80 g/L surtout chez les personnes dont les
de 1 300 à 1 400 kcal lorsque les 10 kg de poids désordres glycémiques étaient marqués avant la
ont été perdus (fig. 37.2). C'est cette perte de cure d'amaigrissement. Quoi qu'il en soit (réduc-
200 à 300 kcal qui explique que la dépense éner- tion ou disparition de la glycosurie), le résultat
gétique totale soit passée de 2 500 à 2 200 kcal avec est le suivant : la quantité de glucose, qui était
les conséquences que nous avons décrites sur la éliminée par les urines et par voie de conséquence
vitesse de perte pondérale. gaspillée sur le plan énergétique, ne l'est plus. Ce
phénomène contribuera à ajouter une entrave
Les conséquences de la réduction supplémentaire à la perte pondérale.
de la glycosurie elle-même liée Reprenons à nouveau l'exemple précédent et
supposons que la glycosurie de ce patient ait été
à l'amélioration du contrôle de 50 g par jour avant la cure d'amaigrissement.
glycémique chez un patient Supposons qu'elle soit devenue égale à 20 g après
diabétique obèse qui a maigri perte de poids. Dans ce cas, c'est 30 g de glucose
Il est bien établi que toute perte de poids chez une qui ne sont plus gaspillés par la voie de l'émonc-
personne obèse ayant un diabète de type 2 amé- toire urinaire. Dans la mesure où 1 g de glucose
liore l'insulinorésistance qui est l'un des méca- a une valeur énergétique égale à 4 kcal, ce sont
nismes clé à l'origine des désordres glycémiques. 120 kcal qui ne sont plus gaspillées et qui sont
La diminution de la production hépatique du glu- désormais métabolisées et éventuellement stoc-
cose et l'amélioration de l'utilisation du glucose kées par l'organisme. Dès lors, il est facile de com-
au niveau des tissus périphériques se conjuguent prendre pourquoi l'amélioration de l'équilibre
pour entraîner une réduction de l'hyperglycémie. glycémique, phénomène bénéfique recherché par
Si ce sujet était glycosurique, ce qui se produit dès la cure d'amaigrissement, se transforme en un
que la glycémie dépasse 1,80 g/L, on peut assister phénomène défavorable si on se place sur le plan
à une disparition complète de l'élimination uri- de l'efficacité de la perte de poids.
naire du glucose si toutes les glycémies, y compris
les postprandiales, sont en dessous de 1,80 g/L. Pour résumer ce chapitre, il apparaît que la phy-
Toutefois, dans la plupart des cas, il persiste une siologie tend à contrecarrer les modifications
qu'on lui impose et s'oppose naturellement à
Perte de : l'efficacité des régimes de restriction calorique,
expliquant leur perte d'efficacité sur le moyen et
Masse Masse le long terme.
Poids DER
grasse maigre

Les « contre» et « non-sens »


− 3 kg − 300 kcal/j physiologiques des régimes trop
restrictifs ou trop déséquilibrés
− 7 kg Les régimes très (trop) restrictifs et/ou désé-
quilibrés conduisent en général à des impasses
physiologiques. De surcroît, chez les personnes
− 10 kg diabétiques ils peuvent être particulièrement
Figure 37.2. Perte de masse grasse, de masse dangereux car ils orientent le métabolisme vers
maigre et de dépense énergétique de repos la production excessive de corps cétoniques,
(DER) au cours d'une cure d'amaigrissement c'est-à-dire vers la cétose ou la cétoacidose états
(perte de poids corporel = –10 kg) suite à une vers lesquels les diabétiques, au moins ceux de
restriction des apports caloriques. type 1, ont tendance à évoluer quand l'équilibre

372
Chapitre 37. Y a-t-il des régimes «miracles » pour traiter le diabète sucré ?

glycémique n'est pas suffisamment assuré. Ces nutriments. Malheureusement, les prescriptions
régimes sont donc formellement contre-indiqués de régimes à très basses calories ignorent ou
chez les patients diabétiques de type 1 chez les- feignent d'ignorer que le système nerveux (le cer-
quels les états de cétose ou de cétoacidose peuvent veau en majorité) utilise obligatoirement 150 g de
survenir quand les besoins insuliniques ne sont glucose par jour et que la différence, si elle n'est
pas couverts soit par sous-dosage insulinique soit pas apportée par les glucides alimentaires doit
parce que les besoins insuliniques augmentent en être obligatoirement fournie par la néoglucoge-
raison d'un état pathologique intercurrent. nèse à partir des acides aminés musculaires. En
Ces régimes très restrictifs peuvent être classés résumé, un régime à très basses calories, fournis-
en deux grandes catégories. sant une quantité absolue de protéines en appa-
rence suffisante, conduit à une fonte musculaire
rapide dès lors que l'apport glucidique est forte-
Régimes à très faible valeur ment restreint. La position des professionnels de
calorique (very low calorie diets) santé par rapport aux régimes à très basses calo-
ries devrait donc rester extrêmement réservée et la
Le succès de ces régimes est basé sur le fait que prudence est de mise. De plus, après une période
la plupart des obèses souhaitent maigrir le plus de succès transitoire, ils conduisent la plupart du
rapidement possible. Les VLCD reposent sur un temps à une reprise de poids rapide. Étant donné
apport calorique de l'ordre de 600 à 800 kcal par que la reconstitution de la masse protéique c'est-
jour. Le déséquilibre hebdomadaire de la balance à-dire de la masse maigre, est toujours difficile, la
énergétique entre les apports (Q) et les dépenses reprise de poids porte électivement sur la masse
(W) devient supérieur à 7 000 kcal assurant une adipeuse. Ainsi, quand ils sont utilisés de manière
perte de poids qui devrait être théoriquement itérative, avec perte et reprise de poids successives,
de l'ordre de 1 kg par semaine. En fait, ce type les régimes à très basses calories contribuent à
de régime oriente la perte de poids vers la masse enrichir progressivement le sujet en tissu adipeux
maigre (c'est-à-dire vers la fonte de la masse mus- et à l'appauvrir en masse musculaire. Le résultat
culaire) de manière préférentielle. Ce phénomène est la transformation d'une obésité à dépenses
aboutit à un amaigrissement beaucoup plus rapide caloriques fortes en obésité à dépenses caloriques
car le coût énergétique de la perte de 1 kg de faibles, c'est-à-dire de plus en plus résistante aux
muscle est de l'ordre de 1 500 kcal alors qu'il est de régimes de restriction calorique classiques et
8 500 kcal pour 1 kg de tissu adipeux et de l'ordre équilibrés.
de 7 700 kcal pour 1 kg de masse corporelle.
Ainsi, les régimes à très basses calories, en Régimes charlatanesques
orientant la perte de poids vers la masse maigre,
permettent un amaigrissement de plusieurs kilos Il est impossible de recenser tous les régimes farfelus
en quelques jours, mais au prix d'une fonte de la qui ont été proposés au cours des dernières décen-
masse musculaire dont la reconstitution sera tou- nies. L'imagination de leurs auteurs, nous allions
jours problématique. À cette critique, à notre avis dire de leurs «géniteurs», se situe d'ailleurs beau-
majeure, les partisans des régimes à très basses coup plus dans les appellations que dans les concepts
calories répondent que ces régimes sont conçus qui les sous-tendent. Les appellations peuvent être
pour couvrir les besoins protéiques en assurant celles de leurs «géniteurs» (Atkins et autres…)
un apport de l'ordre de 0,6 à 0,8 g de protéines/ ou celles d'un endroit considéré comme idyllique
kg/j. En pratique, ces régimes apportent 60 à (Hollywood) ou renommé (Mayo Clinic). En ce qui
80 g de protéines le plus souvent fournies par concerne l'endroit, il s'agit en général d'un emprunt
des poudres conditionnées sous forme de sachets qui n'a rien à voir avec le régime. En revanche, dans
et à boire après dilution dans un verre d'eau en tous les cas, les bases de ces régimes sont de désé-
guise de repas. Le pourcentage des calories proti- quilibrer les apports alimentaires en supprimant de
diques devient supérieur à 50 %. Le reste (une part manière sélective une catégorie de nutriments (glu-
minime d'environ 300 kcal) est fourni par les glu- cides ou graisses en général), de dissocier les prises
cides et les lipides, soit une vingtaine de grammes de nutriments pour qu'ils ne soient pas consommés
par jour pour chacune de ces deux catégories de au même repas (on ne sait pas pourquoi), et d'agir

373
Partie IV. Grandes questions et idées fausses

sur tel ou tel nutriment ou aliment «miraculeux», En France, plusieurs «pseudo-nutritionnistes »


