Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Mécanismes d’action
par Vance BERGERON
Docteur
École normale supérieure de Lyon
Cette étude sur les antimousses et les agents de démoussage se décompose donc en deux
fascicules :
— J 2 205 - Antimousses et agents démoussants. Mécanismes d’action ;
— J 2 206 - Antimousses et agents démoussants. Mise en œuvre industrielle ; auxquels se
rattache un fascicule de documentation (Doc. J 2 207 - Antimousses et agents démoussants.
Pour en savoir plus).
Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
© Techniques de l’Ingénieur, traité Génie des procédés J 2 205 − 1
ANTIMOUSSES ET AGENTS DÉMOUSSANTS _________________________________________________________________________________________________
1. Domaines d’observation mérisation en émulsion par exemple, dans le but de stabiliser les
monomères. Ces molécules peuvent aussi se former directement
du phénomène ou être présentes à l’état d’impureté dans le milieu, comme dans
le cas du traitement des eaux usées. En fait, une simple variation
de moussage des paramètres opératoires ou des impuretés provenant de phéno-
mènes de corrosion peuvent parfaitement conduire à des forma-
tions inopinées de mousses.
Nous sommes quotidiennement confrontés à ce phénomène : le
matin, au moment de la douche ou, en fin de journée, en dégustant Si aucune substance tensioactive n’est présente, la mousse ne
notre boisson gazeuse favorite. sera pas stable et une coalescence rapide des bulles du gaz dis-
persé conduira à son élimination.
De manière similaire, si nous ajustons les échelles de temps
Pour simplifier, nous pouvons définir une mousse comme une pour générer les bulles de gaz et les mettre en contact, nous
dispersion d’un gaz dans un liquide. pouvons parfaitement maîtriser le développement de mousses.
Selon les cas, l’élimination de l’agent moussant ou l’ajustement
Cette mousse peut se former lors de phénomènes naturels ou des paramètres opératoires est utilisé pour réduire la formation
d’opérations industrielles, par exemple lors de la fermentation d’un des mousses.
milieu biologique ou lors de l’agitation de solutions contenant des Pour éliminer un agent moussant, il faut donc commencer par
molécules tensioactives, naturelles ou synthétiques. l’identifier ou le caractériser, ce qui passe par une analyse chimi-
Dans certains cas, la formation d’un grand volume de mousses que de la solution moussante. Mais l’élimination de l’agent mous-
stables est recherché ; c’est le cas des shampoings ou des gels sant n’est pas toujours possible, car il peut avoir une autre fonction
pour douche. Mais, plus souvent, il est nécessaire de détruire les dans la formulation.
mousses ou, mieux, d’empêcher leur formation. C’est le cas des Les situations étant en général très complexes, il faut alors avoir
mousses formées lors des opérations de distillation ou de traite- recours à des agents de démoussage ou des antimousses. Avant
ment de l’eau. de conseiller l’utilisation de ces produits, il convient d’étudier
La formation de mousses peut entraîner des réductions de per- brièvement la physique des mousses dont la compréhension nous
formances des produits ou bien des pertes de productivité dues à guidera dans l’élaboration des diverses stratégies de contrôle des
un arrêt de fabrication. Elle peut aussi mettre en cause la sécurité mousses.
des personnes, par exemple à la suite d’un mauvais fonction-
nement d’une valve de sécurité.
Beaucoup d’industries ont dû se préoccuper de la présence ou 2.1 Stabilité des mousses
de la persistance de mousses.
Citons, parmi celles-ci : Comme une mousse est une dispersion de gaz dans un liquide,
sa stabilité dépend avant tout de la stabilité des films individuels
— l’industrie agroalimentaire ; qui séparent les phases gazeuses discontinues (figure 1). C’est
— les industries du textile, de la peinture, des encres et des pourquoi, une connaissance approfondie de la formation et de la
revêtements ; stabilité de ces films individuels nous aide à contrôler la stabilité et
— l’industrie papetière ; les propriétés de la mousse. Il faut tout de suite avoir conscience
— l’industrie pétrochimique ; que, en théorie, les mousses sont des systèmes instables, au sens
— l’industrie des biotechnologies. thermodynamique du terme. Cependant, dans la pratique, il faut
admettre que certains systèmes particuliers peuvent être stabilisés
« dynamiquement » pendant des durées de vie relativement cour-
tes (d’une seconde à quelques minutes) et d’autres systèmes peu-
2. Mécanismes de formation vent rester stables pendant des périodes plus longues (d’une heure
à quelques jours).
des mousses
Pour empêcher l’apparition des mousses ou pour les éliminer
lorqu’elles se forment, il est nécessaire de connaître les phéno- Grand volume
de mousse
mènes responsables de leur formation. La formation d’une mousse
dépend, bien sûr, des molécules présentes dans le milieu. Mais elle
dépend aussi des conditions physiques dans lesquelles les gaz
sont dispersés dans le liquide c’est-à-dire des phénomènes phy-
sico-chimiques qui contribuent à faciliter cette mise en dispersion.
Pour illustrer ce point, gardons en mémoire la différence des méca-
nismes qui interviennent dans une machine à laver, qui agite et
mélange violemment et en permanence l’air et le milieu de lavage, Air
et dans le champagne ou une boisson gazeuse, dont la mousse se
forme par débullage lent des gaz dissous dans la boisson.
