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26/04/2019 I. L'emblème du low cost : le transport aérien | Cairn.

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I. L'emblème du low cost : le transport aérien


Emmanuel Combe
Dans Le low cost (2011), pages 9 à 32

Article

S i le modèle low cost a connu sa première application dans la distribution


alimentaire, c'est dans le secteur aérien qu'il s'est di fusé de la manière la plus
systématique et qu'il a connu sans conteste son développement le plus
1

fulgurant. En l'espace d'une vingtaine d'années, les compagnies low cost sont
parvenues à imposer leur modèle économique sur le segment du court/moyen-
courrier, au point aujourd'hui de faire jeu égal avec les compagnies traditionnelles,
les majors. Après avoir étudié la di fusion du low cost aérien dans les di férentes
régions du monde, nous dresserons le « portrait-robot » d'une compagnie low cost,
analyserons les leviers de sa rentabilité, avant d'envisager ses di férentes
déclinaisons.

La diffusion du low cost aérien

Des États-Unis aux pays émergents


C'est sur le sol américain qu'ont vu le jour les premières tentatives de low cost aérien, 2
au cours des années 1970 [Calder, 2006] [1].

Une première expérience fut celle du skytrain, lancée par Sir Freddy Laker en 1974 et 3
qui proposait des vols long-courriers Londres-New York à des tarifs très inférieurs à
ceux des compagnies historiques. La baisse de prix résultait d'une diminution des
coûts, obtenue grâce à plusieurs innovations organisationnelles : absence de
réservation et vente des billets le jour même du décollage en fonction des places
disponibles, suppression des services gratuits à bord, facturation des services

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supplémentaires. La rentabilité du modèle reposait sur un fort taux de remplissage


des avions, afin de compenser par un e fet volume la faible marge réalisée sur
chaque billet. En dépit de son succès initial, l'aventure de Laker a tourné rapidement
court, parce qu'il est di ficile de se di férencier sur le segment du long-courrier,
l'éventail des réductions de coût étant assez limité.

La seconde expérience de low cost aérien a été couronnée d'un succès plus durable : il 4
s'agit de la compagnie Southwest Airlines, qui n'est pas au départ une compagnie low
cost. Lancée en 1971 aux États-Unis par Herbert Kelleher, Southwest commence par
opérer à l'intérieur de l'État du Texas, sur le triangle Austin-San Antonio-Dallas, sans
grand succès face à la concurrence des compagnies installées. Au bord de la faillite,
Southwest se voit alors contrainte de réduire sa lotte, passant de quatre à trois
Boeing 737, et tente un pari audacieux : proposer le même programme de vol avec un
avion en moins. Pour ce faire, l'entreprise décide de réorganiser son modèle de
manière drastique : réduction du temps d'escale à dix minutes, contrôle des billets
assuré directement à bord, diminution du service aux passagers.

À la faveur de la déréglementation du ciel aérien américain à partir de 1978, 5


Southwest Airlines connaît une croissance rapide sur le marché domestique et
quadrille l'ensemble du territoire : elle dessert aujourd'hui pas moins de soixante-
huit destinations dans trente-quatre États des États-Unis. Southwest est aujourd'hui
la première low cost aérienne au monde en termes de chi fre d'a faires et l'une des
rares compagnies durablement rentable depuis trente ans, preuve s'il en est que le
low cost peut constituer un modèle économique pérenne.

Dans le sillage de Southwest, de nombreuses compagnies low cost entrent sur le 6


marché au cours des années 1980-1990, avec un taux d'échec souvent élevé. Ainsi, la
compagnie low cost People Express, créée en 1981, connaît un développement rapide
et se lance même sur le segment du long-courrier international, avant de faire faillite
et d'être rachetée en 1986. Aujourd'hui, le marché américain du low cost est constitué
pour l'essentiel de quatre grandes compagnies, qui opèrent sur les vols domestiques
et vers le continent nord américain (Mexique, Canada) : Southwest Airlines, JetBlue
Airways, AirTran Airways, Allegiant Air.

En Europe, le low cost aérien voit le jour à la fin des années 1980 avec deux pionniers, 7
la compagnie irlandaise Ryanair (née en 1985) et la compagnie britannique Easyjet
(lancée en 1995), qui se sont inspirées directement du modèle de Southwest Airlines.
Au moment de la déréglementation du ciel en 1993, le low cost connaît une croissance
fulgurante : les compagnies low cost, qui ne représentaient que 4 % du trafic européen
en 1996, en réalisent aujourd'hui 44 %, à égalité avec les compagnies historiques
(appelées majors) et au détriment des charters dont la part de marché s'est
littéralement e fondrée (graphique 2). Il est toutefois peu probable que le low cost
s'empare de la totalité du marché européen au détriment des majors, dans la mesure
où ces dernières o frent des prestations spécifiques (comme la garantie des
correspondances) : selon les spécialistes de l'aérien, la part de marché du low cost en
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Europe est sans doute amenée à se stabiliser autour de 50 % du marché [Bordes-
Pages, 2010]. En termes d'acteurs, le low cost aérien compte aujourd'hui en Europe
une quinzaine d'opérateurs, avec une forte mortalité pour les petites compagnies :
ainsi, la crise économique de 2008-2009 a acculé plusieurs low cost européennes à la
faillite, à l'image de la compagnie islandaise Sterling, de SkyEurope, qui opérait sur
les pays de l'Est, ou de MyAir, compagnie italienne. En 2010, les deux pionniers en
Europe, Ryanair et Easyjet, dominent toujours le segment du low cost, avec une part
de marché cumulée supérieure à 50 %.

Graphique 2. Évolution de la part de marché du low cost en Europe

— Source  : Bordes-Pages [2010].

Au-delà des États-Unis et de l'Europe, la di fusion du low cost s'observe également à 8


partir des années 1990 dans des pays comme le Canada ou l'Australie, tous deux
marqués par l'importance des distances géographiques. Les compagnies low cost

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opèrent principalement sur leur marché domestique et à destination de pays


adjacents : au Canada, WestJet Airlines (née en 1996) ; en Australie, Virgin Blue
(lancée en 2000) et Jetstar Airways (née en 2003), filiale low cost de la compagnie
nationale Qantas.

