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02/07/2023 10:59 II / La dynamique économique de la protection sociale | Cairn.

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II / La dynamique économique de la protection sociale


Jean-Claude Barbier, Michaël Zemmour, Bruno Théret
Dans Le système français de protection sociale (2021), pages 27 à 42

Article

L a protection sociale comporte une dimension économique décisive : elle organise la répartition d’une part importante du revenu des
ménages et socialise une immense variété de risques pour chacun. Le système français a montré qu’il était soutenable, il s’est
sensiblement éloigné de plusieurs traits spécifiques au « bismarckisme » (financement exclusif par cotisation, gestion par les assurés), mais
1

en conserve un modèle centré sur l’assurance sociale et dont les comptes sont séparés de ceux de l’État.

Les dépenses sociales depuis 1960 : expansion, maîtrise, reflux ?

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On a coutume de mesurer les évolutions de la protection sociale dans l’économie en rapportant le niveau des dépenses sociales (sommes des 2
prestations sociales en nature et en espèces, et marginalement les frais d’administration) au PIB (le flux de revenu annuel engendré par la
production localisée en France). Quand cet indicateur augmente, cela signifie que les prestations sociales augmentent plus vite que le taux
de croissance. À l’inverse, quand il est stable, cela veut dire que le niveau des prestations augmente au même rythme que le salaire moyen et
les profits (figure 1). Jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, l’essentiel des dépenses publiques concerne l’armée, l’école (avec le développement
de l’instruction primaire obligatoire à la fin du xixe siècle) et des dépenses d’administration. Depuis la Seconde Guerre mondiale et la
création de la Sécurité sociale, l’expansion de la sphère publique est principalement due au développement de la protection sociale [André et
Delorme, 1983].

Schématiquement, on peut identifier trois grandes périodes de développement de la protection sociale : une phase d’expansion (de 1960 à 3
1982), une phase de « maîtrise des dépenses » (de 1983 à 2009) et la période contemporaine (de 2010 à 2019), dans laquelle les dépenses
sociales stagnent et amorcent un léger reflux.

Figure 1. Dépenses sociales rapportées au PIB depuis 1959

— Source : Drees.

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1960-1982 : un système social plus protecteur et une couverture plus large


Des années 1960 au milieu des années 1970, la croissance économique est relativement forte (de l’ordre de 5 % par an), mais les dépenses 4
sociales augmentent plus rapidement encore. C’est en effet une phase d’expansion des droits sociaux. L’assurance chômage est créée en 1958
et les prestations mises en place après la Seconde Guerre mondiale (retraites, assurance maladie, accidents du travail, allocations familiales)
montent en puissance.

C’est notamment le cas des retraites, dont les niveaux augmentent en lien avec l’amélioration des carrières et dont le mode de calcul est 5
sensiblement revalorisé en 1971 (loi Boulin). La retraite à 60 ans à taux plein entre en vigueur en 1983. Les retraites complémentaires, d’abord
réservées aux cadres, se développent dans de nombreux secteurs et sont généralisées à partir de 1972 ; leur plafond augmente pour inclure
les très hautes rémunérations en 1988. Ce développement a pour effet à la fois d’augmenter sensiblement les taux de remplacement
individuels et les dépenses totales de retraites.

L’augmentation des dépenses ne s’explique pas seulement par une augmentation des droits individuels, mais aussi par une extension de la 6
couverture offerte par les assurances sociales du fait de deux phénomènes : l’extension du salariat et l’extension de la couverture sociale aux
non-salariés. En effet, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les assurances sociales (congés maladie, maternité, retraite) couvrent
principalement la population salariée. Mais, dans la seconde moitié du xxe siècle, la part de la population adulte salariée augmente
considérablement. Cela est dû notamment au recul de l’indépendance (moins d’artisanat, d’agriculteurs indépendants) qui porte la part de
l’emploi salarié de 72 % en 1962 à près de 90 % aujourd’hui. Par ailleurs, l’extension du salariat est renforcée par l’augmentation du taux
d’emploi des femmes. La part des femmes de 15 à 64 ans en emploi passe ainsi de 40 % à plus de 60 % sur la même période. Ainsi, les femmes
acquièrent davantage de « droits propres » (ne dépendant pas de droits acquis par leur conjoint), notamment à la retraite, au chômage ou au
congé maternité, ce qui contribue à une augmentation régulière du volume des prestations. Aussi, la part des personnes couvertes par les
assurances sociales progresse dans toute la seconde moitié du xxe siècle.

