Vous êtes sur la page 1sur 15

¶ 9-125-A-10

Conduite à tenir face à une douleur


abdominale chronique
S. Rostaing-Rigattieri, B. Dang-Vu, G. Lenclud, J. Guérin

Une douleur abdominale chronique est une douleur qui évolue depuis au moins 3 mois. Elle retentit sur le
comportement et la qualité de vie du patient. Le traitement symptomatique nécessite une évaluation
préalable rigoureuse à l’aide d’outils validés. Le diagnostic du mécanisme physiopathologique de la
douleur (nociceptif, neuropathique, ou mixte) est indispensable pour orienter la thérapeutique. Les
pathologies viscérales peuvent se manifester sous forme de douleurs projetées, rendant le diagnostic
étiologique plus difficile. Dans le cadre d’une maladie cancéreuse d’origine digestive, la prévalence de la
douleur augmente avec l’évolution du cancer, en lien avec la tumeur et son extension, les traitements
carcinologiques ou une affection intercurrente. En cours d’évolution du cancer du pancréas et du cancer
colorectal, la prévalence de la douleur est très élevée. Le soulagement de la douleur cancéreuse fait
souvent appel à des associations d’antalgiques, dont les opioïdes forts, et à des médicaments spécifiques
en cas de douleur neuropathique associée, à savoir les antidépresseurs tricycliques et les antiépileptiques.
L’arsenal thérapeutique actuel et les recommandations de bonnes pratiques permettent de soulager plus
de 90 % des douleurs abdominales d’origine cancéreuse. En cas de douleurs rebelles, ou a recours à des
alternatives thérapeutiques : rotation d’opioïdes, administration d’opioïdes par pompe d’antalgie
autocontrôlée, blocs neurolytiques parfois (recommandés plus précocement), voire antalgie
périmédullaire. Parmi les douleurs abdominales chroniques non malignes, les douleurs fonctionnelles sont
de loin les plus fréquentes, chez l’adulte comme chez l’enfant. Il s’agit du syndrome de l’intestin irritable
et du syndrome de douleur abdominale fonctionnelle, qui ne relèvent pas de traitements spécifiques. Une
meilleure compréhension des mécanismes physiopathologiques qui les sous-tendent devrait permettre
d’adapter la démarche thérapeutique, d’où l’importance de la recherche clinique dans ce domaine. Les
douleurs abdominales sont également fréquentes dans les maladies intestinales chroniques
inflammatoires, notamment lorsqu’elles sont intriquées à des douleurs fonctionnelles, ce qui rend leur
démembrement particulièrement complexe. La pancréatite chronique est également pourvoyeuse de
douleurs abdominales chroniques invalidantes, au traitement symptomatique difficile, qui peuvent
conduire à un traitement interventionnel. Dans tous les cas, une relation médecin-malade de qualité et
une collaboration entre les différents médecins en charge du patient permettent d’optimiser le
soulagement de la douleur. Les structures spécialisées d’évaluation et traitement de la douleur peuvent
apporter leur aide en cas de difficulté.
© 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Douleur abdominale ; Douleur chronique d’origine digestive ; Douleur cancéreuse ;
Maladies intestinales chroniques inflammatoires (MICI) ; Douleur abdominale fonctionnelle ;
Syndrome de l’intestin irritable ; Pancréatite chronique

Plan ¶ Douleur cancéreuse d’origine digestive 4


Données épidémiologiques 4
¶ Introduction 2 Caractéristiques sémiologiques des douleurs cancéreuses 4
Profil évolutif des douleurs cancéreuses 4
¶ Évaluation d’une douleur chronique : généralités 2
Particularités sémiologiques 5
Chez l’adulte 2
Traitements médicamenteux de la douleur cancéreuse 5
Chez l’enfant 2
Traitements des douleurs cancéreuses rebelles 6
Chez la personne âgée 2
¶ Douleurs abdominales chroniques non malignes 8
¶ Mécanismes physiopathologiques de la douleur 2
Douleurs abdominales fonctionnelles 8
Douleurs nociceptives 3
Syndrome de l’intestin irritable (SII) : conduite à tenir 8
Douleurs neuropathiques, périphériques ou centrales 3
Maladies intestinales chroniques inflammatoires (MICI) :
¶ Particularités sémiologiques des douleurs viscérales : conduite à tenir 9
les douleurs projetées 4

Gastro-entérologie 1
Téléchargé pour sanaa berrag (sanaa.berrag@gmail.com) à University of Paris à partir de ClinicalKey.com/student par Elsevier sur mai 16,
2022. Pour un usage personnel seulement. Aucune autre utilisation n´est autorisée. Copyright ©2022. Elsevier Inc. Tous droits réservés.
9-125-A-10 ¶ Conduite à tenir face à une douleur abdominale chronique

¶ Pancréatite chronique 11
.

Chez l’enfant
Étiologies 11
Selon le docteur D. Annequin [2], « Le vocabulaire décrivant
Diagnostic clinique de pancréatite chronique 12
Évolution naturelle de la douleur 12
la composante sensorielle de la douleur peut faire défaut ; la
Traitement des douleurs 12 composante émotionnelle de la douleur se traduit par des
modifications comportementales (cris, agitation, etc.) ; enfin la
¶ Conclusion 12 composante cognitive, qui fait référence à des expériences
passées, peut également manquer. Plus l’enfant est jeune et plus
il faut se tourner vers des évaluations et des échelles de mesure
■ Introduction spécifiques. En l’absence de possibilité d’autoévaluation, il faut
en effet se tourner vers des échelles comportementales ».
Entre 0 et 4 ans, on doit utiliser les échelles d’observation
La douleur est un symptôme fréquemment rencontré dans les
.

comportementales : DAN, OPS, EDIN, DEGR, HEDEN,


pathologies digestives, qu’elles soient chroniques bénignes,
EVENDOL.
comme les maladies intestinales chroniques inflammatoires
Entre 4 et 6 ans, l’autoévaluation se fait à l’aide de l’échelle
(MICI), le syndrome des douleurs abdominales fonctionnelles, le
de visages ou de l’échelle verbale simple.
syndrome de l’intestin irritable, les pancréatites chroniques, ou
À partir de 6 ans, l’enfant peut s’évaluer lui-même avec
qu’elles soient d’origine maligne, liées à un cancer digestif, où
l’échelle visuelle analogique (EVA), l’échelle verbale simple
la prévalence de la douleur augmente avec l’évolution de la
(EVS), l’échelle numérique (EN), ou l’échelle des visages. Il n’est
maladie cancéreuse.
pas exceptionnel de rencontrer des enfants douloureux oppo-
Ce chapitre a pour objectif principal de donner des outils
sants, prostrés refusant tout contact (tableau d’atonie
pratiques diagnostiques et thérapeutiques sur la conduite à tenir
psychomotrice).
face à une douleur abdominale chronique, mais il nous a
Chez l’enfant, les douleurs abdominales chroniques sont fréquen-
semblé nécessaire de faire, au préalable, quelques rappels sur
tes, puisqu’elles concernent 15 % à 45 % des enfants d’âge
l’évaluation de la douleur chronique et les mécanismes physio-
scolaire [3] . Les principales étiologies organiques sont les
pathologiques qui la sous-tendent.
La prise en charge symptomatique d’une douleur abdominale suivantes : maladie de Crohn, lithiase vésiculaire, constipation,
chronique est menée parallèlement à la démarche étiologique ; pancréatites, ulcères gastroduodénaux, intolérance au lactose.
elle nécessite une analyse sémiologique rigoureuse, fondée sur Mais les douleurs abdominales chroniques fonctionnelles,
un entretien approfondi du malade, un examen clinique récurrentes, sont de loin les plus fréquentes [4] : « migraine
rigoureux, une bonne connaissance des pathologies digestives abdominale », syndrome de l’intestin irritable, dyspepsie, et
causales et de la pharmacologie des traitements antalgiques autres.
disponibles.
Chez la personne âgée
■ Évaluation d’une douleur Selon le docteur V. Bellamy [5], la douleur est souvent sous-
estimée du fait de ses difficultés à s’exprimer. Il existe souvent
chronique : généralités des douleurs multiples, et la prévalence de la douleur augmente
avec l’âge. « Les facteurs prédictifs de chronicisation sont
Le comité de taxonomie de l’Association internationale particulièrement fréquents chez le sujet âgé : polypathologies,
d’étude de la douleur (IASP) a défini la douleur comme « une altération physique, dépression, isolement, intensité et durée de
expérience désagréable, à la fois sensorielle et émotionnelle, la douleur, prise en charge de manière désadaptée, traumatismes
associée à un dommage tissulaire présent ou potentiel ou psychologiques (deuils, etc.) et facteurs environnementaux. »
simplement décrite en termes d’un tel dommage ». Les douleurs viscérales d’origine digestive sont fréquentes
Selon l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en chez la personne âgée, et parfois de causes multiples (constipa-
santé (ANAES), la douleur chronique est définie comme une tion, diverticulose colique, syndrome de l’intestin irritable ou
douleur « évoluant depuis plus de 3 à 6 mois et/ou susceptible colopathie fonctionnelle, reflux gastro-œsophagien, cancer
d’affecter de façon péjorative le comportement ou le bien-être digestif, etc.) ; l’évaluation de la douleur est souvent difficile
du patient » [1]. compte tenu de l’intrication de facteurs sensoriels, émotionnels
Ainsi, du fait de sa persistance, une douleur, qui est initiale- et cognitifs, en lien avec l’histoire de vie du patient et avec les
ment un simple symptôme (signal d’alarme), peut se modifier pertes occasionnées par le vieillissement. L’identification d’une
et devenir un syndrome à part entière, du fait de répercussions, douleur viscérale peut s’avérer encore plus difficile chez le sujet
plus ou moins marquées, sur l’humeur, les activités quotidien- aux capacités mnésiques ou de communication réduites.
nes (physiques, professionnelles, ludiques, etc.), le sommeil, le Lorsque l’autoévaluation de l’intensité douloureuse n’est plus
comportement relationnel avec l’entourage (proches, amis, etc.), possible, on a recours à une hétéroévaluation. Trois échelles
et donc sur la qualité de vie du malade. Il est donc fondamental .
d’hétéroévaluation, fondées sur le retentissement comporte-
de prendre en charge les douleurs le plus précocement possible, mental et l’observation du malade, ont été validées en gériatrie :
si possible avant que ne s’installe la douleur-maladie aux ECPA, DOLOPLUS 2, ALGOPLUS.
répercussions considérables. Le soulagement de la douleur est
devenu une priorité de santé publique et une obligation de tous
les professionnels de santé. ■ Mécanismes physiopathologiques
Chez l’adulte de la douleur
Les outils d’évaluation s’appuient sur les « Recommandations On distingue classiquement : les douleurs par excès de
de l’ANAES de 1999 [1] concernant l’évaluation et le suivi de la nociception, les douleurs neuropathiques (périphériques ou
douleur chronique chez l’adulte en médecine ambulatoire » : centrales), les douleurs mixtes, les douleurs idiopathiques, et les
• « L’évaluation initiale du malade douloureux chronique douleurs psychogènes.
demande du temps. Elle peut se répartir sur plusieurs consul- Un patient peut avoir une douleur nociceptive, neuropathi-
tations » ; que, ou mixte (composantes nociceptive et neuropathique
• « l’évaluation du malade douloureux chronique implique un associées), chacune de ces composantes pouvant répondre
bilan étiologique avec un entretien, un examen clinique et, différemment (pour son propre compte) au traitement instauré.
si besoin, des examens complémentaires » ; Il peut aussi y avoir plusieurs douleurs de mécanisme physio-
• « Les éléments cliniques essentiels sur lesquels se fonde pathologique propre chez un même malade. Il est important de
l’entretien avec le malade douloureux chronique sont indi- repérer le mécanisme prépondérant dans la symptomatologie
qués dans la grille d’entretien semi-structuré ». décrite.