Le low cost reste aujourd'hui un phénomène concentré sur l'Europe et l'Amérique du 9


Nord, qui représentent à eux seuls 75 % du trafic low cost mondial en 2008. Pour
autant, on voit apparaître depuis le début des années 2000 des compagnies low cost
dans plusieurs pays émergents.

Ainsi, le Brésil a été marqué par l'entrée de la compagnie GOL en 2001, qui s'est 10
rapidement imposée sur le marché domestique : quatre ans après sa création, GOL
captait déjà plus de 30 % du marché brésilien, avant de racheter en 2007 la
compagnie historique Varig, en situation de faillite. Au Mexique, les compagnies
Volaris et MexicanaClick sont venues, à partir de 2005, contester la firme
Aeromexico sur le marché domestique et à destination de la Californie.

En Asie, le low cost se développe aujourd'hui dans des pays émergents comme la 11
Malaisie, avec AirAsia  X, présente sur le marché domestique et à destination de
l'Indonésie, de la Thaïlande et de Singapour. En Inde, on trouve les compagnies
SpiceJet (née en 2005) et AirIndia Express (2005), filiale de la compagnie Air India.

En Afrique et au Proche-Orient, le low cost reste encore un phénomène marginal et se 12


concentre autour de quelques pays : le Maroc avec Jet4you (2006), rachetée en 2010
par la Royal Air Maroc, et Atlas Blue (2004), filiale low cost de la Royal Air Maroc qui
est revenue dans le giron de la maison mère ; les Émirats arabes unis avec Air Arabia
(2003), qui e fectue des vols sur le Moyen-Orient et entre le Maroc et la France ; le
Koweit avec Jazeera Airways (2005), qui est présente sur le Moyen-Orient et vers
l'Inde ; l'Afrique du Sud avec 1TimeAirlines (2004), présente exclusivement sur le
marché domestique.

Tableau 1. Les dix premières low cost dans le monde

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— Par comparaison, le chi fre d'a faires d'Air France/KLM pour l'année 2008 s'élève à 24 
milliards d'euros, soit environ 33  milliards de dollars.

Le low cost aérien en France


Au sein de l'Union européenne, la place du low cost aérien apparaît très variable d'un 13
pays à l'autre. Le cas français mérite en particulier que l'on s'y arrête : le low cost
aérien y a longtemps occupé une place plutôt atypique, comparativement aux autres
grands pays européens. Ainsi, en 2006, la part du low cost dans le trafic aérien total
était seulement de 12 % en France, contre 21 % en Allemagne, 26 % en Espagne et 36 %
au Royaume-Uni. Cette spécificité française est d'autant plus surprenante que la
France reste le premier pays d'accueil au monde par le nombre de touristes
étrangers, avec plus de 80 millions de visiteurs chaque année.

Pour expliquer cette exception française, plusieurs raisons structurelles ont été 14
invoquées, qui méritent d'être relativisées [Beigbeder, 2007] :

— le comportement touristique atypique des Français : la majorité d'entre eux 15


voyageant en France métropolitaine plutôt qu'à l'étranger, le besoin en matière de
transport aérien serait moindre. Il est vrai que l'essentiel du low cost sur les lignes
internationales reste un trafic dit d'« import », c'est-à-dire de visiteurs étrangers,
principalement de pays d'Europe du Nord, qui viennent en France plus que l'inverse.
Toutefois, on ne peut exclure a priori qu'une baisse du prix du billet, résultant de
l'entrée d'opérateurs low cost, ne conduise à une hausse du trafic dit d'« export » :
l'ouverture de lignes low cost à partir de 2007 avec un pays comme le Maroc a par
exemple stimulé la demande de voyages vers cette destination, au départ de la
France ;

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— la qualité du réseau ferroviaire français : les principales villes de province étant 16


desservies au départ de Paris par le TGV en moins de trois heures, la concurrence par
le transport aérien sur les lignes radiales (c'est-à-dire au départ de Paris) est moins
développée. Cet argument doit être toutefois relativisé : le train ne constitue pas un
bon substitut à l'avion sur les lignes transversales telles que Lyon-Nantes et le TGV
ne dessert pas toutes les destinations au départ de Paris en moins de trois heures, à
l'image de Paris-Nice ;

— le niveau des taxes aéroportuaires : la France reste l'un des pays d'Europe où les 17
« coûts de toucher » sont les plus élevés, décourageant ainsi les compagnies low cost
de s'y implanter. Il existe en e fet une relation décroissante entre les coûts de
toucher et la part du low cost sur un aéroport ;

— la rareté des créneaux de décollage (slots) au départ de Paris : compte tenu de la 18


saturation des deux grands aéroports parisiens, il est di ficile pour de nouveaux
opérateurs d'obtenir des créneaux disponibles sur les plages horaires les plus
attractives pour des vols court et moyen-courriers (c'est-à-dire en début de matinée
et en fin d'après-midi – nous revenons longuement sur la question des créneaux de
décollage dans le chapitre III) ;

— le paysage aérien français se caractérise de longue date par la prédominance d'Air 19


France et de ses franchisés (Britair, Air Littoral), en particulier au départ de la
capitale et sur le marché domestique [Tinard, 2003]. À proprement parler, il n'y a
jamais eu en France de tradition de concurrence entre acteurs nationaux dans
l'aérien. En e fet, durant les années 1960-1970, les trois compagnies françaises
existantes bénéficiaient chacune d'un monopole géographique : les lignes
intérieures pour Air Inter, UTA pour la Polynésie et Air France pour le reste du
monde. Les rares tentatives de création d'une compagnie low cost sous pavillon
national et concurrente d'Air France, tels Flyeco ou Air Lib Express en 2002, se sont
soldées par un échec.

