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Une douleur abdominale chronique est une douleur qui évolue depuis au moins 3 mois. Elle retentit sur le
comportement et la qualité de vie du patient. Le traitement symptomatique nécessite une évaluation
préalable rigoureuse à l’aide d’outils validés. Le diagnostic du mécanisme physiopathologique de la
douleur (nociceptif, neuropathique, ou mixte) est indispensable pour orienter la thérapeutique. Les
pathologies viscérales peuvent se manifester sous forme de douleurs projetées, rendant le diagnostic
étiologique plus difficile. Dans le cadre d’une maladie cancéreuse d’origine digestive, la prévalence de la
douleur augmente avec l’évolution du cancer, en lien avec la tumeur et son extension, les traitements
carcinologiques ou une affection intercurrente. En cours d’évolution du cancer du pancréas et du cancer
colorectal, la prévalence de la douleur est très élevée. Le soulagement de la douleur cancéreuse fait
souvent appel à des associations d’antalgiques, dont les opioïdes forts, et à des médicaments spécifiques
en cas de douleur neuropathique associée, à savoir les antidépresseurs tricycliques et les antiépileptiques.
L’arsenal thérapeutique actuel et les recommandations de bonnes pratiques permettent de soulager plus
de 90 % des douleurs abdominales d’origine cancéreuse. En cas de douleurs rebelles, ou a recours à des
alternatives thérapeutiques : rotation d’opioïdes, administration d’opioïdes par pompe d’antalgie
autocontrôlée, blocs neurolytiques parfois (recommandés plus précocement), voire antalgie
périmédullaire. Parmi les douleurs abdominales chroniques non malignes, les douleurs fonctionnelles sont
de loin les plus fréquentes, chez l’adulte comme chez l’enfant. Il s’agit du syndrome de l’intestin irritable
et du syndrome de douleur abdominale fonctionnelle, qui ne relèvent pas de traitements spécifiques. Une
meilleure compréhension des mécanismes physiopathologiques qui les sous-tendent devrait permettre
d’adapter la démarche thérapeutique, d’où l’importance de la recherche clinique dans ce domaine. Les
douleurs abdominales sont également fréquentes dans les maladies intestinales chroniques
inflammatoires, notamment lorsqu’elles sont intriquées à des douleurs fonctionnelles, ce qui rend leur
démembrement particulièrement complexe. La pancréatite chronique est également pourvoyeuse de
douleurs abdominales chroniques invalidantes, au traitement symptomatique difficile, qui peuvent
conduire à un traitement interventionnel. Dans tous les cas, une relation médecin-malade de qualité et
une collaboration entre les différents médecins en charge du patient permettent d’optimiser le
soulagement de la douleur. Les structures spécialisées d’évaluation et traitement de la douleur peuvent
apporter leur aide en cas de difficulté.
© 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Douleur abdominale ; Douleur chronique d’origine digestive ; Douleur cancéreuse ;
Maladies intestinales chroniques inflammatoires (MICI) ; Douleur abdominale fonctionnelle ;
Syndrome de l’intestin irritable ; Pancréatite chronique
Gastro-entérologie 1
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9-125-A-10 ¶ Conduite à tenir face à une douleur abdominale chronique
¶ Pancréatite chronique 11
.
Chez l’enfant
Étiologies 11
Selon le docteur D. Annequin [2], « Le vocabulaire décrivant
Diagnostic clinique de pancréatite chronique 12
Évolution naturelle de la douleur 12
la composante sensorielle de la douleur peut faire défaut ; la
Traitement des douleurs 12 composante émotionnelle de la douleur se traduit par des
modifications comportementales (cris, agitation, etc.) ; enfin la
¶ Conclusion 12 composante cognitive, qui fait référence à des expériences
passées, peut également manquer. Plus l’enfant est jeune et plus
il faut se tourner vers des évaluations et des échelles de mesure
■ Introduction spécifiques. En l’absence de possibilité d’autoévaluation, il faut
en effet se tourner vers des échelles comportementales ».
Entre 0 et 4 ans, on doit utiliser les échelles d’observation
La douleur est un symptôme fréquemment rencontré dans les
.
2 Gastro-entérologie
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Conduite à tenir face à une douleur abdominale chronique ¶ 9-125-A-10
“ Point important
Grille d’entretien semi-structuré avec le patient douloureux chronique, établie par le groupe de travail de l’ANAES
concernant l’évaluation de la douleur (février 1999)
• Ancienneté de la douleur. Mode de début :
C circonstances exactes (maladie, traumatisme, accident de travail, etc.)
C description de la douleur initiale
C modalités de prise en charge immédiate
C événements de vie concomitants
C diagnostic initial, explications données
C retentissement (anxiété, dépression, troubles du sommeil, incapacités fonctionnelle et professionnelle, etc.)
• Profil évolutif du syndrome douloureux :
C comment s’est installé l’état douloureux persistant à partir de la douleur initiale
C profil évolutif (douleur permanente, récurrente, intermittente, etc.)
C degré du retentissement (anxiété, dépression, troubles du sommeil, incapacités fonctionnelle et professionnelle, etc.)
• Traitements effectués et actuels :
C traitements médicamenteux et non médicamenteux antérieurs, actuels
C modes d’administration des médicaments, doses, durées
C effets bénéfiques partiels, effets indésirables, raisons d’abandon
C attitudes vis-à-vis des traitements
• Antécédents et pathologies associées :
C familiaux
C personnels (médicaux, obstétricaux, chirurgicaux et psychiatriques) et leur évolutivité
C expériences douloureuses antérieures
• Description de la douleur actuelle :
C topographie
C type de sensation (brûlure, décharge électrique, etc.)
C intensité
C retentissement (anxiété, dépression, troubles du sommeil, incapacités fonctionnelle et professionnelle, etc.)
C facteurs d’aggravation et de soulagement de la douleur
• Contextes familial, psychosocial, médicolégal et incidences :
C situation familiale
C situation sociale
C statut professionnel et satisfaction au travail
C indemnisations perçues, attendues ; implications financières
C procédures
• Facteurs cognitifs :
C représentation de la maladie (peur d’une maladie évolutive, etc.)
C interprétation des avis médicaux
• Facteurs comportementaux :
C attitude vis-à-vis de la maladie (passivité, etc.)
C modalités de prise des médicaments
C observance des prescriptions
• Analyse de la demande :
C attentes du patient (faisabilité, reformulation)
C objectifs partagés entre le patient et le médecin
Douleurs nociceptives fin de journée, calmées par le repos, ne réveillant pas la nuit
(sauf si la mobilisation dans le lit occasionne des douleurs) ;
Les douleurs nociceptives résultent d’une lésion tissulaire à • les douleurs nociceptives de rythme inflammatoire, à persis-
l’origine d’une stimulation des nocicepteurs, sans lésion du tance nocturne (souvent en deuxième partie de nuit ou au
système nerveux (donc sans lésion des voies de transmission petit matin), associées à une raideur matinale.
nociceptive). Parmi ces douleurs, on distingue les douleurs
somatiques (par stimulation des nocicepteurs cutanés, conjonc- Douleurs neuropathiques, périphériques
tivaux ou tissus mous, osseux, ligamentaires, articulaires,
musculaires) et les douleurs viscérales (par stimulation des ou centrales
nocicepteurs viscéraux). Les douleurs neuropathiques, périphériques ou centrales sont
La topographie des douleurs nociceptives est régionale ; il dues à une lésion du système nerveux périphérique (tronc
n’existe pas de systématisation neurologique. Elles répondent nerveux, racine, plexus) ou central (moelle, thalamus, cortex
habituellement aux antalgiques des trois paliers de l’Organisa- pariétal). Il existe une lésion des voies de transmission de la
tion mondiale de la santé (OMS), si la posologie est adaptée à douleur. La douleur neuropathique a une composante continue
l’intensité douloureuse. (à type de brûlure, étau, froid intense, etc.) et une composante
Parmi les douleurs nociceptives, on identifie deux catégories fulgurante (décharges électriques, coups de poignard). On
de profil évolutif différent : retrouve fréquemment des paresthésies (fourmillements,
• les douleurs nociceptives mécaniques : facteur déclenchant engourdissements) et/ou des dysesthésies (fourmillements,
mécanique (comme la mobilisation), douleurs maximales en engourdissements, ou picotements perçus comme désagréables).