2 Gastro-entérologie
Téléchargé pour sanaa berrag (sanaa.berrag@gmail.com) à University of Paris à partir de ClinicalKey.com/student par Elsevier sur mai 16,
2022. Pour un usage personnel seulement. Aucune autre utilisation n´est autorisée. Copyright ©2022. Elsevier Inc. Tous droits réservés.
Conduite à tenir face à une douleur abdominale chronique ¶ 9-125-A-10

“ Point important
Grille d’entretien semi-structuré avec le patient douloureux chronique, établie par le groupe de travail de l’ANAES
concernant l’évaluation de la douleur (février 1999)
• Ancienneté de la douleur. Mode de début :
C circonstances exactes (maladie, traumatisme, accident de travail, etc.)
C description de la douleur initiale
C modalités de prise en charge immédiate
C événements de vie concomitants
C diagnostic initial, explications données
C retentissement (anxiété, dépression, troubles du sommeil, incapacités fonctionnelle et professionnelle, etc.)
• Profil évolutif du syndrome douloureux :
C comment s’est installé l’état douloureux persistant à partir de la douleur initiale
C profil évolutif (douleur permanente, récurrente, intermittente, etc.)
C degré du retentissement (anxiété, dépression, troubles du sommeil, incapacités fonctionnelle et professionnelle, etc.)
• Traitements effectués et actuels :
C traitements médicamenteux et non médicamenteux antérieurs, actuels
C modes d’administration des médicaments, doses, durées
C effets bénéfiques partiels, effets indésirables, raisons d’abandon
C attitudes vis-à-vis des traitements
• Antécédents et pathologies associées :
C familiaux
C personnels (médicaux, obstétricaux, chirurgicaux et psychiatriques) et leur évolutivité
C expériences douloureuses antérieures
• Description de la douleur actuelle :
C topographie
C type de sensation (brûlure, décharge électrique, etc.)
C intensité
C retentissement (anxiété, dépression, troubles du sommeil, incapacités fonctionnelle et professionnelle, etc.)
C facteurs d’aggravation et de soulagement de la douleur
• Contextes familial, psychosocial, médicolégal et incidences :
C situation familiale
C situation sociale
C statut professionnel et satisfaction au travail
C indemnisations perçues, attendues ; implications financières
C procédures
• Facteurs cognitifs :
C représentation de la maladie (peur d’une maladie évolutive, etc.)
C interprétation des avis médicaux
• Facteurs comportementaux :
C attitude vis-à-vis de la maladie (passivité, etc.)
C modalités de prise des médicaments
C observance des prescriptions
• Analyse de la demande :
C attentes du patient (faisabilité, reformulation)
C objectifs partagés entre le patient et le médecin

Douleurs nociceptives fin de journée, calmées par le repos, ne réveillant pas la nuit
(sauf si la mobilisation dans le lit occasionne des douleurs) ;
Les douleurs nociceptives résultent d’une lésion tissulaire à • les douleurs nociceptives de rythme inflammatoire, à persis-
l’origine d’une stimulation des nocicepteurs, sans lésion du tance nocturne (souvent en deuxième partie de nuit ou au
système nerveux (donc sans lésion des voies de transmission petit matin), associées à une raideur matinale.
nociceptive). Parmi ces douleurs, on distingue les douleurs
somatiques (par stimulation des nocicepteurs cutanés, conjonc- Douleurs neuropathiques, périphériques
tivaux ou tissus mous, osseux, ligamentaires, articulaires,
musculaires) et les douleurs viscérales (par stimulation des ou centrales
nocicepteurs viscéraux). Les douleurs neuropathiques, périphériques ou centrales sont
La topographie des douleurs nociceptives est régionale ; il dues à une lésion du système nerveux périphérique (tronc
n’existe pas de systématisation neurologique. Elles répondent nerveux, racine, plexus) ou central (moelle, thalamus, cortex
habituellement aux antalgiques des trois paliers de l’Organisa- pariétal). Il existe une lésion des voies de transmission de la
tion mondiale de la santé (OMS), si la posologie est adaptée à douleur. La douleur neuropathique a une composante continue
l’intensité douloureuse. (à type de brûlure, étau, froid intense, etc.) et une composante
Parmi les douleurs nociceptives, on identifie deux catégories fulgurante (décharges électriques, coups de poignard). On
de profil évolutif différent : retrouve fréquemment des paresthésies (fourmillements,
• les douleurs nociceptives mécaniques : facteur déclenchant engourdissements) et/ou des dysesthésies (fourmillements,
mécanique (comme la mobilisation), douleurs maximales en engourdissements, ou picotements perçus comme désagréables).

Gastro-entérologie 3
Téléchargé pour sanaa berrag (sanaa.berrag@gmail.com) à University of Paris à partir de ClinicalKey.com/student par Elsevier sur mai 16,
2022. Pour un usage personnel seulement. Aucune autre utilisation n´est autorisée. Copyright ©2022. Elsevier Inc. Tous droits réservés.
9-125-A-10 ¶ Conduite à tenir face à une douleur abdominale chronique

Il peut y avoir un intervalle libre (sans douleur) après la 2003 [11], où ont été analysées 36 études portant sur 9 007
survenue de la lésion neurologique initiale. La douleur a une patients, 20 % à 50 % des patients sont douloureux au moment
topographie neurologique systématisée, fonction de la lésion du diagnostic de cancer, et cette prévalence de la douleur
anatomique causale. L’examen clinique neurologique objective augmente au cours de l’évolution de la maladie, avec 55 % à
un trouble de la sensibilité superficielle dans la région doulou- 95 % de patients douloureux lors de stades, tous cancers
reuse (hypœsthésie cutanée au tact ou à la piqûre, voire confondus [12]. La douleur est rarement révélatrice de la mala-
anesthésie), éventuellement associé à une allodynie, une die. Soixante pour cent à 70 % des douleurs sont liées à la
hyperalgésie, une hyperpathie. Les douleurs neuropathiques tumeur elle-même, 5 % à 20 % aux traitements étiologiques du
peuvent être exacerbées par le stress, la fatigue, l’anxiété, ou un cancer, et 10 % à 15 % sont en rapport avec une affection
choc émotionnel. Le diagnostic de douleur neuropathique est intercurrente, sans lien de causalité avec le cancer [13] . La
essentiellement clinique. Le questionnaire DN4 est un outil réapparition d’une douleur (qui avait disparu, ou qui était,
diagnostique essentiel, simple d’utilisation. Récemment jusque-là, bien soulagée par le traitement antalgique en cours)
validé [6], il est fondé sur des caractéristiques douloureuses peut révéler l’aggravation de la maladie, une rechute locorégio-
recueillies à l’interrogatoire et sur les données de l’examen nale, ou l’apparition de métastases.
.
clinique. La cotation obtenue au DN4 établit la forte probabilité Une étude récente de Breivik et al. [14], a porté sur 5 084
que la douleur soit d’origine neuropathique si un score supé- patients cancéreux adultes contactés en 2006-2007, dans
rieur ou égal à 4/10 est retrouvé. 11 pays européens (dont 642 patients en France) et en Israël. La
prévalence globale de la douleur était de 84 %, et de 75 % pour
la France. Parmi ces 5 084 patients, 142 patients (soit 2 %)
■ Particularités sémiologiques avaient un cancer du pancréas, et 500 patients (9 %) un cancer
colorectal. Les patients ayant la prévalence de la douleur la plus
des douleurs viscérales : élevée (supérieure à 85 %) étaient ceux ayant un cancer du
pancréas, des os, du cerveau, des poumons, de la tête et du cou,
les douleurs projetées et porteurs de lymphomes : 93 % des patients ayant un cancer
du pancréas et 82 % de ceux ayant un cancer colorectal étaient
Les pathologies viscérales peuvent être à l’origine de douleurs douloureux.
nociceptives, par stimulation directe des nocicepteurs viscéraux,
avec une douleur localisée dans la région anatomique concer-
née. Elles peuvent aussi se manifester à distance du viscère Caractéristiques sémiologiques des douleurs
atteint, sous forme de douleurs projetées (qui peuvent être de cancéreuses
mécanisme nociceptif ou neuropathique).
On distingue : La douleur cancéreuse est considérée comme une douleur
• les douleurs projetées [7], subdivisées en douleurs rapportées et chronique, avec des épisodes douloureux aigus itératifs qui
en douleurs référées, sont donc des douleurs ressenties à émaillent l’évolution. L’évaluation d’une douleur cancéreuse
distance de la structure atteinte. Mal connues, elles sont s’apparente donc à celle d’une douleur chronique : elle doit être
souvent sous-diagnostiquées ; pluridimensionnelle et sa prise en charge globale, selon le
• les douleurs rapportées sont dues à une lésion nerveuse ou à un modèle somato-psycho-social précédemment décrit.
conflit nerveux (par exemple, compression d’une structure L’intensité douloureuse étant la résultante d’une composante
nerveuse avoisinante) et sont ressenties dans le métamère sensorielle, émotionnelle et cognitive, il est licite de penser que
correspondant à l’innervation ; dans ce contexte de maladie cancéreuse, les composantes
• les douleurs référées sont liées à une atteinte viscérale et se émotionnelle et cognitive ont une part importante, avec
projettent dans le métamère qui lui correspond au même syndromes anxiodépressifs réactionnels fréquents. La douleur a
niveau médullaire : on parle de convergence viscérosomatique souvent, pour le patient, une signification particulière : elle peut
dans la corne dorsale de la moelle. évoquer une évolutivité tumorale, une récidive, ou témoigner
d’une absence de réponse thérapeutique. Il faut donc s’attacher
Les douleurs d’origine viscérale, projetées sur la paroi abdo-
à évaluer soigneusement l’état psychologique du patient, son
minale, représentent 10 % à 30 % des douleurs abdominales
attitude réactionnelle par rapport au cancer, et ses capacités
chroniques [8]. Les douleurs rapportées ont l’incidence la plus
d’adaptation à la situation.
élevée [9], avec, comme origine lésionnelle, par ordre de fré-
quence décroissante, les conflits de la branche antérieure des
nerfs cutanés abdominaux, les séquelles douloureuses postopé- Profil évolutif des douleurs cancéreuses
ratoires par lésion nerveuse, les conflits nerveux d’origine
En cancérologie, il faut distinguer la douleur de fond et les
vertébrale ; ces trois étiologies représentant 15 % des patients
accès douloureux paroxystiques.
adressés au Centre de la douleur pour « douleurs abdominales »
Les accès douloureux paroxystiques (ADP) ont été définis
et 11 % des douleurs abdominales rebelles [8].
pour la première fois par R.K. Portenoy en 1990. Les ADP sont
définis comme une exacerbation transitoire et de courte durée
de la douleur, d’intensité modérée à sévère, qui survient sur un
■ Douleur cancéreuse d’origine fond de douleur chronique stable, d’intensité faible à modérée,
c’est-à-dire bien contrôlée par le traitement antalgique en
digestive cours [15, 16].
Plusieurs études épidémiologiques prospectives font état
Données épidémiologiques d’une prévalence élevée des accès douloureux en cancérologie :
51,2 % à 64 % des patients, avec une moyenne de cinq accès
L’incidence des cancers a considérablement augmenté ces douloureux par jour [15, 17]. Il peut s’agir d’ADP de type noci-
25 dernières années en France (tous cancers confondus), ceptif (somatique ou viscéral) ou de type neuropathique. Et
puisqu’elle a pratiquement doublé. On estime à 320 000 le selon le mode de déclenchement, on parle d’accès douloureux
nombre de nouveaux cas de cancer (180 000 chez l’homme et paroxystiques, spontanés et imprévisibles, et d’accès douloureux
140 000 chez la femme). Les trois cancers les plus fréquents paroxystiques prévisibles, pour les accès survenant dans des
chez l’homme sont les cancers de la prostate, du poumon et le circonstances identifiées, comme le mouvement (marche,
cancer colorectal. Chez la femme, les plus fréquents sont les activité), ou les actions volontaires du patient (alimentation,
cancers du sein, le cancer colorectal et celui du poumon. La digestion, défécation, miction) et les douleurs iatrogènes. On
prévalence varie selon le type de cancer primitif, le stade évoque aussi les « accès douloureux neuropathiques », désignant
évolutif, et l’âge du patient, mais elle dépend aussi du traite- l’ensemble des épisodes douloureux liés à une majoration de la
ment antalgique prescrit [9, 10], élément important à prendre en composante continue ou à la composante paroxystique fulgu-
compte. Selon les standards-options-recommandations (SOR) de rante (imprévisible) de la douleur neuropathique.

4 Gastro-entérologie
Téléchargé pour sanaa berrag (sanaa.berrag@gmail.com) à University of Paris à partir de ClinicalKey.com/student par Elsevier sur mai 16,
2022. Pour un usage personnel seulement. Aucune autre utilisation n´est autorisée. Copyright ©2022. Elsevier Inc. Tous droits réservés.
Conduite à tenir face à une douleur abdominale chronique ¶ 9-125-A-10

Tableau 1.
Opioïdes agonistes purs : délais et durées d’action, dosage, présentation, possibilités.
Actiskenan® Sevredol® Oramorph® Oxynorm® et Oxynormoro®
Délais d’action 30 à 45 min 30 à 45 min 30 à 45 min 30 à 45 min
Durée d’action 4h 4h 4h 4h
Dosage 5, 10, 20, 30 mg 10, 20 mg Unidoses 10, 30, 5, 10, 20 mg
100 mg/5 ml
Solution 20 mg/ml
4 gouttes : 5 mg

Présentation Gélules Comprimés sécables Unidoses de 5 ml Gélules (Oxynorm®)


Forme galénique Solution concentrée Comprimés orodispersibles (Oxynormoro®)

Possibilités Ouverture possible Peuvent être écrasés, mais SG - (colle) Forme liquide Gélules : ouverture possible
SG + SG + SG +
SG : sonde gastrique.

