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INTRODUCTION

Le droit administratif est communément appelé « le droit de l’administration » ; c’est dire


que l’objet du droit administratif ne peut être défini que par le concept « administration ». Par
conséquent, la production du cours du droit administratif passe avant tout par la maîtrise du
concept « administration ». Ensuite, il sera utile de situer le droit administratif dans l’ensemble
des études du droit. Il faudra à cet effet définir le droit administratif.

CHAPITRE PREMIER :
L’OBJET DU DROIT ADMINISTRATIF

Sous ce chapitre, nous aborderons : le concept « administration » (section 1), le rôle et la


place de la fonction administrative au sein de l’Etat (section 2).

SECTION I. LE CONCEPT «ADMINISTRATION »


Etymologiquement, le mot administration vient du latin « administrare » et se traduit par
« rendre service », « être utile à quelque chose ». L’administration est donc par essence un
service à rendre à l’une ou l’autre occasion. Dans le langage français, le verbe administration veut
dire « gérer une affaire ». De ce point de vue, il y aurait dans la vie en société autant
d’administration qu’il y aurait des matières à gérer. C’est autant dire que le mot administration
n’est pas l’apanage du seul droit administratif. Il se retrouve dans l’activité publique que dans
l’activité privée. En effet, les activités en société se réalisent dans le cadre d’une gestion de telle
sorte qu’il existe dans l’administration privée la gestion d’une boutique, de la famille, d’une
entreprise, d’une industrie. C’est ici le lieu de relever le concept ‘Conseil d’Administration’ que
l’on retrouve dans les sociétés tant civiles que commerciales.
L’administration dont question en droit administratif est celle qui consiste à gérer les
affaires de l’Etat. Ainsi, l’administration privée gère les affaires privées et celle publique gère les
affaires publiques et donc de l’Etat. Cette administration publique s’écrira désormais avec A
majuscule.
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Toute la question est celle de savoir : « En quoi consiste les affaires de l’Etat qui puisent
nous permettre de parler de l’administration ? ». La réponse à cette question réside dans la
compréhension des missions de l’Etat car les affaires de l’Etat doivent répondre aux missions de
l’Etat.
Il y a entre Etat et les citoyens un contrat social ; un contrat par lequel les citoyens
aliènent leur souveraineté au profit « du pouvoir politique ». Le pouvoir politique est une autorité
instituée par la conscience collective d’un peuple à un moment donné de son histoire, autorité
soutenue par l’idée du droit du souverain en vue de réaliser le bien social commun.
(Le pouvoir politique se matérialise par une autorité mais cette autorité est voulue par l’intime
conviction d’un peuple ; ce peuple s’exprime par une idée qui devient une idée du droit).
C’est cette idée du droit que l’on appelle la loi fondamentale (la Constitution). C’est là que réside
le contrat. Tout ceci c’est pour que le peuple trouve son bonheur.
(La politique doit servir au bien social commun, au bonheur du peuple. Le pouvoir politique doit répondre aux
aspirations du peuple).
A la naissance de l’Etat, les hommes ont refusé d’être nomades et ont opté pour la
sédentarité en vue de réaliser sur un territoire donné les objectifs communs. La communauté a
senti le besoin d’être pris en charge par une autorité capable de réaliser ce que les individus ne
pourraient réaliser par eux-mêmes ; c’est ainsi que le pouvoir politique constitue l’un des
éléments essentiels de la constitution de l’Etat. Les affaires de l’Etat vont viser la réalisation du
bien social commun à travers la distinction entre les missions de l’Etat gendarme et les missions
de l’Etat providence.

A. Missions de l’Etat gendarme

Le rôle traditionnel de l’Etat est celui d’organiser la société, de créer au sein de la société
la règle de conduite sociale en vue d’empêcher le trouble social, les déséquilibres dans
l’harmonie de vie en société en vue d’empêcher les injustices sociales. Dans cette vision, l’Etat
gendarme a reçu un rôle important, celui de maintenir l’ordre social au sein de la société. Nous
examinerons ce rôle en trois volets :
1. la protection de l’ordre public ;
2. l’encadrement social des citoyens ;
3. la promotion d’une justice sociale.
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1°. La protection de l’ordre public

L’Etat gendarme est celui qui assure la sécurité des biens et des personnes, la tranquillité
publique et la salubrité publique ; telles sont les composantes essentielles de l’ordre public.

Les citoyens ont besoin des règles de conduite sociale qui puissent prévenir les atteintes à
la liberté et au droit des citoyens. La sécurité des biens et des personnes passent par la protection
de la propriété privée, la garantie de l’intégrité physique, la protection du domicile, la
réglementation de la circulation routière… ; elle passe aussi également par la sauvegarde de la
tranquillité des citoyens ; la paix sociale des citoyens exige le respect de la tranquillité de chacun
afin d’éviter que le mauvais comportement des uns ne puisse nuire à la tranquillité des autres ‘un
des aspects du respect d’autrui). La protection de l’ordre public passe enfin par le développement
de la salubrité publique. Il est évident que la santé publique fait partie de la paix des citoyens.
Elle précède les maladies et les soins médicaux ; au lieu de construire les hôpitaux, le rôle de
l’Etat est d’abord d’empêcher les citoyens à fréquenter les hôpitaux, c’est-à-dire de favoriser un
environnement sein qui puisse éloigner les maladies, de mettre en place les conditions d’hygiène
et des programmes de vaccination pour éradiquer certaines maladies ou tout au moins diminuer
les risques de contagion. La salubrité publique est aussi importante que la tranquillité publique et
la sécurité des biens et des personnes

La protection de l’ordre public donne ainsi naissance à la gestion de plusieurs affaires de


l’Etat que le droit administratif circonscrit dans ce que l’on appelle « police administrative ».
Celle-ci est un ensemble des matières gérées par une Administration Publique ; ce n’est donc
plus l’Etat gendarme qui s’occupe de la protection de l’ordre public mais plutôt l’administration.
Celle-ci est constituée par un ensemble des services chargés de gérer la sécurité des biens, des
personnes, la tranquillité publique et la salubrité publique ; l’administration intervient ici par des
mesures de police et des sanctions de police.
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2°. L’encadrement social des citoyens

En créant l’Etat, les citoyens ont voulu éviter la loi de la jungle, la loi du plus fort. Ils ont
eu en vue besoin d’un Léviathan pour organiser la société en vue d’établir un équilibre entre les
citoyens et de permettre l’encadrement de ceux-ci. C’est sur cette base que l’Etat a eue également
pour mission de créer les conditions d’une vie sociale harmonieuse en mettant en place des règles
de conduite sociale de manière à gérer les relations entre les individus dans la vie familiale en vue
de réaliser le partage équitable de l’espace foncier, en vue de protéger les échanges entre les
individus.
L’Etat gendarme, dans son rôle d’encadrement social, est également appelé à réglementer
la vie économique au sein de la société et à organiser la contribution des citoyens à la charge des
affaires de l’Etat. Toutes ces missions reconnues à l’Etat gendarme trouvent leur terrain
d’application dans leur gestion par les différents services créés par l’Etat et ils forment également
l’Administration Publique : les services de l’état civil, des affaires foncières, de l’urbanisme, les
services économiques, des impôts et taxes.

3°. La justice sociale

L’Etat gendarme réalise la justice sociale en mettant en place des règles qui préviennent et
qui répriment le mauvais comportement des citoyens au sein de la société mais également des
règles de droit civil et de droit commercial pour favoriser les relations entre les individus ; toutes
ces règles trouvent leur équilibre dans l’administration de la justice, dans la mise en place des
mécanismes qui permettent soit de sanctionner soit d’assurer l’arbitrage en cas de conflit.
Il serait malaisé de considérer que la justice n’est pas une affaire de l’administration car
lorsque l’on fait la distinction entre dire le droit et gérer les affaires de la justice on se rend vite
compte que la gestion de ces affaires ne relève pas du juge mais plutôt de l’administration. C’est
autant dire que toute la fonction du juge s’appuie dans l’administration qui intervient tant en
amont qu’en aval. L’acte juridictionnel est précédé par des formalités administratives et est
accompagné par des formalités administratives. L’Etat gendarme est celui qui crée des services
publics de la justice. C’est à ce titre qu’intervient le Ministre de la Justice entant qu’autorité
administrative ne faisant pas partie du pouvoir judiciaire.
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En définitive, les missions de l’Etat gendarme sont exécutées par l’Administration


Publique laquelle se situe principalement au niveau de ce qu’on appelle « le ministère de l’Etat, le
ministère de la défense nationale, de la sécurité du territoire, le ministère de l’intérieur, des
affaires étrangères et tant d’autres qui ont reçu pour attribution de gérer les différentes missions
ou affaires de l’Etat.
(L’administration se trouve dans les différents ministères du gouvernement).

B. Les missions de l’Etat providence

A la naissance de l’Etat, la préoccupation première de la société était d’organiser les


règles de conduite sociale ; donc de créer un Etat gendarme considérant que les autres
préoccupations des citoyens pouvaient trouver des solutions entre les citoyens eux-mêmes. Mais
l’évolution de la société avec le progrès économique, scientifique et technologique a entraîné des
besoins nouveaux auxquels les citoyens devaient faire face, des besoins qui n’étaient plus à la
hauteur des citoyens mais qui nécessitaient l’intervention de l’Etat ; sans l’intervention de l’Etat,
les citoyens étaient abandonnés à eux-mêmes et se trouvaient sans solution.

Le mot providence, du latin « providere » signifie d’abord « remplir un trou », « combler


une lacune » ; d’où, l’Etat providence devient celui qui viendra trouver des solutions là où les
citoyens ne seront pas capables d’agir par eux-mêmes. Dans la conception moderne, l’Etat
providence n’est plus celui qui apporte des solutions immédiates mais celui qui réalise un autre
sens de providere, c’est-à-dire prévoir l’avenir, donner de l’espoir aux citoyens. L’Etat
providence est donc un Etat qui réalise le bien être social des citoyens en mettant en place les
infrastructures et les structures sociales dont les citoyens ont besoin pour vivre dans le bonheur. Il
s’agira de donner à la population des infrastructures routières, les moyens de transport et de
communication, les écoles et les universités, les établissements de santé… pour donner aux
citoyens des conditions de vie adéquate.

Les différentes missions de l’Etat providence doivent être confiées à l’administration.


C’est celle-ci qui va s’occuper des infrastructures routières à travers ses services publics tels que
l’office de route, l’OVD mais également à travers les contrats qui seront conclus entre
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l’Administration et les entrepreneurs privés. C’est l’Administration qui, à travers l’OVD, va


assurer les communications par voie postale et téléphonique. L’Administration va construire les
écoles, les hôpitaux. Elle va pourvoir au transport en commun, transport aérien, maritime, fluvial,
routier. Bref, le gouvernement se limite à donner à l’Administration les nombreux moyens dont
elle a besoin pour réaliser la satisfaction des besoins qui relèvent de l’Etat providence.

CONCLUSION

Comment définir l’Administration publique ?


Sur le plan fonctionnel, l’Administration se définit comme un ensemble des services
publics ; c’est autant dire que services publics et Administration publique sont deux notions
identiques. Tout service public fonctionne au sein de l’Administration et l’Administration
Publique n’existe qu’à travers le service public. C’est ainsi que certains auteurs ont défini le droit
administratif comme étant le droit des services publics. Il est alors aisé de définir le service public
comme étant toute activité entreprise par l’Etat en vue de donner satisfaction à un besoin d’intérêt
général. Cette définition nous démarque de ce que l’on appelle « service d’utilité publique »
lequel est entrepris par des personnes privées pour réaliser un but d’intérêt privé mais dont
l’exploitation rencontre la satisfaction d’un besoin d’intérêt général. C’est sur cette base que nous
ferons désormais la distinction entre L’UNIKIN et L’UPC, la première étant un service public et
la seconde un service d’utilité public. En d’autres termes, L’UNIKIN fait partie de
l’Administration Publique et L’UPC fait partie de l’administration privée.

Sur le plan organique, l’Administration se définit comme un ensemble d’autorités,


organes et organismes qui, sous l’impulsion des pouvoirs publics, est chargée de réaliser les
multiples interventions de l’Etat par l’exercice de la fonction administrative. Dans cette
définition, l’Administration apparaît sous un triple visage :
L’Administration est une institution (parlement) que l’on appelle organisme ; cette
institution peut être soit centralisée soit déconcentrée soit encore décentralisée. Exemple :
1. un ministère est un organisme, une institution administrative qui fonctionne dans le
cadre de la centralisation. ; Le ministère est donc une administration publique ; exemple
2 : La DGI est un organisme, une institution administrative qui fonctionne dans le cadre
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de la déconcentration ; elle est donc une Administration publique ; exemple 3 :


L’UNIKIN, L’OFIDA, L’ONATRA sont également des organismes, institutions
administratives qui fonctionnement dans le cadre de la décentralisation. Ils sont donc des
Administrations Publiques.
N.B. On distingue à cet effet les institutions administratives spécialisées et les institutions
administratives territoriales. Les premières sont érigées en service public tandis que les secondes
sont érigées en entité territoriale.

Au sein d’un organisme, il y a des organes et des autorités :


Les organes (bureaux) sont les structures internes d’une institution ; ces structures sont
généralement impersonnelles quand bien même parfois elles se confondent avec la qualité
d’une autorité. Par exemple, au sein de L’OFIDA, le Conseil d’Administration, le Comité
de Gestion et le Collège des Commissaires aux Comptes constituent les organes de
l’organisme public ‘OFIDA’ ; L’ADG n’est pas un organe ;
Enfin, il y a les autorités administratives qui sont des personnes physiques qui agissent au
nom et pour le compte de l’organisme.

Cette notion d’autorité est à comparer avec celle des agents de l’Administration car
l’autorité administrative se trouve à la tête d’un personnel administratif composé des agents de
commandement, des agents de collaboration et des agents d’exécution. Pour mieux savoir la
notion d’autorité, il est important de se reporter à la notion de compétence car, en définitive,
l’autorité administrative est celle qui est investie, en vertu de la loi, de la compétence de décider
ou d’agir dans une matière donnée. La notion d’autorité nous conduit à faire la distinction entre
autorité politique, autorité judiciaire et autorité administrative. Cette distinction est purement
organique dans la mesure où il sera fait la distinction entre le gouvernement, le parlement, les
cours et tribunaux ainsi que le parquet.
C’est dans la Constitution que l’on retrouve les autorités politiques à travers les
institutions politiques. La Constitution de 2006, dans son article 68 parle plutôt des institutions de
la République pour tout simplement dire les institutions de l’Etat Congolais. On y trouve :
- Le Président de la République ;
- Le Parlement ;
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- Le Gouvernement ;
- Les Cours et Tribunaux.
L’analyse de ces institutions nous conduit à dégager les institutions judiciaires qui se
retrouvent dans les Cours et Tribunaux mais la Constitution ne fait pas allusion aux parquets
institués auprès des Cours et Tribunaux ; et pourtant, à l’article 149, les institutions du pouvoir
judiciaire sont les Cours et Tribunaux ainsi que les Parquets rattachés à ces institutions.
(Le politique, c’est ce qui intéresse le peuple ; la politique c’est la stratégie pour atteindre ce qui intéresse le
peuple).
A côté des institutions judiciaires, il y a des institutions administratives qui fonctionnent à
l’intérieur de l’institution politique « Gouvernement » à telle enseigne qu’une même autorité peut
à la fois relever de l’institution politique ‘Gouvernement’ et de l’institution administrative. C’est
ainsi que le Ministre est à la fois autorité politique et autorité administrative ; le Gouverneur de
province et de la ville de Kinshasa est à la fois autorité politique et administrative. Cette
combinaison découle de ce qu’on appelle le principe du dédoublement fonctionnel. Entant que
membre du Gouvernement, le Ministre exerce une fonction politique alors qu’entant que Chef de
son Département ministériel, il exerce une fonction administrative.

Il est alors aisé de comprendre pourquoi l’Administration Publique ne concerne que la


fonction administrative et non toutes les autres fonctions de l’Etat ; la section deuxième va ainsi
nous permettre de distinguer les différentes fonctions de l’Etat.

SECTION II. FONCTION ADMINISTRATIVE

L’administration ne peut être séparée de l’Etat. C’est ainsi que la fonction administrative
est nécessairement une fonction de l’Etat, une fonction publique. Au sein de l’Etat, il y a une
répartition de tâches entre ceux qui décident au nom de l’Etat et ceux qui assurent la liaison entre
l’Etat et les citoyens.
Dans le schéma cybernétique, l’Etat est divisé en trois paliers :
- la superstructure (institutions politiques);
- la structure (institutions administratives et autres institutions judiciaires);
- l’infrastructure (les citoyens).
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C’est dans la superstructure que se retrouvent les institutions politiques (cfr. article 68 de
la Constitution) ; c’est dans la structure que se retrouvent les institutions administratives et autres
institutions judiciaires qui permettent d’assurer la liaison entre l’Etat et les citoyens ; enfin, les
citoyens, agissant soit à travers les personnes physiques soit à travers les personnes morales, se
retrouvent dans l’infrastructure. Ils ont besoin de la structure tantôt pour atteindre l’Etat tantôt
pour recevoir la décision de l’Etat. La structure joue ici le rôle d’ascenseur entre la superstructure
et l’infrastructure.

Paragraphe 1. La fonction administrative par rapport à la fonction


Parlementaire

Les auteurs modernes refusent de plus en plus le concept « fonction législative » qui a été
consacrée par Montesquieu dans l’esprit de la loi et dans la théorie de la séparation du pouvoir.
Ce refus est justifié par le fait que le pouvoir exécutif moderne a reçu une fonction normative si
importante qu’il serait admis de considérer que la règle de droit n’est plus uniquement une affaire
du pouvoir législatif mais bien plus un domaine du pouvoir exécutif.
En effet, les articles 122 et 123 de la Constitution du 18 février 2006 déterminent
expressément les matières dans lesquelles le pouvoir législatif doit intervenir pour élaborer une
règle de droit ; au total 31 matières ont été limitativement énumérées. Par contre, l’article 128 de
la Constitution dispose que « les matières autre que celles relevant des articles 122 et 123 ont un
caractère règlementaire, c’est-à-dire elles relèvent du pouvoir exécutif ». C’est autant dire que les
matières laissées à la compétence du pouvoir exécutif sont de loin plus nombreuses que celles
revenant au pouvoir législatif. L’article 128 de la Constitution va nous permettre plus tard de
faire la distinction entre les règlements autonomes et les règlements subordonnés, car les
règlements qui interviennent dans les matières qui ne relèvent pas de la loi sont dit autonomes par
le fait qu’ils créent une règle de droit en lieu et place de la loi ; ils ne dépendent pas de la loi
parce que la loi n’existe pas ; ces règlements autonomes dépendent directement de la
Constitution. Par contre, les règlements subordonnés sont ceux qui interviennent dans le sillage
de la loi ; ils dépendent de la loi et n’interviennent que pour exécuter ou encore pour appliquer la
loi ; ils ne dépendent pas directement de la Constitution mais plutôt de la loi ; ils doivent être
conformes à la loi.
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La fonction de prendre des règlements est une fonction qui relève du Gouvernement. En
vertu de l’article 92 de la Constitution, le pouvoir réglementaire est reconnu au Premier Ministre
qui, en vertu de l’article 90 de la Constitution, est le Chef du Gouvernement. L’administration
agit pour le compte du Gouvernement et c’est elle qui, dans la fonction administrative prend
finalement les décisions administratives que l’on appelle « règlement ». Par contre, la fonction
législative relève non pas du Gouvernement mais plutôt du pouvoir législatif qui, en vertu de
l’article 100 de la Constitution, est exercé par le Parlement (Assemblée Nationale et Sénat).

Dans l’exercice de sa fonction politique, le Gouvernement peut également, par voix


d’exception, intervenir dans le domaine de la loi ; il peut donc exercer la fonction législative par
délégation parlementaire. Ceci résulte de l’article 129 de la Constitution qui se résume comme
suit : « lorsque une matière nécessite une législation en urgence pour permettre au
Gouvernement d’exécuter son programme, celui-ci peut demander au Parlement l’autorisation
d’agir dans le domaine de la loi, c’est-à-dire de prendre un acte législatif (par opposition au
règlement qui est un acte administratif) ; ainsi, le Gouvernement va légiférer par voix
d’ordonnance loi mais celle-ci devra être approuvée ultérieurement par le Parlement afin
d’acquérir une valeur législative.

Si la fonction parlementaire consiste à faire les lois, elle s’étend également au contrôle de
l’exécutif, c’est-à-dire du Gouvernement et de l’administration ; elle s’étend également au
contrôle des traités et accords internationaux. C’est autant dire que la fonction parlementaire va
au-delà de la fonction législative. Par ailleurs, au sein du Parlement, on retrouve également la
fonction administrative qui se résume dans la gestion des affaires parlementaires. En effet, le
Parlement a besoin d’une administration pour gérer des archives parlementaires, assurer
l’organisation matérielle des sessions, organiser les conditions matérielles des parlementaires,
gérer le domaine du Parlement, le patrimoine des biens meubles et immeubles. Bref, assurer le
fonctionnement régulier du Parlement. C’est ainsi que on retrouve au Parlement un Secrétaire
Général, des Directeurs, des Chefs de divisions, des Chefs de bureaux qui sont tous de
fonctionnaires et qui relèvent de l’Administration Publique.
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Paragraphe 2. Fonction administrative par rapport à la fonction


Gouvernement

La fonction administrative se réalise au sein de la fonction exécutive de l’Etat. Celle-ci


relève du pouvoir exécutif ; mais c’est d’abord la fonction gouvernementale qui réalise la
fonction du pouvoir exécutif lorsque l’on considère la théorie de la séparation des pouvoirs qui
établit une nette distinction entre le Parlement, le Gouvernement et les Cours et Tribunaux. Ces
trois institutions réalisent les principales fonctions de l’Etat.

Au sein du pouvoir exécutif, nous retrouvons alors l’institution politique Gouvernement et


les institutions administratives qui forment l’Administration Publique. Comment alors distinguer
le Gouvernement avec l’Administration Publique?

Le professeur Francis Paut Benoît établit cette distinction en partant d’une autre
distinction entre l’Etat-Nation et l’Etat-Collectivité pour démontrer que le Gouvernement réalise
les missions de l’Etat-Nation en ce que il définit la politique générale de la Nation et assure
l’exécution ainsi que l’application des lois nationales ; par contre, l’Administration réalise les
missions de l’Etat-Collectivité en ce qu’elle pourvoit aux besoins d’intérêt général et accomplit
des actes de gestion.
En effet, l’article 91 dans ses alinéas 1 et 2 de la Constitution dispose que « le
Gouvernement définit, en concertation avec le Président de la République, la politique de la
Nation et en assume la responsabilité ; le Gouvernement conduit la politique de la Nation. La
défense, la sécurité et les affaires étrangères sont des domaines de collaboration entre le Président
de la République et le Gouvernement ». Il va sans dire que le rôle que la Constitution confère au
Gouvernement relève de l’Etat-Nation ; l’Etat qui organise la société et non seulement définit les
différents moyens pour répondre aux aspirations du peuple mais surtout organise les moyens par
lesquels les objectifs fixés seront atteints. Dans le même article 91, en son alinéa 3, la
Constitution ajoute « Le Gouvernement dispose de l’Administration Publique, de la Police
nationale et des services de sécurité ; en réalité, le Constituant aurait pu s’arrêter uniquement à
« l’Administration Publique », car nous l’avons déjà démontré que la Police nationale et les
services de sécurité font partie des services de l’Etat.
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Si sur le plan théorique il est aisé de distinguer le Gouvernement de l’Administration,


dans la pratique cette distinction s’avère complexe tant qu’il est vrai que en vertu du principe du
dédoublement fonctionnel, les mêmes autorités se trouvent à la tête ou au sein du Gouvernement
et à la tête de l’Administration de l’Etat. Ainsi, le Président de la République est à la fois une
institution politique, une autorité politique et une autorité administrative.

Dans la configuration d’institutions politiques, le Président de la République réalise les


fonctions du Chef de l’Etat, il incarne la Nation et représente l’Etat. Par contre, dans son rôle
d’autorité politique, le Président de la République est le Chef de l’exécutif en ce sens que, en
vertu de l’article 79 de la Constitution, il convoque et préside le conseil des ministres. Le
Président de la République est également autorité administrative lorsqu’il intervient dans la
gestion du personnel relevant de l’Administration. En vertu de l’article 81 de la Constitution, le
Président de la République prend des décisions administratives individuelles en ce qu’il nomme,
relève et, le cas échéant, révoque les hauts fonctionnaires de l’Administration Publique.

La fonction gouvernementale telle qu’assumée par le Gouvernement comprend deux


volets : le volet normatif et le volet fonctionnel.

A. Volet normatif

Le Gouvernement a reçu de la Constitution la mission d’intervenir dans le domaine de la


loi ; lorsque le Parlement n’a pas encore légiféré dans une matière donnée, le Gouvernement
intervient par voie d’Ordonnance-loi signée par le Président de la République dans les conditions
déterminées par la Constitution. Le Gouvernement a également reçu de la Constitution (article
128) le pouvoir d’établir des normes juridiques par voie de règlement dans les matières qui ne
relèvent pas du domaine de la loi ; ces règlements autonomes interviennent en lieu et place de la
loi ; ils doivent se conformer à la Constitution et non à la loi qui n’existe pas. Le gouvernement
exerce enfin le pouvoir normatif lorsqu’il prend des règlements subordonnés, dans le sillage de la
loi. Ces règlements interviennent soit pour exécuter la loi soit pour prendre des mesures
d’application de la loi ; ces règlements subordonnés doivent se conformer à la loi sans qu’il soit
besoin de vérifier leur conformité à la Constitution.
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On remarquera que, entre le Gouvernement et le Parlement, c’est plutôt le Gouvernement


qui intervient dans le rôle normatif pour organiser la vie en société ; ce rôle normatif relève
évidemment de l’Etat-Nation ; le Gouvernement dispose également de l’initiative des lois au
même titre que les parlementaires car, en effet, c’est lui le Gouvernement qui souvent prend
l’initiative de légiférer dans une matière relevant du domaine de la loi en déposant au bureau de
l’Assemblée nationale ce que l’on appelle « projet des lois » ; rares sont les lois qui ont trouvé
leur origine dans une proposition des lois déposée par un parlementaire.

B. Volet fonctionnel

Le Gouvernement se trouve être le véritable instrument par lequel l’Etat doit répondre aux
multiples aspirations des citoyens car, en effet, les citoyens attendent de l’Etat la réalisation du
bien être social commun.

Dans son rôle fonctionnel, le Gouvernement met en place une stratégie afin d’atteindre les
objectifs qu’il se fera assigner et il va alors organiser les services publics, c’est-à-dire
l’Administration Publique ; c’est ici le lieu de parler de la politique et de considérer, comme le dit
BOSSUET, que « la politique est l’art de procurer le bonheur aux citoyens », c’est-à-dire de créer
les conditions efficientes pour permettre aux citoyens de vivre à l’abri des besoins primaires.

Telle que conçue dans son volet tant normatif que fonctionnel, la fonction
gouvernementale se distingue alors aisément de la fonction administrative sur le plan organique
et sur le plan matériel.

1°. Sur le plan organique

La fonction administrative se réalise à travers les institutions administratives organisées


par le Gouvernement sous forme des services publics, c’est-à-dire devant répondre aux objectifs
de l’Etat dans le but de donner satisfaction aux besoins de la communauté. Les institutions
administratives fonctionnent certes à l’intérieur du Gouvernement mais elles ne constituent pas
les institutions politiques.
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Le Gouvernement est composé, au regard de l’article 90 de la Constitution, du Premier


Ministre, des Ministres et des Vice-ministres et, le cas échéant, des Vice-premiers Ministres, les
Ministres d’Etat et les Ministres délégués. Le Gouvernement est dirigé par le Premier Ministre
qui est le Chef du Gouvernement. Ils existent alors sur le plan organique, auprès du Premier
Ministre et des Ministres, une structure politique organisée en cabinet avec un Directeur de
cabinet, son adjoint, des conseillers principaux et conseillers et des chargés d’études et, une
structure administrative avec un Secrétaire Général, des Directeurs, des Chefs de divisions, Chefs
de bureaux et agents, tous relevant de la fonction publique.

Le cabinet politique bénéficie de ce qu’on appelle « personnel d’appoint », c’est-à-dire


des agents d’exécution des tâches matérielles du cabinet, agents qui normalement sont affectés au
cabinet par le Secrétaire Général de telle sorte que au moment du changement du Ministre, le
personnel du cabinet se déplace avec le Ministre tandis que les agents de l’Administration et le
personnel d’appoint restent au sein du Ministère (ils restent pour garder les archives du ministère
et assurer le service du protocole). Le Ministre est ici à la fois autorité politique et autorité
administrative. Autorité politique entant que membre du Gouvernement, le Ministre siège au
conseil des ministres et il participe de manière collégiale à la prise des décisions politiques ;
autorité administrative car, en vertu de l’article 93, il est responsable de son département
ministériel et, à ce titre, il constitue l’autorité hiérarchique la plus élevée de son administration
ministérielle.

2°. Sur le plan matériel

La distinction entre la fonction administrative et la fonction gouvernementale va résider


sur le concept « Gouverner » par rapport au concept « administrer ».

a. Gouverner
« Gouverner, c’est prévoir », c’est-à-dire fixer des objectifs, élaborer des programmes
d’avenir et ensuite organiser les moyens tant juridiques que matériels et humains devant
permettre la réalisation des différents objectifs. Gouverner revient tout simplement à faire la
politique, c’est-à-dire à mettre en place des stratégies devant permettre de répondre aux
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aspirations du peuple ; c’est là tout le sens qu’il faut donner à l’article 91 qui dispose que « le
Gouvernement définit la politique de la Nation en concertation avec le Président de la
République ; celui-ci n’est donc pas séparé de l’action gouvernementale ; entant que Chef de
l’exécutif, il participe à la définition de la politique nationale.

La différence entre le régime présidentiel et le régime parlementaire et semi-présidentiel


réside dans la responsabilité gouvernementale en ce sens que le Président engage sa
responsabilité dans le régime présidentiel tandis que dans le régime parlementaire et semi-
présidentiel, seuls le Premier Ministre et les Ministres sont responsables devant le Parlement.

Dans son rôle de gouverner, c’est le Gouvernement qui élabore le plan de développement
national, à court terme, à moyen terme et à long terme. Ce plan est soumis au Parlement pour être
approuvé par voie législative. Mais, chaque année, le Gouvernement, sur base de son plan
national, élabore un budget qu’il dépose au Parlement et qui fait l’objet de la loi budgétaire ; c’est
sur base de ce budget que le Gouvernement se dote des moyens financiers pour réaliser les
objectifs qu’il s’est assigné. Le Gouvernement organise enfin l’Administration Publique avec un
personnel de qualité et avec des moyens de fonctionnement efficients.

b. Administrer
« Administrer, c’est gérer », c’est-à-dire utiliser les moyens fournis par l’Etat pour
concrétiser l’exécution du programme du Gouvernement. L’Administration est donc la machine
du Gouvernement, la machine qui permet au Gouvernement de réaliser ses objectifs. Pour ce
faire, le Gouvernement donne à l’Administration des moyens juridiques, matériels et humains.
Les moyens juridiques seront constitués par des décisions administratives et les contrats
de l’administration ; ce sont là des actes juridiques de l’Administration. L’Administration
va prendre des décisions unilatérales sous forme d’Ordonnances, Décrets, Arrêtés ou
encore tout simplement décisions dans le cadre de l’exécution des décisions politiques qui
interviennent au Gouvernement. C’est l’Administration qui fait parvenir les décisions du
Gouvernement auprès des administrés ; sans la décision administrative, la décision du
Gouvernement est inopposable aux administrés.
(Les actes du Gouvernement sont des actes préparatoires qui précèdent des actes administratifs).
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Les moyens matériels sont constitués par les biens mobiliers et immobiliers (les moyens
financiers) qui sont mis à la disposition de l’administration pour permettre à celle-ci de
fonctionner normalement et régulièrement ; ces moyens constituent la condition sans
laquelle l’administration ne peut réaliser les objectifs du Gouvernement. Le rôle de
gestion que l’on reconnaît à l’administration passe par la bonne utilisation des moyens
mis à la disposition de l’administration.
Les moyens humains concernent le personnel de l’administration, les agents qui
interviennent dans la réalisation de différents travaux et tâches qui incombent à
l’administration pour réaliser les objectifs d’intérêt général.

De nos jours, on considère de plus en plus que le développement d’une Nation dépend
plus des moyens humains que des moyens juridiques et matériels. C’est la théorie de l’homme
qu’il faut à la place qu’il faut.

Paragraphe 3. La fonction administrative par rapport à la fonction


Judiciaire

Sur le plan organique, il y a lieu de faire la distinction entre les institutions administratives
qui relèvent du pouvoir exécutif et les institutions judiciaires qui relèvent du pouvoir judiciaire.
De cette distinction, nous déduisons que la fonction administrative diffère de la fonction
judiciaire du fait que la première s’inscrit dans le cadre du pouvoir exécutif alors que la deuxième
intervient dans le cadre du pouvoir judiciaire.

La Constitution détermine alors les institutions judiciaires dans son article 149 qui dispose
que le pouvoir judiciaire est dévolu aux Cours et Tribunaux ainsi que aux Parquets rattachés à ces
juridictions.
Le professeur DEMICHEL considère que il est malaisé de parler de la fonction judiciaire
car, dit-il, cette fonction n’est pas l’apanage de seules institutions judiciaires car l’administration
exercerait également une fonction judiciaire lorsqu’elle devrait répondre aux recours
administratifs qui lui seraient adressés par les administrés victimes d’une décision administrative
illégale. Monsieur DEMICHEL considère donc que la mission de dire le droit trouve également
17

ses applications au sein de l’administration soit lorsque celle-ci siège dans une commission de
discipline soit encore lorsque, agissant comme autorité hiérarchique ou de tutelle, le Ministre doit
prendre les décisions d’annulation contre une décision illégale prise par son subordonné ou par
l’autorité sous tutelle.
(Le Ministre exerce l’autorité hiérarchique dans le cadre de la centralisation ; il exerce son pouvoir de tutelle dans
le cadre de la décentralisation. Pour DEMICHEL, le pouvoir judiciaire a pour mission de dire le droit. Pour lui,
l’autorité hiérarchique ou de tutelle exerce la fonction du juge administratif. Il rejette donc la fonction judiciaire).

DEMICHEL propose alors le concept « fonction juridictionnelle » en lieu et place de la fonction


judiciaire. Il définit alors la fonction juridictionnelle comme étant celle qui consiste à prendre
les actes ayant l’autorité de la chose jugée et qui s’imposent à tous les organes de l’Etat. Cette
définition de la fonction juridictionnelle marque évidemment la différence avec la fonction
judiciaire mais elle se trouve diminuée par le fait que elle exclurait de la fonction juridictionnelle
tous les autres intervenants qui, dans la procédure judiciaire, ne prendraient pas des actes ayant
autorité de la chose jugée ; de même elle ne concernerait pas les ordonnances prises par les
Présidents des juridictions dans le cadre de la procédure judiciaire.

Nous préférons donc le concept de la fonction judiciaire à celui de la fonction


juridictionnelle qui serait réservée uniquement au juge lorsque celui-ci statue sur un litige et
prend une décision juridictionnelle. Les actes juridictionnels aussi bien que les actes posés par le
Président des juridictions sous forme d’Ordonnance judiciaire, les actes posés par les Officiers du
ministère public (OMP) rentrent tous dans la fonction judiciaire. Nous admettons néanmoins que
l’administration exerce, par ricochet, la fonction de dire le droit lorsqu’elle siège comme
commission de discipline ou organe de recours. Mais, les décisions qui interviennent dans ce
cadre ne sont pas des décisions judiciaires mais plutôt des décisions administratives car l’acte
administratif relève ici de l’autorité administrative.

Par ailleurs, parmi les institutions judiciaires il existe le Conseil Supérieur de la


Magistrature (CSM) qui, en vertu de l’article 152 alinéa 1 de la Constitution, est l’organe de
gestion du pouvoir judiciaire ; à ce titre, le CSM exerce une fonction administrative qui se
distingue de la fonction judiciaire. En effet, la mission de rendre justice relève de la fonction
judiciaire mais la mission de gérer le domaine de la justice relève de la fonction administrative.
18

Dans le domaine de la justice, nous retrouvons le personnel de la justice composé d’une


part des magistrats et d’autre part de fonctionnaires affectés dans les différents services
judiciaires.
La consécration de l’indépendance du pouvoir judiciaire par rapport au pouvoir législatif
et surtout par rapport au pouvoir exécutif a été voulue par le Constituant Congolais avec cette
conséquence que le pouvoir exécutif ne peut plus gérer la carrière des magistrats ; cette gestion a
été confiée à un organe appartenant au pouvoir judiciaire, le CSM. C’est cet organe qui, en vertu
de l’article 152 alinéas 3 et 4 de la Constitution, élabore des propositions de nomination, de
promotion et de révocation des magistrats ; il exerce le pouvoir disciplinaire sur les magistrats.

La loi portant organisation et fonctionnement du CSM déterminera alors la nature


juridique ainsi que le régime juridique de la fonction administrative, des actes posés par le CSM
et le régime juridique de la fonction administrative qui sera exercée par le CSM dans ce cadre
précis.
Par contre, au sein du pouvoir judicaire, il existe une administration qui regroupe les
différents services publics relevant alors du Ministre de la justice en tant qu’autorité
administrative relevant du pouvoir exécutif. Il en est ainsi des services de greffe et huissier,
service de notariat, service de la nationalité, service pénitentiaire, autant de services exécutés par
les fonctionnaires de l’Administration Publique et qui se réalisent dans la fonction administrative
de la justice.
Deux statuts seront d’application dans le cadre du pouvoir judiciaire : le statut de
magistrat d’une part, et le statut de la fonction publique d’autre part selon qu’il s’agira de la
fonction judiciaire ou de la fonction administrative.

Le règlement subordonné intervient toujours dans le sillage de la loi ; le règlement autonome intervient dans le
sillage de la Constitution lorsque la loi n’existe pas, il est inconstitutionnel mais légal. L’acte individuel ne peut pas
intervenir sans l’existence de la loi ; l’Ordonnance de révocation et de nomination des magistrats intervient dans le
cadre de la loi portant statut de magistrat (lire les articles 155 et 162 al.2 de la Constitution).
19

CHAPITRE DEUXIEME :
DEFINITION DU DROIT ADMINISTRATIF

Il n’existe pas une définition universelle du droit administratif car les auteurs définissent
le droit administratif tantôt en se basant sur le critère organique tantôt sur base du critère matériel.

Le professeur KABANGE définit le droit administratif comme étant celui qui régit
l’activité des autorités et organes administratifs ; cette définition rejoint celle du professeur
WALINE qui précise que le droit administratif est un ensemble des règles qui déterminent les
conditions dans lesquelles les autorités et organes administratifs accomplissent les différentes
activités visant la satisfaction de l’intérêt général.

Le professeur VUNDWAWE définit le droit administratif comme une étude scientifique


comportant des règles de droit public relatives à l’organisation et au fonctionnement de
l’administration ainsi que à la manière de mettre fin aux litiges suscités par l’administration.
Cette définition se rallie à celle de madame ROUAULT qui considère que le droit administratif
comprend des règles qui régissent l’organisation et le fonctionnement de l’administration.

Le professeur EISENMANN après avoir analysé les différentes définitions retient


principalement deux critères de définition : dans le premier critère, monsieur EISENMANN
précise que le droit administratif correspond à l’existence d’une administration ; celle-ci étant
chargée e réaliser les différentes interventions de l’Etat ; dans le second critère, il affirme que les
règles qui s’appliquent à une telle administration sont des règles de droit administratif.

De toutes les définitions, celle du professeur VUNDWAWE nous parait cohérente. Nous
pouvons résumer la définition du droit comme suit : « le droit administratif est une branche du
droit public interne qui comprend des règles spéciales relatives à l’organisation, au
fonctionnement et au contrôle de l’administration ».
20

SECTION I. DROIT ADMINISTRATIF, BRANCHE DU DRIT PUBLIC


INTERNE

Il est question sous cette section de distinguer d’abord le droit privé et le droit public et
ensuite le droit public interne et le droit international public.

Paragraphe 1. Droit privé et droit public

Dans la summa divisio, le droit est divisé en deux grandes parties : le droit public et le
droit privé. Le droit privé régit les relations entre les personnes physiques ou morales mais il
s’applique aux relations entre l’Etat ou les organismes de l’Etat et les personnes privées, lorsqu’il
s’agit des relations de droit privé.

En effet, l’administration peut conclure des contrats de droit privé et se voir appliquer en
conséquence des règles de droit privé ; c’est autant dire que le droit privé est plutôt caractérisé
par la nature de ses règles et non par les personnes qui y interviennent. Les règles de droit privé
sont marquées par la liberté d’action des intervenants, par le caractère volontariste et
contractuel qui président aux relations entre les personnes. De plus, les relations entretenues par
les sujets de droit privé sont basées sur l’égalité des parties à telle enseigne que toute relation
léonine peut donner lieu à une sanction judiciaire. Le droit public quant à lui est beaucoup plus
contraignant que le droit privé, il régit les rapports entre plusieurs intervenants relevant de l’Etat.
Ces rapports concernent l’organisation et le fonctionnement des pouvoirs publics. Ils concernent
les relations entre les différentes personnes morales de droit public (l’Etat, les établissements
publics et les collectivités territoriales) ; enfin, ces rapports concernent les relations entre
l’administration et les administrés et entre l’Etat et les citoyens.
(Exemple des relations entre l’Etat et les citoyens : les élections).

Le droit privé regroupe alors les différentes branches du droit telles que le droit civil, le
droit commercial et dans une certaine mesure le droit judiciaire. Le droit public englobe
également plusieurs branches, notamment le droit international public, le droit constitutionnel, le
droit administratif, le droit fiscal, le droit économique et le droit financier.
21

Avec le développement des études du droit, la summa divisio a été éclatée au profit d’une
subdivision qui distingue :
- le droit international ;
- le droit public interne ;
- le droit privé et judiciaire ;
- le droit économique et social.

Cette nouvelle subdivision a retiré, pour des raisons pédagogiques, certaines branches du droit
public international pour les verser en droit économique et social. Ainsi, le droit fiscal, le droit
économique et le droit financier qui sont, par évidence, les branches du droit public ne font plus
partie du département du droit public ; le droit public a gardé deux grandes branches du droit : le
droit constitutionnel et le droit administratif.

Ce qui caractérise le droit public c’est également la nature des règles qui interviennent
dans ce domaine ; en ce sens que ces règles sont marquées par leur caractère unilatéral, elles
interviennent par la seule volonté de l’Etat ou de l’administration laissant aux citoyens le devoir
d’obéissance dans l’exécution desdites règles. Dans les relations entre l’Etat et les citoyens ou
entre l’administration et les administrés, il n’existe pas de rapports d’égalité. L’Etat ou
l’administration se trouve dans une position de supériorité vis-à-vis des citoyens ou administrés ;
de même, la liberté contractuelle qui est de principe en droit privé n’est plus de mise en droit
public car l’Etat s’exprime par des lois ; son administration s’exprime par des décisions
administratives unilatérales ; ses Cours et Tribunaux se prononcent par des arrêts et jugements ;
tous des actes juridiques qui ne requièrent pas le consentement des citoyens ou administrés.

Paragraphe 2. Droit public interne et droit international public

Comme le nom l’indique, le droit public interne s’inscrit à l’intérieur du territoire


national. Il concerne les institutions politiques de l’Etat, les institutions administratives et le
rapport entre ces institutions d’une part et les citoyens ou administrés d’autre part dans le cadre
de cette trilogie entre population, territoire et pouvoir politique.
22

Par contre, le droit international public concerne les relations entre l’Etat et les autres
sujets de droit international (Etats, organisations internationales, firmes). Cependant, de plus en
plus, les auteurs admettent la notion de droit administratif international considérant qu’au sein
des institutions internationales, il existe nécessairement une administration sans laquelle ces
institutions ne peuvent fonctionner. C’est cette administration qui organise les sessions et
conférence et qui gère les moyens humains ainsi que les moyens financiers et matériels des
institutions.

Paragraphe 3. Droit administratif et les autres branches de droit public


interne

A. Droit administratif et droit constitutionnel

Le droit constitutionnel a un objet différent de celui de droit administratif. Son objet porte
sur le pouvoir politique. En effet, le professeur BURDEAU définit le pouvoir politique comme
étant « une autorité instituée par la conscience collective d’un peuple, à un moment donné de son
histoire, autorité soutenue par l’idée du droit du Souverain, en vue de réaliser le bien social
commun » ; c’est cette autorité qui fait l’objet du droit constitutionnel. L’autorité dont il est
question dans la définition du pouvoir politique est une autorité institution, c’est cette autorité qui
sera représentée par les institutions politiques de l’Etat. Comment ces institutions reçoivent le
pouvoir du peuple ? Comment sont-elles organisées, comment fonctionnent-elles, comment est-
ce qu’elles entretiennent des relations avec les citoyens ? Toutes ces questions se résument dans
les règles qui fixent les conditions de détention et d’exercice du pouvoir politique. L’idée du droit
du Souverain se trouve transposée dans un texte juridique que l’on appelle CONSTITUTION.
C’est ainsi que certains auteurs considèrent que la Constitution fait l’objet du droit
Constitutionnel mais en réalité il ne s’agit pas de la Constitution mais plutôt du pouvoir politique
organisé par la Constitution.

Le droit administratif est un droit dynamique alors que le droit Constitutionnel est un droit
statique qui évolue en fonction de la révision constitutionnelle ou l’avènement d’une nouvelle
Constitution. Le droit administratif évolue au jour le jour car il doit s’adapter à l’évolution des
23

besoins d’intérêt général, à l’évolution du développement économique et social. Mais également


doit-il s’adapter à la maturité politique du citoyen. C’est pour cette raison que le droit
administratif n’est pas codifié à l’instar des branches du droit privé et judiciaire et même du droit
international. Cependant, le droit administratif tire sa source du droit constitutionnel ; il constitue
le prolongement du droit constitutionnel car il permet de servir la courroie de transmission entre
les gouvernants et les gouvernés. Sur le plan organique, le droit constitutionnel établit les règles
qui concernent les gouvernants, les détenteurs du pouvoir politique alors que les règles du droit
administratif concernent les institutions administratives lesquelles constituent la machine par
laquelle l’Etat réalise les objectifs d’intérêt général.

B. Droit administratif et droit fiscal

Lorsque on se réfère tant à la définition de l’administration qu’à celle du droit


administratif, on se rend vite compte que le droit fiscal fait partie du droit administratif car non
seulement le droit fiscal porte sur l’organisation et le fonctionnement de l’administration fiscale
mais également il met en rapport ladite administration et les contribuables qui sont les
administrés. C’est sur le plan technique qu’il peut être fait la distinction entre le droit
administratif et le droit fiscal car ce dernier devient un droit spécialisé dans un domaine précis de
l’administration de l’Etat ; il détermine les modalités de fixation des impôts et taxes ainsi que la
contribution des citoyens que l’on appelle ici les contribuables aux différentes charges de l’Etat.
Mais les autorités qui interviennent en droit fiscal sont les autorités administratives. Les
institutions qui sont chargées du droit fiscal (OFIDA, DGI, DGRAD) sont des institutions
administratives. Enfin, les décisions qui sont prises en droit fiscal sont des décisions
administratives.

