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fulgurant. En l'espace d'une vingtaine d'années, les compagnies low cost sont
parvenues à imposer leur modèle économique sur le segment du court/moyen-
courrier, au point aujourd'hui de faire jeu égal avec les compagnies traditionnelles,
les majors. Après avoir étudié la di fusion du low cost aérien dans les di férentes
régions du monde, nous dresserons le « portrait-robot » d'une compagnie low cost,
analyserons les leviers de sa rentabilité, avant d'envisager ses di férentes
déclinaisons.
Une première expérience fut celle du skytrain, lancée par Sir Freddy Laker en 1974 et 3
qui proposait des vols long-courriers Londres-New York à des tarifs très inférieurs à
ceux des compagnies historiques. La baisse de prix résultait d'une diminution des
coûts, obtenue grâce à plusieurs innovations organisationnelles : absence de
réservation et vente des billets le jour même du décollage en fonction des places
disponibles, suppression des services gratuits à bord, facturation des services
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La seconde expérience de low cost aérien a été couronnée d'un succès plus durable : il 4
s'agit de la compagnie Southwest Airlines, qui n'est pas au départ une compagnie low
cost. Lancée en 1971 aux États-Unis par Herbert Kelleher, Southwest commence par
opérer à l'intérieur de l'État du Texas, sur le triangle Austin-San Antonio-Dallas, sans
grand succès face à la concurrence des compagnies installées. Au bord de la faillite,
Southwest se voit alors contrainte de réduire sa lotte, passant de quatre à trois
Boeing 737, et tente un pari audacieux : proposer le même programme de vol avec un
avion en moins. Pour ce faire, l'entreprise décide de réorganiser son modèle de
manière drastique : réduction du temps d'escale à dix minutes, contrôle des billets
assuré directement à bord, diminution du service aux passagers.
En Europe, le low cost aérien voit le jour à la fin des années 1980 avec deux pionniers, 7
la compagnie irlandaise Ryanair (née en 1985) et la compagnie britannique Easyjet
(lancée en 1995), qui se sont inspirées directement du modèle de Southwest Airlines.
Au moment de la déréglementation du ciel en 1993, le low cost connaît une croissance
fulgurante : les compagnies low cost, qui ne représentaient que 4 % du trafic européen
en 1996, en réalisent aujourd'hui 44 %, à égalité avec les compagnies historiques
(appelées majors) et au détriment des charters dont la part de marché s'est
littéralement e fondrée (graphique 2). Il est toutefois peu probable que le low cost
s'empare de la totalité du marché européen au détriment des majors, dans la mesure
où ces dernières o frent des prestations spécifiques (comme la garantie des
correspondances) : selon les spécialistes de l'aérien, la part de marché du low cost en
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Europe est sans doute amenée à se stabiliser autour de 50 % du marché [Bordes-
Pages, 2010]. En termes d'acteurs, le low cost aérien compte aujourd'hui en Europe
une quinzaine d'opérateurs, avec une forte mortalité pour les petites compagnies :
ainsi, la crise économique de 2008-2009 a acculé plusieurs low cost européennes à la
faillite, à l'image de la compagnie islandaise Sterling, de SkyEurope, qui opérait sur
les pays de l'Est, ou de MyAir, compagnie italienne. En 2010, les deux pionniers en
Europe, Ryanair et Easyjet, dominent toujours le segment du low cost, avec une part
de marché cumulée supérieure à 50 %.
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Ainsi, le Brésil a été marqué par l'entrée de la compagnie GOL en 2001, qui s'est 10
rapidement imposée sur le marché domestique : quatre ans après sa création, GOL
captait déjà plus de 30 % du marché brésilien, avant de racheter en 2007 la
compagnie historique Varig, en situation de faillite. Au Mexique, les compagnies
Volaris et MexicanaClick sont venues, à partir de 2005, contester la firme
Aeromexico sur le marché domestique et à destination de la Californie.
En Asie, le low cost se développe aujourd'hui dans des pays émergents comme la 11
Malaisie, avec AirAsia X, présente sur le marché domestique et à destination de
l'Indonésie, de la Thaïlande et de Singapour. En Inde, on trouve les compagnies
SpiceJet (née en 2005) et AirIndia Express (2005), filiale de la compagnie Air India.