Comme nous l’avons déjà laissé entendre, le gaz dispersé peut Solution
être généré directement et accompagner un procédé (exemple de
la fermentation), ce qui conduit à des quantités indésirables de
mousses qui se rassemblent alors au-dessus des réacteurs. Tensioactifs
Dans chaque cas, des interfaces gaz/liquides sont créées et des
produits présents dans le liquide viennent aussitôt s’adsorber à ces
interfaces (molécules tensioactives, particules solides...) pour inhi- La stabilité du grand nombre de films minces formés est régie par
ber la coalescence de bulles voisines qui conduisent à la formation les molécules tensioactives qui s'adsorbent à l'interface solution-air
de mousses. Selon les cas, les molécules tensioactives sont intro-
duites volontairement dans la formulation, comme lors de la poly- Figure 1 – Film de savon
Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
J 2 205 − 2 © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie des procédés
________________________________________________________________________________________________ ANTIMOUSSES ET AGENTS DÉMOUSSANTS
Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
© Techniques de l’Ingénieur, traité Génie des procédés J 2 205 − 3
ANTIMOUSSES ET AGENTS DÉMOUSSANTS _________________________________________________________________________________________________
Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
J 2 205 − 4 © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie des procédés
________________________________________________________________________________________________ ANTIMOUSSES ET AGENTS DÉMOUSSANTS
Film de mousse
Huile de base Particules solides
Gouttelette
d'antimousse
z
x
Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
© Techniques de l’Ingénieur, traité Génie des procédés J 2 205 − 5
ANTIMOUSSES ET AGENTS DÉMOUSSANTS _________________________________________________________________________________________________
4.1 Entraînement du fluide du film par les tensions interfaciales, cette condition peut être traitée et
exprimée en termes de tensions. Le coefficient de pontage P h/e est
défini par l’équation (3) :
Après avoir pénétré dans l’interface air/eau, une goutte d’huile
peut soit s’étaler le long de la surface ou former une lentille. Les 2 2 2
huiles formant une lentille détruisent le film par démouillage, mais P h/e = σ e/a + σ h/e – σ h/a (3)
les huiles qui s’étalent ont un mode d’action différent. Quand une
monocouche d’huile s’étale sur la surface d’un film, elle entraîne Si θ h/e < 90 o , le coefficient de pontage est positif et, par
avec elle le liquide sous-jacent, ce qui conduit à l’amincissement conséquent, chaque gouttelette d’huile qui touche les deux inter-
du film liquide et, finalement, à la rupture de celui-ci. Une confir- faces du film de mousse (c’est-à-dire ponte le film) démouillera et
mation convaincante de ce mécanisme est fournie lorsque l’on conduira le film à se rompre. Donc, pour des antimousses à base
pose le doigt sur le bord d’un verre de champagne. Les huiles d’huiles, la condition critique nécessaire pour amener le film à se
naturelles présentes à la surface du doigt s’étalent sur les surfaces rompre par ce mécanisme de pincement est que P h/e > 0.
et détruisent la mousse. Le phénomène d’étalement est un Mathématiquement, les coefficients de pontage et d’entrée sont
exemple classique de flux créés par des gradients de tensions similaires, et l’on constate qu’un coefficient de pontage positif
superficielles (flux induits par effet Marongoni). C’est pourquoi, garantit à coup sûr un coefficient d’entrée positif mais, par contre,
une valeur positive du coefficient d’étalement (S h/e > 0) est la l’inverse n’est pas vrai. Ce qui signifie, bien qu’une particule
condition nécessaire pour provoquer ce flux, et c’est aussi pour- d’huile puisse satisfaire éventuellement aux conditions du coeffi-
quoi les huiles à tension superficielle faible sont, en général, plus cient d’entrée, qu’elle ne conduit pas nécessairement au méca-
efficaces [cf. équation (1)]. nisme de pincement recherché car la condition de pontage n’est
pas obligatoirement satisfaite. Pour cela, la recherche simultanée
d’un coefficient de pontage positif apporte l’assurance d’une plus
grande efficacité.
4.2 Pincement et pontage (pinchoff )
Ce mécanisme est un phénomène de démouillage qui a d’abord
été vérifié pour des particules solides d’antimousses. Cependant,
toute phase non mouillante (fluide, solide ou combinaison 5. Conclusion
fluide/solide) peut répondre aux conditions nécessaires à son
apparition. À l’image de tout processus de démouillage, les angles
de contact déterminent les performances et peuvent donc être uti- Dans la suite (article [J 2 206]), nous montrerons les diverses
lisés pour réguler et quantifier les effets. L’optimum des angles de solutions pratiques qui ont été développées et nous détaillerons
contact pour les applications de démouillage dépend des les constituants clefs des formulations employées pour le contrôle
conditions géométriques particulières du système. En règle géné- des mousses, de manière à pouvoir proposer des recommanda-
rale, une particule ou une huile est d’autant plus efficace pour tions indispensables aux principaux utilisateurs.
détruire une mousse qu’elle est non mouillante.
Pour des antimousses à base d’huiles, la condition essentielle La traduction de cet article de M. Vance Bergeron a été assurée par
est que θ h/e < 90o (angle de contact huile/eau inférieur à 90 o). Gilbert Schorsch, conseiller Innovation - Recherche de l’UIC, Île-de-
France.
Simultanément, comme l’angle de contact huile/eau est déterminé
Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
J 2 205 − 6 © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie des procédés