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Les principes fondamentaux de la stratégie :

ressources, compétences et pouvoir de marché

Professeur Johnny Boghossian


MNG-6010

© 2020 Johnny Boghossian

Version 2.2
TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION 3

RESSOURCES ET COMPÉTENCES 6

LES STRATÉGIES GÉNÉRIQUES 7

RÉUTILISER DES RESSOURCES ET COMPÉTENCES EXISTANTES 8


ÉCONOMIES D’ÉCHELLE 8
ÉCONOMIES DE CHAMP 9
DÉVELOPPER LE RÉSERVOIR DE RESSOURCES ET COMPÉTENCES DE L’ENTREPRISE 9
CRÉER DES RESSOURCES ET COMPÉTENCES 9
ACQUÉRIR DES RESSOURCES ET COMPÉTENCES 10

POUVOIR DE MARCHÉ 11

ACQUÉRIR UN POUVOIR DE MARCHÉ À L’ÉGARD DES CONCURRENTS : 13


1. CONCURRENCE MULTIPOINT 13
2. SOUTENIR L’EXPLOITATION 13
3. RÉDUIRE LES COÛTS 14
4. SE DIFFÉRENCIER 15
5. CONTRÔLER LA CHAÎNE D’APPROVISIONNEMENT 16
6. CONTRÔLER LES RÉSEAUX DE DISTRIBUTION 16
ACQUÉRIR UN POUVOIR DE MARCHÉ À L’ÉGARD DES FOURNISSEURS : 17
7. CONTRÔLER LA CHAÎNE D’APPROVISIONNEMENT 17
8. RÉDUIRE LES COÛTS 17
9. SE DIFFÉRENCIER 18
ACQUÉRIR UN POUVOIR DE MARCHÉ À L’ÉGARD DES ACHETEURS 18
10. CONTRÔLER LES RÉSEAUX DE DISTRIBUTION 18
11. RÉDUIRE LES COÛTS 18
12. SE DIFFÉRENCIER 19

REMARQUES DE FIN 19

UN POUVOIR DE MARCHÉ POUSSÉ À L'EXTRÊME 19


UN MOT CRITIQUE 20
MIEUX VAUT MOINS QUE TROP : 21
IMPACTS SUR LA SOCIÉTÉ : 22

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INTRODUCTION

Pour comprendre le contexte stratégique d’une entreprise, il faut d’abord inventorier les
trois éléments suivants :

1) son réservoir interne de ressources et compétences ;


2) ses économies d’échelle ou de champ (en comparaison avec ses concurrents) ;
3) son pouvoir de marché.

Voilà les éléments que nous examinerons cette session. Le manuel discute en détail des
ressources, des compétences et des économies, mais le pouvoir de marché est très
important ; nous l’aborderons en détail ci-dessous. Afin de concevoir une stratégie, il faut
d’abord comprendre ces éléments par rapport à l’entreprise, ainsi que par rapport à ses
concurrents dans le secteur, afin d’évaluer si l’entreprise est bien positionnée ou non par
rapport à eux. Dans ce cours, les entreprises ne sont PAS décrites selon leurs produits
(ex : Apple fabrique des téléphones intelligents), mais plutôt selon leur nature (ex : Apple
possède des compétences dans les domaines de la fabrication et du développement de
technologies de téléphonie mobile, telles que des systèmes d’exploitation de téléphones
mobiles, des puces, et la conception de produits).

Dans le cadre de ce cours, il vous faut oublier que les entreprises fabriquent des produits.
Plutôt, il faut considérer qu’elles MONÉTISENT LEURS RESSOURCES ET LEURS
COMPÉTENCES. Une entreprise peut trouver différents moyens de monétiser les
mêmes ressources et compétences, ce qui lui permet de réaliser des économies de champ.
Leurs produits nous sont utiles pour identifier leurs concurrents et dans quel segment de
l’industrie les entreprises s’activent, mais autrement, concentrons-nous sur leurs
ressources et compétences. De plus, les stratégies en soi n'ont que peu de valeur car elles
peuvent être copiées par les concurrents. Le point important est que les stratégies doivent
reposer sur des ressources et des compétences uniques, ce qui constitue le seul véritable
obstacle à la reproduction des stratégies par les concurrents.

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La figure 1 présente un aperçu général du cercle vertueux de la stratégie. Par cercle
vertueux, j’entends le fait que lorsque la stratégie d’une entreprise réussit bien, cette
entreprise améliore sa capacité à mener à terme des stratégies réussies dans l’avenir, ce
qui lui permet de devancer encore davantage ses concurrents. Au début, une entreprise
possède peu de pouvoir de marché et génère peu d’économies, mais avec de la chance et
une bonne planification, elle possède des ressources et compétences VRIO. On discutera
des critères VRIO au cours de la session, mais il suffit pour l'instant de préciser que le
concept fait référence, entre autres, à la spécificité des ressources. Le travail des
gestionnaires est de bien gérer ces ressources et de choisir les meilleurs marchés où les
utiliser. S’ils y parviennent, ils augmentent leur pouvoir de marché, ce qui permet à
l’entreprise de mieux réussir à l’avenir. À un moment donné, le pouvoir de marché peut
devenir l'élément le plus important. Si elle a assez de pouvoir de marché, une entreprise
peut prendre le contrôle de son secteur même si elle ne possède plus les meilleures
ressources. Par exemple, à un moment donné, les nouveaux entrants peuvent disposer
d'une meilleure technologie, mais ils n'arrivent pas à commercialiser leurs produits parce
que l'entreprise contrôle le marché.