1983-2008 : augmentation des besoins, maîtrise des dépenses


En 1983, la politique économique prend un tournant : le gouvernement socialiste de Pierre Mauroy met en œuvre une « politique de rigueur » 7
visant — et réussissant — à réduire la part des salaires dans la valeur ajoutée et à restaurer le taux de marge des entreprises. Ce tournant
politique est notamment lié à l’orientation néolibérale prise par l’intégration européenne : pour rester dans le système monétaire européen,
puis pour respecter les critères de qualification pour l’euro (critères définis par le traité de Maastricht de 1993 s’appliquant à partir de 1999), la
France doit contenir son déficit public, et équilibrer sa balance commerciale, sans pour autant pouvoir dévaluer sa monnaie. La France
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prend donc le tournant d’une politique qui cherche à juguler l’inflation et réduire le coût du travail, pour maintenir sa compétitivité-prix,
fût-ce au détriment de la croissance et de l’emploi (puisqu’elle se prive des outils de relance budgétaire de la politique keynésienne). Cette
nouvelle ère, qui provoque un cycle de croissance faible, va lourdement peser sur la politique sociale.

Au diapason de cette orientation, le Conseil national du patronat français (CNPF, devenu en 1998 le Mouvement des entreprises de France 8
— Medef) lance en 1982 la « bataille des charges » et obtient un moratoire sur le relèvement des cotisations sociales [Palier, 2005]. Ce
discours est en phase avec la vision dominante de l’économie d’alors : les dépenses sociales sont considérées comme un poids pour
l’économie, parce qu’elles augmenteraient le coût du travail (et diminueraient ainsi la compétitivité des entreprises), mais aussi parce
qu’elles s’opposeraient à la dynamique vertueuse du marché. De fait, cette offensive politique et idéologique est un succès : les cotisations
sociales, dont l’augmentation massive avait financé le développement de la protection sociale depuis la Seconde Guerre mondiale, sont
quasiment gelées depuis lors (tableau 2). Seule une augmentation des cotisations au-dessus du plafond de la Sécurité sociale, qui concerne
essentiellement les cadres, est venue apporter un léger surcroît de recettes.

Tableau 2. Évolution des taux de prélèvements sociaux sous plafond de la Sécurité sociale et au niveau du
salaire minimum

— Sources : Insee et législation sociale.

Ce blocage relatif des recettes met un terme à la phase d’expansion de la protection sociale. Durant cette période, la dynamique des besoins 9
sociaux est pourtant très forte (hausse du chômage, allongement de l’espérance de vie et donc de la retraite, nouvelles technologies
médicales). Pour freiner l’augmentation spontanée des dépenses, les mesures politiques de réduction des droits individuels se multiplient :
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les réformes des retraites prises presque tous les cinq ans depuis 1987 freinent l’augmentation des droits par différentes mesures ; côté
maladie, on assiste à une réduction de la prise en charge des soins de ville et des capacités hospitalières (en parallèle avec une amélioration
de la prise en charge des maladies chroniques) (chapitre iv) ; les conditions d’accès à l’assurance chômage [Grégoire et al., 2020] sont
également réduites (chapitre vi).

Dans le même temps se développent des prestations non contributives (chapitres vi et vii) sous conditions de ressources (RMI en 1988 puis 10
RSA à partir de 2009, aides au logement, aides à la complémentaire santé, etc.), pour les personnes qui n’accèdent pas, par leur emploi, à une
protection sociale suffisante. Ces allocations, financées directement par l’État et les collectivités territoriales, réel progrès pour des
personnes qui n’étaient précédemment pas couvertes, constituent aussi un recul par rapport à l’ambition des assurances sociales. Par
exemple, l’augmentation du nombre de bénéficiaires des minima sociaux est notamment due au durcissement des conditions d’accès à
l’assurance chômage.

Du point de vue de ses objectifs budgétaires, cette politique est un succès : les dépenses sociales connaissent désormais une progression 11
lente, essentiellement une stagnation accompagnée de sursauts dus aux récessions de 1993 et de 2009 (figure 1). Les hausses de dépenses lors
des récessions sont principalement dues aux dépenses de retraites, qui augmentent beaucoup plus vite que le PIB sans diminuer par la suite.
Par contraste, les dépenses de santé augmentent à un rythme régulier en points de PIB.

2010 et après : la désescalade des dépenses sociales publiques ?


Le ralentissement des dépenses sociales s’est encore accentué à partir du début des années 2010. Il s’agit désormais de réduire à moyen 12
terme la part des dépenses sociales dans l’économie. Dans cette perspective sont conçues les réformes des retraites successives de 2010 et
2014 et le projet de réforme de 2020. Cette stratégie d’austérité modérée distingue toutefois la France de pays de l’Europe du Sud (Grèce,
Italie, Espagne, Portugal), qui, à la suite de la crise des dettes souveraines, ont été contraints de couper directement dans leurs dépenses
sociales, et non simplement d’en geler la croissance. Jusqu’en 2017, la France était d’ailleurs considérée à Bruxelles comme un État membre
de l’Union européenne rétif à l’application des recommandations de la coordination budgétaire.