La situation du low cost aérien en France a toutefois évolué depuis le milieu des 20
années 2000 et un mouvement de rattrapage s'est opéré [DGAC, 2009] :

— le low cost a progressé sur la période 2000-2008 au rythme annuel de 36 % en 21


volume, comparé à 3,2 % pour le trafic global français sur la même période. Il
représente aujourd'hui une part de marché de 27 % sur le segment du court et
moyen-courrier ;

— le low cost au départ de Paris s'est fortement développé, notamment au départ de 22


Roissy, que ce soit en direction de métropoles française ou étrangère. En 2010, pas
moins de quatre-vingts destinations sont proposées par des low cost au départ des
deux aéroports parisiens, avec notamment quinze lignes en direction de la péninsule
Ibérique. Sur ces quatre-vingts destinations, 72 % sont en concurrence frontale avec

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un opérateur historique. On notera en particulier, sur le marché domestique,


l'ouverture de lignes low cost en direction de la Corse et, à l'international, l'essor d'un
important trafic low cost à destination du Maroc, dont le ciel a été libéralisé ;

— au départ des grandes villes de province, les compagnies low cost sont parties à 23
l'assaut du marché domestique, en rentrant sur des lignes transversales qui étaient
seulement opérées jusqu'ici par le groupe Air France, notamment au départ de Lyon.
On notera toutefois que, à la di férence du Royaume-Uni avec Flybe, il n'existe pas en
France d'opérateur low cost spécifiquement régional, évoluant avec des appareils de
petite taille : voilà sans doute pourquoi le low cost domestique reste essentiellement
centré sur la desserte de quelques grandes métropoles entre elles et touche peu les
villes de taille moyenne. On assiste également dans les grandes villes de province au
développement de lignes internationales à fort potentiel et en concurrence frontale
avec un opérateur historique, à l'image de la ligne Lyon-Barcelone, marquée par
l'entrée d'Easyjet en 2008 face à Iberia ;

— les compagnies low cost ont implanté des « bases » dans plusieurs villes françaises 24
comme Lyon, ce qui signifie que des avions y stationnent désormais la nuit et que du
personnel navigant, sous contrat de travail de droit français, y réside ;

— plusieurs aéroports de province ont créé des terminaux low cost afin de réduire le 25
montant des taxes aéroportuaires, à l'image de Marseille qui a lancé le terminal MP2
en novembre 2006, ou plus récemment de Bordeaux qui a inauguré en mai  2010 un
nouveau terminal low cost dénommé Billi.

Faut-il en conclure pour autant que la situation française s'est « normalisée », au 26


regard des autres grands pays européens ?

En premier lieu, force est de constater que, en dépit de l'essor de Transavia, filiale 27
low cost d'Air France, la France ne dispose toujours pas d'opérateur low cost
d'envergure sous pavillon national, capable de rivaliser avec les leaders européens du
secteur. Il en résulte un déclin relatif du pavillon français en Europe : alors qu'il
représentait 41 % du trafic international entre la France et l'Union européenne en
1996, sa part est désormais de 27 %. Pourtant, d'autres pays ont fait la démonstration
que l'on pouvait disposer à la fois, sous pavillon national, d'une grande compagnie
« classique » et d'un leader du low cost : les Anglais possèdent British Airways et les
deux opérateurs low cost d'envergure Easyjet et Flybe ; les Allemands ont Lu thansa et
les compagnies low cost Air Berlin et Germanwings ; les Espagnols détiennent Iberia
et la low cost Vueling/Clickair.

En second lieu, le rattrapage opéré depuis le milieu des années  2000 reste partiel : le 28
marché du low cost aérien en France demeure encore en retrait, si on le compare à
des pays similaires comme l'Allemagne et le Royaume-Uni. En 2008, l'o fre low cost
sur le réseau domestique s'élève à 1,9 million de sièges, contre 15 millions en
Allemagne, 22 millions au Royaume-Uni et 11 millions en Espagne. Sur le réseau

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international, l'o fre de sièges atteint 28 millions, à comparer à une o fre de


87 millions au Royaume-Uni, 50 millions en Allemagne et 66 millions en Espagne
[DGAC, 2009].

Le portrait-robot d'un low cost aérien

Le low cost aérien s'est développé en prenant appui sur un modèle économique 29
cohérent, fondé sur l'addition de petites baisses de coûts et la
redéfinition/simplification des besoins du client et des contours du produit. Nous
dressons ci-après une liste des principales caractéristiques des low cost, qui
permettent de les distinguer des compagnies historiques. Toutefois, comme nous le
verrons dans un second temps, ces principes de base se déclinent de manière plus ou
moins marquée selon les compagnies au point que l'on puisse parler de plusieurs
modèles low cost dans l'aérien.

Des aéroports non congestionnés


Les low cost s'implantent en général sur des aéroports non congestionnés plutôt que 30
sur de grandes plateformes. Le choix d'un tel aéroport permet d'abord aux
compagnies low cost d'e fectuer des demi-tours plus rapides, sans être perturbées par
des retards en chaîne. De plus, à la di férence des grands aéroports internationaux,
sur lesquels existent des plages horaires réservées aux vols transatlantiques, les
aéroports secondaires o frent des créneaux de décollage attractifs. En troisième lieu,
un aéroport secondaire permet de réduire le montant des taxes aéroportuaires et
redevances passagers. En dernier lieu, les collectivités territoriales sont souvent
disposées à soutenir financièrement l'ouverture d'une ligne low cost au départ d'un
aéroport secondaire, afin de doper l'économie locale. Ces pratiques de subvention
ont d'ailleurs nourri un abondant contentieux entre compagnies aériennes, qui a
conduit le juge communautaire à encadrer de manière stricte le montant et la nature
des aides octroyées.

Les aéroports non congestionnés peuvent être de plusieurs types : 31

certains desservent des régions à faible densité de population, à l'image de


Bergerac, en Dordogne ;
d'autres constituent des aéroports de contournement à proximité de grandes
métropoles, à l'image de Beauvais, porte d'entrée de Ryanair en région
parisienne ;
enfin, les low cost s'implantent parfois sur des aéroports à proximité des
centres-villes, comme c'est le cas à Rome Ciampino.

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Lorsqu'ils sont présents sur des aéroports principaux, les low cost opèrent souvent à 32
partir de terminaux simplifiés, à l'image du terminal MP2 de Marseille ou du
terminal Saint-Exupéry  3 à Lyon, afin de réduire le montant des redevances. À titre
d'exemple, sur un vol Lyon-Bordeaux, les taxes d'aéroport représentent 42  euros par
billet au départ du terminal général contre 30  euros au départ du terminal low cost.