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Figure 1 : Le cercle vertueux de la stratégie

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RESSOURCES ET COMPÉTENCES

Les gestionnaires accomplissent une ou plusieurs de ces trois tâches qui ont un impact sur
la position stratégique de l'entreprise : réutiliser les ressources et compétences existantes,
créer de nouvelles ressources et compétences ou acquérir de nouvelles ressources et
compétences. Périodiquement, ils choisissent également de pénétrer de nouveaux
marchés (certaines entreprises n'opèrent que sur un seul marché, cette option ne leur est
donc pas applicable).

On peut faire quelques observations sur ces actions :


1. Il est toujours moins coûteux et plus rapide de réutiliser des ressources que
l’entreprise possède déjà. Ce faisant, on crée des économies d’échelle et de champ.
Toutefois, si les sociétés ne poursuivent pas le développement de leurs ressources et
compétences, même la ressource la plus rentable et la plus rare finira par être imitée.
2. Une façon de poursuivre le développement des ressources et compétences est de
les créer. C’est l’innovation qui permet à une entreprise de créer de nouvelles ressources
et compétences. L’innovation a pour objectif le développement de nouvelles technologies
pour améliorer les produits (ou créer de nouveaux produits) ou les procédés de
fabrication. Dans le cas d’une innovation en matière de procédés, le client n’en aura peut-
être jamais conscience, mais le nouveau procédé peut améliorer l’efficacité et la
rentabilité de l’entreprise. Utiliser l’innovation pour créer de nouvelles ressources et
compétences est très coûteux et demande beaucoup de temps. Le résultat des efforts
d’innovation n’est jamais garanti, ils peuvent se solder par un échec.
3. Une autre manière de poursuivre le développement des ressources et compétence
est de les acquérir de l’extérieur de l’entreprise. Pour ce faire, les entreprises font des
acquisitions et des alliances. Il est beaucoup plus rapide d’acquérir des ressources et
compétences de l’extérieur plutôt que de les créer soi-même, mais les entreprise paient
souvent trop cher lors des acquisitions. Il existe également un risque que l'entreprise
n'atteigne pas le résultat souhaité après l'acquisition. Lorsqu'on parle d'alliances,
l'entreprise n'acquiert pas à proprement parler les ressources et les compétences, car le
partenaire les contrôle toujours et peut même essayer de garder ses compétences secrètes.

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Cependant, en travaillant ensemble, l'entreprise a accès aux ressources et aux
compétences du partenaire. Avec le temps, l'entreprise peut également apprendre du
partenaire, de sorte qu'un jour elle n'aura plus besoin de lui.

Les gestionnaires tentent toujours d’utiliser autant que possible les ressources et
compétences existantes, générant ainsi des économies d’échelle et de champ. Lorsqu’ils
choisissent de pénétrer un nouveau marché, ils doivent d’abord s’assurer que l’entreprise
possède déjà les ressources et compétences nécessaires pour concurrencer dans ce
marché. Même un marché à la croissance très rapide n’attirera une entreprise que si elle
possède déjà certaines des ressources et compétences nécessaires pour y réussir. Créer ou
acquérir toutes les ressources et compétences nécessaires à partir de zéro est si coûteux
que même les opportunités qui semblent alléchantes sur le papier peuvent ne pas en valoir
la peine et le coût. Plus une entreprise réutilise ses ressources et compétences existantes,
plus elle devient rentable.

LES STRATÉGIES GÉNÉRIQUES

Plus une entreprise réutilise ses ressources et compétences existantes, plus elle devient
rentable, mais ses produits évoluent peu d’une année à l’autre. Plus l’entreprise crée ou
acquiert des ressources et compétences, plus elle peut faire évoluer ses produits ou
pénétrer de nouveaux segments de marché. Impossible pour une entreprise de se fier
seulement à ses ressources existantes; elle prendrait du retard par rapport à l’évolution du
marché. En revanche, impossible aussi de se fier entièrement à la création de nouvelles
ressources et compétences; ce serait bien trop coûteux. Toutefois, il existe deux stratégies
qui se situent aux extrémités respectives de ce spectre.

1. D’une part, la stratégie de domination par les coûts. En adoptant cette stratégie, le
gestionnaire tente de maximiser l'efficience de l’entreprise en s’appuyant autant que
possible sur ses ressources existantes. L’emphase est mise sur les économies d’échelle et
de champ. Puisque le développement de nouvelles ressources et compétences est très
coûteux, l’entreprise parvient ainsi à réduire ses coûts.

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2. D’autre part, une entreprise qui adopte la stratégie de différenciation s’efforce de
maximiser son efficacité en acquérant le plus grand nombre de nouvelles ressources et
compétences possible. Une telle entreprise doit vendre des produits de haute qualité, afin
que les clients soient prêts à payer davantage pour les obtenir.

Réutiliser des ressources et compétences existantes


Avec la stratégie de domination par les coûts, la survie à long terme de l’entreprise
dépend de sa capacité à bien réutiliser ses ressources et compétences existantes. Bien sûr,
les entreprises qui adoptent la stratégie de différenciation doivent faire de même, mais ce
n’est pas l’élément clé pour leur survie. Une entreprise qui adopte la stratégie de
domination par les coûts tentera généralement de réutiliser les mêmes usines,
technologies et réseaux de distribution, autant que possible. Par conséquent, le scénario
idéal pour une telle entreprise est de maximiser son volume de production d’une variété
limitée de produits, et de modifier ses produits aussi rarement que possible. Ce faisant,
l’entreprise peut générer des économies d’échelle ou de champ.