La croissance des dépenses sociales en euros constants reste ainsi positive, mais systématiquement inférieure à 2 % de 2010 à 2018, et même 13
inférieure à 1 % en 2017 et 2018. Ce faible dynamisme, sans précédent en France, a suffit à faire reculer la part de la protection sociale dans le
PIB au moindre sursaut de croissance, ce qui s’est produit notamment en 2010, 2011, 2017 et 2018. La crise de 2020 ouvre sans nul doute un
nouveau temps économique : avec une faible croissance, la récession a pour effet mécanique de relever l’indicateur dépenses sociales/PIB, au
moins pour quelques années. De plus, la crise est marquée par des dépenses exceptionnelles (en particulier liées à la mise en activité partielle
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de millions de salariés) et par une forte baisse de recettes sociales (liée à la baisse de la masse salariale et à des exonérations exceptionnelles).
Pour l’avenir, le gouvernement français de 2021 affiche dans son dialogue avec Bruxelles sa volonté de réduire structurellement la part des
dépenses sociales dans le PIB, notamment par une réforme de l’assurance chômage (dès 2021) et ultérieurement par une nouvelle réforme
des retraites.

Le financement de la protection sociale en 2018

Le financement des assurances sociales : cotisations sociales, CSG et recettes affectées


Les assurances sociales bénéficient d’un financement affecté : leurs ressources (cotisations sociales, impôts et taxes dits « affectés ») leur 14
sont directement dédiées et ne peuvent être utilisées pour d’autres dépenses publiques. Les comptes des assurances sociales sont autonomes
des comptes de l’État. Ce dernier ne peut par exemple pas réduire les dépenses de maladie ou de retraite pour financer des dépenses
militaires ou d’éducation. On peut donc en théorie savoir exactement quelles recettes financent quelles dépenses, quel est le niveau de déficit
ou d’excédent.

Ensemble, les financements affectés aux assurances sociales représentent 85 % des 800 milliards de recettes de la protection sociale en 2018 15
(dont 498 milliards pour la seule Sécurité sociale). Ces financements affectés se décomposent en 469 milliards de cotisations sociales,
125 milliards de CSG et 86 milliards d’autres impôts et taxes affectés (ITAF).

Les cotisations sociales


La principale ressource des assurances sociales sont les cotisations sociales : il s’agit d’un prélèvement affecté, dont le taux est fixe et dont 16
l’assiette est le salaire brut (le seul salaire inscrit sur le contrat de travail). On distingue les cotisations salarié déduites du salaire brut, et les
cotisations employeur, payées en plus du salaire brut (pour donner le salaire superbrut, dit encore « coût total employeur »). Il existe des
cotisations distinctes pour chaque caisse d’assurance sociale. Leur taux varie en fonction du régime (public, privé, régime spécial) ou du
statut (cadre ou non). En 2018, les cotisations sociales représentaient 20 points de PIB, soit 39 % de la rémunération des salariés en moyenne.

Salaire net = salaire brut – cotisations sociales salarié – autres prélèvements salarié (CSG, CRDS…) 17

Salaire superbrut = salaire brut + cotisations sociales employeur 18


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La plupart des cotisations sociales sont « plafonnées », c’est-à-dire calculées sur la part du salaire brut en dessous d’un certain montant 19
mensuel (le « plafond »). En contrepartie, les prestations sociales remplaçant le salaire (indemnités journalières de congé maladie ou de
congé maternité, retraite) ne prennent en compte que la part du salaire inférieure au plafond de cotisations. L’essentiel des cotisations de
Sécurité sociale n’est prélevé que jusqu’au plafond (3 377 euros bruts mensuels en 2020, soit un peu plus de 2 Smic). Les plafonds des
complémentaires retraites et de l’assurance chômage sont bien plus élevés (respectivement 4 et 8 fois le plafond de la Sécurité sociale). Jusqu’aux
années 1980, ce système donnait aux cotisations sociales un profil franchement régressif : comme les taux de cotisations étaient plus élevés
sous le plafond de la Sécurité sociale qu’au-dessus, les cotisations sociales représentaient une part du salaire beaucoup plus importante pour
les bas revenus que pour les salaires élevés. Dans les années 1980, les cotisations « déplafonnées » (cotisations de Sécurité sociale prélevées
au-delà du plafond) et le relèvement des cotisations de complémentaires retraites pour les hauts salaires ont très largement réduit ce
caractère régressif. Surtout, les exonérations de cotisations sociales employeur se sont multipliées sur les salaires moyens et faibles.
Aujourd’hui, les cotisations sociales sont nettement plus importantes sur les salaires élevés que sur les salaires faibles, même si les taux
diminuent à nouveau pour les salaires les plus hauts (le top 1 % environ).