Gastro-entérologie 3
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9-125-A-10 ¶ Conduite à tenir face à une douleur abdominale chronique
Il peut y avoir un intervalle libre (sans douleur) après la 2003 [11], où ont été analysées 36 études portant sur 9 007
survenue de la lésion neurologique initiale. La douleur a une patients, 20 % à 50 % des patients sont douloureux au moment
topographie neurologique systématisée, fonction de la lésion du diagnostic de cancer, et cette prévalence de la douleur
anatomique causale. L’examen clinique neurologique objective augmente au cours de l’évolution de la maladie, avec 55 % à
un trouble de la sensibilité superficielle dans la région doulou- 95 % de patients douloureux lors de stades, tous cancers
reuse (hypœsthésie cutanée au tact ou à la piqûre, voire confondus [12]. La douleur est rarement révélatrice de la mala-
anesthésie), éventuellement associé à une allodynie, une die. Soixante pour cent à 70 % des douleurs sont liées à la
hyperalgésie, une hyperpathie. Les douleurs neuropathiques tumeur elle-même, 5 % à 20 % aux traitements étiologiques du
peuvent être exacerbées par le stress, la fatigue, l’anxiété, ou un cancer, et 10 % à 15 % sont en rapport avec une affection
choc émotionnel. Le diagnostic de douleur neuropathique est intercurrente, sans lien de causalité avec le cancer [13] . La
essentiellement clinique. Le questionnaire DN4 est un outil réapparition d’une douleur (qui avait disparu, ou qui était,
diagnostique essentiel, simple d’utilisation. Récemment jusque-là, bien soulagée par le traitement antalgique en cours)
validé [6], il est fondé sur des caractéristiques douloureuses peut révéler l’aggravation de la maladie, une rechute locorégio-
recueillies à l’interrogatoire et sur les données de l’examen nale, ou l’apparition de métastases.
.
clinique. La cotation obtenue au DN4 établit la forte probabilité Une étude récente de Breivik et al. [14], a porté sur 5 084
que la douleur soit d’origine neuropathique si un score supé- patients cancéreux adultes contactés en 2006-2007, dans
rieur ou égal à 4/10 est retrouvé. 11 pays européens (dont 642 patients en France) et en Israël. La
prévalence globale de la douleur était de 84 %, et de 75 % pour
la France. Parmi ces 5 084 patients, 142 patients (soit 2 %)
■ Particularités sémiologiques avaient un cancer du pancréas, et 500 patients (9 %) un cancer
colorectal. Les patients ayant la prévalence de la douleur la plus
des douleurs viscérales : élevée (supérieure à 85 %) étaient ceux ayant un cancer du
pancréas, des os, du cerveau, des poumons, de la tête et du cou,
les douleurs projetées et porteurs de lymphomes : 93 % des patients ayant un cancer
du pancréas et 82 % de ceux ayant un cancer colorectal étaient
Les pathologies viscérales peuvent être à l’origine de douleurs douloureux.
nociceptives, par stimulation directe des nocicepteurs viscéraux,
avec une douleur localisée dans la région anatomique concer-
née. Elles peuvent aussi se manifester à distance du viscère Caractéristiques sémiologiques des douleurs
atteint, sous forme de douleurs projetées (qui peuvent être de cancéreuses
mécanisme nociceptif ou neuropathique).
On distingue : La douleur cancéreuse est considérée comme une douleur
• les douleurs projetées [7], subdivisées en douleurs rapportées et chronique, avec des épisodes douloureux aigus itératifs qui
en douleurs référées, sont donc des douleurs ressenties à émaillent l’évolution. L’évaluation d’une douleur cancéreuse
distance de la structure atteinte. Mal connues, elles sont s’apparente donc à celle d’une douleur chronique : elle doit être
souvent sous-diagnostiquées ; pluridimensionnelle et sa prise en charge globale, selon le
• les douleurs rapportées sont dues à une lésion nerveuse ou à un modèle somato-psycho-social précédemment décrit.
conflit nerveux (par exemple, compression d’une structure L’intensité douloureuse étant la résultante d’une composante
nerveuse avoisinante) et sont ressenties dans le métamère sensorielle, émotionnelle et cognitive, il est licite de penser que
correspondant à l’innervation ; dans ce contexte de maladie cancéreuse, les composantes
• les douleurs référées sont liées à une atteinte viscérale et se émotionnelle et cognitive ont une part importante, avec
projettent dans le métamère qui lui correspond au même syndromes anxiodépressifs réactionnels fréquents. La douleur a
niveau médullaire : on parle de convergence viscérosomatique souvent, pour le patient, une signification particulière : elle peut
dans la corne dorsale de la moelle. évoquer une évolutivité tumorale, une récidive, ou témoigner
d’une absence de réponse thérapeutique. Il faut donc s’attacher
Les douleurs d’origine viscérale, projetées sur la paroi abdo-
à évaluer soigneusement l’état psychologique du patient, son
minale, représentent 10 % à 30 % des douleurs abdominales
attitude réactionnelle par rapport au cancer, et ses capacités
chroniques [8]. Les douleurs rapportées ont l’incidence la plus
d’adaptation à la situation.
élevée [9], avec, comme origine lésionnelle, par ordre de fré-
quence décroissante, les conflits de la branche antérieure des
nerfs cutanés abdominaux, les séquelles douloureuses postopé- Profil évolutif des douleurs cancéreuses
ratoires par lésion nerveuse, les conflits nerveux d’origine
En cancérologie, il faut distinguer la douleur de fond et les
vertébrale ; ces trois étiologies représentant 15 % des patients
accès douloureux paroxystiques.
adressés au Centre de la douleur pour « douleurs abdominales »
Les accès douloureux paroxystiques (ADP) ont été définis
et 11 % des douleurs abdominales rebelles [8].
pour la première fois par R.K. Portenoy en 1990. Les ADP sont
définis comme une exacerbation transitoire et de courte durée
de la douleur, d’intensité modérée à sévère, qui survient sur un
■ Douleur cancéreuse d’origine fond de douleur chronique stable, d’intensité faible à modérée,
c’est-à-dire bien contrôlée par le traitement antalgique en
digestive cours [15, 16].
Plusieurs études épidémiologiques prospectives font état
Données épidémiologiques d’une prévalence élevée des accès douloureux en cancérologie :
51,2 % à 64 % des patients, avec une moyenne de cinq accès
L’incidence des cancers a considérablement augmenté ces douloureux par jour [15, 17]. Il peut s’agir d’ADP de type noci-
25 dernières années en France (tous cancers confondus), ceptif (somatique ou viscéral) ou de type neuropathique. Et
puisqu’elle a pratiquement doublé. On estime à 320 000 le selon le mode de déclenchement, on parle d’accès douloureux
nombre de nouveaux cas de cancer (180 000 chez l’homme et paroxystiques, spontanés et imprévisibles, et d’accès douloureux
140 000 chez la femme). Les trois cancers les plus fréquents paroxystiques prévisibles, pour les accès survenant dans des
chez l’homme sont les cancers de la prostate, du poumon et le circonstances identifiées, comme le mouvement (marche,
cancer colorectal. Chez la femme, les plus fréquents sont les activité), ou les actions volontaires du patient (alimentation,
cancers du sein, le cancer colorectal et celui du poumon. La digestion, défécation, miction) et les douleurs iatrogènes. On
prévalence varie selon le type de cancer primitif, le stade évoque aussi les « accès douloureux neuropathiques », désignant
évolutif, et l’âge du patient, mais elle dépend aussi du traite- l’ensemble des épisodes douloureux liés à une majoration de la
ment antalgique prescrit [9, 10], élément important à prendre en composante continue ou à la composante paroxystique fulgu-
compte. Selon les standards-options-recommandations (SOR) de rante (imprévisible) de la douleur neuropathique.