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— Par comparaison, le chi fre d'a faires d'Air France/KLM pour l'année 2008 s'élève à 24
milliards d'euros, soit environ 33 milliards de dollars.
Pour expliquer cette exception française, plusieurs raisons structurelles ont été 14
invoquées, qui méritent d'être relativisées [Beigbeder, 2007] :
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— le niveau des taxes aéroportuaires : la France reste l'un des pays d'Europe où les 17
« coûts de toucher » sont les plus élevés, décourageant ainsi les compagnies low cost
de s'y implanter. Il existe en e fet une relation décroissante entre les coûts de
toucher et la part du low cost sur un aéroport ;
La situation du low cost aérien en France a toutefois évolué depuis le milieu des 20
années 2000 et un mouvement de rattrapage s'est opéré [DGAC, 2009] :
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— au départ des grandes villes de province, les compagnies low cost sont parties à 23
l'assaut du marché domestique, en rentrant sur des lignes transversales qui étaient
seulement opérées jusqu'ici par le groupe Air France, notamment au départ de Lyon.
On notera toutefois que, à la di férence du Royaume-Uni avec Flybe, il n'existe pas en
France d'opérateur low cost spécifiquement régional, évoluant avec des appareils de
petite taille : voilà sans doute pourquoi le low cost domestique reste essentiellement
centré sur la desserte de quelques grandes métropoles entre elles et touche peu les
villes de taille moyenne. On assiste également dans les grandes villes de province au
développement de lignes internationales à fort potentiel et en concurrence frontale
avec un opérateur historique, à l'image de la ligne Lyon-Barcelone, marquée par
l'entrée d'Easyjet en 2008 face à Iberia ;
— les compagnies low cost ont implanté des « bases » dans plusieurs villes françaises 24
comme Lyon, ce qui signifie que des avions y stationnent désormais la nuit et que du
personnel navigant, sous contrat de travail de droit français, y réside ;
— plusieurs aéroports de province ont créé des terminaux low cost afin de réduire le 25
montant des taxes aéroportuaires, à l'image de Marseille qui a lancé le terminal MP2
en novembre 2006, ou plus récemment de Bordeaux qui a inauguré en mai 2010 un
nouveau terminal low cost dénommé Billi.
En premier lieu, force est de constater que, en dépit de l'essor de Transavia, filiale 27
low cost d'Air France, la France ne dispose toujours pas d'opérateur low cost
d'envergure sous pavillon national, capable de rivaliser avec les leaders européens du
secteur. Il en résulte un déclin relatif du pavillon français en Europe : alors qu'il
représentait 41 % du trafic international entre la France et l'Union européenne en
1996, sa part est désormais de 27 %. Pourtant, d'autres pays ont fait la démonstration
que l'on pouvait disposer à la fois, sous pavillon national, d'une grande compagnie
« classique » et d'un leader du low cost : les Anglais possèdent British Airways et les
deux opérateurs low cost d'envergure Easyjet et Flybe ; les Allemands ont Lu thansa et
les compagnies low cost Air Berlin et Germanwings ; les Espagnols détiennent Iberia
et la low cost Vueling/Clickair.
En second lieu, le rattrapage opéré depuis le milieu des années 2000 reste partiel : le 28
marché du low cost aérien en France demeure encore en retrait, si on le compare à
des pays similaires comme l'Allemagne et le Royaume-Uni. En 2008, l'o fre low cost
sur le réseau domestique s'élève à 1,9 million de sièges, contre 15 millions en
Allemagne, 22 millions au Royaume-Uni et 11 millions en Espagne. Sur le réseau
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Le low cost aérien s'est développé en prenant appui sur un modèle économique 29
cohérent, fondé sur l'addition de petites baisses de coûts et la
redéfinition/simplification des besoins du client et des contours du produit. Nous
dressons ci-après une liste des principales caractéristiques des low cost, qui
permettent de les distinguer des compagnies historiques. Toutefois, comme nous le
verrons dans un second temps, ces principes de base se déclinent de manière plus ou
moins marquée selon les compagnies au point que l'on puisse parler de plusieurs
modèles low cost dans l'aérien.