qui serait paré de toutes les vertus. Aucune preuve se sont bâtis des notoriétés transitoires et bien mal
scientifique n'a jamais étayé ces manipulations dié- acquises en proposant des variantes du régime
tétiques, mais leur promotion dans les magazines Atkins. Le principe de ces régimes était d'exclure
ou dans des ouvrages destinés au grand public les glucides à index glycémique élevé et surtout
suffit à faire leur publicité. Sur le tableau 37.1 nous d'éviter les associations glucides-lipides et glu-
avons résumé les caractéristiques des principaux cides-protides dans le même repas. En revanche,
régimes qui ont été proposés au cours des dernières certains de ces régimes préconisaient la combi-
décennies. naison lipides-protides. Nul n'a jamais compris
Le plus connu de ces régimes est, sans contes- pourquoi ces associations étaient conseillées ou
tation, celui qui fut préconisé par Atkins il y a déconseillées car ces manipulations diététiques
plusieurs années : suppression totale des glu- ne sont fondées sur aucun rationnel scientifique.
cides, avec maintien uniquement des aliments Le plus extravagant de tous ces régimes est sans
apportant des lipides et des protides. Ce régime aucun doute le régime dit «Hollywood ». Sa par-
aglucidique (alpha-privatif) aurait pour avan- ticularité est d'être dépourvu de tout apport lipi-
tage de faire perdre du poids en supprimant la dique et protidique et d'être uniquement à base de
sensation de faim. En effet, comme tout régime fruits, exotiques de préférence. Prévu pour une
aglucidique, il est cétogène et il est bien connu semaine, en commençant par des papayes, des
que les corps cétoniques ont un effet anorexigène. ananas et des mangues pour se terminer par des
L'inconvénient du régime de Atkins est qu'il est pruneaux le dernier jour, l'effet garanti en sus de la
déséquilibré en apport vitaminique, qu'il est trop perte de poids est la survenue de troubles digestifs
riche en lipides en particulier d'origine animale. liés à l'excès de fibres. Chez les diabétiques, quel
Certains ont même parlé au sujet de ce régime de qu'en soit le type, le caractère hyperglucidique de
«passeport pour l'infarctus ». En fait, cette quali- ces régimes ne pourrait que conduire à une aggra-
fication est un peu exagérée car la compliance à ce vation des désordres glycémiques et à une décom-
type de prescription diététique très déséquilibrée pensation du diabète sous la forme de poussées
reste souvent éphémère, ce qui réduit ses risques hyperglycémiques postprandiales voire même
athérogènes. Le régime Atkins a été repris sous d'une hyperglycémie interprandiale soutenue.
des formes diverses, bien qu'il n'ait jamais conduit Pour en revenir à des régimes moins exotiques,
à des pertes de poids durables. De toute manière, les successeurs d'Atkins et de ses clones ont des
chez les diabétiques, il est formellement contre- noms et des visages qui occupent régulièrement et
indiqué en raison de son caractère aglucidique qui pour des durées plus ou moins éphémères la une
favorise la cétose chez les diabétiques de type 1 des kiosques à journaux ou des chaînes de télévi-
et les hypoglycémies chez tous les diabétiques sion. La pertinence des prétendus arguments scien-
traités par des médications hypoglycémiantes tifiques proposés par ces «nutri-illusionnistes »
non glucodépendantes comme l'insuline ou les est en général inversement proportionnelle à la
sulfonylurées. publicité dont ils bénéficient grâce à la complicité
plus ou moins volontaire de certains journalistes
à la compétence discutable, toujours en mal de
Tableau 37.1. Principaux régimes déséquilibrés
sensationnel et en quête de lecteurs et d'auditeurs.
ou « charlatanesques» avec leurs
Ces derniers sont malheureusement floués par
caractéristiques en termes de répartition
les solutions miracles qui leur sont proposées.
glucides/lipides/protides.
Entrent également dans ce cadre les régimes for-
Type de régime Glucides Lipides Protides tement restrictifs en calories. L'un des premiers
dans ce domaine fut le régime «Mayo Clinic »
Very Low Calorie ≈0 ≈0
Diet (VLCD)
qui malgré son nom ne fut jamais proposé par les
médecins du célèbre centre hospitalier américain
Atkins 0 +++ +++ du même nom, localisé dans le Minnesota aux
Mayo Clinic + + +++ États-Unis. Le nom de ce régime fut tout simple-
Hollywood +++ 0 0 ment créé pour essayer de donner une crédibi-
lité à un régime qui en est totalement dépourvu.

374
Chapitre 37. Y a-t-il des régimes «miracles » pour traiter le diabète sucré ?

Ce régime consiste en une restriction calorique sur le très court terme : perte de poids rapide.
drastique : 1 000 kcal/j. L'apport en glucides et Ils ne le sont pas sur le moyen et le long terme
lipides est pratiquement absent. Les glucides sont car les sujets reprennent du poids et souvent
uniquement fournis par des pamplemousses (pour- de manière très rapide dès qu'ils se remettent
quoi ? nul ne le sait !) qui peuvent être consommés à une alimentation normale. La satisfaction
à volonté. Viandes et poissons complètent l'apport du patient, parfois bonne dans l'immédiat, ne
protidique. Ce régime très déséquilibré a eu son l'est jamais sur le moyen et le long terme. La
heure de gloire dans les années 1980 pour induire qualité de vie, après quelques jours/semaines,
des cures d'amaigrissement. Depuis, victime des devient mauvaise quand le sujet découvre la
modes, il est heureusement tombé dans un quasi- monotonie et les contraintes de ces régimes,
oubli. Les modes ne s'arrêtent jamais. La nouvelle surtout quand ils reposent sur la consomma-
est celle du jeûne absolu pendant quelques jours tion de poudres protéinées. De surcroît, la
ou de manière alternée, par exemple un jour sur fonte de la masse maigre et la fatigue qui l'ac-
deux. Il est bien certain que la personne perd du compagne contribuent à rendre ces régimes
poids si elle arrête toute prise alimentaire. Comme inacceptables sur le moyen terme. Pour en
toujours, la conséquence est une perte élective de terminer, leur sécurité est loin d'être assurée
masse maigre. Cette dernière est responsable des car ils peuvent entraîner des déficits miné-
conséquences néfastes de ces régimes : fonte mus- raux et vitaminiques. Des décès ont même
culaire, état d'asthénie, ostéoporose, carences pro- été rapportés dans le cadre de ces régimes
téiques et déficits en minéraux et vitamines, même lorsqu'ils sont poursuivis sur de trop longues
lorsque des supplémentations médicamenteuses sont périodes sans surveillance médicale.
prescrites. • Chez les personnes diabétiques, les régimes à
très basses calories ou déséquilibrés («char-
latanesques») peuvent être particulièrement
Conclusion dangereux car ils conduisent soit à un risque
d'hypoglycémie sévère soit à la production exces-
Pour terminer ce chapitre, il est possible d'énon- sive de corps cétoniques dans la mesure où ils
cer les messages suivants. ne couvrent pas les besoins glucidiques. Ceci est
• Les régimes à très basses calories et de manière particulièrement vrai chez les diabétiques de type
plus générale tous les régimes dits charlata- 1 ayant une tendance à évoluer vers la cétose et
nesques ne sont pas des formules miracles pour faisant des hypoglycémies. Il est donc dangereux
perdre du poids de manière durable. Ils peuvent de leur conseiller des régimes qui ne peuvent
même être particulièrement dangereux quand que précipiter les états de cétose, qui augmen-
ils sont prescrits à des patients diabétiques. tent le risque d'hypoglycémie et transforment les
• Pour qu'un régime soit préconisé, il convient épisodes hypoglycémiques mineurs en formes
de rappeler qu'il doit répondre à quatre cri- sévères avec troubles neurologiques (comas,
tères : l'efficacité, la sécurité, la qualité de vie crises comitiales…). Ainsi à la question posée
et la satisfaction du patient. Si l'on applique dans le titre de ce chapitre : «Y a-t-il des régimes
cette définition aux régimes « miracles » «miracles» pour traiter le diabète sucré?», la
que nous venons de décrire, ils sont efficaces réponse est simplement et clairement : Non!

375
Fiches diététiques
J.-L. Schlienger
CHAPITRE
38
PLAN DU CHAPITRE
Fiche diététique 38.1. Repas «vertueux» (midi et soir) 379 Fiche diététique 38.6. Diabète de type 1 387
Fiche diététique 38.2. Alimentation végétarienne Fiche diététique 38.7. Diabète de type 2 392
chez un sujet diabétique 380 Fiche diététique 38.8. Repas festif 395
Fiche diététique 38.3. Les collations 382 Fiche diététique 38.9. Diabète gestationnel 396
Fiche diététique 38.4. Surpoids avec intolérance glucosée Fiche diététique 38.10. Diabète de l'enfant 398
ou prédiabète 383
Fiche diététique 38.11. Stéatose et stéatohépatite
Fiche diététique 38.5. Traitement hygiéno-diététique
chez un sujet DT2 401
du syndrome métabolique 385

Fiche diététique 38.1

Repas « vertueux » (midi et soir)  Pain : 1 grande tranche, 1 petit pain ou


Ce type de repas devrait être la base d'une 1/5e de baguette. La portion correspond à
alimentation saine que ce soit pour la popu- 50 g de pain.
lation générale ou chez les sujets à risque de  Fromage ou yaourt et/ou 1 fruit.
diabète ou encore chez les sujets diabétiques  Un verre de boisson alcoolisée au maximum
sans comorbidités. Il constitue l'ossature qua- (quand il n'existe pas d'interdit : adolescent,
litative du conseil et de la prescription diété- femme enceinte, conducteur de véhicule
tique à adapter d'un point de vue quantitatif ou de machine, ancien buveur excessif).
en fonction d'objectifs propres à chaque sujet.  Une cuillère à soupe d'huile par personne par
Il correspond aux objectifs de prévention de repas en privilégiant l'huile de colza pour l'as-
la plupart des maladies chroniques et s'appa- saisonnement et l'huile d'olive pour la cuisson.
rente à un régime de type méditerranéen.  Sel limité (pas de salière à table).
 Crudités ou potage de légumes : crudités  Condimentation à volonté.
et légumes verts consommés à volonté
pour réduire la densité énergétique et aug- Principes de l'alimentation prévenant
menter la densité nutritionnelle. la plupart des maladies chroniques
 Une portion de viande (100Ŕ120 g) ou de y compris cardiométaboliques
poisson (150Ŕ200 g) ou une tranche de
 Apport énergétique modéré.
jambon ou un œuf. L'apport en viande ne
devrait pas dépasser 500 g/semaine et la  Cinq fruits et légumes par jour riches
consommation de poisson devrait être limi- en vitamines antioxydantes (fruits) et en
tée à 1 ou 2 portions par semaine. folates (légumes à feuilles vert sombre).
©2018,ElsevierMassonSAS.Tousdroitsréservés

 Légumes verts et/ou salade verte : crudités et  Réduction des aliments riches en acides
Manueldenutritionpourlepatientdiabétique

légumes verts consommés à volonté. Ils per- gras saturés.


mettent de réduire la densité énergétique et  Augmentation du rapport oméga 3/oméga 6
d'augmenter la densité nutritionnelle. (poisson ou huiles riches en acide linolénique).
 Féculents ou céréales : 1 portion (la portion  Réduction des sucres raffinés (à indice gly-
usuelle est considérée comme satisfaisante cémique élevé).
quand l'IMC est normal).  Moins de viande rouge.
 Pâtes, riz, légumes secs, pommes de terre,  Peu d'aliments fumés ou de salaisons, peu
semoule, maïs, blé. La portion est en géné- de charcuterie.
ral égale à 120 g de riz, pâtes, légumes  Consommation limitée de boissons alcoo-
secs ou pommes de terre après cuisson. liques (2 verres/j).