4 Gastro-entérologie
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Conduite à tenir face à une douleur abdominale chronique ¶ 9-125-A-10
Tableau 1.
Opioïdes agonistes purs : délais et durées d’action, dosage, présentation, possibilités.
Actiskenan® Sevredol® Oramorph® Oxynorm® et Oxynormoro®
Délais d’action 30 à 45 min 30 à 45 min 30 à 45 min 30 à 45 min
Durée d’action 4h 4h 4h 4h
Dosage 5, 10, 20, 30 mg 10, 20 mg Unidoses 10, 30, 5, 10, 20 mg
100 mg/5 ml
Solution 20 mg/ml
4 gouttes : 5 mg
Possibilités Ouverture possible Peuvent être écrasés, mais SG - (colle) Forme liquide Gélules : ouverture possible
SG + SG + SG +
SG : sonde gastrique.
Particularités sémiologiques
Cancer du pancréas “ Point important
Le syndrome douloureux lié au cancer du pancréas, ou
syndrome solaire, survient tardivement dans l’évolution de la Classification des antalgiques : les trois niveaux
maladie. Il est lié à la compression ou à l’infiltration du plexus ou paliers de l’OMS
cœliaque et des nerfs splanchniques [18, 19]. Il s’agit le plus • Palier I : antalgiques non opioïdes :
souvent de douleurs épigastriques permanentes intenses, C paracétamol – anti-inflammatoires non stéroïdiens
accentuées par les repas, transfixiantes, irradiant vers la région (AINS) – aspirine
dorsale. Les douleurs ressenties au niveau dorsal bas ou lombaire C néfopam (Acupan®) : non opioïde (palier I), mais
haut correspondent en général à des douleurs référées du puissance antalgique d’un palier II
pancréas, ou à une extension rétropéritonéale ainsi qu’aux • Palier II : opioïdes faibles :
ganglions para-aortiques, voire à une infiltration des muscles C codéine, associée au paracétamol : Efferalgan-
paravertébraux [19]. Ces douleurs sont accentuées en décubitus
Codéiné ® , Co-Doliprane ® , Dafalgan-codéine ® ,
dorsal, et atténuées en flexion thoracique antérieure [18]. En cas
de tumeur évoluée de la tête du pancréas, d’autres symptômes Klipal®
d’inconfort peuvent se manifester : extension des douleurs à C dihydrocodéine : Dicodin®
l’hypocondre droit, ictère cutanéomuqueux (en cas d’obstruc- C tramadol : Topalgic ® , Contramal ® , Zamudol ® ,
.
tion des voies biliaires ou du canal de Wirsung), douleurs à type Zumalgic®, Takadol®, Monotramal®, Monoalgic®,
de coliques, et nausées ou vomissements, en cas de compression Monocrixo®, etc.
duodénale. C opium : Lamaline®
C associations paracétamol-tramadol : Ixprim ® ,
Carcinose péritonéale Zaldiar®
La carcinose péritonéale est à l’origine de douleurs abdomi- • Palier III : opioïdes forts agonistes purs :
nales, erratiques au début, qui deviennent ensuite continues. C morphine :
Ces douleurs sont liées aux nodules tumoraux péritonéaux et à – action rapide : Actiskénan ® , Oramorph ® ,
l’inflammation carcinologique du péritoine. La carcinose peut Sevredol®, Morphine injectable®
évoluer vers une occlusion digestive, qui a la particularité de – action prolongée : Moscontin®, Skenan® LP
s’installer de manière insidieuse et progressive, partielle au
C oxycodone :
début, bien tolérée pendant plusieurs jours, voire plusieurs
– action rapide : Oxynorm ® , Oxynormoro ® ,
.
Gastro-entérologie 5
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9-125-A-10 ¶ Conduite à tenir face à une douleur abdominale chronique
Tableau 2.
Opioïdes agonistes purs : délais et durées d’action, dosages, forme
galénique, précautions.
® ® ®
“ Point important
Moscontin Skenan LP Oxycontin LP
Guide médecin affection longue durée (ALD) n° 30
Délai d’action 2h 2h 1h
– HAS-INCa : cancer colorectal – Bonnes pratiques
2 phases
de prise en charge communes à tous les cancers –
Durée d’action 12 h 12 h 12 h prise en charge de la douleur – HAS-INCa –
Dosages 10, 30, 60, 100, 10, 30, 60, 100, 5, 10, 20, 4, 80, février 2008
200 mg 200 mg 120 mg HAS (Service des affections de longue durée et
accords conventionnels)/INCa/département des
Forme galénique Comprimés Gélules Comprimés recommandations
Précautions Ne pas écraser Ouverture Ne pas écraser Bonnes pratiques de prise en charge communes à tous les
possible (SG) cancers
SG : sonde gastrique. Dispositif d’annonce et pluridisciplinarité
Prise en charge de la douleur
Associations médicamenteuses • La recherche d’une symptomatologie douloureuse doit
être systématique chez tout patient atteint d’un cancer.
Les associations d’antalgiques de mode d’action différent ou
• L’évaluation de la douleur doit permettre de
de palier différent sont recommandées (notamment paliers I et
III) pour obtenir un effet synergique, voire une potentialisation
déterminer :
avec « épargne morphinique ». On peut également associer les C son caractère aigu ou chronique ;
antalgiques et les médicaments spécifiques des douleurs neuro- C ses mécanismes d’action (douleurs par excès de
pathiques, notamment en cas de douleurs mixtes. Les coantal- nociception, douleurs neuropathiques ou douleur
giques peuvent aussi être associés dans certaines situations, pour mixte) ;
accroître l’efficacité des antalgiques (bisphosphonates, corti- C son étiologie : douleur due à la tumeur cancéreuse
coïde, etc.). elle-même, due aux thérapeutiques du cancer
(douleur aiguë ou séquellaire, douleurs post-
Antalgie autocontrôlée par le patient (PCA)
chirurgicales, douleurs postradiques, postchimio-
L’antalgie autocontrôlée par le patient (ou patient-controlled thérapiques), sans aucun lien de causalité directe
analgesia [PCA]) est une technique qui permet au malade de avec le cancer ou ses traitements ;
s’autoadministrer, à l’aide d’une pompe programmable, des
C son retentissement sur la qualité de vie (anxiété,
doses prédéterminées d’antalgique par voie parentérale (intra-
dépression, troubles du sommeil).
veineuse ou sous-cutanée). Morphine et oxycodone sont les
antalgiques le plus souvent utilisés. Les modalités d’administra- • Le traitement doit être adapté en fonction des
tion se font selon une programmation prédéterminée par le mécanismes d’action, du contexte et du terrain.
médecin prescripteur grâce à un système informatisé. L’autono- Les douleurs par excès de nociception répondent aux
mie de la pompe est fonction de la consommation de mor- antalgiques.
phine. Le traitement, souvent initié en milieu hospitalier pour • Échelle antalgique OMS :
l’adaptation des doses, peut se poursuivre ensuite à domicile. C palier I : paracétamol, AINS ;
Selon « les Recommandations pour l’indication et l’utilisation C palier II : opioïdes faibles ;
de la PCA à l’hôpital et à domicile pour l’administration de C palier III : opioïdes forts.
morphine chez le patient atteint de cancer et douloureux en
• Le traitement nécessite parfois des coantalgiques :
soins palliatifs », du Groupe de travail de la Société française
corticoïdes, topiques locaux (anesthésiques, cicatrisants,
d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP) [23], les princi-
pales indications de la PCA chez le patient atteint de cancer et AINS), antispasmodiques, bisphosphonates.
douloureux sont les suivantes : accès douloureux paroxystiques • Les douleurs neuropathiques nécessitent un traitement
fréquents, difficultés à poursuivre un traitement morphinique spécifique de la classe des antiépileptiques (gabapentine
oral ou transdermique, voie d’administration devenant impos- ou prégabaline) ou antidépresseurs (imipramine,
sible ou inadaptée (dysphagie, vomissements, occlusion diges- amitryptiline) ou des topiques locaux.
tive, etc.), voie transdermique difficile ou contre-indiquée • Pour les douleurs mixtes, on privilégie en première
(nombre important de patchs, fièvre, etc.), effets indésirables ou intention les molécules à double action (tramadol,
douleurs non contrôlées après différents traitements opioïdes oxycodone).
per os ou transdermiques.