Figure 2. Le financement de la protection sociale en 2018 (en milliards d’euros)

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— Source : Drees [2020a].

La CSG et les autres impôts et taxes affectés (ITAF)


En complément des cotisations sociales dont les taux étaient gelés et en compensation des exonérations de cotisations, les gouvernements 20
ont mis en place des ressources complémentaires pour faire face à l’augmentation des besoins sociaux : les impôts et taxes affectés (ITAF).
Ces ressources ne sont pas à proprement parler des cotisations sociales, mais elles sont légalement affectées aux assurances sociales. Elles
représentent en 2018 plus du quart du financement de la protection sociale (figure 2). La plus importante est la contribution sociale généralisée
(CSG).
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Créé en 1991 par le gouvernement Rocard, ce prélèvement social affecté à la Sécurité sociale devait financer en particulier les prestations 21
sociales non contributives (initialement, l’assurance maladie). D’abord prélevée à un taux faible (1,1 %), la CSG a été régulièrement
revalorisée, notamment en 1998 (7,5 %) et en 2018 (9,2 %). Pour les salariés, la CSG est comparable à une cotisation sociale salariée, mais non
plafonnée : tous les salaires sont prélevés à un taux unique. Cependant, à la différence des cotisations sociales, la CSG est également prélevée
sur tous les revenus d’activité hors salaires (indépendance), ainsi que sur les revenus de remplacement (retraite, chômage, avec des taux
réduits lorsque le revenu est moyen ou faible) et sur les revenus du capital (en outre soumis à un « prélèvement de solidarité » de 7,5 %, lui
aussi affecté à la Sécurité sociale). La CSG n’est pas prélevée sur les autres prestations sociales (allocations, minima). Bien que son barème
soit proportionnel, elle est de fait progressive au sens où elle représente une part inférieure du revenu des ménages les plus modestes (plus
largement composé de prestations sociales). Toutefois, une partie des plus hauts revenus du capital parvient à lui échapper par différents
moyens (les revenus du capital qui restent dans les entreprises ne sont par exemple pas soumis à la CSG).

La nature de la CSG est ambiguë : en matérialisant la contribution de tous les citoyens à la part universelle de la Sécurité sociale, elle 22
ressemble beaucoup à une cotisation sociale. Mais on peut aussi la considérer comme un impôt sur le revenu sans le nom, car elle est
prélevée sur tous les types de revenus des ménages et elle finance des prestations non contributives. En 2018, les recettes de la CSG
représentaient 125 milliards d’euros (contre 79 milliards seulement pour l’impôt sur le revenu). Un arrêt de la Cour de justice de l’Union
européenne de 2015 fait pencher la balance dans le sens d’un rapprochement entre CSG et cotisation sociale : il en dispense un citoyen de
l’Union européenne non résident mais travaillant en France du fait qu’il est déjà couvert par la Sécurité sociale de son propre pays. Depuis
2018, la CSG a également remplacé les cotisations salarié à l’assurance chômage et participe désormais à son financement. Cette évolution
peut sembler étrange puisqu’elle fait contribuer les non-salariés à une assurance chômage dont ils ne bénéficient pas directement. Elle a
souvent été interprétée comme un pas vers un tournant « béveridgien » du chômage (chapitre vi), comme au Royaume-Uni où le chômage
est financé par l’impôt, contrôlé par l’État, et verse des prestations faibles et forfaitaires, indépendantes du salaire antérieur.

D’autres ITAF financent les assurances sociales. En effet, depuis le début des années 1990, les gouvernements ont multiplié les mesures 23
d’exonération de cotisations sociales (voir infra). Pour que ces exonérations ne se traduisent pas par une perte de ressources pour la Sécurité
sociale, depuis 1994 (loi Veil), l’État s’est engagé à compenser ces exonérations. Dans la période récente, ces compensations ont pris la forme
de l’affectation à la Sécurité sociale d’une fraction de recettes fiscales (les taxes sur les tabacs et alcools et une partie de la taxe sur la valeur
ajoutée — TVA), versées chaque année à la Sécurité sociale. Depuis 2018, ce principe de compensation n’est plus la règle : les nouvelles
exonérations pourront donc occasionner une baisse immédiate des recettes sociales, sauf si le gouvernement en décide autrement. À partir

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de 2019, la transformation du crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE) des entreprises en exonérations de cotisations employeur réduit
encore la part des cotisations sociales et augmente celle de la TVA dans le financement de la Sécurité sociale : un quart du rendement de la
TVA est désormais affecté à la branche maladie.