Économies d’échelle : Plus une entreprise vend un produit à grande échelle, plus elle
amortit les coûts de conception et de fabrication de chaque article. L’équipement de
fabrication et les procédés de conception peuvent représenter une part importante des
coûts des produits, et plus l’entreprise fabrique le produit en grande quantité, plus les
coûts par article baissent. De plus, plus une entreprise vend un grand volume de produits,
plus elle peut se procurer de l’équipement de fabrication rentable et efficace.

L’augmentation du volume de ventes contribue également à réduire les coûts de


fabrication grâce à l’effet d’apprentissage. Cela se produit lorsqu’une entreprise faisant
appel à une certaine technologie de fabrication apprend à mieux utiliser cette technologie,
lui permettant ainsi de fabriquer son produit à moindre coût. Avec le temps, toutes les
compagnies apprennent à produire davantage pour moins cher, mais plus de volume de
production est important, plus une entreprise apprend rapidement à réduire ses coûts.
L’effet d’apprentissage diffère des innovations en matière de procédés, comme je

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l’expliquerai plus tard. En effet, on n'a pas vraiment besoin d'innovations majeures
développées dans les centres de recherche pour bénéficier de l'effet d'apprentissage.

Économies de champ : Nous discuterons des économies de champ dans la séance sur la
diversification. Les économies d’échelle sont associées à la fabrication d’un produit en
grande quantité, tandis que les économies de champ sont associées à la fabrication de
différents types de produits en réutilisant les mêmes ressources et compétences. Même si
aucun des produits ne se vend en grande quantité, le fait qu'ils soient basés sur les mêmes
ressources et compétences permet néanmoins de réduire leurs coûts. En effet, les coûts de
conception et de fabrication peuvent être partagés par un plus grand nombre de produits.

Développer le réservoir de ressources et compétences de l’entreprise


Avec la stratégie de différenciation, l’entreprise tente de développer ces ressources et
compétences autant que possible, financièrement parlant. Les entreprises qui adoptent la
stratégie de domination par les coûts doivent aussi développer leurs ressources, mais cet
élément n’est pas le facteur le plus important pour leur survie.

Créer des ressources et compétences


Comme mentionné plus tôt, le développement de ressources peut passer par leur création
à l’interne. On appelle ce procédé l’innovation. Il existe deux différences majeures entre
les entreprises suivant la stratégie de domination par les coûts et celles adoptant la
stratégie de différenciation :
1. Premièrement, elles utilisent leurs ressources existantes et les nouvelles ressources
dans des proportions différentes. Il existe un lien évident entre l’innovation et la stratégie
de différenciation. Les entreprises bien différenciées tentent toujours d’augmenter leurs
ressources et compétences internes afin de fabriquer des produits plus avancés et ainsi
d’offrir davantage de valeur à leurs clients. Cependant, même avec une stratégie de
domination par les coûts, les entreprises tentent toujours de trouver de nouvelles manières
de fabriquer leurs produits à prix moindre.
2. Ceci dit, selon la stratégie adoptée, les entreprises se concentrent souvent sur le
développement de différents types de ressources et compétences. Les entreprises adoptant

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la stratégie de différenciation se concentrent sur les innovations pouvant mener à de
nouveaux produits et procédés. Dans le cas des entreprises suivant la stratégie de
domination par les coûts, l’emphase est mise sur les innovations pouvant mener à de
nouveaux procédés qui augmentent l'efficience.

Qu’est-ce que l’innovation? On pense souvent qu’innover, c’est inventer quelque chose
de tout nouveau. C’est faux. Dans la vraie vie, l’innovation ne fonctionne pas comme ça.
En réalité, l’innovation est l'expansion des ressources et compétences existantes. On
aurait beaucoup de difficulté à apprendre quelque chose de nouveau si l'on n'avait pas
déjà une base préexistante en la matière. Par exemple, la compétence d’un chanteur est
peut-être une capacité à manipuler les rythmes musicaux. Pour ce chanteur, innover en
composant une mélodie publicitaire est beaucoup plus facile que d’innover en
développant une nouvelle technologie électronique. Les gens et les entreprises essaient de
s’améliorer dans les domaines où ils sont déjà doués.

Les ressources et compétences sont créées au moyen de recherche et de développement


interne. Les scientifiques et les ingénieurs de l’entreprise essaient de dépasser les limites
des technologies existantes. Ils créent aussi des synergies de savoir-faire. Une synergie du
savoir-faire combine les idées et les technologies provenant de plusieurs parties d’une
entreprise diversifiée. Les différentes divisions ont souvent des ressources et
compétences différentes en matière de savoir, et les recombiner donne parfois naissance à
de toutes nouvelles technologies.

Acquérir des ressources et compétences


La création de nouvelles ressources et compétences est chronophage; il est parfois
possible de se les procurer à l’extérieur de l’entreprise. Il est toujours préférable pour une
entreprise de développer ses propres ressources et compétences, car le processus d’essais
et erreurs est un bon apprentissage. Toutefois, acquérir les ressources est plus rapide que
de les créer soi-même.