• Les techniques non médicamenteuses (kinésithérapie,
Les principales contre-indications sont : refus de la technique
etc.) peuvent être indiquées et la douleur des soins doit
par le patient ou sa famille, manque de coopération du patient
ou difficultés de compréhension, troubles des fonctions supé- être prévenue.
rieures, absence de formation préalable du personnel médical et • Le patient est orienté vers un médecin algologue si les
paramédical. symptômes douloureux ne sont pas rapidement contrôlés
ou s’ils nécessitent une prise en charge particulière
Traitements des douleurs cancéreuses (neurostimulation électrique transcutanée par exemple).
rebelles • La prescription initiale d’un traitement opioïde peut se
faire à l’hôpital ou en ville. Le médecin réévalue la douleur
Les pathologies cancéreuses évoluées entraînent parfois des au maximum une semaine après la prescription, pour
douleurs très intenses dont le soulagement est problématique. Il
ajuster si nécessaire le traitement. En cas d’utilisation de
s’agit volontiers de cancers pancréatiques ou pelviens. Malgré
l’ajustement des antalgiques disponibles par voie orale ou traitements opioïdes, le patient, sauf contre-indication,
transdermique et l’administration éventuelle de coantalgiques, bénéficie d’un traitement laxatif oral prophylactique.
environ 10 % des patients ne sont pas soulagés de façon
satisfaisante par les traitements administrés par voie orale ou
bien ressentent des effets indésirables gênants ou sévères, le traitement de la douleur, en cas de difficultés à soulager le
incontrôlables, limitant l’augmentation des doses de morphini- patient. On a d’abord recours à l’utilisation des opioïdes par
ques. Il faut alors savoir faire appel aux équipes spécialisées dans voie parentérale, et notamment aux pompes PCA, ou bien à la
6 Gastro-entérologie
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Conduite à tenir face à une douleur abdominale chronique ¶ 9-125-A-10
rotation d’opioïdes. Si la douleur devient rebelle, on a recours à efficace et reproductible, pour des douleurs d’origine viscé-
des alternatives thérapeutiques : kétamine, méthadone, blocs rale [32]. La neurolyse cœliaque et splanchnique est une alterna-
neurolytiques, radiofréquence, morphinothérapie par voie tive thérapeutique chez des patients ayant un cancer digestif
périmédullaire, etc. sus-mésocolique et souffrant de douleurs rebelles [33, 34]. Quant
aux douleurs cancéreuses pelviennes, elles peuvent être soula-
Kétamine et méthadone gées par un bloc du plexus hypogastrique supérieur [35] : réalisé
sous radioguidage ou scannoguidé, il entraîne un soulagement
Kétamine
de la douleur dans 70 % des cas en moyenne [36]. Pour les
L’intérêt porté ces dernières années à la kétamine tient à sa douleurs pelvipérinéales rebelles, une neurolyse du ganglion
capacité de blocage des récepteurs N-méthyl-D-aspartate impair peut être proposée, avec un soulagement voisin de 60 %,
(NMDA), à l’origine de ses propriétés antalgiques à des doses .
ou encore une phénolisation intrathécale, si les fonctions
subanesthésiques, par blocage de la sensibilisation centrale. La sphinctériennes sont abolies ou chez les patients porteurs d’une
kétamine est le plus efficace et le plus puissant des antagonistes double stomie, urinaire et digestive [29, 36].
NMDA disponibles. On retrouve dans la littérature, Quelques études montrent que la réalisation précoce des
entre 1990 et 2009, une quarantaine d’articles évoquant l’effet blocs neurolytiques est plus efficace que sa réalisation
analgésique de la kétamine dans la douleur cancéreuse. Dans ces tardive [37-39] . Francon [38] propose notamment que le bloc
études, bon nombre de douleurs rebelles ont une étiopathogénie cœliaque soit pratiqué pendant le bilan d’extension locorégio-
mixte (nociceptive et neuropathique) et il s’agit généralement nal, ou lors de la cytoponction diagnostique de la masse
de maladies cancéreuses évoluées, à un stade palliatif avancé. tumorale sous échoendoscopie. Dans l’étude prospective de
L’analyse de la littérature montre que la kétamine (par voies Gunaratnam [39], portant sur des patients ayant une douleur
intraveineuse, sous-cutanée, orale ou intrathécale) entraîne une cancéreuse d’origine pancréatique, le bloc cœliaque par échoen-
diminution de plus de 50 % de l’intensité douloureuse dans la doscopie procure un soulagement dans 80 % à 90 % des cas. Les
plupart des études, chez plus de 50 % de patients [24-27]. Dans complications se limitent à quelques cas de diarrhée transitoire
certaines études, l’efficacité de la kétamine est évoquée de façon et d’hypotension orthostatique, comme dans les alcoolisations
indirecte, par une diminution significative de la consommation cœliaques scannoguidées.
morphinique. La kétamine, même utilisée à faibles doses
analgésiques infra-anesthésiques, n’est pas totalement dénuée Radiofréquence
d’effets indésirables, notamment psychodysleptiques. Certains
La radiofréquence est parfois utilisée pour détruire des
effets indésirables, dose-dépendants, seraient dus aux propriétés
tumeurs hépatiques primitives (carcinome hépatocellulaire) ou
anticholinergiques de la kétamine. L’une des voies de recherche
des métastases hépatiques de cancers colorectaux de petite taille
actuelle dans le domaine de la kétamine repose sur les bénéfices
(moins de 25 mm). L’effet antalgique n’a pas été évalué dans
de son association avec les opioïdes, dans un but d’épargne
cette indication.
morphinique, de moindres effets indésirables et de meilleure
Pour des tumeurs hépatiques de plus de 4,5 cm, cette techni-
efficacité antalgique.
que peut entraîner un « syndrome postradiofréquence » (chez
Méthadone 36 % des 89 patients) comme dans l’étude de Dodd et al.
2005 [40]. Il s’agit d’un syndrome survenant 3 jours après la
La méthadone est un opioïde fort (agoniste des récepteurs µ
radiofréquence et qui se manifeste par des douleurs abdomina-
et d), qui est aussi un antagoniste à basse affinité des récepteurs
les, une fièvre, des nausées, des douleurs référées à l’épaule
NMDA. Il est réservé en France au traitement de substitution
droite, une gêne thoracique, des céphalées, et assez fréquem-
des addictions aux opioïdes, et n’a pas encore l’autorisation de
ment une augmentation des transaminases et de la bilirubine.