379
Partie V. Fiches diététiques

Fiche diététique 38.2

Alimentation végétarienne chez un sujet diabétique


Le régime végétarien correspond à un mode martiaux peuvent être satisfaits, en théorie du
alimentaire qui n'est pas incompatible avec moins, par ce mode alimentaire et une com-
un diabète à condition de respecter quelques plémentation en micronutriments n'est pas
règles afin d'éviter carences et déséquilibre indispensable.
alimentaire.
En pratique, un régime végétarien de type
Choix des aliments
lacto-ovo-végétarien ne comporte guère de Hormis ceux qui ont été exclus délibérément
risques dès lors que l'alimentation est diver- (chairs animales), tous les aliments intéres-
sifiée, abondante et n'exclut que la chair des sants pour l'équilibre alimentaire sont éligibles
animaux : dans le cadre du diabète : céréales, féculents,
 les céréales et les féculents apportent des légumineuses, oléagineux, œufs, lait et pro-
amidons ; duits laitiers. C'est dans l'association de ces
 les légumineuses se distinguent par leur familles que réside le secret de la réussite d'un
richesse en protéine et les protéagineux régime végétarien équilibré. Les céréales sont
comme le soja et ses dérivés par leur apport à consommer de préférence peu raffinées. Les
protéo-lipidique ou lipidique ; légumineuses et les tubercules proposent un
 les légumes à feuilles et les racines se carac- apport conséquent en glucides à faible index
térisent par un faible apport énergétique et glycémique. Les légumes verts à feuille et les
un apport élevé en micronutriments et en légumes à type de racine sont toujours bien-
fibres ; venus pour leur apport en microconstituants.
 les fruits qui apportent essentiellement du
Régime végétalien
fructose, des micronutriments et des fibres
ont un index glycémique peu élevé. Il est caractérisé par l'exclusion de tout produit
L'association des familles végétales (céréales, alimentaire d'origine animale (directement ou
légumineuses, protéagineuses) au sein d'un indirectement). Ce régime n'est pas compa-
même repas assure un apport satisfaisant en tible avec l'équilibre alimentaire en raison de
acides aminés essentiels. La consommation la carence inéluctable de certains nutriments
de noix ou équivalents et l'utilisation d'huile ne se trouvant que dans le règne animal. Il en
d'olive et d'huile de colza assurent de surcroît est ainsi de la vitamine B12, de la vitamine D
un apport correct en acides gras essentiels. La et, à un moindre degré du calcium, du zinc
consommation de lait et de produits laitiers et du fer. Ce régime impose une complémen-
et la consommation des œufs assurent un tation ou une fortification alimentaire. Chez
apport suffisant en vitamine B12 et en acides les sujets diabétiques il pose les mêmes pro-
aminés essentiels. La consommation de lai- blèmes nutritionnels que dans la population
tages couvre les besoins calciques. Les besoins générale et ne peut donc être recommandé.

380
Chapitre 38. Fiches diététiques

Principaux végétaux ayant une bonne


valeur énergétique du fait de leur
apport glucidique

Céréales ou équivalents Féculents Légumineuses Oléagineux ou


de céréales protéagineux
Blé dur ou tendre Pomme de terre Lentilles Noix diverses
(boulgour, pilpil, semoule) Châtaigne Petits pois Noisettes
Semoule de maïs Tapioca ou fécule Pois chiches Amandes, pistaches
Seigle Maïzena Pois cassés Grains de courge
Orge Haricots (lingots, coco, Olives
Avoine flageolets) Soja
Épeautre Haricots rouges ou noirs
Millet Haricots mungo
Riz Soja
Sarrasin Fenugrec
Quinoa Fèves

Repas types

Repas 1 Repas 2 Repas 3


Petit déjeuner
Lait demi-écrémé Lait demi-écrémé Lait demi-écrémé
Café, thé, chocolat Café, thé, chocolat Café, thé, chocolat
Jus d'agrume Pétales de céréales Jus d'agrumes
Pain complet Fruits secs (pruneaux) Muesli
Confiture
Œuf à la coque
Déjeuner
Avocat et tomates cerises Crudités de légume, lentilles, Taboulé de quinoa à la menthe
Purée de pommes de terre, tofu pleurotes Houmos de pois chiches
Pain complet Pain complet Fromage bleu
Petit-suisse Yaourt Pain complet
Fruit Gâteau aux carottes Muffins
Dîner
Jus de tomate Soupe aux pois cassés Soupe aux flocons d'avoine
Quiche aux courgettes ou aux Pizza aux 4 fromages et aux Omelette aux légumes et pommes
poireaux tomates de terre (tortilla)
Mousse au chocolat Fruit Yaourt
Salade de fruits

381
Partie V. Fiches diététiques

Fiche diététique 38.3

Les collations
La collation est un repas léger et structuré pris bas éventuellement associé à un aliment
entre les repas principaux à ne pas confondre protéique à faible teneur en graisse en est la
avec le grignotage. Bien conçue, la collation base. Un fruit cru, un produit laitier peu sucré
permet d'éviter le grignotage, de compléter comme le yaourt, un biscuit complet, une
les apports nutritionnels et de mieux répartir barre de céréales, une biscotte aux céréales ou
les apports énergétiques et surtout gluci- des flocons de céréales sans sucre, voire du pain
diques ce qui prévient à la fois les hypergly- complet, répondent à ce cahier des charges. À
cémies excessives au décours des principaux titre d'exemple, une collation composée d'une
repas et les hypoglycémies à distance des biscotte avec 10 g de fromage ou 5 g de beurre
repas. Elle a de surcroît un effet satiétogène. et 1 fruit apporte environ 20 g de glucides et
Ses apports sont décomptés dans l'apport 120 kcal. La boisson idéale est l'eau. Les bois-
nutritionnel global de la journée puisqu'elle sons caloriques sont à éviter à l'exception du
s'intègre totalement dans l'équilibre alimen- lait. La collation ne s'ajoute pas aux apports
taire. Les collations sont indiquées au cours énergétiques journaliers mais en fait partie.
du diabète dans des circonstances assez bien
codifiées. Elles contribuent à la réduction
des glycémies postprandiales et à la variabi- Exemples de collations.
lité glycémique, réduisent le temps de jeûne
nocturne, préviennent de façon anticipatoire Collation de Collation de Collation au
10 heures l'après-midi coucher
l'hypoglycémie survenant après un exercice
programmé prolongé et participent à la ges- (15 à 20 g de (15 à 20 g de (30 g de
tion métabolique du diabète instable et du glucides) glucides) glucides)
diabète gestationnel. 2 biscuits 1 laitage 2 tranches de
D'autres justifications des collations sont moins complets au (yaourt non pain complet
licites. Il en est ainsi du recours aux collations germe de blé sucré) et moyennes
matinales pour pallier un petit déjeuner insuf- ou 1 biscotte et 1 pomme et 1 fruit ou
fisant, notamment chez les enfants ou encore 1 yaourt 1 laitage ou
1/2 tranche
des collations en milieu d'après-midi ou le soir
de jambon
au coucher par crainte d'une hypoglycémie maigre
non démontrée et non systématique.
Dans le diabète, la collation est un outil théra- 1 tasse de 1 yaourt et des 1 toast au
céréales noix fromage
peutique dont la composition doit consolider
sans sucre et 1 biscotte
l'équilibre glycémique et la prévention des 1/2 verre de lait
complications. Un glucide à index glycémique beurrée et 1 fruit

382
Chapitre 38. Fiches diététiques

Fiche diététique 38.4

Surpoids avec intolérance glucosée ou prédiabète


L'objectif est d'éviter la conversion de l'intolé- Le gradient de la restriction énergétique ne
rance glucosée en diabète, d'empêcher la pro- devrait jamais excéder 500 kcal, l'apport
gression du surpoids vers l'obésité et d'assurer énergétique total se situant, sauf exception,
une cardioprotection chez ces sujets qui asso- au-dessus de 1 500 kcal.
cient souvent plusieurs facteurs de risque. Le Le contexte particulier de l'association d'un
surpoids est la cible prioritaire dans la mesure surpoids et d'une intolérance glucosée ou
où la perte de poids (à condition d'épargner d'un prédiabète incite à remodeler l'équilibre
la masse maigre) est habituellement associée alimentaire au bénéfice des apports proti-
à une amélioration du métabolisme glucosé et diques (20 % au lieu de 12 à 15 %) avec des
une diminution de l'insulinorésistance. La réduc- apports glucidiques de l'ordre de 45 % (contre
tion des apports énergétiques n'est que l'un des 50 à 55 %). Cette formule couplée à une acti-
aspects de la prise en charge. L'activité phy- vité physique programmée est associée au
sique, la régularité des prises alimentaires, l'arrêt maintien de la masse maigre et à un moindre
du tabac s'il y a lieu, la maîtrise des facteurs psy- taux de conversion vers le diabète.
chologiques (stress) et un sommeil suffisant font La mise en place d'un tel régime dont le but
partie de la stratégie globale de prise en charge. est de perdre durablement environ 5 à 10 %
du poids est également l'occasion d'entre-
Principes prendre une éducation nutritionnelle dans le
La prescription d'une restriction calorique but de réaliser des conditions optimales de
relative ou absolue ne peut se faire sans une prévention des maladies cardiométaboliques
évaluation nutritionnelle par une enquête ali- et chroniques. L'ambition est d'obtenir l'adhé-
mentaire afin de situer le niveau des apports sion du sujet à un mode de vie incluant une
et de rechercher d'éventuelles erreurs alimen- alimentation équilibrée, « vertueuse », et une
taires systématiques dont la correction suffit activité physique régulière. Pour que la modi-
parfois à réduire considérablement les apports fication du style de vie soit acceptable il est
énergétiques : grignotages de l'après-midi ou important qu'elle reste compatible avec une
de fin de soirée, consommation de boissons vie familiale et sociale satisfaisante et que
caloriques (sodas, boissons alcoolisées), tachy- l'entourage participe directement ou indirec-
phagie, procédés culinaires à risque, surcon- tement au projet.
sommation de sauces, etc. Un suivi régulier par un soignant (mensuel
Les principes de l'équilibre alimentaire et du durant les premiers mois) contribue à la réus-
régime de type méditerranéen fondés sur une site du régime.
alimentation diversifiée riche en fibres et rela-
tivement pauvre en graisses animales (acides Choix des aliments
gras saturés < 10 % de l'apport énergétique)
restent d'actualité. La palatabilité des repas est L'élaboration des menus privilégie les aliments
assurée par le recours aux épices et aromates ayant une densité énergétique faible (fruits
en lieu et place du sel et des aliments gras et et légumes) et les aliments glucidiques ayant
sucrés. Les boissons autorisées sont à consom- un index glycémique bas (céréales complètes,
mer en abondance plutôt en dehors des repas. légumes secs). Les aliments gras et sucrés sont
Les collations n'ont pas d'utilité mais il est restreints. Parmi les aliments glucido-protidiques
possible de réserver le fruit du déjeuner pour (pain, légumineuses, certains produits laitiers)
le consommer en milieu d'après-midi ou celui sont à préférer aux aliments lipido-protidiques.
du dîner pour le soir afin de désamorcer une Le tableau suivant propose une hiérarchie des
« fringale » ce qui peut aussi être obtenu en aliments les plus courants. Les aliments dits
croquant un légume (carotte) ou en buvant un «allégés» (à l'exception du lait et des laitages
verre d'eau… sans sucre ajouté) sont souvent

383
Partie V. Fiches diététiques


Fiche diététique 38.4
des pièges dans la mesure où ils peuvent être plus un régime équilibré. Quant au recours aux édul-
caloriques que l'aliment natif et qu'ils incitent à corants intenses, ils sont à utiliser avec parcimo-
consommer quantitativement davantage. Les nie et discernement. A priori, il n'y a pas de place
succédanés de repas n'ont pas leur place dans ici pour des boissons sucrées édulcorées.