C. Droit administratif et droit financier

Le droit fiscal permet à l’Etat de se procurer des moyens financiers nécessaires tant pour
son fonctionnement que pour la réalisation des différentes activités d’intérêt général. L’Etat est
une personne morale de droit public qui trouve son fondement dans la Constitution ; cette
personne morale dispose alors de la capacité juridique qui lui permet de poser des actes juridiques
24

et de disposer d’un patrimoine. La gestion du patrimoine de l’Etat passe par la gestion des fonds
générés par l’administration fiscale, les emprunts et dividendes ainsi que les dons et les trocs.
Cette gestion concerne également les biens meubles et immeubles de l’Etat.

Le droit administratif aura pour charge de réglementer et d’assurer la gestion des biens
meubles et immeubles de l’Etat ; mais le droit financier va réglementer l’élaboration du budget
de l’Etat et la manière d’exécuter ce budget. Le droit financier précède le droit administratif car il
relève de l’autorité législative. Celle-ci doit se prononcer sur le budget de l’Etat soumis par le
Gouvernement mais également sur la loi des finances publiques laquelle détermine les conditions
d’exécution des recettes et des dépenses de l’Etat.

D. Droit administratif et droit économique

L’Etat entretient des relations avec les opérateurs économiques qui sont également les
administrés ; et l’Etat est également représenté dans le secteur économique par l’administration
économique : les Ministres de l’économie, du commerce, du plan, des finances.

La différence entre le droit économique et le droit administratif se conçoit alors sur le plan
matériel car le droit économique réglemente les échanges commerciaux, il favorise la protection
et la promotion des industries, il accorde des avantages fiscaux en matière d’investissement et
enfin il organise le secteur bancaire et de crédit.

CONCLUSION

Le professeur CAMBIER en concluant sur la définition du droit administratif s’exprime


comme suit : « le droit administratif est un carrefour, il y va d’un domaine aux limites imprécises
et fuyantes ».
25

SECTION II. DROIT ADMINISTRATIF, UN CORPS DES REGLES


SPECIALES

Le droit administratif ne fait pas partie du droit commun car il est régit par des règles
spéciales qui dérogent aux règles de droit commun. La spécialité des règles du droit administratif
tire sa source de la puissance publique de l’Etat car dans sa définition, l’Etat dispose de la
puissance publique ; l’Etat est souverain car il bénéficie de l’impérium, c’est-à-dire d’une
puissance lui permettant d’édicter des règles de droit, de les imposer sur les citoyens et de
sanctionner toute situation contraire à la règle de droit. C’est cette puissance de l’Etat que l’on
appelle puissance publique et qui se trouve incorporer dans les institutions politiques de l’Etat. Le
Président de la République, le Parlement, le Gouvernement, les Cours et Tribunaux disposent
tous et séparément de la puissance publique. Celle-ci trouve sa source de légalité dans la
Constitution ; elle trouve sa source de légitimité dans la conscience collective du peuple. C’est le
peuple qui confère aux Gouvernants la puissance publique et qui accepte par la même occasion
de se soumettre à cette puissance publique dans la finalité de trouver des réponses à ses
différentes aspirations.
L’administration, dans son rôle de serviteur de l’Etat, va recevoir à son tour la puissance
publique pour atteindre les objectifs qui lui seront assignés par l’Etat. L’administration agit sous
l’impulsion des pouvoirs publics : elle exécute les lois du Parlement, elle met en œuvre la
politique du Gouvernement, elle assure l’exécution des arrêts et jugements ; elle a donc besoin de
la même puissance publique pour réaliser les missions de l’Etat.
L’administration dispose alors de ce qu’on appelle les privilèges des puissances
publiques ; les privilèges qui lui permettent d’agir pour le compte de l’Etat et de prendre des
règles qui s’imposent aux citoyens, des règles qui bénéficient de l’impérium de l’Etat. Parmi ces
privilèges qui font la spécialité des règles du droit administratif, il y a le privilège de la décision
unilatérale avec comme conséquence le privilège du préalable et d’exécution d’office et le
privilège d’exécution forcée ; grâce à ces différents privilèges, les décisions de l’Administration
sont exécutoires immédiatement et ne peuvent faire l’objet d’aucune contestation par les
administrés en dehors du recours en réparation ou en annulation. Dans l’exécution des contrats
administratifs, nous verrons que l’Administration dispose également des privilèges par lesquels
elle soumet au cocontractant un contrat d’adhésion et aussi dispose-t-elle des pouvoirs de
26

surveillance, de correction de malfaçon, de modification unilatérale et de résiliation unilatérale ;


des pouvoirs qui ne trouvent pas leur terrain d’application dans le droit commun. En outre, la
spécialité des règles du droit administratif se retrouve également dans la gestion du domaine
public en ce sens que le régime juridique applicable aux biens du domaine public est celui du
droit commun ; le principe de la domanialité implique celui de l’inaliénabilité, celui de
l’insaisissabilité et celui de l’imprescriptibilité des biens du domaine public.

Enfin, la spécialité des règles du droit administratif se retrouve dans l’exécution des arrêts
et jugement dans la mesure où les décisions juridictionnelles sont conditionnées par la volonté de
l’administration, dans leur application lorsque ces décisions sont prises contre l’administration ;
le principe de l’exécution forcée des sentences judiciaires ne s’applique pas à l’administration
alors que en droit commun c’est l’administration qui aide les Cours et Tribunaux à assurer
l’exécution même par la force l’exécution de sentence judiciaire

SECTION III. DROIT ADMINISTRATIF, ETUDE SCIENTIFIQUE

Le droit administratif fait parti de la science administrative dans la mesure où il utilise les
méthodes scientifiques, il procède par l’observation des faits sociaux, l’analyse des phénomènes
humains, l’inventaire des besoins de la population pour trouver des solutions qui permettent la
réalisation des besoins d’intérêt général.

Sur le plan scientifique, le droit administratif étudie les règles qui concernent
l’organisation, le fonctionnement et le contrôle de l’administration. Ces trois domaines du droit
administratif constituent le contenu du cours du droit administratif :
- Dans le titre premier, nous étudierons l’organisation administrative ;
- Dans le titre deuxième, nous étudierons la fonction administrative ;
- Dans le titre troisième, nous étudierons le contentieux administratif.

Il est évident que cette étude scientifique suppose la maîtrise des sources du droit administratif,
c’est-à-dire les différents procédés par lesquels s’élaborent les règles du droit administratif ; c’est
ainsi que dans un titre préliminaire, nous étudierons les sources du droit administratif.
27

TITRE PRELIMINAIRE :
SOURCES DU DROIT ADMINISTRATIF

Le droit administratif, comme toutes les autres branches du droit, tire son origine de ce
que nous appelons les sources du droit ; longtemps on a considéré que le droit administratif était
un droit prétorien, un droit qui trouvait ses origines des différentes décisions du juge de droit
administratif. La jurisprudence française, à travers le Conseil d’Etat et le Tribunal de conflit, a
considérablement influencé le droit administratif français.

En droit congolais, l’œuvre du juge administratif n’est pas encore suffisamment


considérable pour influencer le droit administratif congolais. La jurisprudence des sections
administratives des Cours d’Appel et celle de la section administrative de la Cours Suprême de
Justice (CSJ) n’ont pas permis de dégager les règles de droit administratif congolais. Le cas de la
notion d’acte de Gouvernement qui devait recevoir une définition de compromis de la part du
juge de la CSJ est resté ambigu en ce sens que la CSJ s’est prononcée sur deux affaires en se
basant sur des théories différentes. Il reste alors que le droit administratif congolais tire son
fondement à la fois des sources formelles et des sources sociologiques. La distinction entre ces
deux sources donne lieu aux deux chapitres qui forment ce titre préliminaire :
- Dans le chapitre premier, nous étudierons les sources formelles du droit administratif ;
- Dans le chapitre deuxième, nous étudierons les sources sociologiques.
28

CHAPITRE PREMIER :
LES SOURCES FORMELLES DU DROIT ADMINISTRATIF

Les sources formelles sont celles qui créent une règle de droit ; celles qui modifient
l’ordonnancement juridique d’une matière, d’un bien ou encore d’une personne. Ces sources
formelles ne s’imposent non seulement à l’Etat en tant que personne morale mais également à
toutes les institutions, organes, autorités ; à toutes les personnes tant physiques que morales.
Parmi les sources formelles, nous distinguerons les sources écrites et non écrites ; et dans les
sources non écrites, nous citerons la coutume et les principes généraux du droit.

L’importance des sources formelles est telle qu’elles rentrent dans le bloque de la légalité
de telle sorte que le principe de la légalité ne s’applique pas seulement à la loi au sens stricte du
terme mais plutôt à la loi prise dans son sens large, c’est-à-dire le bloque de la légalité.
(Le principe de la légalité veut dire conformité d’une décision au bloque de la légalité et non à la loi).

Le principe de la légalité est un principe d’ordre public car dans un Etat de droit, la
soumission des autorités politiques, judiciaires et administratives au bloque de la légalité
constitue l’un des critères le plus important, car, en effet, les concepts de la séparation du
pouvoir, de la bonne gouvernance, de la démocratie ne trouverait aucun développement sans le
respect du principe de la légalité. Ainsi, dans le bloque de la légalité, le principe de la légalité
fonctionne par escalier car il suit la ligne hiérarchique des différentes sources formelles ; il y aura
entre ces sources une plus petite et une plus grande que l’autre. La plus petite devra du respect à
la plus grande. C’est fort de cette pyramide que les sources formelles seront étudiées du sommet à
la base en suivant la hiérarchie ci-après :
- La Constitution ;
- Les traités et accords internationaux ;
- Les actes législatifs ;
- La coutume ;
- Les principes généraux du droit ;
- Les décisions juridictionnelles (la chose jugée) ;
- Les actes administratifs.
29

SECTION I. LA CONSTITUTION

Sous cette section, nous aborderons dans le paragraphe premier la question de la primauté
de la Constitution, dans le deuxième paragraphe, nous examinerons les bases constitutionnelles
du droit administratif ; dans le troisième et dernier paragraphe, nous parlerons de la protection de
la Constitution.

Paragraphe 1. La primauté de la Constitution

Le professeur BURDEAU considère que le fondement de tout Etat moderne se trouve


dans l’existence d’une Constitution dans la mesure où celle-ci constitue la source de légalité de
tout pouvoir politique, étant entendu que la source de légitimité se trouve dans le peuple.

Dans la pratique, la définition de la Constitution, sur le plan matériel, est basée sur
l’organisation et le fonctionnement du pouvoir politique à telle enseigne que tout texte juridique
qui met en place l’organisation et le fonctionnement du pouvoir politique est assimilé à une
Constitution. Dans la conception moderne, il est fait la distinction entre un texte constitutionnel et
une véritable Constitution considérant que cette dernière doit refléter l’idée de droit du souverain
car, c’est le souverain qui donne la légitimité à tout pouvoir politique ; il transpose son idée de
droit dans un texte constitutionnel. On comprend dès lors aisément la nuance entre la Loi
fondamentale, l’Acte constitutionnel de la transition, le Décret-loi constitutionnel, la Constitution
de la Transition et les Constitutions qui auront marqué la première République, la deuxième et la
troisième République. Ces trois République tirent leurs origines de l’idée de droit du souverain.
La Constitution devient alors la loi suprême car elle tire sa source de la volonté du souverain et
par conséquent elle va s’imposer sur toutes les autres lois de l’Etat qui, elles seront l’émanation
soit d’une institution soit d’une organe soit d’une autorité ; le Chef de l’Etat, avant de prendre ses
fonctions, est obligé de jurer le respect de tous ses actes à la Constitution parce que nous le
verrons, c’est lui qui sera le garant de la Constitution. Si le Président de la République représente
la première institution de l’Etat, il est important qu’il soit soumis à la Constitution et, ce faisant, il
est chargé de garantir la primauté de la Constitution.
30

Paragraphe 2. Les bases constitutionnelles du droit administratif

La Constitution est la source fondamentale du droit administratif car l’organisation de


toutes les règles de compétence se trouve dans les dispositions constitutionnelles ; l’article 3 de la
Constitution fixe les principes de toute organisation administrative de l’Etat de telle sorte que le
statut d’une province autant que celui des entités décentralisées trouvent leur fondement dans
ledit article 3. Les articles 201 à 206 de la Constitution déterminent la répartition des
compétences entre le pouvoir central et les provinces alors que l’organisation et le
fonctionnement tant des provinces que des autres entités territoriales sont renvoyés par le
constituant à la compétence du législateur. C’est également la Constitution qui détermine en ses
articles 122 et 123 les matières qui relèvent du domaine de la loi et qui laisse, en son article 128,
toutes les autres matières dans le domaine du pouvoir règlementaire. Enfin, la Constitution
organise le pouvoir des autorités politico-administratives du pouvoir central et des provinces.
D’abord les articles 78, 81, 82, 84, 86, 87, et 88 fixent les différentes compétences qui reviennent
au Président de la République, notamment le pouvoir de nomination et de révocation, celui de
conférer le grade dans les ordres nationaux, celui de proclamer l’Etat d’urgence et de siège, de
déclarer la guerre, d’exercer le droit de grâce et enfin d’accréditer les ambassadeurs et envoyés
extraordinaires. Le Président de la République statue par voie d’ordonnance ; ces ordonnances
peuvent revêtir un caractère politique ou administratif selon le champ d’action de la matière à
traiter.
Le Premier Ministre tire sa compétence de l’article 92 de la Constitution ; parmi les
compétences qui lui sont reconnues, nous pouvons citer particulièrement : les pouvoirs de
nomination aux emplois civils et militaires autres que ceux relevant de la compétence du
Président de la République.
NB. La lecture de la Constitution ne nous permet de relever à ce stade la liste des emplois dont la
compétence reviendrait au Premier Ministre car, à l’article 81 alinéa 4 il est fait référence aux
hauts fonctionnaires de l’Administration Publique. Il faudra donc recourir à la loi portant statut
de la fonction publique pour pouvoir faire la différence entre les hauts fonctionnaires et les autres
fonctionnaires. Le Premier Ministre dispose également de la compétence réglementaire dans les
matières qui sont reconnues par l’article 128 de la Constitution ; cependant, les actes du Premier
Ministre sont alors contresignés par le Ministre chargé de leur exécution, spécialement lorsque la
31

matière a fait l’objet de délibération en conseil des ministres. Dans le même article 92, la
Constitution permet au Premier Ministre de déléguer certains de ses pouvoirs aux ministres.
Enfin, la Constitution dispose que le Premier Ministre statue par voie de Décret.

S’agissant des Ministres, ils tirent leurs pouvoirs de l’article 93 de la Constitution. Ils
statuent par voie d’arrêté dans les matières relevant de leurs départements ministériels.

S’agissant des autorités provinciales, il y a lieu de relever que le nouveau statut des
provinces ne permet plus l’organisation de la tutelle administrative sur les provinces car celle-ci
sont devenues, en vertu de l’article 3 de la Constitution, des entités politiques dont les institutions
politiques sont organisées aux articles 195 à 199 de la Constitution. Pour permettre
l’harmonisation des rapports entre le pouvoir central et les provinces, la Constitution a institué,
en son article 200, une conférence des Gouverneurs des provinces.

Paragraphe 3. La protection de la Constitution

Il ne suffit pas d’affirmer la primauté de la Constitution, encore faut-il garantir la


protection de cette Constitution. Ainsi, le Constituant a voulu responsabiliser le Chef de l’Etat en
tant que Représentant de la Nation afin de veiller au respect de la Constitution.
L’article 69 de la Constitution, dans son paragraphe premier, dispose que le Président de
la République est le Chef de l’Etat. Au-delà de sa qualité de garant de la Constitution, l’article 69,
en son alinéa 3, a donné au Chef de l’Etat le rôle d’arbitrage pour permettre le fonctionnement
régulier des pouvoirs publics, des institutions ainsi que pour permettre la continuité de l’Etat
(protection politique de la Constitution).

Le Chef de l’Etat assure ainsi la protection de la Constitution ; mais le Constituant a voulu


confier à une institution judiciaire que l’on appelle la « Cour Constitutionnelle » (CC), la mission
de juger et de sanctionner le cas de violation de la Constitution ; l’organisation de la CC est fixée
par les articles 157 à 160 de la Constitution. Par contre, les compétences de la CC ainsi que les
règles de procédure sont fixées par les articles 161 à 168 de la Constituant. Sans devoir entre dans
les détails des autres compétences de la CC, nous nous limitons ici à examiner les contentieux de
la constitutionalité des lois et des actes réglementaires.
32

A. La compétence de la Cour Constitutionnelle (CC)

Le contentieux de la constitutionalité organise trois cas de compétence de la CC :


l’exception d’inconstitutionnalité, le recours en inconstitutionnalité et le recours en interprétation.

1°. Exception d’inconstitutionnalité

Il est important de faire la distinction entre l’exception d’inconstitutionnalité et


l’exception d’illégalité car, en effet, l’exception d’illégalité relève de la compétence de toute
juridiction en vertu de l’article 153 al. 4 de la Constitution. Le juge appelé à appliquer un acte
réglementaire peut recevoir l’exception d’illégalité soulevée par une partie au procès qui
considère que l’acte réglementaire n’est pas conforme à la loi ; le juge qui reçoit l’exception est
appelé à statuer sur celle-ci soit par un avant dire droit soit en joignant l’exception au fond.
L’exception d’inconstitutionnalité ne relève pas de la compétence de toutes les
juridictions mais uniquement de la Cour Constitutionnelle quand bien même elle peut être
soulevée devant toute juridiction ; la juridiction saisie de cette exception sursoit à statuer dans
l’affaire en procès et saisit, toutes affaires cessantes, la Cour Constitutionnelle. C’est l’Esprit de
l’article 162 alinéas 3 et 4.

2°. Recours en inconstitutionnalité

Ce recours est introduit directement auprès de la CC ; ce recours ne concerne que


l’inconstitutionnalité des actes législatifs et réglementaires avec cette conséquence que les autres
actes qui font partie du bloque de la légalité ne sont pas de la compétence de la CC.

Par acte législatif, il faut considérer les lois et les actes ayant force de lois ; à ce niveau, la
question qui se pose concerne les actes parlementaires qui, eux, ne sont pas des actes législatifs.
L’examen de cette question nous amène à faire la distinction entre le règlement d’assemblée qui
porte sur les mesures intérieures relatives à l’organisation et au fonctionnement de l’assemblée et
les autres actes parlementaires intervenant sous forme de résolution, recommandation,
observation, etc.
33

Les règlements intérieurs sont soumis au contrôle de la constitutionnalité car ils ne


peuvent être mis en application qu’après avis de la CC. Il en est également ainsi des règlements
intérieurs de la Commission Nationale des Elections et du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel et
de la Communication.
Les autres actes parlementaires jouissent de l’immunité juridictionnelle. Le recours en
inconstitutionnalité est organisé par l’article 162 dans son alinéa 2.

3° Le recours en interprétation

L’article 161 de la Constitution confère également à la CC la compétence en matière


d’interprétation de la Constitution. Cette compétence revenait jusque là à la CSJ, toutes sections
réunies.

B. Les conditions de saisine de la Cour Constitutionnelle

La protection de la Constitution est une valeur fondamentale dans une Nation car il serait
inconcevable de considérer qu’une action introduite auprès de la CC devienne irrecevable pour
un vice de procédure. C’est ainsi que la Constitution ne prévoit pas de délai en matière
d’inconstitutionnalité alors que en matière d’illégalité, il existe de délai pour introduire un
recours pour excès de pouvoir. D’autre part, la Constitution ne limite plus les personnes devant
introduire un recours en inconstitutionnalité ; en vertu de l’article 162 alinéa 2 « toute personne
sans aucune discrimination, peut introduire un recours en inconstitutionnalité devant la Cour
Constitutionnelle ». Par contre, s’agissant du recours en interprétation, la saisine de la CC est
réservée uniquement au Président de la République, au Gouvernement, au Président du Sénat ou
de l’Assemblée Nationale, à un dixième des membres de chacune des chambres parlementaires,
aux Gouverneurs des provinces et aux Présidents des Assemblées provinciales.

Le contrôle de la constitutionnalité des lois intervient également avant la promulgation de


celles-ci selon qu’il s’agit d’une loi organique ou d’une loi ordinaire ; en vertu de l’article 124, 3
de la Constitution, les lois organiques ne peuvent être promulguées qu’après déclaration par la
CC de leur conformité à la Constitution ; la Cour est saisie à cet effet par le Président de la
34

République. Par contre, s’agissant des lois ordinaires lorsqu’elles sont votées par les deux
chambres du Parlement, elles peuvent exceptionnellement faire l’objet d’un contrôle de la CC à la
demande du Président de la République, du Premier Ministre, du Président du Sénat ou de
l’Assemblée Nationale, d’un dixième des députés ou sénateurs. Dans ce cas, la promulgation
n’interviendra qu’après la déclaration de la CC.

NB. C’est ici la grande différence entre la loi organique et la loi ordinaire dans la mesure où la loi
organique ne peut être promulguée qu’après le contrôle obligatoire de la CC. Et c’est le Président
de la République, entant qu’autorité de la promulgation, qui doit saisir la CC. Par contre, les lois
ordinaires peuvent être promulguées sans le contrôle préalable de la CC ; la promulgation ne peut
être suspendue que si l’une des autorités prévues à l’article 160 al.3 de la Constitution introduit
un recours devant la CC.

Le contrôle de constitutionnalité des actes réglementaires appelle la réponse à une


question fondamentale, celle de savoir « comment contrôler un règlement inconstitutionnel pris
dans le sillage d’une loi qui se trouve en elle-même inconstitutionnelle ? ». La réponse à cette
question se trouve dans la théorie de la « Loi-Ecran » dite encore théorie de « l’écran
législatif ». Selon cette théorie, une loi inconstitutionnelle est toujours applicable et exécutoire
tant que la CC ne s’est pas prononcée sur sa nullité ; par conséquent, les actes administratifs qui
interviennent dans le sillage d’une loi non conforme à la Constitution, ces actes bénéficient de la
couverture légale et par conséquent, ils ne peuvent faire l’objet d’un quelconque recours en
inconstitutionnalité. Il appartient à la personne lésée d’introduire un recours à
l’inconstitutionnalité contre la loi inconstitutionnelle et par voie de conséquence d’obtenir le
résultat escompté.
35

SECTION II. TRAITES ET ACCORDS INTERNATIONAUX

Paragraphe 1. Fondement constitutionnel des traités et accords


internationaux

La valeur des traités et accords internationaux trouve son fondement dans la Constitution
qui, déjà dans son préambule, affirme l’acceptation du peuple congolais de la possibilité d’aliéner
la souveraineté de l’Etat au profit du droit international. Le préambule de la Constitution affirme
la volonté du peuple congolais à promouvoir les relations internationales. Dans le corps de la
Constitution, nous retrouvons également des dispositions qui organisent les compétences en
matière des traités et accords internationaux. On y retrouve quatre intervenants dont : le Président
de la République, le Gouvernement, le Parlement, et le peuple congolais. Ainsi, l’article 213 de la
Constitution consacre la compétence du Président de la République en matière de négociation et
de ratification des traités et accords internationaux ; la même disposition, dans son alinéa 2,
organise la compétence du Gouvernement en matière de conclusion des traités et accords
internationaux qui ne sont pas soumis à ratification (c’est-à-dire qui ne relèvent pas de la
compétence du Président de la République), avec néanmoins l’obligation pour le Gouvernement
d’en informer l’Assemblée Nationale et le Sénat.

En son article 214, la Constitution délimite le champ d’intervention du parlement dans la


mesure où il précise « les traités et accords internationaux devant requérir la loi d’approbation du
Parlement avant leur ratification. Dans la même disposition, l’alinéa 2 précise alors dans quel cas
l’intervention du peuple congolais est requise ; c’est le cas de cession, d’échange et d’adjonction
du territoire. Ces cas sont soumis au référendum populaire.

Paragraphe 2. La force juridique des traités et accords internationaux

Lorsque certains auteurs affirment la primauté du droit international sur le droit interne,
les publicistes rétorquent que cette affirmation n’est pas correcte dans la mesure où non
seulement les traités et accords internationaux tirent leur fondement de la Constitution mais
surtout la même Constitution consacre la soumission des traités et accords internationaux à toutes
36

les dispositions constitutionnelles y compris son préambule ; la théorie de « l’écran


constitutionnel » place la Constitution au dessus des traités et accords internationaux. C’est ainsi
que l’article 215 de la Constitution consacre la supériorité des traités et accords internationaux
sur les lois, exclusion faite de la Constitution. L’article 216 de la Constitution confirme la
supériorité de la Constitution lorsqu’il dispose que la Cour Constitutionnelle consultée par le
Président de la République, le Premier Ministre, le Président de l’Assemblée Nationale ou de
Sénat, le 1/10ème des députés ou sénateurs déclarent qu’un traité ou accord international
comporte une clause contraire à la Constitution, la ratification ou l’approbation ne peut intervenir
qu’après la révision de la Constitution.

La première question en rapport avec les dispositions constitutionnelles est celle de


savoir quelle serait la valeur juridique d’un traité ou accord international qui serait contraire à une
disposition constitutionnelle mais qui n’aurait pas fait objet de consultation auprès de la CC ?
Dans cette hypothèse, le traité a été régulièrement ratifié ou approuvé dans le respect des
conditions requises mais il reste en contradiction avec la Constitution. La réponse à cette question
appelle une autre question, celle de savoir si le contrôle de constitutionnalité est possible contre
un traité inconstitutionnel ? La réponse à cette deuxième question se trouve dans les articles 160
et 162 de la Constitution. Ces deux dispositions déterminent expressément les actes pouvant faire
l’objet d’un contrôle de constitutionnalité « a posteriori », c’est-à-dire après l’édiction d’un acte
juridique, il s’agit des lois des actes ayant force de lois et des règlements. Par contre, les traités et
accords internationaux ne peuvent être soumis à la CC que dans le cadre d’un contrôle « a
priori », c’est-à-dire avant la ratification du traité. Après la ratification, le traité acquiert la force
juridique et le droit positif congolais n’organise pas la possibilité d’introduire ni l’exception
d’inconstitutionnalité, ni le recours en inconstitutionnalité contre un traité régulièrement ratifié
quand bien même il serait contraire à la Constitution. Cependant, la jurisprudence française
considère que le juge, dans sa mission de dire le droit, doit privilégier la Constitution lorsqu’il est
emmené à appliquer deux règles de droit contradictoires ; le Conseil Constitutionnel français
ainsi que la Cour de Cassation et le Conseil d’Etat français ont eu à écarter l’application d’un
traité jugé inconstitutionnel dans le règlement d’un litige. La lecture de l’article 153 al.4 de la
Constitution précise clairement que les Cours et Tribunaux civils et militaires appliquent les
traités internationaux dûment ratifiés ; il résulte de cette disposition que le juge de droit commun
37

n’a pas l’obligation de vérifier la conformité du traité à la Constitution et par conséquent il serait
inadmissible d’introduire un recours en cassation contre une décision juridictionnelle qui
appliquerait un traité régulièrement ratifié quand bien même celui-ci serait réputé
inconstitutionnel.

La deuxième question concerne la ratification par le Président de la République d’un


Traité ou accord international qui aura été déclaré inconstitutionnel par la CC ; dans cette
hypothèse, le Président de la République refuse de suivre la CC et procède à la ratification du
traité alors que l’article 216 exige que la ratification ne puisse intervenir qu’après la révision de la
Constitution. Comment alors attaquer l’acte de ratification pour inconstitutionnalité ? La réponse
à cette question appelle la question de savoir la valeur juridique d’un acte de ratification ; est-ce
un acte intervenant dans la fonction politique ou dans la fonction administrative du Président de
la République ; il s’agit bel et bien d’une prérogative du Chef de l’Etat, c’est-à-dire que le
Président de la République intervient ici dans le cadre de sa fonction politique. L’acte de
ratification constitue un acte de Gouvernement qui échappe au contrôle du juge. Néanmoins, si
l’acte de ratification ne rentre pas dans le domaine du contrôle de constitutionnalité par la CC, il
existe d’autres mécanismes qui permettent de faire échec à l’acte de ratification car dans ce cas
d’espèce, le Président de la République aura commis une violation intentionnelle de la
Constitution susceptible d’être qualifiée de haute trahison et d’entraîner des poursuites judiciaires
contre le Président de la République en vertu des articles 164 et 165 de la Constitution.

La troisième question concerne la loi d’approbation prise par le Parlement quand bien
même le traité ou accord faisant l’objet d’approbation serait contraire à l’une des dispositions de
la Constitution. La réponse à cette question est simple par le seul fait que la loi d’habilitation
n’est pas différente des autres lois et, par conséquent, la référence aux articles 160 et 162 de la
Constitution permet l’exercice d’un recours en constitutionnalité devant la CC contre pareille loi
d’habilitation.
La supériorité du traité et accord internationaux sur les lois entraîne nécessairement la
soumission de tous les actes inférieurs à la loi au traité ou accord international. Il en sera ainsi de
toute forme des lois, des O-L, des règlements autonomes, des règlements subordonnés, de
décisions juridictionnelles, de la coutume et des principes généraux du droit ; autant des sources
38

formelles soumises au respect des traités ou accords internationaux. En affirmant que les traités et
accords internationaux s’imposent à tous les actes administratifs, nous considérons qu’il s’agit là
d’une source formelle qui fait partie du bloque de la légalité et qui, par conséquent, permet
l’exercice du recours pour excès du pouvoir lorsque une décision administrative sera prise en
violation du traité ou accord international. C’est autant dire que, si le contrôle de
constitutionnalité n’a pas été possible contre un traité ou accord international, le contrôle de la
légalité reste possible lorsqu’une décision administrative ne respecte pas un traité ou accord
international.
Sur le plan juridique, il faudra faire la distinction entre le règlement autonome, le
règlement subordonné et les actes individuels. En effet, le règlement autonome suppose
l’inexistence d’une loi mais le fait que le règlement est un acte administratif qui doit se
conformer à la loi, il est tout à fait logique qu’il se conforme non seulement à la Constitution
mais également aux traités et accords internationaux lesquels ont une valeur supérieure à la loi.
S’agissant des règlements subordonnés et des actes individuels qui, par essence, ne peuvent
intervenir qu’en vertu de la loi ou d’une ordonnance-loi, la question juridique est la suivante :
comment apprécier un règlement subordonné ou un acte individuel qui se conforme à un acte
législatif alors que celui-ci (loi ou ordonnance-loi) se trouve être contraire à un traité ou accord
international ? La réponse à cette question trouve son fondement dans le fait que le règlement
subordonné et les actes individuels dépendent de l’acte législatif et leur légalité est appréciée
uniquement en fonction de cet acte législatif. On dira à ce sujet « pessima lex sed lex », c’est-à-
dire si mauvaise soit-elle la loi est toujours la loi et elle appelle son application par tous.

Sur cette base, il sera difficile d’introduire un recours pour excès de pouvoir contre un
acte administratif car, en définitive, il n’y a pas violation de la loi. Par contre, il est important de
savoir quelle serait la valeur d’une loi intervenant en violation d’un traité ou accord
international ? Cette question est importante car nous venons d’affirmer que la loi reste valable
tant que la CC ne l’aura déclarée nulle et de nul effet ; c’est donc seule la CC qui peut anéantir les
effets d’une loi. Nous avons déjà admis que la CC peut déclarer l’inconstitutionnalité et la nullité
d’une loi qui lui serait contraire ; mais la même CC peut-elle anéantir les effets d’une loi qui
serait conforme à la Constitution mais qui serait contraire au traité et accord internationaux ? La
réponse à cette problématique est très complexe d’autant plus que la jurisprudence congolaise ne
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nous donne pas un cas d’illustration à ce sujet. Nous nous référons à la position de la doctrine et
de la jurisprudence française, position qui refuse d’examiner « l’inconstitutionnalité » d’une loi
qui serait contraire à un traité ou accord international en se basant sur la théorie de « l’écran
constitutionnel ». Et en considérant que la supériorité du traité à la loi n’est qu’un principe
consacré par la Constitution de telle sorte que la violation de ce principe ne constitue pas
nécessairement la violation de la Constitution. Le Conseil Constitutionnel n’examine que la
violation d’une disposition constitutionnelle : à titre d’illustration, au lieu d’affirmer le principe
selon lequel les traités ont une valeur supérieure à la loi, la Constitution disposerait : « les lois de
la République doivent être conformes aux traités et accords internationaux ». Ainsi, dans
l’hypothèse de la nouvelle disposition, la violation du traité par la loi équivaudrait à la violation
d’une disposition constitutionnelle, celle qui consacre la conformité de la loi au traité.

Une autre question est celle de savoir quelle serait la position du juge du droit commun
devant deux règles de droit contradictoires, c’est-à-dire d’une part un traité ou un accord
international et d’autre part une loi dont les dispositions seraient contraires au traité ou accord
international ? La réponse à cette préoccupation se trouve encore une fois dans l’article 153 al. 4
de la Constitution lequel dispose que « les Cours et Tribunaux appliquent les traités, les lois, les
actes réglementaires pour autant qu’ils soient conformes aux lois ainsi que la coutume pour
autant que celle-ci ne soit pas contraire à l’ordre public ou aux mœurs ». Cet article ne s’arrête
pas à dire que le juge applique la loi, il précise que le juge applique les traités ensuite les lois, il
respecte la hiérarchie des actes juridiques ainsi que la supériorité des traités sur les lois ; la
réponse à notre préoccupation est de conclure que entre un traité et une loi, le juge donnera
préférence au traité.

SECTION III. LES ACTES LEGISLATIFS

Lorsque nous parlons d’actes législatifs, nous faisons allusion à la définition matérielle de
la loi qui considère que un acte juridique à caractère général, impersonnel et abstrait, c’est-à-dire
un acte qui ne s’identifie pas à une situation individuelle, un acte qui concerne tous les citoyens
sans aucune distinction, un acte qui régi une matière dans l’abstrait. Cette définition matérielle ne
nous permet pas de faire la distinction entre une Loi proprement dite et une Ordonnance-loi ou
40

encore une décision réglementaire. Le caractère général, impersonnel et abstrait se retrouve dans
les trois actes juridiques cités. C’est sur le plan organique et sur le plan formel que la distinction
va apparaître dans la mesure où les lois seront l’œuvre du Parlement, les Ordonnance-lois l’œuvre
du Gouvernement et les règlements seront l’œuvre de l’Administration. Sur le plan formel, la
procédure d’élaboration d’une loi est une procédure complexe organisée par la Constitution et les
règlements intérieurs de l’Assemblée Nationale et du Sénat ; l’élaboration d’Ordonnance-loi est
conditionnée par la procédure d’habilitation et de ratification alors que l’élaboration de
règlement s’inscrit dans une procédure simplifiée concernant les décisions administratives.

En parlant des actes législatifs, nous faisons allusion aux lois proprement dites et aux
actes ayant force de lois.

Paragraphe 1. Les lois

La loi est un acte qui relève du pouvoir législatif. Et l’article 100 de la Constitution
dispose que le pouvoir législatif est exercé par le Parlement, composé de deux chambres :
l’Assemblée Nationale et le Sénat. Le Parlement vote les lois ; les modalités de votation sont
déterminées par le règlement intérieur de chacune de deux chambres. Conformément à l’article
118 de la Constitution, le vote de la loi n’est valable qu’à la majorité absolue des membres
composant la chambre parlementaire.
Comme nous l’avons déjà souligné, le domaine de la loi est déterminé par les articles 122
et 123 de la Constitution. Il est fait la différence entre les lois qui fixent les règles générales et
celles qui déterminent les principes fondamentaux dans l’élaboration d’une règle des conduites
sociales. Ainsi, les matières énumérées par l’article 122 de la Constitution font l’objet d’une loi
complète, une règle de droit qui ne nécessite pas d’être complétée par un règlement
d’application ; c’est plutôt un règlement d’exécution qui y intervient en ce sens que la loi fixe la
règle générale et le règlement détermine les modalités d’exécution. Par contre, l’article 123
organise implicitement le partage du pouvoir normatif entre la loi et le règlement. En effet, les
matières énumérées à l’article 123 font l’objet non pas d’une loi complète mais d’une loi
partielle, celle qui se limite à fixer les principes fondamentaux devant régir une matière donnée
tout en laissant au pouvoir réglementaire la charge de compléter la loi par des règlements
41

d’application ; c’est autant dire que le règlement d’application complète la loi dans des matières
relevant de l’article 123.

Dans le domaine de la loi, il sera fait la distinction entre les lois organiques, les lois de
finances et les lois ordinaires ; l’importance de cette distinction concerne particulièrement les lois
organiques car, en effet, la définition de la loi organique n’est plus celle retenue par la doctrine
mais plutôt une définition constitutionnelle car elle découle de l’article 124 de la Constitution qui
dispose : « les lois auxquelles la Constitution confère le caractère des lois organiques sont votées
et modifiées à la majorité absolue des membres composant chaque chambre dans les conditions
suivantes :
- la proposition de loi n’est soumise à la délibération et au vote de la première Chambre
saisie qu’à l’expiration d’un délai de quinze jours après son dépôt au Gouvernement ;
- la procédure de l’article 132 est applicable. Toutefois, faute d’accord entre les deux
Chambres, le texte ne peut être adopté par l’Assemblée nationale en dernière lecture qu’à
la majorité absolue de ses membres ;
- les lois organiques ne peuvent être promulguées qu’après déclaration par la CC
obligatoirement saisie par le Président de la République, de leur conformité à la
Constitution dans un délai de quinze jours.
(Le caractère organique n’est pas conféré par la doctrine mais par la Constitution).

C’est sur cette base de l’article 124 que les différentes lois organiques ont été précisées
dans la Constitution en rapport avec les matières concernées ; exemple : l’article 3 al. 4 de la
Constitution prévoit que l’organisation et le fonctionnement des entités décentralisées seront
fixés par une loi organique ; l’article 179 de la Constitution prévoit également que le
fonctionnement et l’organisation de la Cour de Compte sont fixés par une loi organique ; il en est
ainsi d’autres matières qu’il faudra découvrir dans la Constitution pour savoir si elles sont régies
par une loi organique ou par une loi ordinaire.

La Constitution congolaise a été calquée sur la Constitution française dans la plupart de


ses dispositions et particulièrement dans le partage du pouvoir normatif entre le pouvoir législatif
et le pouvoir réglementaire ; l’article 128 de la Constitution dispose : « les matières autre que
42

celles qui sont du domaine de la loi ont un caractère réglementaire ». Cette disposition laisse au
Gouvernement « le pouvoir de légiférer » dans toutes les matières qui ne sont pas reprises dans
les articles 122 et 123 de la Constitution.
La différence entre le règlement subordonné et le règlement autonome va découler de
l’application des articles 122 et 123 d’une part et de l’article 128 d’autre part. Dans l’esprit des
articles 122 et 123, les règlements interviennent dans le sillage de la loi soit pour exécuter la loi
soit pour la compléter par des mesures d’application, il s’agit ici des règlements subordonnés
alors que dans l’esprit de l’article 128 de la Constitution, le règlement intervient là où la loi ne
peut pas intervenir, le règlement intervient dans les matières résiduaires qui lui sont laissées par
la Constitution ; on parle alors des règlements autonomes. (Nous verrons plus tard qu’il existe
une autre variante des règlements autonomes).
L’initiative de la loi appartient au Gouvernement (projet de lois) et à chacun des membres
de l’Assemblée Nationale ou du Sénat (proposition de lois). Le président de la République
n’intervient que dans le cadre de la promulgation des lois, il n’a donc pas d’initiative en matière
législative, il est obligé de passer par le Gouvernement. La promulgation de la loi est une
compétence liée du Président de la République car la loi ne relève pas de sa compétence ; il
intervient uniquement entant que Chef de l’Etat pour donner l’instrumentum à la loi, c’est
pourquoi une fois la loi adoptée, elle doit être transmise dans le délai de six jours de son adoption
au Président de la République qui dispose d’un délai de 15 jours pour promulguer la loi.
Cependant, le Président de la République dispose d’un droit de veto qui lui permet, non pas de
s’opposer à la promulgation de la loi, mais de soumettre celle-ci à une seconde lecture avec ses
avis et considérations. Les deux chambres du Parlement sont dans l’obligation de réexaminer le
texte des lois et de s’y prononcer à la majorité absolue de ses membres (dans le système
américain, la 2ème lecture requiert la majorité qualifiée).
La promulgation de la loi est nécessairement accompagnée par sa publication au Journal
Officiel avec cette conséquence que l’entrée en vigueur de la loi intervient 30 jours après sa
publication au Journal Officiel à moins que la loi en dispose autrement. Sur le plan contentieux,
le principe « nul n’est censé ignorer la loi » ne peut être valable que si la loi a fait l’objet de
publication ; elle ne devient donc opposable aux citoyens qu’après sa publication au Journal
Officiel quand bien même elle entrerait en vigueur à la date fixée par la loi. Nous faisons ici la
distinction entre l’entrée en vigueur et l’opposabilité de l’acte juridique vis-à-vis des citoyens.
43

Paragraphe 2. Les actes ayant force de lois

La théorie des actes ayant force de lois est une théorie complexe car elle combine à la fois
le caractère réglementaire et le caractère législatif d’un acte juridique. Elle donne naissance à un
« poisson-chat » dans la mesure où l’acte juridique est à la fois une Ordonnance et une Loi. C’est
la conséquence des articles 122 et 123 de la Constitution qui permet de recourir à cette théorie
des actes ayant force de lois dans la mesure où il a été démontré que malgré la limitation des
matières (15 à l’article 122 et 16 à l’article 123), le Parlement se trouve dans l’impossibilité
matérielle d’accomplir sa mission législative ; les parlementaires doivent également s’occuper du
contrôle du Gouvernement et des services publics, du contrôle des traités et accords
internationaux soumis à leur approbation ; ils doivent effectuer les enquêtes parlementaires,
travailler en commission et sous-commissions et, enfin, ils doivent périodiquement rentrer à leur
base électorale pour requérir les aspirations du peuple. C’est là une multitude des charges qui
entraînent l’encombrement du Parlement et qui expliquent le blocage éventuel de l’élaboration
d’un texte législatif. Il est important de remédier à cette faiblesse en procédant à la délégation du
pouvoir législatif au profit du Gouvernement pour permettre à ce dernier de légiférer d’urgence
dans une matière nécessaire à la réalisation de son programme.

Suivant le principe de la séparation des pouvoirs, le Gouvernement ne devrait pas


intervenir dans le domaine de la Loi mais le fonctionnement de l’Etat est soumis à un autre
principe, celui de la continuité et de la régularité des affaires de l’Etat ; la combinaison de
ces deux principes va alors justifier la possibilité qui sera laissé au Parlement pour que ce dernier
accepte de se dessaisir momentanément d’une partie de son pouvoir législatif et qu’il autorise
ainsi le Gouvernement à exercer une fonction législative, par ricochet. C’est sur base de
compromis que la procédure de l’élaboration d’actes ayant force de lois passe deux phases
importantes, celle de la loi d’habilitation et celle de la loi de ratification. La loi d’habilitation
intervient à la demande du Gouvernement ; celui-ci doit justifier le caractère urgent et impératif
nécessitant l’intervention d’une loi dans une matière qui s’inscrit dans le programme du
Gouvernement ; le Parlement circonscrit alors la matière dans la loi d’habilitation, il fixe la durée
de la délégation des pouvoirs donnés au Gouvernement ainsi que le délai dans lequel l’acte du
Gouvernement sera soumis à la ratification du Parlement. La loi de ratification permet au
44

Parlement non seulement d’exercer un contrôle a posteriori de l’acte pris par le Gouvernement
mais également de conférer le caractère législatif à l’acte émanant du Gouvernement. La
conséquence logique de cette double procédure (habilitation et ratification) est telle que les actes
de l’exécutif intervenant dans le domaine réservé à la loi garde leur nature réglementaire tant
qu’ils n’auront pas été ratifiés par le Parlement. C’est donc l’acte de ratification, la loi de
ratification qui élève l’acte de l’exécutif au niveau de l’acte législatif. Avant la ratification, l’acte
intervenant dans le domaine législatif constitue également un règlement autonome qui se définit
ici comme étant un « acte intervenant dans le domaine de la loi (articles 122 et 123), mais dans
une matière où il y a lacune de la loi, dans une matière qui n’a pas encore fait l’objet d’un acte
législatif ; un tel règlement ne peut pas aller dans le sillage de la loi parce que la loi n’existe pas
encore en la matière.

Sur le plan diachronique, les actes ayant force de lois ont connu à travers l’histoire
constitutionnelle de la RDC plusieurs formes d’appellation et parfois des régimes juridiques
différents. Dans la Constitution du 1er août 1964, les actes ayant force de lois sont consacrés par
l’article 95 et ils sont élaborés sous forme de Décret-loi (D-L). Dans la Constitution du 24 juin
1967, les actes ayant force de lois sont organisés par l’article 52 et ils sont élaborés sous forme
d’O-L ; il faut noter que la Constitution originelle de 1967 n’organise pas la loi de ratification de
telle sorte que l’O-L avait une valeur législative à partir de sa publication ; l’article 52 n’organise
pas la procédure d’habilitation.

La consécration du parti unique (le MPR) comme Parti-Etat a entraîné un régime


présidentialiste qui a fait du Président du MPR Président de la République, une autorité
législative au même titre que l’institution parlementaire de l’époque. L’article 43 des textes
coordonnés de la Constitution de 1967 révisé disposait que le Président de la République pouvait
prendre par O-L des mesures relevant du domaine de la loi en cas d’urgence et lorsque le
Parlement se trouvait en session ; il s’est fait malheureusement que 80% des lois de la 2ème
République ont été édictées par voie d’O-L du Président de la République.
L’Acte Constitutionnel de la Transition du 09 avril 1994 est revenu sur la procédure de la
loi d’habilitation et de la loi de ratification. Cependant, l’article 89 de l’Acte Constitutionnel de la
Transition ne fait pas allusion au D-L ni à l’O-L ; les actes ayant force de lois sont ici pris par
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voie de Décret (la Constitution française de la 5ème République parle également d’Ordonnance
tout court lorsqu’elle fait allusion aux actes ayant force des lois). La Constitution de la Transition
du 04 avril 2003 reprend également les procédures d’habilitation et de ratification en son article
119 et revient sur l’appellation de D-L à l’instar de la Constitution de 1964. Enfin, la nouvelle
Constitution du 18 février 2006 organise en son article 129 les procédures d’habilitation et de
ratification des actes ayant force de lois avec l’appellation d’O-L à l’instar de la Constitution de
1967.

Paragraphe 3. Sanction de l’illégalité

Lorsque nous disons que les actes législatifs constituent les sources formelles du droit
administratif, c’est principalement du fait que l’administration est une émanation du
Gouvernement et celui-ci est chargé d’exécuter les actes législatifs, c’est-à-dire les lois et les
actes ayant force de lois ; le principe de la légalité concerne, de manière générale, tout le bloque
de la légalité mais il concerne spécialement la soumission des actes de l’exécutif, des actes de
l’administration à la loi au sens strict du terme ainsi que à l’acte ayant force de lois.
Lors que les décisions de l’administration ne respectent pas un acte législatif, il y a ce que
l’on appelle « un excès de pouvoir », une illégalité ; cette illégalité constitue le contraire d’un
Etat de droit et par conséquent elle doit être sanctionnée. La sanction de l’illégalité interviendra
dans deux procédures différentes : la procédure de recours pour excès de pouvoir et l’exception
d’illégalité.