Du point à point
Les low cost proposent des vols dits « de point à point », sans aucune correspondance : 33
chaque vol part d'un point  A pour aller à un point  B pour ensuite revenir au point  A.
Ce schéma, qui prend l'exact contre-pied du modèle hub and spokes mis en place par
les majors (encadré), présente plusieurs avantages :

— il évite d'assurer les correspondances entre les vols et toutes les charges qui y sont 34
a férentes : gestion des bagages en transit, coordination entre les vols. Sur un vol low
cost, c'est le passager lui-même qui organise sa propre correspondance et non la
compagnie ;

— il permet de réduire les frais de « découcher » pour les personnels navigants (qui 35
retournent à leur base en fin de journée) et les charges liées au stationnement de
l'avion hors de sa base.

Le principe du « réseau en étoile » (hub and spokes)

Les grandes compagnies aériennes sont organisées sur le principe du « réseau


en étoile », consistant à rassembler en un point central une multitude de vols
court ou moyen-courriers (par exemple, Bordeaux-Paris Roissy), qui viennent
ensuite alimenter les lignes au départ d'une plateforme (par exemple, Paris
Roissy-New York).
Les avantages de cette organisation peuvent être illustrés par un exemple
simple. Supposons qu'une compagnie aérienne veuille desservir N villes. Si la
compagnie organise des vols directs entre chaque ville, elle doit assurer N(N   
1)/2 liaisons. Par exemple, avec six villes, la compagnie doit prévoir quinze
liaisons directes, ce qui n'est pas forcément rentable si  le trafic entre certaines
villes est limité. Une autre solution consiste à sélectionner la ville qui engendre
le plus de trafic pour la transformer en  hub du réseau : chaque vol passe
désormais par ce point central.
Ce système présente plusieurs avantages :
— pour desservir N  villes, seules (N    1) liaisons sont nécessaires : dans notre
exemple de six villes, cinq liaisons au lieu de quinze su fisent ;
— le taux de remplissage des avions augmente car un même vol rassemble non
seulement les passagers en vol direct mais aussi ceux en correspondance. Le
hub permet de faire jouer les économies d'échelle sur un vol ;
— pour les passagers en correspondance, si la distance parcourue augmente (à
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cause du passage par le hub), ce désagrément est compensé par une fréquence
des vols plus forte. En e fet, dans notre exemple, avec cinq liaisons au lieu de
quinze, la fréquence des vols peut être multipliée par trois.
Le système du hub and spokes implique toutefois pour les compagnies
d'importants coûts fixes et de nombreuses contraintes : elle impose de
coordonner les vols, d'assurer aux clients et à leurs bagages une bonne gestion
des correspondances et de gérer les éventuels retards en chaîne.

Graphique 3. Les deux types de réseaux dans l'aérien

Un service simplifié et optionnel


Le système de réservation ne s'encombre pas d'intermédiaires tels que les agences de 36
voyage ou les points de vente physiques : les réservations se font pour l'essentiel
directement sur le site Internet de l'opérateur. Les low cost ont été les premiers à
recourir systématiquement à la vente directe, afin d'éviter les commissions prélevées
par les intermédiaires. Quant aux ventes en ligne (plutôt que par téléphone ou par le
biais d'un point de vente physique), elles réduisent les coûts de distribution, en
transférant le travail des vendeurs sur les clients qui réservent et impriment eux-
mêmes leurs billets électroniques. Plus récemment, une compagnie comme Ryanair
a même décidé de supprimer les comptoirs d'enregistrement dans les aéroports, en
demandant aux clients de s'enregistrer en ligne.

Lorsqu'il monte dans un avion low cost, le client constate que les sièges ne sont pas 37
attribués à l'avance mais en fonction de l'ordre d'embarquement. Le placement libre
incite à entrer rapidement, ce qui contribue à la ponctualité des vols. Une fois dans
l'avion, le client ne se voit pas proposer de restauration à bord : le repas, les
rafraîchissements, la distribution de journaux ne sont pas inclus dans le prix du
billet, comme cela est traditionnellement le cas dans les compagnies historiques.
Tous les services additionnels, lorsqu'ils existent, deviennent payants. Par exemple,
il est possible de se restaurer en payant, même si l'o fre reste simplifiée (sandwichs)
afin d'éviter les coûts logistiques entre deux vols (catering, ménage). Plus
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généralement, tout service additionnel est facturé au client et devient une source de
revenus non négligeable pour la compagnie. Ainsi, Easyjet propose un service payant
d'embarquement prioritaire (Speedy boarding), qui engendre pour la compagnie un
profit pur.

Alors que les opérateurs historiques segmentent leur o fre en deux ou trois classes, 38
les low cost proposent une classe unique. La tarification d'un siège devient plus
simple et plus lisible pour le client, puisque le taux de remplissage entre les
di férentes classes n'entre plus en ligne de compte dans l'évolution du prix.

De même, alors que les compagnies traditionnelles multiplient les options pour un 39
même vol, notamment quant au degré de lexibilité du billet (non remboursable,
remboursable avec frais, remboursable sans frais), les low cost limitent le choix et
proposent seulement une assurance annulation payante. Autre spécificité : le prix
d'un vol low cost ne dépend pas de conditions commerciales spécifiques telles que
l'obligation de rester un week-end pour profiter d'un meilleur prix. De même, alors
que les majors font varier le prix selon que le client prend ou non le billet retour, les
low cost n'augmentent pas le prix du billet aller si le client décide de ne pas prendre le
billet retour.

Un processus de production optimisé


Afin de réduire les coûts d'exploitation, les low cost utilisent tous les leviers possibles 40
de productivité.

Les low cost opèrent avec un seul type d'appareil (en règle générale, des Boeing 737 ou 41
des Airbus  A319), ce qui permet de réduire les coûts d'entretien des avions, de
stockage des pièces détachées et de formation des équipages, de standardiser les
services au sol, de remplacer à l'identique un appareil défectueux par un autre. Ainsi,
la compagnie Southwest Airlines possède aujourd'hui la plus grande lotte au monde
de Boeing 737, avec plus de cinq cents appareils.