Aide au choix des aliments dans l'optique d'une perte de poids en cas d'intolérance
glucosée ou de prédiabète.

Aliments autorisés Aliments à consommer Aliments à éviter


en quantité limitée
Viandes maigres Jambon dégraissé Viandes grasses
Volaille Pain ou biscotte Charcuterie
Poisson Féculents (légumes secs, pommes de terre) Fritures
Fromage maigre Lait demi-écrémé Viennoiseries
Lait écrémé Œufs Pâtisserie
Légumes crus ou cuits Huile Glace, sorbet
Eau Beurre Fruits secs
Fruits oléagineux du commerce Plats cuisinés
Sauces grasses
Boissons sucrées et caloriques

Repas types
Repas 1 Repas 2
Petit déjeuner
Lait demi-écrémé : 1 bol Thé
2 tranches de pain beurrées 2 à 3 tranches de pain beurrées
1 tranche de jambon de Paris Fromage blanc à 20 %, 1 petit pot
Déjeuner
Salade de tomates Cocktail de crevettes roses avec un
Rôti de veau pamplemousse
Jardinière de légumes Cabillaud
1 tranche de pain complet Riz
Yaourt nature 1 tranche de pain complet
1 portion de camembert
Fraises
Dîner
Soupe de légumes sans crème Tomates farcies à la viande
Filet de merlan Salade verte
Haricots verts 1 tranche de pain
1 tranche de pain Petit-suisse
1 portion de camembert Fruit

384
Chapitre 38. Fiches diététiques

Fiche diététique 38.5

Traitement hygiéno-diététique du syndrome métabolique


Principes Optimiser la prévention cardiovasculaire
Il n'y a pas d'aliments formellement interdits Cet objectif peut être atteint en préconisant
dans le contexte du syndrome métabolique. la consommation des aliments précités et en
Il s'agit plutôt d'une alimentation à visée pré- conseillant une activité physique (30 min de
ventive se rapprochant de l'alimentation dite marche rapide/j).
« vertueuse » ou de l'alimentation méditerra- Tous les principes de l'équilibre alimentaire sont
néenne mais aussi de propositions diététiques à respecter. Le modèle alimentaire méditerra-
adaptées au DT2, à l'obésité et aux dyslipi- néen semble le mieux adapté aux objectifs (huile
démies. Les ajustements se font sur le poids, d'olive, fruits et légumes, laitages «maigres»,
l'hypertriglycéridémie et la glycémie. poisson, moins de viande et de charcuterie, peu
de matières grasses animales). Le régime doit et
Améliorer les habitudes de vie
peut rester convivial moyennant une modifica-
 Lutter contre la sédentarité (activité phy- tion des habitudes alimentaires facilitée par un
sique programmée). accompagnement diététique et une conversion
 Lutter contre le tabac et la consommation des membres de la famille à ces standards.
excessive d'alcool.
Choix des aliments
Réduire les apports énergétiques
L'alimentation doit être hypolipidique : moins  Les aliments à la base de l'élaboration des
d'AG saturés, davantage d'AG monoinsa- repas sont globalement les mêmes que
turés (huile d'olive) et d'AG n-3 (poisson, ceux qui sont privilégiés dans le régime pré-
huile de colza). En pratique, le remplacement ventif de l'athérosclérose, dans le régime
des huiles d'assaisonnement classiques par du diabète de type 2 et dans le régime
de l'huile d'olive à raison d'une cuillerée à modérément hypocalorique.
soupe d'huile d'olive par tranche d'apport calo-  La limitation des aliments les plus gras est
rique de 700 kcal permet d'assurer un apport une étape essentielle :
de 20 % des calories sous forme d'AGMIS. Ŕ moins de viande (3 à 5 fois/semaine) ;
Réduire les apports sodés Ŕ peu de charcuterie et de matières grasses
animales (beurre, crème) ;
Pour gérer la pression artérielle, il faut sup- Ŕ peu de plats cuisinés du commerce ; pas
primer les plats cuisinés, les salaisons et les de fritures ;
charcuteries. La consommation de fromage Ŕ le moins possible de viennoiseries, de
doit être réduite et il ne faut pas saler les ali- chocolat et de pâtisseries en préférant
ments. La quantité de pain, grand pourvoyeur les produits ayant un apport inférieur à
de sodium, est en principe réduite dans un 10 g de lipides/100 g de produit.
régime hypocalorique, ce qui réduit indirecte-  L'augmentation de la consommation
ment les apports sodés. des fibres alimentaires s'obtient par une
Améliorer la glycémie consommation accrue de légumes, de
fruits et de céréales complètes.
Cet objectif peut être atteint en limitant la
 La consommation de poisson 2 fois par
part des sucres à index glycémique élevé et en
semaine et l'utilisation d'huile de colza (en
augmentant la consommation des fibres ali-
complément de l'huile d'olive) permettent
mentaires (céréales complètes, légumineuses,
d'augmenter les apports en AG n-3.
cinq portions de fruits et légumes par jour).
 Les apports en sel sont à limiter : les ali-
Ces mesures agissent surtout sur les glycémies
ments salés (charcuteries, saumures, salai-
postprandiales.
sons, certains fromages) sont à éviter.

385
Partie V. Fiches diététiques


Fiche diététique 38.5
 La consommation modérée de vin toute boisson alcoolique doit être évitée
(2 verres/j) peut contribuer à la prévention en cas d'hypertriglycéridémie, anomalie
cardiométabolique en l'absence de toute fréquemment rencontré dans les états
contre-indication. En revanche, la consom- d'insulinorésistance dont le syndrome plu-
mation de vin et plus généralement de rimétabolique est l'une des expressions.

Repas types

Repas 1 Repas 2 Repas 3


Petit déjeuner
Thé, café, lait demi-écrémé Thé, café, lait Thé, café, lait
Pain complet Muesli Pain complet
Tranche de jambon de volaille Yaourt Yaourt
Fruit Œuf coque
Déjeuner
Salade de crudités (huile de colza) Salade de concombre Radis
Cabillaud (micro-ondes) Escalope de dinde grillée Rôti de veau
Riz Purée mixte pommes de terre/ Poêlée de légumes (huile
Yaourt carottes d'olive)
Fruit Fromage Pain complet
Fruit Yaourt
Fruit
Dîner
Soupe de flocons d'avoine Salade de pissenlits Potage de légumes
Jambon maigre Œuf poché Filet de poisson
Salade de pommes de terre Pain complet Pâtes
Salade verte Yaourt Pain
Fromage Fruit Fromage blanc
Fruit Fruit

386
Chapitre 38. Fiches diététiques

Fiche diététique 38.6

Diabète de type 1
Le régime diabétique a pour but de limiter Choix des aliments et boissons
les variations glycémiques Ŕ notamment
l'hyperglycémie postprandiale Ŕ de contrôler Contrôler l'apport glucidique
le poids et de prévenir les complications car- La consommation de glucides en quantité suffi-
diovasculaires tout en satisfaisant l'ensemble sante et sous des formes diversifiées fait partie
des besoins énergétiques et en nutriments. Il de l'équilibre alimentaire. Les glucides doivent
devrait être proche de l'alimentation équili- représenter entre 50 et 55 % de l'apport énergé-
brée et diversifiée « normale » ou « vertueuse » tique total. Il importe d'apprendre à les consom-
et comporter le moins de contraintes possible mer et à les différencier pour éviter que leur
afin d'être compatible avec la vie quotidienne impact sur la glycémie ne soit trop important.
et de ne pas altérer la qualité de vie. C'est  Les glucides complexes sont présents dans
en tout cas à cette condition que l'adhésion différents groupes d'aliments : céréales
au régime sera optimale. Les modalités de (riz, blé, maïs, seigle, avoine…) et produits
l'insulinothérapie (basal-bolus, pompe à insu- céréaliers (pain, pâtes, biscottes, semoule,
line, insulinothérapie fonctionnelle…) et de polenta…), légumes secs (lentilles, pois cas-
l'autocontrôle autorisent une certaine sou- sés, pois chiches, haricots secs, fèves…).
plesse dans les horaires des prises alimentaires  Les glucides simples sont présents dans
bien que le respect des rythmes alimentaires les fruits frais et secs et dans leurs dérivés
conventionnels soit souhaitable chaque fois (jus, compotes…), les légumes et le lait.
que possible. La prescription de collations est Les sucreries et les boissons sucrées en
subordonnée aux caractéristiques du profil contiennent en quantité importante.
glycémique et n'est pas systématique, tant
s'en faut. Utiliser les équivalences glucidiques
et l'index glycémique des aliments
Principes généraux L'estimation de la quantité de glucides fournis
par l'alimentation est un élément essentiel de
 Faire trois repas par jour (petit déjeuner, déjeu- l'éducation nutritionnelle dans le diabète. Il est
ner et dîner), les collations étant facultatives. d'usage de le faire en convertissant les aliments
 Consommer à chaque repas des féculents en équivalents glucidiques de 20 g de glucides.
en préférant ceux qui sont riches en fibres La connaissance de l'index glycémique des
(légumineuses, pain aux céréales, au son) aliments glucidique est intéressante mais d'uti-
et les pâtes al dente. lisation assez difficile en pratique puisqu'elle
 Consommer au moins cinq portions de végé- dépasse la notion de sucres « simples » et de
taux (légumes et fruits) crus et cuits par jour. sucres « complexes ». Ainsi les fruits contenant
Leur apport en fibres permet de limiter l'aug- un sucre simple, le fructose, ont un index gly-
mentation de la glycémie postprandiale. cémique plus bas que le pain blanc qui contient
 Consommer deux à trois portions de pro- un sucre complexe, l'amidon. De principe il
duits laitiers par jour. faut préférer les aliments glucidiques riches
 Consommer une portion de viandes ou pois- en fibres dits « complets », ne consommer de
sons ou œufs (VPO) au déjeuner et au dîner. glucides qu'au sein d'un repas mixte apportant
 Limiter la consommation de graisses des fibres sous forme de légumes et n'ingé-
saturées (charcuterie, viandes grasses, rer une petite quantité de glucides simples
fromages à pâte, beurre, mayonnaise, pro- « rapides » qu'à la fin d'un repas et jamais entre
duits industriels). les repas pour atténuer l'impact sur la glycémie
 Privilégier les graisses insaturées : huiles postprandiale. Les aliments solides à mastiquer
(olive, colza, noix, soja) et poissons gras ont un impact moindre que leurs équivalents
(saumon, anguille, maquereau, sardines). sous forme de bouillie ou de liquide.