A. La procédure de recours pour excès de pouvoir

Cette procédure vise l’annulation d’une décision administrative prise dans le non respect
d’un acte législatif. Le recours pour excès de pouvoir (REP) dit également « recours en
annulation » est un recours tantôt juridictionnel tantôt administratif ; un recours juridictionnel
dans la mesure où il s’adresse au juge du droit administratif, il relève de la compétence de la
juridiction administrative ; un recours administratif lorsqu’il s’adresse à une autorité
administrative soit l’autorité hiérarchique soit l’autorité de tutelle (cfr titre 1er: Organisation
administrative).
46

La Constitution de 2006 a organisé des juridictions administratives à côté des juridictions


judiciaires de telle sorte que le recours pour excès de pouvoir qui relevait jusque là des sections
administratives des Cours d’Appel et de la CSJ, relève désormais des juridictions administratives
composées du Conseil d’Etat, des Cours Administratives d’Appel et des Tribunaux administratifs
(cfr. titre 3 : Contentieux administratif).

B. L’exception d’illégalité

Le recours en annulation est un recours complexe qui est soumis à des conditions de
forme et de fond et qui n’aboutit pas toujours à la sanction d’illégalité lorsque le recours est jugé
irrecevable soit par forclusion de délai soit par incompétence de la juridiction saisie. Faut-il alors
admettre la survie d’un « monstre », la survie d’une illégalité au détriment des administrés lésés ?
C’est pour pallier à cette inconséquence que le droit administratif a prévu la procédure
d’exception d’illégalité pour permettre aux administrés lésés qui se verraient opposer une
décision administrative illégale, dans le cours d’un procès, de demander au juge d’écarter de sa
religion l’application d’une telle décision illégale.

En droit Français, la procédure d’exception d’illégalité comporte trois solutions


différentes :

1°. Le droit Français autorise le juge de droit privé d’interpréter les actes administratifs mais il
refuse à ce juge le pouvoir d’apprécier la légalité d’un acte administratif considérant que cette
compétence relève des juridictions administratives ; par conséquent, le juge de droit privé, devant
une exception d’illégalité soulevée par l’une des parties au procès, devra surseoir à statuer et
renvoyer l’exception à la juridiction administrative ; le juge de droit privé sera alors lié par la
décision du juge de droit administratif ;

2°. S’agissant des juridictions pénales, il est admis que le juge pénal peut apprécier la légalité
d’une décision administrative à l’occasion d’une exception d’illégalité uniquement lorsque la
décision administrative faisant l’objet de l’exception rentre dans l’élément légal de l’infraction,
c’est-à-dire que la décision du juge pénal dépend de l’application de la décision administrative
47

contestée. C’est autant dire que le pouvoir du juge pénal n’est pas un pouvoir général
d’appréciation de la légalité des décisions administratives mais plutôt un pouvoir limité à la seule
décision administrative invoquée dans un procès pénal ;

3°. Le juge administratif à qui revient la compétence en matière d’exception d’illégalité fera la
distinction entre les actes réglementaires et les actes individuels ou particuliers.
- L’exception d’illégalité soulevée contre un acte réglementaire n’est pas limitée dans le
temps, elle ne connaît pas de prescription, elle peut être soulevée à tout moment devant
toute juridiction administrative quand bien même le recours en annulation ne sera plus
possible par forclusion de délai ;
- Par contre, s’agissant des actes individuels ou particuliers (cfr. infra), l’exception
d’illégalité ne sera possible que dans le délai du recours pour excès de pouvoir de telle
manière que la forclusion de délai en matière de recours en annulation s’applique
également dans le cadre de l’exception d’illégalité ; il y va là de la protection des droits
acquis des citoyens lesquels droits deviennent intangibles après l’écoulement d’un certain
délai ; cependant, la jurisprudence Française a admis deux exceptions à cette contrainte de
forclusion de délai.
 Lorsque l’administré a fait l’objet d’une décision administrative individuelle illégale et
qu’à la suite de cette décision il a été victime d’un préjudice certain, il lui revient
d’introduire un recours en réparation devant le juge compétent (cfr. titre 3) ; ainsi,
l’administré victime pourra soulever une exception d’illégalité pour demander au juge de
la réparation d’écarter de sa religion la décision administrative qui a donné lieu au
préjudice quand bien même celle-ci aurait bénéficié de la forclusion ;
 Dans la théorie des actes-conséquences (cfr. titre 2), nous verrons qu’il existe des actes
individuels qui tirent leur existence d’un autre acte individuel ; par exemple : 1. La
nomination d’un agent peut intervenir à la suite de la révocation d’un autre agent ; 2.
L’expropriation d’une maison d’un administré interviendra à la suite d’une autre décision
portant déclaration d’utilité publique ; il peut se faire que les premières décisions qui
auront permis l’intervention des autres décisions (que ces premières décisions) deviennent
inattaquables par forclusion de délai mais par bonheur les autres décisions peuvent encore
faire l’objet du recours pour excès de pouvoir, en étant dans le délai ; l’administré qui
48

attaque la 2ème décision dans le délai peut soulever une exception d’illégalité contre la
première décision malgré la forclusion du délai car le sort de la 2ème décision dépend
logiquement de l’existence de la première décision.

Comment alors le droit congolais organise-t-il la procédure d’exception d’illégalité ?


Lorsqu’on analyse les différents textes constitutionnels de la RDC, on constate que le Constituant
a marqué cette théorie d’exception d’illégalité par la distinction des actes réglementaires et
individuels. Dans la Constitution du 1er août 1964, l’article 123 dispose que les Cours et
Tribunaux n’appliquent les actes réglementaires que pour autant que ceux-ci soient conformes
aux lois. La Constitution du 24 juin 1967, à l’article 57 de son texte originel dispose
différemment comme suit : « Les Cours et Tribunaux n’appliquent les actes des autorités
administratives que pour autant que ceux-ci soient conformes aux lois ».

NB. Nous pouvons ici constater que les deux Constitutions déterminent différemment les actes
pouvant faire l’objet d’exception d’illégalité car dans la Constitution de 64, il ne s’agit que des
actes réglementaires alors que dans celle de 1967, il s’agit de tous les actes émanant des autorités
administratives, c’est-à-dire les actes réglementaires et les actes individuels. Toutes les révisions
ultérieures de la Constitution de 1967 ont maintenu la référence aux actes des autorités
administratives.

La position du Constituant congolais de 1967 est la même que celle du Constituant belge
car l’article 159 de la Constitution belge ne se limite pas seulement aux actes réglementaires, elle
cite également les actes individuels dans le contrôle des actes administratifs confié aux Cours et
Tribunaux ; la Constitution belge protège mieux les droits de citoyens dans la mesure où, de
manière perpétuelle, sans la prescription, le juge peut connaître de l’exception d’un acte
réglementaire aussi bien qu’individuel. Le Constituant congolais est revenu sur les dispositions
de 1964 depuis l’Acte Constitutionnel de la Transition du 04 avril 1994. Depuis, les Cours et
Tribunaux n’appliquent les actes réglementaires que pour autant que ceux-ci soient conformes
aux lois ; cette disposition est aussi reprise dans la Constitution de transition du 04 avril 2003 et
dans la Constitution du 18 février 2006.
49

La position du Constituant congolais à l’heure actuelle se rapproche de celle du


Constituant français qui fait la distinction entre les actes réglementaires et les actes individuels
principalement sur la question de forclusion de délai ; cependant, le droit français accepte
l’exception d’illégalité devant les juridictions administratives lorsque le délai de recours
contentieux n’est pas forclos (espérons que la réforme de la justice administrative en RDC suivra
la position française).

A l’heure actuelle, l’article 153 al. 4 de la Constitution de 2006 ouvre la voie à l’exception
d’illégalité uniquement pour les actes réglementaires ; les actes individuels peuvent néanmoins
faire l’objet de recours en annulation, de REP devant la juridiction administrative ; c’est l’esprit
de l’article 155 de la Constitution qui affirme que « le Conseil d’Etat connaît, en 1er et dernier
ressort, des recours pour violation de la loi (recours en annulation = REP), recours formé contre
les actes, règlements et décisions des autorités administratives centrales ; les Tribunaux
Administratives à venir seront certainement compétents pour les décisions des autorités
provinciales et locales.

QUESTION : En quoi l’exception d’illégalité est-elle différente du recours pour excès de


pouvoir ?
- Sur le plan de la procédure, l’exception d’illégalité intervient par voix d’exception ; il
s’agit donc là d’un incident de procédure alors que le recours pour excès de pouvoir
s’introduit par voix d’action, une action principale à laquelle peut être greffée une action
accessoire en dommage intérêt (DI) ;
- L’exception d’illégalité relève de la compétence de toutes juridictions, elle intervient à
l’occasion d’un procès alors que le recours pour excès de pouvoir relève uniquement de la
juridiction administrative (Conseil d’Etat, Cour Administrative d’Appel ou Tribunal
Administratif) ;
- Sur le plan des effets, l’exception d’illégalité vise uniquement à écarter l’acte
administratif contesté de la religion du juge de telle sorte que la décision illégale continue
à sortir ses effets, à connaître son application quand même le juge aurait fait droit à
l’exception alors que le recours pour excès de pouvoir vise l’annulation de l’acte
administratif dès lors que le juge administratif aura statué sur son illégalité ;
50

- L’exception ‘illégalité sort ses effets erga partes dans la mesure où la décision du juge de
l’exception ne concerne que les parties au procès, un autre procès peut avoir l’occasion
d’examiner l’exception d’illégalité sur la même décision administrative alors que le
recours pour excès de pouvoir qui aboutit à l’annulation d’un acte administratif sort ses
effets erga omnes, car la décision d’annulation coulée en force des choses jugées
concerne à la fois toute l’administration et tous les administrés.

SECTION IV. LA COUTUME

Paragraphe 1. Fondement juridique de la coutume

La coutume a toujours été considérée en droit congolais comme une source formelle du
droit et particulièrement du droit administratif :
- C’est d’abord dans l’Ordonnance législative du 14 mai 1886 que la coutume a été
considérée comme étant une source supplétive du droit ; ainsi, en cas de lacune de la loi, il
est dit que le juge se réfère à la coutume ;
- Par la suite, les différentes Constitutions de la RDC ont également admis la coutume
comme source de droit ; il est dit : « Les Cours et Tribunaux appliquent la coutume » ; ces
dispositions constitutionnelles se retrouvent encore dans l’article 116 du code de l’O.C.J
qui dit : « Si une contestation doit être tranchée suivant la coutume, les Cours et
Tribunaux appliquent celle-ci… » ;
- Enfin, le droit positif se réfère expressément à la coutume dans certaines matières bien
déterminées : il en est ainsi de la loi portant organisation judiciaire qui admet l’application
de la coutume là où les tribunaux coutumiers fonctionnent jusqu’à présent, du code de la
famille qui prévoit que la dot est fixée conformément à la coutume ; de la loi portant
organisation territoriale et administrative de la République qui renvoie à la coutume la
désignation des Chefs coutumiers et enfin de l’article 207 de la Constitution qui reconnaît
le pouvoir coutumier et qui précise que cette matière sera régie par une loi.
51

Paragraphe 2. La problématique de la place de la coutume

La première question est celle de savoir : Où se situe la coutume dans la hiérarchie des
actes juridiques ? La réponse à cette question réside dans le fondement juridique de la coutume
car celle-ci tire son fondement de la loi et par conséquent elle est inférieure à la loi ; mais vis-à-
vis des actes administratifs, la coutume est rangée au dessus de ces actes administratifs par le fait
qu’elle intervient soit pour suppléer la lacune de la loi sot pour compléter la loi qui renvoie une
matière à la coutume ; dans cette dernière hypothèse, la loi existe bel et bien, il n’y a pas lacune
de la loi (nous sommes loin de l’Ordonnance législative de 1886) ; dans cette hypothèse, la
coutume trouve son application en vertu de la loi. Ainsi, une décision administrative qui serait
prise en violation de la coutume serait contraire soit à l’Ordonnance législative du 14 mai 1886
soit à la loi (cfr. supra) en vertu de laquelle la coutume tire son fondement ; le recours pour excès
de pouvoir est alors possible pour violation de la coutume.

Une autre question est celle de savoir si la coutume doit être conforme à la loi. Avant de
répondre à cette question, il est important de jeter un regard à l’histoire constitutionnelle de notre
pays :
- Dans la Constitution de 1964, l’article 123 dispose : « Les Cours et Tribunaux appliquent
la coutume pour autant que celle-ci soit conforme aux lois, à l’ordre public et aux bonnes
mœurs » ;
- L’article 57 de la Constitution de 1967 et toutes ses révisions ultérieures disposent : « Les
Cours et Tribunaux appliquent la coutume pour autant que celle-ci soit conforme aux lois
et à l’ordre public de l’Etat » ;
- L’Acte Constitutionnel de la Transition (ACT) de 1994 dispose en son article 98 : « Les
Cours et Tribunaux appliquent la coutume pour autant qu’elle soit conforme à l’ordre
public et aux bonnes mœurs (il n’est pas fait allusion à la loi). Cette disposition de l’ACT
se retrouve également dans l’article 149 de la Constitution de transition de 2003 ;
- L’article 153 al. 4 de la Constitution de 2006 dispose pour sa part : « Les Cours et
Tribunaux appliquent la coutume pour autant que celle-ci ne soit pas contraire à l’ordre
public et aux bonnes mœurs ».
52

Nous remarquons que depuis 1994, le Constituant ne conditionne plus l’application de la


coutume à sa conformité aux lois. D’aucuns ont estimé que le fait d’éluder la loi dans des
nouvelles dispositions constitutionnelles permet aujourd’hui à la coutume d’être contraire à la loi.
Nous sommes, pour notre part, opposé à toute tentative visant à considérer que, de la lecture de
l’article 153 al. 4 de la Constitution, la coutume pourrait contredire la loi, notre argumentation est
basée sur une simple question de logique et sur des motivations de droit :

1°. Sur le plan de la logique :

- Si la coutume ne peut intervenir que lorsqu’il y a lacune de la loi ;


- Si dans un cas d’espèce, la loi n’existe pas
 La coutume ne peut être contraire à une loi qui n’existe pas.

2°. Sur le plan de la motivation de droit :

- Il serait dangereux de considérer qu’en cas de lacune de la loi, la coutume qui supplée à la
loi ne peut être contraire à toutes les autres lois qui existent, car, en effet, dans la
législation, une loi nouvelle peut contenir des dispositions contraires à une autre loi ; on
dit alors que la loi nouvelle prime l’ancienne loi ; peut-on soutenir le même raisonnement
s’agissant d’une coutume qui supplée à la loi mais comporte en même temps une ou des
dispositions contraires à la loi ; un tel raisonnement est inadmissible ;
- Si, par absurde, nous maintenons la logique tirée de l’Ordonnance législative du 14 mai
1886, quand serait-il de la coutume intervenant en vertu d’une loi (cfr. supra) ; peut-on
concevoir que la coutume qui fixe la dot soit en contradiction avec le code de la famille
d’où elle tire son fondement ou encore avec une autre loi de la République ( par exemple
soumettre une fille pubère aux travaux forcés de la belle famille en guise de la dot ) ; ceci
démontre à suffisance que la coutume ne peut pas être contraire à la loi ;
- La logique qui justifierait la formulation des nouvelles dispositions constitutionnelles n’a
pas été suivie ni par le Législateur ni par le Constituant en droit positif congolais ; en
effet :
53

 L’article 116 du code de l’OCJ reprend expressément que lorsque les Cours et Tribunaux
appliquent la coutume, celle-ci doit être conforme aux lois et à l’ordre public ;
 Ensuite, l’article 155 du même code ajoute que le recours en cassation est possible contre
une décision judiciaire prise sur la base de la coutume contraire à la loi ;
 Enfin, l’article 207 de la Constitution vient couronner notre thèse lorsque il dispose que :
« L’autorité coutumière est dévolue conformément à la coutume locale, pour autant que
celle-ci ne soit pas contraire à la Constitution, à la loi, à l’ordre public et aux bonnes
mœurs ».
Pour mieux faire, la prochaine révision constitutionnelle devrait revenir à la formulation
de la Constitution de 1964 et 1967.

SECTION V. LES PRINCIPES GENERAUX DE DROIT

Paragraphe 1. Définition et fondement juridique

La doctrine constante définit les principes généraux de droit comme « des valeurs
philosophiques et morales ancrées dans l’esprit d’une Nation et considérées par la communauté
comme impératives au maintien de l’équilibre social ».
En droit congolais, les principes généraux de droit tirent leur fondement de l’Ordonnance
législative du 14 mai 1886 ainsi que de l’article 116 du code de l’OCJ. En effet, l’Ordonnance
législative de 1886 dispose qu’en cas de lacune de la loi, le juge se réfère d’abord à la coutume,
ensuite aux principes généraux du droit. L’article 116 de l’OCJ complète ; « En cas d’absence de
la coutume ou lorsque celle-ci n’est pas conforme aux lois, le juge s’inspire des principes
généraux du droit ».
En droit français, nous avons souvent affirmé que le droit administratif a été longtemps un
droit prétorien car le juge a été le 1er à créer les principes généraux du droit pour combler la
lacune de la loi.
De nos jours, beaucoup de principes généraux de droit ont été transformés soit en
dispositions constitutionnelles soit en dispositions législatives de telle sorte qu’avec cette
transformation, ils ont acquis la valeur des normes constitutionnelles ou des normes législatives
selon le cas.
54

Paragraphe 2. La valeur des principes généraux du droit

Les principes généraux du droit que l’on ne retrouve dans la Constitution ou dans les lois
de l’Etat constituent alors des sources non écrites, des sources philosophiques qui doivent être
consacrées par la jurisprudence ; c’est finalement le raisonnement du juge à travers le temps et
l’espace qui permet d’affirmer un principe général du droit au sein d’un Etat.

Le principe général du droit constitue alors une source formelle qui s’impose au juge, à
l’administration et aux administrés. Et de ce fait, ils ont une valeur supérieure aux actes
administratifs avec cette conséquence que la décision administrative qui serait prise en violation
d’un principe général du droit sera contraire à la loi qui consacre les principes généraux du droit
comme des règles supplétives à la loi.

SECTION VI. LES DECISIONS JURIDICTIONNELLES (LA CHOSE


JUGEE)

Nous faisons la distinction entre la jurisprudence qui est une source sociologique du droit
administratif et la décision juridictionnelle qui est une source formelle du droit administratif dans
la mesure où elle s’impose à l’administration dès lors qu’elle a acquis l’autorité de la chose jugée.

La jurisprudence est plutôt constituée par le raisonnement du juge à travers le temps et


l’espace dans une matière donnée ; il serait difficile d’introduire un recours en cassation et encore
moins un recours pour excès de pouvoir contre une décision judiciaire ou administrative qui
serait en contradiction avec la jurisprudence. Celle-ci constitue uniquement une source
d’inspiration pour le juge aussi bien que pour l’autorité administrative.

La décision juridictionnelle, revêtue de l’autorité de la chose jugée, se trouve être le


dispositif par lequel le juge statue dans un litige donné ; ce dispositif est revêtu d’un titre
exécutoire qui relève de la Puissance Publique, de l’Imperium de l’Etat.
55

La décision juridictionnelle n’appartient pas au juge mais plutôt elle engage tous les
peuples congolais et elle est rendue au nom du Président de la République entant que Chef de
l’Etat. Une telle décision s’impose à l’administration dans tout Etat de droit.

La Constitution de 2006 a apporté une innovation de taille lorsque dans son article 151
elle précise que « Le pouvoir exécutif ne peut s’opposer à l’exécution d’une décision de
justice » ; l’administration qui intervient dans le sillage du pouvoir exécutif se trouve par ricochet
obliger d’exécuter la décision de justice ; toute décision administrative qui s’opposerait à
l’exécution d’une décision juridictionnelle sera réputée inconstitutionnelle. Mais, au-delà de
l’article 151, c’est à l’administration que le droit judiciaire confie l’exécution des décisions
juridictionnelles de telle sorte qu’aucune décision administrative ne peut aller en l’encontre de la
chose jugée et le juge de droit administratif sanctionnera pour excès de pouvoir toute décision
administrative qui serait prise en violation de la chose jugée.

L’administration est d’autant plus tenue au respect de la chose jugée lorsque la décision
juridictionnelle est prise au détriment de l’administration soit s’agissant de l’annulation d’une
décision illégale soit concernant la réparation d’un préjudice causé par l’administration.
L’attitude négative de l’administration devant une décision la condamnant peut ainsi donner lieu
non seulement au recours pour excès de pouvoir mais également au recours en réparation pour le
préjudice subi du fait du non exécution de la décision juridictionnelle.
Soulignons enfin que la décision juridictionnelle condamnant l’administration ne peut
jamais bénéficier d’une voix d’exécution forcée car l’administration jouit du privilège des
Puissances Publiques qui interdit l’exécution forcée à son encontre.
56

SECTION VII. LES DECISIONS ADMINISTRATIVES


Lorsque nous affirmons que l’administration est soumise au droit, ce principe suppose que
l’administration est avant tout soumise au droit créé par elle-même en vertu du principe « Tu
patere legem quam ipse fecischi » qui signifie que l’auteur de toute règle de droit est obligé de
respecter la règle qu’il a créé. Ainsi, les autorités administratives prennent des décisions
règlementaires et des décisions individuelles ; elles doivent respecter ces décisions tout en
respectant « la loi du changement », un principe général du droit qui veut que l’administration
s’adapte à toute la dynamique de l’intérêt, que les décisions administratives soient modifiées ou
abrogées en fonction de changement nécessité par des impératifs d’intérêt général. Cependant,
entre les décisions administratives, il y a une hiérarchie qui rentre dans le bloque de la légalité et
qui permet à un administré de s’attaquer à une décision administrative contraire à une autre
décision administrative ; les principes ci-après seront alors observés :
- Lorsque nous sommes en présence de deux règlements, l’un à caractère général et l’autre
à caractère spécial, deux règlements émanant d’une même autorité administrative, on
applique le principe : specialia generalibus derogant qui veut dire que les règles
spéciales peuvent déroger aux règles générales (un règlement organisant la bourse
d’études dans les Universités de la RDC peut être contredit par un règlement spécial
concernant les étudiants des Universités Publiques ; il est évident que le règlement spécial
ne peut pas être en défaveur de droits accordés par le règlement général, il ne peut être
que favorable à la situation particulière) ;
- Entre deux règlements émanant de deux autorités administratives différentes, le principe
est que le règlement de l’autorité supérieure a primauté sur le règlement de l’autorité
inférieure ;
- Entre une décision réglementaire et une décision individuelle, le principe est que quelle
que soit la hiérarchie des auteurs, la décision individuelle sera toujours subordonnée à la
décision réglementaire ;
- Entre deux décisions individuelles émanant des autorités administratives différentes, le
principe est celui selon lequel les compétences sont d’attribution de telle sorte que la
décision individuelle émanant de l’autorité compétente sera préférée à celle émanant de
l’autorité incompétente quand bien même celle-ci serait une autorité supérieure à
l’autorité compétente.
57

CHAPITRE EUXIEME :
LES SOURCES SOCIOLOGIQUES DU DROIT ADMINISTRATIF

Nous avons déjà parlé de la jurisprudence comme source sociologique qui permet à
l’autorité administrative de mieux habiller sa décision administrative ; nous citons également la
doctrine comme source sociologique du droit administratif dans la mesure où elle permet
d’éclairer la « ratio legis » ou encore l’exposé des motifs des décisions administratives. Dans
tous les deux cas, qu’il s’agisse de la jurisprudence ou de la doctrine, l’administration n’est pas
liée dans la décision qu’elle doit prendre et ni l’exception d’illégalité ni le recours pour excès de
pouvoir ne sont possibles lorsque une décision administrative a été prise dans le sens contraire à
la jurisprudence ou à la doctrine.
Les véritables sources sociologiques du droit administratif se trouvent dans les actes
internes de l’administration qui ne sont pas pour autant des décisions réglementaires ni
individuelles ; il s’agit des circulaires administratives, des notes de services, des directives
administratives et des actes préparatoire
58

TITRE PREMIER :
L’ORGANISATION ADMINISTRATIVE

L’étude de l’organisation administrative porte sur la manière dont l’Etat organise les
différentes institutions administratives qui sont chargées de réaliser toutes les missions qui
rentrent dans la fonction administrative. Au sein de l’Etat, il sera fait la distinction entre les
institutions politiques, judiciaires et administratives. Ces trois institutions forment ce que l’on
appelle les institutions publiques :
- Les institutions politiques relèvent du droit constitutionnel ;
- Les institutions judiciaires relèvent du droit judiciaire ;
- Les institutions administratives relèvent du droit administratif.
Ces institutions administratives sont réparties entre les institutions territoriales
lesquelles regroupent toutes les entités territoriales et les institutions spécialisées qui regroupent
les différents services publics ; les premières sont territoriales pour la simple raison que leur
sphère d’intervention se trouve être le territoire. En effet, le territoire national est découpé en
plusieurs morceaux que l’on appelle « circonscriptions administratives » ou encore « entités
territoriales ». Par contre, les institutions spécialisées concernent les différentes activités d’intérêt
général qui sont érigées en service public de telle sorte que à chaque service public correspond
une activité spéciale donnée ; c’est ce que l’on appelle le principe de la spécialité des services
publics.
L’étude des institutions administratives nous conduit alors à déterminer d’abord les
techniques d’organisation administrative (chapitre 1er) ; ensuite il sera question d’étudier
l’organisation et le fonctionnement des institutions administratives territoriales que nous appelons
également administration territoriale (chapitre 2ème); enfin, nous allons clôturer cette étude par
l’organisation et le fonctionnement des institutions administratives spécialisées appelées
administration spécialisée (chapitre 3ème).

Notre programme de troisième graduat prévoit l’examen de deux premières parties de


notre étude étant entendu que la 3ème partie, celle consacrée à l’administration spécialisée fait
l’objet du cours de Grands Services Publics dispensé en première licence droit.
59

CHAPITRE PREMIER :
LES TECHNIQUES D’ORGANISATION ADMINISTRATIVE

Lorsque on observe l’organisation de l’administration, on retrouve généralement deux


formes d’organisation à l’instar de l’organisation de la forme de l’Etat car, en effet, en droit
constitutionnel, l’étude de la forme de l’Etat concerne la manière dont le pouvoir politique est
exercé sur l’étendue du territoire national ; cette manière d’organiser la forme de l’Etat passe par
deux grandes théories : la forme unitariste d’une part, et la forme fédéraliste d’autre part.
L’organisation administrative reprend la même logique dans la mesure où elle permet de situer le
degré d’intervention des institutions des institutions administratives sur le territoire national. Et à
ce propos, deux théories sont également mises en évidence : la théorie de la centralisation
administrative et celle de la décentralisation administrative. Il est très important de faire la
distinction entre les formes d’organisation de l’administration et les formes d’organisation de
l’Etat ; ceci nous éviterait d’imiter les « profanes » en faisant le parallélisme entre la
décentralisation et le fédéralisme comme si la décentralisation était l’apanage de l’unitarisme.
Dans les sections qui suivent, nous allons distinguer la centralisation administrative
(section 1) de la décentralisation administrative (section 2).

SECTION I. LA CENTRALISATION ADMINISTRATIVE

La centralisation est une technique d’organisation verticale de l’administration qui établit


au sein du territoire national une pyramide dans laquelle les pouvoirs de décision administrative
sont exercés au sommet et les décisions sont répercutées de manière verticale à travers les
différents échelons inférieurs jusqu’à la base (c’est la théorie de l’escalier). Dans la
centralisation, il existe un seul centre de décision qui se situe au niveau de ce que nous appelons
l’administration centrale, c’est-à-dire au niveau du Président de la République (régime
présidentiel) et du Premier Ministre ainsi que les Ministres (régime parlementaire et semi-
présidentiel).
La technique de la centralisation administrative fait ressortir deux variantes dans son
application : celle de la concentration administrative et celle de la déconcentration administrative.
60

Paragraphe 1. La concentration administrative

La véritable centralisation se réalise par la concentration de tous les pouvoirs de décision


dans les mains de l’autorité centrale à telle enseigne que toutes les autres autorités ou agents de
l’administration ne disposent d’aucun pouvoir de décision ; ils représentent une sorte de robot,
robot qui doit exécuter à la lettre toutes les décisions qui émanent du sommet de l’administration.
Seul, le Président de la République, le Premier Ministre, les Ministres ; chacun dans le cadre de
sa compétence sera habilité à prendre des décisions administratives qui partiront de la capitale et
qui traverseront toutes les circonscriptions administratives jusqu’à la base (village).

La concentration administrative a certes des avantages mais elle comporte plutôt des
désavantages. Parmi les avantages de la concentration, il y a le souci d’assurer l’unité de
commandement et de renforcer l’autorité de l’Etat sur toute l’étendue du territoire national. Cette
justification serait valable pour les Etats qui sortiront de la guerre ou encore qui auraient connu
une révolution nécessitant la reprise du commandement et le rétablissement de la paix et de
l’unité nationale. Mais, ces avantages ne résistent pas aux inconvénients qui dénaturent tous les
profits de la concentration ; parmi ces inconvénients, nous citons :
- Le blocage dans le traitement des dossiers administratifs car, dit-on, « qui trop embrasse
mal étreint » ; de ce fait, l’autorité centrale agissant dans le cadre de la concentration sera
tellement surchargée par les dossiers que nombreux seront ceux-là qui resteront dans le
tiroir et qui n’en sortiront jamais ; ce désavantage conduit souvent à la sous -
administration dans la mesure où les administrés ne trouvent pas leur réponse à leur
administration ;
- La concentration éloigne l’administration du centre de décisions à telle enseigne que
nombreuses sont celles qui sont prises régulièrement à la Capitale mais qui ont du mal à
atteindre les populations locales ; l’administration fonctionne alors à deux vitesses entre
ceux qui sont réellement administrés et ceux qui ne sont pas du tout administrés. Du reste,
quand bien même la décision de la Capitale atteindrait les couchent inférieures, elle
subirait les méfaits de la tradition orale étant donné que la publication officielle des
décisions administratives fait régulièrement défaut ; l’administration fonctionne avec des
61

photocopies qui se multiplient à travers le temps et l’espace avec tous les risques
d’altération de leur contenu ;
- La concentration ne permet pas la démocratisation des institutions administratives
laquelle milite en faveur d’une certaine participation des citoyens dans la prise des
décisions administratives ; si juridiquement les administrés ne peuvent prendre part à la
prise de décision, il est cependant impérieux que les autorités administrative desquelles
les administrés répondent puissent participer même indirectement à la prise de décision,
particulièrement en ce qui concerne les matières locales ; de la sorte, les autorités locales
disposeraient s’un certain pouvoir de décision, elles auraient la facilité de prendre
l’initiative d’apporter les solutions immédiates aux problèmes urgents posés par la
communauté locale.

C’est pour pallier à ces insuffisances de la concentration que l’on a eu recours à la


technique de la déconcentration.

Paragraphe 2. La déconcentration administrative

Déconcentrer, c’est décongestionné ce qui est congestionné, c’est décharger l’autorité


administrative compétente du fardeau de la masse de décisions qu’elle aurait dû prendre dans le
cadre de la concentration.

La déconcentration administrative est une technique d’organisation qui permet d’opérer la


délégation des pouvoirs de décision qui, juridiquement, relèvent de la compétence des autorités
centrales au profit des autorités provinciales ou locales.

La déconcentration ne retire pas à l’autorité compétente le pouvoir d’attribution qui lui est
reconnu ; elle permet tout simplement de déléguer la prise de décision dans certaines matières
d’intérêt provincial ou local ; c’est là toute la distinction qu’il faudra faire avec la décentralisation
administrative car cette dernière va opérer le transfert des compétences administratives de
l’administration centrale vers l’administration provinciale ou locale et vers l’administration
spécialisée ; c’est pourquoi, nous disons que la déconcentration est une variante de la
62

centralisation, elle s’inscrit dans la pyramide, dans l’organisation verticale des pouvoirs
administratifs ; le délégataire agit pour le compte du délégant et le délégant (autorité centrale)
dispose sur le délégataire (autorité provinciale ou locale) d’un pouvoir hiérarchique alors que
dans la décentralisation, nous parlerons plutôt des pouvoirs de tutelle.

Nous ferons alors la distinction entre la déconcentration territoriale et la déconcentration


technique.
(Question : En quoi la déconcentration administrative est-elle différente de la décentralisation administrative ?).

A. Déconcentration territoriale

En règle générale, les autorités territoriales agissent soit comme des autorités
déconcentrées soit comme des autorités décentralisées ; cela dépend de la structure territoriale qui
est mise en place : ainsi, les entités non décentralisées relèvent directement de l’administration
centrale, leur centre de décision se trouve au niveau des autorités centrales tandis que les autorités
décentralisées sont l’émanation de la décentralisation territoriale en ce sens que c’est l’entité
territoriale qui est décentralisée et, par ricochet, les autorités d’une telle entité sont également
décentralisées.
La déconcentration territoriale s’opère donc entre l’autorité centrale et l’autorité
déconcentrée ; la délégation des pouvoirs résulte soit de la loi qui organise une matière donnée
soit de celle qui organise les circonscriptions administratives soit encore des règlements
d’application. A titre d’illustration : Le Ministre des affaires foncières est l’autorité compétente
en matière foncière mais la loi foncière opère une délégation des pouvoirs de décision en faveur
des Gouverneurs des provinces soit en faveur du Conservateur des titres immobiliers.
L’organisation de plusieurs ministères du Gouvernement s’étend jusqu’aux entités
territoriales non décentralisées ; les Ministres sont ainsi représentés dans les différentes provinces
par de Chefs de Divisions et dans les territoires et districts par des Chefs de Bureaux ; ces
différentes autorités reçoivent de la part de leurs Ministres qui siègent au Gouvernement la
délégation des pouvoirs afin de décider dans certaines matières d’intérêt provincial ou local pour
le compte du Ministre.
63

B. Déconcentration technique

Celle-ci est beaucoup plus complexe que la déconcentration territoriale car elle concerne
la délégation des pouvoirs de décision de l’administration centrale au profit de certains services
publics ; elle vise à améliorer le fonctionnement d’un service public.

Ainsi, dans la pratique, certains services d’un ministère donné sont érigés en « Régie » par
le phénomène de la déconcentration technique ; ils cessent de relever du Secrétariat Général (SG)
pour devenir des véritables directions générales. En d’autres termes, le SG d’un ministère
supervise les différentes Directions du ministère ; chaque Direction est subdivisée en Divisions et
chaque Division est subdivisée en Bureaux ; par contre, lorsque l’Etat décide d’opérer la
déconcentration technique, certaines directions qui relevaient du SG sont transformées en
Directions Générales de telle sorte que sous l’autorité hiérarchique du Ministre, on trouvera un
SG à la tête de Directions, Divisions et Bureaux, on trouvera également un Directeur Général
(DG) à la tête d’autres Directions, Divisions et Bureaux. Exemple : La DGI est une ancienne
Direction de contribution qui relevait du Secrétaire Général des Finances ; c’est par la technique
de la déconcentration technique que cette Direction de contribution est devenue un service public
déconcentré que l’on appelle « Régie ».

Dans la doctrine, on fait la distinction entre la Régie directe et la Régie intéressée


considérant que dans la Régie directe, l’Etat continu à gérer une activité en opérant une
délégation des pouvoirs en faveur de l’un de ses agents placés à la tête d’une Direction Générale
alors que dans la Régie intéressée, l’Etat confie l’exécution des tâches administratives à une
personne privée qui reste liée à l’administration par un contrat de prestation des services (cfr.
infra : Contrat administratif).

Nous verrons plus tard que au sein d’un même ministère, il y aura des services publics
concentrés, des services publics déconcentrés et des services publics décentralisés ; nous
comprendrons ainsi la différence entre la Direction de trésorerie du ministère des Finances, la
DGI et l’Office de gestion de la dette publique (OGDP) ou encore l’OFIDA ; tous des services
publics relevant du ministère des Finances mais avec des régimes juridiques différents.
64

Les services publics qui fonctionnent sous la coordination du Secrétaire Général relèvent
de la concentration administrative dans la mesure où le Ministre des Finances est la seule autorité
des décisions, le Secrétaire Général représente une sorte de courroie de transmission permettant
de faire exécuter les différentes décisions du Ministre par les Directions, Divisions et Bureaux
concernés. Les services publics déconcentrés fonctionnent alors comme des Régies sous la
direction soit d’un DG soit d’un Inspecteur Général (IG); il en est ainsi de l’IGF, de la DGRAD
et de la DGI qui sont des Régies financières (relevant du ministère des finances) ; c’est à tord
que, dans la pratique, on considère l’OFIDA comme une Régie financière (voir décentralisation
technique). La DGM est également une Régie du ministère de l’intérieur. Sur le plan technique,
les services publics déconcentrés ou la Régie bénéficie par rapport aux services publics
concentrés de l’autonomie de gestion ; cette autonomie permet à la Direction Générale de
fonctionner avec une certaine délégation des pouvoirs que l’on ne retrouve pas dans la fonction
du SG ; l’autonomie de gestion comporte quatre attributs essentiels :

1°. L’autonomie administrative, qui permet à l’autorité déconcentrée, au DG de prendre


certaines décisions concernant la gestion des agents ainsi que celle du patrimoine de la Direction
Générale ; ainsi, si le DG peut décider sur les affectations, les promotions, les mutations des
agents, il peut organiser le fonctionnement de ces services par des notes de services ; il assure la
gestion des biens mobiliers et immobiliers de la Direction Générale ; il agit ainsi à la place du
Ministre dont il relève alors que le SG ne peut pas prendre de telles décisions ;

2°. L’autonomie financière : La Régie ou Direction Générale aura la possibilité d’avoir un


budget en recettes et en dépense et de disposer des moyens financiers sans devoir recourir à la
chaîne de dépenses, c’est-à-dire la procédure d’engagement et d’ordonnancement de dépense à
laquelle se trouvent soumis les différents Ministres. Avec ses moyens financiers, le DG assure le
fonctionnement de son service public avec plus d’efficacité ;

3°. L’autonomie technique : Celle-ci réside dans la prise de décision concernant l’objet spécial
du service public, car généralement c’est le Ministre qui détient la compétence dans les
différentes matières qui relèvent de son ministère ; mais dans le cadre de la déconcentration, c’est
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le DG qui prend des décisions ; exemple : En ce qui concerne les contributions, le séjour des
étrangers, la migration, le recouvrement des recettes administratives ;

4°. L’autonomie d’exploitation : Celle-ci permet au DG d’assurer le fonctionnement régulier du


service public en lieu et place du Ministre ; là où le SG doit se référer au Ministre pour le bon
fonctionnement de tel ou tel service, le DG se limite à faire rapport au Ministre, il bénéficie d’une
liberté d’action.
NB. Ce qui rapproche le SG du Directeur c’est le fait que ils opèrent tous dans le cadre de la
centralisation et, par conséquent, ils sont tous placés sous l’autorité hiérarchique du Ministre ; il
est alors important de savoir en quoi consiste le pouvoir hiérarchique du Ministre.

Paragraphe 3. Les pouvoirs hiérarchiques du Ministre

La centralisation est une technique d’organisation administrative qui place le Ministre à la


tête de tous les services à la fois concentrés et déconcentrés, le Ministre exerce sur ces services le
pouvoir hiérarchique ; celui-ci comprend quatre attributs :

1°. Le pouvoir d’injonction et d’instruction


Ce pouvoir constitue une atténuation à la délégation des pouvoirs parce que l’autorité
déconcentrée peut à tout moment recevoir du Ministre des directives précises sur la manière dont
l’autorité déconcentrée prendra sa décision ; ceci est conséquence du fait que la déconcentration
n’entraîne pas le transfert de compétence (comme ce sera le cas pour la décentralisation) ; le
Ministre garde le pouvoir d’orienter le sens de la décision qui sera prise par l’autorité
déconcentrée.

2°. Le pouvoir de correction et de réformation


Ce pouvoir permet au Ministre, autorité hiérarchique, de corriger les malfaçons dans la
décision prise par l’autorité déconcentrée ; le Ministre constitue une sorte d’épée de Damoclès
« suspendue » sur la tête de l’autorité déconcentrée ; celle-ci peut agir mais sa décision peut être
corrigée par l’autorité hiérarchique lorsque elle ne reflète pas l’intérêt général ou encore l’intérêt
du service.
66

3°. Le pouvoir de substitution

L’autorité hiérarchique étant compétente dans la matière déléguée, elle dispose également
du pouvoir d’agir en lieu et place de l’autorité déconcentrée ; cependant, la délégation des
pouvoirs de décision empêche normalement l’autorité délégante d’intervenir dans les matières
déléguées tant que subsiste la délégation des pouvoirs ; c’est autant dire que le pouvoir de
substitution est un pouvoir d’exception ; il ne s’exerce que lorsque les conditions ci-après sont
réunies :
- il faut que l’intérêt général soit en péril et que l’autorité déconcentrée pêche par
l’abstention ;
- l’abstention ou encore la défaillance de l’autorité déconcentrée doit faire l’objet d’une
sommation de la part de l’autorité hiérarchique et cette sommation doit rester sans réponse
positive de la part de l’autorité déconcentrée ;
- la substitution par l’autorité hiérarchique doit avoir un caractère temporaire, elle se limite
uniquement à un cas d’espèce de telle sorte que l’autorité déconcentrée garde la
délégation des pouvoirs de décision dans les autres cas à venir.

4°. Le pouvoir d’annulation

L’autorité hiérarchique se trouve être à la fois garante de la légalité et protectrice de la


politique du Gouvernement. Toute administration se trouve dans l’obligation de prendre des
décisions conformes à la loi mais également des décisions jugées opportunes en rapport avec la
politique du Gouvernement exécutée par l’administration. De ce fait, l’autorité hiérarchique
assure le contrôle administratif sur les décisions prises par l’autorité déconcentrée. Ce contrôle lui
permet de sanctionner par voie d’annulation toute décision soit pour illégalité soit pour
inopportunité ; ce pouvoir de sanction peut être exercé soit à la suite d’un recours hiérarchique
introduit par un administré lésé soit encore directement par l’autorité hiérarchique à la suite d’un
contrôle ou d’une inspection de routine.
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SECTION II. LA DECENTRALISATION ADMINISTRATIVE

La décentralisation administrative est une technique d’organisation administrative qui


consiste à conférer la personnalité juridique ou morale à certaines entités territoriales ou
certains services publics tout en les maintenant sous l’autorité de tutelle de l’Etat ; il y a deux
facteurs qui déterminent la décentralisation administrative : la personnalité morale et la tutelle
administrative.
Au sein de l’Etat, il existe plusieurs catégories des personnes : physiques et morales.
Parmi les personnes morales, il est fait la distinction entre les personnes morales de droit privé et
les personnes morales de droit public. Les personnes morales de droit privé prennent naissance de
la volonté de deux ou plusieurs individus qui décident de se regrouper, de former une association
en vue de réaliser ensemble un ou des objectifs précis ; c’est en fonction de ces objectifs qui sera
fait la distinction entre les associations à but lucratif qui constituent les sociétés commerciales et
les associations sans but lucratif qui constituent les sociétés civiles. Il existe donc deux
catégories des personnes morales de droit privé : les sociétés commerciales et les sociétés
civiles qui se regroupent dans ce que nous avons coutume d’appeler la société civile. Ainsi, la
F.E.C. fait partie de la société civile alors que les entreprises qui composent la F.E.C. font partie
des sociétés commerciales. Les personnes morales de droit public sont rangées dans trois
catégories : la première est une évidence qui découle de la définition même de l’Etat en ce que
celui-ci est une personne morale qui tire son fondement juridique de la Constitution. Cette
personne morale est une personne morale de droit public ; la personne morale Etat procède alors
dans le cadre de la décentralisation administrative à la création de deux autres catégories des
personnes morales de droit public ; on parle alors des personnes morales issues de la
décentralisation. La décentralisation administrative permet ainsi la création, d’une part des
personnes morales territoriales et, d’autre part, des personnes morales spécialisées ; les entités
décentralisées sont dotées de la personnalité juridique, personnalité morale ; de même manière les
services publics décentralisés sont dotés de la personnalité juridique ; la personnalité morale va
donc constituer l’un des points essentiels de la différence entre la décentralisation administrative
et la centralisation ou la déconcentration administrative. Il est alors important de disséquer les
attributs de personne morale pour dégager les éléments de la distinction entre décentralisation et
centralisation ou déconcentration.
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Paragraphe 1. Décentralisation et personnalité morale

Pour comprendre les effets de la personnalité morale, il est important de faire la


comparaison avec la personne physique. Celle-ci acquiert sa personnalité juridique à partir de sa
naissance ; elle peut donc avoir des droits et des obligations quelque soit son âge tout simplement
parce qu’elle est une personne juridique par excellence ; cependant, la personne physique est
limitée par la condition de maturité juridique qui découle de l’âge, de la majorité civile pour
poser des actes juridiques ; on fait alors la liaison entre le mineur qui est une personne juridique
placée sous l’autorité de tuteur et le majeur qui est une personne juridique indépendante.

Dans le souci de donner à l’administration tous les moyens lui permettant de réaliser les
missions de l’Etat, ce dernier recourt à la technique de la décentralisation pour accorder une
indépendance administrative à certaines entités territoriales ou services publics (la
décentralisation supprime la fameuse épée de Damoclès) ; l’Etat décide de créer volontairement
son semblable sur le plan administratif. Ainsi, la technique de la décentralisation permet à l’Etat
de conférer la personnalité morale à d’autres entités ou services mais l’Etat garde un contrôle de
tutelle sur ces entités ou services personnalisés. Quels sont alors les attributs de la personnalité
morale qui consacre cette indépendance administrative découlant de la décentralisation ? La
personnalité morale s’accompagne de quatre attributs : l’autonomie organique, l’autonomie
patrimoniale, l’autonomie matérielle et l’autonomie juridique ; autant d’autonomies qui feront
toute la distinction entre l’autonomie de gestion que nous avons relevé dans lé déconcentration
technique et l’indépendance administrative qui caractérise la décentralisation.

A. Autonomie organique

Lorsque nous examinons les institutions qui fonctionnent dans le cadre de la centralisation
ou de la déconcentration, nous retenons une idée essentielle qui est l’unicité du centre de décision
autour du Ministre qui représente l’administration centrale ; il n’existe pas d’organes
administratifs fonctionnant parallèlement au Ministre.
La personnalité morale a pour conséquence la création des organes propres au bénéfice
des entités ou services décentralisés qui fonctionnement de manière horizontale par rapport au
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Ministre. Ainsi, en dehors du ministère, les entités ou services personnalisés sont dirigés par
différents organes :
- l’organe délibérant institué sous forme de Conseil d’Administration ;
- Assemblée, Conseil de collectivité, les organes exécutifs sous forme de Comité de
Gestion, Conseil de Gestion ;
- Organe de Contrôle sous forme des Collège des Commissaires aux Comptes.