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Lorsqu'ils sont présents sur des aéroports principaux, les low cost opèrent souvent à 32
partir de terminaux simplifiés, à l'image du terminal MP2 de Marseille ou du
terminal Saint-Exupéry 3 à Lyon, afin de réduire le montant des redevances. À titre
d'exemple, sur un vol Lyon-Bordeaux, les taxes d'aéroport représentent 42 euros par
billet au départ du terminal général contre 30 euros au départ du terminal low cost.
Du point à point
Les low cost proposent des vols dits « de point à point », sans aucune correspondance : 33
chaque vol part d'un point A pour aller à un point B pour ensuite revenir au point A.
Ce schéma, qui prend l'exact contre-pied du modèle hub and spokes mis en place par
les majors (encadré), présente plusieurs avantages :
— il évite d'assurer les correspondances entre les vols et toutes les charges qui y sont 34
a férentes : gestion des bagages en transit, coordination entre les vols. Sur un vol low
cost, c'est le passager lui-même qui organise sa propre correspondance et non la
compagnie ;
— il permet de réduire les frais de « découcher » pour les personnels navigants (qui 35
retournent à leur base en fin de journée) et les charges liées au stationnement de
l'avion hors de sa base.
cause du passage par le hub), ce désagrément est compensé par une fréquence
des vols plus forte. En e fet, dans notre exemple, avec cinq liaisons au lieu de
quinze, la fréquence des vols peut être multipliée par trois.
Le système du hub and spokes implique toutefois pour les compagnies
d'importants coûts fixes et de nombreuses contraintes : elle impose de
coordonner les vols, d'assurer aux clients et à leurs bagages une bonne gestion
des correspondances et de gérer les éventuels retards en chaîne.
Lorsqu'il monte dans un avion low cost, le client constate que les sièges ne sont pas 37
attribués à l'avance mais en fonction de l'ordre d'embarquement. Le placement libre
incite à entrer rapidement, ce qui contribue à la ponctualité des vols. Une fois dans
l'avion, le client ne se voit pas proposer de restauration à bord : le repas, les
rafraîchissements, la distribution de journaux ne sont pas inclus dans le prix du
billet, comme cela est traditionnellement le cas dans les compagnies historiques.
Tous les services additionnels, lorsqu'ils existent, deviennent payants. Par exemple,
il est possible de se restaurer en payant, même si l'o fre reste simplifiée (sandwichs)
afin d'éviter les coûts logistiques entre deux vols (catering, ménage). Plus
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généralement, tout service additionnel est facturé au client et devient une source de
revenus non négligeable pour la compagnie. Ainsi, Easyjet propose un service payant
d'embarquement prioritaire (Speedy boarding), qui engendre pour la compagnie un
profit pur.
Alors que les opérateurs historiques segmentent leur o fre en deux ou trois classes, 38
les low cost proposent une classe unique. La tarification d'un siège devient plus
simple et plus lisible pour le client, puisque le taux de remplissage entre les
di férentes classes n'entre plus en ligne de compte dans l'évolution du prix.
De même, alors que les compagnies traditionnelles multiplient les options pour un 39
même vol, notamment quant au degré de lexibilité du billet (non remboursable,
remboursable avec frais, remboursable sans frais), les low cost limitent le choix et
proposent seulement une assurance annulation payante. Autre spécificité : le prix
d'un vol low cost ne dépend pas de conditions commerciales spécifiques telles que
l'obligation de rester un week-end pour profiter d'un meilleur prix. De même, alors
que les majors font varier le prix selon que le client prend ou non le billet retour, les
low cost n'augmentent pas le prix du billet aller si le client décide de ne pas prendre le
billet retour.
Les low cost opèrent avec un seul type d'appareil (en règle générale, des Boeing 737 ou 41
des Airbus A319), ce qui permet de réduire les coûts d'entretien des avions, de
stockage des pièces détachées et de formation des équipages, de standardiser les
services au sol, de remplacer à l'identique un appareil défectueux par un autre. Ainsi,
la compagnie Southwest Airlines possède aujourd'hui la plus grande lotte au monde
de Boeing 737, avec plus de cinq cents appareils.