387
Partie V. Fiches diététiques


Fiche diététique 38.6
Boissons consommé le ventre vide. Les boissons alcoo-
L'eau est la boisson recommandée. Les bois- liques sont imitées à 20 g/j soit deux verres. Le
sons sucrées non édulcorées sont proscrites a vin de référence apporte une quantité négli-
priori. Toutefois un verre de jus de fruit sans geable de glucides. En revanche, un verre de
sucre ajouté peut être considéré comme l'équi- vin doux, un verre de bière ou une bolée de
valent d'un fruit à condition de ne pas être cidre apportent environ 20 g de glucides.

Tableaux d'équivalences nutritionnelles

Quelques équivalences glucidiques « repères» de 20 g.

Pains et équivalents
Pains 40 g de pain blanc : 1/6 de baguette
2 tranches fines de pain conventionnel
40 g de pain de mie : 2 petites tranches
40 g de pain de campagne
40 g de pain au son
Il est préférable de choisir des pains à haute teneur en fibres (pain de
tradition, pain bis, de campagne, complet, au son…) et d'éviter les pains de
mie et le pain blanc
Produits de viennoiserie 1 croissant
1 petit pain au lait nature
1 brioche ou 2 tranches de brioche prédécoupées
Biscottes ou équivalents 3 biscottes
4 Cracottes
2 toasts ronds briochés
Céréales 25 g de corn flakes
30 g de muesli «nature »
30 g de flocons d'avoine
30 g de céréales allégées «sans sucres»
45 g de céréales enrichis en fibres «sans sucres »
Féculents et équivalents
100 g de féculents cuits 2 pommes de terre de la taille d'un œuf
2 càs de purée
4 càs de riz
4 càs de pâtes
3 càs de blé
4 càs de maïs
5 càs de légumes secs
50 g de châtaignes
60 g de frites
40 g de chips

388
Chapitre 38. Fiches diététiques

Fruits et équivalents
Fruits frais 1 pomme (environ 150 g), 1 poire, 1 pêche, 1 brugnon, 1 orange,
2 mandarines, 3 clémentines, 3 grosses prunes, 2 kiwis, 3 abricots, 250 g
de baies rouges, melon, fraises, pastèque, pamplemousse blanc, 15 grains
de raisin, 15 cerises, 1/2 banane, 10 à 12 lychees
1 verre de jus de fruit (100 %) ou une briquette de 20 cl
Fruits en compote 80 à 100 g de fruits au sirop
100 g de compote sucrée
200 g de compote sans sucre ajouté
Fruits secs 1 à 2 figues sèches
3 pruneaux
3 abricots secs
3 dattes
Produits laitiers et dérivés
Produits laitiers 1 yaourt aux fruits
3 yaourts nature
1 petit pot de dessert lacté (environ 100 g)
150 g de yaourt à boire
20 cl de lait chocolaté
1 fromage blanc aux fruits sucrés
Glaces 2 boules de glace ou de sorbet
Biscuits et gâteaux
3 petits-beurre
30 g de quatre-quarts
4 gaufrettes fourrées
1 crêpe confiture ou chocolat
1 tranche et demie de pain d'épice
2 cookies nature ou 1 cookie au chocolat
1/2 part de tarte
1/2 pâtisserie (éclair, chou à la crème)

389
Partie V. Fiches diététiques


Fiche diététique 38.6
Quelques repères pratiques pour orienter le choix des aliments glucidiques
selon leur index glycémique (IG).

IG faible : < 40 Produits laitiers : yaourt édulcoré, tous les laits, yaourt nature édulcoré, crème anglaise
A Pain au son, aux céréales postpr
u Féculents : Pâtes, raviolis, petit pois, pois chiches, lentilles, haricots rouges, blancs, andiale et
t All-Bran pour évit
er des hy
r Légumes : presque tous… carottes
poglycé-
e Fruits : cerise, pamplemousse, pomme, poire, raisin mies i
s Jus de pomme nterprandi
Produits sucrés : fructose, chocolat noir ales ou n
o octurnes.
IG moyen : 40Ŕ70 Produits laitiers : crème glacée
b A priori,
Pain : blanc, complet c'est l
j
Féculents : riz blanc, basmati, semoule, pommes de terre nouvelles, chips, croissant, 'insulinoth
e
pâtisseries, porridge érapie qui
c
Fruits : kiwi, banane, ananas est adapt
t
Jus d'orange ée aux
i
prises
f IG élevé : > 70 Pain : baguette
alimentaire
s Féculents : riz «rapide », pommes de terre frites, purée de pommes de terre, céréales de
s et non l'i
petit déjeuner type Spécial K, corn flakes
nverse.
q Fruits : pastèque
u Produits sucrés : glucose, miel, gaufres, pâtisseries, viennoiseries Petit
e
le contrôle déjeuner
de la glycémie Un petit déjeuner équilibré et rassasiant qui
Dans le diabète de type 1 comme dans tout dia- évite la collation de milieu de matinée se com-
bète, le régime diabétique n'a pas pour seul but pose au moins :
de réduire les variations de la glycémie après un  d'une boisson chaude Ŕ thé, café, infusion,
repas, mais également de prévenir et de traiter lait (nature 1/2 écrémé ou chocolaté) Ŕ éven-
les complications cardiovasculaires en : tuellement sucrée à hauteur de 5 g (1 mor-
 contrôlant le poids par une alimentation hypo- ceau de sucre taille 4 pour un bol de 30 cL);
calorique (surtout dans le diabète de type 2);  de glucides complexes Ŕ pain complet, aux
 réduisant le risque cardiovasculaire : limita- céréales, pain bis, biscottes au blé complet Ŕ
tion des graisses saturées ; voire céréales complètes sans sucre. Éviter
 limitant les apports en sel. la baguette traditionnelle dont l'index gly-
La pratique d'une activité physique est un cémique est élevé et les viennoiseries (crois-
auxiliaire thérapeutique indispensable. sant, brioche, petits pains) qui apportent
des graisses saturées et du sucre ;
Composition des repas  d'un laitage nature simple : yaourt, fro-
La prise régulière des repas Ŕ petit déjeuner, mage blanc, faisselle, petit-suisse… ou fro-
déjeuner et dîner Ŕ est un préalable pour mage à pâte dure (portion de 30 g).
simplifier l'administration de l'insuline et
pour prévenir les excursions glycémiques trop
marquées et le risque d'hypoglycémie. Le 390
recours aux collations standardisées peut se
justifier pour mieux écrêter l'hyperglycémie
Chapitre 38. Fiches diététiques

À cette base il est possible d'ajouter un fruit Collations


frais (plutôt que pressé) ou deux fruits secs, un Elles ne sont pas improvisées mais pres-
peu de beurre (10 g maximum) et du miel ou crites et régulières car justifiées par le plan
de la confiture (1 càc rase) sur les tartines. Le thérapeutique. Voici quelques exemples de
recours aux produits « sans sucres » compor- collations apportant 15 à 20 g de glucides
tant des édulcorants de masse se fait dans les pouvant être appropriées au DT1 en rap-
mêmes proportions. pelant que les apports caloriques et gluci-
Repas principaux diques sont comptabilisés dans la dotation
globale et donc soustraits des apports des
Répartir les glucides entre les différents repas
principaux repas :
en favorisant les glucides à index glycémique
 30 g de pain ou 2 biscottes ;
bas et consommer à chaque repas des fruits et
 20 g de pain et 2 carrés de chocolat ;
légumes. Les aliments protido-lipidiques d'ori-
 1 fruit ou 1 ramequin de compote sans
gine animale sont consommés en quantités
sucre ;
limitées. Les apports doivent être structurés,
 3 à 4 fruits secs ;
suffisants et rassasiants pour éviter le grigno-
 1 barre de céréales ;
tage. Les modes de préparation à type de fri-
 1 yaourt aux fruits.
tures ou de ragoûts en sauce sont à éviter.