Outre son homogénéité, la lotte des compagnies low cost est également jeune, ce qui 42
limite les frais de maintenance : en 2007, l'âge moyen de la lotte est de 2,8 ans pour
Ryanair, de 3 ans pour Easyjet, contre 9 ans pour Air France. Cette caractéristique
n'est pas seulement le re let de la jeunesse des compagnies low cost ; elle relève aussi
d'une politique délibérée de renouvellement fréquent de la lotte.

Pour optimiser les capacités d'accueil d'un avion, les low cost densifient le nombre de 43
sièges disponibles, en réduisant l'espace entre chaque siège et en supprimant une
toilette. Par exemple, chez Easyjet, le nombre de sièges sur un Airbus  A319 passe de
142 à 156, soit une augmentation de 10 % de la capacité.

Concernant la programmation des vols, le low cost n'aime pas attendre : un avion est 44
un « centre de profits » lorsqu'il vole, alors qu'il est un « centre de coûts » lorsqu'il
reste au sol [Perri, 2006]. Le low cost joue sur deux variables :
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— le temps d'escale : il est inférieur à trente minutes, contre quarante-cinq minutes 45


à une heure pour un transporteur classique, ce qui permet d'assurer jusqu'à cinq
rotations par jour et par appareil. Afin de réduire le temps d'escale, des compagnies
comme Ryanair recourent souvent à des escaliers mobiles, afin d'embarquer et
débarquer les passagers par les deux portes de l'avion en même temps ;

— l'usage intensif des appareils : les avions des compagnies low cost volent jusqu'à 46
onze heures par jour, contre neuf heures pour une compagnie classique, sur des vols
court et moyen-courriers.

Au sein d'une compagnie low cost, le périmètre des coûts fixes est étroitement 47
circonscrit. À l'exception des avions, les low cost externalisent l'essentiel des coûts
fixes que l'on trouve habituellement dans une compagnie aérienne, afin de les
transformer en coûts variables : l'entretien des appareils, la formation des pilotes et
des hôtesses, leur recrutement, l'ensemble des services au sol sont assurés par des
sociétés extérieures.

L'absence de repas servis à bord permet d'ajuster les e fectifs de personnel navigant 48
commerciaux (PNC) au minimum requis par la réglementation : pour un avion
moyen-courrier, un avion low cost mobilise trois hôtesses contre quatre à cinq pour
une compagnie classique. Quant aux pilotes, ils volent en moyenne 750  heures par
an contre 600 dans une compagnie classique, le plafond légal étant fixé à 900 
heures. Concernant les niveaux de rémunération absolus, il n'existe à ce jour aucune
étude systématique comparant les salaires des compagnies low cost à ceux des
compagnies historiques ; les indices mentionnés dans la presse laissent à penser que
les salaires sont assez similaires pour les pilotes et moins élevés pour les hôtesses. La
politique de rémunération des personnels navigants techniques et commerciaux fait
également une place importante à la rémunération variable, indexée sur des
indicateurs de performance : chez Ryanair, la part de la rémunération variable peut
atteindre jusqu'à 50 % de la rémunération totale. Le taux de syndicalisation est en
général assez faible, certaines compagnies low cost européennes ayant été même
montrées du doigt pour leur aversion à l'exercice des droits syndicaux. On notera
toutefois que la compagnie low cost Southwest Airlines est connue pour avoir le taux
de syndicalisation le plus élevé du secteur aérien, tandis que le personnel y dispose
d'une large couverture sociale, d'un intéressement aux résultats et détient 10 % du
capital de l'entreprise.

Tableau 2. Analyse comparée des deux modèles de compagnie


aérienne

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La rentabilité d'un low cost

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Des coûts d'exploitation faibles


Les gains de productivité opérés sur toute la chaîne de valeur, de la réservation du 49
billet jusqu'au vol de l'avion, permettent aux grandes compagnies low cost d'a ficher
des coûts d'exploitation très faibles, en moyenne de 30 % à 60 % inférieurs à ceux
d'un opérateur historique. Une mesure usuelle de la performance d'un transporteur
aérien est le coût par siège kilomètre o fert (SKO) : ce coût se révèle pour Easyjet de
30 % inférieur à celui d'un opérateur traditionnel et, dans le cas de Ryanair, la
diminution atteint même 65 %. Cet écart important de coût par SKO ne provient pas
seulement du fait que les low cost adoptent une gestion plus e ficace de leurs
ressources. Il convient aussi de tenir compte de la distance moyenne de vol : les
compagnies traditionnelles proposent des vols longue distance, qui engendrent des
coûts opérationnels additionnels que les low cost ne supportent pas.

Toutefois, même lorsque l'on raisonne à distance égale, les low cost conservent un net 50
avantage de coût : ainsi, la firme Southwest Airlines a fichait sur la période 1996-
2004 un coût unitaire 36 % plus faible que la moyenne des compagnies historiques
américaines, sur une distance normalisée de 1 400 km, et l'écart s'est même creusé
pour atteindre 45 % en 2001 [Pearce, 2006].

L'écart final de coût entre un low cost et une compagnie historique résulte de 51
l'addition de di férentiels de coût à chaque étape du processus de production. Le
graphique 4 décompose l'écart final de coût en dix postes, dans le cas d'une
compagnie low cost dont le coût de production représente 43 % de celui d'une major.
Nous constatons que les écarts de coût se concentrent pour l'essentiel sur deux
postes, qui expliquent à eux seuls la moitié du di férentiel de coût : la densification
du nombre de sièges (16 % du di férentiel) et la rapidité des rotations entre deux vols
(10 %). Dans une moindre mesure, les taxes aéroportuaires plus faibles (6 % du
di férentiel), l'absence de commission aux agences de voyage, la réduction du service
à bord jouent également un rôle. On notera également que les écarts de coûts
salariaux n'expliquent à eux seuls que 3 % de l'écart de coût (de 57 %) avec les
compagnies historiques.