Outre son homogénéité, la lotte des compagnies low cost est également jeune, ce qui 42
limite les frais de maintenance : en 2007, l'âge moyen de la lotte est de 2,8 ans pour
Ryanair, de 3 ans pour Easyjet, contre 9 ans pour Air France. Cette caractéristique
n'est pas seulement le re let de la jeunesse des compagnies low cost ; elle relève aussi
d'une politique délibérée de renouvellement fréquent de la lotte.
Pour optimiser les capacités d'accueil d'un avion, les low cost densifient le nombre de 43
sièges disponibles, en réduisant l'espace entre chaque siège et en supprimant une
toilette. Par exemple, chez Easyjet, le nombre de sièges sur un Airbus A319 passe de
142 à 156, soit une augmentation de 10 % de la capacité.
Concernant la programmation des vols, le low cost n'aime pas attendre : un avion est 44
un « centre de profits » lorsqu'il vole, alors qu'il est un « centre de coûts » lorsqu'il
reste au sol [Perri, 2006]. Le low cost joue sur deux variables :
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— l'usage intensif des appareils : les avions des compagnies low cost volent jusqu'à 46
onze heures par jour, contre neuf heures pour une compagnie classique, sur des vols
court et moyen-courriers.
Au sein d'une compagnie low cost, le périmètre des coûts fixes est étroitement 47
circonscrit. À l'exception des avions, les low cost externalisent l'essentiel des coûts
fixes que l'on trouve habituellement dans une compagnie aérienne, afin de les
transformer en coûts variables : l'entretien des appareils, la formation des pilotes et
des hôtesses, leur recrutement, l'ensemble des services au sol sont assurés par des
sociétés extérieures.
L'absence de repas servis à bord permet d'ajuster les e fectifs de personnel navigant 48
commerciaux (PNC) au minimum requis par la réglementation : pour un avion
moyen-courrier, un avion low cost mobilise trois hôtesses contre quatre à cinq pour
une compagnie classique. Quant aux pilotes, ils volent en moyenne 750 heures par
an contre 600 dans une compagnie classique, le plafond légal étant fixé à 900
heures. Concernant les niveaux de rémunération absolus, il n'existe à ce jour aucune
étude systématique comparant les salaires des compagnies low cost à ceux des
compagnies historiques ; les indices mentionnés dans la presse laissent à penser que
les salaires sont assez similaires pour les pilotes et moins élevés pour les hôtesses. La
politique de rémunération des personnels navigants techniques et commerciaux fait
également une place importante à la rémunération variable, indexée sur des
indicateurs de performance : chez Ryanair, la part de la rémunération variable peut
atteindre jusqu'à 50 % de la rémunération totale. Le taux de syndicalisation est en
général assez faible, certaines compagnies low cost européennes ayant été même
montrées du doigt pour leur aversion à l'exercice des droits syndicaux. On notera
toutefois que la compagnie low cost Southwest Airlines est connue pour avoir le taux
de syndicalisation le plus élevé du secteur aérien, tandis que le personnel y dispose
d'une large couverture sociale, d'un intéressement aux résultats et détient 10 % du
capital de l'entreprise.
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Toutefois, même lorsque l'on raisonne à distance égale, les low cost conservent un net 50
avantage de coût : ainsi, la firme Southwest Airlines a fichait sur la période 1996-
2004 un coût unitaire 36 % plus faible que la moyenne des compagnies historiques
américaines, sur une distance normalisée de 1 400 km, et l'écart s'est même creusé
pour atteindre 45 % en 2001 [Pearce, 2006].
L'écart final de coût entre un low cost et une compagnie historique résulte de 51
l'addition de di férentiels de coût à chaque étape du processus de production. Le
graphique 4 décompose l'écart final de coût en dix postes, dans le cas d'une
compagnie low cost dont le coût de production représente 43 % de celui d'une major.