Repas types
Repas 1 Repas 2 Repas 3
Petit déjeuner
Lait ou yaourt Lait ou yaourt Lait ou yaourt
60 g de pain (1/4 de baguette) 3 biscottes complètes Pain complet beurré
Beurre 1 œuf coque 1/2 tranche de jambon
1 càc de confiture 1 fruit 1 fruit sec
1 fruit
Déjeuner
Crudités Escalope de dinde Crudités
Viande Pâtes à la sauce tomate Viande ou poisson
Féculents Pain (1 tranche) Légumes verts à volonté et
Légumes verts Salade iceberg lentilles (150 g cuits, 3 càs)
Fromage Petit-suisse Fromage
Pain complet Compote de rhubarbe édulcorée Fruit

Dîner
Soupe de légumes Radis au beurre Potage ou bouillon
Jambon maigre ou poisson Poisson grillé Blanc de poulet
Féculents Riz Salade de lentilles
Salade Pain Pain (1 à 2 tranches)
Pain Fromage à pâte dure Camembert (1/8 )
e

Fruit Pomme au four Fruit

391
Partie V. Fiches diététiques

Fiche diététique 38.7

Diabète de type 2
Le traitement diététique est aussi utile qu'in- l'origine d'une alimentation « émotionnelle »
dispensable à tous les stades du diabète de perturbant les conduites alimentaires.
type 2. Associé à l'activité physique, il est le La réduction des portions usuelles est un
traitement de première ligne qui précède toute moyen important de contrôle des apports
option pharmacologique. À la phase initiale il énergétiques. Il faut à cet effet s'aider de
réduit de moitié le taux de conversion de l'état mesures pour les estimer plutôt que de recou-
d'intolérance au glucose à celui de diabète rir à l'exercice fastidieux de la pesée : unités
patent. Par la suite, il assure un contrôle satis- ménagères, atlas de mets, astuces diverses…
faisant de la glycémie permettant de différer le Le régime doit être appétissant : présentation
traitement médicamenteux. Il reste indispen- soignée des aliments et aromatisation des
sable pour renforcer l'efficacité du traitement mets.
pharmacologique et augmente sa durabilité. Les procédés culinaires sont variés mais tous
Au stade de l'insulinothérapie, les mesures économes en graisses d'ajout : à l'eau, à la
diététiques doivent être renforcées pour limi- vapeur, au gril, au four, utilisation de poêles à
ter l'importance de la prise de poids favorisée revêtement antiadhésif, micro-ondes…
par l'insuline. Dans le DT2, le régime a égale- Les boissons non caloriques sont à consom-
ment pour but de diminuer l'excès de poids et mer en abondance.
la dyslipidémie très fréquemment associés au L'efficacité du régime est évaluée toutes les
DT2. Il est de plus un auxiliaire important de semaines ou quinzaines par une pesée le matin
la prévention des complications macrovascu- à jeun, dans des conditions reproductibles.
laires, éléments majeurs du pronostic du DT2.
Améliorer la sensibilité à l'insuline
Principes généraux et réduire la charge glycémique
Les objectifs sont de réduire tout à la fois les Lors de la découverte d'un diabète de type 2
apports énergétiques, la charge glycémique, chez un sujet en surpoids ou obèse, le régime
les apports en acides gras saturés et les a pour but premier d'obtenir une perte de
apports sodés en maintenant néanmoins une poids par un régime de restriction calorique
alimentation structurée, équilibrée, diversifiée pour améliorer la sensibilité à l'insuline qui
et palatable. se traduit par une amélioration des glycémies
moyennes. La restriction énergétique com-
Réduire les apports énergétiques
porte habituellement une moindre consom-
L'objectif devrait être de diminuer l'IMC de 5 à mation de produits sucrés. La diminution
10 % quand il est supérieur à 27. de la charge glycémique est obtenue par la
Le degré de la restriction calorique dépend de diminution de la consommation des aliments
l'importance de l'excès de poids et, surtout, glucidiques à index glycémique élevé et par
des données de l'enquête alimentaire qui la réduction globale des apports glucidiques
permettent de préciser le niveau des apports (implicite dans un régime hypocalorique) mais
énergétiques. La modification des habitudes sans exclusion des aliments glucidiques « com-
de vie et la modification des habitudes ali- plexes » et riches en fibres.
mentaires sont intimement liées. La prescrip- Les glucides doivent représenter entre 50 et
tion d'un régime hypocalorique n'a de sens 55 % de l'apport énergétique total. Les glu-
que si elle s'accompagne d'une lutte contre cides complexes sont présents dans différents
la sédentarité et d'une correction des erreurs groupes d'aliments (céréales : riz, blé, maïs,
alimentaires. Une large place doit être faite à seigle, avoine… ; produits céréaliers : pain,
l'activité physique, à la régularité de la prise pâtes, biscottes, semoule, polenta ; légumes
alimentaire dans de bonnes conditions et secs : lentilles, pois cassés, pois chiches, hari-
à la maîtrise des facteurs psychologiques à cots secs, fèves…). Ces aliments glucidiques

392
Chapitre 38. Fiches diététiques

gagnent toujours à être consommés sous une des laitages, constituent souvent un piège
forme solide et peu raffinées en raison d'un pouvant aboutir à une augmentation de la
moindre impact sur la glycémie postprandiale. consommation globale.
Les édulcorants intenses (aspartame, stévia, L'estimation de la quantité de glucides fournis
etc.) sont à utiliser avec discernement dans la par l'alimentation est souhaitable et peut être
mesure où ils peuvent renforcer le goût pour acquise dans le cadre d'un programme d'édu-
le sucre. Les aliments allégés, à l'exception cation thérapeutique.

Équivalences pour 20 g de glucides.

Céréales et féculents Desserts Fruits


L100 g de féculents (poids cru) 1 yaourt aux fruits 1/2 banane  un appo
e2 pommes de terre de la taille d'un 1 entremet ou lait gélifié 1 pomme, pêche, poire, rt énergéti
œuf 1/2 part de pâtisserie orange (200 g) que privilég
p60 g de frites (éclair, chou à la crème) 4 clémentines iant les gluc
o40 g de chips 40 g de chocolat 15 cerises ou grains de raisin ides
t comple
e2 tranches de pain 30 g de quatre-quarts 3 grosses prunes
xes et les c
n4 càs de légumes secs 200 g d'ananas frais éréales co
t 2 grosses càs de purée 250 g de fraises mplètes alo
i 4 càs rases de farine rs que
e la part d
l hyperglycémiant des aliments es sucres simples est réduite;
qui déborde la classification en sucres  une réduction des apports sodés.
« simples » et en sucres « complexes » est Il est souhaitable d'intégrer dans l'alimen-
estimé par l'index glycémique des aliments tation usuelle, dans le respect de l'équilibre
glucidiques mais son utilisation s'avère assez global, les aliments ayant des propriétés car-
difficile en pratique. De principe, il faut pré- dioprotectrices intrinsèques suggérés par les
férer les aliments glucidiques riches en fibres études épidémiologiques :
dits « complets », ne consommer de glucides  poissons : au moins 2 fois par semaine ;
qu'au sein d'un repas mixte apportant des  fruits et légumes : 400 g chaque jour (4 à
fibres sous forme de légumes et n'ingérer 5 portions) ;
une petite quantité de glucides simples  céréales non raffinées à chaque repas ;
« rapides » qu'à la fin d'un repas et jamais  produits laitiers au moins 2 fois par jour ;
entre les repas.  noix et graines ;
Gérer le risque cardiovasculaire  huile d'olive.
Les préconisations précédentes concourent Choix des aliments
largement à cet objectif. La prévention du Le choix des aliments permettant de créer
risque athéromateux comporte : un différentiel énergétique négatif entre les
 une diminution de la densité énergétique entrées et les sorties, sans sacrifier le plaisir de
en réduisant la part des acides gras saturés ; manger des portions plus petites mais goû-
 une augmentation de la part relative des teuses et variées, s'inscrit dans le cadre d'une
AG monoinsaturés par rapport aux glu- alimentation à faible charge glycémique et à
cides en cas d'hypertriglycéridémie ; faible potentiel athérogène.
 un apport important en fruits et légumes ;
 un apport en AG n-3 à chaîne longue
(poisson) ;

393
Partie V. Fiches diététiques


Fiche diététique 38.7
Aide au choix des aliments dans l'optique d'une perte de poids en cas d'intolérance
glucosée ou de diabète de type 2.

Aliments autorisés Aliments recommandés mais à Aliments à éviter


consommer en quantité limitée
CViandes maigres Jambon dégraissé Viandes grasses cas d'ex
oVolaille Pain complet ou biscottes Charcuterie cès de poi
mPoisson complètes Viennoiseries ds et satisf
Féculents (légumes secs, pommes aisante qu
pFromage < 45 % MG Pâtisserie
de terre) and
oLait écrémé Glace, sorbet l'IMC e
Lait demi-écrémé
sLégumes crus ou cuits Plats cuisinés st normal.
i Fruits Œufs
Sauces grasses Les appo
t Eau Huile rts en suc
Boissons sucrées et caloriques
i Beurre res
o Fruits oléagineux du commerce simples
n sont réduit
des repas s au strict minimum.
 Consommer deux à trois portions de pro-
La trame du régime, commune à ces objectifs,
duits laitiers par jour : lait 1/2 écrémé,
est celle du régime «vertueux» proche du yaourt nature et fromage à faible teneur en
régime méditerranéen dont la densité énergé- matières grasses.
tique est basse (moins d'aliments gras et sucrés)  Consommer une portion de viande peu
et la densité nutritionnelle élevée (davantage grasse (100Ŕ120 g), ou une tranche de jam-
de légumes, de fruits et de céréales complètes). bon dégraissé ou du poisson (150Ŕ200 g)
 Trois repas structurés par jour (petit déjeu- ou un œuf au déjeuner et au dîner.
ner, déjeuner et dîner).  Réduire la consommation de graisses
 Consommer au moins cinq portions de saturées (charcuterie, viandes grasses,
végétaux (légumes et fruits) crus et cuits par fromages à pâte, beurre, mayonnaise, pro-
jour. Leur intérêt tient à leur faible densité duits industriels, pâtisseries, viennoiseries).
énergétique et à leur teneur en fibres qui  Privilégier les graisses insaturées : une cuillère
permettent de limiter l'augmentation de la à soupe d'huile d'assaisonnement par repas
glycémie postprandiale. Crudités et légumes (olive, colza, noix, soja) et poissons gras.
verts peuvent être consommés à volonté.  Éviter les boissons caloriques.
 Consommer des féculents à chaque repas  Condimentation à volonté par des ingré-
en quantité limitée en préférant ceux qui dients peu salés et sans graisses. Éviter les
sont riches en fibres (légumineuses, pain aliments fumés et les salaisons.
aux céréales, au son) et les pâtes al dente
pour éviter les excursions glycémiques. La
portion usuelle est supposée excessive en

394
Chapitre 38. Fiches diététiques

Repas types
Repas 1 Repas 2
Petit déjeuner Thé ou café sans sucre Bol de café au lait
2 tranches de pain complet ou aux 3 biscottes
multicéréales 1 càc de confiture
Beurre < 10 g 1 orange
Yaourt nature
Déjeuner Salade de crudités à volonté Radis
assaisonnée Dos de cabillaud
Viande grillée (100 g) 2 pommes de terre vapeur
4 càs de pâtes Brocolis à volonté
1/2 tranche de pain 1 tranche de pain
30 g de fromage < 45 % MG 1 yaourt nature
Fruit
Dîner Soupe de légumes Omelette (2 œufs)
Blanc de poulet Salade (assaisonnement à l'huile d'olive)
Haricots verts 2 tranches de pain
2 tranches de pain Fromage de Comté (30 g)
Fruit 1 salade de fruits sans sucre

