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LE DIAGNOSTIC DE LA CHAINE DE VALEUR :

LE CAS DE RYANAIR

Le secteur du transport aérien de passagers peut être décomposé en trois catégories d’acteurs. Les compagnies
traditionnelles (Air France ou British Airways par exemple) proposent une offre très large, généralement déclinée en
trois classes (économique, affaires et première) et en trois types de vols (court, moyen et long courrier). Grâce à leur
regroupement au sein de grandes alliances internationales (Global One, SkyTeam ou Star Alliance) et à leurs « hubs
», ces compagnies sont capables de gérer un nombre important de correspondances. Elles offrent une grande variété
de destinations et une grande flexibilité des itinéraires et des horaires. Les opérateurs « low cost » (Ryanair par
exemple) proposent des offres simples et banalisées pour des trajets «point à point» correspondant le plus souvent à
du court ou moyen courrier. Ils visent majoritairement une clientèle « tourisme », mais souhaitent également
s’orienter progressivement vers une clientèle « affaires ». Enfin, les compagnies « charters » louent des avions et des
équipages à des affréteurs (tours opérateurs par exemple) pour réaliser un vol donné, à une date précise. Le plus
souvent, il s’agit de vols moyen ou long-courriers qui ciblent une clientèle « tourisme ».

La fin des années 1990 marque le début d’une nouvelle ère pour l’industrie du transport aérien. À partir de cette
période, ce secteur change de nature. Il est affecté par des bouleversements réglementaires importants
(déréglementation en Europe), des crises internationales majeures (attentats du 11 septembre 2001, guerre en Irak,
SRAS, attentats de Bali, etc.), par une hausse du prix du pétrole et une augmentation des charges de carburant (voir
Tableau 6), enfin par une diminution du trafic passager. Cette situation, alliée au développement des nouveaux
entrants («low cost») provoque une concurrence exacerbée et une profonde mutation des règles du jeu. Les FCS
traditionnels (service, maillage du territoire, flexibilité des itinéraires, etc.) s’accompagnent de nouvelles exigences
des consommateurs portant essentiellement sur le prix, ce qui implique le développement de compétences nouvelles
permettant de maîtriser les coûts (économies d’échelle, homogénéisation des flottes, optimisation des taux de
remplissage, etc.).

Ces changements ont mis en grande difficulté certains géants du secteur (notamment américains) et ont révélé la
pertinence de nouveaux modèles économiques (notamment « low cost »). En effet, les opérateurs « low cost » ont
connu un développement sans précédent sur tous les marchés (Amérique, Europe et Asie) de même qu’une
rentabilité remarquable (le taux de croissance de l’activité des six opérateurs majeurs dans le monde est en effet de
10 % par an en moyenne). Cependant, le mouvement de restructuration qui a touché les compagnies traditionnelles
devrait également concerner les compagnies « low cost », et la nécessité d’atteindre une taille critique pousse à un
mouvement de concentration qui, s’il a abouti aux États-Unis, est encore en cours en Europe. Enfin, la conjoncture
générale en 2008 semble s’améliorer (notamment grâce à la demande) avec des taux de croissance de l’activité de
l’ordre de 5 % par an prévus jusqu’en 2020 dans le transport aérien.

Le tableau suivant présente les CA de Ryanair (RYR), Air France-KLM (AFR) et British Airways (BAW) entre
2003 et 2008. Les données sont exprimées en millions d’euros, sauf pour British Airways (millions de livres).

2008 2007 2006 2005 2004 2003

RYANAIR 2 713 2 236 1 692 1 319 1 074 842

AF_KLM 24 118 23 077 21 452 18 983 12 377 12 687

BA 8 753 8 492 8 515 7 772 7 560 7 688

Tableau 4 : Chiffre d’affaires (AFR, RYR, BAW)

Le tableau suivant présente les résultats opérationnels de RYR, AFR et BAW entre 2003 et 2008. Les données sont
exprimées en millions d’euros sauf, pour British Airways (millions de livres).

2008 2007 2006 2005 2004 2003

RYANAIR 537 471 475 340 248 263

AF_KLM 1 272 1 233 1 455 1 927 139 192

BA 875 556 705 556 405 295

Tableau 5 : Résultat opérationnel (AFR, RYR, BAW)

Le tableau suivant présente les charges liées au carburant de RYR, AFR et BAW entre 2003 et 2008. Les données
sont exprimées en millions d’euros, sauf pour British Airways (millions de livres).

2008 2007 2006 2005 2004 2003

RYANAIR 791 693 462 265 175 nd

AF_KLM 4 572 4 258 3 588 2 653 544 455

BA 2 055 1 931 1 632 1 128 922 842

Tableau 6 : Charges de carburant (AFR, RYR, BAW)

Du stationnement à la piste d’envol

Créée en 1985, Ryanair est une petite compagnie aérienne indépendante présente sur une ligne entre Waterford
(Irlande) et Londres. En 1986, l’entreprise obtient l’autorisation de concurrencer British Airways et Aer Lingus sur la
ligne Dublin/Londres. Le prix de lancement du billet est inférieur de moitié au plus bas tarif proposé par ses
concurrents, qui sont forcés de réduire leurs prix. Les cinq années suivantes vont connaître une forte croissance et la
multiplication de nouvelles lignes. Cependant, en 1990, l’entreprise accumule 20 millions de livres de pertes. Face à
cette situation, l’entreprise est restructurée et, imitant le modèle économique initié par Southwest Airlines aux États-

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Unis en 1971, se positionne désormais comme la première compagnie «low cost» européenne. Le modèle
économique de Southwest est simple : proposer des vols fréquents sur de faibles distances, sur un réseau «point à
point» et à des prix très compétitifs avec une exigence de ponctualité. En fait, il s’agit de supprimer des services
habituellement offerts par une compagnie (repas, correspondances, sièges attribués, etc.) pour se concentrer
exclusivement sur l’offre de transport, avec un double objectif : capter les passagers des autres compagnies mais
aussi séduire une nouvelle clientèle qui ne prend pas l’avion.