Nous constatons que les écarts de coût se concentrent pour l'essentiel sur deux
postes, qui expliquent à eux seuls la moitié du di férentiel de coût : la densification
du nombre de sièges (16 % du di férentiel) et la rapidité des rotations entre deux vols
(10 %). Dans une moindre mesure, les taxes aéroportuaires plus faibles (6 % du
di férentiel), l'absence de commission aux agences de voyage, la réduction du service
à bord jouent également un rôle. On notera également que les écarts de coûts
salariaux n'expliquent à eux seuls que 3 % de l'écart de coût (de 57 %) avec les
compagnies historiques.
Pour ce qui est des recettes, les low cost jouent d'abord sur un e fet volume : la faible 52
marge réalisée en moyenne sur chaque billet est compensée par un fort taux de
remplissage des vols.
Graphique 4. Origine des écarts de coût entre une low cost et une
major
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Le taux de remplissage des avions constitue une variable clé : les low cost a fichent des 53
taux en moyenne de 85 %, contre 75 % pour les compagnies traditionnelles. Le choix
du type d'appareil joue aussi un rôle crucial et doit être parfaitement adapté au
potentiel du marché desservi : une compagnie low cost comme Flybe, spécialisée sur
les vols régionaux entre villes secondaires, utilise des avions de 135 sièges afin d'avoir
un coe ficient de remplissage élevé sur chaque vol.
Les low cost misent également sur d'autres leviers pour rentabiliser leurs vols : 54
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jour-là. Ryanair perçoit ainsi des revenus sur des passagers qui ne prennent
finalement pas l'avion et peut pratiquer ainsi sans grand risque le « surbooking »,
consistant à vendre plus de billets qu'il n'y a de places dans l'avion ;
— une gestion plus simplifiée dans la tarification des billets (yield management), en 57
fonction de paramètres tels que la ligne desservie, la date de réservation, le taux de
remplissage de l'avion, la date de départ. Si les premiers billets d'un vol sont vendus
à un prix couvrant juste les coûts directs (taxes, kérosène principalement), le prix
augmente progressivement à l'approche de la date de départ. Low cost ne rime pas
toujours avec low fare (« bas prix »), en particulier pour les clients qui réservent au
dernier moment. Nous reviendrons sur ce point dans le chapitre II.
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La comparaison des coûts et des recettes permet de comprendre pourquoi les leaders 59
du low cost « surperforment » les grandes compagnies traditionnelles. En raisonnant
en sièges par kilomètre o fert (SKO) et sur une même distance (800 km), il apparaît
que Ryanair et Easyjet perçoivent des recettes 36 % à 56 % inférieures à ceux des trois
grandes compagnies européennes (graphique 5).
Mais ce désavantage en terme de recettes est plus que compensé par la baisse des 60
coûts, qui se situent 42 % à 67 % en dessous de ceux des majors (graphique 6).
Pour autant, il serait erroné de conclure que l'adoption du modèle low cost su fit à lui 61
seul à « surperformer » les compagnies historiques. La preuve en est que la majorité
des compagnies low cost perdent de l'argent, à l'image de SkyEurope, qui n'a jamais
réussi à être bénéficiaire entre 2001 et 2009, avant de faire faillite.
La clé du succès du modèle low cost repose en réalité sur deux principes : être le 62
premier entrant sur le marché et croître très vite. Le fait d'entrer le premier permet
de se positionner sur les routes les plus prometteuses et de préempter le marché,
dans la mesure où il est rare que deux compagnies low cost puissent survivre sur une
même ligne. L'importance des barrières à l'entrée, liée à la rareté des créneaux de
décollage (slots), renforce cette prime au premier entrant.
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demande pour un bien X suite à une variation relative du revenu des clients.
Elle s'écrit :
(dQX/QX) / (dR/R),
avec Q la quantité demandée, et R le revenu.
Si la valeur de l'élasticité revenu est supérieure à l'unité, cela signifie que la
quantité demandée de bien X augmente plus vite que le revenu. On parle alors
d'un « bien supérieur ».