Dépenses de l’État et des collectivités territoriales : un financement budgétaire


Les prestations qui ne relèvent pas des assurances sociales sont financées directement par le budget de l’État et celui des collectivités 24
territoriales. Pour les prestations à la charge des départements (RSA, APA — voir chapitre vii), l’État verse une subvention aux départements,
censée couvrir leurs besoins. Toutefois, ces prestations ont été transférées aux collectivités sans compensation financière suffisante et — à la
différence de l’Allemagne ou des pays scandinaves — sans laisser aux collectivités une véritable autonomie fiscale. De ce fait, le financement
des prestations sociales constitue régulièrement un enjeu dans les relations financières entre État et collectivités. À titre d’exemple, dans le
département de Seine-Saint-Denis, où le niveau de dépense sociale est particulièrement élevé, les dépenses de RSA représentaient, en 2019,
532 millions d’euros, soit 24 % du budget total du département, et les dépenses liées à la dépendance atteignaient 360 millions d’euros, soit
16 % du budget total du département. En 2020, ce département a demandé et obtenu la reprise par l’État de la gestion du RSA.

Que reste-t-il du modèle « bismarckien » en France ?

Dans l’introduction et le chapitre i, nous avons, classiquement, réaffirmé l’appartenance de la France au modèle « bismarckien ». Or le sens 25
de cette qualification a profondément évolué au cours des trente dernières années et est susceptible de le faire encore à moyen terme. La
figure 3 montre la répartition des financements depuis les années 1960, ce qui est une première illustration.

Tendance de long terme : fiscalisation et étatisation


Le phénomène marquant des dernières décennies a été la fiscalisation et l’étatisation d’une protection sociale, originellement financée par 26
cotisations et gérée (au moins en partie) par les représentants des assurés [Palier, 2005]. D’une part, on a substitué une partie des cotisations
salarié (maladie, famille, chômage) par de la CSG. D’autre part, les exonérations considérables de cotisations employeur ont été (en grande
partie, mais pas intégralement) compensées par l’affectation aux assurances sociales d’un panier de recettes fiscales.

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Au nom de cette fiscalisation et de l’universalisation de la protection sociale, l’État a progressivement remis en cause la gestion des 27
assurances sociales par les assurés : comme ce sont des citoyens qui payent (financement par l’impôt) et que la protection devient universelle
(et non plus restreinte aux seuls salariés), la gestion devrait logiquement revenir à la représentation nationale. Cette évolution béveridgienne
rompt avec la tradition de la « démocratie sociale », dans laquelle une partie de l’organisation du travail (conventions collectives) et la gestion
de la protection sociale sont l’affaire des salariés-assurés et de leurs représentants (en négociation avec le patronat, sous le contrôle de l’État).
Ainsi, de sa création à 1967, la Sécurité sociale était gérée majoritairement par des syndicats élus (chapitres i et vi). À partir de 1967, on passe
à la gestion paritaire (moitié patronat, moitié syndicats), comme celle qui prévaut dans les régimes conventionnels (Agirc-Arrco et Unedic).
Depuis 1996, en application du « plan Juppé » de 1995, le pilotage de la Sécurité sociale est budgétaire, proposé par le gouvernement et voté par
le Parlement dans le cadre de la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS). Dès lors, les syndicats n’ont plus qu’un rôle consultatif dans
la conduite de la Sécurité sociale qu’on peut considérer comme largement « étatisée ».

Figure 3. Structure du financement de la protection sociale (1959-2018)

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Lecture : l’essentiel du financement de la protection sociale est assuré par les cotisations sociales. Depuis le début des années 1990, les ITAF, et
notamment la CSG, ont été la source de recettes supplémentaires mais également un substitut aux cotisations sociales.
— Source : Drees.

Deux assurances sociales demeurent gérées sur le mode paritaire : l’Agirc-Arrco et l’Unedic. Les administrateurs, représentants des salariés 28
et des employeurs, y sont chargés de la gestion mais également de la définition des prestations (valeur du point de retraite, âge, éligibilité et
mode de calcul de la prestation chômage). Le taux de cotisation reste, quant à lui, décidé par l’État. Dans les deux cas, cette gestion paritaire

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pourrait être remise en cause à brève échéance : côté Unedic, le gouvernement a commencé en 2018 par fiscaliser les recettes (en remplaçant
les cotisations salarié par la CSG) puis a contribué à faire échouer les négociations entre partenaires sociaux (chapitre vi). Il a décidé lui-
même des nouvelles modalités d’indemnisation du chômage (que la crise sanitaire l’a obligé à suspendre). Mais on ne sait pas à l’automne
2021 si la main va finalement revenir aux partenaires sociaux ou si l’État va définitivement prendre le contrôle budgétaire de l’Unedic. Côté
retraite, la « réforme Macron » prévoyait la disparition de l’Agirc-Arrco, laissant un rôle consultatif à un conseil d’administration dans lequel
siégeraient syndicats, État et patronat, mais la réforme a été suspendue en 2020 (chapitre iv). On ne sait pas si le projet de prise de contrôle
par l’État des retraites complémentaires sera remis à l’ordre du jour. Si ces deux évolutions se confirmaient, cela parachèverait le long
processus de dépossession des syndicats de la gestion des assurances sociales au profit de l’État, leur faisant perdre au passage une de leurs
principales sources d’influence au niveau interprofessionnel.