mise sur le marché (AMM) comme médicament antalgique. La
méthadone a été proposée dans les douleurs cancéreuses à
composante neuropathique qui répondent mal aux autres Morphinothérapie par voie périmédullaire
opioïdes forts. Dans une revue bibliographique récente de Chez les patients souffrant de douleurs abdominales ou
2007 [28] , les auteurs concluent à un intérêt certain de la pelviennes d’origine cancéreuse, l’administration d’opioïdes par
méthadone comme agent antalgique, mais insistent sur le fait voie spinale ou périmédullaire (péridurale ou intrathécale), seuls
que la méthadone ne doit pas être utilisée en première inten- ou associés à des anesthésiques locaux et/ou à la clonidine, peut
tion. Son utilisation peut être délicate en raison d’une grande être une alternative thérapeutique. Selon les SOR [21] , ces
variabilité interindividuelle de sa demi-vie plasmatique et du méthodes « dont les indications sont rares, sont à poser par une
ratio équiantalgique entre la méthadone et les autres opioïdes équipe spécialisée dotée du plateau technique adéquat. Ces
agonistes. L’utilisation de la méthadone doit donc être initiée méthodes ne doivent être mises en œuvre qu’après s’être assuré
par des cliniciens expérimentés. que le suivi régulier peut être effectué par un médecin et un
personnel formés à leur maniement. Un travail en réseau
Blocs neurolytiques impliquant médecine de ville, structures de cancérologie et
structures de lutte contre la douleur chronique rebelle est une
De nombreuses techniques neurolytiques ont été décrites nécessité. »
comme des techniques alternatives aux traitements convention- L’efficacité antalgique de cette technique a été démontrée
nels. Les résultats sont inconstants, car parfois transitoires, ou depuis plus de 20 ans, dans de nombreuses études, rétrospecti-
source de lésions nerveuses iatrogènes, par lésion nerveuse ves pour la plupart (environ 3 000 patients cancéreux pour la
périphérique. Les indications des blocs neurolytiques doivent voie périmédullaire), et dans quelques études prospectives,
être posées avec rigueur, en réunion de concertation pluridisci- contrôlées randomisées [41-43], où l’efficacité antalgique et les
plinaire de préférence, et le patient doit être informé de la effets indésirables de l’administration intrathécale de morphine,
procédure technique, de ses avantages et inconvénients. Leur par le biais d’une pompe implantable, est comparée à une prise
mise en œuvre nécessite d’avoir d’excellentes connaissances en charge conventionnelle optimisée de la douleur cancéreuse :
anatomiques et physiologiques, d’utiliser des quantités d’agents l’analgésie périmédullaire se révèle plus efficace et mieux
neurolytiques adaptées, en s’aidant parfois de l’imagerie tolérée, avec une réduction significative des effets indésirables à
interventionnelle [29]. 4 semaines (fatigue et sédation) dans le groupe implanté, et une
L’utilisation de blocs neurolytiques du plexus sympathique a amélioration de la survie à 6 mois. Ballantyne, dans sa revue de
été proposée en prévention de la douleur et pour améliorer la la littérature en 2005 [44] , conclut à un soulagement de la
qualité de vie des patients porteurs d’un cancer. Les études douleur, excellent pour 72 % par voie péridurale et pour 62 %
contrôlées et randomisées ont montré une efficacité antalgique par voie intrathécale.
prolongée et une balance bénéfice-risque favorable [30, 31]. Pour Les voies intrathécale et péridurale ont l’AMM pour les
certains auteurs, il s’agit d’un traitement relativement simple, douleurs chroniques cancéreuses, mais la voie intrathécale est à
Gastro-entérologie 7
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9-125-A-10 ¶ Conduite à tenir face à une douleur abdominale chronique
8 Gastro-entérologie
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Conduite à tenir face à une douleur abdominale chronique ¶ 9-125-A-10
.
d’experts [53] et des sociétés savantes [54] estiment que, sur la (glutamate, noradrénaline, substance P). Dans une étude
base des critères de Rome III, le diagnostic positif de SII peut randomisée, elle a montré sa supériorité contre placebo à la
être posé cliniquement. dose de 600 mg/j après une augmentation progressive [63].
Certains antibiotiques ont été testés avec efficacité, dans
Traitement des douleurs l’hypothèse de la pullulation bactérienne : la néomycine, la
La qualité de la prise en charge de toute affection, mais rifaximine, antibiotique à large spectre, quasiment pas absorbé
encore plus lorsque celle-ci est chronique et fonctionnelle, est après prise orale, semble procurer un effet symptomatique
fondée sur la qualité de la relation médecin-malade. En effet, il notable. Elle pourrait être disponible en Europe d’ici quelques
est important de créer une « alliance thérapeutique » avec le années.
patient, que celui-ci se sente entendu et cru dans sa plainte. Certains probiotiques auraient des propriétés anti-inflam-
Ainsi, une attitude empathique du soignant semble favoriser matoires, inhibitrices sur l’hypercontractilité musculaire intesti-
une amélioration des symptômes à long terme alors qu’une nale et de correction des troubles de la perméabilité intestinale
attitude sceptique aggrave l’évolution [55]. Cette alliance aide secondaires au stress. Différents probiotiques ont été testés dans
d’autant plus l’acceptation, par le patient, des limites de la prise le SII avec des effets thérapeutiques non négligeables.
en charge, car on a pris soin de lui expliquer que l’objectif n’est Les antalgiques classiques de palier I et II de l’OMS sont
pas la guérison rapide et complète de ses symptômes, mais inefficaces et les opioïdes sont à éviter compte tenu du risque
plutôt de tendre vers l’amélioration de sa qualité de vie. potentiel de dépendance, en utilisation chronique, et de leurs
La prise en charge comporte des moyens médicamenteux et effets indésirables possibles sur le tube digestif.
non médicamenteux. Traitements non médicamenteux
Traitements médicamenteux [56] Comme dans tout syndrome douloureux chronique, selon le
Antispasmodiques. Leur efficacité a fait l’objet de plusieurs modèle bio-psycho-social, il convient de traiter le patient dans
méta-analyses. Toutes ont relevé que les études comportaient sa globalité, d’évaluer le retentissement de sa pathologie sur
des faiblesses méthodologiques. Cependant, trois d’entre elles toutes les sphères de sa vie, sur sa qualité de vie. En fonction
ont conclu que seuls certains antispasmodiques (trimébutine, de cette évaluation, on peut s’aider également de moyens non
pinavérium, mébévérine) étaient supérieurs au placebo pour médicamenteux pour l’aider à mieux gérer ses symptômes au
soulager la douleur, mais sans effet sur les troubles du tran- quotidien.
sit [57] . Une méta-analyse plus récente a conclu à leur Prise en charge psychologique
inefficacité [58].
Le phloroglucinol, antispasmodique à action rapide, non Les événements de vie (agressions sexuelles, physiques) même
mentionné dans les méta-analyses, s’est montré rapidement anciens, les émotions, le stress, les comportements face à la
efficace sur les douleurs paroxystiques lors des poussées de SII, douleur, le retentissement de celle-ci sur l’humeur justifient une
dans une étude récente [59]. psychothérapie de soutien, notamment dans les formes les plus
Régulateurs du transit. Si la constipation prédomine, les sévères. Cette prise en charge a montré son efficacité dans
laxatifs osmotiques ou à base de macrogol sont préférés aux plusieurs études [64].
laxatifs de lest dans les SII. Dans les formes avec diarrhée, le L’approche cognitive et comportementale en individuel ou en
lopéramide réduit le nombre des selles et améliore leur consis- groupe semble améliorer les symptômes [65].
tance. En cas d’échec, la colestyramine peut être proposée. Comme autres moyens de gestion du stress et de la douleur,
Antidépresseurs. Les tricycliques, par leurs effets monoami- l’hypnose et la relaxation ont amélioré les symptômes dans
nergiques (inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la certains travaux avec un effet objectif sur la sensibilité viscérale
noradrénaline) ont un effet antalgique propre indépendamment à la distension [66].
de leur effet antidépresseur, pour lequel les doses sont d’ailleurs
bien supérieures aux doses antalgiques. Des méta-analyses
récentes ont montré qu’ils étaient supérieurs au placebo pour
améliorer les symptômes [60].
Dans les inhibiteurs de la recapture de sérotonine, la paroxé-
“ Point important
tine semble efficace sur les troubles du transit, mais sans effet
sur la douleur. L’amélioration globale rapportée était liée surtout En pratique, la mise en place conjointe de toutes les
à l’amélioration des troubles de l’humeur [61]. La fluoxétine n’a stratégies thérapeutiques peut être difficile. Il est alors
pas fait la preuve de son efficacité dans les études [62]. possible d’orienter vers des structures de prise en charge
Il est important de prendre le temps d’expliquer au patient le de la douleur où la démarche multidisciplinaire est la règle
bénéfice thérapeutique recherché par le traitement antidépres- et où toutes ces options thérapeutiques sont mieux
seur (délai d’action retardée, augmentation progressive de acceptées par le patient, car elles s’inscrivent dans une
posologie, effets indésirables potentiels), pour obtenir son
prise en charge globale.
adhésion et donc une bonne compliance au traitement.