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Par exemple, les fusions, acquisitions, partenariats, alliances, et l’achat de licences
permettent tous à une entreprise d’accéder à de nouvelles ressources et compétences
qu’elle aurait peut-être été incapable de développer elle-même. Toutefois, même dans ce
cas, une entreprise ne peut acquérir des ressources et compétences complètement
différentes de celles qu’elle possède déjà, autrement elle ne saura pas quoi en faire.
Imaginez que les humains découvrent une technologie extraterrestre très avancée.
Impossible de l’utiliser, car nous ne savons même pas de quoi il s’agit ou comment elle
fonctionne. Pareillement, on ne verra jamais un constructeur d’avions développer un
nouveau type de carburant pour aéronef. Le constructeur ne s’y connaît pas en produits
pétroliers ou en chimie.

Dans ce cas, d’où proviennent donc les technologies entièrement nouvelles ? Souvent, les
technologies très innovantes ayant le potentiel de transformer les industries sont
développées par des entreprises travaillant dans des secteurs différents, avec un ensemble
de ressources et compétences complètement différent. Ces innovations radicales sont
aussi mises au point par des start-ups, qui ne dépendent pas de technologies existantes et
n’ont pas encore de clientèle à satisfaire.

POUVOIR DE MARCHÉ

Pourquoi tant d’efforts ? Pour gagner un pouvoir de marché. Cette session, oubliez les
profits ! Les profits sont le résultat de stratégies bien développées. Aussi, gagner des
profits aujourd’hui, c’est bien joli, mais rien ne dit que vous ferez des profits l’an
prochain. Les gestionnaires adoptent des horizons plus éloignés (cinq ans et plus). Dans
le cadre de ce cours, l’objectif d’une stratégie est de gagner un POUVOIR DE
MARCHÉ. Vous connaissez le jeu de société Risk, où l’objectif est de dominer le monde
? L’objectif d’une stratégie est de dominer le marché. Bien sûr, toutes les entreprises ne
peuvent dominer leur marché, mais essayer d’y arriver les oriente dans la bonne voie. De
plus, dans certains cas, les entreprises peuvent identifier des niches dans le marché et
essayer de dominer ces niches : C’est beaucoup plus facile que de dominer le marché en

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général, et cela s’appelle une stratégie de focalisation (donc, il peut y avoir une stratégie
de domination par les coûts focalisée et une stratégie de différenciation focalisée).

Le pouvoir de marché se définit comme la capacité d’une entreprise à exercer une


influence sur ses acheteurs, ses fournisseurs et ses concurrents.
• Il faut d'abord procéder à une analyse des forces qui agissent sur l'industrie. Une
entreprise est dite puissante sur le marché si elle peut contrecarrer ces forces
PLUS que ses concurrents. En d'autres termes, si toutes les entreprises d'un
marché ont une influence égale sur leurs fournisseurs, c'est peut-être une
caractéristique de leur secteur et cela n'a pas beaucoup à voir avec les décisions
prises par les dirigeants de l'entreprise en question.

Pour une entreprise active dans un seul marché, il suffit d’augmenter sa part de marché
pour gagner en pouvoir de marché. La part de marché et le pouvoir de marché sont
souvent synonymes ; la part de marché est donc souvent considérée comme un indicateur
du pouvoir de marché. Toutefois, la part de marché en soi n’explique pas POURQUOI
une société a un pouvoir de marché. Pour cela, il faut comprendre les mécanismes
spécifiques permettant à une entreprise d’exercer son influence sur ses acheteurs, ses
fournisseurs et ses concurrents. De plus, mettre trop d’emphase sur la part de marché
dans un secteur, c’est ignorer le pouvoir qui découle de la diversification, même si la part
de marché de l’entreprise n’est pas la plus importante. Par conséquent, il faut indiquer la
part de marché d’une entreprise pour tous les secteurs où elle s’active, et il faut aussi
comprendre la signification de ces chiffres.

On dit d’une entreprise qui s’active dans plusieurs secteurs qu’elle est diversifiée. La
diversification peut générer un pouvoir de marché particulier. Point intéressant, même si
en théorie les concurrents peuvent imiter la stratégie de diversification en pénétrant les
mêmes marchés, en réalité, seuls les concurrents importants arrivent à le faire. La
diversification exige des ressources excédentaires importantes car il s’agit d’un gros
investissement. Ainsi, on peut dire que la diversification distingue les entreprises riches
des entreprises pauvres. Les riches s’enrichissent et les pauvres s’appauvrissent. Les

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grandes entreprises diversifiées deviennent de plus en plus rentables et puissantes. Les
entreprises avec peu de moyens finissent par faire faillite ou se font racheter, ce qui
accroît le taux de concentration de l’industrie (ou encore, elles se concentrent sur des
niches commerciales délaissées par les grandes sociétés).

Vous trouverez ci-dessous les mécanismes qui contribuent à accroître le pouvoir de


marché. Comme indiqué ci-dessus, les entreprises peuvent poursuivre ces actions afin de
contrecarrer les forces qui affectent leurs industries. Idéalement, elles seront en mesure de
contrecarrer ces forces plus que leurs concurrents. Remarque : les mécanismes ci-dessous
sont présentés individuellement, mais plusieurs sont souvent utilisés en même temps.