Particularités sémiologiques
Cancer du pancréas “ Point important
Le syndrome douloureux lié au cancer du pancréas, ou
syndrome solaire, survient tardivement dans l’évolution de la Classification des antalgiques : les trois niveaux
maladie. Il est lié à la compression ou à l’infiltration du plexus ou paliers de l’OMS
cœliaque et des nerfs splanchniques [18, 19]. Il s’agit le plus • Palier I : antalgiques non opioïdes :
souvent de douleurs épigastriques permanentes intenses, C paracétamol – anti-inflammatoires non stéroïdiens
accentuées par les repas, transfixiantes, irradiant vers la région (AINS) – aspirine
dorsale. Les douleurs ressenties au niveau dorsal bas ou lombaire C néfopam (Acupan®) : non opioïde (palier I), mais
haut correspondent en général à des douleurs référées du puissance antalgique d’un palier II
pancréas, ou à une extension rétropéritonéale ainsi qu’aux • Palier II : opioïdes faibles :
ganglions para-aortiques, voire à une infiltration des muscles C codéine, associée au paracétamol : Efferalgan-
paravertébraux [19]. Ces douleurs sont accentuées en décubitus
Codéiné ® , Co-Doliprane ® , Dafalgan-codéine ® ,
dorsal, et atténuées en flexion thoracique antérieure [18]. En cas
de tumeur évoluée de la tête du pancréas, d’autres symptômes Klipal®
d’inconfort peuvent se manifester : extension des douleurs à C dihydrocodéine : Dicodin®
l’hypocondre droit, ictère cutanéomuqueux (en cas d’obstruc- C tramadol : Topalgic ® , Contramal ® , Zamudol ® ,
.
tion des voies biliaires ou du canal de Wirsung), douleurs à type Zumalgic®, Takadol®, Monotramal®, Monoalgic®,
de coliques, et nausées ou vomissements, en cas de compression Monocrixo®, etc.
duodénale. C opium : Lamaline®
C associations paracétamol-tramadol : Ixprim ® ,
Carcinose péritonéale Zaldiar®
La carcinose péritonéale est à l’origine de douleurs abdomi- • Palier III : opioïdes forts agonistes purs :
nales, erratiques au début, qui deviennent ensuite continues. C morphine :
Ces douleurs sont liées aux nodules tumoraux péritonéaux et à – action rapide : Actiskénan ® , Oramorph ® ,
l’inflammation carcinologique du péritoine. La carcinose peut Sevredol®, Morphine injectable®
évoluer vers une occlusion digestive, qui a la particularité de – action prolongée : Moscontin®, Skenan® LP
s’installer de manière insidieuse et progressive, partielle au
C oxycodone :
début, bien tolérée pendant plusieurs jours, voire plusieurs
– action rapide : Oxynorm ® , Oxynormoro ® ,
.

semaines, ou bien des épisodes subocclusifs successifs, avant


l’occlusion digestive complète. Oxynorm injectable®
– action prolongée : Oxycontin® LP
C fentanyl :
Traitements médicamenteux de la douleur
– action rapide : fentanyl injectable, fentanyl
cancéreuse transmuqueux
L’objectif est de définir les traitements de manière indivi- – action prolongée : fentanyl transdermique
duelle et personnalisée, en fonction de chaque situation (Durogésic®, Matrifen®)
clinique, et de les adapter progressivement, en fonction de C hydromorphone : Sophidone®
l’efficacité des traitements et de leurs effets indésirables. C sufentanil : Sufentanil®
Traitement de la douleur cancéreuse nociceptive
Le traitement de la douleur cancéreuse nociceptive repose
sur le traitement étiologique du cancer (chirurgie, chimiothéra- voie orale et d’utiliser les antalgiques selon la stratégie en trois
pie, radiothérapie, hormonothérapie, immunothérapie, radio- paliers [22]. Mais des douleurs intenses peuvent éventuellement
thérapie métabolique, antiangiogénique), et sur le traitement justifier l’utilisation d’emblée d’un antalgique opioïde fort.
symptomatique antalgique, qui repose sur les trois paliers Les opioïdes agonistes purs disponibles sont répertoriés dans
antalgiques de l’OMS. les Tableaux 1 et 2.
La conduite à tenir doit tenir compte des SOR de 2002 [20, 21] Il faut privilégier les voies d’administration non invasives
et des recommandations des bonnes pratiques de Haute Autorité (voies orale et transdermique) afin de préserver l’autonomie du
de santé-Institut national du cancer (HAS-INCa). .
malade, donner des antalgiques à horaires réguliers (pour le
Face à une douleur d’origine cancéreuse, conformément aux traitement de la douleur permanente) et adapter la prescription
préconisations de l’OMS, il est recommandé de privilégier la aux besoins individuels.

Gastro-entérologie 5
Téléchargé pour sanaa berrag (sanaa.berrag@gmail.com) à University of Paris à partir de ClinicalKey.com/student par Elsevier sur mai 16,
2022. Pour un usage personnel seulement. Aucune autre utilisation n´est autorisée. Copyright ©2022. Elsevier Inc. Tous droits réservés.
9-125-A-10 ¶ Conduite à tenir face à une douleur abdominale chronique

Tableau 2.
Opioïdes agonistes purs : délais et durées d’action, dosages, forme
galénique, précautions.
® ® ®
“ Point important
Moscontin Skenan LP Oxycontin LP
Guide médecin affection longue durée (ALD) n° 30
Délai d’action 2h 2h 1h
– HAS-INCa : cancer colorectal – Bonnes pratiques
2 phases
de prise en charge communes à tous les cancers –
Durée d’action 12 h 12 h 12 h prise en charge de la douleur – HAS-INCa –
Dosages 10, 30, 60, 100, 10, 30, 60, 100, 5, 10, 20, 4, 80, février 2008
200 mg 200 mg 120 mg HAS (Service des affections de longue durée et
accords conventionnels)/INCa/département des
Forme galénique Comprimés Gélules Comprimés recommandations
Précautions Ne pas écraser Ouverture Ne pas écraser Bonnes pratiques de prise en charge communes à tous les
possible (SG) cancers
SG : sonde gastrique. Dispositif d’annonce et pluridisciplinarité
Prise en charge de la douleur
Associations médicamenteuses • La recherche d’une symptomatologie douloureuse doit
être systématique chez tout patient atteint d’un cancer.
Les associations d’antalgiques de mode d’action différent ou
• L’évaluation de la douleur doit permettre de
de palier différent sont recommandées (notamment paliers I et
III) pour obtenir un effet synergique, voire une potentialisation
déterminer :
avec « épargne morphinique ». On peut également associer les C son caractère aigu ou chronique ;
antalgiques et les médicaments spécifiques des douleurs neuro- C ses mécanismes d’action (douleurs par excès de
pathiques, notamment en cas de douleurs mixtes. Les coantal- nociception, douleurs neuropathiques ou douleur
giques peuvent aussi être associés dans certaines situations, pour mixte) ;
accroître l’efficacité des antalgiques (bisphosphonates, corti- C son étiologie : douleur due à la tumeur cancéreuse
coïde, etc.). elle-même, due aux thérapeutiques du cancer
(douleur aiguë ou séquellaire, douleurs post-
Antalgie autocontrôlée par le patient (PCA)
chirurgicales, douleurs postradiques, postchimio-
L’antalgie autocontrôlée par le patient (ou patient-controlled thérapiques), sans aucun lien de causalité directe
analgesia [PCA]) est une technique qui permet au malade de avec le cancer ou ses traitements ;
s’autoadministrer, à l’aide d’une pompe programmable, des
C son retentissement sur la qualité de vie (anxiété,
doses prédéterminées d’antalgique par voie parentérale (intra-
dépression, troubles du sommeil).
veineuse ou sous-cutanée). Morphine et oxycodone sont les
antalgiques le plus souvent utilisés. Les modalités d’administra- • Le traitement doit être adapté en fonction des
tion se font selon une programmation prédéterminée par le mécanismes d’action, du contexte et du terrain.
médecin prescripteur grâce à un système informatisé. L’autono- Les douleurs par excès de nociception répondent aux
mie de la pompe est fonction de la consommation de mor- antalgiques.
phine. Le traitement, souvent initié en milieu hospitalier pour • Échelle antalgique OMS :
l’adaptation des doses, peut se poursuivre ensuite à domicile. C palier I : paracétamol, AINS ;
Selon « les Recommandations pour l’indication et l’utilisation C palier II : opioïdes faibles ;
de la PCA à l’hôpital et à domicile pour l’administration de C palier III : opioïdes forts.
morphine chez le patient atteint de cancer et douloureux en
• Le traitement nécessite parfois des coantalgiques :
soins palliatifs », du Groupe de travail de la Société française
corticoïdes, topiques locaux (anesthésiques, cicatrisants,
d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP) [23], les princi-
pales indications de la PCA chez le patient atteint de cancer et AINS), antispasmodiques, bisphosphonates.
douloureux sont les suivantes : accès douloureux paroxystiques • Les douleurs neuropathiques nécessitent un traitement
fréquents, difficultés à poursuivre un traitement morphinique spécifique de la classe des antiépileptiques (gabapentine
oral ou transdermique, voie d’administration devenant impos- ou prégabaline) ou antidépresseurs (imipramine,
sible ou inadaptée (dysphagie, vomissements, occlusion diges- amitryptiline) ou des topiques locaux.
tive, etc.), voie transdermique difficile ou contre-indiquée • Pour les douleurs mixtes, on privilégie en première
(nombre important de patchs, fièvre, etc.), effets indésirables ou intention les molécules à double action (tramadol,
douleurs non contrôlées après différents traitements opioïdes oxycodone).
per os ou transdermiques.
• Les techniques non médicamenteuses (kinésithérapie,
Les principales contre-indications sont : refus de la technique
etc.) peuvent être indiquées et la douleur des soins doit
par le patient ou sa famille, manque de coopération du patient
ou difficultés de compréhension, troubles des fonctions supé- être prévenue.
rieures, absence de formation préalable du personnel médical et • Le patient est orienté vers un médecin algologue si les
paramédical. symptômes douloureux ne sont pas rapidement contrôlés
ou s’ils nécessitent une prise en charge particulière
Traitements des douleurs cancéreuses (neurostimulation électrique transcutanée par exemple).
rebelles • La prescription initiale d’un traitement opioïde peut se
faire à l’hôpital ou en ville. Le médecin réévalue la douleur
Les pathologies cancéreuses évoluées entraînent parfois des au maximum une semaine après la prescription, pour
douleurs très intenses dont le soulagement est problématique. Il
ajuster si nécessaire le traitement. En cas d’utilisation de
s’agit volontiers de cancers pancréatiques ou pelviens. Malgré
l’ajustement des antalgiques disponibles par voie orale ou traitements opioïdes, le patient, sauf contre-indication,
transdermique et l’administration éventuelle de coantalgiques, bénéficie d’un traitement laxatif oral prophylactique.
environ 10 % des patients ne sont pas soulagés de façon
satisfaisante par les traitements administrés par voie orale ou
bien ressentent des effets indésirables gênants ou sévères, le traitement de la douleur, en cas de difficultés à soulager le
incontrôlables, limitant l’augmentation des doses de morphini- patient. On a d’abord recours à l’utilisation des opioïdes par
ques. Il faut alors savoir faire appel aux équipes spécialisées dans voie parentérale, et notamment aux pompes PCA, ou bien à la

6 Gastro-entérologie
Téléchargé pour sanaa berrag (sanaa.berrag@gmail.com) à University of Paris à partir de ClinicalKey.com/student par Elsevier sur mai 16,
2022. Pour un usage personnel seulement. Aucune autre utilisation n´est autorisée. Copyright ©2022. Elsevier Inc. Tous droits réservés.
Conduite à tenir face à une douleur abdominale chronique ¶ 9-125-A-10