En 1990, fort de cette idée, Ryanair supprime sa classe affaires, ses salons au sol, son programme de fidélité et retire
ses services à bord (bois- sons, restauration, distribution de journaux, sièges attribués et numérotés, billet papier),
dont certains deviennent payants. En 1991, Ryanair déplace sa base de Londres vers le nouvel aéroport de Stansted,
plus éloigné, mais desservi par une ligne de train. Le choix des aéroports «secondaires» devient alors systématique
pour l’entreprise : moins chers en taxes, ils sont aussi généralement moins engorgés, ce qui facilite l’atteinte des
objectifs de ponctualité et permet de limiter les temps d’attente au sol – l’objectif étant de limiter à moins de trente
minutes le temps d’escale pour un avion. 1991 est également la première année de bénéfice pour l’entreprise.

Le décollage

En 1992, Ryanair décide de réduire le nombre de routes desservies, mais augmente la fréquence des vols sur ses
lignes. L’année suivante, l’entreprise rachète huit Boeing 737-800 (configuration du Boeing 737 disposant du
maximum de sièges), livrés en 1994, ce qui lui permet de remplacer son ancienne flotte et de tendre vers une
homogénéisation de son parc d’avions. Cela permet de réduire les coûts de maintenance, les coûts de formation des
pilotes tout en augmentant leur polyvalence sur les différentes lignes. En outre, les Boeing 737 sont des avions moins
onéreux à l’utilisation (d’où le choix initial de Southwest), pour lesquels le seuil de rentabilité est atteint peu après 50
% de taux de remplissage. En 1994, l’entreprise dispose de 523 salariés (23 à sa création). Le principe adopté pour la
gestion du personnel est la polyvalence : ainsi, les hôtesses sont en charge de l’accueil au sol mais aussi des services
en vol et de l’entretien de l’habitacle lors des escales. Par ailleurs, les personnels navigants, recrutés sur la base d’un
contrat de droit irlandais, réalisent entre quatre-vingts et cent vols par mois, soit près de 50 % de plus que dans une
compagnie traditionnelle.

En 1997, l’entreprise reçoit huit nouveaux Boeing 737, rachetés à Lufthansa, et son introduction en Bourse est
réussie, avec une demande de souscription vingt fois supérieure à l’offre de titres. Les salariés, dont le salaire moyen
est sensiblement inférieur à celui des autres compagnies, bénéficient d’actions gratuites et de stock-options. En outre,
sur la ligne Dublin/Londres, Ryanair devient la compagnie la plus ponctuelle (avec un taux d’arrivée dans les délais
de 76 %). En 1998, elle passe commande de quarante-cinq nouveaux Boeing 737. De nouvelles destinations sont
lancées en Europe (Suède, France, Italie, Danemark, Allemagne, etc.). En janvier 2000, la compagnie lance le plus
important site de réservation en ligne en Europe (www.ryanair.com) : en quelques mois, il cumule plus de 50000
réservations par semaine et devient presque le seul mode de réservation de la compagnie. Cette même année, Ryanair
dépasse les sept millions de passagers transportés annuellement.

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L’altitude de croisière

Les années 2000 voient un développement important du nombre de destinations proposées par Ryanair (Belgique,
Norvège, etc.) et malgré la crise du 11 septembre 2001, qui marque un ralentissement important de la demande, et
une augmentation du prix du pétrole, l’entreprise parvient à poursuivre sa croissance (plus de treize millions de
passagers transportés en 2002). Devant cette croissance continue, la compagnie modifie sa commande auprès de
Boeing, passant de quarante-cinq à cent vingt-cinq avions (plus une option de cent vingt-cinq avions
supplémentaires). Par ailleurs, sur les critères de ponctualité, de nombre de vols annulés et de bagages perdus,
Ryanair devient la meilleure compagnie européenne.

En 2005, l’entreprise poursuit sa croissance (en termes de nombre de destinations et de nombre de passagers
transportés) et dispose de la flotte la plus récente de toutes les compagnies européennes (avec une moyenne d’âge de
deux ans pour ses avions). Depuis 2003, la compagnie «low cost» garantit, à la différence de ses concurrents
traditionnels, qu’aucun surcoût lié à l’augmentation du carburant ne soit facturé au client. Ryanair est aujourd’hui le
leader européen du segment « low cost » en Europe. Avec 5000 employés, il transporte environ 52 millions de
passagers annuelle- ment sur 741 trajets et dans vingt-six pays grâce à sa flotte de 163 nouveaux Boeing 737-800 –
une commande de 99 nouveaux appareils a par ailleurs été passée auprès du constructeur aéronautique jusqu’en
2012. Enfin, son taux de remplissage évolue entre 81 et 83 %.

TRAVAIL A FAIRE :

1- Comparez la performance commerciale des trois compagnies


européennes : Ryanair, Air France et British Airways et
commentez leur exposition respective à la hausse du prix du
pétrole.
2- Réalisez un diagnostic, activité par activité, de la chaîne de
valeur de Ryanair.
3- Concluez sur la stratégie générique mise en œuvre par Ryanair
et la rentabilité du modèle « low cost ».

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