Acquérir un pouvoir de marché à l’égard des concurrents :


1. Concurrence multipoint: Les sociétés diversifiées acquièrent un pouvoir de
marché particulier. Lorsque des concurrents rivalisent l’un avec l’autre dans
plusieurs marchés, on appelle cela de la concurrence multipoint. Les entreprises
en situation de concurrence multipoint ont tendance à être moins combatives les
unes contre les autres. Elles préfèrent s’attaquer à des concurrents avec lesquels
elles rivalisent dans un seul marché, et tenter de prendre le contrôle de leurs parts
de marché. La raison est simple. Avec une concurrence multipoint, les entreprises
savent qu’attaquer leurs concurrents dans un marché entraînera une riposte dans
un autre marché. Par conséquent, le simple fait d’être de force égale avec ses
concurrents dans plusieurs marchés peut les rendre moins hardis. Avec moins
d’attaques de la part de leurs concurrents, la concurrence diminue et les profits
des deux entreprises augmentent (et les prix aussi).
2. Soutenir l’exploitation : Les entreprises diversifiées acquièrent un autre pouvoir
de marché particulier. Les entreprises diversifiées peuvent transférer les profits
d’une division à une autre, soutenant les divisions moins rentables. Aucune
entreprise ne veut avoir des divisions peu performantes. Toutefois, il faut parfois
du temps pour développer de nouvelles ressources et compétences afin de
répondre aux besoins d'un marché et il est utile de pouvoir soutenir
financièrement le processus par une diversification. Toutefois, bien que ce

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mécanisme soit important, rappelez-vous que les conglomérats l’utilisent aussi et
qu’en soi, ce mécanisme n’explique pas pourquoi les diversifications liées sont
avantageuses pour l’entreprise (on verra les diversifications liées lors de la séance
sur la diversification).
3. Réduire les coûts : Plus les coûts de production sont faibles par rapport à ceux des
concurrents, plus le pouvoir de marché est élevé parce que moins de concurrents
veulent attaquer l'entreprise. Les concurrents ne se lanceront pas dans une guerre
des prix car ils savent que l’entreprise qui domine par les coûts peut se permettre
de les réduire encore plus. Tout le monde est bien content de garder les prix à la
hausse. N’oubliez pas qu’une entreprise avec les coûts de production les plus bas
n’offrira pas nécessairement ses produits au prix le plus bas, elle peut plutôt
choisir de maintenir une plus grande marge de profits. Par exemple, l’entreprise
qui domine par les coûts peut établir des prix plus bas pour forcer ses concurrents
à faire faillite puis augmenter ses prix pour une plus grande marge de profits.
Prenez l’exemple de Netflix : à mesure que les distributeurs de télévision par
câble font faillite l’entreprise augmente sa part de marché, ce qui lui permet
d’augmenter progressivement ses prix puisqu’elle a moins de concurrence (cela
dit, la situation est devenue plus complexe lorsque d'autres grands joueurs sont
entrés sur le marché de la diffusion de films en continu).
a. Stratégie concurrentielle : Dans chaque secteur, l’entreprise s’efforcera de
réduire ses coûts de production au maximum soit en augmentant sa part de
marché, ce qui génère des économies d’échelle, en développant des
technologies particulières lui permettant d’être plus rentable (ressources et
compétences VRIO), ou en créant un modèle économique unique. Par
exemple, c’est le modèle économique unique d’Uber et non sa technologie
qui lui permet de charger moins cher que les taxis.
b. Stratégie d’entreprise : L’entreprise peut générer des économies de champ
en répartissant les coûts de certaines opérations sur plusieurs marchés (la
diversification entraîne aussi des dépenses administratives
supplémentaires, les économies réalisées doivent donc dépasser ces coûts).

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• En outre, l'intégration verticale peut contribuer à réduire les coûts.
L'intégration en amont peut permettre à l'entreprise de maintenir un
meilleur contrôle sur la qualité et le calendrier des livraisons d'intrants.
L'intégration en aval peut permettre à l'entreprise de maintenir une
demande interne stable. Les usines fonctionnent le plus efficacement
lorsqu'elles ont une demande prévisible. Ainsi, en devenant son propre
acheteur, l'entreprise peut s'assurer que ses usines fonctionnent à leur
niveau le plus efficientes. Toutefois, il faut s'assurer que ses produits
transférés en interne entre les divisions sont compétitifs par rapport
aux produits que la division en aval pourrait acquérir à l'extérieur.
4. Se différencier : De même, plus une entreprise est différenciée, plus son pouvoir
de marché est élevé. Les entreprises bien différenciées fidélisent leurs clients. Les
concurrents hésitent à se frotter aux entreprises bien différenciées parce qu’ils
savent qu’il leur faudra offrir soit des baisses de prix massives ou des
améliorations énormes du point de vue technologique pour attirer leurs clients.
a. Stratégie concurrentielle : Dans chaque secteur, les entreprises bien
différenciées s’efforcent de développer des ressources et compétences
VRIO. Si elles y parviennent, leurs concurrents ne pourront jamais les
rattraper. Comme je l'ai dit plus tôt, l'innovation repose sur l'élargissement
des compétences technologiques existantes. Une entreprise qui commence
avec de bonnes compétences technologiques peut garder une longueur
d'avance sur ses concurrents dans la course à l'innovation.
b. Stratégie d’entreprise : La diversification d’une entreprise peut contribuer
à sa différenciation en lui permettant d’offrir une valeur additionnelle à ses
clients. Il existe plusieurs moyens d'offrir une plus grande valeur aux
clients : 1) ajouter de nouvelles fonctionnalités de produits en associant
plusieurs produits à travers différents secteurs (par exemple, les
ordinateurs Apple reçoivent des textos envoyés avec des iPhones, il est
donc avantageux de se procurer les deux); 2) Parfois, ce n’est pas le
produit en soi qui offre une valeur additionnelle, mais la large gamme de
produits offerte par l’entreprise. Par exemple, les acheteurs et les