A titre d’illustration, nous prenons au ministère de Finances la Direction de trésorerie, la


Direction Générale des recettes administratives (DGRAD) et L’OFIDA :
 La Direction de trésorerie ne dispose d’aucun organe dans son fonctionnement, elle relève
directement du SG et du Ministre ;
 La DGRAD est dirigée par un DG qui relève directement du Ministre des Finances, ils
n’existent pas dans cette Direction Générale des organes de décision, seul organe se
trouve être le Département ministériel avec, à sa tête, le Ministre ;
 L’OFIDA, entant que personne morale, dispose d’organes propres de décision, on y
retrouve le Conseil d’Administration, le Comité de Gestion et le Collège des
Commissaires aux Compte ; L’OFIDA fonctionne indépendamment du Ministre de
Finances grâce à ses Organes ; il n’existe plus d’autorité hiérarchique sur les organes de
L’OFIDA mais il reste un lien horizontal de collaboration entre le ministère de Finances
et L’OFIDA. On dira alors que L’OFIDA fonctionne dans le secteur du ministère des
Finances alors que la DGRAD et la Direction de trésorerie fonctionnent sous l’autorité du
Ministre des Finances.
NB. Nous pouvons déjà observer que la décentralisation ajoute un plus à la déconcentration, car
l’autonomie organique est de loin plus favorable que l’autonomie de gestion que nous avons
relevé dans la déconcentration.

B. L’autonomie matérielle

La personnalité morale qui découle de la décentralisation opère un transfert des


compétences administratives de l’Etat au profit des entités ou services personnalisés ou
décentralisés. En effet, la décentralisation est voulue par l’Etat qui décide de transférer certaines
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de ses compétences administratives au profit des entités ou services décentralisés ; c’est pourquoi
la décentralisation se réalise par une loi de la décentralisation, la loi de l’Etat (nous verrons que
le fédéralisme et le régionalisme se réaliseront par la Constitution). Ainsi, la loi de la
décentralisation détermine clairement les matières, les compétences, les attributions
administratives revenant aux entités territoriales décentralisées ; la loi qui organise les
établissements publics détermine également les matières revenant aux services publics
décentralisés ; de la même manière, les différents statuts des établissements publics précisent,
dans le respect du principe de la spécialité des services publics, les matières faisant l’objet de
l’établissement public.

L’autonomie matérielle consacre également toute la différence avec l’autonomie de


gestion car, celle-ci s’inscrit dans les compétences administratives de l’Etat qui font l’objet de
délégation des pouvoirs de décision tandis que l’autonomie matérielle suppose que le Ministre,
représentant de l’Etat, est dessaisie de certaines compétences administratives de l’Etat qui
deviennent de droit des compétences dévolues aux organes de l’administration décentralisée.
Dans notre cas d’illustration, nous observons une grande différence entre la DGRAD ou la DGI
que nous avons appelé Régie avec une autonomie de gestion et L’OFIDA ou L’OGDEP que nous
appelons Etablissements Publics avec une autonomie matérielle qui découle de la personnalité
morale, de l’indépendance administrative ou encore de la décentralisation administrative. Dans la
même logique, nous ferons la distinction entre la Direction de réfugiés du ministère de l’Intérieur,
la DGM et la Commune de la GOMBE. La Direction de réfugiés fonctionne dans le cadre de la
centralisation sous la coordination du Secrétaire Général ; la DGM est une Régie, un Service
Public déconcentré qui fonctionne sous l’autorité du Ministre de l’Intérieur ; la Commune de la
GOMBE est une entité décentralisée dotée de la personnalité morale et fonctionnant
indépendamment du Ministre de l’Intérieur, la Commune de la GOMBE n’est pas sous l’autorité
hiérarchique du Ministre de l’Intérieur ; elle dispose de ses organes propres et elle a reçu par la
loi de la décentralisation des attributions propres qui sont exercées par les organes de la
Commune.
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C. L’autonomie patrimoniale

La personnalité juridique qui découle de la décentralisation administrative permet


également aux services personnalisés ou entités de disposer d’un patrimoine, c’est-à-dire d’être
propriétaires des biens meubles et immeubles avec tous les attributs de la propriété (usus, abusus,
fructus); l’établissement public ou la collectivité décentralisée dispose des biens tout à fait
distincts des biens de l’Etat, personne morale.

Dans la déconcentration technique, l’autonomie de gestion permet à la Régie de gérer les


biens meubles et immeubles de l’Etat qui lui sont affectés pour son bon fonctionnement ; mais la
Régie n’est pas propriétaire de ces biens. Par contre, l’établissement public comme L’OFIDA,
L’UNIKIN, L’ONATRA, L’OCC bénéficient du droit de propriété de telle sorte que il sera fait
la distinction entre le patrimoine de l’Etat et celui de l’établissement public ou encore de la
collectivité décentralisée (au niveau de L’UNIKIN, celui-ci est un établissement public
« décentralisé », les cliniques universitaires ainsi qua la Régie de construction constituent des
services publics déconcentrés « Régie » alors que la Direction des œuvres estudiantines est une
service public centralisé au niveau de commission de gestion de L’UNIKIN).

Dans le cas d’illustration, nous ferons la distinction entre les véhicules de L’OFIDA et les
véhicules de la DGI ; lors que en cas de litige survenu à la suite d’un accident de circulation, la
victime ne doit pas se tromper de répondant ; les dommages causés par le véhicule de la DGI
engagera la responsabilité de l’Etat pour la simple raison que la DGI n’a pas de personnalité
juridique tandis que le dommage causé par le véhicule de L’OFIDA engagera la responsabilité
juridique de la personne morale OFIDA.

D. Autonomie juridique

La personnalité morale va de pair avec l’autonomie juridique conférée à l’entité ou


service décentralisé, elle correspond à ce qu’on appelle la capacité juridique, c’est-à-dire le droit
d’ester en justice comme partie demanderesse ou défenderesse, le droit de contracter, de conclure
des contrats entraînant des droits et des obligations de part et d’autre ; cette capacité juridique
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n’existe pas dans le chef des services ou entités déconcentrés car c’est l’Etat, la personne morale
Etat qui dispose de la capacité juridique de contracter et d’ester en justice alors que les entités ou
services décentralisés agissent seuls sans l’intervention de l’Etat tant pour ester en justice que
pour conclure les contrats. A titre d’illustration, l’avocat de la DGI agira sous la procuration de
l’Etat, représenté par le Ministre de la justice tandis que l’avocat de L’OFIDA, de L’ONATRA
agira sous la procuration du Président du Conseil d’Administration, celui de la Ville de Kinshasa
agira sous la procuration du Gouverneur de la Ville, celui de la Commune de GOMBE sous la
procuration du Bourgmestre de la Commune.

Paragraphe 2. Décentralisation administrative et tutelle administrative

L’une des caractéristiques essentielles de la décentralisation se trouve être le contrôle de


tutelle exercé par l’Etat sur les collectivités décentralisées ou les établissements publics ; ceci
pour dire que l’indépendance administrative découlant de la décentralisation n’est pas absolue,
elle est relative car elle comporte des garde-fous, de limitation qui s’inscrivent dans l’exercice du
contrôle de tutelle ; le Ministre qui représente la personne morale Etat dispose d’un pouvoir de
tutelle sur les personnes administratives, sur l’administration personnalisée ou décentralisée.

La tutelle suppose donc nécessairement la présence de deux personnes morales : l’une,


personne morale Etat et, l’autre, personne morale décentralisée. La tutelle ne se présume pas,
elle ne s’exerce pas d’office comme c’est le cas du pouvoir hiérarchique qui, lui, s’exerce
d’office par l’autorité hiérarchiquement supérieure. En d’autres termes, toute autorité
hiérarchique dispose d’un pouvoir hiérarchique sans qu’il soit besoin de chercher le fondement de
ce pouvoir dans un texte légal. La tutelle ne se présume pas, elle ne s’improvise pas, elle doit
nécessairement trouver sa source dans un texte légal et spécialement dans la loi qui organise la
décentralisation ou dans le statut qui organise le fonctionnement des établissements publics. Le
pouvoir de tutelle est plus contraignant que le pouvoir hiérarchique car l’autorité de tutelle doit
respecter l’indépendance administrative des entités ou services décentralisés ; c’est pourquoi
d’aucuns disent : « la tutelle n’est pas une béquille mais un frein ». La quintessence de cet adage
s’explique en faisant la distinction entre la tutelle en droit administratif et la tutelle en droit civil.
73

En droit civil, la tutelle est une véritable béquille sans laquelle la personne mineure ne
peut poser des actes juridiques ; on dit que cette personne est incapable, il lui faut des béquilles
pour marcher, pour poser des actes juridiques, il lui faut un tuteur. En droit administratif, la
tutelle n’est pas une béquille parce que la personne décentralisée n’est pas incapable ; elle jouit
de la capacité juridique d’ester en justice, de conclure des contrats ; bref, de poser tous les actes
juridiques sans recourir à l’intervention de l’autorité de tutelle. L’autorité de tutelle sert
néanmoins d’outil de freinage pour empêcher les dérapages éventuels de l’autorité compétente,
de l’autorité capable d’intervenir dans une matière donnée ; ce pouvoir de freinage peut intervenir
soit avant que la décision soit prise par l’autorité sous tutelle (contrôle a priori) soit après que la
décision fût prise par l’autorité sous tutelle (contrôle a posteriori) ; ce sont ces pouvoirs de
freinage qui constituent les attributs du pouvoir de tutelle :
- le pouvoir d’autorisation ;
- le pouvoir d’approbation ou de veto;
- le pouvoir de substitution ;
- le pouvoir d’annulation.
(Questions : En quoi le pouvoir hiérarchique est différent du pouvoir de tutelle ? Que veut
dire, la tutelle n’est pas une béquille mais un frein ?).
La décentralisation ne confère pas une indépendance absolue aux entités décentralisées à cause de la tutelle.

A. Le pouvoir d’autorisation

Nous avons affirmé que l’autorité décentralisée dispose des compétences propres ; elle
exerce des attributions qui lui sont reconnues par la loi ou encore par les statuts ; de ce fait, les
décisions prises par l’autorité décentralisée sont prises indépendamment de l’autorité centrale qui
est le Ministre. Cependant, le texte qui organise la décentralisation prévoit expressément que dans
certaines matières données, l’autorité ou l’organe de décision devra solliciter au préalable
l’autorisation de l’autorité de tutelle avant de prendre sa décision. Ce n’est pas dire que c’est
l’autorité de tutelle qui décide car la décision relève en tout état de cause de l’organe
décentralisé ; c’est pour des raisons de contrôle que le texte de la décentralisation voudrait que
l’autorité de tutelle intervienne pour donner le « feu vert » à l’organe décentralisé ; ainsi, en cas
74

de conflit, l’administré n’attaquera pas la décision d’autorisation émanant de l’autorité de tutelle


mais plutôt la décision de l’organe décentralisé.

La question essentielle est ici de savoir si l’organe décentralisé peut se passer de


l’autorisation de l’autorité de tutelle ; la réponse réside dans le respect du principe de la légalité
étant donné que ce n’est pas l’autorité de tutelle qui impose cette autorisation mais plutôt la loi ou
encore le statut qui organise la décentralisation. Par conséquent, toute décision de l’organe
décentralisé qui irait à l’encontre de cette exigence légale serait susceptible de recours pour excès
de pouvoir.
Il faut ici faire remarquer que le silence de l’autorité de tutelle en matière de l’autorisation
ne peut, en aucun cas, valoir autorisation ; ce silence constitue une décision tacite de refus, mais
l’organe décentralisé dispose d’une voie de recours contre le refus implicite ou explicite de
l’autorité de tutelle dès lors que ce refus peut également être susceptible de recours pour excès de
pouvoir ; il en sera surtout ainsi en matière de détournement de pouvoir (cfr. infra) dès lors qu’il
sera prouvé que le refus de l’autorité de tutelle aura été justifié par des motifs qui ne seraient pas
d’intérêt général.
Le détournement de pouvoir’ c’est le fait d’agir dans son intérêt personnel en cherchant à sacrifier l’intérêt général.
Exemple : Le Ministre de tutelle qui refuse d’accepter le changement de l’organigramme d’une entreprise proposé
par le Conseil d’Administration ; il peut refuser lorsqu’il ne veut pas que son cousin qui fait partie de cet
organigramme puisse perdre son travail.

B. Le pouvoir d’approbation ou droit de veto

Le texte qui organise la décentralisation prévoit également les matières qui peuvent être
soumises à l’approbation de l’autorité de tutelle et celles qui peuvent recevoir le veto de l’autorité
de tutelle (le pouvoir d’opposition).
Le pouvoir d’approbation comme celui d’opposition rentrent dans ce qu’on appelle le
contrôle a posteriori par opposition au contrôle a priori qui concerne le pouvoir d’autorisation ;
en d’autres termes, le pouvoir d’autorisation intervient avant la prise de la décision tandis que
celui d’approbation et celui d’opposition interviennent après la prise de la décision ; cela suppose
que l’organe décentralisé agit normalement dans le cadre de sa compétence sans devoir requérir à
l’avance l’autorisation de l’autorité de tutelle.
75

Le pouvoir d’approbation est exercé par l’autorité de tutelle lorsque le texte de la


décentralisation exige que les décisions intervenant dans certaines matières expressément
énumérées, la décision de l’organe décentralisé ne pourra être exécutée qu’après son approbation
par l’autorité de tutelle ; mais cette approbation ne peut en aucun cas annihiler les effets de la
décision de l’organe décentralisé ; cette décision est une décision régulière mais, c’est son
exécution qui est suspendue jusqu’à la décision d’approbation de l’autorité de tutelle.

A la différence du pouvoir d’autorisation lequel intervient en l’absence de toute décision


administrative, étant donné que l’autorisation précède la décision administrative, le pouvoir
d’approbation intervient alors que la décision existe déjà et, sur le plan de l’éthique, il serait
malsain de laisser vivre une décision administrative sans devoir permettre son exécution. Il y a
donc de la part de l’autorité de tutelle nécessité de donner suite à la demande d’approbation soit
par une décision d’approbation soit par une décision de désapprobation.

La première question concerne l’attitude de l’organe décentralisé devant une décision de


désapprobation ; est-il possible de se passer de la désapprobation de l’autorité de tutelle ? En
principe, les compétences étant d’attribution, ce n’est pas l’autorité de tutelle qui doit décider en
lieu et place de l’organe décentralisé, mais nous avons affirmé que si elle n’est pas une béquille,
la tutelle est néanmoins un frein ; l’autorité de tutelle exerce un véritable contrôle d’opportunité
sur les décisions prises par l’organe décentralisé ; ce contrôle permet d’éviter que la
décentralisation conduise à des abus et ainsi, l’autorité de tutelle doit pouvoir désapprouver les
décisions inopportunes , les décisions qui ne rentrent pas dans les objectifs de l’administration ;
ce pouvoir d’approbation sera encore beaucoup plus contraignant lorsque la décision de l’organe
décentralisé serait teintée d’illégalité ; nous verrons d’ailleurs que dans ce cas l’autorité de tutelle
pourra aller jusqu’à l’annulation. La réponse à cette première question devient simple dans la
mesure où ce pouvoir d’approbation tire son fondement soit de la loi soit du statut et, par
conséquent, la décision de désapprobation met l’organe décentralisé dans une compétence liée ;
l’organe décentralisé est dans l’obligation de revoir sa décision jusqu’à ce qu’il obtienne
l’approbation de l’autorité de tutelle ; l’absence d’approbation de manière définitive rend
caduque la décision de l’organe décentralisé.
76

La deuxième question est celle de savoir : L’organe décentralisé, a-t-il un moyen de


recours contre la décision de désapprobation ? Encore une fois, le recours pour excès de pouvoir
est toujours possible lorsque la décision de désapprobation n’est pas conforme à la loi ou au statut
et particulièrement lorsque elle est entachée de détournement de pouvoir.

La troisième question réside dans le silence de l’autorité de tutelle en matière


d’approbation ; peut-on considérer, comme pour le pouvoir d’autorisation, que le silence de
l’autorité de tutelle équivaudrait à une décision de refus ? La réponse est ici différente de celle
précédemment adoptée pour la simple raison que dans le cas d’espèce, la décision existe déjà et il
vaut mieux privilégier cette décision qui émane de l’organe compétant plutôt que de faire droit à
la décision tacite de l’autorité de tutelle ; c’est dans ce souci que le texte qui organise la
décentralisation prévoit toujours un délai buttoir à l’issu duquel le silence de l’autorité de tutelle
devient une décision tacite d’approbation.

NB. Nous avons dit que la tutelle ne se présume pas, le conseiller juridique que nous serons
cherchera toujours la solution dans le texte qui organise la décentralisation ; ce texte lui permettra
non seulement de dégager les matières sujettes à approbation mais également le délai prescrit
pour la confirmation de la décision prise.

Pouvoir d’opposition ou droit de veto

Ce pouvoir est différent du pouvoir d’approbation dans la mesure où l’autorité de tutelle


se limite uniquement à demander à l’organe décentralisé qui aura pris la décision de revoir sa
décision dans un sens ou dans un autre sens ; ce pouvoir correspond à celui que nous avons
rencontré en droit constitutionnel entre le Président de la République et le Parlement en matière
de ratification lorsque le Président de la République soumet une loi à la seconde lecture.

Lorsque l’autorité de tutelle s’oppose à une décision déjà prise par l’organe décentralisé,
son opposition correspond à une décision de suspension en attendant que la décision soit
reformulée dans le sens requis par l’autorité de tutelle
77

De prime abord, nous disons que ce pouvoir d’opposition est un pouvoir exceptionnel que
l’on ne retrouve pas dans tous les textes qui organisent la décentralisation car, il s’agit d’un
pouvoir dangereux qui risque de bloquer le fonctionnement d’une entité ou d’un service
décentralisé. En effet, si le pouvoir d’autorisation et celui d’approbation sont limités
matériellement (en raison de la matière) par le texte qui organise le pouvoir de tutelle dans la
décentralisation, il n’en est pas de même lorsqu’il s’agit du pouvoir d’opposition ou droit de veto
étant donné que le texte ne détermine jamais les matières soumises à opposition ou au veto ; il
s’agit tout simplement de toutes les autres décisions prises régulièrement par l’organe délibérant
et dont le procès verbal de délibération est soumis à la censure de l’autorité de tutelle ; de ce fait,
l’autorité de tutelle, pour des raisons d’opportunité, peut demander à l’organe délibérant de revoir
l’une de ses décisions reprises dans le procès verbal dans une orientation donnée ; le danger ici
est la tendance pour l’autorité de tutelle de confondre ce pouvoir d’opposition avec celui de
réformation reconnu à l’autorité hiérarchique.

Lorsque l’on compare le pouvoir de réformation et le pouvoir d’opposition (question


d’examen), on retient l’un des points essentiels : ce que le pouvoir de réformation peut conduire
à une sanction disciplinaire de la part de l’autorité hiérarchique contre l’autorité déconcentrée ; ce
pouvoir disciplinaire reconnu à l’autorité hiérarchique est la conséquence logique de l’épée de
Damoclès suspendue sur la tête de l’autorité déconcentrée ; ce pouvoir disciplinaire ne peut être
utilisé par l’autorité de tutelle dans le cadre du pouvoir d’opposition pour la simple raison que
l’organe décentralisé peut aller à l’encontre de « desiderata » de l’autorité de tutelle dans
l’exercice de son droit de veto ou d’opposition.

Comment alors le droit congolais organise la solution au conflit entre l’autorité de tutelle
et l’organe décentralisé ? La doctrine nous donne deux hypothèses d’école :
 Dans la première hypothèse, lorsque l’autorité de tutelle s’oppose à l’exécution de la
décision prise par l’organe délibérant, le texte qui organise la décentralisation peut prévoir
un arbitrage au niveau de l’autorité supérieure à celle qui exerce le pouvoir de tutelle,
autorité supérieure au Ministre (soit le Président de la République soit le Premier Ministre
selon le régime politique en présence) ; ainsi, en cas d’opposition la décision de l’organe
décentralisé est suspendue lorsque cet organe a pris une décision et que celle-ci n’est pas
78

exécutée, la question faisant l’objet de contradiction est renvoyée sous l’arbitrage du


Président de la République ou du Premier Ministre de telle sorte que l’organe décentralisé
sera lié par la décision arbitrale prise en faveur ou en défaveur de l’autorité de tutelle ;
cette hypothèse trouve ses applications dans la loi du 06 janvier 1978 sur les entreprises
publiques ;
 Dans la seconde hypothèse, lorsque l’autorité de tutelle fait opposition au Procès verbal
de l’organe délibérant dans l’une des décisions prises par celui-ci, l’autorité de tutelle est
obligée de soumettre la décision contestée à une seconde lecture par l’organe délibérant ;
au lieu de chercher un arbitre, il est demandé à l’organe délibérant qui a prise la décision
de réexaminer les tenants et les aboutissants de sa décision ; dans cette hypothèse, le texte
qui organise la décentralisation prévoit des conditions rigoureuses pour l’intervention de
la 2ème décision après réexamen : en principe, l’organe délibérant décide à la majorité
absolue de 50+1. En cas d’opposition, le texte va renforcer la majorité, il sera exigé une
majorité qualifiée de 2/3 ou de ¾ selon le cas, de telle sorte que si la décision sous
réexamen obtient la majorité qualifiée, l’opposition de l’autorité de tutelle n’a plus aucun
effet, la suspension de la décision est levée automatiquement. Cette 2ème hypothèse est
souvent d’application dans la décentralisation territoriale.

C. Le pouvoir de substitution

De manière générale, le pouvoir de substitution ne devrait pas trouver sa place dans le


cadre de la décentralisation car l’indépendance administrative ne devrait pas laisser de place à
une quelconque ingérence de l’autorité de tutelle dans les matières réservées à l’entité ou service
décentralisé. C’est pourquoi, le pouvoir de substitution en faveur de l’autorité de tutelle ne sera
possible que lorsque le texte qui organise la décentralisation aura permis non seulement la
substitution de l’autorité de tutelle mais également les matières ou les circonstances dans
lesquelles cette substitution sera mise en œuvre ; c’est autant dire que le pouvoir de substitution
ne se présume pas non plus, il ne s’improvise pas, il doit tirer sa justification légale de la loi ou de
statut alors que dans le cadre du pouvoir hiérarchique, le pouvoir de substitution intervient
d’office à la seule condition qu’il y ait défaillance de la part de l’autorité déconcentrée.
Néanmoins, la doctrine et la jurisprudence considèrent que lorsque l’ordre public est en péril,
79

l’autorité de tutelle peut exercer le pouvoir de substitution en cas de défaillance de l’organe


décentralisé après sommation restée sans suite ; cette position de la doctrine et de la jurisprudence
est fondée sur le principe « salus populi suprema lex » pour dire le salut du peuple est au dessus
de la loi. Par exemple, L’OCC doit décider dans ses compétences de la destruction du riz avarié,
il s’abstient de le faire malgré sommation du Ministre du commerce extérieur, l’ordre public est
ici en péril, le Ministre va agir en dehors de la loi pour sauver la population.

D. Le pouvoir d’annulation

L’autorité de tutelle se trouve également liée par le principe de la légalité et, de cette
compétence liée, il se trouve dans l’obligation de sanctionner les décisions administratives
illégales émanant de l’organe décentralisé. Mais, à la différence du pouvoir d’annulation de
l’autorité hiérarchique qui porte à la fois sur l’illégalité et l’inopportunité de la décision de
l’autorité déconcentrée, le pouvoir d’annulation de l’autorité de tutelle ne porte que sur les
décisions contraires à la loi, sur l’illégalité de ces décisions car, en effet, l’indépendance
administrative de l’entité ou service décentralisé ne permet pas à l’autorité de tutelle d’annuler les
décisions qui relèvent de la compétence d’une autre personne morale de droit public, la seule
contrainte dans le chef de l’autorité de tutelle réside dans l’annulation des décisions illégales.
Nota Bene :
Le pouvoir d’annulation qui est reconnu tant à l’autorité hiérarchique que à l’autorité de
tutelle s’inscrit dans le cadre du contentieux administratif, il s’exerce souvent à la suite
d’un recours administratif introduit par l’administré lésé par la décision administrative
illégale. Le contentieux administratif exige que le recours juridictionnel devant le juge
administratif soit précédé par un recours administratif (sauf dans certaines exceptions, cfr.
infra) ; ce recours administratif relève alors soit de l’autorité hiérarchique
(déconcentration) soit de l’autorité de tutelle (décentralisation) ; dans les deux cas,
l’autorité administrative apprécie la légalité de la décision administrative contestée et
décide soit de rejeter le recours soit d’annuler la décision litigieuse. En cas d’annulation,
l’administré lésé a obtenu satisfaction, le recours juridictionnel n’est plus nécessaire ; en
cas de rejet, l’administré lésé insatisfait peut alors introduire un recours juridictionnel. Le
fait que le pouvoir d’annulation intervient dans une procédure contentieuse, il est alors
80

limité par le délai de recours pour excès de pouvoir de telle sorte que la forclusion de
délai (l’expiration de délai prévu par la loi, cfr infra) empêche l’autorité hiérarchique ou
de tutelle de décider de l’annulation de la décision illégale quand bien même celle-ci
serait illégale.
Le droit français a apporté une importante innovation concernant le pouvoir d’annulation
de l’autorité de tutelle lorsqu’il s’agit de la décentralisation territoriale : le Préfet investi
du pouvoir de tutelle par la loi de la décentralisation ne dispose plus du pouvoir
d’annulation ; lorsqu’il est saisi d’un recours en annulation par un administré ou encore
lorsque il constate lui-même une décision administrative illégale prise par l’entité
territoriale décentralisée, il procède par une décision de suspension de la décision
litigieuse et il introduit un recours en annulation auprès de la juridiction administrative
compétente ; c’est cette juridiction qui a le pouvoir d’annuler la décision illégale et non
plus l’autorité de tutelle.

Paragraphe 3. Décentralisation territoriale – décentralisation technique

Il existe deux formes de décentralisation : l’une est territoriale, l’autre est technique ou
encore par service.

A. Décentralisation territoriale

Le droit positif congolais a été marqué par différentes lois portant organisation territoriale
de la République ; ces différentes lois ont opéré la distinction entre les entités décentralisées et les
entités non décentralisées.

La décentralisation territoriale est celle qui consiste à doter la personnalité morale ou


juridique à certaines entités territoriales ; cette décentralisation résulte de la loi portant
organisation territoriale de la République ; c’est cette loi qui permet au juriste de relever quelles
sont les entités décentralisées et quelles sont les entités non décentralisées de telle sorte que la
Commune est une entité territoriale qui a été dans l’histoire législative de notre Pays tantôt entité
décentralisée tantôt entité non décentralisée.
81

La Constitution du 18 février 2006 a eu le désavantage de créer les entités territoriales


décentralisées dans la Constitution au lieu de laisser cette matière dans la loi portant organisation
territoriale avec cette fâcheuse conséquence que le législateur congolais ne peut plus créer une
entité décentralisée. L’article 3 de la Constitution dispose clairement et limitativement dans son
alinéa 2 : « Les entités territoriales décentralisées sont la Ville, la Commune, le Secteur et la
Chefferie ».

NB. Le territoire qui a toujours été une entité territoriale décentralisée a ainsi perdu sa
personnalité juridique car il n’est plus qu’une entité déconcentrée.

B. Décentralisation technique ou par service

La décentralisation technique ou par service consiste à conférer la personnalité morale à


certains services publics qui deviennent ainsi les établissements publics placés sous la tutelle des
ministères de l’Etat. Ces établissements publics disposent ainsi d’un Conseil d’Administration,
d’un Comité de Gestion et d’un Collège des Commissaires aux Comptes ; ce sont là les trois
organes de la personne morale établissement public. L’établissement public dispose également
d’un patrimoine propre, des biens meubles et immeubles qui appartiennent à l’établissement
public. L’établissement public bénéficie enfin de la capacité juridique lui permettant d’avoir des
droits et des obligations et d’ester en justice.

Contrairement à la décentralisation territoriale qui est généralement organisée par la loi de


la décentralisation, les établissements publics sont chacun organisé par un statut (alors que les
sociétés commerciales et civiles sont organisées chacune par les statuts) ; le statut porte
principalement sur la création, l’organisation et le fonctionnement de l’établissement public.
En dehors du statut, les catégories d’établissements publics sont organisées par une loi ; il
en est ainsi de la loi portant sur les entreprises publiques, de la loi portant sur l’enseignement
supérieur et universitaire ; ces différentes lois sont accompagnées par différents statuts
concernant chaque établissement public.
82

La tutelle de chaque établissement public est également fixée et organisée par le statut ;
selon le statut, certains établissements publics sont placés sous une tutelle unique, c’est le cas des
établissements publics d’enseignement supérieur et universitaire qui sont placés sous la tutelle du
Ministre de L’ESU ; par contre, les autres établissements publics sont placés sous une double
tutelle comprenant la tutelle technique d’une part et la tutelle administrative et financière d’autre
part. La tutelle technique est normalement exercée par le Ministre ayant l’objet social de
l’établissement public dans ses attributions ; par exemple, pour L’ONATRA c’est le Ministre de
transport et de communication, pour L’OCC, le Ministre de commerce extérieur et pour
L’OFIDA, le Ministre de Finances. La tutelle administrative et financière est exercée par le
Ministre du portefeuille.

Le pouvoir de tutelle porte à la fois sur les actes et sur les organes : les actes de
l’établissement public sont soumis, suivant la compétence attribuée à chaque Ministre de tutelle ;
qui sont soumis au contrôle de tutelle que nous avons examiné précédemment ; par contre, les
organes et les autorités faisant partie d’organes des établissements publics sont soumis à la tutelle
administrative, celle qui consiste à contrôler l’organisation et le fonctionnement de
l’établissement public mais également à exercer le pouvoir disciplinaire sur les autorités de
l’établissement.

Il faudra faire la distinction entre un établissement public, un établissement d’utilité


publique et une entreprise publique.
 L’établissement d’utilité publique est une personne morale de droit privé poursuivant un
but lucratif ou non lucratif mais qui, dans son exploitation, rencontre un besoin d’intérêt
général. Par exemple, L’UPC, l’hôpital privé MUTOMBO DIKEMBE, STUC, Hewa
bora, etc. ;
 Tout établissement public n’est pas entreprise publique et toute entreprise publique n’est
pas établissement public. La réponse à cette problématique réside sur la compréhension
des données ci-après :
L’établissement public intervient dans la réalisation des missions
de l’Etat gendarme et de l’Etat providence, c’est-à-dire la
satisfaction d’un besoin d’intérêt général ; autrement dit il n’y a pas
83

d’établissement sans service public (sans activité d’intérêt


général) ;
L’entreprise publique intervient dans la réalisation d’une mission
de l’Etat commerçant, dans une activité purement commerciale
sans qu’il soit nécessaire de répondre à un besoin d’intérêt général ;
c’est autant ire que l’Etat peut entreprendre des activités
commerciales au même titre que les personnes privées en
poursuivant le seul but lucratif ; les grands Etats se sont développés
grâce à l’Etat commerçant ;
Il existe trois catégories d’entreprise publique : la société d’Etat
dite également société nationale laquelle est une véritable société
commerciale avec un seul actionnaire, Etat ; la société d’économie
mixte qui est également une société commerciale par excellence
(SPRL, SARL) avec cette particularité que le capital social de cette
société est composé de parts ou actions majoritaire et de parts
minoritaires revenant aux personnes privées ; l’Etat s’associe avec
des personnes privées pour créer une société d’économie mixte ; un
bon Etat commerçant veillera à ce que la majorité des actions lui
reviennent ; la troisième catégorie est celle relative aux
établissements publics à caractère industriel et commercial ; il
s’agit ici d’un service public doté de la personnalité morale qui,
tout en poursuivant la satisfaction d’un besoin d’intérêt général,
entreprend en même temps des activités commerciales ;
Par contre, toute entreprise publique n’est pas établissement public
car, il existe deux catégories d’entreprise publique qui ne gèrent
pas un service public, qui s’occupent uniquement de l’activité
commerciale : c’est le cas de la société d’Etat comme la
GECAMINIES et de la société d’économie mixte comme la
MIBA ;
84

 Tout établissement public n’est pas non plus entreprise publique car il existe des
établissements publics sans aucune activité commerciale ; exemple, ceux à caractère
administratif (OFIDA, OGDEP), ceux à caractère éducatif et scientifique (UNIKIN,
CRENEK), ceux à caractère social (INSS, INPP, l’Hôpital général de référence) ; il n’y a
que les établissements publics à caractère industriel et commercial qui rentrent dans la
définition de l’Entreprise publique (OCC, ONARA, SNEL, REGIDESO, LAC, etc.)

NB. Cette distinction doctrinale entre l’établissement public et entreprise publique a été
longtemps escamotée par le législateur congolais qui a confondu dans la loi du 06 janvier 1978
qui définit tout établissement public comme entreprise publique de telle sorte que L’OFIDA,
L’OGDEP, L’INSS, IGN (institut géographique national). Cette inconséquence a été relevée par
le législateur actuel qui, dans la réforme en discussion au Parlement, a décidé d’opérer la
distinction entre la loi concernant les établissements publics et la loi concernant les entreprises
publiques que le législateur appelle les entreprises du portefeuille.

Paragraphe 4. Décentralisation, fédéralisme et régionalisme

A. Décentralisation et fédéralisme

La décentralisation est différente du fédéralisme sur quatre points ci-après :

1°. Sur le plan de la nature juridique.

La décentralisation est une matière qui relève de l’organisation administrative de l’Etat et


cette organisation est de la compétence du législateur ; c’est pourquoi la mise en œuvre de la
décentralisation tire son fondement de la loi de la décentralisation ; par conséquent, la
décentralisation peut être organisée par la loi nationale dans le cadre d’un Etat unitaire, de même
elle peut être organisée par la loi d’un Etat fédéré dans le cadre d’un Etat fédéral ; on retrouvera
donc la technique de la décentralisation dans un Etat unitaire comme dans un Etat fédéral. Par
contre, le fédéralisme relève de l’organisation politique de l’Etat, de la forme de l’Etat, de la
manière dont le pouvoir politique est distribué sur le territoire national ; ce pouvoir politique est
85

l’émanation de l’idée du droit du citoyen ; c’est pourquoi, le fédéralisme comme l’unitarisme


prendra sa source non pas de la loi mais plutôt dans la Constitution, dans l’idée du droit du
souverain ; c’est la Constitution qui lève l’option soit sur un Etat unitaire soit sur un Etat
fédéral. ; Le fédéralisme est ainsi une notion du droit Constitutionnel alors que la
décentralisation est une notion du droit administratif.

2°. Sur le plan des effets juridiques.

La décentralisation a pour effet de créer une personne morale administrative, c’est-à-dire


que la décentralisation se réalise uniquement au sein de l’administration ; elle permet à
l’administration de l’Etat unitaire ou de l’Etat fédéré d’avoir des entités ou des services publics
ayant la personnalité morale, jouissant d’une indépendance administrative par rapport à
l’administration centrale. Le fédéralisme a pour effet de créer les Etats dans un Etat, c’est-à-dire
non seulement de permettre l’existence des nouvelles personnes morales politiques mais
également de donner à chaque personne morale politique, à chaque Etat fédéré un pouvoir
politique différent du pouvoir politique de l’Etat fédéral ; c’est pourquoi il est permis, dans le
fédéralisme, à chaque Etat fédéré d’avoir sa propre Constitution à côté de la Constitution de
l’Etat fédéral.

3°. Sur le plan de compétence

Le fédéralisme opère le partage des compétences politiques entre l’Etat fédéral et les
Etats fédérés ; c’est la Constitution fédérale qui organise ce partage de compétence politique, le
partage du pouvoir politique dont nous connaissons la composition : le pouvoir législatif, le
pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire. De ce fait, l’Etat fédéral aura son Parlement, son
Gouvernement, son organisation judiciaire ; chaque Etat fédéré aura également son Parlement,
son Gouvernement et son organisation judiciaire. Par contre, la décentralisation opère le transfert
des compétences administratives par l’Etat au profit de certains services publics ou entités dotées
de la personnalité morale ; le pouvoir politique ne se partage pas ici mais l’administration qui
fonctionne au sein du Gouvernement connaît une certaine division du travail voulue par l’Etat en
conférant à l’administration décentralisée les compétences administratives propres.
86

4°. Sur le plan de rapport juridique

Les rapports entre l’Etat fédéral et les Etats fédérés sont des rapports de superposition et
de participation : la Constitution fédérale prime les autres textes constitutionnels des Etats fédérés
et chaque Etat fédéré participe par ses représentants au fonctionnement de l’Etat fédéral ; on peut
dire ici que les Etats fédérés jouissent d’une indépendance politique qui n’appelle aucun contrôle
de l’Etat fédéral, seule la Cour Constitutionnelle arbitre les conflits de droit entre l’Etat fédéral et
les Etats fédérés. Par contre, la décentralisation ne confère qu’une indépendance administrative
relative car la personnalité morale conférée à certains services publics ou entités décentralisées
s’accompagne avec le contrôle de l’Etat exercé par les différents Ministres ; il existe donc des
rapports de tutelle entre la personne morale Etat et les personnes morales décentralisées.

TABLEAU RECAPITULATIF
DIFFERENCE ENTRE :
87

LA DECENTRALISATION ET LE FEDERALISME
- Est une notion du droit administratif et relève - Est une notion du droit constitutionnel et relève de
de l’organisation administrative de l’Etat l’organisation politique de l’Etat, de la manière dont le
- Tire son fondement ou sa source de la loi de la pouvoir politique est distribué sur le territoire national.
Nature décentralisation - Tire son fondement ou sa source de la constitution ; c’est
juridique - (il s’agit loi nationale dans le cadre de l’Etat la constitution qui lève l’option sur la forme de l’Etat.
unitaire)
- (Aussi, la constitution dans le cadre de l’Etat unitaire)

- Crée une personne morale administrative ; elle - Crée des Etats dans un Etat ; il donne à chaque personne
confère la personnalité morale à des entités ou morale politique, à chaque Etat fédéré un pouvoir politique
Effets
à des services publics. différent de l’Etat central ; ainsi, chaque Etat fédéré a sa
- Chaque entité décentralisée ou service public propre constitution à coté de la constitution de l’Etat
juridiques jouit d’une indépendance administrative central ;
relative.
- Chaque Etat fédéré jouit d’une indépendance politique.
- Opère un transfert des compétences - Opère le partage des compétences politiques ; c’est la
administratives ; le pouvoir politique ne se constitution fédérale qui organise ce partage des
partage pas ici mais l’administration qui compétences politiques ou du pouvoir politique ; ainsi,
fonctionne au sein du Gouvernement connaît chaque Etat fédéré aura son parlement, son Gouvernement
Compétence une certaine division du travail voulue par et son organisation judiciaire.
l’Etat en conférant à l’administration
décentralisée les compétences administratives
propres.

- Rapport de tutelle entre la personne morale - Rapport de superposition et de participation entre l’Etat
Etat et les personnes morales décentralisées fédéral et les Etats fédérés : La constitution de l’Etat
fédéral prime les autres textes constitutionnels des Etats
- Les entités décentralisées jouissent d’une fédérés.
Rapports indépendance administrative relative car la
juridiques personnalité morale conférée à certains
- Les Etats fédérés jouissent d’une indépendance politique
services publics ou entités décentralisées
s’accompagne avec le contrôle de l’Etat exercé qui n’appelle aucun contrôle de l’Etat fédéral, seul la Cour
par les différents ministres. constitutionnelle arbitre les conflits de droit entre l’Etat
fédéral et les Etats fédérés.
88

B. Décentralisation et régionalisme

La notion de régionalisme a longtemps trouvé ses applications dans la répartition des


richesses d’un Etat ; on parle du régionalisme économique lorsque le territoire de l’Etat est
subdivisé en plusieurs régions économiques en fonction des différentes capacités de production
économique (c’est la cas de la France) ; on parle de régionalisme culturel lorsque le territoire est
subdivisé en régions culturels en fonction des richesses culturelles et particulièrement de la
diversité des langues et coutumes (le cas de la Belgique). De nos jours, on parle également du
régionalisme politique que certains auteurs appellent abusivement décentralisation politique ; le
régionalisme politique est à cheval entre l’unitarisme et le fédéralisme (un poisson-chat). Cette
nouvelle forme de l’Etat est souvent adoptée comme la forme du compromis entre les unitaristes
d’un côté et les fédéralistes de l’autre. Le régionalisme politique ne correspond pas à la
décentralisation encore que cette dernière reste compatible avec le régionalisme politique ; ce
régionalisme ne correspond pas non plus au fédéralisme par le simple fait qu’il ne crée pas des
Etats dans un Etat.

Le cas de la RDC

- Article 1er de la Constitution : « La République Démocratique du Congo est un Etat uni et


indivisible » ;
- Article 3 al. 1 : « Les Provinces et les entités territoriales décentralisées de la RDC sont
dotées de la personnalité juridique » ;
- Article 3 al. 2 : « Ces entités territoriales décentralisées sont la Ville, la Commune, le
Secteur et la Chefferie ».
 La RDC a opté pour le régionalisme politique.

Le Constituant congolais s’est refusé d’utiliser l’appellation Etat unitaire ou Etat fédéral
pour ne pas donner raison ni aux unitaristes ni aux fédéralistes mais la lecture de l’article 1er nous
permet de considérer que l’option retenue est celle d’un Etat unitaire ; et l’Etat unitaire est
essentiellement caractérisé par l’existence d’une seule et même Constitution sur tout le territoire
national.
89

L’article 3 al.1 fait la distinction entre les Provinces et les entités territoriales
décentralisées ; le Constituant, dans son alinéa 2, précise même quelles sont les entités
décentralisées ; que devient alors la Province qui, dans les textes constitutionnels et législatifs
antérieurs, était toujours considérée comme une entité décentralisée ; si elle n’est pas
décentralisée, serait-elle un Etat fédéré ? La Province n’est pas un Etat fédéré dans le cas
d’espèce car elle ne peut pas se doter d’une Constitution et la Constitution interdit de diviser
l’Etat mais la Province aura reçu de la Constitution de 2006 certains attributs des Etats fédérés
qui l’éloignent d’une entité décentralisée, notamment :

1°. La Province bénéficie du transfert des certaines compétences politiques, compétences


étatiques sans pour autant qu’il s’agisse d’un partage des compétences politiques telles que
organisées par la Constitution fédérale. Dans le cas d’espèce, c’est la Constitution de l’Etat
« unitaire » qui opère le transfert de certaines matières relevant du pouvoir législatif et du pouvoir
exécutif (matière à caractère politique) au profit des Provinces ; ainsi la Province bénéficie d’un
Parlement et d’un Gouvernement à l’instar des Etats fédérés mais dans la cas présent, l’Etat garde
la grosse partie des compétences d’intérêt provincial. Les articles 201, 202, 203 et 204 organisent
cette répartition entre le pouvoir central et les provinces. La Constitution de 2006 organise, de
l’article 195 à 199, les institutions politiques de la Province qui sont : l’Assemblée Provinciale et
le Gouvernement Provincial ; l’Assemblée Provinciale vote des lois au même titre que le
Parlement au niveau du pouvoir central, ces lois provinciales sont appelées édits ; le
Gouvernement Provincial prend également des décisions politiques qui sont exécutées par
l’administration provinciale ;

2°. Les Provinces sont des personnes morales à caractère politique mais elles ne jouissent pas de
la même indépendance politique que les Etats fédérés ; la Constitution organise une institution
d’harmonisation de la politique nationale qui est la conférence des Gouverneurs, présidée par le
Président de la République. Cette conférence permet de renforcer l’unité nationale et d’amener
les Gouverneurs des Provinces à se conformer à la politique nationale.
90

CHAPITRE DEUXIEME :
ORGANISATION DE L’ADMINISTRATION TERRITORIALE
EN RDC

= / = Voir notes des assistants = / =

TITRE DEUXIEME :
LA FONCTION ADMINISTRATIVE

SOUS TITRE I.
LES MODALITES D’ACTION DE L’ADMINISTRATION

La fonction administrative consiste à gérer les affaires de l’Etat, les activités d’intérêt
général ; ces activités se trouvent entreprises au sein des entités territoriales et à travers les
différents services publics. Pour réaliser les missions d’intérêt général, l’administration utilise des
instruments juridiques qui s’inscrivent dans les modalités d’action, c’est-à-dire la manière par
laquelle l’administration utilise les pouvoirs administratifs, les pouvoirs qui lui sont reconnus par
la loi. L’étude des modalités d’action de l’administration nous conduit à examiner dans le premier
chapitre l’action unilatérale de l’administration et dans le second chapitre l’action
contractuelle de l’administration.
91

CHAPITRE PREMIER :
ACTE UNILATERAL DE L’ADMINISTRATION OU ENCORE
ACTE ADMINISTRATIF UNILATERAL

SECTION I. DEFINITION DE L’ACTE ADMINISTRATIF UNILATERAL

Paragraphe 1. Critères de définition

L’acte administratif unilatéral peut être défini suivant le critère organique ou bien le
critère matériel ou fonctionnel.

A. Critère organique

Suivant ce critère, l’acte administratif est celui qui émane d’une autorité administrative,
c’est-à-dire une autorité intervenant dans le cadre de la fonction administrative et relevant d’une
institution administrative. Ce critère exclut de la définition de l’acte administratif non seulement
les autres autorités publiques, notamment législatives et judiciaires mais également toutes les
personnes privées. Ce critère n’est pas pour autant satisfaisant car dans la fonction administrative,
il est permis de faire la distinction entre les actes administratifs proprement dits et les actes de
l’administration considérant que au sein de l’administration, il y a des actes pris par une autorité
administrative mais qui relèvent néanmoins du droit privé alors que les actes administratifs
relèvent du droit public.
Ainsi, dans la gestion du domaine foncier, nous rencontrons les actes de l’administration
qui relèvent du droit privé ; exemple : le certificat d’enregistrement et du contrat de location de
terre ou de bail emphytéotique ; de même, dans la gestion de l’Etat civil, les actes de naissance,
de mariage, de succession sont les actes de l’administration qui relèvent du droit privé ; il en sera
de même dans les établissements publics à caractère industriel et commercial ou certains actes en
rapport avec le personnel de l’établissement public ou encore les usagers relèveront du droit
privé. C’est autant dire que le critère organique sera déterminant dans la définition d’un acte
administratif exclusion faite des actes relevant du droit privé.
92

B. Critère matériel ou fonctionnel

Ce critère définit l’acte administratif comme étant celui qui intervient dans l’exécution
d’un service public, c’est-à-dire l’acte de service public, l’acte qui réalise une activité d’intérêt
général mais qui bénéficie en même temps des prérogatives des puissances publiques.

Le critère fonctionnel prend en compte la nature de l’acte administratif : non seulement il


s’agit d’un acte qui concourt à la satisfaction d’un besoin d’intérêt général mais également d’un
acte différent de celui des personnes privées car celui-ci dispose des privilèges des puissances
publiques. Ce critère permet alors de considérer que les actes posés par des personnes privées
chargées de la gestion des services publics sont des actes administratifs quand bien même ils
n’émaneraient pas d’une autorité administrative ; il en est ainsi du concessionnaire du service
public qui n’est pas une autorité administrative mais plutôt une personne privée à laquelle l’Etat
confie la gestion d’un service public moyennant un contrat de concession entre le Concédant-Etat
et le concessionnaire privé. Par exemple : un contrat entre la société privée COMAX et l’Etat
congolais pour la gestion de la SNEL, un contrat entre HEWA BORA et l’Etat congolais pour la
gestion de LAC.
Le droit français retient à la fois le critère organique et le critère fonctionnel dans la
définition de l’acte administratif ; par contre, le droit congolais a retenu, tant dans la Constitution
que dans la loi portant organisation et compétence judiciaires, le critère organique car, sur le plan
contentieux, seuls les actes des autorités administratives sont susceptibles des recours pour excès
de pouvoir ; en d’autres termes, les citoyens ne peuvent saisir le juge administratif par voie de
recours en annulation que contre les actes des autorités administratives ; toute exception en cette
matière ne peut découler que de la loi.