Le bismarckisme des années 2020 : centralité des assurances sociales


Dire que la France a complètement basculé dans un régime béveridgien serait exagéré : elle est plutôt aujourd’hui dans une position hybride, 29
avec des institutions héritées de son histoire. De fait, les administrations de Sécurité sociale représentent encore aujourd’hui 70 % des
dépenses, sans compter les retraites de la fonction publique. Les prélèvements sociaux (cotisations sociales et CSG) représentent trois quarts
du financement de la protection sociale (plus encore si on exclut la protection sociale privée).

Certes, l’autonomie des comptes sociaux a subi une forte érosion : année après année, les transferts changeants (et en tous sens) entre 30
budget de l’État et budget de la Sécurité sociale permettent assez facilement aux administrations budgétaires de manipuler le niveau des
déficits respectifs de l’État et de la Sécurité sociale. Cela est d’autant plus facile que, depuis 2007, la direction de la Sécurité sociale est sous la
double tutelle du ministère des Affaires sociales et du ministère des Finances.

Toutefois, la séparation des comptes demeure une réalité institutionnelle et politique (ainsi qu’imaginaire) qui produit des effets : lorsqu’un 31
gouvernement prive la Sécurité sociale de recettes (par des exonérations, par exemple), il est régulièrement sommé (par les parlementaires,
les syndicats, la Cour des comptes) de compenser ces pertes de recettes (ce qu’il fait le plus souvent). Enfin, les enquêtes d’opinion,
notamment le « baromètre » de la Drees [2020c], montrent, année après année, un attachement des Français aux assurances sociales et une
faible opposition aux prélèvements sociaux qui les financent, relativement aux autres types de prélèvements. Toutes ces raisons font encore,
en 2021, qu’on ne peut simplement pas considérer que les dépenses de Sécurité sociale sont une composante quelconque de la dépense
publique, ni que leur mode de financement a perdu toute spécificité dans les comptes publics.

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Le niveau des dépenses sociales est-il soutenable ?

La France se signale par un haut niveau de socialisation de ses dépenses de protection sociale, au regard de pays qui font bien plus appel à la 32
couverture privée des risques. Ce choix politique de fait est souvent contesté pour des raisons présumées d’inefficacité, voire de non-
soutenabilité. En réalité, il apparaît tout à fait soutenable économiquement et politiquement. La rationalité de ces choix n’est pas
qu’économique. La dimension politique de ces institutions les rend cruciales dans le fonctionnement des sociétés européennes.

Non, la France ne consacre pas un tiers de ses revenus à la protection sociale


Quand on rapporte la somme totale des dépenses sociales au PIB, on atteint le chiffre impressionnant de 33 % en 2018, mais cela ne veut pas 33
dire qu’un tiers du revenu est dépensé pour la protection sociale, car ce chiffre additionne des réalités différentes. Parmi les 33 %, 20 points
sont des transferts sociaux en espèces (dont 14 seulement pour les retraites) et 12 sont des prestations en nature (dont 8 pour des dépenses
de santé), le point restant finançant des opérations diverses. Les transferts en espèces (retraite, chômage, allocations familiales, minima
sociaux…) ne sont pas un prélèvement sur la richesse nationale, mais une pure opération de répartition du revenu national entre les ménages,
selon des règles non marchandes. Cela ne coûte rien au revenu national (même si cela modifie individuellement le revenu des ménages). En
revanche, les transferts en nature (biens ou services) constituent bien une dépense collective, dont le prix est acquitté par les prélèvements
obligatoires opérés sur le revenu. Additionner ces deux grandeurs pour dire que la France consacre un tiers de ses ressources à la protection
sociale n’est donc pas correct (pour caricaturer, c’est un peu comme si on additionnait son salaire et son loyer, ce qui ne voudrait rien dire !)
et c’est notamment incohérent avec la comptabilité nationale qui différencie approche du PIB par le revenu et approche par la demande.