Pour ce qui est des recettes, les low cost jouent d'abord sur un e fet volume : la faible 52
marge réalisée en moyenne sur chaque billet est compensée par un fort taux de
remplissage des vols.

Graphique 4. Origine des écarts de coût entre une low cost et une
major

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— Source  : European Cockpit Association [2006].

Le taux de remplissage des avions constitue une variable clé : les low cost a fichent des 53
taux en moyenne de 85 %, contre 75 % pour les compagnies traditionnelles. Le choix
du type d'appareil joue aussi un rôle crucial et doit être parfaitement adapté au
potentiel du marché desservi : une compagnie low cost comme Flybe, spécialisée sur
les vols régionaux entre villes secondaires, utilise des avions de 135 sièges afin d'avoir
un coe ficient de remplissage élevé sur chaque vol.

Les low cost misent également sur d'autres leviers pour rentabiliser leurs vols : 54

— la commercialisation de services auxiliaires : contrats d'assurance de voyage, 55


enregistrement payant des bagages à l'aéroport, taxation des bagages excédentaires,
commissions sur les réservations d'hôtel ou de location de voitures, etc. Il est
intéressant de noter que ces revenus annexes n'engendrent souvent aucun coût
supplémentaire : par exemple, le fait de faire payer au passager l'embarquement
prioritaire n'est pas coûteux pour la compagnie et constitue un profit pur. Ces
revenus annexes représentent aujourd'hui plus de 25 % des recettes totales des low
cost et contribuent significativement à leur bénéfice. Ryanair parvient ainsi à
engendrer en moyenne 10  euros de revenus auxiliaires par passager, ce qui est le
montant le plus élevé au monde [Ryans, 2009] ;

— le fort taux de non-présentation des passagers : dans le cas de Ryanair, il constitue 56


également une source importante de revenus. En e fet, comme les premiers billets
sont vendus pour seulement quelques euros, les clients n'hésitent pas à acheter leur
billet longtemps à l'avance, alors même qu'ils ne sont pas sûrs de pouvoir voyager ce

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jour-là. Ryanair perçoit ainsi des revenus sur des passagers qui ne prennent
finalement pas l'avion et peut pratiquer ainsi sans grand risque le « surbooking »,
consistant à vendre plus de billets qu'il n'y a de places dans l'avion ;

— une gestion plus simplifiée dans la tarification des billets (yield management), en 57
fonction de paramètres tels que la ligne desservie, la date de réservation, le taux de
remplissage de l'avion, la date de départ. Si les premiers billets d'un vol sont vendus
à un prix couvrant juste les coûts directs (taxes, kérosène principalement), le prix
augmente progressivement à l'approche de la date de départ. Low cost ne rime pas
toujours avec low fare (« bas prix »), en particulier pour les clients qui réservent au
dernier moment. Nous reviendrons sur ce point dans le chapitre II.

Un modèle rentable... pour les leaders


La situation financière des grandes compagnies à bas coûts démontre aujourd'hui 58
qu'il s'agit d'un modèle économique qui peut être durablement rentable. Ainsi, après
les événements du 11  septembre 2001 et alors que les compagnies traditionnelles
américaines luttaient pour leur survie, Southwest Airlines, pionnière et leader
mondial du low cost, continuait d'a ficher un résultat net positif. En Europe, les
performances économiques (mesurées par le ratio Résultat net/Chi fre d'a faires)
des deux leaders Ryanair et Easyjet se révèlent supérieures à celles des majors
(tableau 3).

Tableau 3. Comparaison des résultats nets de quatre leaders (2007-


2009)

— Source  : rapports annuels des compagnies.

Graphique 5. Revenus par SKO (en centimes d'euros)

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— Source  : IATA [2006].

La comparaison des coûts et des recettes permet de comprendre pourquoi les leaders 59
du low cost « surperforment » les grandes compagnies traditionnelles. En raisonnant
en sièges par kilomètre o fert (SKO) et sur une même distance (800  km), il apparaît
que Ryanair et Easyjet perçoivent des recettes 36 % à 56 % inférieures à ceux des trois
grandes compagnies européennes (graphique 5).

Mais ce désavantage en terme de recettes est plus que compensé par la baisse des 60
coûts, qui se situent 42 % à 67 % en dessous de ceux des majors (graphique 6).

Pour autant, il serait erroné de conclure que l'adoption du modèle low cost su fit à lui 61
seul à « surperformer » les compagnies historiques. La preuve en est que la majorité
des compagnies low cost perdent de l'argent, à l'image de SkyEurope, qui n'a jamais
réussi à être bénéficiaire entre 2001 et 2009, avant de faire faillite.

La clé du succès du modèle low cost repose en réalité sur deux principes : être le 62
premier entrant sur le marché et croître très vite. Le fait d'entrer le premier permet
de se positionner sur les routes les plus prometteuses et de préempter le marché,
dans la mesure où il est rare que deux compagnies low cost puissent survivre sur une
même ligne. L'importance des barrières à l'entrée, liée à la rareté des créneaux de
décollage (slots), renforce cette prime au premier entrant.

Graphique 6. Coût par SKO (en centimes d'euros)

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— Source  : IATA [2006].

La croissance rapide quant à elle permet d'atteindre la taille critique, et donc de 63


bénéficier d'économies d'échelle et de coût absolu. Les deux canaux usuels de
croissance sont mobilisés :

— la croissance interne par ouverture de nouvelles lignes et mise en service de 64


nouveaux appareils. Ryanair représente aujourd'hui l'un des plus gros clients de
Boeing et bénéficie à ce titre de forts rabais sur le prix catalogue des avions neufs.
Ryanair met à profit les périodes de crise économique pour acheter des avions neufs
à prix cassé : ainsi, après le 11  septembre 2001 ou durant la crise irakienne de 2003,
Ryanair aurait obtenu un rabais de prix de 50 % sur ses commandes auprès de
Boeing ;

— la croissance externe par fusion-acquisition, notamment pour accéder à des 65


créneaux de décollage sur des aéroports congestionnés : ainsi, en 2007, Easyjet a
racheté l'opérateur anglais GB Airways afin de mettre la main sur des slots de
l'aéroport de Londres Gatwick.