Définition retenue :
Un acte administratif unilatéral est celui qui émane de la seule volonté d’une autorité
administrative et qui a pour effet de créer, de modifier ou de supprimer l’ordonnancement
juridique d’une matière ou encore la situation juridique d’une personne ou d’un bien et qui jouit
des privilèges des puissances publiques. Dans la pratique, nous rencontrons deux actes
administratifs unilatéraux : l’acte réglementaire d’une part et l’acte individuel d’autre part.
93

Paragraphe 2. Catégories d’actes administratifs

Les actes administratifs peuvent être rangés sous plusieurs catégories :


- Acte réglementaire ;
- Acte individuel ;
- Actes particuliers ;
- Acte exécutoire ou non exécutoire ;
- Acte de Gouvernement ;
- Actes inexistants.

A. Acte réglementaire

Nous avons défini l’acte réglementaire comme étant celui qui émane d’une autorité
administrative et qui a pour objet de réglementer, de créer une règle de conduite sociale dans une
matière donnée avec des effets à caractère général, impersonnel et abstrait. Nous avons fait la
distinction entre les règlements autonomes et les règlements d’application (cfr. supra).

B. Acte individuel

Les actes individuels émanent également des autorités administratives mais ils sortent des
effets à caractère individuel ou personnel ; ces actes peuvent créer, modifier ou supprimer la
situation juridique d’une personne nommément désignée, c’est-à-dire désignée par son nom sans
qu’il soit nécessaire de faire la distinction entre une personne physique et une personne morale.
Par exemple : la décision administrative portant agrément de l’Université protestante du Congo
(UPC) est une décision individuelle alors que la décision administrative portant statut de
L’UNIKIN est une décision réglementaire car elle réglemente l’organisation et le fonctionnement
de L’UNIKIN ; la décision administrative portant fermeture de L’UNIKIN est une décision
individuelle qui ne réglemente aucune matière mais qui concerne L’UNIKIN entant que personne
morale de droit public.
94

La décision individuelle ou l’acte individuel comporte deux variantes : l’acte subjectif et


l’acte condition. L’acte subjectif est celui qui modifie l’ordonnancement juridique d’une
personne en créant, en modifiant ou en supprimant les droits et/ou les obligations conférés à une
personne ; l’acte subjectif est l’acte individuel par excellence car il concerne la situation juridique
d’une personne en ce que celle-ci se voit octroyer des droits ou encore elle se voit imposer des
obligations par une autorité administrative ; par exemple : la décision accordant une bourse
d’études à tel et tel étudiant ayant réussi avec la grande distinction ; la même décision deviendrait
réglementaire si elle instituait une bourse d’études à tous les étudiants qui auront obtenu la
mention grande distinction. L’acte condition est celui qui concerne le statut d’une personne
physique ; on l’appelle acte condition du fait qu’il est préalablement soumis à la réalisation de
certaines conditions prévues par le statut organisant la gestion d’un corps ou d’une catégorie du
personnel donné. L’acte condition permet ainsi à une personne de modifier sa position sociale
soit dans un sens positif soit dans un sens négatif. Par exemple : l’acte de nomination d’un agent,
l’acte de promotion, l’acte de révocation ; ce sont des actes qui concernent certes une personne
nommément désignée mais qui n’interviennent que lorsque les conditions statutaires sont
remplies.

C. Les actes particuliers

Les auteurs modernes de droit administratif ont désigné une nouvelle catégorie d’actes
administratifs par plusieurs appellations : acte particulier, acte d’espèce, acte « sui generis » ; ces
actes particuliers ne sont ni réglementaires ne individuels, ils sont pourtant des actes
administratifs qui, lorsqu’ils font grief, sont susceptibles de recours pour excès de pouvoir.

Les actes particuliers sont ceux qui concernent une situation administrative particulière et
qui ont pour effet non pas d’organiser une matière, non plus de modifier la condition ou la
situation juridique d’une personne mais tout simplement d’organiser le fonctionnement d’une
dépendance administrative. Par exemple : 1. Un acte portant lotissement d’un domaine foncier ;
un tel acte ne réglemente aucune matière, il se limite à organiser un espace foncier pour permettre
à cet espace qui relevait du domaine public de relever du domaine privé, pour faire l’objet
d’attribution en faveur des particuliers ; 2. Les actes intervenant dans l’exercice du pouvoir de
95

tutelle : décision d’autorisation, décision d’approbation, décision d’opposition ; ces actes n’ont
rien d’individuel et encore moins de réglementaire ; ce sont des actes particuliers ; 3. En matière
d’expropriation pour cause d’utilité publique, la décision d’expropriation est une décision
individuelle car elle concerne la propriété immobilière d’un individu ou d’un groupe d’individus
nommément désignés ; cette décision est précédée par la décision de déclaration d’utilité
publique ; cette décision de déclaration d’utilité publique est un acte particulier.

D. Acte exécutoire ou non exécutoire

Tous les actes administratifs ne sont pas des actes exécutoires ; il existe une catégorie
d’actes dits non exécutoires dont les effets s’arrêtent à l’intérieur même de l’administration ; ces
actes non exécutoires ne peuvent pas faire grief, ils ne peuvent pas faire l’objet d’un recours pour
excès de pouvoir du fait que les administrés ne sont pas obligés de les exécuter. Les actes
exécutoires sont ceux qui s’opposent aux administrés, ceux qui obligent les administrés à
s’exécuter immédiatement sans aucune contestation.

A l’instar des décisions juridictionnelles qui sont revêtues d’un titre exécutoire, les actes
administratifs qui créent une règle de droit ou qui modifient une situation individuelle ou
particulière sont revêtus d’un titre exécutoire, ils sont opposables aux administrés, ils peuvent
faire grief et par conséquent être susceptibles de recours en annulation. Les actes non exécutoires
rentrent dans la catégorie des sources sociologiques du droit administratif.

E. Les actes de Gouvernement

Tous les actes administratifs ne sont pas nécessairement susceptibles de recours pour
excès du pouvoir ; la jurisprudence française a été la première à considérer que certains actes
émanant des autorités administratives n’avaient pas une nature administrative de telle sorte que
lorsqu’ils faisaient grief, le juge devait se déclarer incompétent pour statuer sur leur illégalité.

La théorie d’acte de Gouvernement fut d’abord basée sur une autre théorie, celle du
mobile politique ; cette dernière était justifiée sous la monarchie française par des raisons
96

d’Etat de telle sorte que certaines décisions administrative devaient échapper à la censure du
juge de l’excès du pouvoir malgré qu’elles étaient prises en violation de la loi lorsque l’autorité
administrative se réfugiait derrière les raisons d’Etat, un mobile politique qui pouvait donner lieu
à l’arbitraire.
Le courant démocratique a emmené le juge français à abandonner la théorie du mobile
politique pour relever une catégorie d’acte de l’exécutif qui échapperait du juge de l’excès du
pouvoir. La nouvelle catégorie tient compte non plus des raisons d’Etat mais plutôt de la nature
juridique de certains actes pris par le Gouvernement mais qui ne rentrent pas dans le cadre de la
fonction administrative ; ainsi, dans les actes du Gouvernement, il y a d’une part les actes de
Gouvernement et d’autre part les actes de l’administration ; cette évidence découle de la
distinction entre la fonction gouvernementale et la fonction administrative. Les actes intervenant
dans la fonction gouvernementale sont considérés comme des actes de Gouvernement ; ceux
intervenant dans la fonction administrative sont les seuls actes administratifs pouvant faire l’objet
de recours pour excès de pouvoir.

La jurisprudence française a ainsi déterminé une liste d’actes de Gouvernement de la


manière ci-après :
1°. Les actes signés par le Président de la République entant que Chef de l’Etat pour accorder la
grâce présidentielle, pour ratifier les traités, pour promulguer les lois, pour déclarer la guerre,
l’état de siège ou d’urgence ;
2°. Les actes pris par le Président de la République dans la nomination et la révocation du
Premier Ministre et des Ministres ;
3°. Les actes pris par le Président de la République pour la dissolution du Parlement et
éventuellement pour la convocation d’une session extraordinaire ; ce sont des actes qui
concernent les relations entre l’exécutif et le législatif ;
4°. Les actes pris par le Président de la République ou le Gouvernement dans les relations
internationales, l’accréditation d’un Ambassadeur, la décision de réciprocité, etc.

En droit congolais, les juges de la CSJ se fondent sur l’article 87 al. 2 de l’Ordonnance-loi
du 31 mars 1982 portant procédure devant la CSJ et qui dispose : « La Cour apprécie
souverainement quels sont les actes de l’exécutif qui échappent à son contrôle ». Sur base de cette
97

disposition, la CSJ, dans l’arrêt KENGO WA DONDO, a considéré que la nomination du


Premier Ministre KENGO WA DONDO fut un acte de Gouvernement qui échappait à son
contrôle car intervenant dans la fonction politique du Président de la République ; dans l’arrêt de
315 magistrats, la CSJ s’est fondée sur la théorie du mobile politique pour refuser d’examiner
les recours désintéressés, pour se déclarer incompétente en la matière ; cette dernière
jurisprudence ne doit pas servir d’exemple d’école.

F. Les actes inexistants

Parmi les actes administratifs le juge administratif considère que certains actes sont d’une
telle illégalité qu’il est difficile d’admettre leur existence juridique et par conséquent, il faudrait
les qualifier d’inexistants pour permettre leur déclaration en nullité même en dehors de délai de
recours pour excès de pouvoir.
Les actes inexistants ne donnent lieu à annulation parce qu’ils sont supposés n’avoir
jamais existé, le juge se limité uniquement à aller déclarer nul et non avenu ; le grand avantage ici
est que par rapport aux autres actes administratifs frappés par la forclusion de délai, les actes
inexistants peuvent être attaqués à tout moment. Un acte inexistant est celui qui émane certes
d’une autorité administrative mais qui intervient en dehors de tout pouvoir administratif, c’est-à-
dire un acte qui ne trouve pas son fondement dans une source formelle mais un acte qu’une
autorité s’attribue abusivement pour porter atteinte à une liberté ou à un droit fondamental ; un tel
acte s’accompagne toujours par un préjudice causé aux administrés, il s’accompagne d’une voix
de fait, c’est-à-dire d’une opération matérielle qui porte atteinte soit à un droit, soit à une liberté
reconnue par les lois et la Constitution. Par exemple : une autorité administrative qui prend la
décision de séparer deux personnes mariées ; cette décision ne rentre pas dans le pouvoir
administratif, il ne s’agit pas ici de savoir si l’autorité est compétente mais de dire que une telle
décision ne relève pas de pouvoir reconnu à l’administration. Un acte inexistant se trouve
également en dehors de l’autorité administrative mais à l’intérieur de la fonction administrative ;
c’est un acte pris par une autorité soit privée soit publique mais qui n’est pas une autorité
administrative tout en intervenant dans la fonction administrative. Par exemples : 1. Une
personne privée qui décide de la nomination d’un agent au sein de la fonction publique ; cette
nomination intervient dans la fonction administrative mais elle est l’œuvre d’une personne
98

dénuée de toute qualité d’autorité administrative ; 2. Le Procureur de la République qui prend la


décision administrative d’expropriation d’un immeuble pour des raisons d’utilité publique, un tel
acte n’émane pas d’une autorité administrative mais il intervient dans la fonction administrative ;
il est considéré comme inexistant ; 3. Le Président de l’Assemblée Nationale qui prend la
décision de fixer le salaire des professeurs d’Université, une telle décision intervient dans la
fonction administrative mais elle est considérée comme inexistante.

SECTION II. ELABORATION DE L’ACTE ADMINSITRATIF


UNILATERAL

L’élaboration de l’acte administratif unilatéral tient compte de quatre facteurs


importants qui déterminent toute la validité de l’acte administratif et qui constituent en même
temps des moyens de recours pour excès de pouvoir, c’est-à-dire les raisons qui vont permettre à
l’administré d’attaquer un acte administratif par voie de recours pour excès de pouvoir. Ainsi,
toute décision administrative est regardée :
- en fonction de l’autorité qui doit prendre la décision, celle-ci doit justifier de la
compétence à prendre une décision donnée.
- en fonction des règles de forme et de procédure qui président à son élaboration ; lorsque
la décision ne respecte pas la forme ou la procédure requise, elle est susceptible de
recours pour excès de pouvoir.
- en fonction du but poursuivi par son auteur ; ce but ne peut être que celui d’intérêt général
au risque de commettre le détournement de pouvoir, cas d’ouverture de recours pour
excès de pouvoir.
- en fonction de l’objet pour lequel elle aura été édictée cas toute décision administrative
prend son fondement de la loi, elle doit respecter le contenu de la loi sous peine d’être
annulée pour violation de la règle de droit. Ce sont là les différentes voies de recours pour
excès de pouvoir, les différents moyens d’annulation, les différents cas d’ouverture de
recours pour excès de pouvoir que nous examinerons dans le cadre de la présente section.
99

Paragraphe 1. La compétence de l’auteur de l’acte administratif

A. Définition

La compétence se définit comme étant une aptitude conférée par un texte légal
conformément à la Constitution ou à la loi et permettant à une autorité administrative de prendre
une décision administrative.

La compétence en droit administratif ne s’improvise pas ; elle tire toujours sa source d’un
texte légal ou encore d’un texte réglementaire qui applique la loi qui organise une matière
donnée. Les règles de compétence concernent non pas la personne prise individuellement mais
plutôt la personne qui exerce une fonction correspondant à la compétence conférée par la loi ;
c’est dire que la compétence est impersonnelle, elle est exercée « esè qualité », l’autorité qui
exerce la compétence l’exerce en fonction du titre qui lui est conféré par l’administration de telle
sorte que sa destitution entraîne automatiquement sa perte de compétence.

C’est ici le lieu de faire la distinction entre un agent administratif et une autorité
administrative en affirmant que toute autorité administrative est agent administratif mais tout
agent administratif n’est pas autorité administrative ; pour être autorité administrative, il faut
disposer d’une compétence à poser un acte administratif ; ainsi, retrouve-t-on au sein de
l’administration des agents de commandement, des agents de collaboration et des agents
d’exécution qui ne sont pas pour autant des autorités administratives ; par exemple : dans un
ministère, le Ministre est une autorité administrative, le Vice-ministre également dans son rôle de
suppléant du Ministre.
 Y sont agents de commandement : le Secrétaire Général, les Directeurs, le Chef de
divisions et les Chefs de bureaux ;
 Y sont agents de collaboration : l’attaché de bureau de première classe, l’attaché de
bureau de 2ème classe (Licenciés) et l’agent de bureau de première classe (gradué) ;
 Y sont agents d’exécution : l’agent de bureau de 2ème classe (D6) et l’huissier.
100

La distinction entre autorité et agents administratifs entraîne une autre distinction, celle
entre compétence et attribution. Le professeur BENOIT définit les attributions comme étant
« l’ensemble des tâches matériels qui sont conférés à un agent administratif dans le cadre de
l’exécution d’une activité administrative ». Dans l’exercice de la fonction administrative, les
autorités compétentes prennent des décisions administratives tandis que les actes préparatoires à
la décision ainsi que les actes poste décisoires relèvent des tâches matérielles ; l’exécution de ces
tâches appelle également une division du travail ; de cette division sortiront les attributions. Ce
sont ces attributions que nous appelons dans le langage courant « Job description », ce qui se
traduit littéralement comme la description des tâches.

Si la compétence exige nécessairement qu’elle découle d’un texte légal, il n’en est pas de
même pour les attributions ; celles-ci peuvent être déterminées soit par un texte réglementaire qui
porte sur l’organigramme de l’entreprise publique ou d’un service ou d’un établissement public,
soit encore les attributions peuvent être déterminées par une note de service soit enfin d’une
simple lettre de l’autorité hiérarchique et même admet-on que la décision verbale puisse confier
une attribution donnée à un agent administratif.

B. Les formes de compétence

On distingue normalement trois formes de compétence : la compétence matérielle, la


compétence territoriale et la compétence temporelle.

1°. La compétence matérielle

Cette compétence permet à l’autorité administrative d’intervenir uniquement dans la


matière pour laquelle elle aura été investie de telle sorte que à chaque matière administrative
correspond une compétence matérielle dans le Chef d’une autorité donnée. La règle selon
laquelle « Qui veut le plus peut le moins » ne s’applique pas en droit administratif. A titre
d’illustration : le Ministre des affaires foncières ne peut pas délivrer le certificat d’enregistrement
(CE) qui, sur le plan de la compétence matérielle, relève du Conservateur des titres immobiliers ;
ce dernier a été investi par la loi d’une compétence matérielle. Le non respect des règles de
101

compétence conduit à l’incompétence et dans ce cas tout administré ayant un intérêt peut
introduire un recours pour excès de pouvoir contre la décision prise par une autorité
incompétente.
Certes, les compétences sont d’attribution mais le principe de continuité et de régularité
des services publics a emmené l’administration à admettre que certaines autorités non investies
par la loi exercent la compétence d’une autre autorité. Nous allons distinguer à ce sujet trois
situations différentes : l’usurpation des fonctions, l’empiétement des fonctions et l’empiétement
des pouvoirs.

a. Usurpation des fonctions

Il y a usurpation de fonction lorsqu’une personne privée n’ayant aucune autorité publique


s’introduit dans les services de l’administration pour poser des actes administratifs ; il s’agit là
d’un usurpateur dont les décisions seront considérées comme des actes inexistants. Cependant,
toujours en vertu du principe de continuité et de régularité des services publics, la doctrine et la
jurisprudence ont admis la théorie du fonctionnaire de fait, laquelle est fondée soit sur l’idée
d’apparence soit sur les circonstances exceptionnelles.
- Sur l’idée d’apparence, lorsque les administrés de bonne Foi se présentent devant
l’administration et se trouvent en présence « d’agents apparemment réguliers » et qui
profitent ou bénéficient des actes posés par ces « agents fictifs », l’administration ne peut
pas se prévaloir de sa propre turpitude pour avoir laissé des Usurpateurs agir en lieu et
place des autorités compétentes ; les administrés ne devront pas être victimes d’une telle
turpitude, les actes posés par les Usurpateurs seront considérés comme valables et
l’autorité compétente sera dans l’obligation de les régulariser. Exemple : Quelqu’un qui
ouvre une boutique avec un acte d’une autorité de la Commune mais une autorité qui
n’existe pas ;
- Sur les circonstances exceptionnelles, il est admis que lorsque des circonstances
exceptionnelles découlant soit de la révolution soit de la rébellion soit de la mutinerie soit
enfin d’une guerre et qui menacent le fonctionnement régulier des institutions jusqu’à les
paralyser, certains actes administratifs qui ne peuvent pas attendre le retour au
fonctionnement régulier peuvent être posés par des personnes n’ayant aucun titre légal qui
102

agiront comme Fonctionnaire de fait. Exemple : Les actes qui naissent pendant la guerre.
Les actes posés par le Fonctionnaire de fait dans les circonstances exceptionnelles restent
valables jusqu’à leur régularisation par l’autorité compétente.

b. Empiétement des fonctions

Dans cette hypothèse, le conflit de compétence apparaît entre deux autorités


administratives, c’est-à-dire des autorités régulièrement investies des compétences
administratives mais l’une d’entre elles empiète sur les compétences de l’autre ; il s’agit ici d’une
autorité administrative qui décide dans une matière relevant d’une autre autorité administrative ;
par exemple : 1. Le Ministre des affaires foncières et le Conservateur des titres immobiliers sont
tous les deux les autorités administratives ; ainsi, la décision du Ministre intervenant dans les
compétences du Conservateur sera entachée d’empiétement de fonction, susceptible de recours
pour excès de pouvoir ; 2. Le Gouverneur de la Ville de Kinshasa est investi d’une compétence
matérielle en matière d’autorisation de bâtir, le Ministre de l’urbanisme est également investi
d’une compétence matérielle également en matière d’autorisation de bâtir ; le texte qui organise
cette matière précise bien dans quel cas il faudra la décision du Gouverneur et dans quel autre cas
il faudra la décision du Ministre de l’urbanisme ; si le Gouverneur délibère une autorisation de
bâtir dans un dossier qui, matériellement relève de la compétence du Ministre, il commet un
empiétement de fonction, cas d’ouverture de recours pour excès de pouvoir. Entre les autorités
administratives, il est admis qu’une autorité remplace provisoirement une autre autorité en cas
d’absence ou d’empêchement. Ainsi, le droit administratif organise quatre situations : l’intérim,
la suppléance, le commissionnement et la délégation.

- Situation d’intérim

L’intérim est une situation administrative dans laquelle est placée une autorité
administrative appelée à remplacer le titulaire désigné à un poste déterminé lorsque celui-ci se
trouve soit absent de son poste, soit empêcher d’exercer sa fonction (cas de maladie, de
suspension, de révocation, de décès, de mutation, des missions de service).
103

A la différence de la compétence dont l’autorité est investie par la loi, l’intérim n’exige
pas nécessairement qu’il soit prévu au préalable par un texte légal, l’intérim peut être organisé
par un texte réglementaire, une note de service ou encore une simple lettre de désignation de
l’intérimaire. La situation de l’intérimaire est une situation précaire et provisoire ; précaire, car il
peut être retiré à tout moment par l’autorité hiérarchique compétente ; provisoire, du fait que le
retour du titulaire à son poste ou la nomination à titre définitif d’un autre titulaire met fin à la
situation d’intérim.

Dans la pratique, la durée de l’intérim ne peut dépasser trois mois en raison du fait que
l’intérimaire n’est pas investi de la totalité des compétences du titulaire, il se limite uniquement à
la gestion des affaires courantes, c’est-à-dire à la prise des décisions concernant le
fonctionnement régulier du service ou de l’entreprise ou entité ; décisions nécessaires pour éviter
le blocage ou l’interruption de l’activité courante d’intérêt général. L’intérimaire ne doit pas
décider sur le changement d’organigramme, les nominations, les promotions, les mutations, les
attributions ; il se limite à la procédure disciplinaire.

On reconnaîtra l’intérimaire par la signature apposée au bas de sa décision, il signera : le


Directeur qui assure le service du SG (le SG. ai, c’est-à-dire ad interim).

- Situation de suppléance

Le Suppléant est différent de l’intérimaire par le fait que il n’y a pas de suppléance sans
texte autant qu’il n’y a pas de compétence sans texte ; c’est autant dire si la compétence est
organisée « esè qualité », la suppléance est également organisée « esè qualité ».

L’intérimaire est un agent dont la fonction n’est pas désignée à l’avance par le texte qui
organise la compétence pour assurer le remplacement du titulaire ; c’est l’autorité hiérarchique ou
de tutelle qui désigne parmi les agents ayant un grade immédiatement inférieur à celui du
titulaire, lequel assumera l’intérim du titulaire absent ou empêché. Par contre, le Suppléant est
une personne désignée esè qualité non pas en fonction de son grade mais plutôt en considération
de la fonction exercée par la personne appelée à remplacer le titulaire ; ainsi, lorsque on désigne
104

l’autorité compétente, le même texte désigne également le Suppléant. Le Suppléant porte le


costume du titulaire, il est investi de la même compétence que le titulaire de la fonction et ainsi il
ne se limite pas à la gestion des affaires courantes, il agit totalement en lieu et place du titulaire
de poste. Exemple : Le Vice-ministre, L’ADGA, le Vice Gouverneur, le Bourgmestre adjoint, le
Maire adjoint sont autant d’autorités administratives appelées à exercer la suppléance des
différents titulaires de postes concernés ; ces autorités sont désignées à l’avance par le texte qui
organise la compétence.

NB. C’est à tord que le législateur congolais a souvent confondu la situation de l’intérim et celle
de la suppléance considérant que le Vice-ministre ou le Vice Gouverneur assume l’intérim du
Ministre ou du Gouverneur ; mais (pessima lex sed lex). L’autorité qui exerce la suppléance
signe sa décision comme suit : le DG f.f. (faisant fonction) ; le Gouverneur f.f.

- Situation du commissionnement

Le commissionnement est beaucoup plus proche de l’intérim que de la suppléance du fait


que l’autorité commissionnée n’est pas désignée à l’avance par le texte qui organise la
compétence mais le commissionnement vise à pourvoir à un poste vacant pour une durée
supérieure à trois mois ; il intervient souvent en cas de décès, de révocation, de détachement et de
mise en disponibilité ; ce sont des cas où le poste reste vacant soit définitivement soit pour une
longue période et l’on se trouve dans la difficulté d’assurer l’activité régulière du service ou de
l’entité en raison du fait que la nomination du remplaçant tarderait à venir et aussi du fait que le
texte n’a pas prévu de suppléance. Le commissionnement vise surtout à protéger l’agent appelé à
remplacer le titulaire ; c’est la raison pour laquelle la situation du commissionnement est
généralement prévue dans le statut du personnel des entreprises publiques et dans le statut de la
fonction publique.

L’autorité commissionnée exerce la totalité de la fonction du titulaire absent et ne se


limite pas à la simple gestion des affaires courantes et de ce point de vue, elle ressemble au
suppléant. Le commissionnement est néanmoins limité dans la période ; les différents statuts
prévoient généralement que le commissionnement ne peut dépasser la durée d’un an avec cette
105

conséquence que lorsque l’autorité commissionnée a exercé la fonction du titulaire au-delà d’une
année, il a le droit de se voir confirmer dans la fonction du titulaire absent et si l’autorité
compétente décide autrement, cette décision sera susceptible de recours pour excès de pouvoir
par l’autorité commissionnée.

Le chef de division commissionnée à la fonction d’un Directeur signera : le Directeur


commissionné cssnê.

NB. Il y a lieu de souligner que l’intérimaire autant que le commissionné touchent une prime
d’intérim ou de commissionnement égale à la différence de rémunération entre le grade du
titulaire et le grade de l’intérimaire ou du commissionné ; par contre, l’autorité faisant fonction a
doit aux mêmes avantages que le titulaire du poste.

- Situation de délégation

Dans cette situation, nous faisons la distinction entre la délégation des pouvoirs et la
délégation des signatures. Le principe selon lequel « la compétence est d’attribution » a pour
conséquence l’interdiction de toute délégation des compétences en dehors d’un texte légal ; c’est
autant dire que l’autorité des compétences ne peut décider de déléguer sa compétence que si
ladite délégation a été expressément prévue par le texte qui organise le compétence. Autant la
compétence ne se présume pas, autant la délégation ne se présume pas.

Délégation des pouvoirs

Lorsqu’elle est prévue par la loi, la délégation des pouvoirs permet à l’autorité compétente
de transférer momentanément une partie de son pouvoir de décision à une autre autorité
préalablement désignée ese qualité ; ainsi, l’autorité compétente n’est pas libre de désigner de sa
propre volonté l’autorité déléguée, elle sera conditionnée par le texte qui autorise la délégation.
Il est de principe en droit administratif que « délégation sur délégation ne vaut » ; ceci
pour dire que l’autorité déléguée ne peut pas à son tour déléguer sa délégation. La délégation des
pouvoirs sort les effets ci-après :
106

 Aussi longtemps que dure la délégation, le délégant ne peut intervenir dans les matières
déléguées ; c’est autant dire que dans l’hypothèse de la délégation des pouvoirs, le
délégant se dessaisi de sa compétence dans les matières ayant fait l’objet de délégation ;
 Les actes posés par le délégataire ont la nature et le rang correspondant au titre ou au
grade du délégataire ;
 En matière de responsabilité administrative, le dommage causé par la décision émanant du
délégataire engage la responsabilité du délégataire ;
 Le délégant exerce sur le délégataire le pouvoir hiérarchique avec en conséquence les
attributs y afférents ;
 La délégation des pouvoirs est de nature précaire de telle sorte que le délégant peut à tout
moment retirer la délégation ;
 Dans les usages administratifs, la signature du délégataire permet de savoir si il s’agit
d’une délégation des pouvoirs ou d’une délégation des signatures ; dans le cadre de la
délégation des pouvoirs, le délégataire signera de la manière ci-après :

1°. Par délégation 2°. Pour le Ministre


Le Secrétaire Général Le Secrétaire Général

Délégation des signatures

Cette délégation permet à l’autorité compétente de prendre certes les décisions dans le
domaine de sa compétence mais de se décharger de la tâche matérielle qui consiste à apposer la
signature au bas de la décision ; dans ce cas, l’autorité compétente délègue le pouvoir des
signatures à une autre autorité administrative avec cette particularité que dans ce cas précis le
délégataire n’est pas désigné esè qualité, il sera désigné en considération des relations de
confiance entre le délégant et le délégataire ; il sera donc désigné « intuitu personae », c’est-à-
dire en considération non pas de la fonction mais de la personne. La délégation des signatures
entraîne les conséquences ci-après :
 Les actes posés par le délégataire ont la nature et le rang correspondant au titre et au grade
du délégant car la décision relève du délégant ;
107

 Le délégant ne se dessaisi pas de sa compétence et à cet effet il peut à tout moment


intervenir dans les tâches matérielles ayant fait l’objet de la délégation ; il peut ainsi
signer en même temps que le délégataire les décisions qui portent sur des matières de la
délégation. Exemple : le texte peut autoriser que les décisions d’attribution des bourses
d’études conformément aux conditions légales peuvent faire l’objet de délégation ; ainsi,
certaines décisions seront signées par le Ministre en faveur de certains étudiants ; d’autres
seront signées par le Secrétaire Général en faveur d’autres étudiants ;
 En matière de la responsabilité administrative, les décisions signées par le délégataire
engagent la responsabilité du délégant ;
 Comme pour la délégation des pouvoirs, la délégation des signatures est de nature
précaire ; elle peut être à tout moment révoquée par le délégant ; celui-ci exerce
également le pouvoir hiérarchique ;
 Dans le cadre de la délégation des signatures, le délégataire signe comme suit :

Le Ministre de L’ESU
Nom du Ministre
PO signature du SG (PO veut dire par ordre)

c. Empiétement des pouvoirs

A la différence de l’usurpation des fonctions qui concerne une personne privée étrangère
aux fonctions publiques, l’empiétement des pouvoirs se réalise entre les autorités publiques, les
autorités qui exercent les pouvoirs publics : législatifs, exécutifs et judiciaire.
Dans la théorie de la séparation des pouvoirs, il existe une répartition constitutionnelle
des compétences entre différentes institutions politiques ; mais il arrive parfois qu’une autorité
relevant d’un pouvoir donné agisse dans les compétences d’une autre autorité relevant d’un autre
pouvoir donné ; on parle alors de l’empiétement des pouvoirs. Par exemple : le Procureur Général
de la République procède à l’expropriation d’un immeuble, le Bourgmestre de la Commune qui
déclare le divorce entre deux époux, le Président de l’Assemblée Nationale qui réglemente les
activités des partis politiques.
108

L’empiétement des pouvoirs connaît cependant les exceptions légales qui découlent du
principe du dédoublement fonctionnel, principe selon lequel une autorité relevant d’un pouvoir
séparé du pouvoir administratif ; ainsi par exemple, le Président du Bureau de l’Assemblée
Nationale dispose de certaines compétences ministérielles en matière de gestion du personnel de
la fonction publique. De même, le Conseil Supérieur de la Magistrature a reçu les attributions
administratives en matière de gestion budgétaire et de gestion du statut de magistrat. Enfin, les
membres du Gouvernement posent à la fois les actes politiques et administratifs en vertu du
même principe.

2°. Compétence territoriale

Cette compétence est dite également compétence « ratione loci », c’est-à-dire en raison
du lieu où se trouve l’autorité compétente matériellement. C’est dire que la compétence
territoriale est étroitement liée à la compétence matérielle.

Les autorités administratives exercent leur compétence en fonction de la répartition


territoriale ; il est alors fait la distinction entre les autorités nationales, provinciales et locales. Les
autorités nationales ont une compétence territoriale qui s’étend sur tout le territoire de l’Etat alors
que les autres sont limitées non seulement à l’entité territoriale mais également à la seule entité
où l’autorité administrative exerce la compétence nationale. Par exemple : le Président de la
République, le Premier Ministre, les Ministres sont les autorités nationales. Les établissements
publics placés sous l’autorité de ces ministères ont également une compétence territoriale
nationale. Les gouverneurs de provinces ont une compétence provinciale mais cette compétence
ne porte pas sur toutes les provinces, elle porte uniquement sur la Province dans laquelle le
Gouverneur exerce sa compétence matérielle ; le Gouverneur du Bas Congo ne décidera pas sur
la Province de Bandundu ; ce raisonnement de limitation des compétences territoriales des
autorités provinciales s’appliquent « mutatis mutandis » à toutes les autorités locales (Maires,
Bourgmestres, Administrateurs de territoire, Chefs de chefferie ou Secteur).
109

3°. Compétence temporaire


Celle-ci s’inscrit à travers le temps, elle est également dite « ratione temporis » ;
l’autorité compétente matériellement et territorialement ne peut agir que dans le temps qui lui
aura été assigné par la loi ; le règlement et même la coutume administrative. Dans certains cas, la
loi qui organise la matière ainsi que la compétence limite expressément la période dans laquelle
la décision administrative doit intervenir de telle sorte qu’agir avant ou après le délai prescrit
conduit à une incompétence temporelle, cas d’ouverture de recours pour excès de pouvoir (REP).
Dans la pratique administrative, on fait la distinction entre avant l’investiture, après l’investiture,
après la de investiture.
- Avant l’investiture, l’autorité administrative, quoi que nommée dans une fonction, n’est
pas encore habilitée à prendre une décision administrative, elle doit attendre son
investiture pour être compétente ratione temporis ; cette investiture peut résulter de la loi
qui organise la compétence (c’est souvent la cas de la prestation de serment) ; elle peut
également découler des usages administratifs : dans un cas, il s’agira de la remise et
reprise entre l’autorité nommée et l’autorité relevée de sa fonction, cette cérémonie
consacrée par le PV marque l’investiture de la nouvelle autorité ; dans un autre cas, il
s’agira de l’installation officielle de l’autorité nommée tant qu’il est vrai que l’autorité
sortante peut être décédée ou empêchée de réaliser la remise et reprise ; l’installation de la
nouvelle autorité par son autorité hiérarchique ou de tutelle consacrera son investiture ;
- Après l’investiture, l’autorité compétente peut également être limitée dans le temps
lorsque sa décision est soumise à la réalisation d’une période de temps donné. Par
exemple : la décision de suspension d’un agent de la fonction publique ne peut dépasser
trois mois, la décision qui porterait sur 4 ou 5 mois serait entachée de l’incompétence
temporelle ;
- Après la de investiture, en principe une autorité administrative est désinvestie soit par un
acte contraire, soit par la caducité ; l’acte contraire est celui organisé par la loi pour
consacrer la fin de la fonction d’un agent donné (acte de révocation, de licenciement, de
démission d’office, de mise à la retraite ou de décès) ; la caducité résulte de la perte des
conditions ou de circonstances requises par la loi pour exercer une fonction ; par
exemple : la fin d’un mandat confié à une autorité pour exercer une fonction
administrative entraîne la caducité de son investiture.
110

NB. Dans la pratique, il est fait état de la situation d’un agent démissionnaire en considérant que
la démission volontaire d’un agent n’entraîne pas automatiquement sa de investiture car en vertu
du principe de continuité et de régularité des services publics, l’agent qui exerce une fonction
publique n’a pas la même liberté que celui qui intervient dans le privé. Pour l’agent public, non
seulement son droit de grève est conditionné mais de plus sa démission ne devient effective
qu’après acceptation par l’autorité compétente ; avant que sa démission soit acceptée, l’autorité
administrative démissionnaire doit continuer à assurer les affaires courantes.

Toute la question est de savoir si l’autorité devant statuer sur la démission peut soit
refuser la démission, soit s’abstenir d’y donner suite. La réponse à cette question tient compte du
fait que le travail fait partie des libertés individuelles consacrées par la Constitution, un tel refus
ou une telle abstention risque d’être considérée comme du travail forcé. Mais nul ne peut se
rendre justice à soi-même, l’autorité démissionnaire ne peut pas abandonner d’elle-même son
poste de travail au risque de voir engagée sa responsabilité civile, elle devra utiliser les moyens
de droit mis à sa disposition pour attaquer soit la décision administrative de refus (par voie de
REP) soit encore la décision tacite de refus du fait que la jurisprudence administrative et la
doctrine considèrent qu’après l’écoulement d’une période de trois mois, le silence de
l’administration est assimilé à une décision tacite de refus.

C. La forme et la procédure de l’acte administratif unilatéral

En principe, le droit administratif n’est pas soumis à un formalisme rigoureux. Et la forme


de décisions administratives est beaucoup plus une question exceptionnelle que générale. En
effet, il n’existe pas un modèle type de décisions administratives à telle enseigne que même les
décisions verbales sont admises dès lors qu’elles peuvent être ouvertes par les actes postes
décisoires tels que la notification ou encore la directive. Le droit administratif organise par voie
d’exception les formes dites substantielles et les formes prescrites sous peine de nullité.
- Les formes substantielles sont celles qui visent à assurer la sécurité juridique des
administrés devant les actes officiels ; ces formes ont été consacrées par la pratique
administrative pour servir des modèles à l’élaboration des actes officiels. Ainsi, les actes
111

officiels sont coulés dans un moule juridique qui comprend nécessairement quatre
parties : l’intitulé, le visa, la décision, la date et signature ;
- Les formes prescrites, sous peine de nullité, sont celles qui sont consacrées dans la loi ou
le règlement qui organise la matière, elles font souvent partie des documents annexes. Par
exemple : la carte d’identité pour citoyen, le permis de conduire, les actes d’état civil ;
tous sont élaborés dans la forme prescrite par le texte légal ou réglementaire. Lorsque
l’autorité administrative ne respecte pas la forme substantielle ou prescrite par la loi, elle
commet ce que l’on appelle le « vice de forme », cas d’ouverture de REP. Le vice de
procédure est beaucoup plus contraignant que le vice de forme dans la mesure où la
procédure devant conduire à l’élaboration d’une décision administrative est souvent
organisée par le texte qui porte sur la matière faisant l’objet de décision ; on distingue à ce
sujet trois questions de procédure : le délai, les formalités et les avis et consultations.

Le délai, il est à la fois une question de compétence temporelle et


une question de procédure ; l’intimé (l’administré lésé par une
décision administrative) peut utiliser la question de délai soit par
les moyens d’incompétence soit les moyens de vice de procédure ;
par exemple : lorsque le statut prévoit que la nomination définitive
d’un agent ne peut intervenir qu’après une période de stage d’une
année, ne pas respecter ce délai constitue un vice de procédure ;
Les formalités, constituent les étapes nécessaires à accomplir
avant la finalisation d’une décision administrative ; par exemple,
l’obtention d’un certificat d’aptitude physique constitue une
formalité requise pour la nomination d’un assistant à l’Université,
le certificat de nationalité, le concours d’admission ;
Les avis et consultations, il est fait ici la distinction entre les avis
et consultation facultatifs, les avis et consultation obligatoires et les
avis et consultation conformes.
 Les avis et consultation facultatifs, lorsque le texte qui organise la matière et les
compétences ne conditionne pas l’intervention d’une décision administrative à une
procédure préalable d’avis ou de consultation auprès d’un organe technique, d’une
112

commission ou d’une assemblée ou encore auprès d’une autre autorité administrative,


l’autorité compétente est libre (facultatif) de prendre sa décision sans devoir requérir un
avis préalable ; par exemple, la décision d’admission d’un étudiant à l’Université se
réalise sans avis préalable d’un organe donné dès lors que les conditions sont réunies ;
 Lorsque le texte qui organise la matière dit expressément que la décision de l’autorité
compétente n’interviendra qu’après avoir reçu au préalable soit l’avis soit la proposition
d’un organe ou d’une autorité donnée, le non respect de cette procédure constitue un vice
de forme susceptible de REP ; par exemple, le Ministre de Finances et celui du plan sont
compétents pour décider de l’octroi des avantages du code des investissements mais leur
décision est soumise à l’avis préalable de la commission des investissements ; lorsque le
Président de la République procède à la nomination des Ministres sans requérir la
proposition du Premier Ministre, il y a également vice de procédure ;
 L’avis ou la consultation peut être conforme lorsque non seulement il est exigé à l’autorité
compétente de requérir un avis ou une proposition avant de prendre sa décision mais en
plus il lui est exigé de se conformer à l’avis ou à la proposition qui lui sera donnée de telle
sorte que le refus de se conformer à un tel avis ou à une telle proposition sera constitutif
de vice de procédure susceptible de REP ; par exemple, pour nommer un professeur
d’Université, le Ministre de l’Enseignement Supérieur doit se conformer aux avis qui
seront donnés par le Conseil de faculté, le Comité de Gestion et le Conseil
d’Administration des Universités.

NB. La jurisprudence administrative a considéré que l’avis conforme risque de dénaturer la règle
de compétence qui veut que la décision administrative soit prise par l’autorité compétente ; exiger
de cette autorité de se conformer à l’avis donné par un autre organe reviendrait à transférer la
compétence dans le chef de l’organe de consultation ; ainsi, la jurisprudence accepte que dans
certains cas l’autorité compétente aille à l’encontre de l’avis qui lui sera donné quoique
conforme, à la seule condition de motiver sa décision, c’est-à-dire de justifier par des éléments
objectifs les raisons de sa démarcation de l’avis conforme.
113

D. Le but de l’acte administratif

L’élaboration d’un acte administratif unilatéral ne peut intervenir que dans un but
d’intérêt général car nous l’avons dit, la raison d’être de l’administration réside dans la réalisation
des besoins de la communauté. Lorsqu’une décision administrative est prise dans un but contraire
à l’intérêt général, on dit que cette décision est entachée de détournement de pouvoir, un autre cas
d’ouverture de REP.
Question : En quoi le détournement de pouvoir serait-il différent de l’excès de pouvoir ? La
réponse réside dans la théorie de A inclus dans B.
Le détournement de pouvoir peut survenir de trois cas différents, à savoir : le mobile
étranger, le mobile financier et le mobile sentimental.

1°. Le mobile étranger


Il y a détournement de pouvoir lorsque l’autorité administrative prend une décision dans
un but totalement étranger de celui d’intérêt général, dans un but visant simplement la satisfaction
d’un besoin privé. Par exemple : 1. Un Bourgmestre qui décide de la fermeture d’une chambre
froide dans sa Commune dans le seul but de favoriser la chambre froide de son épouse installée
dans la même Commune ; 2. Le Gouverneur de la Ville qui interdit le meeting de L’UDPS afin
de favoriser celui du PPRD.

2°. Le mobile financier


Il y a également détournement de pouvoir lorsque une autorité administrative justifie la
décision qu’elle prend par un but d’intérêt général alors qu’en réalité sa décision vise un but
lucratif qui est celui de procurer les ressources financières à son administration ; par exemples : 1.
Le Ministre de transport et communication qui interdit à la société HEWA BORA d’opérer le vol
sur certaines Provinces qui procurent plus de rentabilité que d’autres Provinces en justifiant sa
décision par des raisons de sécurité alors que cette décision ne vise qu’à consacrer une sorte de
monopole au profit de LAC ; 2. Le Recteur de L’UNIKIN qui interdit l’exploitation de toutes les
petites restaurations sur le Campus universitaire pour des raisons de salubrité alors qu’en réalité,
cette décision vise à favoriser la rentabilité du grand restaurant universitaire que viendrait à
ouvrir L’UNIKIN.
114

N.B. Le mobile financier n’est pas toujours aisé à dégager une décision administrative, c’est au
juge de l’excès de pouvoir de scruter la décision querellée pour y déceler le fameux mobile
financier.

3°. Le mobile sentimental

Dans cette hypothèse, l’autorité administrative justifie également sa décision par un but
d’intérêt général mais en réalité le but suivi est celui de nuire à l’administré concerné. Par
exemple : 1. Un ADG qui décide de la suppression d’une direction dans le cadre organique pour
des raisons financières, pour des raisons de réduction de dépenses dans l’intérêt de l’entreprise
alors qu’en réalité cette décision vise à nuire le Directeur responsable de ladite Direction qui se
trouverait plus compétent et plus compétitif que L’ADG ; 2. Le Ministre qui décide de la
mutation de l’agent de Kinshasa à Matadi avec éventuellement une promotion pour remplacer le
Chef de Division Provinciale décédé (motif d’intérêt général) alors qu’en réalité, cette décision
vise à éloigner l’heureux promu de son épouse qui intéresse le Ministre.
Le mobile sentimental est encore plus difficile à dégager mais sur base de certains indices
matériels le juge administratif finit toujours par faire la distinction entre l’intérêt général et
l’intérêt sentimental.

E. L’objet de l’acte administratif unilatéral

L’acte administratif est soumis au principe de la légalité, il intervient dans le cadre de


l’exécution ou de l’application ou de l’application de la loi, sauf lorsqu’il s’agit d’un règlement
autonome. L’objet de l’acte sera ainsi déterminé par la loi dont il tire la source ; par conséquent,
le contenu de l’acte administratif doit correspondre au contenu de la loi ; ce contenu constitue
l’objet de l’acte administratif. La loi place généralement l’autorité administrative soit dans une
situation de compétence discrétionnaire soit dans une situation de compétence liée.
115

1°. La compétence discrétionnaire

On dira qu’une autorité administrative dispose d’une compétence discrétionnaire lorsque


la loi qui sert de fondement à sa décision lui laisse la liberté d’apprécier les conditions et les
modalités devant entourées sa décision. La compétence discrétionnaire n’autorise pas l’autorité à
agir au mépris de la loi. Celle-ci doit se conformer aux règles de compétence, aux règles de forme
et de procédure ainsi qu’à la finalité d’intérêt général ; une fois que ces différents éléments sont
réunis, l’autorité compétente apprécie librement de quelle manière elle est appelée à prendre sa
décision. Par exemple, la décision d’autorisation d’une manifestation publique intervient dans le
cadre de la compétence discrétionnaire de l’autorité compétente.