Reste la question politique légitime de savoir si, compte tenu de l’évolution de la société (démographie, modes de vie, insécurité sociale, 34
fonctionnement du marché du travail), une plus grande part du revenu devrait être répartie par des mécanismes marchands plutôt que par
des prélèvements obligatoires et des transferts sociaux, en privilégiant comme dans les pays anglo-saxons des stratégies d’épargne. Au
contraire, on pourrait renforcer les mécanismes de répartition et de redistribution monétaire pour financer des retraites plus longues, des
périodes d’études ou de formation, ou amortir les fluctuations du niveau de vie des ménages…

De leur côté, les transferts en nature représentent l’achat collectif de biens et services consommés individuellement par les ménages en 35
fonction des besoins (consultations médicales, aide à domicile, prestations compensatoires du handicap). Ils peuvent être réduits, certes,
mais, là aussi, il faut considérer l’alternative : si ce volet de dépense diminue, les ménages qui le peuvent seront conduits à augmenter leurs

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dépenses privées, ou à se passer du bien ou du service qui leur est fourni. Il faut aussi noter que les prestations en nature sont une demande
à l’économie nationale : les soins, les examens médicaux, les médicaments sont une production économique de richesse (largement
publique, mais en partie privée) pour laquelle la protection sociale constitue une demande dynamique et solvable.

Au total, ce qui distingue la France en tête des dépenses sociales dans les classements, c’est la partie « transferts en espèces » et en particulier 36
l’importance de son système de retraite, les autres pays de l’OCDE ayant des retraites à la fois moins protectrices et partiellement privées.
Pour les autres dépenses, la France ne se distingue pas particulièrement des autres pays riches.

La question des déficits sociaux


Par principe, et pour préserver leur autonomie, les assurances sociales ont vocation à être gérées de manière équilibrée : les recettes doivent 37
couvrir exactement les dépenses (prestations et, marginalement, les dépenses de fonctionnement). Bien sûr, des déficits peuvent apparaître,
liés à une mauvaise conjoncture (recettes sociales exceptionnellement faibles, pic de chômage), voire des déficits de moyen terme (cas des
retraites le temps qu’une génération un peu plus nombreuse que les autres parte en retraite). Mais ces déficits doivent être temporaires. Si le
déséquilibre se révèle persistant, il faut le résorber par une augmentation des recettes ou par une révision à la baisse des droits à prestation.

Depuis son origine, la question des déséquilibres des comptes sociaux fait l’objet régulièrement d’une dramatisation à des fins politiques : 38
les gouvernements ne revendiquent généralement pas les baisses de prestation sociales comme souhaitables pour elles-mêmes, mais les
présentent plus volontiers comme indispensables au « sauvetage du système » [Duval, 2020]. Cette mise en scène doit pourtant être
relativisée pour deux raisons. Premièrement, si les déficits sociaux peuvent apparaître très impressionnants (par exemple 1,9 milliard
d’euros en 2019), c’est parce que les budgets sociaux sont eux-mêmes colossaux ; rapportés aux dépenses (plus de 600 milliards d’euros de
dépenses pour les administrations de sécurité sociale en 2019), ils restent modérés et plus faibles (en pourcentage) que ceux de l’État.
Simplement, ils sont rendus visibles parce que les assurances sociales ont des comptes séparés : c’est pourquoi on a parlé du « trou de la
Sécu » alors qu’on ne parle jamais du « déficit de l’Éducation nationale » ou de la « dette des armées », intégrés aux comptes de l’État.
Deuxièmement, s’il est effectivement nécessaire de maîtriser les déficits, le faire par des réductions de prestations sociales reste un choix
politique : dans un contexte d’augmentation des besoins sociaux, il serait tout à fait possible de choisir d’augmenter les recettes sociales,
permettant une hausse des dépenses au lieu d’une baisse des droits. Dans la période récente, le choix d’un gel des recettes sociales a été
privilégié, assorti, dans le cas de la maladie, de l’augmentation des cotisations à des complémentaires privées obligatoires.

Cades et dette sociale


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Cependant, la somme des déficits accumulés de la Sécurité sociale constitue une dette. L’État, on le sait, ne rembourse (presque) jamais sa 39
dette, il la « roule », en s’acquittant des intérêts et en réempruntant le montant de la dette indéfiniment. À l’inverse, les assurés sociaux
amortissent aujourd’hui la dette de la Sécurité sociale par le mécanisme suivant : la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) stocke
la dette de la Sécurité sociale qu’elle vend sur les marchés financiers ; cette dette est remboursée par les recettes d’un prélèvement social
spécifique, la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS), prélevée au taux de 0,5 % sur tous les revenus, et plus récemment
par une partie de la CSG.