Perspectives thérapeutiques. Ces options semblent représen-
ter des traitements possibles du SII, mais des études complé-
mentaires sont nécessaires pour confirmer leur intérêt dans la Maladies intestinales chroniques
stratégie thérapeutique.
Les antagonistes des récepteurs sérotoninergiques 5-HT3 (dont inflammatoires (MICI) : conduite à tenir
l’alosétron) ont été développés pour bloquer la transmission du
message sensitif et ralentir le transit dans les SII-D. Ils représen-
Introduction
tent donc une piste à explorer, malgré de potentiels effets Les MICI sont des pathologies fréquentes, pouvant entraîner
secondaires (colite ischémique ?). Ils ne sont actuellement pas des douleurs chroniques qui sont, tant dans la démarche
disponibles dans l’Union européenne. diagnostique que dans la prise en charge, de véritables défis
Les agonistes des récepteurs sérotoninergiques 5-HT4 sont pour les gastroentérologues. Les MICI sont une entité regrou-
théoriquement indiqués dans les SII-C. Mais comme il a été pant la maladie de Crohn, la rectocolite hémorragique et les
rapporté que le tégaserod provoquait des risques cardiovascu- colites indéterminées (10 % à 20 %). Leur prise en charge relève
laires, celui-ci a été retiré du marché américain. D’autres des milieux spécialisés et peut s’étaler sur des années, inscrivant
agonistes sérotoninergiques plus sélectifs sont en cours de le patient dans la chronicité, avec des répercussions psychoso-
développement. ciales importantes. Dans les MICI, les douleurs qui jalonnent la
La prégabaline est un antiépileptique. Elle se lie à une sous- vie du patient ont cela de particulier qu’en plus du substrat
unité des canaux calciques de la membrane neuronale et inhibe organique et des réactions locales inflammatoires algogènes
la libération neuronale de neurotransmetteurs excitateurs engendrées [67] vont se greffer des troubles fonctionnels digestifs
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9-125-A-10 ¶ Conduite à tenir face à une douleur abdominale chronique
au premier rang duquel se trouve le syndrome de l’intestin Douleurs abdominales résiduelles, sans signes associés et sans
irritable (SII) [68]. Si de réels progrès ont été réalisés ces dernières relation avec les poussées inflammatoires de la maladie
années sur le plan des traitements spécifiques, et sur le plan du inflammatoire chronique de l’intestin
parcours de soins du patient (rôle bénéfique des associa-
tions) [69], il n’en reste pas moins vrai que les douleurs chroni- Les syndromes douloureux décrits dans les MICI sont le SDAF
ques observées dans les MICI relèvent souvent d’une prise en (anciennement nommé troubles fonctionnels digestifs) et le SII,
charge pluridisciplinaire et notamment d’une collaboration avec définis par les critères de Rome III. Ces syndromes douloureux
les centres d’évaluation et de traitement de la douleur. sont une pathologie de la sensibilité viscérale [78-81].
Le SDAF regroupe des symptômes chroniques et récurrents
Données épidémiologiques dont l’origine est attribuée au tube digestif, mais pour lesquels
aucune anomalie ne peut être mise en évidence lors des
L’incidence de la maladie de Crohn (MC) est de 5,6/100 000. explorations usuelles. Il est caractérisé par une douleur abdomi-
On retrouve 60 000 cas en France, avec 3 000 à 3 500 nouveaux nale chronique non ou faiblement reliée aux fonctions digesti-
cas annuels. L’âge moyen de début est de 27 ans, le sex-ratio est ves (alimentation, transit). Le diagnostic est clinique et repose
de 1,8 : 1. Quant à la rectocolite hémorragique (RH), l’incidence sur les données de l’interrogatoire.
est de 2,7/1 000, avec 40 000 cas en France, 2 500 à 3 000 Le SII associe des douleurs abdominales à type de gêne et
nouveaux cas annuels, un âge moyen de début de 36 ans et un d’inconfort à au moins un des deux critères suivants : amélio-
sex-ratio de 1 [70] . Ces deux maladies entraînent dans des ration par la défécation et/ou modification de la fréquence des
proportions non négligeables des douleurs abdominales et des
selles, et/ou modification de la consistance des selles. L’étude de
douleurs articulaires (ces dernières ne sont pas traitées dans ce
Smiren et al. [73] établit une prévalence des SII dans les MICI
chapitre).
deux à trois fois supérieure à la population générale (33 % dans
On distingue quatre types de syndromes douloureux abdomi-
les RH et 57 % dans les MC).
naux :
• les douleurs abdominales de type inflammatoire, nociceptives « Narcotic Bowel Syndrom »
et concomitantes de l’augmentation de l’index de la maladie,
répondant bien aux traitements spécifiques des MICI. Chez Il s’agit de douleurs abdominales chroniques chez un patient
l’enfant, la douleur abdominale est le mode de révélation de traité par opioïdes auxquelles se surajoutent des douleurs de
la maladie de Crohn le plus fréquent [71]. Ces douleurs sont colite, l’incitant à augmenter sa consommation d’opioïdes. Lors
en général très localisées et pathognomoniques d’une poussée de poussées de la maladie (en complément des traitements
de la maladie. Elles imposent la réalisation d’un bilan spécifiques) et en postopératoire (traitement chirurgical de la
biologique, voire d’une imagerie [72] ; MICI), on peut être amené à proposer un traitement transitoire
• le syndrome des douleurs abdominales fonctionnelles (SDAF) par opioïdes. La chronicité des MICI, les effets secondaires et la
et le syndrome de l’intestin irritable (SII), définis par les toxicité des traitements spécifiques ainsi que la difficulté de
critères de Rome III [8], sont difficiles à traiter et surtout à gestion de la persistance des symptômes augmentent le risque
diagnostiquer, lorsqu’ils sont intriqués aux précédents [73, 74] ; d’usage chronique des morphiniques. Les opioïdes exacerbent le
• le narcotic bowel syndrom, complication de l’usage inapproprié dysfonctionnement digestif (SII) et aggravent ainsi le tableau
des opioïdes dans le traitement des douleurs des MICI. Ce douloureux initial [75].
syndrome douloureux est méconnu, mais décrit dans la
littérature [75, 76] ; Douleurs postchirurgicales séquellaires
.
• les douleurs postchirurgicales séquellaires (nociceptives et/ou Ce sont des douleurs viscérales ou pariétales (musculaires,
neuropathiques) dans les formes graves chez les patients atteinte des nerfs cutanés abdominaux), nociceptives pures ou
multiopérés. bien mixtes (associant une part neuropathique). Elles doivent
être prises en compte et recherchées, car elles peuvent compli-
Description des douleurs abdominales quer le démembrement et l’analyse du tableau douloureux
Douleurs nociceptives concomitantes des poussées chronique.
inflammatoires de la maladie inflammatoire chronique de
l’intestin Retentissement du syndrome douloureux
Ce sont des douleurs parfois intenses, de type coliques, chronique
pouvant précéder les selles et/ou être déclenchées par l’alimen- Ces syndromes douloureux s’inscrivent dans le contexte
tation. Leur siège dépend de la localisation des lésions (plus d’une maladie chronique. La prise en charge actuelle en milieu
souvent dans la fosse iliaque droite pour la MC) [77].
spécialisé tient compte, en parallèle des traitements spécifiques
L’anticipation anxieuse des douleurs postprandiales peut des MICI, de l’impact de la maladie sur la qualité de vie ; une
entraîner une restriction alimentaire et un amaigrissement. Les
évaluation sociale et un soutien psychologique peuvent être
syndromes douloureux abdominaux en rapport avec un excès
proposés [81]. Les associations de patients sont très actives et
de nociception et une hyperalgésie sont :
participent à cette prise en charge globale. L’association de
• le syndrome de Koenig, témoin d’occlusion du grêle, dont le
douleurs abdominales rebelles (SII) chroniques à une fréquence
diagnostic est posé par le transit œso-gastro-duodénal
(TOGD), l’échographie et l’endoscopie digestive. Le traite- élevée des poussées (et à des chirurgies parfois mutilantes,
ment est étiologique (AINS ou levée de la sténose par formes graves de la MC), engendrant des répercussions psycho-
endoscopie-dilatation ou chirurgie exérèse) ; logiques parfois majeures [82], peut justifier une prise en charge
• les syndromes rectaux (ténesmes, épreintes, faux besoins, de la douleur chronique en CETD.
impériosités), sont extrêmement invalidants. Les dernières
hypothèses physiopathologiques sont en faveur d’une baisse Traitement des douleurs
du seuil de sensibilité à la douleur en période de poussée et Traitements médicamenteux
d’une diminution de la compliance rectale, responsables de
douleurs locales et abdominales parfois intenses. Le traite- Le traitement des douleurs par excès de nociception et
ment est étiologique, reposant sur les traitements locaux par hyperalgésie, concomitantes des poussées inflammatoires, repose
AINS (lavements ou suppositoires ou par voie générale) ; sur les traitements spécifiques des MICI et n’est pas abordé ici.