Si la valeur de l'élasticité revenu est supérieure à zéro mais inférieure à l'unité,
cela signifie que la quantité demandée de bien X augmente moins vite que le
revenu. On parle alors d'un « bien normal ».
Si la valeur de l'élasticité revenu est négative, la quantité demandée de bien X
diminue lorsque le revenu augmente : le bien X est qualifié de « bien
inférieur ».
Dans le cas du transport aérien, l'élasticité au revenu est très forte, comprise
selon les études entre 1,3 et 2,3 : le transport aérien constitue un « bien
supérieur ». Par exemple, si la croissance mondiale est de 2 %, la demande de
transport aérien augmentera de 2,6 % à 4,6 %. À l'inverse, si la croissance
mondiale est de 2 %, la demande de transport aérien baissera plus fortement,
entre 2,6 % et 4,6 %.
Cette course continue à la taille conduit logiquement à une forte concentration des 66
parts de marché, autour de quelques acteurs clés. Ainsi, en Europe, les deux
pionniers du low cost, Ryanair et Easyjet, captent aujourd'hui à eux seuls environ
50 % du trafic low cost au départ ou à destination de l'Europe.
Si les principes de base du low cost sont invariants, il n'existe pas pour autant un 68
modèle low cost unique, au point qu'il est parfois di ficile d'établir une frontière
stricte entre les compagnies low cost et celles qui ne le sont pas.
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— les low cost en classe économique/les low cost spécialisées sur la classe a faires. 72
À vrai dire, l'idée d'avoir des avions entièrement dédiés à la clientèle a faires n'est
pas nouvelle. Plusieurs opérateurs classiques ont déjà tenté dans le passé de lancer
ce concept sur des vols transatlantiques, sans jamais parvenir à être rentables :
Silverjet (2006 à 2008), MAXjet (2003 et 2007), Eos Airlines (2004 à 2008). Il existe à
ce jour une seule compagnie low cost dédiée à la clientèle a faires : il s'agit
d'Openskies, filiale de British Airways depuis 2008 et qui e fectue un vol quotidien
sur les lignes Paris-New York et Amsterdam-New York ;
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— les low cost régulières/les low cost mixtes. Certaines compagnies comme Transavia, 73
filiale d'Air France/KLM, proposent à la fois des vols charters, a frétés à la demande
par des tours opérateurs, mais aussi des vols réguliers low cost.
Un premier modèle, celui de Ryanair, peut être qualifié de « low cost pur » (sur 75
l'histoire et l'évolution du modèle Ryanair, voir l'ouvrage journalistique de Creaton
[2007]). Ryanair s'implante quasi systématiquement sur des aéroports secondaires
(de petites villes ou de contournement de grandes métropoles), afin de minimiser les
taxes et redevances aéroportuaires, de réduire les temps de rotation et surtout d'être
en position de force pour négocier avec les collectivités locales des aides à l'ouverture
de lignes. On peut d'ailleurs noter que la compagnie Ryanair fait parfois preuve
d'une grande imagination dans le choix des aéroports qu'elle dessert : dans le cas de
Francfort, Ryanair a décidé de s'implanter à 120 km de la capitale, sur l'aéroport de
Francfort Hahn, qui abritait une base aérienne militaire de l'OTAN, démantelée au
début des années 1990 et qui disposait d'infrastructures de qualité.
Ce type de low cost entre assez peu en concurrence frontale avec les majors et se 77
retrouve bien souvent en position de monopole sur une destination nouvelle. Le low
cost pur mise d'abord sur un e fet d'induction : en pratiquant des prix bas, il crée la
demande sur le marché, en faisant voyager des personnes qui n'auraient pas pris
l'avion. Les clients visés sont plutôt des touristes, des jeunes, la clientèle « ethnique »
ou les résidents. La clientèle a faires, très sensible au temps de trajet, aux fréquences
des vols et demandeuse d'un service de correspondances, est peu attirée par les
aéroports de contournement, éloignés des grandes métropoles. Il est vrai toutefois
que la clientèle a faires peut utiliser le low cost lorsqu'il permet d'accéder rapidement
à des villes secondaires, mal desservies par les transports usuels (train ou voiture).