Fiche diététique 38.8

Repas festif
Un repas festif est synonyme d'apport calo- et… ne pas oublier d'avoir 6 morceaux de
rique excessif (de l'ordre de 500 kcal de la sucre sur soi.
mise en bouche au dessert) et d'horaires déca-  En cas de traitement par l'insuline antici-
lés et a, par définition, un caractère exception- per l'hyperglycémie par une augmentation
nel et inhabituel. Il n'y a évidemment pas de modérée de la dose (+ 2 unités) au moment
fiche diététique possible pour faire face à un de passer à table. En cas de traitement
repas festif. Néanmoins la connaissance de par pompe choisir l'injection d'un bolus
quelques conseils de bon sens évite des inci- « carré ». En cas de traitement oral, ne rien
dents gênants (hypoglycémie) ou une hyper- modifier.
glycémie majeure.  Ne pas surestimer les apports glucidiques
 Ne pas modifier la composition et les car tous les mets d'exception ne sont pas
horaires du petit déjeuner et du déjeuner glucidiques (huîtres et autres fruits de mer,
(si le repas festif a lieu le soir). Ne pas sauter foie gras, saumon, pièce de viande…).
le repas du soir si le repas festif a lieu au  Évaluer grossièrement la quantité de glu-
déjeuner. cides à index glycémique bas ingérés avant
 Ne pas aborder un repas de fête sans avoir d'aborder le dessert et compenser des
à disposition la panoplie permettant de apports glucidiques insuffisants par une
contrôler la glycémie, d'injecter l'insuline tranche de pain.

395
Partie V. Fiches diététiques


Fiche diététique 38.8
 Ne pas grignoter de pain en attendant les même si la consommation modérée de
plats. boissons alcooliques est autorisée chez
 Limiter la consommation des boissons alcoo- le patient diabétique au cours d'un repas
liques à trois verres maximum : un à l'apéritif, festif, elle est à éviter quand le sujet a une
un avec le plat de poisson et un avec le plat de hypertriglycéridémie.
résistance et le fromage. Ne pas consommer  Se limiter à une portion de dessert quitte
de boissons alcooliques pendant le dessert et à prendre deux demi-portions s'il y a deux
ne pas succomber à la tradition du digestif. desserts. La salade de fruit ou un fruit sont
 La consommation de boissons sucrées les desserts de choix.
sans alcool est fortement déconseillée Après le repas festif, ne pas modifier les habi-
chez le patient diabétique, en particulier tudes alimentaires et les horaires au prétexte
quand elles sont consommées en début de vouloir « rattraper » les excès. Corriger
de repas, c'est-à-dire au moment où elles secondairement une hyperglycémie impor-
sont le plus hyperglycémiantes. Enfin, tante en adaptant le traitement.

Fiche diététique 38.9

Diabète gestationnel (DG)


Le traitement diététique est le traitement de exclusion alimentaire. L'objectif est de couvrir
première ligne du DG. Il est complété par une les besoins quantitatifs et qualitatifs adaptés
insulinothérapie en cas de contrôle glycé- au stade de la grossesse sans recourir systé-
mique insuffisant. Son but est de : matiquement à des supplémentations et de
 normaliser les glycémies à jeun (< 1,0 g/L) réduire au maximum l'hyperglycémie induite
et les glycémies postprandiales (< 1,2 g/L) par les prises alimentaires.
jusqu'à l'accouchement ; Les apports journaliers ne sont jamais infé-
 prévenir toute carence notamment pro- rieurs à 1 500 kcal et 180 g de glucides ; les
téique et en micronutriments ; proportions entre les macronutriments restent
 contenir la prise de poids dans les stables quel que soit le niveau d'apport calo-
limites souhaitables (notamment en cas rique. Tous les aliments à l'exception des
d'insulinothérapie) ; boissons alcoolisées peuvent avoir une place
 favoriser les conditions de confort digestif dans l'alimentation à condition de respecter
tout au long de la grossesse. les grands principes nutritionnels de la gros-
sesse et de privilégier les aliments à faible
Principes généraux index glycémique afin d'écrêter les glycémies
Les conseils diététiques réalistes, personnalisés postprandiales. Les aliments glucidiques à
et respectueux de la dimension hédonique de index glycémique peu élevé sont répartis au
l'alimentation, sont dispensés en fonction de cours des différents repas et collations. La
la corpulence, des données de l'enquête ali- consommation de boissons caloriques est
mentaire et de critères médicaux. déconseillée.
Une éducation alimentaire portant sur les
Régularité des prises alimentaires
notions de quantité, d'équivalence, de régu-
larité et de répartition dans la journée est et des apports énergétiques
indispensable pour la mise en œuvre d'une ali- C'est un élément important du régime dans
mentation suffisante, variée, palatable, et sans le DG.

396
Chapitre 38. Fiches diététiques

Fractionnement de l'alimentation La prise de poids est à contrôler strictement


Il peut être pratiqué sous forme de trois repas surtout au 3e trimestre puisqu'elle majore
et deux à trois collations glucidiques (en fait l'insulinorésistance. Après la mise sous insu-
glucido-protidiques pour mieux limiter l'ex- line, ce qui ne dispense évidemment pas de
cursion glycémique). C'est une des bases du la poursuite du régime, la mission devient
traitement du diabète gestationnel. Il permet beaucoup plus difficile et la dérive pon-
de réduire l'hyperglycémie postprandiale et dérale fréquente. En l'occurrence, le strict
la variabilité glycémique du fait de la diminu- contrôle de la glycémie prime sur celui du
tion des apports glucidiques lors des repas Ŕ poids.
à condition de faire appel à des collations La survenue d'une grossesse dans le cadre
nutritionnellement satisfaisantes Ŕ puisque la d'un diabète connu impose de poursuivre les
collation est composée d'aliments glucidiques règles diététiques d'usage dans le diabète
prélevés sur le repas qui précède. Les collations en renforçant les consignes afin de contrô-
glucidiques assurent un apport énergétique ler au mieux les variations glycémiques et la
régulier au fœtus. Une collation du soir bien prise de poids. L'introduction des collations
calibrée à base de produits lactés, de céréales permet de réduire la charge glycémique des
et de fruits a l'avantage de réduire la durée repas.
du jeûne nocturne qui est mal toléré par le Choix des aliments
fœtus. Par ailleurs, les collations contribuent
à l'amélioration de l'équilibre énergétique Parmi les glucides, les aliments à supprimer
en augmentant le ratio glucides/lipides et les sont le sucre, les confiseries, les bonbons, le
apports calciques et vitaminiques lorsqu'elles chocolat, les confitures, les glaces et sorbets,
sont constituées de produits laitiers, de fruits, les yaourts sucrés fruités, les fruits en sirop et
de produits céréaliers et d'une boisson. toutes les boissons sucrées. La consommation
Ces collations sont plutôt bien acceptées de boissons édulcorées par l'aspartame est
parce qu'elles ont un effet favorable sur le déconseillée par application du principe de
confort digestif. En cas de réticence motivée précaution. En revanche l'utilisation de stévia
par la crainte de prendre du poids ou pour des est autorisée.
raisons d'organisation pratique, il faut insister Les aliments à limiter sont les fruits
sur l'importance de la régularité des prises ali- (2 portions/j) et le lait (il apporte des glucides,
mentaires et les dangers de tout saut de repas. contrairement à d'autres produits laitiers).

Journée alimentaire type


Petit déjeuner
Boisson au choix : lait, café, tisane, thé
Pain (toast) beurré ou laitage (yaourt) ou céréales sans sucre
Quantité à déterminer selon qu'une collation est prévue (ou non) vers 10 h 30
Déjeuner
Crudités (sauf en cas de séronégativité pour la toxoplasmose)
Viande, poisson ou œuf : 1 portion
Légumes
Féculents (pommes de terre, riz, pâtes, semoule) : 1 portion
1 fruit cru
Collation vers 16 h 30
1 tranche de pain complet et 1 yaourt

397
Partie V. Fiches diététiques


Fiche diététique 38.9

Dîner
Potage de légumes
Viande, poisson ou œuf
Légumes
Féculents (ou pain)
Laitage
1 portion de fruit cru
Avant le coucher : une collation glucido-protéique
1 tranche de pain complet et 1 yaourt
ou 1 tranche de pain, un fruit et 1 yaourt

Fiche diététique 38.10

Diabète de l'enfant
Les grands principes Le repas est le même que celui du reste de la
famille et de la fratrie, moyennant un amé-
Couvrir les besoins nutritionnels nagement des quantités à l'âge et à l'activité
Les besoins nutritionnels sont les mêmes physique, afin que l'enfant ne soit pas isolé.
que ceux des autres enfants. Aucun aliment Le repas familial devrait être exemplaire :
n'est véritablement interdit. Toutefois, le bon équilibré, structuré (avec idéalement un ali-
contrôle du diabète suppose une alimenta- ment de chaque classe alimentaire), pris à
tion régulière, équilibrée avec une teneur en horaires réguliers dans le calme.
glucides maîtrisée et reproductible d'un jour Chaque repas devrait apporter au moins
à l'autre. L'alimentation est synchronisée par un féculent ou équivalent : pain, pâtes, riz,
rapport à l'action de l'insuline sans fraction- pommes de terre, légumes secs.
nement des apports a priori. En effet, il n'y Repas de fête
a pas lieu de réduire les apports glucidiques
Ils sont possibles en respectant des règles
pour normaliser la glycémie mais d'adapter les
doses d'insuline. simples : pas d'injection d'insuline rapide
Le diabète ne modifie pas les besoins nutri- avant le début du repas, compenser le
tionnels qui sont définis par l'âge, la corpu- manque de féculents par du pain, consommer
lence et le niveau d'activité physique. Un les aliments sucrés à l'issue du repas, ne pas
enfant sous insuline n'est pas plus à risque de oublier que l'eau est la boisson de base.
prendre du poids qu'un autre enfant. Collations
La consommation d'une quantité fixe de glucides Le goûter n'est pas indispensable pas plus que
à chaque repas permet de simplifier le choix de
les autres collations qui sont à négocier selon
la dose d'insuline. Le pain sert de variable d'ajus-
les objectifs du traitement insulinique.
tement lorsque le repas n'apporte pas suffisam-
La consommation de produits sucrés devrait
ment de féculents (ex. : salades de crudités,
être occasionnelle et consciente. Bien que le
steak, haricots verts, faisselle).
recours aux édulcorants intenses soit possible