rotation d’opioïdes. Si la douleur devient rebelle, on a recours à efficace et reproductible, pour des douleurs d’origine viscé-
des alternatives thérapeutiques : kétamine, méthadone, blocs rale [32]. La neurolyse cœliaque et splanchnique est une alterna-
neurolytiques, radiofréquence, morphinothérapie par voie tive thérapeutique chez des patients ayant un cancer digestif
périmédullaire, etc. sus-mésocolique et souffrant de douleurs rebelles [33, 34]. Quant
aux douleurs cancéreuses pelviennes, elles peuvent être soula-
Kétamine et méthadone gées par un bloc du plexus hypogastrique supérieur [35] : réalisé
sous radioguidage ou scannoguidé, il entraîne un soulagement
Kétamine
de la douleur dans 70 % des cas en moyenne [36]. Pour les
L’intérêt porté ces dernières années à la kétamine tient à sa douleurs pelvipérinéales rebelles, une neurolyse du ganglion
capacité de blocage des récepteurs N-méthyl-D-aspartate impair peut être proposée, avec un soulagement voisin de 60 %,
(NMDA), à l’origine de ses propriétés antalgiques à des doses .
ou encore une phénolisation intrathécale, si les fonctions
subanesthésiques, par blocage de la sensibilisation centrale. La sphinctériennes sont abolies ou chez les patients porteurs d’une
kétamine est le plus efficace et le plus puissant des antagonistes double stomie, urinaire et digestive [29, 36].
NMDA disponibles. On retrouve dans la littérature, Quelques études montrent que la réalisation précoce des
entre 1990 et 2009, une quarantaine d’articles évoquant l’effet blocs neurolytiques est plus efficace que sa réalisation
analgésique de la kétamine dans la douleur cancéreuse. Dans ces tardive [37-39] . Francon [38] propose notamment que le bloc
études, bon nombre de douleurs rebelles ont une étiopathogénie cœliaque soit pratiqué pendant le bilan d’extension locorégio-
mixte (nociceptive et neuropathique) et il s’agit généralement nal, ou lors de la cytoponction diagnostique de la masse
de maladies cancéreuses évoluées, à un stade palliatif avancé. tumorale sous échoendoscopie. Dans l’étude prospective de
L’analyse de la littérature montre que la kétamine (par voies Gunaratnam [39], portant sur des patients ayant une douleur
intraveineuse, sous-cutanée, orale ou intrathécale) entraîne une cancéreuse d’origine pancréatique, le bloc cœliaque par échoen-
diminution de plus de 50 % de l’intensité douloureuse dans la doscopie procure un soulagement dans 80 % à 90 % des cas. Les
plupart des études, chez plus de 50 % de patients [24-27]. Dans complications se limitent à quelques cas de diarrhée transitoire
certaines études, l’efficacité de la kétamine est évoquée de façon et d’hypotension orthostatique, comme dans les alcoolisations
indirecte, par une diminution significative de la consommation cœliaques scannoguidées.
morphinique. La kétamine, même utilisée à faibles doses
analgésiques infra-anesthésiques, n’est pas totalement dénuée Radiofréquence
d’effets indésirables, notamment psychodysleptiques. Certains
La radiofréquence est parfois utilisée pour détruire des
effets indésirables, dose-dépendants, seraient dus aux propriétés
tumeurs hépatiques primitives (carcinome hépatocellulaire) ou
anticholinergiques de la kétamine. L’une des voies de recherche
des métastases hépatiques de cancers colorectaux de petite taille
actuelle dans le domaine de la kétamine repose sur les bénéfices
(moins de 25 mm). L’effet antalgique n’a pas été évalué dans
de son association avec les opioïdes, dans un but d’épargne
cette indication.
morphinique, de moindres effets indésirables et de meilleure
Pour des tumeurs hépatiques de plus de 4,5 cm, cette techni-
efficacité antalgique.
que peut entraîner un « syndrome postradiofréquence » (chez
Méthadone 36 % des 89 patients) comme dans l’étude de Dodd et al.
2005 [40]. Il s’agit d’un syndrome survenant 3 jours après la
La méthadone est un opioïde fort (agoniste des récepteurs µ
radiofréquence et qui se manifeste par des douleurs abdomina-
et d), qui est aussi un antagoniste à basse affinité des récepteurs
les, une fièvre, des nausées, des douleurs référées à l’épaule
NMDA. Il est réservé en France au traitement de substitution
droite, une gêne thoracique, des céphalées, et assez fréquem-
des addictions aux opioïdes, et n’a pas encore l’autorisation de
ment une augmentation des transaminases et de la bilirubine.
mise sur le marché (AMM) comme médicament antalgique. La
méthadone a été proposée dans les douleurs cancéreuses à
composante neuropathique qui répondent mal aux autres Morphinothérapie par voie périmédullaire
opioïdes forts. Dans une revue bibliographique récente de Chez les patients souffrant de douleurs abdominales ou
2007 [28] , les auteurs concluent à un intérêt certain de la pelviennes d’origine cancéreuse, l’administration d’opioïdes par
méthadone comme agent antalgique, mais insistent sur le fait voie spinale ou périmédullaire (péridurale ou intrathécale), seuls
que la méthadone ne doit pas être utilisée en première inten- ou associés à des anesthésiques locaux et/ou à la clonidine, peut
tion. Son utilisation peut être délicate en raison d’une grande être une alternative thérapeutique. Selon les SOR [21] , ces
variabilité interindividuelle de sa demi-vie plasmatique et du méthodes « dont les indications sont rares, sont à poser par une
ratio équiantalgique entre la méthadone et les autres opioïdes équipe spécialisée dotée du plateau technique adéquat. Ces
agonistes. L’utilisation de la méthadone doit donc être initiée méthodes ne doivent être mises en œuvre qu’après s’être assuré
par des cliniciens expérimentés. que le suivi régulier peut être effectué par un médecin et un
personnel formés à leur maniement. Un travail en réseau
Blocs neurolytiques impliquant médecine de ville, structures de cancérologie et
structures de lutte contre la douleur chronique rebelle est une
De nombreuses techniques neurolytiques ont été décrites nécessité. »
comme des techniques alternatives aux traitements convention- L’efficacité antalgique de cette technique a été démontrée
nels. Les résultats sont inconstants, car parfois transitoires, ou depuis plus de 20 ans, dans de nombreuses études, rétrospecti-
source de lésions nerveuses iatrogènes, par lésion nerveuse ves pour la plupart (environ 3 000 patients cancéreux pour la
périphérique. Les indications des blocs neurolytiques doivent voie périmédullaire), et dans quelques études prospectives,
être posées avec rigueur, en réunion de concertation pluridisci- contrôlées randomisées [41-43], où l’efficacité antalgique et les
plinaire de préférence, et le patient doit être informé de la effets indésirables de l’administration intrathécale de morphine,
procédure technique, de ses avantages et inconvénients. Leur par le biais d’une pompe implantable, est comparée à une prise
mise en œuvre nécessite d’avoir d’excellentes connaissances en charge conventionnelle optimisée de la douleur cancéreuse :
anatomiques et physiologiques, d’utiliser des quantités d’agents l’analgésie périmédullaire se révèle plus efficace et mieux
neurolytiques adaptées, en s’aidant parfois de l’imagerie tolérée, avec une réduction significative des effets indésirables à
interventionnelle [29]. 4 semaines (fatigue et sédation) dans le groupe implanté, et une
L’utilisation de blocs neurolytiques du plexus sympathique a amélioration de la survie à 6 mois. Ballantyne, dans sa revue de
été proposée en prévention de la douleur et pour améliorer la la littérature en 2005 [44] , conclut à un soulagement de la
qualité de vie des patients porteurs d’un cancer. Les études douleur, excellent pour 72 % par voie péridurale et pour 62 %
contrôlées et randomisées ont montré une efficacité antalgique par voie intrathécale.
prolongée et une balance bénéfice-risque favorable [30, 31]. Pour Les voies intrathécale et péridurale ont l’AMM pour les
certains auteurs, il s’agit d’un traitement relativement simple, douleurs chroniques cancéreuses, mais la voie intrathécale est à

Gastro-entérologie 7
Téléchargé pour sanaa berrag (sanaa.berrag@gmail.com) à University of Paris à partir de ClinicalKey.com/student par Elsevier sur mai 16,
2022. Pour un usage personnel seulement. Aucune autre utilisation n´est autorisée. Copyright ©2022. Elsevier Inc. Tous droits réservés.
9-125-A-10 ¶ Conduite à tenir face à une douleur abdominale chronique

privilégier pour un traitement supérieur à 2 mois, car l’obstruc-


tion du cathéter est moins fréquente, la durée d’action plus
longue et la diffusion plus étendue.
Ainsi, l’apparition de douleurs cancéreuses, réfractaires à de
“ Point important
fortes doses d’opioïdes par voie injectable et nécessitant une Critères de Rome II
escalade des doses responsable des effets indésirables incontrô- Définition du syndrome de douleur abdominale
lables, doit conduire à s’interroger précocement sur la voie
fonctionnelle (SDAF) :
périmédullaire, après avis spécialisé des structures spécialisées
• durée > 6 mois
dans la prise en charge de la douleur. Dans tous les cas, il faut
tenir compte de l’avis du patient, après information éclairée sur • douleur abdominale continue ou presque continue
les avantages et inconvénients de la technique. Si de nombreux • douleur sans relation (ou occasionnellement) avec les
travaux rétrospectifs ont démontré l’efficacité antalgique de ces événements physiologiques (alimentation, défécation,
techniques, la place de ces techniques invasives n’est pas encore cycle menstruel)
clairement définie ; il n’existe pas de consensus ni d’arbre • douleur non feinte
décisionnel, en situation de douleur cancéreuse rebelle. • perte d’un certain nombre d’activités quotidiennes
• absence de critères nécessaires pour le diagnostic des
■ Douleurs abdominales autres troubles fonctionnels qui pourraient expliquer la
douleur
chroniques non malignes Critères de Rome III
Définition du syndrome de l’intestin irritable
Douleurs abdominales fonctionnelles Douleur abdominale ou inconfort digestif (sensation
abdominale désagréable non douloureuse) présents
Introduction depuis au moins 6 mois et survenant au moins 3 jours par
Les douleurs abdominales fonctionnelles rebelles sont un mois durant les 3 derniers mois, associée à au moins deux
motif de consultation fréquent [45] , avec des répercussions des critères suivants :
importantes en termes de coût de santé publique et d’altération • amélioration par la défécation
de la qualité de vie des patients. Ce sont des douleurs abdomi- • survenue associée à une modification de la fréquence
nales chroniques s’inscrivant dans le cadre des syndromes des selles
fonctionnels suivants : le syndrome de l’intestin irritable (SII), le
• survenue associée à une modification de la consistance
syndrome des douleurs abdominales fonctionnelles (SDAF) et le
des selles
syndrome dyspeptique. Il s’agit d’un diagnostic d’élimination
qui impose d’avoir recherché de manière rigoureuse une cause En fonction de la forme et de la consistance des selles
organique (porphyrie aiguë, fièvre méditerranéenne, gastroenté- définis par l’échelle de Bristol allant de une (petites et
rite à éosinophiles, douleurs pariétales, douleur projetée dures) à sept (selles liquides), il est possible de définir trois
d’origine vertébrale) [8, 46] . Des progrès ont été récemment groupes :
réalisés dans la compréhension des mécanismes physiopatholo- • diarrhée prédominante
giques de ces douleurs chroniques et notamment dans le SII, • constipation prédominante
que nous abordons dans ce chapitre. La prise en charge (médi- • alternance de diarrhée et de constipation
camenteuse et non médicamenteuse) peut parfois nécessiter,
dans les situations les plus complexes, une orientation vers un
Centre d’évaluation et de traitement de la douleur (CETD),
d’autant qu’il peut y avoir plusieurs douleurs, de mécanismes • l’absence de critères nécessaires pour le diagnostic des autres
intriqués, chez un même malade, d’où la complexité de l’appro- troubles fonctionnels qui pourraient expliquer la douleur.
che thérapeutique [47].
Syndrome de dyspepsie fonctionnelle
Définitions Le syndrome de dyspepsie fonctionnelle associe une douleur
Le SII, le SDAF sont définis par les critères internationaux de épigastrique à des symptômes sans rapport avec le transit et ne
Rome III. sera pas abordé dans ce chapitre.
Syndrome de l’intestin irritable (SII)
Données épidémiologiques
Le syndrome de l’intestin irritable (SII) est défini par une
douleur abdominale ou un inconfort digestif (sensation abdo- La prévalence des SDAF dans la population générale est de
minale désagréable non douloureuse), présents depuis au moins 2 % [48], celle des SII, entre 7 % et 8 % [49]. La fréquence des
6 mois et survenant au moins 3 jours par mois durant les formes sévères de SDAF (résistant aux traitements) n’est pas
3 derniers mois, associée à au moins deux des critères suivants : connue. On observe une prédominance féminine pour les deux
amélioration par la défécation, association à une modification syndromes (sex-ratio 2 : 1 dans le SII). Le coût en termes de
de la fréquence des selles, association à une modification de la santé publique est élevé en raison des nombreuses consulta-
consistance des selles. tions, d’examens complémentaires (radiologie, endoscopie)
En fonction de la forme et de la consistance des selles réalisés et répétés, d’éventuelles interventions chirurgicales
définies par l’échelle de Bristol allant de une (petites et dures) à .
inutiles proposées, responsables d’une errance médicale et d’une
sept (selles liquides), il est possible de définir trois groupes : SII altération parfois majeure de la qualité de vie de ces patients [50,
51]. Le symptôme clé est la douleur abdominale.
avec diarrhée prédominante, SII avec constipation prédomi-
nante, SII avec alternance de diarrhée et de constipation.
Syndrome de douleur abdominale fonctionnelle (SDAF) Syndrome de l’intestin irritable (SII) :
Le syndrome de douleur abdominale fonctionnelle (SDAF) est
conduite à tenir
défini par :
Démarche diagnostique [52]
• une symptomatologie d’une durée supérieure à 6 mois, une
douleur abdominale continue ou presque continue, une Il n’existe actuellement pas d’attitude consensuelle concer-
douleur sans relation (ou occasionnellement) avec les événe- nant la démarche diagnostique du SII, ni d’arbre décisionnel
ments physiologiques (alimentation, défécation, cycle mens- simple du fait de la grande variabilité du tableau clinique.
truel), une douleur non feinte, la limitation des activités Cependant, depuis quelques années, il est admis que le SII n’est
quotidiennes ; plus nécessairement un diagnostic d’élimination. Des avis

8 Gastro-entérologie
Téléchargé pour sanaa berrag (sanaa.berrag@gmail.com) à University of Paris à partir de ClinicalKey.com/student par Elsevier sur mai 16,
2022. Pour un usage personnel seulement. Aucune autre utilisation n´est autorisée. Copyright ©2022. Elsevier Inc. Tous droits réservés.
Conduite à tenir face à une douleur abdominale chronique ¶ 9-125-A-10