La viabilité du low cost pur apparaît très sensible à des chocs externes comme une 78
hausse du prix du pétrole : comme la demande est essentiellement une demande
induite par le bas prix, une hausse du prix du billet peut rapidement conduire à un
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tarissement de la demande. Plus encore, il est di ficile de fidéliser les clients sur des
destinations peu « connues » et, une fois l'e fet de nouveauté passé, le risque de
saturation de la demande peut apparaître ; l'opérateur low cost doit alors renouveler
régulièrement les lignes proposées pour entretenir la demande de voyage chez les
clients potentiels.
Un second modèle, parfois qualifié de middle cost, privilégie les aéroports principaux, 79
à l'image d'Easyjet qui opère en région parisienne au départ d'Orly et de Charles-de-
Gaulle et supporte donc des taxes aéroportuaires plus élevées que Ryanair (sur
l'histoire et l'évolution du modèle Easyjet, voir l'ouvrage journalistique de Jones
[2007]). Mais la principale di férence réside dans le type de lignes ouvertes : une
compagnie comme Easyjet propose certes de nouvelles destinations (par exemple,
Paris-Pise) mais elle opère souvent en concurrence frontale sur des lignes déjà
desservies par une major, à l'image de Paris-Nice ou de Paris-Toulouse. Ce type de
compagnie low cost cible davantage la clientèle a faires, très sensible au temps de
trajet entre l'aéroport et le centre-ville. On peut d'ailleurs noter qu'Easyjet propose
des services traditionnellement dédiés aux hommes d'a faires : embarquement
express payant, salons privés dans certains aéroports, fréquence des vols sur les
destinations importantes, carte de fidélité payante, etc.
Le modèle du middle cost est sans doute moins exposé que le low cost pur à des chocs 80
externes sur les coûts, dans la mesure où une partie de la clientèle reste peu sensible
au prix ; de surcroît, un choc sur les coûts tel qu'une hausse du prix du kérosène
a fecte également les concurrents sur la même ligne et ne modifie donc pas le prix
relatif du billet. En revanche, le middle cost doit faire face à un redoutable défi : celui
de l'« embourgeoisement » au cours du temps, consistant à o frir des prestations de
plus en plus proches de celles des majors, ce qui ferait monter les coûts et lui
enlèverait à terme toute sa spécificité.
L'hétérogénéité des deux modèles low cost se retrouve au niveau du prix des billets : 81
sur une même ligne, les low cost ne pratiquent pas tous le même prix. Dans une étude
économétrique sur la ligne Paris-Milan, Barbot [2004] compare les niveaux et les
évolutions de tarifs, pour une même date de départ en fonction des dates de
réservation. Quatre compagnies opèrent sur la ligne Paris-Milan, dont trois low cost
(Ryanair, Easyjet et Volare) et une compagnie classique (Air France en partage de
code avec Alitalia). Les écarts de prix entre les trois low cost sont élevés et constants
au cours du temps : le prix de Ryanair est en moyenne deux fois moins élevé que
celui de Volare et trois fois moins que celui d'Easyjet, quelle que soit la date de
réservation. Plus encore, l'évolution des prix d'Easyjet réagit peu à celle de Ryanair,
alors que la corrélation est forte avec Volare. Ces comportements re lètent en réalité
une di férenciation verticale entre Ryanair et les deux autres low cost : le fait de
décoller loin de Paris (Beauvais) et d'atterrir dans un aéroport éloigné du centre de
Milan (Bergame) constitue pour Ryanair un handicap par rapport à Volare et
Easyjet, qui décollent d'Orly et arrivent dans les deux aéroports principaux de Milan.
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Notes
Plan
La di fusion du low cost aérien
Des États-Unis aux pays émergents
Le low cost aérien en France
Auteur
Emmanuel Combe
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Pour citer cet article
Combe Emmanuel, « I. L'emblème du low cost : le transport aérien », dans : Emmanuel
Combe éd., Le low cost. Paris, La Découverte, « Repères », 2011, p. 9-32. URL : https://www-
cairn-info.ezp.em-lyon.com/le-low-cost--9782707158642-page-9.htm
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