398
Chapitre 38. Fiches diététiques

après l'âge de 3 ans il ne doit pas être encou- d'une part sur l'apprentissage de la lecture
ragé afin de déshabituer l'enfant du goût sucré. des étiquettes nutritionnelles des produits
manufacturés et des équivalences gluci-
Éducation nutritionnelle et erreurs
diques des aliments et d'autre part sur la
alimentaires
prévention et la correction des principales
L'éducation nutritionnelle concerne à la fois erreurs alimentaires.
les parents et l'enfant. Elle devrait porter

Quelques équivalences glucidiques (et unités de mesure) à mémoriser

L10 g de glucides à 15 g de fructose 20 g d'amidon la glycémi


edominante de lactose e mais un
s Bol de lait (200 mL) 1 pomme, poire, pêche, orange 40 g de pain = 2 tranches de pain, apport én
2 yaourts nature 2 abricots, kiwis mûrs 1/6e de baguette, 3 biscottes, ergétique
e1 yaourt aux fruits 200 g de fraise 3 càs de pâtes, riz, semoule, lentilles, non
r petit pois (cuits) négligeabl
1/2 pamplemousse, petit melon, banane
r 1 tasse de céréales non sucrées e. Ils ont l'
e 1/4 d'ananas avantage
2 pommes de terre de la taille d'un œuf
u de ne pas
rs alimentaires sont liées à la consom- être
mation de glucides en cachette. Cette situa- cariogènes. C'est l'occasion de rappeler que
tion est fréquente. Plutôt que de réprimander il l'eau est la boisson de référence.
faut en parler avec l'enfant pour comprendre : La désynchronisation des apports alimentaires
simple erreur, réponse à une frustration, expé- par rapport aux horaires et aux doses d'insu-
rience « pour voir », transgression délibérée ou line (ne pas prendre de repas ou de collation
par entraînement ? après une injection d'insuline rapide, prendre
Pour le grignotage, il convient d'évaluer s'il un repas ou une collation après une injec-
s'agit d'une simple envie de manger ou d'un tion d'insuline lente) peut être responsable
besoin nutritionnel ou d'une parade antici- d'une déstabilisation glycémique, à la hausse
patoire à une hypoglycémie. Dans le second comme à la baisse. Elle peut être corrigée par
cas, organiser la prise d'une collation, le gri- l'éducation thérapeutique.
gnotage n'étant pas plus acceptable chez un L'absence de prise en compte de l'activité
enfant diabétique que chez un enfant non physique programmée. Intense elle peut jus-
diabétique. tifier une adaptation de la dose d'insuline
La recherche du goût sucré par simple habi- rapide mais nécessite habituellement la prise
tude, par « manque » véritable ou par imita- d'une collation glucido-protéique pour prévenir
tion des pratiques des autres enfants aboutit une hypoglycémie de survenue différée dans le
à la consommation non contrôlée de produits temps.
sucrés. Ceux-ci peuvent être consommés en
quantité contrôlée uniquement au décours Choix des aliments
immédiat d'un repas composé. La limitation Apporter un féculent à chaque repas (pain,
de la consommation des aliments sucrés peut pommes de terre, riz, pâtes, légumes secs…).
être mal vécue. Il reste alors la solution des ali- Tous les aliments participant à l'équilibre ali-
ments édulcorés qui peuvent être consommés mentaire sont bien venus à condition de les
sans risque après 3 ans, la DJA étant fixée à consommer de façon structurée au cours
un niveau inaccessible en pratique (120 com- d'un repas ou d'une collation programmée
primés d'aspartame, 30 canettes de sodas et sans excès. Il est d'usage de distinguer les
ou 200 yaourts !). Les édulcorants de masse sucres simples (sucres rapides contenus dans
(polyols) utilisés dans les bonbons et produits les fruits, les confiseries, les biscuits…) et les
dits « sans sucre » ont un effet insignifiant sur

399
Partie V. Fiches diététiques


Fiche diététique 38.10
sucres complexes (sucres lents contenus dans  chaque journée alimentaire devrait propo-
les féculents). Même si cette distinction pra- ser trois produits laitiers et cinq portions de
tique souffre des exceptions (c'est la raison fruits et légumes ;
d'être de l'index glycémique plus difficile à  les aliments « gras » et les plats en sauce
utiliser en pratique) elle permet de composer sont à éviter ;
les repas en appliquant la règle d'au moins un  la consommation maîtrisée de boissons et
féculent ou équivalent à chaque repas (pain, produits sucrés est indiquée pour les jours
pommes de terre, riz, pâtes, légumes secs…) : de sport intense ou pour la correction
 un « féculent » = pain + légumes = un peu d'une hypoglycémie.
de pain et un peu de féculent ; Certains aliments et certaines erreurs alimen-
 la consommation de produits sucrés doit taires méritent d'être listées.
être très occasionnelle et toujours au sein
d'un repas mixte ;

Principaux aliments à risque et erreurs alimentaires à ne pas commettre dans le cadre


d'une alimentation équilibrée.

Erreurs alimentaires Aliments concernés


BTrop d'aliments gras Friture, chips, mayonnaise, viennoiseries
de boisso
o ns édulco
Trop d'aliments protido-lipidiques Charcuterie, certaines viandes, fromages, burgers rées dites
i
« light »
sTrop de produits sucrés Boissons sucrées, jus de fruit, sucreries, barres chocolatées
ou
sPas assez de… Féculents, fruits et légumes, lait et produits laitiers
« 0 % » es
oGrignotage Aliments sucrés et gras t possible
n mais n'est
s pas conseil-
Les boissons glucidiques n'ont pas d'in- lée. L'eau est la boisson de référence.
térêt nutritionnel et ne devraient être Repas type
consommées que de façon très occasion-
nelle sachant que les sodas comme les jus Pour un enfant diabétique actif de 10 ans (envi-
de fruits contiennent 10 % de glucides ron 1 700 kcal et 200 g de glucides), les col-
« simples ». Se méfier des eaux aromati- lations ne sont pas indispensables et peuvent
sées dont la teneur en glucides est très être intégrées dans les repas principaux.
variable (de 0 à 10 %). La consommation

Petit déjeuner 1 bol de lait 1/2 écrémé, cacao en poudre, 2 tranches de pain beurré
Collation de 10 heures 1 tranche de pain ou 2 biscuits au germe de blé et 1 fruit
Déjeuner Salade de concombre-vinaigrette, poisson, riz (3Ŕ4 càs), yaourt, 2 kiwis
Collation goûter Céréales sans sucre (30 g), 1 carré de fromage blanc
Dîner Salade de carottes, poulet rôti, pâtes (3Ŕ4 càs), 1/2 tranche de pain, 1 pomme

400
Chapitre 38. Fiches diététiques

Fiche diététique 38.11

Stéatose et stéatohépatite chez un sujet DT2


Principes Protéger le foie et interrompre
La stéatose et la stéatohépatite sont très la progression vers la stéatohépatite
fréquentes au cours du diabète de type 2.  Supprimer totalement la consommation de
Le traitement diététique est en première boissons alcoolisées.
ligne dans la stéatose dont la pathogénie  Obtenir une perte significative de la graisse
est dominée par l'insulinorésistance péri- viscérale.
phérique et hépatique. Souvent associée au  Modifier le style de vie en ayant une acti-
syndrome métabolique dont certains consi- vité physique régulière et en adoptant un
dèrent qu'elle est son équivalent en tant comportement et des pratiques alimentaires
que facteur de risque macrovasculaire, voire conformes aux recommandations géné-
même microvasculaire, la simple surcharge rales : prise de repas structurés à faible den-
lipidique des adipocytes peut évoluer vers la sité énergétique à des horaires réguliers sans
stéatohépatite sous l'effet de facteurs nutri- grignotage.
tionnels au premier rang desquels figure le  Un régime relativement hypoglucidique
stress oxydant. semble plus efficace qu'un régime hypo-
La réduction de la graisse viscérale est lipidique sur les différentes composantes
la cible prioritaire. En dépit d'un niveau du syndrome métabolique. En cas d'hyper-
de preuves encore assez faible quelques triglycéridémie ou d'HDLémie basse il est
mesures diététiques, d'ailleurs pour la plu- souhaitable que les glucides soient limités à
part communes à celles mises en œuvre 40Ŕ45 % et que la somme des apports en
dans le DT2, s'imposent. acides gras monoinsaturés et en glucides
atteigne 65 % de la ration énergétique totale.
Lutter contre le surpoids et équilibrer
l'alimentation Choix des aliments
 Limitation des graisses saturées Les aliments conseillés ne se distinguent pas
animales. de ceux qui sont conseillés lors du syndrome
 Privilégier la consommation des glu- métabolique ou du DT2. Les glucides sont
cides à faible index glycémique sous une de préférence complexes et peu raffinés, les
forme peu raffinée (céréales complètes, viandes grasses et les autres sources de graisses
légumineuses…). saturées sont limitées alors que la consomma-
 Réduire la consommation de fructose et tion des fruits et légumes est à encourager.
de saccharose en évitant, notamment, les La consommation de boissons sucrées non
boissons sucrées. édulcorées et la consommation de boissons
 Augmenter la consommation de légumes alcooliques sont à écarter fermement.
et de fruits, sources de micronutriments au Il n'y a pas d'aliments spécifiquement hépato-
potentiel antioxydant. protecteurs.

Repas type
Petit déjeuner 1 bol de lait 1/2 écrémé ou café ou thé au lait, 2 tranches de pain complet ou 1/4 de
baguette ou 1 portion de muesli, 1 orange
Déjeuner Crudité de légumes, dos de cabillaud, riz 3-4 càs, 1/2 tranche de pain complet, yaourt
ou petit-suisse, 1 pomme
Diner Soupe de légumes, 1 tranche mince de jambon dégraissé, salade verte, 1 tranche de
pain, 1 portion de camembert

401

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