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fournisseurs préfèrent faire affaire avec le moins d’entreprises possibles.
Ils vont donc préférer s’approvisionner auprès de l’entreprise qui vend ou
achète la plus grande variété de produits, même si faire affaire avec un
grand nombre de petites entreprises moins diversifiées serait plus rentable.
• De plus, l'intégration verticale peut contribuer à la différenciation.
L'intégration en amont peut permettre à l'entreprise de s'éloigner des
pièces standardisées (c'est-à-dire « off-the-shelf ») et de développer des
pièces plus performantes. L'intégration en aval peut permettre à
l'entreprise d'ajouter de la valeur à ses produits. Par exemple, les
magasins Apple Store ajoutent un niveau de service via leur « Genius
Bar » que les concurrents ne peuvent égaler.
5. Contrôler la chaîne d’approvisionnement : Les entreprises qui contrôlent la
chaîne d’approvisionnement de leurs concurrents acquièrent un pouvoir de
marché. Dans ce cas, la qualité et le prix des intrants pour les entreprises d’un
secteur sont établis par l’un de leurs concurrents directs !
a. Intégration verticale : Les entreprises peuvent opter pour une intégration
verticale en amont, devenant ainsi les fournisseurs de leurs concurrents.
Samsung est un bon exemple; l’entreprise fabrique des puces pour ses
téléphones et les vend aussi à ses concurrents. Samsung réserve
l’utilisation de ses puces derniers cri à ses téléphones pendant quelques
mois avant d’en débuter la vente à ses concurrents, ce qui donne aux
téléphones Samsung un avantage.
b. Influencer les fournisseurs : Le même effet peut être observé sans
intégration verticale lorsqu’une entreprise conclut un contrat d’exclusivité
avec ses fournisseurs ou fait pression sur eux. C’est possible pour une
entreprise qui possède une grande part de marché ou qui est l’acheteur
principal de ce fournisseur. Dans ce cas, les concurrents de l’entreprise
perdent accès à cet intrant.
6. Contrôler les réseaux de distribution : Les entreprises qui contrôlent les réseaux
de distribution de leurs concurrents acquièrent un pouvoir de marché.

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a. Intégration verticale : Les entreprises peuvent opter pour une intégration
verticale en aval, devenant ainsi les distributeurs de leurs concurrents.
b. Influencer les acheteurs : Il est aussi parfois possible de conclure un
contrat d’exclusivité avec les distributeurs et détaillants ou de faire
pression sur eux, ce qui bloque l’accès des concurrents à ce réseau. Une
entreprise peut influencer les distributeurs si elle contrôle une grande part
de marché. Dans les épiceries, de nombreuses marques appartiennent à un
petit groupe d'entreprises. Par exemple, les grands producteurs de produits
alimentaires entretiennent des relations étroites avec les détaillants et
peuvent facilement ajouter un nouveau produit sur les rayons des
magasins. Il est très difficile pour les nouvelles entreprises de faire de
même.

Acquérir un pouvoir de marché à l’égard des fournisseurs :


7. Contrôler la chaîne d’approvisionnement : Voir le point 5 pour plus
d'informations sur les chaînes d'approvisionnement.
a. Intégration verticale : Une analyse de l’industrie révèle parfois que le
secteur des fournisseurs a beaucoup de pouvoir. Dans ce cas, pénétrer
l’industrie des fournisseurs au moyen d’une intégration verticale est une
manière de contourner leur monopole. Ainsi, la société ayant réalisé une
intégration verticale n’a même pas à négocier avec eux ! Bien sûr,
lorsqu’un secteur a beaucoup de pouvoir, c’est souvent parce qu’il est très
concentré et qu’il existe des barrières importantes à l’entrée, alors c’est
plus facile à dire qu’à faire.
b. Pouvoir de négociation : Les entreprises contrôlant une grande part de
marché achètent en grande quantité ce qui leur permet de négocier des prix
plus bas. Elles peuvent aussi conclure des contrats d’exclusivité avec les
fournisseurs (ce qui leur permet d’acquérir un pouvoir de marché sur leurs
concurrents, comme mentionné plus haut).
8. Réduire les coûts : Même lorsque le secteur des fournisseurs a beaucoup de
pouvoir, l’entreprise ayant les coûts de production les plus bas est protégée dans

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une certaine mesure d’une augmentation des prix des intrants par les fournisseurs.
Cette entreprise peut absorber une augmentation des coûts de production plus
facilement, puisque ces coûts sont les plus bas. Les concurrents avec une plus
petite marge de profit voient celle-ci s’envoler (voir aussi les points 3a et 3b).
9. Se différencier : Les entreprises les mieux différenciées ne sont pas aussi
sensibles à une augmentation des prix des intrants de la part des fournisseurs,
même dans le cas où le secteur des fournisseurs a beaucoup de pouvoir. Ces
entreprises ont les plus grandes marges de profit dans le secteur, elles peuvent
donc absorber une augmentation de coûts de production plus facilement. Leurs
clients sont loyaux, il est donc plus facile de leur faire accepter une augmentation
des prix (voir aussi les points 4a et 4b). L'inverse s'applique également. Les
entreprises dont les produits ne sont pas différenciés ont de faibles marges et sont
donc moins capables d'absorber les augmentations de prix des fournisseurs.