Élasticité revenu et demande de transport aérien

L'élasticité est un indicateur qui mesure la réaction relative d'une variable  Y,


suite à la modification relative d'une variable  X. Dans le cas particulier qui
nous intéresse, l'élasticité revenu consiste à étudier la réaction relative de la
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demande pour un bien X suite à une variation relative du revenu des clients.
Elle s'écrit :
(dQX/QX) / (dR/R),
avec Q la quantité demandée, et R le revenu.
Si la valeur de l'élasticité revenu est supérieure à l'unité, cela signifie que la
quantité demandée de bien  X augmente plus vite que le revenu. On parle alors
d'un « bien supérieur ».
Si la valeur de l'élasticité revenu est supérieure à zéro mais inférieure à l'unité,
cela signifie que la quantité demandée de bien  X augmente moins vite que le
revenu. On parle alors d'un « bien normal ».
Si la valeur de l'élasticité revenu est négative, la quantité demandée de bien  X
diminue lorsque le revenu augmente : le bien  X est qualifié de « bien
inférieur ».
Dans le cas du transport aérien, l'élasticité au revenu est très forte, comprise
selon les études entre 1,3 et 2,3 : le transport aérien constitue un « bien
supérieur ». Par exemple, si la croissance mondiale est de 2 %, la demande de
transport aérien augmentera de 2,6 % à 4,6 %. À l'inverse, si la croissance
mondiale est de  2 %, la demande de transport aérien baissera plus fortement,
entre  2,6 % et  4,6 %.

— Source  : à partir de DGAC [2007].

Cette course continue à la taille conduit logiquement à une forte concentration des 66
parts de marché, autour de quelques acteurs clés. Ainsi, en Europe, les deux
pionniers du low cost, Ryanair et Easyjet, captent aujourd'hui à eux seuls environ
50 % du trafic low cost au départ ou à destination de l'Europe.

À cet égard, la crise économique de 2008-2009 a plutôt constitué une opportunité 67


pour les leaders du low cost. Certes, la crise a entraîné une forte baisse de la demande
globale de transport aérien : selon l'IATA, la chute a atteint 4 % au cours de l'année
2009. Cette surréaction s'explique par la forte élasticité au revenu de la demande de
transport aérien (encadré) et a fecte toutes les compagnies aériennes, low cost ou
non. Mais, sur les lignes en concurrence, les grandes low cost ont bénéficié d'un e fet
de report de clientèle en provenance des majors : en période de crise économique, les
clients – et tout particulièrement la clientèle a faires – cherchent à limiter les
dépenses et utilisent davantage les compagnies à bas coûts.

Un modèle à géométrie variable

Si les principes de base du low cost sont invariants, il n'existe pas pour autant un 68
modèle low cost unique, au point qu'il est parfois di ficile d'établir une frontière
stricte entre les compagnies low cost et celles qui ne le sont pas.

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La diversité des low cost


On peut distinguer plusieurs types de compagnies low cost sur la base de quelques 69
critères simples.

— les compagnies globales/les compagnies de niche. En Europe, par exemple, aux 70


côtés des grands acteurs comme Easyjet ou Ryanair, qui desservent l'ensemble du
marché européen avec plusieurs bases, certains low cost comme Flybe ont investi avec
succès le segment des vols courte distance, en se concentrant principalement sur le
marché domestique anglais et irlandais ;

— les compagnies court et moyen-courriers/les compagnies long-courriers. La 71


plupart des opérateurs low cost évoluent sur des destinations de moins de quatre
heures de vol. Il existe toutefois quelques opérateurs long-courrier, notamment au
départ de l'Asie (tableau 4). Par exemple, la compagnie AirAsia  X opère depuis 2008
un vol régulier Londres-Kuala Lumpur, en facturant tous les extras aux passagers
(nourriture, trousse d'agrément, etc.). Il est toutefois peu probable de voir se
développer ce segment de marché, dans la mesure où l'avantage de coût d'un low cost
est assez limité par rapport à une major ;

Tableau 4. Le low cost long-courrier

— les low cost en classe économique/les low cost spécialisées sur la classe a faires. 72
À vrai dire, l'idée d'avoir des avions entièrement dédiés à la clientèle a faires n'est
pas nouvelle. Plusieurs opérateurs classiques ont déjà tenté dans le passé de lancer
ce concept sur des vols transatlantiques, sans jamais parvenir à être rentables :
Silverjet (2006 à 2008), MAXjet (2003 et 2007), Eos Airlines (2004 à 2008). Il existe à
ce jour une seule compagnie low cost dédiée à la clientèle a faires : il s'agit
d'Openskies, filiale de British Airways depuis 2008 et qui e fectue un vol quotidien
sur les lignes Paris-New York et Amsterdam-New York ;

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— les low cost régulières/les low cost mixtes. Certaines compagnies comme Transavia, 73
filiale d'Air France/KLM, proposent à la fois des vols charters, a frétés à la demande
par des tours opérateurs, mais aussi des vols réguliers low cost.

Du low cost au middle cost


L'hétérogénéité du modèle low cost se retrouve au sein même des grandes 74
compagnies : en Europe, Ryanair et Easyjet n'ont pas les mêmes positionnements,
comme en témoignent d'ailleurs leurs performances financières di férenciées.

Un premier modèle, celui de Ryanair, peut être qualifié de « low cost pur » (sur 75
l'histoire et l'évolution du modèle Ryanair, voir l'ouvrage journalistique de Creaton
[2007]). Ryanair s'implante quasi systématiquement sur des aéroports secondaires
(de petites villes ou de contournement de grandes métropoles), afin de minimiser les
taxes et redevances aéroportuaires, de réduire les temps de rotation et surtout d'être
en position de force pour négocier avec les collectivités locales des aides à l'ouverture
de lignes. On peut d'ailleurs noter que la compagnie Ryanair fait parfois preuve
d'une grande imagination dans le choix des aéroports qu'elle dessert : dans le cas de
Francfort, Ryanair a décidé de s'implanter à 120  km de la capitale, sur l'aéroport de
Francfort Hahn, qui abritait une base aérienne militaire de l'OTAN, démantelée au
début des années 1990 et qui disposait d'infrastructures de qualité.