2°. Compétence liée


Il y a compétence liée lorsque la loi qui organise la matière détermine expressément les
conditions de droit et de fait devant être réunies pour qu’une autorité administrative prenne une
décision en la matière ; en général, l’autorité administrative se trouve dans une situation de
compétence liée et lorsqu’elle ne respecte pas les conditions qui se trouvent dans la loi qui lui sert
de fondement, on dit alors que l’autorité a commis une violation de la loi. Dans la classification
des différentes voies ou moyens de REP, la violation de la loi constitue le 4ème moyen ou voie
de recours à côté de l’incompétence, le vice de forme ou de procédure et le détournement de
pouvoir.
Le terme « violation de la loi » est quelque peu ambigu car le non respect des règles de
compétence, de forme ou de procédure constitue également une violation de la loi mais la
doctrine et la jurisprudence ont préféré distingué la violation des autres règles de droit, de la
violation proprement dite considérant que la loi violation de la loi porte sur des motifs de droit ou
de fait qui justifient l’intervention d’une décision administrative.
Il y a dans le contenu de la loi, une motivation différente du but d’intérêt général, une
motivation en vertu de laquelle la décision administrative peut intervenir ; le non respect de cette
motivation altère le contenu de la décision administrative ; l’objet de la décision est contraire au
contenu de la loi ; il y a donc violation de la loi, cas d’ouverture de REP. Deux hypothèses
peuvent conduire à la violation de la loi : la violation des motifs de droit ou erreurs de droit et
la violation des motifs de fait ou erreurs de fait.
116

a. Erreur de droit

Il y a erreur de droit lorsque l’autorité administrative ne respecte pas la motivation


juridique qui découle de la loi qui sert de fondement à la décision administrative. L’erreur de
droit peut intervenir dans trois cas ci-après :
- Le cas d’ignorance ou d’inexistence d’une source légale ; dans ce cas, la décision de
l’autorité administrative est fondée sur une base légale qui n’existe pas ou encore qui a
déjà fait l’objet de modification ou d’abrogation. Par exemple : Le Ministre des affaires
foncières décide par voie d’arrêté de déclarer un bien abandonné sur base de
l’Ordonnance de 1974 qui, dans l’entre temps, a été abrogée ; la motivation juridique
n’existe donc pas, il y a erreur de droit, un des cas de violation de la loi susceptible de
REP ;
- Cas d’abstention ou refus d’application de la loi ; dans ce cas, la base légale existe
pour permettre à l’autorité administrative de prendre sa décision mais cette autorité décide
de s’abstenir d’appliquer la loi tout en relevant la base légale dans sa motivation juridique.
Par exemples : 1. Le Ministre de la fonction publique qui, en se référant au statut de la
fonction publique, décide de nommer un agent sans que celui-ci réalise la période de stage
qui précède la nomination ; 2. Le Ministre de la justice décide par voie d’arrêté de
réquisitionner les immeubles des anciens dignitaires de la 2ème République en se référant
à la loi qui organise la réquisition pour des raisons d’intérêt général alors que cette
motivation juridique ne trouve pas son terrain d’application dans le cas d’espèce.
(Pour réquisitionner, l’ordre public doit être menacé ou pour des raisons économiques).
- Cas de la mauvaise interprétation du contenu de la loi ; dans ce cas, l’autorité
administrative applique réellement la loi qui lui sert de fondement mais elle interprète
cette loi dans un sens différent de celui prescrit dans le contenu de la loi. Par exemple : 1.
la loi organisant l’Enseignement Supérieur et Universitaire conditionne la nomination
d’un professeur associé à la détention d’un doctorat à thèse ; voilà que le Ministre de
L’ESU nomme au grade de professeur associé un docteur ayant réalisé le 3ème cycle en
France considérant que ce doctorat équivaut à celui de thèse ; il y a là erreur de droit
susceptible de REP ; 2. Le statut de la fonction publique prévoit que la condamnation
définitive à plus de trois mois de détention entraîne la révocation d’office de l’agent ;
117

voilà qu’un agent après avoir passé six mois de détention préventive, il est condamné à
deux années de servitude pénale mais il fait l’objet de révocation considérant que il a
passé plus de trois mois en prison ; le Ministre commet là une erreur de droit, sa décision
viole la loi et elle est susceptible de REP.

b. Erreur de fait

Elle porte sur la motivation de fait, c’est-à-dire les faits matériels ou les circonstances qui
doivent justifier l’intervention d’une décision administrative ; il s’agit là des conditions sans
lesquelles la décision administrative ne peut intervenir. Deux cas peuvent donner lieu à l’erreur
de fait :
- Le cas d’inexistence ou d’inexactitude de fait ; dans ce cas, la décision administrative
respecte la loi tant dans la motivation juridique que celle de fait mais les faits invoqués
par l’autorité n’ont jamais existé ou encore ils n’ont pas existé tel que relever par
l’autorité compétence. Par exemples : 1. le statut prévoit le licenciement d’un agent pour
inaptitude physique et le Ministre de la fonction publique considère que un agent donné
tombe dans le cas d’inaptitude physique du fait qu’il est resté pendant une année sur son
lit d’hôpital ; cette maladie prolongée est un fait réel mais il est inexacte de considérer
qu’il s’agit là d’un cas d’inaptitude physique ; 2. Le statut prévoit qu’un agent qui fait
l’objet de désertion peut être demi d’office (démission d’office) de ses fonctions et voilà
que le nouveau Ministre de la fonction publique, sur base d’un recensement physique,
procède à la démission d’office d’un agent qui a été envoyé aux études depuis 3 ans et qui
ne s’est pas présenté au recensement physique ; dans ce cas, la désertion est un fait qui n’a
jamais existé, il y a erreur de fait, cas de violation de la loi, susceptible de REP ;
- Le cas de la mauvaise qualification de fait ; ici, l’autorité administrative fait
correspondre un fait donné à la motivation de fait prévu par la loi ; elle applique certes la
loi mais elle se base sur un fait qui ne correspond pas à celui énoncé dans la loi ; en
d’autres termes, l’autorité administrative fait la confusion entre les faits incriminés et le
fait tel qu’il est prescrit par la loi. Par exemple, le Ministre du commerce extérieur décide
de la destruction du rie dit avarié alors que le certificat d’analyse de L’OCC a considéré
que le degré d’avarie n’était pas de nature à entraîner la destruction.
118

SECTION III. EXECUTION DE L’ACTE ADMINISTRATIF UNILATERAL

Paragraphe 1. Entrée en vigueur de l’acte administratif

Un acte administratif est valable à partir de son émission mais la question est de savoir à
partir de quand cet acte entre en vigueur pour s’imposer aux administrés. L’article 142 de la
Constitution prévoit que la loi entre en vigueur 30 jours après sa publication au Journal Officiel
(JO) à moins que elle n’en dispose autrement ; c’est autant dire que avant les 30 jours de sa
publication, la loi n’est pas opposable aux administrés mais lorsque la loi déroge à ce délai elle
est alors opposable aux administrés. Le principe de publication est autant valable pour tous les
actes réglementaires qui émanent des autorités administratives mais les modalités de publications
dépendent de la situation territoriale de l’autorité administrative : les actes des autorités centrales
sont publiés au JO, les actes des autorités provinciales et urbaines sont publiés dans le bulletin
administratif, les actes des autorités locales sont publiés dans les dépêches administratives et la
loi autorise que dans le milieu des traditions orales, dans les entités coutumières les décisions
soient portées à la connaissance des administrés par la criée. Dans les services publics et
établissements publics, il est admis sue les décisions concernant les usagers fassent l’objet
d’affichage. Concernant les décisions individuelles, l’administration procède par la notification,
c’est-à-dire que la décision individuelle est portée à la connaissance de l’administré ou des
administrés par lettre missive normalement expédiée à la poste par voie recommandée.
Néanmoins, devant la défaillance du service public de la poste, la pratique administrative admet
la transmission de la lettre de notification par voie d’accusé de réception.

N.B. La procédure de publication ou de notification est d’une importante capitale dans


l’exécution d’un acte administratif car, en effet, le principe nul n’est censé ignorer la loi, nul n’est
censé ignorer la décision de l’administration ; ce principe n’est valable que si la décision a fait
l’objet de publication ou de notification selon que elle sera réglementaire ou individuelle.
L’importance est également de taille en matière de REP car, nous le verrons, le délai de REP
commence à courir à la date de publication ou de notification selon le cas.
119

Paragraphe 2. Les effets de l’acte exécutoire

Une fois que la décision administrative a été régulièrement publiée ou notifiée, elle
devient opposable aux administrés et elle répond aux principes généraux du droit : le principe de
la non rétroactivité et le principe du préalable ou de l’exécution d’office.

A. Principe du non rétroactivité

Selon ce principe, une décision administrative ne peut pas sortir ses effets pour des
situations passées, elle ne peut pas rétroagir ; ses effets portent sur des situations présentes et à
venir ; il y va là du souci de préserver la sécurité juridique des biens et des personnes. Cependant,
à ce principe, le droit administratif connaît des exceptions qui permettent la rétroactivité des
décisions administratives ; parmi ces exceptions nous citons :
- Lorsque la loi qui organise la matière prévoit expressément que les décisions
administratives qui interviendront dans le cadre de l’exécution ou de l’application de
ladite loi pourront rétroagir à la date de la promulgation de la loi. En effet, le principe de
la non rétroactivité n’est qu’un principe général de droit et, dans la hiérarchie des sources
formelles de droit, la loi est au dessus des principes généraux de droit et, par conséquent,
elle peut y déroger. Par exemple, la loi qui modifie l’âge de la majorité peut autoriser la
rétroactivité de décisions administratives à la date de sa promulgation ;
- Lorsque la décision administrative tend à régulariser une situation juridique ayant
réellement existée par le passé ; dans ce cas d’espèce, la décision administrative rétroagit
pour concrétiser ladite situation. Par exemples : 1. La nomination d’un docteur
d’Université au grade de professeur associé peut rétroagir à la date où ledit docteur a été
affecté à un poste d’enseignement ; 2. La décision de démission d’office d’un agent de la
fonction publique interviendra avec effet rétroactif à la date où il sera réellement constatée
la désertion de l’agent mis en cause.
(Question : Quelle est la différence entre la révocation, le licenciement et la démission d’office ? R/ La révocation
est une mesure disciplinaire, la démission d’office intervient dans le cadre de la désertion ou du détachement et le
licenciement dans le cadre d’inaptitude physique).
120

- Lorsque la décision administrative a pour effet de sanctionner une autre décision


administrative jugée illégale, entachée d’excès de pouvoir, par l’auteur même de la
décision illégale ; c’est ici qu’intervient la théorie de retrait des actes administratifs.
En effet, une décision entachée de l’excès de pouvoir est considérée comme un
« monstre qui ne devrait pas survivre » ; et lorsque l’auteur d’une telle décision voudrait
réparer son acte illégal, il procède par voie de retrait avec pour cette conséquence que le
retrait est une décision administrative qui retire de la circulation une autre décision
administrative avec effet rétroactif ; on dit alors que « le monstre » doit être détruit « ab
ovo », c’est-à-dire à partir de l’œuf, à partir de son origine ; le retrait est donc une
décision qui rétroagit ;
- Dans la théorie des actes-conséquences, il est admis que lorsque une décision
administrative a fait l’objet d’annulation et qu’avant son annulation elle avait permis
l’intervention d’autres décisions administratives, il devient normal que l’annulation de
« la décision mère » entraîne l’annulation des décisions découlant de la décision mère ;
cette deuxième annulation est une décision ou un acte-conséquence de la première
annulation. Exemple, à la d’une révocation d’un agent, il est procédé à la nomination ou à
la promotion d’un autre agent en remplacement de l’agent révoqué mais à la suite du REP
de ce dernier, la décision de révocation vient à être annulée par l’autorité hiérarchique ou
par le juge administratif ; il est logique que la décision de nomination ou de promotion de
l’autre agent fasse également l’objet d’annulation avec effet rétroactif à la date de la
première annulation.
Question : Quelles sont les exceptions ou les contrepoids au principe de la non rétroactivité
des actes administratifs ?

B. Principe du préalable ou d’exécution d’office

Selon ce principe, les décisions de l’administration devenues opposables aux administrés


sont exécutoires immédiatement, c’est-à-dire que l’administration aussi bien les administrés sont
dans l’obligation d’exécuter lesdites décisions sans aucune contestation ni résistance. On dit alors
que les décisions administratives jouissent du privilège du préalable, privilège qui découle du
titre exécutoire dont sont revêtues les décisions administratives. Pour comprendre ce titre
121

exécutoire, il faut se reporter à la procédure judiciaire qui, dans l’application du principe selon
lequel « nul ne peut se rendre justice à soi-même » ; la personne lésée dans son droit a
l’obligation de s’adresser préalablement au juge compétent pour obtenir de ce dernier une
décision juridictionnelle définitive, c’est-à-dire coulée en force des choses jugées et revêtue du
titre exécutoire en vertu duquel le justiciable sera rétabli dans ses droits.

Le principe du préalable confère à l’administration le pouvoir de prendre des décisions


exécutoires, des décisions revêtues du titre exécutoire au même titre que les décisions
juridictionnelles sans devoir préalablement passer par le juge administratif. C’est ainsi que le
privilège du préalable va de pair avec le privilège d’exécution d’office car les administrés se
trouvent dans l’obligation d’exécuter immédiatement la décision administrative sous peine de
sanction ou encore de se voir appliquer l’exécution forcée. Le principe du préalable n’est pas en
contradiction avec la garantie reconnue à l’administré d’attaquer une décision administrative
réputée illégale par voie de recours administratif et ensuite de recours juridictionnel pour excès
de pouvoir ; c’est autant dire que si d’une part l’administré doit toujours exécuter la décision
administrative, d’autre part l’administration n’est pas à l’abri de la sanction ; la décision
exécutoire peut toujours faire l’objet de retrait ou d’annulation avec pour conséquence l’arrêt de
toute exécution.

N.B. Nous verrons dans le contentieux administratif que l’absence de sursis à exécution peut être
justiciable à l’administré lésé dans la mesure où l’annulation de la décision querellée peut
intervenir avec grand retard lorsque celle-ci aura déjà créé un préjudice considérable au détriment
de l’administré ; c’est pourquoi, la réforme à venir introduit dans notre législation la procédure de
sursis à exécution qui n’existe pas jusqu’alors.
Il est important pour tout juriste avisé de comprendre la portée de l’article 28 de la
Constitution de 2006 qui dispose : « Nul n’est tenu d’exécuter un ordre manifestement illégal ».
Le juriste fera ici la distinction entre une décision administrative qui est un acte juridique et un
ordre qui est un acte matériel et partant il serait malaisé de considérer que l’administré serait en
droit de refuser d’exécuter une décision manifestement illégale. La raison d’être de l’article 28 de
la Constitution de 2006 réside dans la protection des citoyens devant les abus des autorités
publiques et cette disposition concerne surtout les agents publics, les agents de l’ordre qui, dans
122

la plupart de cas, se réfugient derrière l’obligation d’exécuter l’ordre venant de la hiérarchie sous
peine de subir des sanctions ; désormais ces agents sont en droit de refuser d’exécuter l’ordre
manifestement illégal et c’est à dessein que le Constituant a voulu consacrer cette innovation par
une disposition constitutionnelle de manière à garder la supériorité de la Constitution sur toute loi
qui imposerait l’obéissance aveugle.

En droit constitutionnel, nous avons appris que les groupes de pressions ont également
pour mission d’organiser des manifestations pacifiques, des critiques objectives pour exprimer
leur mécontentement devant une décision administrative illégale ; c’est une des prérogatives
reconnue aux citoyens dans l’exercice de liberté publique lorsqu’on met en rapport les
Gouvernants et les gouvernés. Ces derniers ont la liberté de s’exprimer librement et d’exercer la
pression devant l’autorité administrative.

Paragraphe 3. Les sanctions pour inexécution

Lorsque l’administré refuse d’exécuter une décision administrative, il s’expose à des


sanctions ; celles-ci sont de plusieurs ordres : sanction pénale, sanction administrative, sanction
judiciaire et enfin exécution forcée.

A. Sanction pénale

Certaines décisions administratives sont frappées de sanction pénale mais la sanction


pénale ne découle pas de la décision administrative. En effet, en vertu du principe « nullum
crimen nulla poena sine lege », il ne peut y avoir d’infractions, il ne peut y avoir des peines si
celles-ci n’ont pas été expressément prévues par la loi ; par conséquent, une décision
administrative ne peut en aucun cas ériger un fait donné en infraction et déterminer sa peine. Ce
principe général de droit est consacré par l’article 122, 6 de la Constitution qui fixe la
détermination des infractions et des peines dans la compétence du pouvoir législatif ; c’est la loi
qui érige un fait en infraction et qui détermine la peine correspondante. Cela étant, la sanction
pénale devant intervenir en cas d’inexécution d’une décision administrative se trouve prévue à
l’avance dans la loi qui organise la matière administrative ; c’est cette loi qui disposera que la non
123

exécution des décisions administratives qui interviendront dans le sillage de la loi sera constitutif
d’infraction sanctionnée de peine soit d’amende soit de servitude pénale. Dans ce contexte précis,
il y a lieu de relever que l’autorité administrative ne peut en aucun cas prendre la place du juge
pénal quand bien même ses décisions seraient frappées de sanction pénale ; il revient à l’autorité
administrative de saisir le juge pénal par une plainte en bonne et due forme ; le principe « nul ne
peut se rendre justice à soi-même » s’applique également à l’administration, à l’autorité
administrative. Néanmoins, en vertu du principe du dédoublement fonctionnel, certaines
autorités administratives sont revêtues de la qualité d’officier de police Judiciaire (OPJ) ; cette
qualité découle de la loi ; c’est ainsi que toutes les autorités administratives ne sont pas
nécessairement OPJ. Parmi les autorités territoriales, la loi confère cette qualité au Bourgmestre,
à l’Administrateur du territoire, au Chef de chefferie ou secteur. L’autorité administrative revêtue
de la qualité d’OPJ dispose alors du pouvoir d’instruction lorsqu’une décision administrative a
fait l’objet d’inexécution et que la loi a prévu des sanctions pénales. Mais comme tout OPJ,
l’autorité administrative relève également de l’Officier du Ministère Public (OMP) ; son rôle se
limite à transmettre le dossier pour poursuite à l’OMP de son ressort.

B. Les sanctions administratives

Elles son celles qui relèvent de la compétence de l’administration ; elles découlent soit de
la loi soit de textes réglementaires dans une matière administrative donnée. En droit administratif,
le principe « nullum crimen nulla poena » ne s’applique pas de la même manière s’en droit
pénal pour la simple raison que la faute administrative est généralement laissée à l’appréciation
de l’administration ; il n’existe pas une nomenclature des fautes administratives comme il en est
le cas pour les infractions.
Si les infractions sont déterminées à l’avance par un texte de loi, les fautes administratives
sont puisées dans le comportement fautif de l’administré face à une décision administrative ; le
principe « nullum crimen sine lege » n’est donc pas obligatoire en droit administratif. Par contre,
le principe de « nulla poena sine lege » est d’application rigoureuse car il n’y aurait pas de
sanctions administratives si celles-ci n’étaient pas prévues à l’avance dans un texte légal ou
réglementaire ; il y va là de la protection des administrés devant l’arbitraire de l’administration ;
il est interdit à l’autorité administrative d’inventer « une sanction administrative ».
124

Les sanctions administratives sont différentes des sanctions pénales tant du point de vue
de leur nature que du point de vue des règles de procédure : les sanctions administratives sont des
véritables décisions administratives susceptibles de REP alors que les sanctions pénales sont des
décisions juridictionnelles susceptibles de recours en appel, en opposition et en cassation. De
plus, la décision juridictionnelle qui aboutit à une sanction pénale est soumise à une procédure
judiciaire complexe autant qu’elle est revêtue de l’autorité de la chose jugée alors que la sanction
administrative répond à une simple procédure d’élaboration de la décision administrative et la
décision est revêtue de l’autorité de la chose décidée.

C. Les sanctions judiciaires

Au-delà des sanctions pénales, l’administration comme tout particulier peut recourir au
juge de droit commun pour demander des sanctions civiles, contractuelles, commerciales selon la
nature des relations que l’administration entretient avec les administrés ; le juge prononce à cet
effet des sanctions judiciaires soit en dommage intérêt (DI) soit en mise sous séquestre soit en
démolition soit en mise en quarantaine, etc.

D. L’exécution forcée

Il s’agit ici d’un autre privilège de l’administration lequel, pour une fois, à titre
exceptionnel, l’administration peut se rendre justice à elle-même en procédant, sans l’intervention
du juge, à l’exécution forcée d’une décision administrative devant la résistance des administrés ;
il s’agit là d’un moyen empirique qui ne tire son fondement d’aucun texte juridique mais qui est
justifié par la nécessité de sauvegarder l’intérêt général dans l’exécution d’une décision
administrative ; autrement dit, la non exécution d’une décision administrative entraîne la faillite
de l’administration, elle détruit l’autorité de l’Etat et elle consacre le règne de la désobéissance,
de l’anarchie.
L’administration dispose de l’imperium, de privilèges des puissances publiques lui
permettant d’assurer le respect de l’Etat, de l’Etat de droit ; mais ces privilèges d’exécution
forcée sont si graves qu’ils ne peuvent intervenir qu’à titre exceptionnel et moyennant certains
125

garde-fous. Il existe donc des conditions requises pour faire usage du privilège d’exécution forcée
(mobile de droit, mobile de fait) ; parmi ces conditions, nous citons :
- L’exécution forcée n’est possible que devant une résistance manifeste des administrés ;
ceux-ci doivent refuser d’exécuter une décision administrative après invitation et
sommation de l’autorité administrative ;
- Pour décider de l’exécution forcée, l’autorité administrative doit se trouver devant
l’absence de tout autre moyen juridique lui permettant de sanctionner la non exécution de
la décision administrative ;
N.B. Certaines voies d’exécution forcée sont prévues à l’avance dans la loi pénale, dans la
sanction pénale organisée par la loi qui sert de fondement à une matière administrative ; dans ce
cas, l’exécution forcée devient un moyen juridique.

- L’exécution forcée doit être justifiée par la protection de l’ordre public ; l’ordre public
doit être menacé et, dans ce cas, le principe « salus populi suprema lex » trouve
également son application ; en dehors de la menace de l’ordre public, des circonstances
d’urgence peuvent justifier l’exécution forcée pour des raisons d’intérêt général ; cela
revient à dire que le seul motif d’intérêt général ne peut justifier l’exécution forcée ; il
faut en plus que cet intérêt général soit entouré des circonstances d’urgence.

N.B. Il est évident que ces différentes conditions doivent être réunies pour que l’exécution forcée
trouve son application.
126

SECTION IV. DISPARITION DE L’ACTE ADMINISTRATIF


UNILATERAL

Question : Quels sont les principes généraux de droit qui président à la disparition de l’acte administratif
unilatéral ?
La disparition des actes administratifs est une matière complexe car, comme dans la vie
d’un homme, la mort d’un acte administratif pose des problèmes judiciaires ; il est fait la
distinction entre l’abrogation, le retrait et l’annulation.

Paragraphe 1. Notions générales

En droit administratif, un acte unilatéral peut cesser d’exister soit par un phénomène
juridique soit par un acte juridique. Mais un phénomène social ne peut pas mettre fin à l’existence
d’un acte administratif ; cette considération nous amène sous ce paragraphe à faire la distinction
entre la désuétude, la caducité, l’abrogation, le retrait et l’annulation.

A. Désuétude et caducité

La désuétude consiste dans la non application d’une décision administrative durant une
période si longue que la décision finit par tomber dans l’oubli. Par exemple, un arrêté du Ministre
de l’environnement organisant la chasse sur le plateau de BATEKE qui ne trouve plus
d’application du fait que la faune a été remplacée par des espaces de cultures d’élevage et de
pisciculture ; l’arrêté du Ministre ne trouve plus de terrain d’application mais si, par la suite ces
espaces venaient à être abandonnés, la faune reviendrait et l’arrêté qui était en veilleuse se
réveillera. Le professeur VUNDUAWE dit que la désuétude ne fait pas disparaître l’acte
administratif, celui-ci ne fait que dormir dans un profond sommeil, il peut toujours se réveiller à
tout moment.
La caducité consiste en la disparition d’un acte administratif à la suite d’avènement de
phénomènes juridiques ne permettant plus l’application d’un acte administratif ; en d’autres
termes, les circonstances juridiques qui avaient justifiées l’intervention d’une décision
administrative n’existent plus et, par conséquent, la décision administrative devient caduque, elle
127

tombe en caducité. Par exemples : 1. Les membres du Conseil d’Administration qui ont bénéficié
d’une décision administrative de nomination verront cette décision tombée en caducité dès lors
que le Conseil d’Administration sera dissout ou supprimé, ils attendront une autre décision
administrative les relevant de leur fonction ; 2. La suppression de l’ordre national du Léopard a
entraîné la caducité de toutes les décisions ayant porté certains dignitaires au mérite de cet ordre.

B. L’abrogation

L’abrogation est une décision administrative qui a pour effet de faire disparaître une autre
décision administrative existante. L’abrogation est caractérisée par le fait qu’elle émane de la
même autorité qui aura pris la décision à abroger, on dit alors qu’elle émane de l’auteur de la
décision à abroger.
N.B. L’auteur est ici considéré « esè qualité », ce n’est pas Mr KALUME, Ministre de l’intérieur,
c’est tout Ministre de l’intérieur qui peut abroger la décision prise par un autre Ministre de
l’intérieur.
L’abrogation est également caractérisée par ses effets : la décision d’abrogation sort ses
effets pour le présent et l’avenir, c’est-à-dire à la différence du retrait, l’abrogation est une
décision qui ne peut pas rétroagir.

C. Le retrait

A la différence de l’abrogation, le retrait est une décision administrative qui a pour effet
de faire disparaître une autre décision administrative rétroactivement, c’est-à-dire avec des
conséquences dans le passé, le présent et l’avenir. Le retrait se rapproche de l’abrogation
lorsque l’on considère l’autorité de qui émane la décision d’abrogation aussi bien que celle de
retrait. En effet, la décision de retrait émane de la même autorité, du même auteur qui a été à la
base de la décision faisant l’objet de retrait ; en d’autres termes, l’autorité d’abrogation autant que
celle de retrait se trouve être la même autorité, considérée ici « esè qualité » que celle qui aura
pris la décision faisant l’objet d’abrogation ou de retrait. La seule différence réside dans le fait
que la décision d’abrogation ne peut pas rétroagir, elle sort ses effets uniquement pour le présent
et l’avenir.
128

D. L’annulation

L’annulation est une décision qui intervient dans le cadre de la sanction de l’illégalité ;
elle vise à faire disparaître un acte administratif entaché d’excès de pouvoir. Etant une sanction
de l’illégalité, la décision d’annulation fait disparaître les effets de la décision ou de l’acte annulé
« ab ovo », c’est-à-dire à partir de son émission ; c’est en cela que l’annulation sort les mêmes
effets que le retrait, elle supprime l’acte pour le passé, le présent et l’avenir. Cependant, si par le
retrait l’autorité administrative exerce son propre contrôle de la légalité, l’annulation découle de
l’exercice du contrôle de la légalité par l’autorité hiérarchique ou de tutelle ; c’est ici le lieu de
faire la distinction entre l’annulation et le retrait du point de vue organique, c’est-à-dire de
l’autorité administrative intervenant dans la décision d’annulation ; celle-ci est une autorité
supérieure à celle qui aura pris la décision faisant l’objet d’annulation. Mais l’annulation n’est
pas seulement l’œuvre de l’autorité administrative ; elle est également l’œuvre du juge de l’excès
de pouvoir. Et nous verrons dans le chapitre du contentieux administratif que le recours
administratif est préalable au recours juridictionnel ; c’est dire que l’intimé introduira d’abord son
recours en annulation auprès de l’autorité hiérarchique ou de tutelle selon le cas (centralisation &
décentralisation) et seulement si elle n’est pas satisfaite sur le recours administratif elle saisira
alors le juge de l’annulation.

Paragraphe 2. L’abrogation

La procédure d’abrogation est guidée par des principes généraux du droit qui trouvent leur
application selon qu’il s’agit des actes réguliers et des actes irréguliers.

A. Actes réguliers
Lorsque nous faisons état d’un acte régulier, nous considérons que l’acte administratif a
été élaboré régulièrement, qu’il répond à toutes les règles de compétence, de forme, de procédure,
aux conditions de droit et de fait et au but d’intérêt général ; il ne peut donc pas faire l’objet d’un
recours pour excès de pouvoir et encore moins de sanctions pour illégalité. Pourtant, cet acte
régulier peut faire l’objet d’abrogation en se fondant sur des principes généraux du droit ; à cet
effet, il est fait la distinction entre les actes réglementaires et les actes individuels.
129

1°. Actes réglementaires

L’abrogation d’un acte réglementaire est une procédure autorisée en vertu de la loi du
changement, la loi qui veut que l’action de l’administration s’adapte aux changements qui
interviennent dans la réalisation des objectifs d’intérêt général. On parle aussi à ce sujet du
principe d’adaptation de l’administration, principe qui oblige l’administration à modifier ses
décisions réglementaires et pourquoi pas à les abroger dès lors que les impératifs d’intérêt général
justifieraient cette modification ou cette abrogation. Par exemple, un règlement qui organise les
cérémonies de culte religieux peut connaître des modifications lorsque la tranquillité publique qui
est un objectif d’intérêt général exige de limiter les heures et les endroits desdites cérémonies.

(Par rapport au droit constitutionnel qui est statique, le droit administratif est dynamique ; ses règles sont difficiles à
codifier ; ses décisions sont abrogées, modifiées au fil du temps ; l’administration change au fil du temps pour
répondre aux aspirations de la population, c’est la loi du changement).

2°. Actes individuels

Nous avons dit que les actes individuels ont pour effet de créer ou de modifier ou de faire
disparaître des droits et des obligations dans le chef d’un individu ou d’un groupe d’individus
nommément désignés ; les actes individuels peuvent donc être soit créateurs de droit ou soit non
créateurs de droit.

a. Actes créateurs de droit

Les actes créateurs de droit confèrent les droits acquis au profit d’un individu ou d’un
groupe d’individus ; lorsque ils sont réguliers, qu’ils ne sont pas sujet à l’excès de pouvoir, il
devient difficile de les abroger en vertu du principe de l’intangibilité des effets individuels des
actes administratifs que l’on appelle en droit commun le principe des droits acquis. En vertu de
ce principe, lorsqu’une personne a régulièrement bénéficié d’une décision administrative,
l’administration ne peut pas lui retirer cette faveur au risque de prendre une décision illégale
susceptible de REP. Par exemple, un arrêté de nomination d’un professeur associé, arrêté de
promotion au grade de professeur ordinaire, Ordonnance de nomination d’un magistrat, décision
130

d’octroi d’une bourse d’études, décisions d’admission en 3ème année de graduat, etc. cependant,
à ce principe des effets individuels, il existe une exception qui réside dans la théorie de l’acte
contraire, théorie selon laquelle un acte individuel créateur de droit peut disparaître lorsque la loi
qui a permis de conférer les droits a permis également par le mécanisme de l’acte contraire
d’anéantir les effets individuels de l’acte administratif. L’acte contraire est donc un acte qui
trouve sa justification dans un texte juridique et qui place l’autorité administrative dans une
situation de compétence liée. De ce fait, l’absence pour l’administration de prendre un acte
contraire pour supprimer les effets d’une décision individuelle créatrice des droits sera considérée
comme un cas d’excès de pouvoir, un cas de violation de la loi susceptible de REP. La théorie de
l’acte contraire constitue le contrepoids au principe de l’intangibilité des actes individuels ; dans
son application, cette théorie est parfois buttée à la difficulté de savoir d’une part comment ou
dans quelle forme intervient la décision contraire et, d’autre part, quelle est l’autorité compétente
pour prendre un acte contraire.

Il est de principe que la compétence est d’attribution, il est également exigé de l’autorité
administrative de respecter les formes substantielles ou prescrites par la loi ; mais il peut arriver
que la loi qui a permis l’acte contraire n’ait pas organisée les règles de compétence ou de forme
devant présider en cette matière. La solution en cas de lacune de la loi réside dans l’application
des principes généraux du droit ci-après :

Le principe ou la théorie du parallélisme de compétence en vertu duquel l’autorité


administrative qui décide de prendre un acte contraire pour lequel la compétence n’a pas
été expressément prévue devra se référer à la règle de compétence qui aura été prévue
pour l’élaboration de la décision devant faire l’objet d’abrogation ;
Le principe ou la théorie du parallélisme de forme, est celui en vertu duquel l’autorité
administrative est appelée à respecter la forme qui aura été requise pour l’élaboration de
l’acte administratif à abroger dès lors que la loi n’a pas déterminé la forme concernant
l’acte contraire.
N.B. L’application de la théorie de l’acte contraire est très rigoureuse dans la mesure où l’autorité
administrative qui décide d’abroger une décision individuelle créatrice de droit doit
impérativement respecter les conditions requises pour une telle abrogation. Par exemple, la
131

nomination d’un recteur pour un mandat de 4 ans est une décision individuelle créatrice de
droits ; en vertu du principe de l’intangibilité, le recteur resterait en fonction in définitivement
mais la loi qui organise le statut du recteur organise en même temps les conditions dans
lesquelles les effets de cette nomination peuvent disparaître, les conditions d’intervention d’un
acte contraire à la nomination ; parmi ces conditions, il y a d’une part l’expiration du mandat
encore que le principe de continuité et de régularité des services publics lui impose de continuer
son mandat jusqu’à la désignation de son successeur ; une autre condition est celle qui découle de
la procédure disciplinaire lorsque celle-ci doit aboutir à la révocation, la révocation étant ici un
acte contraire. Supposons que dans le cas d’espèce qu’il ne soit pas prévu des règles de
compétence ou de formes pour la révocation du recteur, il faudra recourir alors au principe de
parallélisme de forme ou de compétence.

b. Les actes non créateurs de droit

Lorsque un acte individuel n’a pas conféré de droits ou des avantages au profit d’un
individu ou d’un groupe d’individus, le principe de l’intangibilité des effets individuels ne trouve
pas son application et par conséquent, l’autorité administrative peut procéder à l’abrogation d’un
tel acte en se fondant sur le principe d’adaptation au besoin d’intérêt général ; le danger dans la
pratique est tel que l’autorité administrative commet souvent le détournement de pouvoir en
prenant une décision d’abrogation sur un acte individuel non créateur de droit pour des raisons
éloignées de l’intérêt général.

Les actes non créateurs de droit sont également appelés actes négatifs par opposition aux
actes positifs qui créent le droit. Mais l’administration doit respecter le principe de la légalité
même si il lui est permis d’abroger un acte individuel négatif. Par exemple, la décision de retrait
d’une autorisation de bâtir est une décision administrative non créatrice de droit, une décision
négative qui intervient certainement dans l’application de la théorie de l’acte contraire ; mais
alors, l’administration, peut-elle abroger cette décision négative ? Nous répondons par l’affirmatif
car, le principe de l’intangibilité ne joue pas devant une décision négative ; cependant, la
décision qui abroge la décision négative peut à son tour être entachée d’illégalité et faire l’objet
du REP.
132

B. Les actes irréguliers

L’abrogation d’un acte irrégulier, qu’il soit réglementaire ou individuel, est possible en
vertu du principe de la légalité qui veut que le monstre ne survive pas en droit administratif.
Cependant, l’abrogation ne sort ses effets que pour le présent et l’avenir à telle enseigne que
l’acte irrégulier abrogé reste vivant dans le passé ; une telle hypothèse risque de créer une
insécurité juridique et c’est pourquoi l’autorité administrative utilisera plutôt la procédure de
retrait devant un acte administratif irrégulier car le monstre doit être supprimé « ab ovo ».

Paragraphe 3. Le retrait

Le retrait intervient pour corriger une irrégularité, nous avons dit qu’il s’agit du contrôle
de la légalité par l’auteur de la décision administrative ; ce contrôle peut se faire
automatiquement par l’auteur qui constate par lui-même l’irrégularité de la décision qu’il a prise
comme il peut se faire sur base du recours administratif adressé à l’autorité de la décision, à
l’auteur de qui émane la décision ; on parle alors du recours gracieux par opposition au recours
hiérarchique ou de tutelle ; il existe donc trois modalités de recours administratif : recours
gracieux, recours hiérarchique et recours de tutelle. La théorie de retrait nous conduit également à
faire la distinction entre les actes réguliers et les actes irréguliers.

A. Actes réguliers

Devant les actes réguliers, le retrait d’un acte administratif est inadmissible en vertu du
principe de la légalité et du principe du non rétroactivité. Le principe de la légalité interdit de
sanctionner un acte administratif régulier, « on ne tue pas un être normal ». Le retrait étant une
sanction de l’illégalité, il ne peut pas concerner un acte administratif régulier. Le principe du non
rétroactivité interdit pour sa part de faire rétroagir une décision administrative régulière ; celle-ci
ne peut intervenir que pour le présent et l’avenir.
133

B. Actes irréguliers
Ces actes interviennent dans le non respect des règles de compétence, de forme ou de
procédure, des conditions de droit ou de fait ou encore dans un but contraire à l’intérêt général.
Devant des tels actes, l’autorité administrative se trouve dans une situation de compétence liée en
vertu du principe de la légalité qui oblige l’autorité de la décision de réparer son illégalité sans
quoi cette réparation interviendra par voie d’annulation. Le retrait constitue alors un des
contrepoids au principe du non rétroactivité des actes administratifs (cfr. ante).

Paragraphe 4. L’annulation

A l’instar du retrait, l’annulation est également une sanction d’illégalité ; elle intervient
pour supprimer un acte administratif illégal. Sur cette base, l’annulation d’un acte administratif
régulier constitue une illégalité car un acte administratif régulier ne peut pas faire l’objet
d’annulation en vertu du principe de la légalité. Par contre, lorsque il s’agit d’un acte
administratif irrégulier, c’est-à-dire pris en violation de la loi, des règles de compétence, de forme
ou de procédure dans la poursuite d’intérêt privé, l’annulation devient une obligation pour assurer
le respect du principe de la légalité. Il est alors fait la distinction entre l’annulation administrative
et l’annulation judiciaire.

A. L’annulation administrative
L’annulation administrative est une décision administrative qui annule une autre décision
administrative ; il y va là du critère organique qui caractérise une telle annulation en partant de
l’idée que l’autorité administrative assure également le contrôle de la légalité ; c’est ce que l’on
appelle le contrôle interne de la légalité, celui qui s’effectue à l’intérieur même de
l’administration. Le contrôle administratif pouvant donner lieu à l’annulation relève alors soit de
l’autorité de tutelle soit de l’autorité hiérarchique dans le cadre des attributs du pouvoir de tutelle
ou du pouvoir hiérarchique. Lorsque ce contrôle intervient par voie de recours administratif
exercé par l’administré lésé, par l’intimé, il est soumis au délai de REP ; ce délai est de trois
mois à partir de la publication (acte réglementaire) ou de la notification (acte individuel) de la
décision administrative ; c’est dire que la date de publication ou de notification est très
importante pour le calcul de délai de recours administratif.
134

B. L’annulation judiciaire

Celle-ci intervient dans le cadre du contrôle juridictionnel de la légalité ; elle est l’œuvre
du juge de la légalité, du juge de l’excès de pouvoir. Le contrôle juridictionnel est également
soumis au délai de recours pour excès de pouvoir ; la requête de l’intimé ne peut intervenir que
dans le trois mois qui commencent à courir à partir de la réponse de l’autorité administrative
réservée à la suite du recours administratif ; mais devant le silence de l’administration, lorsque
l’administration n’a pas réservé une suite au recours administratif, le délai de trois mois de
recours juridictionnel est calculé comme suit : à partir du dépôt à la poste par voie recommandée
du recours administratif, il est compté trois mois pour aboutir à la décision tacite de rejet
découlant du silence de l’administration ; à partir de cette décision tacite dégagée à la fin du 3ème
mois de silence, il est également compté trois mois de recours juridictionnel ; cela veut dire que
le délai de trois mois de recours juridictionnel est compté soit à partir de la réponse négative de
l’autorité administrative soit à partir de la décision tacite découlant du silence de l’administration.
135

CHAPITRE DEUXIEME :
LE CONTRAT ADMINISTRATIF

SECTION I. NOTION ET CONDITIONS DE FORMATION DU CONTRAT


ADMINISTRATIF

Le contrat administratif est un contrat différent des contrats du droit commun ; un contrat
régi par des règles spéciales qui relèvent du droit administratif. Au sein de l’administration, nous
retrouverons des contrats administratifs et des contrats privés de l’administration à telle enseigne
que tous les contrats administratifs seront nécessairement des contrats de l’administration ; par
conséquent, tous les contrats de l’administration ne seront pas de contrats administratifs ; ceci
pour la simple raison que les contrats de l’administration englobent autant les contrats
administratifs que les contrats de droit privé. Il est alors important de dégager au sein de
l’administration quels sont les contrats de droit privé et quels sont les contrats de droit
administratif que l’on appelle également les marchés publics.

Paragraphe 1. Définition du contrat administratif

Le droit administratif organise deux critères de définition du contrat administratif : un


critère légal et un critère jurisprudentiel ou tiré de la jurisprudence ; c’est sur base de ces deux
critères qu’il sera alors possible de dégager le contrat de droit privé, par exclusion ; en d’autres
termes, les contrats de l’administration qui ne vont pas répondre à l’un des critères qui sera
examiné ci-dessous seront rangés dans les contrats de droit privé.

A. Critère légal

Ce critère est celui qui découle de la loi ; celui qui permet de définir le contrat
administratif en partant de la nature du contrat tel que définit par la loi des marchés publics.
136

Le droit positif congolais organise les marchés publics par l’O-L n° 69-054 du 05
décembre 1969 relative aux marchés publics et par son Ordonnance d’application n° 69-279 du
05 décembre 1696. En vertu de l’article 1er de l’ordonnance-loi précitée, sont définis comme
étant des marchés publics ou encore les contrats administratifs, des contrats passés par la
République, c’est-à-dire l’Etat Congolais, les Collectivités décentralisées et les Services publics
personnalisés, c’est-à-dire des contrats passés par une personne morale de droit public d’une part
et une autre personne physique ou morale d’autre part, et qui porte soit sur la réalisation d’un
travail public soit sur la fourniture des biens soit sur la prestation des services.
Le critère légal définit donc le contrat administratif en fonction de la partie contractante et
de la nature du marché de telle sorte que tout acte bilatéral qui rentrerait dans les deux éléments
de la définition serait d’office qualifié de contrat administratif ou des marchés publics en se
fondant sur le critère légal. Par exemples : 1. Marché entre la Ville de Kinshasa et la société
SAFRICAS pour la réalisation des travaux de construction de la route de l’avenue universitaire ;
un tel marché répond au critère légal ; 2. Le marché des fournitures d’équipements informatiques
passé entre L’UNIKIN et la firme RADIOCOM répond également au critère légal de définition
d’un marché public ; 3. Le marché entre l’Etat Congolais représenté par le Ministre
d’infrastructure et la société CONGOCOLOR pour les travaux de peinture dans un bâtiment
public.

1°. Marché des fournitures

Le marché des fournitures a pour objet la livraison d’un bien meuble ou immeuble au
profit de l’administration ; c’est donc l’administration qui est bénéficiaire de la fourniture d’un
bien donné et ceci nous permet alors de faire la distinction entre le contrat d’achat et le contrat de
vente car dans le cas d’espèce, c’est l’administration qui achète un bien et qui bénéficie d’une
livraison. Le contrat de vente ne répond donc pas à la définition du marché des fournitures et, par
voie de conséquence, il rentrerait dans les contrats de droit privé de l’administration.
Une autre observation porte sur le bien immeuble et nous conduit à faire la distinction
entre la livraison d’un immeuble et la construction de l’immeuble ; de cette distinction, nous
concluons que l’achat d’un immeuble déjà construit par l’administration fait partie de marché des
fournitures
137

2°. Le marché des travaux publics

Cette catégorie des marchés publics porte sur la réalisation d’un ouvrage public et c’est le
concept « ouvrage public » qui permettra de conclure que tel travail constitue un travail public. Il
est donc important de définir un ouvrage public pour appréhender la notion des travaux publics :
l’ouvrage public se définit comme étant la construction en matériaux durables d’une
infrastructure rentrant dans le patrimoine d’une personne morale de droit public ; cette
construction devient alors un travail public. Par exemples : 1. La construction d’un immeuble
pour le compte de l’Etat, d’une entité décentralisée, d’un établissement public ; 2. La construction
d’une voie ferrée ; 3. La construction des routes, de la voirie, des ponts et chaussées ; ce sont là
des marchés de travaux publics.

3°. Les marchés de prestation de services

Ces marchés portent également sur la réalisation d’un travail mais ce travail n’est pas ici
qualifié de travail public parce que l’ouvrage public n’apparaît pas ; ces marchés portent sur la
prestation d’un service pour le compte de l’administration moyennant rémunération.

En effet, outre la fourniture de bien et la réalisation des travaux publics, l’administration


recourt souvent à plusieurs services qui relèvent de la compétence des particuliers ; la prestation
de ces différents services passe également par la réalisation d’un travail pour le compte de
l’administration. A titre d’illustration : 1. Le contrat de transport passé entre l’Etat Congolais à
travers le Ministre de la fonction publique et la firme STUC en vue d’assurer le transport des
fonctionnaires. Ce contrat est un contrat de prestation de service dont le prestataire se trouve être
la firme STUC ; 2. Un contrat passé entre L’UNIKIN et la firme Menuiserie du Congo pour la
fabrication des bancs pour le compte de L’UNIKIN suivant le modèle de L’UNIKIN ; le marché
ne porte pas ici sur la livraison des bancs mais sur la réalisation d’un travail de fabrication de
quelque chose pour le compte de l’administration universitaire. Il en sera ainsi de tous les
marchés de fabrication que l’on connaît : fabrication d’uniforme, fabrication des billets de
monnaie ; 3. Le marché passé entre L’INSS et la firme FORES pour la réhabilitation des
immeubles de L’INSS ; cette réhabilitation exige la remise en état par des réfections et
138

réparation, de remplacement des matériels amortis, par la peinture complète des différentes
pièces de bâtiment, etc. Autant de petits travaux qui rentrent dans la prestation de services et qui
nous éloignent de la réalisation d’un ouvrage public.
N.B. C’est ici qu’il y a lieu de faire la distinction entre réhabilitation d’un ouvrage public et
construction d’un ouvrage public dans la mesure où l’ouvrage public n’existe pas lorsqu’il est
question de réaliser sa réhabilitation ; mais, une fois construit, une fois réceptionné, l’ouvrage
public peut faire l’objet de réhabilitation suite à l’usure mais la doctrine et la jurisprudence
considèrent que lorsque une telle réhabilitation est totale, c’est-à-dire elle réalise la remise en état
de 70% de l’ouvrage public, elle est alors assimilée à la construction, à un travail public ; le cas
de l’avenue de l’université est illustratif, cas d’une route qui doit être refaite complètement.
La prestation de services peut également découler d’un contrat d’études, un contrat
d’architecture, des contrats qui visent à remettre à l’administration un travail de conception.

B. Les critères jurisprudentiels

Outre le critère légal, le droit administratif, de par la doctrine et la jurisprudence, a retenu


certains critères qui ne se retrouvent pas dans la loi mais qui permettent de définir également un
marché public ou un contrat administratif.
Le critère jurisprudentiel s’applique à défaut du critère légal et il s’applique de manière
alternative et non cumulative ; en d’autres termes, il suffit que l’un ces critères soit réuni pour
que le marché soit qualifié des contrats administratifs mais il est possible également que les deux
critères de la jurisprudence soit réunis en même temps.