.
d’experts [53] et des sociétés savantes [54] estiment que, sur la (glutamate, noradrénaline, substance P). Dans une étude
base des critères de Rome III, le diagnostic positif de SII peut randomisée, elle a montré sa supériorité contre placebo à la
être posé cliniquement. dose de 600 mg/j après une augmentation progressive [63].
Certains antibiotiques ont été testés avec efficacité, dans
Traitement des douleurs l’hypothèse de la pullulation bactérienne : la néomycine, la
La qualité de la prise en charge de toute affection, mais rifaximine, antibiotique à large spectre, quasiment pas absorbé
encore plus lorsque celle-ci est chronique et fonctionnelle, est après prise orale, semble procurer un effet symptomatique
fondée sur la qualité de la relation médecin-malade. En effet, il notable. Elle pourrait être disponible en Europe d’ici quelques
est important de créer une « alliance thérapeutique » avec le années.
patient, que celui-ci se sente entendu et cru dans sa plainte. Certains probiotiques auraient des propriétés anti-inflam-
Ainsi, une attitude empathique du soignant semble favoriser matoires, inhibitrices sur l’hypercontractilité musculaire intesti-
une amélioration des symptômes à long terme alors qu’une nale et de correction des troubles de la perméabilité intestinale
attitude sceptique aggrave l’évolution [55]. Cette alliance aide secondaires au stress. Différents probiotiques ont été testés dans
d’autant plus l’acceptation, par le patient, des limites de la prise le SII avec des effets thérapeutiques non négligeables.
en charge, car on a pris soin de lui expliquer que l’objectif n’est Les antalgiques classiques de palier I et II de l’OMS sont
pas la guérison rapide et complète de ses symptômes, mais inefficaces et les opioïdes sont à éviter compte tenu du risque
plutôt de tendre vers l’amélioration de sa qualité de vie. potentiel de dépendance, en utilisation chronique, et de leurs
La prise en charge comporte des moyens médicamenteux et effets indésirables possibles sur le tube digestif.
non médicamenteux. Traitements non médicamenteux
Traitements médicamenteux [56] Comme dans tout syndrome douloureux chronique, selon le
Antispasmodiques. Leur efficacité a fait l’objet de plusieurs modèle bio-psycho-social, il convient de traiter le patient dans
méta-analyses. Toutes ont relevé que les études comportaient sa globalité, d’évaluer le retentissement de sa pathologie sur
des faiblesses méthodologiques. Cependant, trois d’entre elles toutes les sphères de sa vie, sur sa qualité de vie. En fonction
ont conclu que seuls certains antispasmodiques (trimébutine, de cette évaluation, on peut s’aider également de moyens non
pinavérium, mébévérine) étaient supérieurs au placebo pour médicamenteux pour l’aider à mieux gérer ses symptômes au
soulager la douleur, mais sans effet sur les troubles du tran- quotidien.
sit [57] . Une méta-analyse plus récente a conclu à leur Prise en charge psychologique
inefficacité [58].
Le phloroglucinol, antispasmodique à action rapide, non Les événements de vie (agressions sexuelles, physiques) même
mentionné dans les méta-analyses, s’est montré rapidement anciens, les émotions, le stress, les comportements face à la
efficace sur les douleurs paroxystiques lors des poussées de SII, douleur, le retentissement de celle-ci sur l’humeur justifient une
dans une étude récente [59]. psychothérapie de soutien, notamment dans les formes les plus
Régulateurs du transit. Si la constipation prédomine, les sévères. Cette prise en charge a montré son efficacité dans
laxatifs osmotiques ou à base de macrogol sont préférés aux plusieurs études [64].
laxatifs de lest dans les SII. Dans les formes avec diarrhée, le L’approche cognitive et comportementale en individuel ou en
lopéramide réduit le nombre des selles et améliore leur consis- groupe semble améliorer les symptômes [65].
tance. En cas d’échec, la colestyramine peut être proposée. Comme autres moyens de gestion du stress et de la douleur,
Antidépresseurs. Les tricycliques, par leurs effets monoami- l’hypnose et la relaxation ont amélioré les symptômes dans
nergiques (inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la certains travaux avec un effet objectif sur la sensibilité viscérale
noradrénaline) ont un effet antalgique propre indépendamment à la distension [66].
de leur effet antidépresseur, pour lequel les doses sont d’ailleurs
bien supérieures aux doses antalgiques. Des méta-analyses
récentes ont montré qu’ils étaient supérieurs au placebo pour
améliorer les symptômes [60].
Dans les inhibiteurs de la recapture de sérotonine, la paroxé-
“ Point important
tine semble efficace sur les troubles du transit, mais sans effet
sur la douleur. L’amélioration globale rapportée était liée surtout En pratique, la mise en place conjointe de toutes les
à l’amélioration des troubles de l’humeur [61]. La fluoxétine n’a stratégies thérapeutiques peut être difficile. Il est alors
pas fait la preuve de son efficacité dans les études [62]. possible d’orienter vers des structures de prise en charge
Il est important de prendre le temps d’expliquer au patient le de la douleur où la démarche multidisciplinaire est la règle
bénéfice thérapeutique recherché par le traitement antidépres- et où toutes ces options thérapeutiques sont mieux
seur (délai d’action retardée, augmentation progressive de acceptées par le patient, car elles s’inscrivent dans une
posologie, effets indésirables potentiels), pour obtenir son
prise en charge globale.
adhésion et donc une bonne compliance au traitement.
Perspectives thérapeutiques. Ces options semblent représen-
ter des traitements possibles du SII, mais des études complé-
mentaires sont nécessaires pour confirmer leur intérêt dans la Maladies intestinales chroniques
stratégie thérapeutique.
Les antagonistes des récepteurs sérotoninergiques 5-HT3 (dont inflammatoires (MICI) : conduite à tenir
l’alosétron) ont été développés pour bloquer la transmission du
message sensitif et ralentir le transit dans les SII-D. Ils représen-
Introduction
tent donc une piste à explorer, malgré de potentiels effets Les MICI sont des pathologies fréquentes, pouvant entraîner
secondaires (colite ischémique ?). Ils ne sont actuellement pas des douleurs chroniques qui sont, tant dans la démarche
disponibles dans l’Union européenne. diagnostique que dans la prise en charge, de véritables défis
Les agonistes des récepteurs sérotoninergiques 5-HT4 sont pour les gastroentérologues. Les MICI sont une entité regrou-
théoriquement indiqués dans les SII-C. Mais comme il a été pant la maladie de Crohn, la rectocolite hémorragique et les
rapporté que le tégaserod provoquait des risques cardiovascu- colites indéterminées (10 % à 20 %). Leur prise en charge relève
laires, celui-ci a été retiré du marché américain. D’autres des milieux spécialisés et peut s’étaler sur des années, inscrivant
agonistes sérotoninergiques plus sélectifs sont en cours de le patient dans la chronicité, avec des répercussions psychoso-
développement. ciales importantes. Dans les MICI, les douleurs qui jalonnent la
La prégabaline est un antiépileptique. Elle se lie à une sous- vie du patient ont cela de particulier qu’en plus du substrat
unité des canaux calciques de la membrane neuronale et inhibe organique et des réactions locales inflammatoires algogènes
la libération neuronale de neurotransmetteurs excitateurs engendrées [67] vont se greffer des troubles fonctionnels digestifs

Gastro-entérologie 9
Téléchargé pour sanaa berrag (sanaa.berrag@gmail.com) à University of Paris à partir de ClinicalKey.com/student par Elsevier sur mai 16,
2022. Pour un usage personnel seulement. Aucune autre utilisation n´est autorisée. Copyright ©2022. Elsevier Inc. Tous droits réservés.
9-125-A-10 ¶ Conduite à tenir face à une douleur abdominale chronique

au premier rang duquel se trouve le syndrome de l’intestin Douleurs abdominales résiduelles, sans signes associés et sans
irritable (SII) [68]. Si de réels progrès ont été réalisés ces dernières relation avec les poussées inflammatoires de la maladie
années sur le plan des traitements spécifiques, et sur le plan du inflammatoire chronique de l’intestin
parcours de soins du patient (rôle bénéfique des associa-
tions) [69], il n’en reste pas moins vrai que les douleurs chroni- Les syndromes douloureux décrits dans les MICI sont le SDAF
ques observées dans les MICI relèvent souvent d’une prise en (anciennement nommé troubles fonctionnels digestifs) et le SII,
charge pluridisciplinaire et notamment d’une collaboration avec définis par les critères de Rome III. Ces syndromes douloureux
les centres d’évaluation et de traitement de la douleur. sont une pathologie de la sensibilité viscérale [78-81].
Le SDAF regroupe des symptômes chroniques et récurrents
Données épidémiologiques dont l’origine est attribuée au tube digestif, mais pour lesquels
aucune anomalie ne peut être mise en évidence lors des
L’incidence de la maladie de Crohn (MC) est de 5,6/100 000. explorations usuelles. Il est caractérisé par une douleur abdomi-
On retrouve 60 000 cas en France, avec 3 000 à 3 500 nouveaux nale chronique non ou faiblement reliée aux fonctions digesti-
cas annuels. L’âge moyen de début est de 27 ans, le sex-ratio est ves (alimentation, transit). Le diagnostic est clinique et repose
de 1,8 : 1. Quant à la rectocolite hémorragique (RH), l’incidence sur les données de l’interrogatoire.
est de 2,7/1 000, avec 40 000 cas en France, 2 500 à 3 000 Le SII associe des douleurs abdominales à type de gêne et
nouveaux cas annuels, un âge moyen de début de 36 ans et un d’inconfort à au moins un des deux critères suivants : amélio-
sex-ratio de 1 [70] . Ces deux maladies entraînent dans des ration par la défécation et/ou modification de la fréquence des
proportions non négligeables des douleurs abdominales et des
selles, et/ou modification de la consistance des selles. L’étude de
douleurs articulaires (ces dernières ne sont pas traitées dans ce
Smiren et al. [73] établit une prévalence des SII dans les MICI
chapitre).
deux à trois fois supérieure à la population générale (33 % dans
On distingue quatre types de syndromes douloureux abdomi-
les RH et 57 % dans les MC).
naux :
• les douleurs abdominales de type inflammatoire, nociceptives « Narcotic Bowel Syndrom »
et concomitantes de l’augmentation de l’index de la maladie,
répondant bien aux traitements spécifiques des MICI. Chez Il s’agit de douleurs abdominales chroniques chez un patient
l’enfant, la douleur abdominale est le mode de révélation de traité par opioïdes auxquelles se surajoutent des douleurs de
la maladie de Crohn le plus fréquent [71]. Ces douleurs sont colite, l’incitant à augmenter sa consommation d’opioïdes. Lors
en général très localisées et pathognomoniques d’une poussée de poussées de la maladie (en complément des traitements
de la maladie. Elles imposent la réalisation d’un bilan spécifiques) et en postopératoire (traitement chirurgical de la
biologique, voire d’une imagerie [72] ; MICI), on peut être amené à proposer un traitement transitoire
• le syndrome des douleurs abdominales fonctionnelles (SDAF) par opioïdes. La chronicité des MICI, les effets secondaires et la
et le syndrome de l’intestin irritable (SII), définis par les toxicité des traitements spécifiques ainsi que la difficulté de
critères de Rome III [8], sont difficiles à traiter et surtout à gestion de la persistance des symptômes augmentent le risque
diagnostiquer, lorsqu’ils sont intriqués aux précédents [73, 74] ; d’usage chronique des morphiniques. Les opioïdes exacerbent le
• le narcotic bowel syndrom, complication de l’usage inapproprié dysfonctionnement digestif (SII) et aggravent ainsi le tableau
des opioïdes dans le traitement des douleurs des MICI. Ce douloureux initial [75].
syndrome douloureux est méconnu, mais décrit dans la
littérature [75, 76] ; Douleurs postchirurgicales séquellaires
.
• les douleurs postchirurgicales séquellaires (nociceptives et/ou Ce sont des douleurs viscérales ou pariétales (musculaires,
neuropathiques) dans les formes graves chez les patients atteinte des nerfs cutanés abdominaux), nociceptives pures ou
multiopérés. bien mixtes (associant une part neuropathique). Elles doivent
être prises en compte et recherchées, car elles peuvent compli-
Description des douleurs abdominales quer le démembrement et l’analyse du tableau douloureux
Douleurs nociceptives concomitantes des poussées chronique.
inflammatoires de la maladie inflammatoire chronique de
l’intestin Retentissement du syndrome douloureux
Ce sont des douleurs parfois intenses, de type coliques, chronique
pouvant précéder les selles et/ou être déclenchées par l’alimen- Ces syndromes douloureux s’inscrivent dans le contexte
tation. Leur siège dépend de la localisation des lésions (plus d’une maladie chronique. La prise en charge actuelle en milieu
souvent dans la fosse iliaque droite pour la MC) [77].
spécialisé tient compte, en parallèle des traitements spécifiques
L’anticipation anxieuse des douleurs postprandiales peut des MICI, de l’impact de la maladie sur la qualité de vie ; une
entraîner une restriction alimentaire et un amaigrissement. Les
évaluation sociale et un soutien psychologique peuvent être
syndromes douloureux abdominaux en rapport avec un excès
proposés [81]. Les associations de patients sont très actives et
de nociception et une hyperalgésie sont :
participent à cette prise en charge globale. L’association de
• le syndrome de Koenig, témoin d’occlusion du grêle, dont le
douleurs abdominales rebelles (SII) chroniques à une fréquence
diagnostic est posé par le transit œso-gastro-duodénal
(TOGD), l’échographie et l’endoscopie digestive. Le traite- élevée des poussées (et à des chirurgies parfois mutilantes,
ment est étiologique (AINS ou levée de la sténose par formes graves de la MC), engendrant des répercussions psycho-
endoscopie-dilatation ou chirurgie exérèse) ; logiques parfois majeures [82], peut justifier une prise en charge
• les syndromes rectaux (ténesmes, épreintes, faux besoins, de la douleur chronique en CETD.
impériosités), sont extrêmement invalidants. Les dernières
hypothèses physiopathologiques sont en faveur d’une baisse Traitement des douleurs
du seuil de sensibilité à la douleur en période de poussée et Traitements médicamenteux
d’une diminution de la compliance rectale, responsables de
douleurs locales et abdominales parfois intenses. Le traite- Le traitement des douleurs par excès de nociception et
ment est étiologique, reposant sur les traitements locaux par hyperalgésie, concomitantes des poussées inflammatoires, repose
AINS (lavements ou suppositoires ou par voie générale) ; sur les traitements spécifiques des MICI et n’est pas abordé ici.
• les lésions périnéales dans la MC comprenant les abcès Les douleurs fonctionnelles résiduelles sont en revanche
périanaux, les marisques, les fissures, les fistules. Ces lésions, beaucoup plus difficiles à traiter. Il n’existe pas en France de
bien que parfois délabrantes, sont en général peu douloureu- traitement étiologique. Les antispasmodiques, les antalgiques de
ses. Le traitement est étiologique, chirurgical et repose sur le palier I ou II et les laxatifs ou ralentisseurs du transit sont en
traitement des fissures et le drainage des abcès. général décevants dans le SII. Aux États-Unis, les agonistes