En matière de communication, Ryanair axe son message auprès des consommateurs 76


sur un slogan unique : le prix, en se présentant comme la compagnie toujours la
moins chère sur une destination. Ryanair utilise cet argument du prix bas pour se
poser comme l'allié du consommateur, face au « conservatisme » supposé des
pouvoirs publics et des compagnies majors. Ryanair n'hésite d'ailleurs pas à recourir
à la provocation ou au coup d'éclat pour se faire une publicité à moindre coût : faire
payer les toilettes dans l'avion, faire voyager les passagers debout, imposer une taxe
sur les passagers obèses, réclamer la suppression du second pilote dans l'avion, etc.

Ce type de low cost entre assez peu en concurrence frontale avec les majors et se 77
retrouve bien souvent en position de monopole sur une destination nouvelle. Le low
cost pur mise d'abord sur un e fet d'induction : en pratiquant des prix bas, il crée la
demande sur le marché, en faisant voyager des personnes qui n'auraient pas pris
l'avion. Les clients visés sont plutôt des touristes, des jeunes, la clientèle « ethnique »
ou les résidents. La clientèle a faires, très sensible au temps de trajet, aux fréquences
des vols et demandeuse d'un service de correspondances, est peu attirée par les
aéroports de contournement, éloignés des grandes métropoles. Il est vrai toutefois
que la clientèle a faires peut utiliser le low cost lorsqu'il permet d'accéder rapidement
à des villes secondaires, mal desservies par les transports usuels (train ou voiture).

La viabilité du low cost pur apparaît très sensible à des chocs externes comme une 78
hausse du prix du pétrole : comme la demande est essentiellement une demande
induite par le bas prix, une hausse du prix du billet peut rapidement conduire à un
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tarissement de la demande. Plus encore, il est di ficile de fidéliser les clients sur des
destinations peu « connues » et, une fois l'e fet de nouveauté passé, le risque de
saturation de la demande peut apparaître ; l'opérateur low cost doit alors renouveler
régulièrement les lignes proposées pour entretenir la demande de voyage chez les
clients potentiels.

Un second modèle, parfois qualifié de middle cost, privilégie les aéroports principaux, 79
à l'image d'Easyjet qui opère en région parisienne au départ d'Orly et de Charles-de-
Gaulle et supporte donc des taxes aéroportuaires plus élevées que Ryanair (sur
l'histoire et l'évolution du modèle Easyjet, voir l'ouvrage journalistique de Jones
[2007]). Mais la principale di férence réside dans le type de lignes ouvertes : une
compagnie comme Easyjet propose certes de nouvelles destinations (par exemple,
Paris-Pise) mais elle opère souvent en concurrence frontale sur des lignes déjà
desservies par une major, à l'image de Paris-Nice ou de Paris-Toulouse. Ce type de
compagnie low cost cible davantage la clientèle a faires, très sensible au temps de
trajet entre l'aéroport et le centre-ville. On peut d'ailleurs noter qu'Easyjet propose
des services traditionnellement dédiés aux hommes d'a faires : embarquement
express payant, salons privés dans certains aéroports, fréquence des vols sur les
destinations importantes, carte de fidélité payante, etc.

Le modèle du middle cost est sans doute moins exposé que le low cost pur à des chocs 80
externes sur les coûts, dans la mesure où une partie de la clientèle reste peu sensible
au prix ; de surcroît, un choc sur les coûts tel qu'une hausse du prix du kérosène
a fecte également les concurrents sur la même ligne et ne modifie donc pas le prix
relatif du billet. En revanche, le middle cost doit faire face à un redoutable défi : celui
de l'« embourgeoisement » au cours du temps, consistant à o frir des prestations de
plus en plus proches de celles des majors, ce qui ferait monter les coûts et lui
enlèverait à terme toute sa spécificité.

L'hétérogénéité des deux modèles low cost se retrouve au niveau du prix des billets : 81
sur une même ligne, les low cost ne pratiquent pas tous le même prix. Dans une étude
économétrique sur la ligne Paris-Milan, Barbot [2004] compare les niveaux et les
évolutions de tarifs, pour une même date de départ en fonction des dates de
réservation. Quatre compagnies opèrent sur la ligne Paris-Milan, dont trois low cost
(Ryanair, Easyjet et Volare) et une compagnie classique (Air France en partage de
code avec Alitalia). Les écarts de prix entre les trois low cost sont élevés et constants
au cours du temps : le prix de Ryanair est en moyenne deux fois moins élevé que
celui de Volare et trois fois moins que celui d'Easyjet, quelle que soit la date de
réservation. Plus encore, l'évolution des prix d'Easyjet réagit peu à celle de Ryanair,
alors que la corrélation est forte avec Volare. Ces comportements re lètent en réalité
une di férenciation verticale entre Ryanair et les deux autres low cost : le fait de
décoller loin de Paris (Beauvais) et d'atterrir dans un aéroport éloigné du centre de
Milan (Bergame) constitue pour Ryanair un handicap par rapport à Volare et
Easyjet, qui décollent d'Orly et arrivent dans les deux aéroports principaux de Milan.

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Notes

[1] Les références entre crochets renvoient à la bibliographie en fin d'ouvrage.

Plan
La di fusion du low cost aérien
Des États-Unis aux pays émergents
Le low cost aérien en France

Le portrait-robot d'un low cost aérien

Des aéroports non congestionnés


Du point à point
Un service simplifié et optionnel
Un processus de production optimisé

La rentabilité d'un low cost


Des coûts d'exploitation faibles
Un modèle rentable... pour les leaders

Un modèle à géométrie variable


La diversité des low cost
Du low cost au middle cost

Auteur
Emmanuel Combe

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Mis en ligne sur Cairn.info le 01/01/2011

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Pour citer cet article

Combe Emmanuel, « I. L'emblème du low cost : le transport aérien », dans : Emmanuel
Combe éd., Le low cost. Paris, La Découverte, « Repères », 2011, p. 9-32. URL : https://www-
cairn-info.ezp.em-lyon.com/le-low-cost--9782707158642-page-9.htm

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