Acquérir un pouvoir de marché à l’égard des acheteurs :


10. Contrôler les réseaux de distribution : Voir aussi le point 6.
a. Intégration verticale : Une analyse de l’industrie révèle parfois que le
secteur des acheteurs (comme les distributeurs ou détaillants) a beaucoup
de pouvoir. Dans ce cas, pénétrer l’industrie des acheteurs au moyen d’une
intégration verticale est une manière de contourner leur monopole. Bien
sûr, lorsqu’un secteur a beaucoup de pouvoir, c’est souvent parce qu’il est
très concentré et qu’il existe des barrières importantes à l’entrée, alors
c’est plus facile à dire qu’à faire.
b. Pouvoir de négociation : Les entreprises contrôlant une grande part de
marché vendent une grande quantité de produits, ce qui leur permet de
négocier des prix plus élevés pour l’achat de leurs produits. Elles peuvent
aussi conclure des ententes d’exclusivité avec les acheteurs, comme
mentionné plus haut, et ainsi acquérir un pouvoir sur leurs concurrents.
(Voir aussi les points 6a et 6b).
11. Réduire les coûts : Même lorsque le secteur des acheteurs a beaucoup de pouvoir,
l’entreprise ayant les coûts de production les plus bas est protégée dans une

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certaine mesure de l’influence exercée par les acheteurs demandant une baisse des
prix. Cette entreprise peut absorber une baisse du prix de vente plus facilement,
puisque ces coûts sont les plus bas. Les concurrents avec une plus petite marge de
profit voient celle-ci s’envoler (voir aussi les points 3a et 3b).
12. Se différencier : Les entreprises les mieux différenciées ne sont pas aussi
sensibles à l’influence exercée par les acheteurs exigeant une baisse des prix,
même dans le cas où le secteur des acheteurs a beaucoup de pouvoir. Ces
entreprises ont les plus grandes marges de profit dans le secteur, elles peuvent
donc absorber une baisse du prix de vente plus facilement. En plus, leurs clients
sont loyaux, il est donc rare qu’ils réclament une baisse des prix (voir aussi les
points 4a et 4b). L'inverse s'applique également. Les entreprises dont les produits
ne sont pas différenciés ont un pouvoir de marché très faible et subissent de fortes
pressions de la part des acheteurs pour qu'elles réduisent leurs prix.

REMARQUES DE FIN

Un pouvoir de marché poussé à l'extrême

Poussé à l'extrême, le pouvoir de marché devient le but du jeu. Il y a la croyance que les
meilleures entreprises survivent, tandis que les pires disparaissent. Il y a de nombreuses
raisons pour lesquelles ce n'est pas vrai. Nous discutons ici de l'une d'entre elles, qui est
liée au pouvoir de marché. Les entreprises les plus puissantes sur le marché ne disposent
pas nécessairement des ressources et des compétences de la meilleure qualité. C'est leur
pouvoir de marché qui leur permet de détruire leur concurrence (ou même d'empêcher
leur concurrence d'entrer sur le marché).
a. Stratégie concurrentielle : Imaginez une entreprise ayant une très grande part de
marché. L'entreprise contrôle essentiellement le marché. Vous souhaitez réserver une
chambre d’hôtel ? Vous vous croyez vigilant en vérifiant de nombreux sites ? Ne
vous inquiétez pas, la plupart des grands sites n'appartiennent qu'à deux entreprises.
Pensez-vous que ces deux entreprises sont en concurrence acharnée ? Ce que l'on peut

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dire avec certitude, c'est que ces deux entreprises doivent exercer des pressions
énormes sur les hôteliers pour qu'ils paient des commissions de plus en plus élevées.
Le même phénomène s'applique région par région ou quartier par quartier. Par
exemple, dans plusieurs villes américaines, les cafés Starbucks sont à chaque coin de
rue. Starbucks pourrait sans doute réduire ses coûts en limitant son nombre
d’établissements, mais son omniprésence empêche d’autres concurrents
(potentiellement meilleurs qu’elle) de pénétrer le marché de ces villes. Toutefois, il
convient de noter que le même phénomène peut contribuer à protéger les entreprises
plus petites dans les régions où elles sont fortement implantées. Par exemple, pendant
de nombreuses années, quand on allait à Boston, on voyait des Dunkin Donuts à
chaque coin de rue, mais peu de Starbucks. Même si Dunkin Donuts avait
pratiquement disparu dans de nombreuses villes, Starbucks a eu de la difficulté à
pénétrer le marché de Boston en raison de la part de marché élevée et localisée de
Dunkin Donuts.
b. Stratégie d’entreprise : Les entreprises peuvent choisir de se diversifier dans
plusieurs secteurs précisément pour empêcher des concurrents d’y pénétrer. Par
exemple, en plus de la stratégie de Starbucks déjà mentionnée, Starbucks a aussi
racheté Teavana. Ainsi, dans ces régions, que vous préfériez le thé ou le café, c’est
Starbucks qui vous le vend. C'était à une époque où l'on craignait que le thé ne
remplace le café. Starbucks a depuis vendu Teavana. Autre exemple, la grande
panoplie de produits d’épicerie en magasin sont tous produits par quelques grandes
entreprises alimentaires. Ces entreprises peuvent conclure des ententes avec les
chaînes de supermarchés (voir point 5b) pour empêcher les nouveaux producteurs
alimentaires (potentiellement meilleurs qu’eux) de vendre leurs produits (ex : réseaux
de distribution).

Un mot critique

Le texte ci-dessus a développé des concepts qui sous-tendent la théorie de la stratégie.


Cependant, comme tout texte, il communique certaines valeurs. Bien que ces valeurs

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restent souvent à l'arrière-plan, dans cette section, je les examinerai en détail et donnerai
un autre aperçu de ce qui a été dit plus haut.