1. Premier critère

Il y a contrat administratif lorsque l’une des parties au contrat est une personne morale de
droit public et que le contenu du contrat comporte des clauses exorbitantes de droit commun. En
effet, en droit privé, lorsque l’une des parties au contrat impose à l’autre partie des clauses qui ne
découlent pas de la libre volonté des parties, on dit que le contrat est léonin. Ce contrat met en
présence une partie plus forte, plus puissante que l’autre et le juge du contrat peut être saisi pour
rétablir l’égalité des parties.
139

En droit administratif, nous avons affirmé que l’administration fonctionne pour la


réalisation des besoins d’intérêt général et ces besoins sont au dessus des besoins d’intérêt privé
de telle sorte que en contractant avec l’administration, le cocontractant sera placé dans une
position d’infériorité sans que pour autant le contrat soit qualifié de léonin ; ces clauses qui
défavorisent le cocontractant sont alors dites de clauses exorbitantes de droit commun ; la
présence de telles clauses entraîne alors la présence d’un contrat administratif quand bien même
le critère légal ne serait pas réuni.
A ce critère de la jurisprudence, il y a néanmoins des exceptions qui découlent de la
conception de l’Etat commerçant à la différence de l’Etat gendarme et de l’Etat providence.
L’Etat commerçant conduit à la création des entreprises publiques parmi lesquelles nous avons
cité les établissements publics à caractère industriel et commercial. Ces établissements publics
sont des personnes morales de droit public et dans leur activité commerciale, ils passent des
contrats de prestation de service pour le compte de leurs usagers qui peuvent être tantôt des
clients, tantôt des abonnés ; ces contrats comportent généralement des clauses exorbitantes de
droit commun par le fait que les usagers ne négocient pas les termes des contrats avec
l’administration commerçante, ils subissent la règle du plus fort, ils adhèrent (contrat d’adhésion)
aux clauses préalablement établies par l’établissement public à caractère industriel et
commercial ; un tel contrat réuni le 1er critère de la jurisprudence : il y a présence s’une personne
morale de droit public (établissement public) et il y a des clauses exorbitantes de droit commun ;
mais par voie d’exception, de tels contrats ne sont pas administratifs, ils constituent des contrats
de droit privé de l’administration. Par exemple, un contrat passé entre L’ONATRA et les
passagers dans le transport ferroviaire, ce contrat comporte des clauses exorbitantes de droit
commun car il ne fait objet d’aucune négociation entre L’ONATRA et les passagers mais il n’est
pas un contrat administratif. Il en est de même du contrat entre L’OCPT et les abonnés de
L’OCPT ; le contrat entre la SNEL et ses abonnés ; entre la REGIDESO et ses abonnés ; autant
d’établissements publics à caractère industriel et commercial dont les contrats restent contrats de
droit privé malgré la présence des clauses exorbitantes de droit commun.
N.B. Le contrat entre VODACOM et ses abonnés, le contrat entre HEWA BORA et ses passagers
sont également des contrats d’adhésion ; ils comportent des clauses exorbitantes de droit commun
mais il leur manque la personnalité morale de droit public pour servir d’analogie avec les
140

établissements publics à caractère industriel et commercial (VODACOM est une personne morale
de droit privé tandis que L’OCPT est une personne morale de droit public).

2. Deuxième critère

Le 2ème critère considère que le contrat passé entre une personne morale de droit public et
une autre personne physique ou morale qui a pour objet de faire participer ou de faire intervenir
directement le cocontractant dans l’exécution même d’un service public, c’est-à-dire l’exécution
d’une activité d’intérêt, un tel contrat est également un contrat administratif quand bien même le
critère légal ne serait pas réuni. A titre d’illustration, le contrat de concession des services publics
est par excellence un contrat administratif alors qu’il ne répond pas au critère légal, il vise la
gestion d’un service public par une personne privée alors que, par essence, le service public doit
être géré par une personne morale de droit public ; le fait de confier la gestion d’un service public
à une personne privée revient à laisser à cette personne privée l’exécution d’une activité d’intérêt
général en lieu et place de l’administration publique ; le contrat de concession encontre le 2ème
critère de la jurisprudence ; il est donc un contrat administratif. Exemple, un contrat visant à
confier la gestion de la SNEL à l’entreprise MAG ENERGY entraîne l’exécution de cette activité
de la SNEL par MAG ENERGY en lieu et place de la SNEL, personne morale de droit public,
établissement public à caractère industriel et commercial.

A ce 2ème critère, il y a également des exceptions qui trouvent leur place toujours dans
l’établissement public à caractère industriel et commercial dans le rapport que ces personnes
morales de droit public entretiennent avec d’une part leurs fournisseurs et d’autre part leurs
employés ; en effet, certains fournisseurs de service autant que les travailleurs mêmes de
l’établissement participent tous à l’exécution du service public, ils contribuent dans la bonne
marche ou dans le fonctionnement de l’activité d’intérêt général mais cette catégorie des contrats
n’est pas considérée comme contrat administratif mais plutôt comme contrat de droit privé.
Exemple, le contrat passé entre la SNEL et la firme CELPAY en vue d’assurer le recouvrement
des factures de la SNEL auprès de ses abonnés, ce contrat de fournitures de service par CELPAY
participe à l’exécution de l’une des tâches de la SNEL ; il répond donc au 2ème critère de la
jurisprudence mais, par voie d’exception, il constitue un contrat de droit privé. Il en est de même
141

du contrat de travail passé entre les établissements publics à caractère industriel et commercial
tels que L’ONATRA, la REGIDESO, L’OCPT et le personnel de l’entreprise en vue d’assurer
l’exécution des activités faisant l’objet de l’établissement public, ces contrats répondent au 2ème
critère de la jurisprudence et pourtant, par voie d’exception, ils restent des contrats de droit privé
régi par le code du travail.
N.B. Nous avons remarqué que dans le critère jurisprudentiel, il y a un dénominateur commun
qui est la présence d’une personne morale de droit public ; ce dénominateur commun se retrouve
également dans le critère légal ; c’est autant dire que dans le contrat administratif, l’une des
parties est nécessairement une personne morale de droit public. A cette affirmation, il y a
néanmoins une exception lorsqu’un contrat est passé entre deux personnes privées et qu’il a pour
objet la réalisation d’un ouvrage public ; il est considéré comme contrat administratif malgré
l’absence de la personne morale de droit public. Exemple, la construction de l’hôpital Roi
Baudouin à Masina et la construction de l’hôpital Marie BIAMBA MUTOMBO : dans le premier
cas, il y a eu contrat administratif et dans le second cas il n’y a pas eu contrat administratif.
L’explication se trouve dans l’exception que nous venions de soulever en ce sens que l’hôpital
Roi Baudouin est un ouvrage public, un immeuble qui devait être construit pour entrer dans le
patrimoine de l’Etat par le biais du ministère de la santé mais cette construction est le résultat
d’un financement accordé en libéralité par la Fondation Roi Baudouin (association privée),
laquelle Fondation a signé un contrat de travail public avec une société privée de construction ; il
n’y a pas de personnes morales de droit public entre les parties au contrat mais le contrat est
qualifié d’administratif pour la simple raison que son objet vise la réalisation d’un ouvrage
public ; par contre, dans le cas de l’hôpital Marie BIAMBA MUTOMBO, il n’y a ni personne
morale de droit public ni réalisation d’un ouvrage public.

Paragraphe 2. Conditions de formation du contrat administratif

Ces conditions sont beaucoup plus rigoureuses que celles applicables au contrat de droit
commun ; le contrat administratif est soumis aux règles de compétence, de forme et des
procédures qui doivent être respectées sous peine de sanction.
142

A. Règles de compétence

Comme nous l’avons déjà dit, en droit administratif, l’incompétence est de règle, la
compétence est d’exception ; ceci pour dire que, d’emblée, toutes les autorités administratives
sont incompétentes, elles ne deviennent compétentes qu’en vertu d’une attribution légale. Les
règles de capacité étudiées en droit civil sont transposées en règle de compétence lorsqu’il s’agit
de contrat administratif ; les textes qui régissent les marchés publics organisent différentes étapes
de compétence dans la conclusion d’un marché public : on y retrouve organes et autorités
habilités à intervenir dans chaque étape donnée. Parmi ces organes, il y a le Conseil des
Adjudications dont la composition et les attributions sont déterminées par l’Ordonnance n° 69-
279 du 05 décembre 1969 sur les marchés publics ; il en est de même du Conseil Supérieur des
Adjudications et de la commission de réception ; autant d’organes qui ont chacun des
compétences précises devant être respectées dans la conclusion des marchés publics. Parmi les
autorités, il y a le Fonctionnaire dirigeant dont les attributions sont également déterminées par
le texte réglementaire ; il y a surtout l’autorité adjudicatrice qui joue un rôle très important dans
la conclusion des marchés publics ; cette autorité adjudicatrice se retrouve à différents niveaux de
l’administration publique selon qu’il s’agit de l’Etat ou de l’entité territoriale décentralisée ou
encore des services publics personnalisés, décentralisés. Au niveau de l’Etat, c’est le Ministre
intéressé par les marchés publics qui se trouve être l’autorité adjudicatrice ; au niveau de la
Province, c’est le Gouverneur des Provinces ; au niveau de la Commune, le Bourgmestre ; au
niveau du Secteur ou Chefferie c’est le Chef du Secteur ou de chefferie. Dans les établissements
publics, l’autorité adjudicatrice est représentée par le Comité de Gestion encore que la loi sur les
entreprises prévoit que les actes du Comité de Gestion sont obligatoirement signés par
l’Administrateur Délégué Général (ADG) et l’un des Directeurs membre du Comité de Gestion.
N.B. Dans le cadre de la décentralisation, il est généralement admis que l’organe de décision est
l’organe délibérant ; ainsi l’autorité adjudicatrice en matière de conclusion des marchés publics
exécute la décision de l’organe délibérant ; c’est cet organe qui décide finalement sur la
conclusion d’un marché public sauf lorsque celui-ci a délégué ledit pouvoir à l’autorité ou
l’organe exécutif ; l’organe délibérant est déterminé par la loi qui organise la Province, la
Commune ou l’entité locale ou encore la loi sur les entreprises publiques et même la loi qui
organise l’enseignement supérieur et universitaire. Le juriste fera alors attention pour relever dans
143

chaque situation quelle est l’autorité compétente pour intervenir dans la conclusion d’un marché
public conformément aux textes légales ou réglementaires.

B. Règles de forme

Le contrat administratif est si complexe que son élaboration et sa conclusion exigent


nécessairement un texte écrit ; mais il n’existe pas une forme consacrée pour la confection d’un
contrat administratif ; c’est là une tâche matérielle qui est laissée au juriste de qualité.
Néanmoins, dans certains cas limités particulièrement en ce qui concerne les marchés de gré à
gré, le marché public peut être conclu en dehors d’un contrat écrit mais la volonté de
l’administration sera concrétisée dans ce que l’on appelle « Bon de commande » ; il ne s’agit là
que d’une exception.

L’Ordonnance de 1969 sur les marchés publics détermine le cadre général d’élaboration
de tout contrat administratif passé par voie d’adjudication ou d’appel d’offres de telle sorte que le
juriste tout en adoptant la forme quelconque du contrat se trouve cependant lié par les termes de
ce que l’on appelle le cahier général des charges ; c’est dans ce cahier que se trouvent inscrites
les clauses contractuelles des marchés publics.

Outre les règles de forme, le contrat administratif est marqué par des règles de procédure
qui en font sa spécialisé ; ces règles seront étudiées dans la section relative au régime juridique
des contrats administratifs.

SECTION II. LES MODES DE PASSATION DES MARCHES PUBLICS

La grande différence entre le contrat de droit commun et le contrat administratif réside


dans le choix du cocontractant en raison du fait qu’en droit privé, ce choix est laissé à la libre
volonté des parties contractantes, il n’est pas admis d’imposer à l’une des parties les clauses du
contrat. En droit administratif, les marchés publics sont dominés par la règle d’adjudication ou
encore d’appel d’offres ; l’administration n’a pas la liberté de choisir son cocontractant, elle est
144

obligée de soumettre la proposition des contrats à plusieurs candidats, d’organiser la concurrence


entre les candidats potentiels ; l’exception à cette règle constitue alors le gré à gré.

Paragraphe 1. Le marché de gré à gré

Ce marché est également appelé le marché négocié ; il est caractérisé par le fait que
l’autorité adjudicatrice, l’administration contractante est libre de conclure le marché avec le
cocontractant de son choix ; cette modalité nous rapproche évidemment du droit commun. Le
marché de gré à gré est un mode dangereux car il permet à l’autorité administrative de faire des
arrangements au détriment de l’administration en choisissant le cocontractant qui n’offre pas de
la bonne qualité et qui, de plus, présente le prix le plus élevé ; une telle liberté va certainement à
l’encontre de l’intérêt général.

Dans la pratique, la règle déontologique requiert que l’autorité administrative, par acquis
de conscience, procède volontairement à une demande de prix auprès de certains candidats de son
choix avant de négocier le gré à gré ; mais cette procédure de consultation est purement
informelle, elle n’engage ni l’administration ni les personnes consultées tant qu’il est vrai que
l’administration peut même choisir le cocontractant qui n’aurait pas fait l’objet de consultation.
Le mode de gré à gré étant d’exception, la loi de 1969 sur les marchés publics a prévu des
garde-fous, elle a déterminé de manière limitative les cas dans lesquels l’administration est
autorisée à conclure le marché de gré à gré ; ces différents cas sont prévus à l’article 4 de
l’Ordonnance-loi n° 69-054 du 05 décembre 1969 relative aux marchés publics. Dans la
philosophie de cet article 4, le législateur a voulu limiter le mode de gré à gré soit en fonction du
montant du marché soit encore en fonction de la nature spécifique du marché.

A. La valeur du marché de gré à gré


Dans le texte originel, le législateur de 1969 a limité la conclusion de marché de gré à gré
à la valeur égale ou inférieure à 7500 zaïres de l’époque ; ce montant équivalait à l’époque à 2500
$ (deux mille cinq cent dollars). Le drame de la RDC et la difficulté du juriste en cette matière est
que la législation n’a pas suivi le phénomène inflationniste du Zaïre-monnaie à telle enseigne que
145

devant l’incohérence constatée entre le fait et la loi, différentes interprétations ont dominé cette
matière laissant l’administration dans une anarchie totale.

Nous retrouvons dans la pratique des notes de services, des circulaires administratives qui
essaient de corriger cette incohérence en fixant la valeur maximale du marché de gré à gré ; le
principe de la légalité nous conduit à considérer tous ces textes de correctif comme étant illégaux
vis-à-vis de la loi. Néanmoins, le raisonnement par analogie conduirait le bon juriste à garder
l’équivalence du zaïre-monnaie en 1969 et à faire l’extrapolation pour rester dans l’esprit de la
loi ; il est évident que cette équivalence sera dynamique devant le phénomène inflationniste qui
caractérise la monnaie nationale (dans l’exercice de son contrôle, la Cour de Compte se rallie
souvent à cette théorie d’équivalence).

B. La nature spécifique du marché

L’Ordonnance-loi cite treize cas qui permettent de passer de gré à gré compte tenu de la
nature spécifique du marché ; parmi ces cas nous relevons :
- Les marchés à caractère stratégique ou nécessitant la plus grande confidentialité ; tel est le
cas du marché de fabrication de la monnaie qui, s’il n’est pas passé de gré à gré, conduira
à la communication des éléments confidentiels devant intervenir dans l’impression du
billet de banque ; tel est également le cas du marché de fournitures de bulletin de vote ; tel
est également le cas pour les matériels stratégiques de l’armée ;
- Les marchés pour lesquels la concurrence n’est pas possible étant donné que le produit à
fournir fait l’objet d’un monopole. Par exemple, la fourniture d’un produit
pharmaceutique pour le VIH/SIDA ;
- Les marchés qui ont déjà fait l’objet d’adjudication est que l’administration résilie
unilatéralement pour faute du cocontractant, de tels marchés peuvent être passés de gré à
gré avec un autre cocontractant qui devra poursuivre l’exécution du marché ;
- Les marchés financés par des libéralités ou de prêt dont les conditions excluent toute
concurrence.
146

Paragraphe 2. L’adjudication

La législation congolaise sur les marchés publics fait de l’adjudication le mode consacré
de passation des marchés publics. L’adjudication est caractérisée par ce que l’on appelle
l’automatisme du marché ; ce principe d’automatisme exige de l’administration d’une part la
mise en concurrence, c’est-à-dire l’organisation d’une publicité permettant à tous les candidats
potentiels de prendre connaissance de la proposition des marchés émanant de l’administration et
d’être en mesure de déposer leurs offres dans les mêmes conditions d’égalité ; d’autre part,
l’adjudication exige à l’administration d’attribuer automatiquement le marché au candidat qui
aura présenté le plus fort rabais, c’est-à-dire le prix le plus bas.
L’adjudication est ainsi un mode qui protège le plus l’intérêt général : non seulement il
assure l’égalité de tous les citoyens qui veulent conclure un contrat avec l’administration mais
surtout il ne permet pas des arrangements sous la table du fait que l’administration n’a aucune
liberté dans le choix du cocontractant, elle doit se contenter du candidat qui aura présenté le
meilleur prix. Le droit administratif fait la distinction entre l’adjudication publique ou ouverte et
l’adjudication restreinte ou fermée.

A. Adjudication publique

Dans l’adjudication publique, l’administration ouvre la concurrence à tous les citoyens


sans aucune distinction et elle procède à l’attribution du marché au candidat qui aura déposé le
prix le plus bas ; c’est donc l’adjudication publique qui répond à la définition de l’adjudication et
qui constitue le mode classique de passation des marchés publics ; en d’autres termes,
l’adjudication publique est de règle, l’adjudication restreinte sera d’exception.
N.B. S’il est vrai que l’adjudication publique assure l’égalité des citoyens et la protection des
Finances publiques, il n’en reste pas moins vrai que l’adjudication ouverte présente les risques
sérieux de contracter avec les fournisseurs ou l’entrepreneur présentant de la mauvaise qualité ;
l’adjudication publique privilégie le prix au détriment de la qualité (le drame Congolais). Ce
faisant, c’est finalement l’intérêt général qui est sacrifié car les Finances publiques ne suffisent
pas encore faut-il que les marchés publics répondent au besoin d’intérêt général ; et même, en
définitive, les Finances publiques empâtissent devant la mauvaise qualité entraînant la reprise des
147

marchés publics. C’est pour pallier cette insuffisance que la bonne administration propose de plus
en plus l’appel d’offres à la place de l’adjudication. Au demeurant, l’adjudication restreinte peut
également attribuer les effets néfastes de l’adjudication publique.

B. L’adjudication restreinte ou fermée

A la différence de l’adjudication publique, l’adjudication restreinte est marquée par


l’absence d’ouverture du marché à tous les concurrents potentiels, elle limite cette concurrence
uniquement à un groupe restreint des candidats préalablement retenus ou choisis par
l’administration contractante. Mais l’adjudication restreinte reste marquée par l’automatisme du
marché en ce sens qu’après la mise en concurrence des candidats retenus, le marché est
automatiquement attribué au candidat qui aura présenté le prix le plus bas ; c’est en cela que
l’adjudication restreinte se rapproche de l’adjudication publique. Néanmoins, nous l’avons dit,
l’adjudication restreinte est une exception à la règle de l’adjudication publique ; c’est pourquoi,
cette exception doit tirer son fondement de la loi. L’article 3 de l’O-L n° 054 du 05 décembre
1969 prévoit trois cas dans lesquels l’adjudication restreinte peut trouver son application dans les
marchés publics. Parmi ces cas, il y a la valeur du marché et la nature du marché :
- Sur la valeur du marché, l’administration peut appliquer le mode d’adjudication
restreinte lorsque le montant du marché ne dépasse pas 15000 Zaïres de l’époque soit
l’équivalent de 5000$ à l’époque.
N.B. L’O-L de 1969 avait prévu que, par voie d’Ordonnance, le Président de la République
pouvait modifier le montant fixé pour le gré à gré et pour l’adjudication restreinte ; encore une
fois, cette modification a toujours fait défaut ;
- Concernant la nature du marché, l’O-L de 1969 prévoit deux situations :
Lorsque l’objet du marché comporte des caractères techniques et spécifiques qui ne
permettent pas de se baser sur le prix mais plutôt sur la qualité ; il en est ainsi de marché
portant sur des œuvres artistiques qui ne nécessitent pas d’intéresser tous les citoyens et
qui peut être limité uniquement aux artistes concernés ; il en est également ainsi de
marché qui porte sur la recherche scientifique qui ne peut être limité qu’à des chercheurs
connus à l’avance ;
148

L’adjudication restreinte est autorisée de la même manière que le gré à gré dans le cas des
marchés financés par la libéralité ou le prêt et pour lesquels le bienfaiteur ou le prêteur
conditionne son financement à l’organisation d’une adjudication restreinte ; par exemple,
un marché de travaux publics financé par le Gouvernement français moyennant
l’adjudication restreinte auprès de quelques firmes françaises ayant des entreprises de
construction.

Au-delà de ces cas prévus par le législateur, l’autorité adjudicatrice à néanmoins la


possibilité de recourir à l’adjudication restreinte compte tenu de l’importance du marché public
pour lequel la qualité ne peut être sacrifiée au profit du prix le plus bas ; c’est ainsi que le
législateur soumet cette possibilité à la réalisation des certaines conditions préalables : la
dérogation visant à contourner l’adjudication publique au profit de l’adjudication restreinte doit
être prévue dans le cahier spécial des charges, l’autorité adjudicatrice doit présenter ses
justifications auprès du Conseil des Adjudications et celui-ci doit y réserver un avis conforme.
Dans la pratique, l’adjudication restreinte, lorsqu’elle est justifiée par l’autorité adjudicatrice et
qu’elle a obtenu l’avis du Conseil d’adjudication, elle comprend deux étapes importantes :
- L’étape de la présélection qui consiste pour l’administration à faire un appel général à la
concurrence afin de retenir le candidat potentiellement valable du point de vue de la
qualité ; cette procédure de la présélection permet ainsi d’éliminer « les aventuriers »,
« les charlatans » ;
- L’étape de la sélection qui correspond à l’adjudication restreinte proprement dite dans la
mesure où l’administration procède à la mise en concurrence des candidats
présélectionnés et le marché est automatiquement attribué au candidat qui présente le prix
le plus bas ; grâce à la présélection, l’administration arrive à atténuer le risque de la
mauvaise qualité.

Paragraphe 3. L’appel d’offres

A la différence de l’adjudication, l’appel d’offres est caractérisé par l’attribution du


marché au candidat qui présente l’offre la plus avantageuse, l’offre la plus intéressante pour
l’administration. L’appel d’offres privilégie ainsi la qualité considérant le prix comme un élément
149

accessoire ; il constitue alors le meilleur mode de passation des marchés publics car non
seulement il assure l’égalité des citoyens dans la participation au marché public, il n’y a pas de
candidats exclus à l’avance mais il répond au mieux au besoin d’intérêt général du fait que la
qualité du produit ou travail correspond au besoin d’intérêt général.

Dans la pratique, l’organisation de l’appel d’offres demande une grande expertise, une
grande technicité de la part des experts de l’administration pour permettre d’analyser les
différentes offres et de déboucher à l’offre la plus avantageuse et la plus intéressante.

Tableau
CRITERES ponderation safricas forest safrimex
M.O 15% 12 8 10
Expérience 15% 14 12 8
Matériels 20% 10 14 10
techniques
Solvabilité 15% 8 10 14
financière
Le prix 25% 18 18 22
La durée 10% 8 7 9
Total 100% 100% 70% 69% 73%

Sur base de ce tableau, l’offre la plus avantageuse ou la plus intéressante est celle
présentée par la firme SAFRIMEX.
N.B. Il peut arriver que le total mette à égalité deux candidats et qu’il faille désigner l’un de deux
candidats ; on recourt alors aux dispositions du cahier spécial des charges ; celui-ci peut prévoir
l’une des solutions ci-après : soit considérer qu’en cas d’égalité, un des critères de pondération
sera dominant ; par exemple, le prix ou encore l’expérience, le candidat qui a obtenu plus de
points dans le critère dominant sera alors retenu ; soit le cahier spécial des charges peut prévoir la
remise en concurrence entre les deux candidats ex égaux ; soit enfin il peut prévoir le tirage au
sort.
150

SECTION III. LE REGIME JURIDIQUE DU CONTRAT ADMINISTRATIF

Sous cette section, nous allons examiner les clauses spécifiques qui déterminent le contrat
administratif et qui se trouvent dans ce que l’on appelle le cahier des charges ; ensuite, il sera
question d’étudier la procédure de passation des marchés publics avant de passer à l’exécution
proprement dite du contrat administratif qui nous conduira à relever les pouvoirs exorbitants de
l’administration contractante et le droit et les obligations des parties.

Paragraphe 1. Le cahier des charges

Lorsque nous disons que le contrat administratif est plus qu’un contrat d’adhésion, qu’il
est beaucoup plus un contrat type, c’est parce que les parties au contrat, qu’il s’agisse de
l’autorité adjudicatrice ou de l’adjudicataire, ces parties ne disposent pas d’une grande marge des
manœuvres pour négocier les clauses du contrat ; ces clauses sont déterminées à l’avance par
l’administration sans que celle-ci soit nécessairement l’administration contractante. Il existe
plusieurs sortes de cahiers des charges et il est important de déterminer la nature juridique de ces
cahiers des charges.

A. Différentes catégories de cahier des charges

On retrouve dans la pratique cinq catégories de cahier des charges :


1°. Le cahier général des charges que l’on appelle également le cahier des clauses
administratives générales qui fixe des dispositions générales applicables à tous les marchés
publics sans aucune distinction ; on retrouve dans ce cahier le relevé des différents documents
devant être produit par le cocontractant dans un marché public ; on retrouve également les
conditions générales d’exécution du marché public et, enfin, les modalités qui déterminent la fin
d’un contrat administratif.

2°. Le cahier spécial des charges qui détermine également des dispositions applicables non pas
à tous les marchés publics mais à une catégorie des marchés publics de telle sorte que tous les
marchés qui rentrent dans telle catégorie sont nécessairement régis par un cahier spécial des
151

charges ; par exemple, la catégorie des marchés de travaux publics, la catégorie des marchés des
fournitures, la catégorie des marchés de prestation des services.

Le cahier spécial des charges est très important car c’est lui qui comporte des clauses
déterminantes tant dans l’élaboration du contrat que dans l’exécution même du marché public ;
on y retrouve les modes de passation du marché, les conditions de solvabilité des candidats, les
modalités de soumission et d’examen de soumission ainsi que les modalités de paiement.

3°. Le cahier des clauses techniques générales qui fixe les conditions techniques applicables
non pas à tous les marchés publics, non plus à une catégorie des marchés publics mais aux
marchés publics de même nature ; en effet, dans une même catégorie, il y a des marchés publics
de natures différentes et selon la nature du marché, il y a des spécificités techniques qui diffèrent
d’une marché à une autre. Par exemple, les marchés des fournitures de véhicules est différent de
celui des fournitures du matériels informatiques, de celui des fournitures d’imprimer les valeurs
(diplômes d’Etat, billets de banque, etc.) ; de la même manière, le marché de construction d’une
route est différent de celui de construction d’un bâtiment.

4°. Le cahier des clauses administratives particulières, ce cahier intervient dans chaque
marché public, il est propre à chaque marché public ; il détermine des conditions administratives
et financières qui ne s’appliquent qu’à un marché public sans tenir compte ni de la catégorie ni de
la nature du marché.
5°. Le cahier des clauses techniques particulières qui, comme le précédent, s’applique à un
seul marché public en présence. Par exemple, un marché passé par L’UNIKIN et SAFRIMEX
pour la réhabilitation des homes d’étudiants sera régi par le cahier général des charges, le cahier
spécial des charges, le cahier des clauses administratives particulières, le cahier des clauses
techniques générales et le cahier des clauses techniques particulières ; dans le cahier des clauses
administratives particulières, on tiendra compte des contraintes universitaires, il y aura des
conditions propres au milieu universitaire ; il y aura également des spécialités techniques liées à
l’environnement estudiantin.
152

B. Nature juridique de cahier des charges

Il existe une controverse doctrinale sur la nature juridique exacte de cahier des charges : la
majorité de la doctrine considère que les cahiers des charges sont des clauses contractuelles et
que, par conséquent, quoique immanent de manière unilatérale de l’administration, ils ne
constituent pas des actes administratifs réglementaires.
L’article 1er de l’Ordonnance n° 279 de 1969 sur les marchés publics confirme cette
première version en disposant que les clauses contractuelles font l’objet du cahier général des
charges annexé à ladite ordonnance ; cette première position de la doctrine considère que les
actes de nature contractuelle ne peuvent faire objet de REP ; il relève du juge des contrats et en
vertu du principe du recours parallèle, le juge administratif se dessaisie au profit du juge de
contrat dès lors que celui-ci est compétent pour statuer dans un litige donné.
Une autre partie de la doctrine s’appuie sur la jurisprudence du Conseil d’Etat pour
déceler dans certains cahiers des charges des mesures réglementaires pouvant faire l’objet de
REP ; en effet, le cahier général des charges ainsi que le cahier spécial des charges font souvent
l’objet des mesures réglementaires soit par voie de circulaire administrative (source sociologique
de nature réglementaire), d’autres mesures sont annexées au règlement du marché public pour
faire partie intégrante dudit règlement ; de ce fait, cette nature réglementaire permet de considérer
ce genre de cahier des charges comme étant susceptible du REP. Néanmoins, la force juridique de
cahier des charges apparaît soit avant la conclusion du contrat soit au moment de la conclusion du
contrat.
1°. Avant la conclusion du contrat, l’administration contractante peut aller à l’encontre de
cahier des charges soit en privilégiant un candidat soit encore en utilisant une procédure
différente de celle prévue dans le cahier des charges ; dans ces conditions, les candidats lésés
saisiront le juge des contrats pour lui demander d’amener l’administration à respecter le cahier
des charges ;
2°. Au moment de la conclusion du contrat, les parties au contrat doivent se référer aux
différents cahiers des charges et lorsque l’administration contractante impose au cocontractant
des clauses non reprises aux cahiers des cahiers des charges, la partie lésée peut saisir également
le juge du contrat. C’est autant dire que les cahiers des charges font partie intégrante du contrat
administratif ; l’autorité adjudicatrice se réfère aux différents cahiers des charges déterminés à
153

l’avance soit par l’administration compétente soit par le Conseil des adjudications lorsqu’il s’agit
des clauses particulières.

Paragraphe 2. Procédure d’adjudication

Sous ce paragraphe, nous examinons la publicité, la soumission, l’adjudication, le contrat,


l’exécution et la fin du contrat.

A. La publicité

Lorsque l’administration décide de passer un marché public dans le cadre de


l’adjudication ou de l’appel d’offres, elle est obligée d’assurer la publicité du marché pour
permettre à tous les candidats potentiels de bénéficier des mêmes conditions pour participer à la
concurrence. L’administration procède alors par voie d’avis d’adjudication ou d’avis d’appel
d’offres publié dans JO ou encore dans tout autre moyen de publication accessible à tous les
administrés. Cette publicité indique l’objet du marché, le maître de l’ouvrage (la personne morale
contractante), le lieu et l’endroit ou les candidats pourront se procurer les différents cahiers des
charges ainsi que le prix de vente de ces et éventuellement le lieu, la date d’ouverture publique
des différentes offres des candidats. Toutes les autres informations seront obtenues dans les
différents cahiers des charges.

B. La soumission

Lorsque les candidats déposent les différentes offres auprès de l’administration, le


contenu de leur offre s’appelle soumission et les candidats sont appelés soumissionnaires. Le fait
de déposer une soumission engage le soumissionnaire qui, en principe, se trouve lié par la
soumission jusqu’à la désignation de l’adjudicataire à moins que la procédure d’adjudication ou
d’appel d’offres soit annulée dans l’entretemps.
154

N.B. Dans la pratique, les terminologies : Adjudicataire, Autorité adjudicatrice, Conseil d es


adjudications, Conseil supérieur des adjudications sont utilisées mutatis mutandis et pour
l’adjudication et pour l’appel d’offres.

Pour garantir l’égalité et la transparence, l’ouverture de soumission est soumise au respect


de la date, le lieu et même le local et l’heure pour le déroulement de l’opération d’ouverture des
différentes soumissions ; cette opération se déroule en public et elle fait l’objet d’un PV
d’ouverture de soumission et qui indique les éléments essentiels de l’offre, particulièrement le
prix et qui note également les différents incidents survenus au moment de l’ouverture des offres.

C. L’adjudication

Dans la décision d’adjudication, nous distinguons trois niveaux de compétence : le


Conseil d’adjudication, l’autorité adjudicatrice et le Conseil Supérieur des adjudications.

1°. Le Conseil des adjudications

Il s’agit d’un organe collégial dont la composition est déterminée dans le règlement des
marchés publics en ce qui concerne l’administration centrale et les entités territoriales
décentralisées ; dans les établissements publics, c’est le Conseil d’Administration qui organise le
Conseil des adjudications et qui fait approuver sa décision par l’autorité de tutelle technique.

Le Conseil des adjudications est un organe très important car non seulement il a la charge
d’élaborer le cahier des clauses particulières des charges mais surtout est-il chargé d’analyser les
différentes offres, les différentes soumissions et de déterminer l’offre la plus basse ou encore la
plus intéressante selon le cas. Le conseil des adjudications donne également ses avis lorsque
l’autorité adjudicatrice décide de passer le marché par adjudication restreinte en dehors des
critères déterminés par la loi.
155

2°. L’autorité adjudicatrice

Celle-ci est également déterminée par le règlement des marchés publics en ce qui
concerne l’Etat et l’administration territoriale alors que dans les établissements publics, c’est le
Comité de Gestion qui fait office d’autorité adjudicatrice. L’autorité adjudicatrice est la véritable
autorité d’exécution du contrat administratif : c’est elle qui notifie la décision d’adjudication à
l’adjudicataire ; c’est à partir de cette décision que le soumissionnaire devient adjudicataire. La
décision d’adjudication est une véritable décision administrative prise par l’autorité adjudicatrice
et susceptible de REP ; c’est ce que l’on appelle l’acte détachable du contrat administratif ; un
acte unilatéral à la suite duquel sera établi un acte bilatéral, c’est-à-dire le contrat administratif.
En d’autres termes, le marché doit d’abord être adjugé, c’est-à-dire faire l’objet d’une décision
d’adjudication avant l’intervention du contrat administratif proprement dit.

3°. Le Conseil Supérieur des adjudications

Il est à la fois un organe consultatif lorsque l’administration veut modifier le cahier


général des charges ou encore la législation et la réglementation des marchés publics ; il est
surtout l’organe auprès duquel les soumissionnaires évincés sont appelés à introduire le recours
administratif contre la décision de l’autorité adjudicatrice.

D. Le contrat

C’est après la décision d’adjudication qu’intervient la signature du contrat administratif


entre l’adjudicataire et l’autorité adjudicatrice.

E. L’exécution du contrat administratif

Les conditions d’exécution du contrat administratif n’appellent aucune explication car


elles sont déterminées dans les différents cahiers des charges.
156

F. La fin du contrat administratif

Le contrat administratif prend fin soit par le décès du cocontractant soit par l’exécution
définitive du marché soit par la résiliation administrative soit, enfin, par la résolution judiciaire.
En ce qui concerne l’exécution définitive du marché, l’administration organise la commission de
réception ; cette commission peut intervenir à trois niveaux :
- Soit avant même le début d’exécution d’un marché, la commission peut procéder à la
réception technique du matériel ou des produits spécifiques requis dans le cahier des
clauses techniques particulières ; cette précaution est voulue pour éviter de surprises dans
l’exécution du marché ;
- La réception provisoire qui intervient progressivement au fur et à mesure de
l’exécution du marché lorsque l’importance du marché nécessite des fournitures
partielles ou encore des contrôles techniques à chaque étape des travaux réalisés ; ceci
permet d’éviter des vices cachés dans la réalisation totale de l’ouvrage public ;
- La réception définitive qui permet à la commission de réception de réceptionner le
marché, c’est-à-dire de donner quitus au cocontractant, c’est-à-dire de le décharger de sa
responsabilité contractuelle.

Paragraphe 3. Pouvoirs exorbitants de l’administration

Dans l’exécution du contrat administratif, l’administration dispose des privilèges de


puissance publique qui n’existent pas dans le contrat du droit commun ; parmi ces privilèges,
nous citons :
- Le pouvoir de direction ou de surveillance ;
- Le pouvoir de modification unilatérale ;
- Le pouvoir de résiliation unilatérale ;
- Le pouvoir de sanction.
157

A. Le pouvoir de direction ou de surveillance

L’administration désigne normalement un fonctionnaire dirigeant qui a pour mission de


travailler à côté du cocontractant pour contrôler la bonne exécution du marché, surveiller surtout
la conformité des travaux ou des produits à fournir par rapport aux spécifications techniques qui
se trouvent dans le cahier des clauses techniques générales et des clauses techniques particulières.
Le fonctionnaire dirigeant a ici le pouvoir de donner les instructions au cocontractant pour se
conformer au cahier des charges mais également d’ordonner la correction de malfaçon, c’est-à-
dire des travaux mal exécutés.

B. Le pouvoir de modification unilatérale

En vertu de la loi du changement, l’administration contractante peut modifier, sans le


consentement de l’autre partie, de manière unilatérale, l’objet du contrat administratif pour
répondre à un besoin d’intérêt général ; mais cette modification ne doit pas entraîner le
changement de la nature du contrat ; elle doit consister uniquement soit à étendre l’objet du
marché soit à le réduire soit encore à l’adapter. Par exemple, la construction d’une autoroute à six
voix peut être réduite à quatre voix sans le consentement de l’autre partie.

C. Le pouvoir de résiliation unilatérale

Ce pouvoir n’existe pas en droit privé car la résiliation entre parties ne peut être que
conventionnelle ou judiciaire ; mais dans le contrat administratif, toujours en vertu de la loi du
changement, l’administration peut résilier unilatéralement le contrat lorsque les impératifs
d’intérêt général ne justifient plus la poursuite du contrat. Par exemple, le contrat des fournitures
du matériel électoral peut être résilié dès lors que les élections sont renvoyées sine die.
N.B. Il y a lieu de faire la distinction entre la résiliation pour cause d’intérêt général et la
résiliation sanction que nous verrons par la suite ; de même, il y a lieu de retenir que la
modification unilatérale autant que la résiliation unilatérale constituent des privilèges de
l’administration qui peuvent donner lieu à la responsabilité sans faute, c’est-à-dire que
l’administration peut être emmenée à indemniser le cocontractant pour le dommage que celui-ci
158

pourrait subir à la suite de l’augmentation des coûts du contrat par la modification unilatérale ou
encore lorsque le marché est résilié après que le cocontractant ait commencé l’exécution du
marché.

D. Le pouvoir de sanction

L’administration peut sanctionner le cocontractant défaillant en procédant à la résiliation


unilatérale du contrat alors qu’en droit privé, il est de principe que nul ne peut se rendre justice à
soi-même.

Paragraphe 4. Droits et obligations du cocontractant

A. Les droits du cocontractant

1. Le cocontractant a droit au paiement ; c’est ici le lieu de faire la distinction entre le contrat
administratif et le contrat de concession des services publics dans la mesure où le concessionnaire
n’est pas payé par l’administration mais plutôt par les usagers des services publics au moyen des
redevances. Dans le contrat administratif, l’administration est dans l’obligation de payer au
cocontractant le prix convenu dans le contrat.

Il est interdit à l’administration de faire des avances de paiement au cocontractant car le


principe veut que le marché soit rémunéré au content, c’est-à-dire uniquement à la fin de
l’exécution du marché ; cependant, compte tenu de l’importance de certains marchés, le cahier
spécial des charges prévoit le paiement par acompte qui est différent du paiement par avance en
raison du fait que l’acompte est un paiement qui intervient après la réalisation partielle d’un
marché public ; cela suppose une réception partielle du marché pour payer le montant
correspondant à la partie exécutée. Ceci afin d’éviter d’étouffer financièrement le cocontractant
eu égard à l’importance financière du marché.
159

2. Droit au rétablissement de l’équilibre financier

Le cocontractant reste cependant protéger par l’administration malgré sa position


d’infériorité ; ainsi devant certaines situations qui entraînent le bouleversement de l’économie du
marché, c’est-à-dire la perturbation du prix convenu avec l’administration, cette dernière doit
permettre le rétablissement de l’équilibre financier en faveur du cocontractant. L’équilibre
financier du cocontractant peut être rompu à la suite de trois aléas possibles : l’aléa
administratif, l’aléa économique et l’aléa naturel.

a. Aléa administratif

En contractant le marché avec l’administration, le cocontractant s’expose à un risque


administratif qui découle de ce que l’on appelle le fait du prince ; le fait du prince consiste en la
prérogative que détient l’administration de prendre des règles qui s’imposent aux administrés y
compris le cocontractant. Le fait du prince est une mesure administrative prise unilatéralement
par l’administration contractante laquelle mesure vient perturber l’économie du marché ; il s’agit
donc d’une décision administrative prise en matière économique sans pour autant viser
particulièrement le cocontractant mais qui, dans son application, entraîne l’augmentation du coût
du marché. Le fait du prince suppose que la mesure qui déséquilibre le marché émane de la
personne morale contractante étant entendu que si elle émanait d’une autre personne morale,
elle ne serait pas constitutive d’aléa administratif. Ainsi, l’administration est dans l’obligation de
rétablir l’équilibre financier du cocontractant rompue par le fait du prince : l’augmentation du
prix sera supportée par l’administration. Par exemple, la personne morale Etat congolais ayant
conclu un marché avec SAFRICAS pour la construction de la route de Kikwit procède par le
biais du Ministère de l’économie à la révision à la hausse de la taxe sur le ciment ; cette révision
entraînera l’augmentation des coûts des travaux et elle sera à charge de l’administration
contractante.
160

b. Aléa économique

Le risque économique découle de la théorie de l’imprévision ; celle-ci se définit comme


étant un événement un surgit au cours d’exécution du marché, événement indépendant de la
volonté des parties au contrat, un fait imprévisible qui vient perturber l’économie du marché, qui
vient rendre beaucoup plus onéreuse l’exécution du marché. Une telle imprévision entraîne le
déséquilibre financier à telle enseigne que le cocontractant se trouve en difficulté pour poursuivre
correctement l’exécution du marché. Ce bouleversement économique exigera alors l’intervention
de l’administration contractante pour aider le cocontractant à supporter l’augmentation des coûts,
à rétablir l’équilibre du marché. Par exemples : 1. Un contrat signé entre la ville de Kinshasa et la
firme FOREST pour la réhabilitation de la voirie urbaine qui subirait le coût de la taxe sur le
ciment à la suite de la décision du Ministre de l’économie ; il n’y a pas ici aléa administratif mais
plutôt d’aléa économique car cet événement imprévisible n’est pas le fait du prince pour la simple
raison que la décision administrative n’émane pas de l’autorité contractante ; 2. La grève
survenue dans les installations de L’ONATRA et rendant ainsi plus difficile et plus onéreuse
l’exécution d’un contrat ; 3. Le soulèvement de la population paralysant le bon fonctionnement
des entreprises devant concourir à la réalisation du marché.

c. Aléa naturel

Le risque naturel découle de ce que l’on appelle les sujétions imprévues, c’est-à-dire des
événements naturels qui ne sont pas le fait de l’homme (b), qui ne sont le fait du prince (a) mais
qui interviennent de manière tout à fait naturel. Il en est ainsi des inondations, de séisme, des
pluies torrentielles, des incendies, etc. ; différents événement qui viennent perturber l’économie
du marché, qui laissent le cocontractant au désarroi et son seul salut ne viendra que de
l’administration contractante par le bénéfice du rétablissement de l’équilibre financier.

B. Les obligations du cocontractant

Le cocontractant se trouve soumis à deux obligations essentielles : l’exécution personnelle


du marché et l’exécution correcte du marché.
161

1. L’exécution personnelle du marché

La complexité du contrat administratif, marquée par la spécialité des règles qui président à
la désignation du cocontractant, a pour conséquence que le contrat doit être exécuté intuitu
personae, c’est-à-dire en considération de la seule personne qui a rempli les conditions requises
pour l’adjudication ou l’appel d’offres. Ainsi, l’adjudicataire doit exécuter personnellement le
marché, il ne peut pas décider de son gré de le sous-traiter et encore moins de le céder à un tiers
au contrat.

Cependant, certains contrats administratifs comportent de spécialités techniques telles


qu’il serait malaisé de laisser toute l’exécution du contrat au seul adjudicataire ; celui-ci se trouve
dans le besoin de recourir à une expertise technique, donc dans l’obligation de confier certaines
parties techniques à des firmes spécialisées. Pour ce faire, le cocontractant conclura un contrat
de sous-traitance avec des parties tierces au contrat principal, au contrat administratif ; une telle
possibilité doit répondre à deux conditions : d’une part la sous-traitance doit être préalablement
prévue par le cahier spécial des charges, d’autre part, la sous-traitance doit être autorisée par
l’autorité adjudicatrice après avis du Conseil des adjudications ; c’est autant plus normal que
l’administration est en devoir de connaître les tierces personnes qui participent indirectement à
l’exécution du marché.

Si la sous-traitance est possible sous condition, il n’en est pas de même de la cession du
contrat qui est formellement interdite dans le marché public. Exemple, l’entrepreneur chargé de
réhabilité le home d’étudiants sera certainement spécialisé dans les travaux de construction mais
il lui sera peut être difficile de réaliser par lui-même la fabrication des portes et fenêtres, la
réinstallation de tout le système du courent électrique.

2. L’exécution correcte du marché

A la différence des marchés de droit privé qui laissent le cocontractant dans la liberté
totale en termes d’exécution du contrat ou du marché quitte à réceptionner le marché à la fin des
travaux ou de la livraison avec le risque d’opérer la réception sans découvrir le vice caché, le
162

marché public a l’avantage de suivre en permanence l’exécution correcte du marché ; la présence


efficace « du fonctionnaire dirigeant », exige du cocontractant l’exécution parfaite du marché, des
malfaçons sans relever autant que des besoins avec l’obligation de correction et de réparation à
défaut de quoi le marché ne peut être réceptionné et peut faire l’objet des sanctions
administratives ou judiciaires.

SECTION IV. LE REGLEMENT DES CONFLITS

Comme toute relation bilatérale, le contrat administratif peut faire l’objet de conflit entre
les parties ; il est alors important de savoir comment régler ces conflits soit en recourant au juge
soit en subissant la sanction administrative.

Paragraphe 1. Le règlement judiciaire

Plusieurs sortes de conflits peuvent être portées devant le juge et la compétence de celui-
ci sera alors déterminée par la nature du conflit. Nous allons ainsi distinguer les actions qui sont
portées devant le juge du contrat et celles qui sont portées devant le juge de l’excès de pouvoir.

A. Les actions en nullité du contrat

Il est de principe qu’il n’y a pas de nullité sans texte et, sur cette base, les parties au
contrat peuvent saisir le juge pour lui demander de prononcer la nullité du contrat dès lors que
l’une des causes de nullité sera remplie ; cette action en nullité est normalement réservée aux
parties au contrat ; cependant, l’élaboration du contrat administratif fait intervenir plusieurs
soumissionnaires qui ont également un intérêt à la conclusion du contrat administratif ; c’est ainsi
qu’il est admis au concurrent évincé de saisir également le juge de contrat pour obtenir
éventuellement la nullité de celui-ci dès lors que les conditions seront réunies.
163

B. L’action en dommage intérêt (DI)

Le contrat administratif comporte des droits et obligations qui trouvent leur application
dans l’exécution du contrat administratif ; les parties au contrat peuvent réciproquement relever la
mauvaise exécution du contrat par l’une ou l’autre partie ; cette mauvaise exécution constitue ce
que l’on appelle la faute contractuelle. Lorsque cette faute contractuelle cause préjudice, il peut
alors être fait application de l’article 258 du CCC L III pour permettre de saisir le juge du contrat
et d’obtenir la location des DI.
La théorie de recours parallèle est celle qui interdit l’introduction de deux recours
concomitamment et, partant, la responsabilité contractuelle sera préférée à la responsabilité
délictuelle.