À l’occasion de la crise économique et sanitaire de 2020, les déficits sociaux ont atteint des niveaux anormalement élevés (de l’ordre de 40
45 milliards pour 2020, le record précédent étant de 28 milliards en 2010). Cette situation est prévue pour durer plusieurs années,
principalement du fait de la contraction des recettes sociales, liée à la baisse d’activité salariée et à des exonérations exceptionnelles.
Toutefois, ces montants ne menacent pas immédiatement la viabilité du système social : les taux d’intérêt sont actuellement très bas et un
État comme la France, appuyé par la Banque centrale européenne, n’est pas, à ce stade, mis en danger par la crise économique de 2020. Mais
une fois la période aiguë de la crise passée, il sera probablement nécessaire de réajuster le niveau des recettes et/ou des dépenses en fonction
de la trajectoire du PIB encore très incertaine.

En revanche, la dette sociale née de la crise pourrait devenir un problème du fait des choix de gestion du gouvernement : plutôt que de la 41
faire prendre en charge par l’État (au titre de la situation exceptionnelle), le gouvernement a décidé, à l’été 2020, que les déficits des années
2019-2023, à hauteur de 136 milliards, seront eux aussi transférés à la Cades, comme des déficits ordinaires, et remboursés par les assurés
d’ici 2033. Cette décision implique que, chaque année, des recettes sociales importantes seront consacrées au remboursement de la « dette
Covid » de la Sécu, au détriment des besoins sociaux des assurés (et de l’équilibre annuel des comptes sociaux).

Un coût du travail insoutenable ?


De 1993 à 2020, les exonérations de cotisations sociales sur les bas salaires ont été une constante, gouvernements de droite et de gauche 42
faisant se succéder les vagues d’exonérations de cotisations employeur, d’abord centrées sur le salaire minimum, à des taux faibles, puis à
des taux de plus en plus élevés, et touchant désormais trois quarts des salariés (jusqu’à 2,5 Smic) [L’Horty et al., 2019]. La logique de ces
politiques était la suivante : le coût du travail en France, du fait du Smic et des cotisations sociales élevées, encourage les entreprises à
l’automatisation (au détriment de l’emploi) et détériore la compétitivité-prix de la France. Mais la limite d’une telle politique est l’effet
d’aubaine : toutes les entreprises bénéficient de la mesure, mais seul un petit nombre est réellement limité par le coût du travail et peut
choisir d’embaucher davantage en réponse aux exonérations. Avec un effet d’aubaine trop important, la politique se révèle coûteuse pour

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l’État pour un effet sur l’emploi modeste. Dans les faits, les évaluations de ces politiques ont été mitigées : les premières vagues
d’exonérations, les plus proches du Smic, dans les années 1990, sont réputées avoir eu un effet positif sur l’emploi (permettant notamment la
mise en place des 35 heures sans surcoût pour les entreprises). Les vagues les plus récentes (de loin les plus coûteuses, notamment le CICE
transformé en baisse de cotisations sociales en 2018) ont eu une efficacité très faible pour un coût très élevé [L’Horty et al., 2019]. Justifiées
pour des motifs d’emploi, ces politiques ont eu des conséquences majeures sur l’évolution structurelle du financement de la protection
sociale et sur sa gouvernance, tout comme sur les statuts d’emploi et la précarité (chapitre iii). De plus, cette politique s’est faite au détriment
d’une politique industrielle : par des « réformes structurelles », on a voulu confier au seul marché le soin du développement économique, en
renonçant à définir des priorités politiques dictées par une stratégie économique (choix de secteurs moteurs) ou par les besoins sociaux
(petite enfance, dépendance), ce qui aurait pu guider autrement les dépenses publiques pour l’emploi [Askenazy, 2011 ; Carbonnier et al.,
2016].

Plan
Les dépenses sociales depuis 1960 : expansion, maîtrise, reflux ?

1960-1982 : un système social plus protecteur et une couverture plus large


1983-2008 : augmentation des besoins, maîtrise des dépenses
2010 et après : la désescalade des dépenses sociales publiques ?

Le financement de la protection sociale en 2018

Le financement des assurances sociales : cotisations sociales, CSG et recettes affectées


Les cotisations sociales
La CSG et les autres impôts et taxes affectés (ITAF)
Dépenses de l’État et des collectivités territoriales : un financement budgétaire

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Que reste-t-il du modèle « bismarckien » en France ?

Tendance de long terme : fiscalisation et étatisation


Le bismarckisme des années 2020 : centralité des assurances sociales

Le niveau des dépenses sociales est-il soutenable ?

Non, la France ne consacre pas un tiers de ses revenus à la protection sociale


La question des déficits sociaux
Cades et dette sociale
Un coût du travail insoutenable ?

Auteurs
Jean-Claude Barbier

Michaël Zemmour

Bruno Théret

Mis en ligne sur Cairn.info le 31/08/2021

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