• les lésions périnéales dans la MC comprenant les abcès Les douleurs fonctionnelles résiduelles sont en revanche
périanaux, les marisques, les fissures, les fistules. Ces lésions, beaucoup plus difficiles à traiter. Il n’existe pas en France de
bien que parfois délabrantes, sont en général peu douloureu- traitement étiologique. Les antispasmodiques, les antalgiques de
ses. Le traitement est étiologique, chirurgical et repose sur le palier I ou II et les laxatifs ou ralentisseurs du transit sont en
traitement des fissures et le drainage des abcès. général décevants dans le SII. Aux États-Unis, les agonistes
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Conduite à tenir face à une douleur abdominale chronique ¶ 9-125-A-10
sérotoninergiques (alosétron ou tégaserod) sont proposés dans le Les précautions d’usage lors de la prescription d’opioïdes en
traitement du SII rebelle, mais non dépourvus d’effets cas de douleur chronique doivent être respectées (recommanda-
secondaires. tion de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de
Les antidépresseurs, notamment les tricycliques, peuvent être santé [AFSSAPS]), rappelons ici que le traitement des SII ne
proposés, mais leur action sur l’hypersensibilité viscérale reste repose en aucun cas sur les opioïdes. Enfin, il convient d’envi-
décevante [83, 84]. sager un sevrage chez les patients porteurs de MICI traités au
La prégabaline s’est avérée efficace dans les douleurs mixtes long cours par opioïdes et en rémission de leur MICI et/ou ceux
ou neuropathiques séquellaires et semble être une possibilité qui présentent une dépendance aux opioïdes. Ces patients
thérapeutique dans le SII rebelle [85]. peuvent être adressés à une structure spécialisée de prise en
Des études sur la sensibilité viscérale et les systèmes de charge de la douleur et/ou à une équipe d’addictologie.
contrôle de la douleur sont en tout cas nécessaires, les traite-
ments médicamenteux disponibles étant, à ce jour, peu Traitements non médicamenteux
satisfaisants. Des études montrent l’intérêt de thérapeutiques non médica-
Concernant les opioïdes forts, une dépendance chez les menteuses comme l’hypnose en termes de qualité de vie et de
patients atteints de MICI peut être observée. Cette dépendance bien-être général (diminution du nombre d’arrêts de travail, de
est en lien avec un mésusage des opioïdes et une difficulté visites chez le généraliste) [88]. D’autres techniques (musicothé-
notoire de gestion de la chronicité de la MICI. Les indicateurs rapie, relaxation, sophrologie, etc.) semblent intéressantes dans
précoces d’un risque de développement d’un mésusage et/ou la gestion du stress engendré par la maladie chronique et
d’une dépendance sont une modification des symptômes l’altération de la qualité de vie. Des études complémentaires
digestifs sans rapport avec la réponse thérapeutique et une sont nécessaires pour démontrer leur effet bénéfique potentiel
préoccupation perceptible du patient concernant l’augmentation sur les douleurs chroniques. Les thérapies cognitives et compor-
des posologies d’antalgiques. tementales (TCC) semblent également apporter une améliora-
tion de la qualité de vie (gestion du stress et des douleurs) [89].
Gastro-entérologie 11
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9-125-A-10 ¶ Conduite à tenir face à une douleur abdominale chronique
Diagnostic clinique de pancréatite recours aux opioïdes forts, malgré leur effet sur le sphincter
d’Oddi. La prescription de ces derniers doit alors être prudente,
chronique [90-92] après une évaluation minutieuse de la douleur, et faire l’objet
Seule la douleur est abordée en détail dans ce chapitre, mais d’un suivi étroit avec des réévaluations fréquentes, comme pour
la PC peut se manifester sous plusieurs tableaux (amaigrisse- tout traitement par opioïde fort dans les douleurs chroniques
ment, poussées de pancréatite aiguë, faux kyste, sténose de la non cancéreuses, en suivant les recommandations officielles,
voie biliaire principale, insuffisance pancréatique exocrine, d’autant plus chez ces patients qui présentent souvent un
diabète, épanchement des séreuses, hémorragie digestive, cancer terrain d’addiction multiple (alcool, tabac).
du pancréas plus fréquent que dans la population générale, Une première étude a montré une efficacité transitoire
maladies associées comme une cirrhose, néoplasie oto-rhino- (4 mois) de l’alcoolisation du plexus cœliaque dans le soulage-
laryngologique [ORL], polynévrite, etc.). ment des douleurs abdominales intenses rebelles aux traite-
La douleur abdominale constitue le motif le plus fréquent de ments classiques, chez la moitié des patients. Depuis, plusieurs
consultation : 60 % à 100 % des malades vont s’en plaindre, études ont observé des résultats similaires (soulagement d’une
surtout pendant la première phase de la maladie qui s’étend sur durée moyenne de 3 mois) avec l’infiltration du plexus cœlia-
les 10-15 premières années. Elle peut être aiguë lors des compli- que par corticoïdes ou anesthésiques locaux (sous scanner ou
cations aiguës, subaiguës, voire chroniques. La douleur abdomi- échoendoscopie) [100]. Mais devant le manque d’étude à long
nale est inaugurale dans 80 % à 90 % des cas, de survenue terme, l’efficacité transitoire et les risques potentiels de cette
paroxystique de quelques heures à quelques jours, intense, technique complexe, il est indiqué de la proposer après échec
habituellement épigastrique ou sus-ombilicale, avec des irradia- des autres traitements.
tions postérieures transfixiantes ou dans les hypocondres. Les extraits pancréatiques (qui inhibent la sécrétion pancréa-
Généralement déclenchée par une prise excessive d’alcool et tique et donc diminueraient la pression intracanalaire et donc
exacerbée par les repas, elle entraîne souvent une restriction la douleur) n’ont pas montré d’efficacité. Les antioxydants
alimentaire volontaire. Elle peut également accompagner une doivent encore prouver leur efficacité à travers des essais
pancréatite aiguë, un pseudokyste, une thrombose portale ou cliniques.
splénique, une obstruction des voies biliaires, ou encore des Devant les données expérimentales récentes suggérant (en
pathologies associées tels que les ulcères gastriques et/ou dehors des complications morphologiques évidentes) une part
duodénaux. La douleur représente l’indication la plus fréquente neuropathique dans la douleur de la pancréatite chronique, il
du traitement interventionnel. serait judicieux d’évaluer l’efficacité des traitements à visée
La douleur de la pancréatique chronique peut avoir des neuropathique, tels que les antidépresseurs tricycliques (inhibi-
retentissements sur la qualité de vie du patient, avec un teurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline) et
retentissement sur le sommeil, l’humeur, les relations sociales, les antiépileptiques.