10 Gastro-entérologie
Téléchargé pour sanaa berrag (sanaa.berrag@gmail.com) à University of Paris à partir de ClinicalKey.com/student par Elsevier sur mai 16,
2022. Pour un usage personnel seulement. Aucune autre utilisation n´est autorisée. Copyright ©2022. Elsevier Inc. Tous droits réservés.
Conduite à tenir face à une douleur abdominale chronique ¶ 9-125-A-10

sérotoninergiques (alosétron ou tégaserod) sont proposés dans le Les précautions d’usage lors de la prescription d’opioïdes en
traitement du SII rebelle, mais non dépourvus d’effets cas de douleur chronique doivent être respectées (recommanda-
secondaires. tion de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de
Les antidépresseurs, notamment les tricycliques, peuvent être santé [AFSSAPS]), rappelons ici que le traitement des SII ne
proposés, mais leur action sur l’hypersensibilité viscérale reste repose en aucun cas sur les opioïdes. Enfin, il convient d’envi-
décevante [83, 84]. sager un sevrage chez les patients porteurs de MICI traités au
La prégabaline s’est avérée efficace dans les douleurs mixtes long cours par opioïdes et en rémission de leur MICI et/ou ceux
ou neuropathiques séquellaires et semble être une possibilité qui présentent une dépendance aux opioïdes. Ces patients
thérapeutique dans le SII rebelle [85]. peuvent être adressés à une structure spécialisée de prise en
Des études sur la sensibilité viscérale et les systèmes de charge de la douleur et/ou à une équipe d’addictologie.
contrôle de la douleur sont en tout cas nécessaires, les traite-
ments médicamenteux disponibles étant, à ce jour, peu Traitements non médicamenteux
satisfaisants. Des études montrent l’intérêt de thérapeutiques non médica-
Concernant les opioïdes forts, une dépendance chez les menteuses comme l’hypnose en termes de qualité de vie et de
patients atteints de MICI peut être observée. Cette dépendance bien-être général (diminution du nombre d’arrêts de travail, de
est en lien avec un mésusage des opioïdes et une difficulté visites chez le généraliste) [88]. D’autres techniques (musicothé-
notoire de gestion de la chronicité de la MICI. Les indicateurs rapie, relaxation, sophrologie, etc.) semblent intéressantes dans
précoces d’un risque de développement d’un mésusage et/ou la gestion du stress engendré par la maladie chronique et
d’une dépendance sont une modification des symptômes l’altération de la qualité de vie. Des études complémentaires
digestifs sans rapport avec la réponse thérapeutique et une sont nécessaires pour démontrer leur effet bénéfique potentiel
préoccupation perceptible du patient concernant l’augmentation sur les douleurs chroniques. Les thérapies cognitives et compor-
des posologies d’antalgiques. tementales (TCC) semblent également apporter une améliora-
tion de la qualité de vie (gestion du stress et des douleurs) [89].

Organisation de la prise en charge des maladies


“ Point important inflammatoires chroniques de l’intestin
Les douleurs abdominales chroniques rencontrées au cours
Dépendance, abus, mésusage des MICI peuvent relever d’une prise en charge en milieu
• Dépendance : spécialisé (CETD) pour les cas les plus complexes.
C dépendance physique : exigence de l’organisme à
consommer un produit afin d’éviter un syndrome de
sevrage
C dépendance psychique : état mental caractérisé par
une impulsion à prendre un produit afin d’obtenir un
“ Point important
plaisir ou d’annuler une tension Indications à une prise en charge en Centre
• Abus médicamenteux (Diagnostic and statistical mental d’évaluation et traitement de la douleur
disorders IV [DSM IV]) : • Formes sévères de MC : fréquence des poussées,
C mode d’utilisation d’une substance, mis en évidence interventions chirurgicales mutilantes ou délabrantes avec
par des conséquences néfastes, récurrentes et douleurs chroniques postchirurgicales séquellaires et
significatives liées à cette utilisation répétée atteinte du schéma corporel, résistant aux traitements
C différent de la dépendance (pas de phénomène de spécifiques.
tolérance, de sevrage ni de mode compulsif • Douleurs abdominales fonctionnelles rebelles.
d’utilisation) • Mésusage et dépendance aux opioïdes.
C différente de l’addiction (pas de dépendance, de
plaisir, de perte de contrôle vis-à-vis de la substance,
de pulsion) Les objectifs d’une telle prise en charge sont le démembre-
• Mésusage : ment et l’analyse du (ou des) syndrome(s) douloureux, ainsi que
C utilisation abusive des antalgiques opioïdes par les la prise en charge médicamenteuse et non médicamenteuse de
patients douloureux chroniques la douleur chronique. Des études supplémentaires sont néan-
C existence d’une dépendance aux opioïdes moins nécessaires pour améliorer la compréhension des méca-
C comportement infrasyndromique, regroupant les nismes physiopathologiques des douleurs viscérales, et
troubles induits par un abus médicamenteux notamment des douleurs abdominales fonctionnelles rebelles
souvent associées, et orienter au mieux la thérapeutique à visée
antalgique.
L’étude d’Edward et al. [86] sur 332 patients MICI rapporte
une prévalence de troubles psychiatriques de 8 %. Un usage
chronique d’opioïdes forts est retrouvé dans 5 % des cas de MC
■ Pancréatite chronique
et 3 % des RH. Parmi ces patients, 67 % avaient des troubles La pancréatite chronique (PC) est définie par des lésions
psychiatriques (anxiodépression, personnalité borderline). Cross progressives et irréversibles du pancréas aboutissant à la
et al. [87] proposent trois facteurs associés à une utilisation destruction du parenchyme, à l’origine d’une altération de la
chronique d’opioïdes : index d’activité de la maladie élevé, fonction exocrine et endocrine de l’organe.
polymédication (notamment association avec des psychotropes)
et tabagisme, d’où la nécessité de réaliser des études prospectives
sur la prise en charge de la douleur dans les MICI. Quoi qu’il
Étiologies
en soit, retenons que la prescription d’opioïdes au long cours L’alcoolisme chronique est l’étiologie la plus fréquente des PC
dans les MICI n’est pas pertinente, car elle majore le dysfonc- dans les pays occidentaux (80 % à 90 % des cas). D’autres
tionnement gastro-intestinal, induit une dépendance poten- causes plus rares sont évoquées (hyperparathyroïdie, hypercal-
tielle, aggrave le tableau initial. La surenchère des traitements cémie, hypertriglycéridémie, obstacles comprimant le canal
symptomatiques et l’escalade des posologies s’inscrivent dans un pancréatique principal, formes familiales avec mutations
cercle vicieux pouvant entraîner un handicap physique et génétiques, tropicales, auto-immunes). Elles sont idiopathiques
psychologique significatif. dans 10 % à 20 % des cas [90].

Gastro-entérologie 11
Téléchargé pour sanaa berrag (sanaa.berrag@gmail.com) à University of Paris à partir de ClinicalKey.com/student par Elsevier sur mai 16,
2022. Pour un usage personnel seulement. Aucune autre utilisation n´est autorisée. Copyright ©2022. Elsevier Inc. Tous droits réservés.
9-125-A-10 ¶ Conduite à tenir face à une douleur abdominale chronique

Diagnostic clinique de pancréatite recours aux opioïdes forts, malgré leur effet sur le sphincter
d’Oddi. La prescription de ces derniers doit alors être prudente,
chronique [90-92] après une évaluation minutieuse de la douleur, et faire l’objet
Seule la douleur est abordée en détail dans ce chapitre, mais d’un suivi étroit avec des réévaluations fréquentes, comme pour
la PC peut se manifester sous plusieurs tableaux (amaigrisse- tout traitement par opioïde fort dans les douleurs chroniques
ment, poussées de pancréatite aiguë, faux kyste, sténose de la non cancéreuses, en suivant les recommandations officielles,
voie biliaire principale, insuffisance pancréatique exocrine, d’autant plus chez ces patients qui présentent souvent un
diabète, épanchement des séreuses, hémorragie digestive, cancer terrain d’addiction multiple (alcool, tabac).
du pancréas plus fréquent que dans la population générale, Une première étude a montré une efficacité transitoire
maladies associées comme une cirrhose, néoplasie oto-rhino- (4 mois) de l’alcoolisation du plexus cœliaque dans le soulage-
laryngologique [ORL], polynévrite, etc.). ment des douleurs abdominales intenses rebelles aux traite-
La douleur abdominale constitue le motif le plus fréquent de ments classiques, chez la moitié des patients. Depuis, plusieurs
consultation : 60 % à 100 % des malades vont s’en plaindre, études ont observé des résultats similaires (soulagement d’une
surtout pendant la première phase de la maladie qui s’étend sur durée moyenne de 3 mois) avec l’infiltration du plexus cœlia-
les 10-15 premières années. Elle peut être aiguë lors des compli- que par corticoïdes ou anesthésiques locaux (sous scanner ou
cations aiguës, subaiguës, voire chroniques. La douleur abdomi- échoendoscopie) [100]. Mais devant le manque d’étude à long
nale est inaugurale dans 80 % à 90 % des cas, de survenue terme, l’efficacité transitoire et les risques potentiels de cette
paroxystique de quelques heures à quelques jours, intense, technique complexe, il est indiqué de la proposer après échec
habituellement épigastrique ou sus-ombilicale, avec des irradia- des autres traitements.
tions postérieures transfixiantes ou dans les hypocondres. Les extraits pancréatiques (qui inhibent la sécrétion pancréa-
Généralement déclenchée par une prise excessive d’alcool et tique et donc diminueraient la pression intracanalaire et donc
exacerbée par les repas, elle entraîne souvent une restriction la douleur) n’ont pas montré d’efficacité. Les antioxydants
alimentaire volontaire. Elle peut également accompagner une doivent encore prouver leur efficacité à travers des essais
pancréatite aiguë, un pseudokyste, une thrombose portale ou cliniques.
splénique, une obstruction des voies biliaires, ou encore des Devant les données expérimentales récentes suggérant (en
pathologies associées tels que les ulcères gastriques et/ou dehors des complications morphologiques évidentes) une part
duodénaux. La douleur représente l’indication la plus fréquente neuropathique dans la douleur de la pancréatite chronique, il
du traitement interventionnel. serait judicieux d’évaluer l’efficacité des traitements à visée
La douleur de la pancréatique chronique peut avoir des neuropathique, tels que les antidépresseurs tricycliques (inhibi-
retentissements sur la qualité de vie du patient, avec un teurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline) et
retentissement sur le sommeil, l’humeur, les relations sociales, les antiépileptiques.
professionnelles et familiales. Comme pour toute douleur chronique, la prise en charge de
Ne sont pas abordés, dans ce chapitre, les examens la douleur de pancréatite chronique est multidimensionnelle,
complémentaires. selon un modèle bio-psycho-social. Il est donc important de
rechercher l’impact de la douleur sur toutes les composantes de
Évolution naturelle de la douleur sa qualité de vie et aider le patient à faire face, tout en effec-
tuant un traitement étiologique spécifique lorsque celui-ci est
En général, la douleur tend à disparaître avec le temps chez nécessaire (drainage d’un pseudokyste par exemple). Les
la majorité des patients, au fur et à mesure que s’installe une techniques de prise en charge non médicamenteuses sont donc
insuffisance exocrine et endocrine [93, 94]. C’est la théorie du très utiles (psychothérapie de soutien, thérapies cognitives et
burn-out : le parenchyme pancréatique fonctionnel est progres- comportementales, apprentissage de moyens de gestion du
sivement détruit et est remplacé par du tissu scléreux, ce qui stress, relaxation, etc.). La prise en charge de ces patients peut
expliquerait la disparition de la douleur. Dans certaines séries, donc nécessiter une orientation vers une structure d’évaluation
on a observé une disparition de la douleur après 10 ans d’évo- et traitement de la douleur.
lution, chez 80 % à 95,6 % des patients souffrant d’une
Une concertation régulière entre algologues, hépato-gastro-
pancréatite chronique d’origine alcoolique [95].
entérologues et chirurgiens est indispensable pour optimiser la
Cette théorie, qui se vérifie le plus souvent, est cependant à
prise en charge de ces patients, car il faut traiter, parallèlement
nuancer, en raison des controverses de la littérature. En fait, la
à la prise en charge de la douleur chronique, la maldigestion,
douleur évolue de manière très variable en fonction des patients
le diabète, et les diverses complications qui peuvent émailler le
et des lésions observées. Dans d’autres séries, plus de la moitié
parcours de ces malades.
des patients traités médicalement étaient encore douloureux
après 10 ans d’évolution [96]. Dans d’autres études, les auteurs
n’ont pas rapporté de corrélation entre la disparition de la
douleur et la survenue d’une insuffisance pancréatique [97]. ■ Conclusion
.
En revanche, l’arrêt de l’intoxication alcoolique ralentit
l’altération fonctionnelle du pancréas, et constitue un facteur de Les douleurs abdominales chroniques sont fréquentes et
bonne réponse aux antalgiques [98]. souvent invalidantes, retentissant de façon majeure sur la
qualité de vie des patients. La prise en charge de la douleur
chronique nécessite une évaluation clinique approfondie
Traitement des douleurs spécifique, qui permet d’établir, entre autres, le diagnostic du
Le traitement est symptomatique, visant à améliorer la mécanisme physiopathologique de la douleur, élément capital
qualité de vie des patients ; il repose avant tout sur l’arrêt de pour choisir les traitements symptomatiques les plus appropriés.
l’intoxication alcoolique, ce qui contribue à ralentir l’altération Parallèlement à la démarche étiologique somatique et aux
de la fonction pancréatique et favorise la bonne réponse aux traitements symptomatiques médicamenteux, on ne peut
antalgiques. appréhender un malade douloureux chronique sans prendre en
Le traitement médicamenteux de la douleur de la pancréatite compte certains facteurs individuels, tels les niveaux d’anxiété
chronique est difficile. et de dépression, la personnalité, et les facteurs de renforcement
Les manifestations douloureuses qui accompagnent les susceptibles d’amplifier ou de maintenir le patient douloureux
sténoses canalaires et les pseudokystes peuvent céder après dans la chronicité. L’approche thérapeutique non médicamen-
traitement interventionnel. teuse personnalisée a donc une place non négligeable dans le
Les antalgiques classiques de palier I et II peuvent être traitement des douleurs abdominales chroniques. Que le
efficaces. Une étude a montré la supériorité du tramadol par médecin exerce seul ou au sein d’une équipe pluridisciplinaire,
rapport à la morphine sur le plan du soulagement et de la il lui faut, pour mieux comprendre et mieux traiter une douleur
tolérance dans la prise en charge des douleurs de pancréatite chronique, savoir analyser les divers facteurs somato-psycho-
chronique [99]. Néanmoins, il reste parfois nécessaire d’avoir sociaux susceptibles de participer de façon interactive à son