Mieux vaut moins que trop : Le domaine de la stratégie est dominé par une idéologie
hypermasculine axée sur le pouvoir. L'idéologie produit une image de PDG (souvent des
hommes) qui entreprennent de grandes stratégies qui révolutionnent leur domaine et
conduisent à la domination de leurs entreprises sur leurs marchés. La réalité, c'est que
souvent mieux vaut moins que trop. Une grande partie des profits des entreprises sont
définis par leurs marchés. Les entreprises qui restent à l'écoute de leurs clients et qui
suivent l'évolution des technologies peuvent être assurées de générer les rendements
moyens de leurs industries, ce qui est souvent suffisant. Les concepts de ce document
fournissent un schéma pour choisir entre différentes stratégies et pour comprendre les
stratégies des concurrents. Toutefois, les risques augmentent lorsque les dirigeants
commencent à chercher des rendements supérieurs à ceux de l'industrie. Plus on essaie
d'accumuler un pouvoir de marché et de battre le rendement moyen de l'industrie, plus les
paris sont importants et plus le risque est grand si les paris échouent. Les ressources et les
compétences distinctives ne se construisent pas du jour au lendemain, elles se créent sur
de nombreuses années. De plus, on compte beaucoup sur tous les niveaux de l'entreprise
pour élaborer des stratégies. Si l'on considère les stratégies comme émergentes (ce dont
on discutera lors de la dernière séance), on se rend compte que les meilleures idées
peuvent venir des niveaux les plus bas de l'entreprise, et non du sommet, et entièrement
par hasard.

Cependant, les médias ne nous aident pas toujours à voir le vrai visage de la stratégie, qui
est basée sur une action lente et méthodique, reposant sur le développement des capacités
des employés. Nous entendons constamment dans les médias parler d'entreprises hyper
performantes et de leurs stratégies « révolutionnaires ». Ils font penser que si l'on imitait
ces stratégies, on obtiendrait aussi des rendements fulgurants. Souvent, une stratégie ou
un modèle économique fonctionne grâce à une culture organisationnelle unique.
Transplanter ces stratégies dans une autre entreprise sans y penser peut mener au

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désastre. En plus, souvent nous n'entendons pas parler de ces entreprises cinq ans plus
tard lorsqu'elles sont en difficulté ou même en faillite.

Cette idéologie aussi fait croire que les entreprises sont en concurrence totale. En réalité,
les entreprises se ressemblent beaucoup plus qu'elles ne diffèrent. Il y a de la sécurité
dans le nombre. Plus une entreprise se différencie, plus il devient difficile pour les
consommateurs, les fournisseurs, les employés potentiels et les investisseurs de
comprendre ses produits et ses modèles économiques. Un manque de compréhension
entraîne une réduction des ventes et des investissements. Cela ne pose peut-être pas de
problème pour des entreprises comme Apple qui disposent de ressources considérables,
mais pour le commun des mortels des entreprises, cela peut facilement conduire à leur
disparition. De plus, souvent les concurrents se rassemblent et coopèrent au moyen
d'associations industrielles. Il existe souvent un haut niveau de coopération dans les
industries. En particulier dans les nouvelles industries, les entreprises travaillent en
étroite collaboration pour construire les institutions et les normes qui caractériseront leurs
marchés. De plus, les concurrents coopèrent souvent pour faire pression sur les
gouvernements, afin d'affaiblir les lois et règlements.

Impacts sur la société : Nous avons discuté tout au long de ce document de


l'accumulation d'un pouvoir de marché comme but ultime d'une stratégie. Mais quels sont
les effets sur la société de l'accumulation du pouvoir par les entreprises ? Les
économistes nous diront que les entreprises qui sont en meilleure santé et qui peuvent
fournir de meilleurs produits et services ou à moindre coût sont bonnes pour l'économie
et la société. Selon cette logique, il n'y a rien de mal à ce que des entreprises plus faibles
fassent faillite et que des entreprises plus fortes prennent la relève. Toutefois, leurs
théories supposent souvent des industries fragmentées où les acheteurs et les fournisseurs
sont nombreux et où le niveau de concurrence reste élevé. Ce que nous apprend ce
document, c'est que les entreprises essaient d'acquérir un pouvoir pour contrecarrer les
forces.

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Comme tout système, ce système a besoin de contrepoids pour fonctionner correctement.
Les marchés libres sont une fable, parce que les marchés sont des espaces sociaux qui
doivent suivre les règles de la société. Les grandes entreprises peuvent être en mesure
d'évincer des concurrents plus petits, mais elles ont besoin de contrepoids tels que les
médias, les mouvements sociaux et le gouvernement pour assurer le maintien de la
concurrence. Les grandes entreprises peuvent dépenser des millions de dollars en
lobbying politique et les consommateurs n'ont aucune chance de réagir efficacement s'ils
restent fragmentés. Il incombe aux médias, aux groupes de consommateurs et au
gouvernement de s'élever contre une trop grande consolidation et de mieux réglementer
les entreprises. Il n'y a rien de mal à empêcher les entreprises d'acquérir leurs concurrents
ou même de démanteler des entreprises géantes qui ont déjà trop de pouvoir de marché.
Lorsque les entreprises gagnent beaucoup de pouvoir sur un marché, il incombe
également aux mouvements sociaux et aux médias de veiller à ce que les entreprises ne
prennent pas de recul face à leurs obligations sociales. Alors que les entreprises cherchent
à acquérir un pouvoir de marché, elles ont besoin de freins et contrepoids pour s'assurer
qu'elles n'en acquièrent pas trop.

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