professionnelles et familiales. Comme pour toute douleur chronique, la prise en charge de
Ne sont pas abordés, dans ce chapitre, les examens la douleur de pancréatite chronique est multidimensionnelle,
complémentaires. selon un modèle bio-psycho-social. Il est donc important de
rechercher l’impact de la douleur sur toutes les composantes de
Évolution naturelle de la douleur sa qualité de vie et aider le patient à faire face, tout en effec-
tuant un traitement étiologique spécifique lorsque celui-ci est
En général, la douleur tend à disparaître avec le temps chez nécessaire (drainage d’un pseudokyste par exemple). Les
la majorité des patients, au fur et à mesure que s’installe une techniques de prise en charge non médicamenteuses sont donc
insuffisance exocrine et endocrine [93, 94]. C’est la théorie du très utiles (psychothérapie de soutien, thérapies cognitives et
burn-out : le parenchyme pancréatique fonctionnel est progres- comportementales, apprentissage de moyens de gestion du
sivement détruit et est remplacé par du tissu scléreux, ce qui stress, relaxation, etc.). La prise en charge de ces patients peut
expliquerait la disparition de la douleur. Dans certaines séries, donc nécessiter une orientation vers une structure d’évaluation
on a observé une disparition de la douleur après 10 ans d’évo- et traitement de la douleur.
lution, chez 80 % à 95,6 % des patients souffrant d’une
Une concertation régulière entre algologues, hépato-gastro-
pancréatite chronique d’origine alcoolique [95].
entérologues et chirurgiens est indispensable pour optimiser la
Cette théorie, qui se vérifie le plus souvent, est cependant à
prise en charge de ces patients, car il faut traiter, parallèlement
nuancer, en raison des controverses de la littérature. En fait, la
à la prise en charge de la douleur chronique, la maldigestion,
douleur évolue de manière très variable en fonction des patients
le diabète, et les diverses complications qui peuvent émailler le
et des lésions observées. Dans d’autres séries, plus de la moitié
parcours de ces malades.
des patients traités médicalement étaient encore douloureux
après 10 ans d’évolution [96]. Dans d’autres études, les auteurs
n’ont pas rapporté de corrélation entre la disparition de la
douleur et la survenue d’une insuffisance pancréatique [97]. ■ Conclusion
.
En revanche, l’arrêt de l’intoxication alcoolique ralentit
l’altération fonctionnelle du pancréas, et constitue un facteur de Les douleurs abdominales chroniques sont fréquentes et
bonne réponse aux antalgiques [98]. souvent invalidantes, retentissant de façon majeure sur la
qualité de vie des patients. La prise en charge de la douleur
chronique nécessite une évaluation clinique approfondie
Traitement des douleurs spécifique, qui permet d’établir, entre autres, le diagnostic du
Le traitement est symptomatique, visant à améliorer la mécanisme physiopathologique de la douleur, élément capital
qualité de vie des patients ; il repose avant tout sur l’arrêt de pour choisir les traitements symptomatiques les plus appropriés.
l’intoxication alcoolique, ce qui contribue à ralentir l’altération Parallèlement à la démarche étiologique somatique et aux
de la fonction pancréatique et favorise la bonne réponse aux traitements symptomatiques médicamenteux, on ne peut
antalgiques. appréhender un malade douloureux chronique sans prendre en
Le traitement médicamenteux de la douleur de la pancréatite compte certains facteurs individuels, tels les niveaux d’anxiété
chronique est difficile. et de dépression, la personnalité, et les facteurs de renforcement
Les manifestations douloureuses qui accompagnent les susceptibles d’amplifier ou de maintenir le patient douloureux
sténoses canalaires et les pseudokystes peuvent céder après dans la chronicité. L’approche thérapeutique non médicamen-
traitement interventionnel. teuse personnalisée a donc une place non négligeable dans le
Les antalgiques classiques de palier I et II peuvent être traitement des douleurs abdominales chroniques. Que le
efficaces. Une étude a montré la supériorité du tramadol par médecin exerce seul ou au sein d’une équipe pluridisciplinaire,
rapport à la morphine sur le plan du soulagement et de la il lui faut, pour mieux comprendre et mieux traiter une douleur
tolérance dans la prise en charge des douleurs de pancréatite chronique, savoir analyser les divers facteurs somato-psycho-
chronique [99]. Néanmoins, il reste parfois nécessaire d’avoir sociaux susceptibles de participer de façon interactive à son
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Conduite à tenir face à une douleur abdominale chronique ¶ 9-125-A-10
entretien. Cette approche doit être nuancée, l’existence d’une [15] Portenoy RK, Hagen NA. Breakthrough pain: definition, prevalence
personnalité psychopathologique ne permettant pas d’exclure and characteristics. Pain 1990;41:273-81.
pour autant un mécanisme somatique sous-jacent intriqué. [16] Coluzzi PH. Cancer pain management: newer perspectives on opioids
L’intérêt d’une approche globale du patient douloureux chroni- and episodic pain. Am J Hosp Palliat Care 1998;15:13-22.
que est de conduire à des propositions thérapeutiques intégrées [17] Portenoy RK, Payne D, Jacobsen P. Breakthrough pain: characteristics
dans un programme plurimodal, seul garant d’une amélioration and impact in patients with cancer pain. Pain 1999;81:129-34.
progressive et durable de la symptomatologie. [18] Pitchumoni CS. Pathogenis and management of pain in chronic
Les douleurs d’origine cancéreuse sont de loin les plus pancreatitis. World J Gastroenterol 2000;6:490-6.
préoccupantes, mais le large arsenal thérapeutique actuel, [19] Lakdja F, Dixmerais F, Palussière J, Monnin D, Thonnier C. Les dou-
associée à une amélioration globale des connaissances médica- leurs du cancer du pancréas. Douleurs 2003;4:192-8.
les, tant pharmacologiques que cliniques, permettent de [20] Rostaing-Rigattieri S, Rousselot H, Krakowski I, Theobald S, Collin E,
soulager correctement 90 % des patients. La prise en charge de Vuillemin N, et al. Standards, Options et Recommandations 2002 pour
la douleur cancéreuse doit s’intégrer dans l’organisation des les traitements antalgiques médicamenteux des douleurs cancéreuses
soins de support, ou représente une part importante de la par excès de nociception chez l’adulte, mise à jour : place des opioïdes
démarche palliative au cours de l’évolution d’une maladie grave forts (morphine orale exclue) et rotation des opioïdes. Bull Cancer
évolutive. 2003;90:795-806.
Que la douleur abdominale chronique soit d’origine bénigne [21] Krakowski I, Theobald S, Balp L, Bonnefol MP, Chwetzoff G, Collin E,
ou maligne, sa prise en charge implique un travail d’équipe et al. Standards, Options et Recommandations 2002 pour les traite-
pluridisciplinaire et pluriprofessionnel ; une collaboration entre ments antalgiques médicamenteux des douleurs cancéreuses par excès
les différents intervenants médicaux (spécialistes hépato-gastro- de nociception chez l’adulte, mise à jour (rapport abrégé). Bull Cancer
entérologues, médecins généralistes, et algologues) et une 2002;89:1067-74.
démarche thérapeutique collégiale sont en effet le meilleur [22] Modalités de prise en charge de l’adulte nécessitant des soins palliatifs
garant d’une prise en charge optimisée du patient. - ANAES/Service des recommandations et références profes-
sionnelles/décembre 2002.
[23] Recommandations pour l’indication et l’utilisation de la PCA à l’hôpi-
tal et à domicile pour l’administration de morphine chez le patient
Cet article a fait l’objet d’une prépublication en ligne : l’année du copyright atteint de cancer et douloureux, en soins palliatifs. Groupe de travail de
peut donc être antérieure à celle de la mise à jour à laquelle il est intégré. la SFAP. Méd Palliat 2007;6:114-43.
.
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Centre d’évaluation et traitement de la douleur, Hôpital Saint-Antoine, 184, rue du Faubourg-Saint-Antoine, 75012 Paris, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Rostaing-Rigattieri S., Dang-Vu B., Lenclud G., Guérin J. Conduite à tenir face à une douleur abdominale
chronique. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Gastro-entérologie, 9-125-A-10, 2011.
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