12 Gastro-entérologie
Téléchargé pour sanaa berrag (sanaa.berrag@gmail.com) à University of Paris à partir de ClinicalKey.com/student par Elsevier sur mai 16,
2022. Pour un usage personnel seulement. Aucune autre utilisation n´est autorisée. Copyright ©2022. Elsevier Inc. Tous droits réservés.
Conduite à tenir face à une douleur abdominale chronique ¶ 9-125-A-10

entretien. Cette approche doit être nuancée, l’existence d’une [15] Portenoy RK, Hagen NA. Breakthrough pain: definition, prevalence
personnalité psychopathologique ne permettant pas d’exclure and characteristics. Pain 1990;41:273-81.
pour autant un mécanisme somatique sous-jacent intriqué. [16] Coluzzi PH. Cancer pain management: newer perspectives on opioids
L’intérêt d’une approche globale du patient douloureux chroni- and episodic pain. Am J Hosp Palliat Care 1998;15:13-22.
que est de conduire à des propositions thérapeutiques intégrées [17] Portenoy RK, Payne D, Jacobsen P. Breakthrough pain: characteristics
dans un programme plurimodal, seul garant d’une amélioration and impact in patients with cancer pain. Pain 1999;81:129-34.
progressive et durable de la symptomatologie. [18] Pitchumoni CS. Pathogenis and management of pain in chronic
Les douleurs d’origine cancéreuse sont de loin les plus pancreatitis. World J Gastroenterol 2000;6:490-6.
préoccupantes, mais le large arsenal thérapeutique actuel, [19] Lakdja F, Dixmerais F, Palussière J, Monnin D, Thonnier C. Les dou-
associée à une amélioration globale des connaissances médica- leurs du cancer du pancréas. Douleurs 2003;4:192-8.
les, tant pharmacologiques que cliniques, permettent de [20] Rostaing-Rigattieri S, Rousselot H, Krakowski I, Theobald S, Collin E,
soulager correctement 90 % des patients. La prise en charge de Vuillemin N, et al. Standards, Options et Recommandations 2002 pour
la douleur cancéreuse doit s’intégrer dans l’organisation des les traitements antalgiques médicamenteux des douleurs cancéreuses
soins de support, ou représente une part importante de la par excès de nociception chez l’adulte, mise à jour : place des opioïdes
démarche palliative au cours de l’évolution d’une maladie grave forts (morphine orale exclue) et rotation des opioïdes. Bull Cancer
évolutive. 2003;90:795-806.
Que la douleur abdominale chronique soit d’origine bénigne [21] Krakowski I, Theobald S, Balp L, Bonnefol MP, Chwetzoff G, Collin E,
ou maligne, sa prise en charge implique un travail d’équipe et al. Standards, Options et Recommandations 2002 pour les traite-
pluridisciplinaire et pluriprofessionnel ; une collaboration entre ments antalgiques médicamenteux des douleurs cancéreuses par excès
les différents intervenants médicaux (spécialistes hépato-gastro- de nociception chez l’adulte, mise à jour (rapport abrégé). Bull Cancer
entérologues, médecins généralistes, et algologues) et une 2002;89:1067-74.
démarche thérapeutique collégiale sont en effet le meilleur [22] Modalités de prise en charge de l’adulte nécessitant des soins palliatifs
garant d’une prise en charge optimisée du patient. - ANAES/Service des recommandations et références profes-
sionnelles/décembre 2002.
[23] Recommandations pour l’indication et l’utilisation de la PCA à l’hôpi-
tal et à domicile pour l’administration de morphine chez le patient
Cet article a fait l’objet d’une prépublication en ligne : l’année du copyright atteint de cancer et douloureux, en soins palliatifs. Groupe de travail de
peut donc être antérieure à celle de la mise à jour à laquelle il est intégré. la SFAP. Méd Palliat 2007;6:114-43.
.

[24] Jackson K, Ashby M, Martin P, Pisasale M, Brumley D, Hayes B.


“Burst” ketamine for refractory cancer pain: an open-label audit of 39
■ Références patients. J Pain Symptom Manage 2001;22:834-42.
[1] Évaluation et suivi de la douleur chronique chez l’adulte en médecine [25] Lauretti GR, Lima I, Reis MP, Prado WA, Pereira NL, Pharm B. Oral
ambulatoire : texte des recommandations ANAES (février 1999), ketamine and transdermal nitroglycerin as analgesic adjuvants to oral
Service Communication et Diffusion, 159, rue Nationale, 75640 Paris morphine therapy for cancer pain management. Anesthesiology 1999;
cedex 13. URL : www.anaes.fr. 90:1528-33.
[2] Annequin D. Douleur de l’enfant : évaluation et traitement. In: [26] Mercadante S, Arcuri E, Tirelli W, Casuccio A. Analgesic effect of
Rostaing-Rigattieri S, Bonnet F, editors. Le livre de l’Interne. Médecine intravenous ketamine in cancer patients on morphine therapy: a
de la douleur et médecine palliative. Paris: Médecine-Sciences randomized, controlled, double-blind, crossover, double-dose study.
Flammarion; 2009. p. 358-65. J Pain Symptom Manage 2000;20:246-52.
[3] Plunket A, Beattie RM. Recurrent abdominal pain in children. J R Soc [27] Yang CY, Wong CS, Chang JY, Ho ST. Intrathecal ketamine reduces
Med 2005;98:101-6. morphine requirements in patients with terminal cancer pain. Can
[4] Rasquin A, Di Lorenzo C, Forbes D, Guiraldes E, Hyams J, Staiano A, J Anaesth 1996;43:379-83.
et al. Childhood functional gastro-intestinal disorders: [28] Terpening CM, Johnson WM. Methadone as analgesic: e review of the
child/adolescent. Gastroenterology 2006;130:1527-37. risks and benefits. W V Med J 2007;103:14-8.
[5] Bellamy V. Douleur de la personne âgée. In: Rostaing-Rigattieri S, Bon- [29] Bensignor M. Unité d’évaluation et traitement de la douleur clinique.
net F, editors. Le livre de l’Interne. Médecine de la douleur et médecine Viaud, Nantes, 2003;(n°1).
palliative. Paris: Médecine-Sciences Flammarion; 2009. p. 367-74. [30] Mercadante S. Celiac plexus block versus analgesic in pancreatic
[6] Bouhassira D, Attal N, Alchaar H, Boureau F, Brochet B, Bruxelle J, cancer pain. Pain 1993;52:187-92.
et al. Comparison of pain syndromes associated with nervous or [31] Polati E, Finco G, Gottin L, Bassi C, Pederzoli P, Ischia S. Prospective
somatic lesions and development of a new neuropathic pain diagnostic randomized double-blind trial of neurolytic celiac plexus block in
questionnaire (DN4). Pain 2005;114:29-36. patients with pancreatic cancer. Br J Surg 1998;85:199-201.
[7] Martinez V. Épidémiologie et douleurs projetées. Cours supérieur 2 : [32] Cariati M, Martini G, Pretolesi F, Roy MT. CT-guided superior
douleurs viscérales et pratiques soignantes : CS1-1. Congrès de la hypogastric plexus block. J Comput Assist Tomogr 2002;26:428-31.
SFETD, 18-21 novembre 2009. [33] Mercadante S, Fulfaro F, Casuccio A. Pain mechanisms involved and
[8] Srinivasan R, Greenbaum DS. Chronic abdominal wall pain: a outcome in advanced cancer patients with possible indications for
frequently overlooked problem. Practical approach to diagnosis and celiac plexus block and superior hypogastric plexus block. Tumori
management. Am J Gastroenterol 2002;97:824-30. 2002;88:243-5.
[9] Lindsetmo RO, Stulberg J. Chronic abdominal wall pain: a diagnostic [34] Mercadante S, Catala E, Arcuri E, Casuccio A. Celiac plexus block for
challenge for the surgeon. Am J Surg 2009;198:129-34. pancreatic cancer pain: factors influencing pain, symptomsand quality
[10] Goudas LC, Bloch R, Gialeli-Goudas M, Lau J, Carr DB. The
of life. J Pain Symptom Manage 2003;26:1140-7.
epidemiology of cancer pain. Cancer Invest 2005;23:182-90.
[35] De Leon-Casasola OA, Kent E, Lema MJ. Neurolytic superior
[11] Delorme T, Wood C, BataillardA, Pichard E, Dauchy S, Orbach D, et al.
hypogastric plexus block for chronic pelvic pain associated with cancer.
Recommandations pour la pratique clinique : Standards, Options et
Pain 1993;54:145-51.
Recommandations pour l’évaluation de la douleur chez l’adulte et
l’enfant atteints d’un cancer (mise à jour). Validation du rapport origi- [36] Baude C, Guillaum C, Bui-Xuan B,Allaouchiche B. Indications et tech-
nal : mai 1995. Validation de la dernière mise à jour : septembre 2003. niques des blocs neurolytiques en cancérologie pelvienne évolutive.
Ce rapport est également disponible sur le site de la FNCLCC : Douleurs 2007;8:239-43.
www.fnclcc.fr. [37] Lillemoe KD, Cameron JL, Kaaufman HS, Yeo CJ, Pitt HA, Sauter PK.
[12] Bonica JJ. Evolution and current status of pain programs. J Pain Chemical splanchnicectomy in patients with unresectable pancreatic
Symptom Manage 1990;5:368-74. cancer: a prospective randomized trial. Ann Surg 1993;217:447-57.
[13] Marcus NJ. Pain in cancer patients unrelated to the cancer or treatment. [38] Francon D, Giovannini M. Management of pain in pancreatic cancer.
Cancer Invest 2005;23:84-93. Ann Chir 2000;125:413-9.
[14] Breivik H, Cherny N, Collett B, De Conno F, Filbert M, Foubert AJ, [39] Gunaratnam NT, Sarma AV, Norton ID, Wiersema MJ. A prospective
et al. Cancer-related pain: a pan-European survey of prevalence, study of EUS-guided celiac plexus neurolysis for pancreatic cancer
treatment, and patient attitudes. Ann Oncol 2009;20:1420-33. pain. Gastrointest Endosc 2001;54:316-24.

Gastro-entérologie 13
Téléchargé pour sanaa berrag (sanaa.berrag@gmail.com) à University of Paris à partir de ClinicalKey.com/student par Elsevier sur mai 16,
2022. Pour un usage personnel seulement. Aucune autre utilisation n´est autorisée. Copyright ©2022. Elsevier Inc. Tous droits réservés.
9-125-A-10 ¶ Conduite à tenir face à une douleur abdominale chronique

[40] Dodd GD, Napier D, Schoolfield JD, Hubbard L. Percutaneous [64] Creed F, Fernandes L, Guthrie E, Palmer S, Ratcliffe J, Read N, et al.
radiofrequency ablation of hepatic tumors:postablation syndrome. AJR The cost-effectiveness of psychotherapy and paroxetine for severe irri-
Am J Roentgenol 2005;185:51-7. table bowel syndrome. Gastroenterology 2003;124:303-17.
[41] Smith TJ, Staats PS, Deer T, Stearns LJ. Implantable drug delivery [65] Drossman DA, Toner BB, Whitehead WE, Diamant NE, Dalton CB,
systems study group. Randomized clinical trial of an implantable drug Duncan S, et al. Cognitive-behavioural therapy versus education and
delivery system compared with comprehensive medical management desipramine versus placebo for moderate to severe functional bowel
for refractory cancer pain: impact on pain, drug-related toxicity, and disorders. Gastroenterology 2003;125:19-31.
survival. J Clin Oncol 2002;20:4040-9. [66] Gonsalkorale WM, Miller V, Afzal A, Whorwell PJ. Long term benefits
[42] Smith TJ, Coyne PJ, Staats PS, Deer T. An implantable drug delivery of hypnotherapy for irritable bowel syndrome. Gut 2003;52:1623-9.
system (IDDS) for refractory cancer pain provides sustained pain [67] Sands BE. Inflammatory bowel Disease: past, present and future.
control, less drug-related toxicity, and possible better survival J Gastroenterol 2007;42:16-25.
compared with comprehensive medical management (CMM). Ann [68] Mayer EA, Berman S, Suyenobu B, Labus J, Mandelkern MA,
Oncol 2005;16:825-33. Naliboff BD, et al. Differences in brain responses to visceral pain
[43] Smith TJ, Coyne PJ. Implantable drug delivery systems (IDDS) after between patients with irritable bowel syndrome and ulcerative colitis.
failure of comprehensive medical management (CMM) can palliate
Pain 2005;115:398-409.
symptoms in the most refractory cancer patients. J Palliat Med 2005;
[69] Smolen DM, Topp R. Self-care agency and quality of life among adults
8:736-42.
diagnosed with inflammatory bowel disease. Qual Life Res 2001;10:
[44] Ballantyne JC, Carwood CM. Comparative efficacy of epidural,
subarachnoid, and intracebroventricular opioids in patients with pain 379-87.
due to cancer. Cochrane Database Syst Rev 2005(1):CD005178. [70] Lerebours E, Savoye G, Guedon C. Épidémiologie et histoire naturelles
[45] Clouse RE, Mayer EA, Aziz Q, Drossman DA, Dumitrascu DL, des MICI. Gastroentérol Clin Biol 200;27:1576-80.
Mönnikes H, et al. Functional abdominal pain syndrom. [71] Gendre JP, Modigliani R. Maladie de crohn. In: Rambaud JC, editor.
Gastroenterology 2006;130:1492-7. Traité de gastroentérologie. Paris: Flammarion; 2005. p. 623-43.
[46] Cash BD, Schoenfeld P, Chey WD. The utility of diagnostic tests in [72] Boudiaf M, Soyer P, Rymer M. Examens morphologiques au cours des
irritable bowel syndrome patients: a systematic review. Am MICI. Gastroenterol Clin Biol 2004;28:D46-D51.
J Gastroenterol 2002;97:2812-9. [73] Simrén M, Axelsson J, Gillberg R, Abrahamsson H, Svedlund J,
[47] Mcgarrity TJ, Peters DJ, Thompson C. Outcome of patients with Björnsson ES. Quality of life in inflammatory bowel disease in
chronic abdominal pain referred to chronic pain clinic. Am remission: the impact of IBS-like symptoms and associated
J Gastroenterol 2000;95:1812-6. psychological factors. Am J Gastroenterol 2002;97:389-96.
[48] Drossman DA, Li Z, Andruzzi E. US householder survey of functional [74] Chang L, Munakata J, Mayer EA, Schmulson MJ, Johnson TD,
gastrointestinal disorders. Prevalence, sociodemography and health Bernstein CN, et al. Perceptual responses in patients with inflammatory
impact. Dig Dis Sci 1993;38:1569-80. and functional bowel disease. Gut 2000;47:497-505.
[49] Longstreth GF, Thompson WG, Chey WD. Functional bowel disorders. [75] Choung RS, Locke R, Zinsmeister AR. Opioid Bowel dysfunction and
Gastroenterology 2006;130:1480-91. narcotic Bowel Syndrome: A population-based Study. Am
[50] Drossman DA. Functional abdominal pain syndrome. Clin J Gastroenterol 2009;104:1199-204.
Gastroenterol Hepatol 2004;2:353-65. [76] Grunkemeier DM, Cassara JE, Dalton CB. The narcotic bowel
[51] Longstreth GF, Yao JF. Irritable bowel syndrome and surgery: a syndrome: clinical features, pathophysiology and management. Clin
multivariable analysis. Gastroenterology 2004;126:1665-73. Gastroenterol Hepatol 2007;5:1126-39.
[52] Coffin B. Syndrome de l’intestin irritable : diagnostic chez l’adulte. [77] Grundy D, Al-Chaer ED, Aziz Q, Collins SM, Ke M, Taché Y, et al.
Gastroentérol Clin Biol 2009;33(suppl1):S9-S16. Fundamentals of neurogastroenterology: basic science.
[53] Malagelada JR. A symptom-based approach to making a positive
Gastroenterology 2006;130:1391-411.
diagnosis of irritable bowel syndrome with constipation. Int J Clin
[78] Mertz H. Visceral hypersensitivity. Aliment Pharmacol Ther 2003;17:
Pract 2006;60:57-63.
[54] Spiller R, Aziz Q, Creed F, Emmanuel A, Houghton L, Hungin P, et al. 623-33.
Guidelines on the irritable bowel syndrome: mechanisms and practical [79] Knowles CH,Aziz Q. Basic and clinical aspects of gastrointestinal pain.
management. Gut 2007;56:1770-98. Pain 2009;141:191-209.
[55] Owens DM, Nelson DK, Talley NJ. The irritable bowel syndrome: [80] Sabate JM, Coffin B, Jian B. Rectal sensitivity assessed by a
long-term prognosis and the physician-patient interaction. Ann Intern reflexologic technique: further evidence for two types of
Med 1995;122:107-12. mechanoreceptors. Am J Physiol Gastrointest Liver Physiol 2000;279:
[56] Ducrotte P. Options thérapeutiques médicamenteuses et diététiques G692-G699.
actuelles. Gastroentérol Clin Biol 2009;33(suppl1):S68-S78. [81] Van Der Eijk I, Vlachonikolis IG. The role of quality of care in health-
[57] Jailwala J, Imperiale TF, Kroenke K. Pharmacologic treatment of the related Quality of life in patients with IBD. Inflamm Bowel Dis 2004;
irritable bowel syndrome: a systematic review of randomized, 10:392-8.
controlled trials. Ann Intern Med 2000;133:136-47. [82] Guthrie E, Jackson J, Shaffer J, Thompson D, Tomenson B, Creed F.
[58] Lesbros-Pantoflickova D, Michetti P, Fried M, Berlinger C, Blum AL. Psychological disorder and severity of inflammatory bowel disease
Meta-analysis: the treatment of irritable bowel syndrome. Aliment predict Health-Related Quality of life in ulcerative colitis and Crohn’s
Pharmacol Ther 2004;20:1253-69. disease. Am J Gastroenterol 2002;97:1994-9.
[59] Chassany O, Bonaz B, Bruley des Varannes S, Bueno L, Cargill G, [83] Jacson JL, O’Malley PG, Tomkins G. Treatment of functional
Coffin B, et al. Acute exacerbation of pain in irritable bowel syndrome: gastrointestinal disorders with antidepressant medications: a meta
efficacy of phloroglucinol/trimethyl-phloroglucinol. A randomized, analysis. Am J Med 2000;108:65-72.
double-blind, placebo-controlled study. Aliment Pharmacol Ther 2007; [84] Halpert A, Dalton CB. diamante NE. Clinical response to tricyclic
25:1115-23. antidepressants in functional bowel disorders is not related to dosage.
[60] Lackner JM, Morley S, Dowzer C, Mesmer C, Hamilton S. Am J Gastroenterol 2005;100:664-71.
Psychological treatments for irritable bowel syndrome: a systematic [85] Houghton LA, Fell C, Whorwell PJ. Effect of a second generation
review and meta-analysis. J Consult Clin Psychol 2004;6:1100-13. alpha2delta ligand (pregabalin) on visceral sensation in hypersensitive
[61] Tabbas G, Beaves M, Wang J, Friday P, Mardini H, Arnold G.
patients with irritable bowel syndrome. Gut 2007;56:1218-25.
Paroxetine to treat irritable bowel syndrome not responding to high-
[86] Edwards JT, Radford-Smith GL, Flrin TH. Chronic narcotic use in
fiber diet: a double-blind, placebo-controlled trial. Am J Gastroenterol
2004;99:916-20. inflammatory bowel disease patients: prevalence and clinical
[62] Kuiken SD, Tytgat GN, Boeckxstaens GE. The selective serotonin characteristics. J Gastroenterol Hepatol 2001;16:1235-8.
reuptake inhibitor fluoxetine does not change rectal sensitivity and [87] Cross RK, Wilson KT, Binion DG. Narcotic use in patients with Crohn’s
symptoms in patients with irritable bowel syndrome: a double blind, disease. Am J Gastroenterol 2006;101:1397-8.
randomized, placebo-controlled study. Clin Gastroenterol Hepatol [88] Gonsalkorale WM, Miller V, Afzal A. Long term benefits of
2003;1:219-28. hypnotherapy for irritable syndrome. Gut 2003;52:1623-9.
[63] Houghton LA, Fell C, Whorwell PJ, Jones I, Sudworth DP, Gale JD. [89] Husain A, Triadafilopoulos G. Communicating with patients with
Effect of a second-generation alpha2delta ligand (pregabalin) on inflammatory Bowel disease. Inflamm Bowel Dis 2004;10:444-50.
visceral sensation in hypersensitive patients with irritable bowel syn- [90] Toskes PP. Update on diagnosis and management of chronic
drome. Gut 2007;56:218-25. pancreatitis. Curr Gastroenterol Rep 1999;1:145-53.

14 Gastro-entérologie
Téléchargé pour sanaa berrag (sanaa.berrag@gmail.com) à University of Paris à partir de ClinicalKey.com/student par Elsevier sur mai 16,
2022. Pour un usage personnel seulement. Aucune autre utilisation n´est autorisée. Copyright ©2022. Elsevier Inc. Tous droits réservés.
Conduite à tenir face à une douleur abdominale chronique ¶ 9-125-A-10

[91] Benhamou Y, Berrebi W, Gargot D, Marchand JP. Pancréatite chroni- [96] Warshaw AL, Banks PA, Fernandez-Del Castillo C. AGA technical
que. In: Benhamou Y, Berrebi W, Gargot D, Marchand JP, editors. review: treatment of pain in chronic pancreatitis. Gastroenterology
Hépato-gastro-entérologie. Paris: Medline; 1994. p. 417-24. 1998;115:765-76.
[92] Société Nationale Française de Gastroentérologie. Pancréatite [97] Layer P, Yamamoto H, Kalthoff L, Clain E, Bakken LJ, DiMagno EP.
chronique. www.snfge.assofr/02-connaitre-maladie/0G-pancreas/faq/ The different courses of early-and late-onset idiopathic and alcoholic
pancreatitechronique, consulté le 7 novembre 2009. chronic pancreatitis. Gastroenterology 1994;107:1481-7.
[93] Witt H, Apte MV, Keim V, Wilson JS. Chronic pancreatitis: challenges [98] Ammann RW, Heitz PU, Kloppel G. Course of alcoholic chronic
and advances in pathogenesis, genetics, diagnostic and therapy. pancreatitis: a prospective clinico-morphological long-term study.
Gastroenterology 2007;132:1557-73. Gastroenterology 1996;111:224-31.
[94] Regimbeau JM. Prise en charge de la pancréatite chronique calcifiante [99] Wilder-Smith CH, Hill L, Osler W, O’Keefe S. Effect of tramadol and
symptomatique : endoscopie ou chirurgie? J Chir (Paris) 2009;146: morphine on pain and gastrointestinal motor function in patients with
115-28. chronic pancreatitis. Dig Dis Sci 1999;44:107-16.
[95] Müllhaupt B, Truninger K, Ammann R. Impact of etiology on the [100] Coffin B. Douleurs et pancréatite chronique. In: Le livre de l’Interne,
painful early stage of chronic pancreatitis: a long-term prospective Médecine de la douleur et médecine palliative. Paris: Médecine-
study. Z Gastroenterol 2005;43:1293-301. Sciences Flammarion; 2009. p. 317-8.

S. Rostaing-Rigattieri (sylvie.rostaing@sat.aphp.fr).
B. Dang-Vu.
G. Lenclud.
J. Guérin.
Centre d’évaluation et traitement de la douleur, Hôpital Saint-Antoine, 184, rue du Faubourg-Saint-Antoine, 75012 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Rostaing-Rigattieri S., Dang-Vu B., Lenclud G., Guérin J. Conduite à tenir face à une douleur abdominale
chronique. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Gastro-entérologie, 9-125-A-10, 2011.

Disponibles sur www.em-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos / Documents Information Informations Auto- Cas
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

Gastro-entérologie 15
Téléchargé pour sanaa berrag (sanaa.berrag@gmail.com) à University of Paris à partir de ClinicalKey.com/student par Elsevier sur mai 16,
2022. Pour un usage personnel seulement. Aucune autre utilisation n´est autorisée. Copyright ©2022. Elsevier Inc. Tous droits réservés.

Vous aimerez peut-être aussi