C. L’action en résiliation

Au-delà des pouvoirs exorbitants de l’administration, les parties au contrat ont la faculté
de recourir au juge de contrat pour obtenir la résiliation de celui-ci lorsque l’une des parties n’a
pas donné satisfaction aux conditions d’exécution du contrat ; cette action en résiliation est
différente de l’action en nullité non seulement par son objet mais surtout par le fait que seules les
parties les parties au contrat peuvent demander la résolution judiciaire en vertu du principe de la
relativité des contrats.
N.B. Si la compétence du juge dépend de la nature de l’action, il est évident que cette
compétence juridictionnelle doit trouver son fondement dans la loi et cette loi est dynamique, elle
diffère d’un pays à l’autre. En Belgique et en droit congolais jusqu’alors, le juge de contrat et de
la responsabilité se trouve être le juge de droit commun ; la réforme judiciaire à venir en RDC,
avec l’avènement des juridictions administratives, proposera certainement de rattacher les conflits
relevant des contrats administratifs et de la responsabilité administrative rattachés aux juridictions
administratives. En France, ce sont les juridictions administratives qui connaissent des litiges
relatifs aux contrats administratifs et à la responsabilité administrative dans le cadre du régime du
contentieux de pleine juridiction ; les juridictions de droit commun ne connaissent que des litiges
de l’administration qui découlent des activités de droit privé telles qu’en matière foncière, en
matière de contrat de droit privé.
164

D. L’action en annulation

Il faudra faire la différence entre l’action en annulation et l’action en nullité du contrat


pour la grande raison que l’action en annulation est celle qui vise non pas l’annulation du contrat
plutôt l’annulation des actes détachables du contrat administratif.
En effet, le contrat administratif est un acte bilatéral conclu entre deux parties mais dans
la conclusion de ce contrat administratif interviennent des actes unilatéraux de l’administration
que l’on appelle les actes détachables du contrat ; il s’agit des décisions administratives prises par
l’administration pour permettre la conclusion du contrat. L’acte détachable par excellence se
trouve être la décision d’adjudication : celle-ci est une véritable décision administrative, un acte
administratif unilatéral susceptible de REP.
Une autre décision unilatérale est dégagée de l’autorité de tutelle lorsque celle-ci doit
décider de l’approbation ou non du marché ; cette décision d’approbation ou de désapprobation
est également un acte administratif unilatéral susceptible de REP. L’action en annulation est donc
portée non pas devant le juge de contrat mais plutôt devant le juge de l’excès de pouvoir pour
obtenir non pas la nullité de contrat mais plutôt l’annulation d’un acte administratif intervenue
dans la conclusion du contrat.
N.B. Il y a lieu de retenir ici deux observations de taille :
- Au cours de l’exécution du contrat, l’administration rend certaines décisions
unilatérales en vertu des pouvoirs exorbitants qui lui reviennent ; il en est ainsi des
décisions unilatérales de modification ou de résiliation du contrat ; ces décisions
unilatérales n’interviennent pas dans la conclusion mais plutôt dans son exécution. Par
conséquent, si ce pouvoir exorbitant est utilisé de manière abusive dans l’exécution du
contrat, le cocontractant lésé n’ira pas devant le juge de l’excès de pouvoir mais plutôt
devant le juge de contrat ; c’est devant ce juge qu’il demandera des DI pour abus de droit,
abus de pouvoir ; et c’est à bon escient que nous avons admis que ces pouvoirs
exorbitants entraînent de la part de l’administration la réparation financière lorsque la
modification augmente les coûts du contrat ou encore que la résiliation intervient après
l’exécution partielle du contrat ;
- L’action en annulation, souvent introduite aux tiers au contrat et particulièrement le
concurrent évincé, n’a pas un effet direct sur la validité du contrat ; l’annulation de la
165

décision d’adjudication ou de l’approbation n’entraîne pas immédiatement la résiliation


ou la nullité du contrat ; la nullité autant que la résiliation ne peut être que l’œuvre du juge
du contrat ; le juge de l’annulation pour excès de pouvoir ne peut pas décider de la nullité
née de la résiliation du contrat. Le juge de l’excès du pouvoir n’a que la prérogative de
donner injonction aux parties au contrat à le fait de le voir saisir le juge de contrat pour
demander à celui-ci de tirer les conséquences de la décision juridictionnelle d’annulation
de l’acte détachable.

Paragraphe 2. Les sanctions administratives

Dans le cadre de l’exécution correcte du contrat, l’administration dispose également des


sanctions administratives qui relèvent de sa seule compétence sans qu’il soit besoin de recourir au
juge de contrat ou de l’excès de pouvoir ; l’administration se rend ici justice à elle-même en
sanctionnant le comportement fautif du cocontractant. Il peut s’agir du refus de réparer les
malfaçons, de la cession abusive du marché, de la sous-traitance en dehors des conditions
requises et, enfin, de la défaillance totale du cocontractant dans le début d’exécution du marché.
A cet effet, l’administration peut utiliser des sanctions pécuniaires ou encore des sanctions
matérielles :
- Les sanctions pécuniaires concernent principalement les pénalités de retard qui sont
comme des amendes contre le cocontractant qui accuse un retard dans l’exécution du
marché ; ces pénalités de retard ne sont pas à confondre avec les intérêts moratoires qui
relèvent de la compétence du juge de contrat. Les pénalités de retard sont prévues et
fixées dans le cahier spécial des charges de telle sorte que l’administration contractante se
trouve dans une situation de compétence liée ;
- Les sanctions matérielles sont la conséquence de la résiliation unilatérale dans la mesure
où le marché est retiré du cocontractant pour être confié soit de gré à gré à un autre
cocontractant soit parce que l’on appelle la mise « en régie », c’est-à-dire le fait de confier
le marché à une autre administration telle que l’office de route, L’OVD, RECO, etc. soit
encore le marché sera exécuté par « défaut » lorsqu’il s’agira d’un marché de fournitures
qui sera confié à une autre administration (nous verrons en L1 que s’agissant de la
concession des services publics, on parle plutôt « de la mise sous séquestre »).
166

TITRE TROISIEME :
LE CONTRÔLE DE L’ADMINISTRATION

La machine administrative est une machine dangereuse car elle fonctionne avec beaucoup
de puissance, avec le risque de causer les préjudices aux administrés ou encore de porter atteinte
aux règles de conduite établie. L’activité de l’administration mérite donc d’être contrôlée pour
assurer la protection des citoyens et c’est autant vrai que l’administration est une machine de
l’Etat et celui-ci tire sa source de l’organisation des citoyens ; c’est l’idée de droit du souverain
qui sert de fonctionnement à l’existence de l’Etat ; ce souverain doit être protégé par l’Etat contre
les abus de l’administration. Le contrôle de l’administration se situe alors à deux niveaux : au
niveau de la responsabilité administrative et au niveau de la légalité administrative.

CHAPITRE PREMIER :
LE CONTRÔLE DE LA RESPONSABILITE ADMINISTRATIVE

SECTION I. LE PRINCIPE DE LA RESPONSABILITE


ADMINISTRATIVE

L’idée de considérer que l’administration peut être rendue responsable des dommages
causés aux administrés est une idée qui a été longtemps contestée et qui a trouvé son fondement
dans l’œuvre du juge ; par la suite, cette idée a été consacrée par la loi qui a fixé les conditions de
la responsabilité administrative.

Paragraphe 1. Fondement de la responsabilité administrative

Jusqu’au 19ème siècle, l’Etat, considéré comme détenteur du pouvoir politique et de la


puissance publique, ne pouvait « malfaire » ; l’Eta était le Léviathan, le Monstre nécessaire dont
167

le peuple avait besoin pour assurer l’harmonie en société, la paix sociale et l’encadrement des
citoyens ; c’était l’Etat gendarme. L’Etat gendarme avait le bénéfice de l’absolution, il pouvait
causer des dommages aux particuliers mais il était irresponsable, il ne pouvait jamais faire l’objet
d’une action en responsabilité même là où il était fautif. A la fin du 19ème siècle, avec le
développement de l’industrie, l’Etat a entrepris certaines activités pour répondre aux besoins
d’intérêt général qui n’étaient pas satisfaits par l’Etat gendarme ; l’Etat a entrepris des missions
de l’Etat providence qui l’ont emmené à entreprendre des activités industrielles et commerciales.

L’intervention de l’Etat dans les activités des privés a emmené le juge à se poser la
question de savoir si l’exonération de la responsabilité était concevable lorsque le dommage
devait résulter des activités de l’administration régie par des règles de droit privé ; c’est ainsi que
en France, dans un conflit opposant une entreprise publique et une victime d’un accident de
chemin de fer causé par le matériel de transport, le juge de droit commun a voulu condamné
l’administration à réparer le dommage causé à la victime alors que le juge administratif avait
refusé d’établir la responsabilité de l’administration. C’est ainsi que le tribunal des conflits dont
la mission est de départager la juridiction administrative et la juridiction judiciaire sur un conflit
de compétence dans un litige donné, le tribunal de conflit a rendu un arrêt célèbre le 18 février
1873 que l’on appelle « ARRET BLANCO » dans lequel il admettra pour la première fois la
responsabilité administrative tout en indiquant que c’est à la juridiction administrative qu’il
reviendra de condamner l’administration en DI, en réparation du préjudice subit à la suite de son
activité industrielle et commerciale.

La Belgique et le Congo qui fut longtemps sa colonie n’ont admis la responsabilité


administrative que beaucoup plus tard à la suite d’un arrêt devenu également célèbre de la Cour
de Cassation Belge du 05 novembre 1920 dit « ARRET LA FLANDRIA ». La Cour de
cassation devait statuer sur le recours introduit par la Ville de Bruges contre la juridiction de la
Ville de Bruges qui avait condamné la Ville au paiement des DI à la suite d’un accident survenu
par la chute d’un arbre entretenu par la Ville et qui avait blessé un enfant. La Cour de Cassation a
ici admis pour la première fois que l’administration devait être tenue responsable de dommage
résultant du mauvais fonctionnement de ces services publics.
168

Le législateur, aussi bien Français, Belge et Congolais, a consacré le principe de la


responsabilité dans le code civil particulièrement les articles 258 et suivants du CCC LIII ; mais
la spécialité des règles du droit administratif a emmené le juge de la responsabilité administrative
à appliquer des règles spéciales, dérogatoires au droit commun lorsqu’il s’agit de statuer sur la
responsabilité administrative ; ces règles font partie du droit administratif.

Paragraphe 2. Les conditions de la responsabilité administrative

Comme en droit privé, la responsabilité administrative requiert la réalisation de trois


critères : le dommage ou le préjudice, la faute et un lien de causalité entre la faute et le
dommage.
- Le dommage doit être certain et non hypothétique, il doit être direct, c’est-à-dire avoir un
rapport avec l’activité administrative et enfin le dommage doit être effectif, il doit être
spécial et non un dommage qui ne correspond pas à une action déterminée ;
- La faute doit être imputable à l’administration mise en cause, elle doit pouvoir se dégager
de l’activité entreprise par une personne morale de droit public. Mais la responsabilité
administrative est spécialement marquée par le régime de la responsabilité sans faute que
l’on appelle la responsabilité pour risque. Ainsi, l’activité de l’administration peut donner
lieu à la responsabilité administrative en l’absence de toute faute de la part de ladite
administration ; les missions de l’Etat gendarme conduisent à des activités d’intérêt
général, à des décisions prises par l’administration en vue de donner satisfaction à un
besoin d’intérêt général, lesquelles activités peuvent causer un dommage aux administrés
sans pour autant que la faute soit établie. On distingue à ce sujet plusieurs risques qui
peuvent donner lieu à la responsabilité administrative sans faute.
 Le risque découlant des mesures administratives de police en vue de procéder au
rétablissement de l’ordre public ;
 Le risque découlant de l’usage, des pouvoirs exorbitants de l’administration dans
l’exécution d’un contrat administratif ;
 Le risque découlant du rétablissement de l’équilibre financier en faveur du cocontractant ;
 Le risque découlant des prérogatives des puissances publiques dans la protection du
domaine public ;
169

 Le risque découlant du mauvais fonctionnement du service public à l’occasion de


l’exécution des travaux publics, à l’occasion de l’entreposage des munitions et des
explosifs ;
- La dernière condition réside dans le lien de causalité entre la faute ou le risque et le
dommage causé aux particuliers ; il est ici question de se demander si le dommage était
possible sans l’existence de la faute ou du risque auquel cas il n’y aurait aucun lien de
causalité ; le dommage doit nécessairement trouver sa source dans la faute administrative
ou le risque administratif.

SECTION II. LA PERSONNE RESPONSABLE OU L’IMPUTABILITE DE


LAFAUTE

REGIME DE L’IMPUTABILITE

La responsabilité administrative suppose que l’administration soit considérée comme


étant responsable non seulement du préjudice mais également de la faute commise ; pour établir
la faute de l’administration, il existe dans la doctrine deux théories différentes : la théorie belgo-
congolaise et la théorie française.

Paragraphe 1. La théorie belgo-congolaise

Cette théorie appelée également la théorie organiste fait la distinction entre l’organe et le
préposé, elle prend sa source de l’article 261 CCC LIII lequel engage la responsabilité du maître
pour le dommage causé par le commettant. Sur cette base, l’administration est ici assimilée au
maître tandis que les agents ou autorités prennent la place de commettant. Il est alors fait la
distinction au sein de l’administration entre les organes et les préposés considérant que les
organes sont les agents de l’administration qui sont investis d’un pouvoir administratif ; ce sont
ces agents que nous avons considéré comme des autorités administratives de par le fait qu’elles
sont investies des compétences ou d’attributions administratives ; par contre, les préposés sont les
agents chargés d’exécuter les décisions des autorités administratives.
170

A. La responsabilité par le fait du préposé

La théorie belgo-congolaise considère que la faute commise par le préposé engage


d’office la responsabilité de l’administration dès lors que cette faute est commise dans le service
administratif ou encore à l’occasion de l’exécution d’une activité administrative. Par contre,
lorsque le préposé agit sans aucun lien avec ni le service ni avec l’activité administrative, il
engage sa propre responsabilité. Exemple : un policier qui, durant la ronde nocturne, utilise son
fusil pour régler le compte de l’un de ses ennemis, il engage la responsabilité de l’administration.
Par contre, un chauffeur de l’administration qui utilise le véhicule de l’Etat le dimanche pour
aller à la messe et qui fait un accident sur la route causant un dommage à un passant, il engage sa
propre responsabilité.

B. La responsabilité par le fait de l’organe

Lorsque l’organe commet une faute dans l’exercice de ses compétences ou attributions
administratives, la théorie belgo-congolaise considère que le fait de l’organe engage la
responsabilité de l’administration ; il est considéré ici que l’organe agit au nom et pour le compte
de l’administration, il agit en vertu des pouvoirs qui lui ont été conféré par l’administration, il est
alors logique que la faute intervenant dans ce cadre précis engage la responsabilité de
l’administration. Par contre, lorsque l’organe va au-delà de ses attributions, qu’il agit en dehors
des pouvoirs qui lui sont reconnus, il engage alors sa propre responsabilité. Exemples : 1. Le
Ministre du commerce extérieur qui engage qui, usant de ses pouvoirs de tutelle, autorise la
commercialisation du riz avarié ; il agit dans le cadre de ses compétences mais il commet une
faute qui peut entraîner des dommages en engageant la responsabilité de l’Etat ; 2. Le
Bourgmestre de la Commune de LEMBA qui décide de la détention préventive d’un locataire
insolvable qui refuse de sortir de la maison, commet une faute en dehors de ses compétences et
cette faute engagera sa propre responsabilité.
171

Paragraphe 2. La théorie française

Cette théorie fait la distinction entre la faute personnelle et la faute des services
considérant que la faute personnelle engagera la responsabilité de l’agent sans devoir faire la
distinction entre organe et préposé tandis que la faute des services engagera la responsabilité de
l’administration.

A. La faute personnelle
La faute personnelle intervient dans deux hypothèses :
1. L’absence de tous liens avec le service
Il y a faute personnelle lorsque l’agent de l’administration agit en dehors de tous liens
avec le service de l’administration ; on parle ici de la faute détachable ; une faute qui se détache
de toute activité administrative, une faute qui intervient dans un cadre purement privé n’ayant
aucun rapport avec la fonction administrative (voir faute personnelle du préposé). Exemple, un
agent ou autorité de police qui utilise son arme à feu pour se venger de son rival et sans aucun
lien avec une activité de police.
2. La faute non détachable
Dans cette hypothèse, la faute commise par l’agent se réalise à l’intérieur du service ou
dans le cadre d’une fonction administrative mais elle ne s’inscrit pas dans une activité
administrative normale, elle découle d’un sentiment personnel de l’agent, un sentiment de nuire à
autrui ; on parle alors d’une faute nuisible qui ne vise qu’à assouvir un sentiment méchant de la
part de l’agent. Cette faute nuisible est souvent constitutive d’une infraction pénale et, comme
nous le savons, l’infraction pénale est individuelle. Exemples : 1. Un officier de l’état civil qui,
pour nuire à son voisin, décide de détruire dans les archives les différents documents d’état civil
concernant son voisin de telle sorte que celui-ci ne soit plus en mesure d’obtenir les duplicatas
qui lui sont demandés dans le cadre d’un voyage en Europe ; cette faute s’inscrit dans le cadre de
service mais elle est caractérisée par une méchanceté qu’elle ne peut plus engager la
responsabilité de l’administration ; 2. Un OPJ qui, lors de l’interrogatoire, décide de soumettre le
prévenu à des coups et blessures soi-disant pour le corriger ; il commet là une infraction qui ne
peut engager que sa propre responsabilité quand bien même cette faute aurait un lien avec un
service.
172

3. Le cumul des responsabilités

Dans la considération de la faute personnelle et la faute des services, il peut y avoir cumul
des responsabilités soit parce que deux faits différents ont occasionné la faute personnelle et la
faute des services soit encore lorsque un même fait aura donné lieu à la fois à la responsabilité
personnelle et à la responsabilité administrative.

B. La faute du service

Il y a faute de service, soit lorsque l’agent agit dans le cadre du service sans aucune
intention méchante, soit lorsque le service lui-même aura mal fonctionné. Dans la première
hypothèse, le citoyen se trouve protéger par tout manquement qui serait commis par un agent
dans l’exercice de ses fonctions sans devoir faire la distinction entre organe et préposé. Dans la
seconde hypothèse, la faute n’est plus imputable directement à l’agent de l’administration mais
plutôt au service public et l’une des servitudes de l’administration réside justement dans le
principe de continuité et de régularité du service public ; le service public doit fonctionner de
manière correcte et permanente avec comme conséquence que la défaillance dans ce
fonctionnement peut entraîner la responsabilité administrative ; le défaut d’un fonctionnement
régulier et permanent est constitutif d’une faute de service. Par exemple, l’autorité administrative
qui prend une décision entachée d’excès de pouvoir commet une faute de service, cette illégalité
commise dans l’exercice de la fonction administrative est une faute qui engage la responsabilité
de l’administration. Par contre, un chauffeur de l’administration qui fait un accident dans
l’exercice de ses fonctions et que l’accident soit le fait du mauvais fonctionnement des freins de
véhicule, le dommage qui en résulte engagera la responsabilité de l’administration.

Dans la théorie de la faute personnelle comme celle de la faute de service, il peut y avoir
cumul des responsabilités.
173

1. Cumul pour pluralité des fautes

Dans cette hypothèse, l’agent de l’administration commet une faute dans l’exercice de ses
fonctions et en même temps il commet une autre faute purement sentimentale qui s’éloigne des
objectifs de l’administration. Par exemple, le Bourgmestre de la Commune de LIMETE qui
décide de la fermeture abusive d’un hôtel de sa Commune et qui, par la même occasion, décide
de l’arrestation arbitraire du propriétaire de l’hôtel ; dans sa première décision, il y a faute de
service tandis que dans la 2ème décision, il y a faute personnelle commise dans le service.

2. Cumul pour faute unique

Dans cette hypothèse, l’agent de l’administration a commis une faute qui donne lieu à une
double responsabilité : la responsabilité personnelle et la responsabilité administrative. Par
exemples : 1. Le chauffeur de l’administration qui conduit un véhicule sans frein en état d’ivresse
notoire et avec des freins qui ne fonctionnement pas. Dans ce cas, l’accident qui donnerait lieu au
dommage entraînera sa responsabilité personnelle aussi bien que celle de l’administration ; 2. Un
OPJ qui procède à la détention arbitraire d’un prévenu, lequel prévenu trouve la mort dans la
maison d’arrêt par manque d’approvisionnement de nourriture par sa famille ; ici également il y a
faute entraînant la responsabilité et de l’OPJ et de l’administration.

Lorsqu’il y a cumul des responsabilités, le juge procède à la condamnation de la


réparation in solidum, c’est-à-dire que l’une des personnes responsables peut être condamnée
par la totalité ; cependant, le juge aura pour tendance à condamner l’administration considérant
que celle-ci est beaucoup plus solvable que l’agent de l’administration ; l’administration dispose
alors d’une action récursoire contre l’agent de l’administration pour lui faire payer sa part de
responsabilité.
174

SECTION III. REGIMES SPECIAUX DE RESPONSABILITE

Le droit administratif organise deux régimes spéciaux de la responsabilité administrative :


celui découlant de l’exercice des autres fonctions publiques non administratives et celui
découlant des manifestations publiques.

Paragraphe 1. La responsabilité découlant de la fonction législative ou


judiciaire

A. Fonction législative

Il est généralement des principes que la loi ne peut pas donner lieu à la responsabilité de
l’Etat ; ce principe connaît néanmoins deux exceptions :
1. Lorsque la loi qui organise une matière donnée prévoit expressément que les administrés
lésés par l’application d’une telle loi auront droit à une indemnisation ; cette exception
n’en est pas une pour la simple raison qu’elle découle de la loi, c’est la loi qui organise
l’indemnisation de la victime. Il en est ainsi de la loi sur la nationalisation, la loi sur la
réquisition, de la loi sur l’expropriation pour cause d’utilité publique.
2. La jurisprudence administrative autorise exceptionnellement l’indemnisation des victimes
lorsque la loi qui est normalement de portée générale va à l’encontre du principe d’égalité
des citoyens devant la loi et, par voie de conséquence, elle préjudicie une catégorie des
citoyens ; dans ce cas, les citoyens victimes d’une telle injustice sociale auront droit à une
réparation administrative. Exemple : une loi qui décrète la mobilisation de seuls étudiants
de L’UNIKIN pou aller combattre à l’Est du pays ; les victimes d’une telle mobilisation
auront droit à une réparation administrative.

B. La fonction juridictionnelle
L est également de principe que les décisions juridictionnelles ne peuvent donner droit à
aucune responsabilité administrative ; cependant, la jurisprudence administrative a admis que
dans certains cas où l’erreur judiciaire peut être manifeste, les victimes d’une telle erreur peuvent
avoir droit à réparation.
175

Il est important de distinguer ici la fonction juridictionnelle du reste de la fonction


judiciaire, fonction entreprise dans le cadre de l’administration judiciaire ; les actes commis par
des OPJ, les inspecteurs de police judiciaire (IPJ), les agents du greffe ainsi que les agents de
l’administration pénitentiaire sont des actes qui peuvent engager la responsabilité administrative.
D’autre part, les actes posés par les magistrats, constitutifs de dol, concussion et prise à partie
engagent également la responsabilité de l’Etat dans le cadre du régime de substitution des
responsabilités.

Paragraphe 2. Les manifestations publiques

Le régime de la responsabilité de l’Etat du fait des manifestations publiques a connu une


évolution en droit congolais. Jusqu’au 1er octobre 1969, le droit congolais s’inspirait du droit
belge et français pour obtenir la responsabilité de l’Etat et des entités territoriales décentralisées
pour le dommage causé par les manifestants contre les intérêts des administrés à la suite des
manifestations publiques, insurrection et rébellion, partant de la théorie du risque sociale
découlant de la responsabilité de l’Etat dans le maintien de l’ordre public.

Avec les événements qui se sont succédés après l’accession de notre Pays à
l’indépendance, il y a eu tellement des rébellions que l’Etat devrait tomber en faillite avec le
maintien de la théorie du risque sociale ; c’est ainsi que le législateur congolais est intervenu par
sa loi n° 69/044 du 1er octobre 1969 pour mettre fin à cette responsabilité généralisée de l’Etat en
limitant les conditions de la responsabilité de l’Etat pour cause des manifestations publiques. La
nouvelle loi impose les conditions ci-après pour que la responsabilité de l’Etat soit engagée :
1. Le dommage causé à l’occasion des manifestations publiques doit être le fait non pas des
manifestants mais plutôt des agents de l’ordre chargés soit d’assurer l’encadrement des
manifestants soit le rétablissement de l’ordre public ;
2. Le fait des agents de l’ordre public doit être constitutif d’une faute qui ne rentre pas dans
l’exécution normale de la mission de l’ordre public (hypothèse de la faute détachable de
la mission de l’ordre public) ;
3. La victime du dommage doit être un tiers ou une tierce personne à la manifestation
publique et non un des membres du groupe des manifestants.
176

N.B. La loi portant organisation et fonctionnement des partis politiques prévoit d’ailleurs à ce
sujet que le dommage causé par les manifestants engage la responsabilité des partis politiques en
tant que personne morale de droit privé.

SECTION IV. LE REGIME DE SUBSTITUTION DES RESPONSABILITES

Dans le cadre de la théorie belgo-congolaise, nous avons affirmé que l’organe pouvait
bien engager sa propre responsabilité et il en est de même du préposé ; mais l’Etat a organisé un
régime lui permettant de se substituer à la responsabilité de ses agents quand bien même sa
propre responsabilité ne serait pas engagée. Ce régime de substitution se trouve alors organisé
dans différentes lois et il appartiendra au juriste de s’y référer. Il en est ainsi de la responsabilité
de l’Etat pour le dommage causé par les magistrats en cas de dol, concussion et prise à partie ;
malgré la faute du magistrat, c’est l’Etat qui en sera tenu responsable. Il en est également ainsi
pour le dommage causé par le conservateur de titre foncier dans l’exercice de sa fonction lequel
engage la responsabilité de l’Etat malgré la faute du conservateur. Il en est de même de la
responsabilité en matière d’accident causé par le véhicule, le chauffeur n’étant pas tenu
directement responsable mais plutôt le propriétaire du véhicule et dans le cas d’espèce
l’administration. Enfin, dans l’enseignement public, l’Etat est tenu responsable de dommage
causé aux élèves à la suite du défaut de surveillance des instituteurs publics.

SECTION V. LA REPARATION ADMINISTRATIVE

Paragraphe 1. La compétence judiciaire

La compétence du juge de la réparation est déterminée dans le code de l’OCJ. Il est fait la
distinction entre la responsabilité pour faute et la responsabilité pour risque.
177

A. Responsabilité pour faute


En droit congolais, la responsabilité pour faute suit le régime de la responsabilité civile
déterminée par les articles 258 et suivants du CCC LIII ; la compétence du juge de la réparation
est, par voie de conséquence, celle du juge du droit commun selon l’importance du montant du
litige ; en droit français, c’est le juge administratif qui a compétence pour connaître de la
responsabilité administrative.
N.B. La position du droit français sera certainement adoptée dans la réforme de l’organisation
judiciaire en discussion au niveau du Parlement congolais : l’avènement des tribunaux
administratifs justifie le transfert de cette compétence en matière de la responsabilité
administrative au bénéfice des juridictions administratives.

B. La responsabilité pour risque


On distingue à ce sujet la responsabilité pour risque découlant d’une loi particulière
laquelle relève de la compétence du juge déterminée à l’avance dans la loi « ad hoc » ; il en est
ainsi de la loi sur les manifestations publiques, sur l’expropriation qui confère à l’avance la
compétence au juge de droit commun pour statuer sur la responsabilité administrative.
Cependant, dans nombreux de cas, la responsabilité pour risque n’est pas organisée par une loi
particulière de telle sorte que il y aurait déni de justice si le dommage résultant des risques de
l’activité administrative devait rester sans réparation ; c’est ici le lieu de parler du préjudice
exceptionnel lequel préjudice ne relève pas de la compétence du juge de droit commun mais
plutôt du juge administratif. C’est autant dire que lorsque la loi n’a pas prévu la compétence
judiciaire concernant la responsabilité pour risque, lorsqu’aucune juridiction de droit commun ne
peut connaître d’un préjudice découlant de l’activité administrative, on se réfère alors à la théorie
du préjudice exceptionnel et, à ce titre, le droit congolais prévoit que la section administrative de
la CSJ peut connaître du recours en réparation pour préjudice exceptionnel (cfr. infra, chap.2).

Paragraphe 2. Procédure et modalité d’indemnisation

Pour tout ce qui concerne la compétence du juge de droit commun, le juriste consultera le
code des procédures civiles. Pour tout ce qui concerne la compétence du juge administratif, le
chapitre 2ème nous donnera les solutions appropriées.
178

CHAPITRE DEUXIEME :
LE CONTENTIEUX DE LA LEGALITE ADMINISTRATIVE

SECTION I. PRINCIPE DE LA LEGALITE

Le principe de la légalité est devenu un principe général du droit admis par le juge tant
judiciaire qu’administratif ; et de nos jours, le respect de ce principe constitue l’une des
conditions majeures de l’instauration de l’Etat du droit. Dans la définition des Etats modernes, il
est admis que autre les critères de souveraineté et de personnalité juridique, l’Etat se définit par sa
soumission au droit, c’est-à-dire à l’ensemble des règles juridiques créées par l’Etat lui-même ;
l’Etat n’est pas au dessus du droit qu’il crée et encore moins l’administration qui constitue la
machine par laquelle l’Etat agit. Il est alors important de saisir le contenu de la légalité
administrative, sa portée et éventuellement le contrepoids à ce principe de la légalité.

Paragraphe 1. Notion et contenu de la légalité administrative

Lorsque nous parlons du principe de la légalité, nous nous référons au respect de la


hiérarchie des règles juridiques que nous avons examiné dans les sources formelles du droit
administratif ; cette hiérarchie, entre les différentes sources formelles, se trouve à la base du
principe de la légalité administrative, principe selon lequel les règles inférieures doivent se
conformer aux règles supérieures ; la légalité ne correspond pas ici à la loi au sens strict du terme
mais plutôt au sens large, celui qui comprend ce que l’on appelle l’arsenal juridique d’un Etat.
En résume, le principe de la légalité comprend trois impératifs pour l’administration ;
celle-ci doit, dans l’exercice de sa fonction administrative :
1°. Fonder sa décision sur une source formelle dans la hiérarchie que nous avons examiné ;
2°. Sa décision doit se conformer à toute source formelle qui lui soit supérieure ;
3°. Sa décision doit viser l’application de la loi.
Vu sous cet angle, le principe de la légalité constitue une véritable servitude de
l’administration ; celle-ci ne peut pas se dérober de ces trois impératifs.
179

Paragraphe 2. Portée du principe de la légalité

Nous avons admis que le principe de la légalité permet la réalisation de l’Etat de droit
ainsi que l’exercice du pouvoir politique dans la bonne gouvernance ; à ce titre, le principe de la
légalité permet l’accomplissement de trois fonctions au sein de l’Etat et de l’administration :

1°. La fonction de protection des citoyens laquelle fonction empêche le développement de la loi
du plus fort au sein de la société dans la mesure où les citoyens sont protégés contre l’arbitraire
des gouvernants et des autorités administratives ; le principe de la légalité interdit ainsi aux
détenteurs des pouvoirs de se rendre justice à eux-mêmes, ils doivent se référer au pouvoir
judiciaire au même titre que les citoyens ;

2°. Le principe de la légalité permet l’accomplissement de la bonne administration, celle-ci


consiste dans une bonne gestion des affaires de l’Etat en tenant compte non seulement des
privilèges des puissances publiques dont dispose l’administration mais également et surtout des
servitudes de l’administration, particulièrement celles qui imposent le respect du principe de la
légalité. La bonne administration est celle qui se sert du principe de la légalité comme
contrepoids aux privilèges des puissances publiques, celle qui se sert du principe de la légalité
pour se sanctionner par le biais des pouvoirs hiérarchiques et de tutelle et, enfin, celle qui permet
la sanction de l’administration par le pouvoir judiciaire. C’est seulement lorsque l’administration
sera soumise au principe de la légalité que l’on parlera alors de la bonne administration ;
3°. Le principe de la légalité permet la réalisation de la fonction idéologique dans la mesure où
le système politique d’un Etat repose sur le respect ou non des valeurs démocratiques ; ces
valeurs nous permettent de distinguer le système autoritaire du système démocratique tant qu’il
vrai que le respect du principe de la légalité ne trouve sont terrain d’application que dans le
système démocratique.
La démocratique a comme base fondamentale l’exercice du pouvoir par le peuple et pour
le peuple ; c’est du peuple qu’émane le pouvoir des gouvernants et c’est le peuple qui fait les
gouvernants et, par ricochet, c’est le peuple qui fait la loi ; ainsi, le non respect de la loi par les
gouvernants, par les administrateurs équivaut tout simplement au no respect du peuple ; c’est en
cela que le principe de la légalité favorise l’épanouissement d’un Etat démocratique.
180

Paragraphe 3. Les contrepoids au principe de la légalité

Autant la loi est l’expression de la souveraineté, l’expression de la volonté populaire,


autant le peule ne peut être sacrifié en vertu de la loi ; non le peuple ne peut pas être sacrifié et
c’est ainsi qu’en vertu du principe « sallus populi suprema lex », les circonstances
exceptionnelles peuvent justifier que l’autorité administrative agisse au mépris de la loi pour
sauver la Nation. Dans la pratique, trois hypothèses permettent l’application de ce principe
salutaire :

1°. Dans certaines circonstances où l’ordre public est tellement menacé que l’intervention de
l’administration correspond à une sorte de légitime défense et l’action de l’administration peut
aller au-delà de la légalité administrative ; il en sera ainsi des certaines réquisitions de
l’administration qui interviendront dans le mépris de la loi que pour la sauvegarde de l’ordre
public.

2°. Dans la théorie de l’état d’urgence et de l’état du siège, l’administration est appelée à
prendre des mesures spéciales qui peuvent aller jusqu’à la violation du principe de la légalité ;

3°. Dans la théorie du fonctionnaire de fait, nous avons également admis l’exercice d’une
fonction administrative par des personnes étrangères au pouvoir dévolu à l’administration.

Au-delà de ce premier contrepoids qui fait l’unanimité de la doctrine, il existe d’autres


contrepoids qui font l’objet de controverse doctrinale : il s’agit d’une part de la théorie de
compétence discrétionnaire laquelle justifie que dans certaines matières, l’autorité
administrative agisse sans aucune contrainte légale et d’autre part de la théorie des actes de
gouvernement qui admet que certaines décisions émanant de l’exécutif ne soit pas susceptible de
REP ; une partie de la doctrine considère qu’il ne s’agit pas ici des contrepoids au principe de la
légalité dès lors que ces exceptions tirent leur fondement de la loi.
181

SECTION II. LE CONTRÔLE DE LA LEGALITE PAR VOIE


D’EXCEPTION

Il sera question de faire ici la distinction entre d’une part le recours en annulation et
l’exception d’illégalité et d’autre part le recours en annulation et le recours en appréciation de la
constitutionnalité et l’exception d’inconstitutionnalité.

Paragraphe 1. Recours en annulation et exception d’illégalité


- L’exception d’illégalité est soulevée en cours d’instance devant toute juridiction saisie de
l’affaire alors que le recours en annulation ne peut être intenté que devant une juridiction
administrative ;
- L’exception d’illégalité vise à écarter de la religion du juge l’application d’une décision
administrative réputée illégale, elle ne constitue pas une action principale mais plutôt une
action incidencielle appelant le juge à statuer soit par un avant dire droit soit en joignant
l’exception au fond tandis que le recours en annulation vise la suppression d’un acte
administratif réputé illégal, il constitue une action principale qui appelle l’examen du
litige par le juge compétent ;
- L’exception d’illégalité concerne généralement les actes réglementaires ; le droit
congolais a abandonné la possibilité de soulever l’exception d’illégalité contre les actes
individuels car l’article 153 al. 4 de la Constitution ne fait référence qu’aux actes
règlementaires alors qu’en France le juge pénal peut connaître de l’exception d’illégalité
contre un acte individuel lorsque celui-ci sert de fondement juridique à la solution pénale ;
par contre, le recours en annulation concerne à la fois les actes règlementaires et les actes
individuels sans aucune distinction ;
- L’exception d’illégalité peut être soulevée de manière permanente et perpétuelle en ce
sens qu’il n’existe pas de délai pouvant conduire à la forclusion de délai tandis que le
recours en annulation est obligatoirement introduit dans le respect de délai de recours
contentieux (cfr. infra) ;
- L’exception d’illégalité sort ses effets « erga partes », c’est-à-dire vis-à-vis de seules
parties au procès au cours duquel l’exception est soulevée tandis que le recours en
annulation sort ses effets non seulement « erga omnes » mais également « ab ovo ».
182

Paragraphe 2. Recours en annulation et contentieux de la constitutionnalité


- Le contentieux de la constitutionnalité relève de la Cour Constitutionnelle alors que celui
de l’annulation relève des juridictions administratives ;
- Le contentieux de la constitutionnalité porte soit sur l’interprétation des dispositions
constitutionnelles soit sur l’appréciation de la constitutionnalité soit enfin sur l’examen
d’une exception d’inconstitutionnalité alors que le contentieux de l’annulation porte sur
un acte administratif réputé entaché d’excès de pouvoir ;
- Le contentieux de la constitutionnalité concerne uniquement les actes législatifs et
réglementaires tandis que le contentieux de l’annulation porte sur les actes réglementaires
aussi bien qu’individuels ;
- Il n’existe pas de forclusion de délai concernant le contentieux de la constitutionnalité
alors que le contentieux de l’annulation est soumis au respect de délai de recours pour
excès de pouvoir.

SECTION III. LE CONTRÔLE DE LA LEGALITE PAR VOIE D’ACTION

Paragraphe 1. Organisation et compétence de la juridiction administrative

Il est important de retenir que le droit congolais est entrain de réaliser une grande réforme
de ses institutions judiciaires en tenant compte des innovations apportées par la Constitution du
18 février 2006. En effet, le pouvoir judiciaire comprend désormais deux ordres de juridiction
avec la Cour Constitutionnelle : il y aura désormais les juridictions de l’ordre administratif et les
juridictions de l’ordre judiciaire. L’article 154 al.1 de la Constitution dispose que « les
juridictions administratives sont composées du Conseil d’Etat, des Cours et Tribunaux
administratifs ». Le dernier alinéa précise que l’organisation, la compétence et le fonctionnement
des juridictions de l’ordre administratif sont fixés par une loi organique. Cependant, l’article 155
al.1 dispose que le Conseil d’Etat connaît en 1er et dernier ressort de recours pour violation de la
loi formé contre les actes, règlements et décisions des autorités administratives centrales. Dans
les dispositions transitoires, particulièrement l’article 223, il est prévu qu’en attendant
l’installation de la CC, le Conseil d’Etat et Cours de Cassation, la CSJ exercent les attributions
leur dévolues par la présente Constitution.
183

L’O-L n° 82/020 du 31 mars 1982 portant code de l’OCJ précise en ses articles 146 à 149
les compétences de la Cour d’Appel et de la CSJ en matière administrative ; ainsi en attendant les
réformes à venir, le recours en annulation contre les actes des autorités provinciales et locales
relève de la compétence de la Cour d’Appel, section administrative tandis que le recours en
annulation contre les actes des autorités centrales relève de la CSJ, section administrative.

L’avènement prochain des Tribunaux Administratifs, des Cours Administratifs d’Appel et


du Conseil d’Etat entraînera une nouvelle répartition des compétences tant en ce qui concerne le
contentieux de l’annulation qu’en ce qui concerne le contentieux de la responsabilité et celui des
contrats.

Paragraphe 2. Moyens d’annulation

Ce paragraphe concerne les différentes conditions que nous avons étudiées précédemment
dans le chapitre de l’élaboration de l’acte administratif unilatéral.

Le contentieux administratif distingue les moyens de la légalité externe que l’on appelle
également légalité formelle et les moyens de la légalité interne ou légalité matérielle. Les moyens
de la légalité externe sont ceux qui concernent les aspects extérieurs de la décision
administrative : l’auteur de la décision et la forme et la procédure dans lesquels la décision
intervient ; ainsi, parmi les moyens de la légalité externe nous citons l’incompétence, le vice de
forme ou de procédure. Par contre, les moyens de la légalité interne concernent le contenu même
de la décision par rapport d’une part aux impératifs d’intérêt général et d’autre part aux
conditions de fait ou de droit exigées pour l’intervention de telle ou telle décision administrative ;
dans ce cadre, les moyens d’annulation sont : le détournement de pouvoir ou de procédure et la
violation directe de la loi sous forme d’erreurs de fait ou de droit. Le détournement de procédure
est une variante du détournement de pouvoir en ce sens que l’autorité administrative, dans
l’élaboration de sa décision refuse de recourir à la procédure requise en la matière pour utiliser
une autre procédure qui lui est favorable. Exemple, utiliser la procédure rapide de réquisition
pour se dérober de la procédure complexe de l’expropriation pour cause d’utilité publique.
184

Paragraphe 3. Procédure de recours pour excès de pouvoir

A. Le recours administratif préalable

Il est important de noter que le droit positif congolais n’a pas organisé une procédure
administrative particulière lorsque le recours en annulation est porté devant la section
administrative de la Cour d’Appel de telle sorte que le juge congolais, devant cette lacune, a
raisonné par analgie en recourant à la procédure de droit commun en matière civile. Ainsi, la
procédure contentieuse n’a été fixée qu’au niveau de la CSJ par l’O-L n° 017 du 31 mars 1982
portant procédure devant la CSJ. En son article 88, il est dit que aucune requête en annulation
n’est recevable si le requérant n’a pas introduit au préalable un recours administratif auprès de
l’autorité compétente. Pour déterminer l’autorité compétente, il est fait la distinction entre le
recours gracieux et le recours hiérarchique ou de tutelle ; il appartient alors à la victime d’une
telle décision administrative de choisir entre l’auteur de la décision, l’autorité hiérarchique ou de
tutelle selon le cas.

Le recours administratif tient compte de la date de publication ou de notification selon le


cas de la décision querellée car la loi fixe à trois mois le délai de recours administratif lequel
commence à courir à partir de la publication ou de la notification et ce délai concerne le recours
gracieux aussi bien que le recours hiérarchique ou de tutelle (la victime aura intérêt à saisir
directement l’autorité hiérarchique ou de tutelle pour rester dans le délai). Le recours
juridictionnel sera conditionné par la réponse de l’autorité administrative au recours
administratif ; mais il peut se faire que l’autorité administrative reste silencieuse ; dans ce cas,
son silence, dans un délai de trois mois, à partir de la date du dépôt du dossier du recours
administratif, constitue une décision administrative de rejet que l’on appelle en droit décision
tacite ou implicite. Pour protéger l’intimé, le recours administratif sera adressé par la poste, sous
pli recommandé, avec accusé de réception de telle sorte que la date du récépissé postal servira de
point de départ pour calculer le délai du silence de l’administration. Le recours juridictionnel sera
alors introduit dans le délai de trois à partir de la décision explicite ou implicite, c’est-à-dire
décision explicite de l’autorité qui répond au recours administratif ou décision implicite de
l’autorité qui ne répond pas au recours administratif.
185

B. Actes susceptibles de recours en annulation

Tous les actes de l’administration ne sont pas susceptibles de recours en annulation quand
bien même il est clairement dit que le recours en annulation est porté contre les actes des autorités
administratives. Ainsi, les actes qui émanent des personnes privées, des autorités législatives, des
autorités politiques de Gouvernement (acte de Gouvernement), ces actes ne sont pas susceptibles
de REP. Mais, au sein de l’administration, il y a des actes qui relèvent soit de l’état civil soit de
contrats et qui ne sont pas susceptibles de REP ; cependant, dans le contrat administratif, il y a
des actes détachables qui relèvent du contentieux de l’annulation ; par contre, les actes qui
interviennent dans le contrat de droit privé tel que le contrat foncier ne relèvent pas de la
compétence du juge administratif. Dans certains cas précis tel qu’en matière d’expropriation pour
cause d’utilité publique, il y a l’acte unilatéral de l’expropriation qui relève du juge de
l’annulation alors que le litige sur la procédure et l’évaluation du montant de l’expropriation
relève du juge de droit commun. Enfin, au sein de l’administration, il y a des actes unilatéraux
qui ne sont pas exécutoires, qui ne font pas grief et qui, par conséquent, ne peuvent pas faire
l’objet de REP ; parmi ces actes, nous citons : les actes préparatoires, les correspondances
administratives, les actes poste décisoires, les actes comminatoires (les injonctions et les mises en
demeure de l’administration), les actes confirmatifs, les mesures d’ordre intérieur, les circulaires
interprétatives et les directives.

C. Procédure contentieuse

Au niveau de la requête, retenons qu’en droit positif congolais, le ministère d’avocat n’est
pas obligatoire dans la procédure de recours pour excès de pouvoir, retenons également que seuls
les particuliers, c’est-à-dire les personnes physiques ou les personnes morales de droit privé sont
recevables devant le juge de l’excès de pouvoir alors qu’en droit français, mêmes les personnes
morales de droit public y sont recevables.

Au niveau du déroulement de l’instance, retenons que la procédure contentieuse est une


procédure inquisitoire et contradictoire ; inquisitoire, en ce sens que c’est le juge qui conduit le
débat sur base de conclusion et des moyens des parties, il ne peut pas statuer ultra petita.
186

Retenons également que la procédure de sursis à exécution et la procédure de référé judiciaire ne


sont pas encore organisées dans la procédure contentieuse mais le projet de réforme en discussion
au Parlement ont prévu l’organisation du référé suspension ou sursis à exécution et d’autres
référés conservatoires.

Le sursis à exécution est une procédure permettent à l’intimé, tout en adressant sa requête
en annulation auprès du juge compétent, de solliciter de celui-ci la suspension de la décision
querellée jusqu’au prononcé de l’arrêt d’annulation u de rejet de recours, ceci pour éviter que la
mauvaise décision soit irréparable au moment de l’intervention de l’arrêt de l’annulation.

Paragraphe 4. Recours en appel

Les décisions rendues par la Cour d’Appel en matière administrative sont susceptibles
d’appel devant la CSJ, section administrative dans un délai d’un mois.

Paragraphe 5. Les autres compétences de la juridiction administrative

Le droit positif congolais organise auprès de la juridiction administrative ce que l’on


appelle le contentieux de pleine juridiction ; ce contentieux permet à la victime d’une décision
administrative de saisir le juge administratif par une action principale en annulation et par une
action accessoire en réparation ; le fait que le juge administratif doit se prononcer à la fois sur le
recours en annulation et sur le recours en réparation fait de ce contentieux le contentieux de
pleine juridiction ; il est évident que si le juge administratif ne prononce pas l’annulation, il ne
peut pas non plus prononcer la réparation alors que le juge du contentieux de la réparation reste
compétent quand bien même le juge de l’annulation aurait prononcé le rejet ou l’irrecevabilité du
recours pour excès de pouvoir.

Une autre compétence de la juridiction administrative se trouve dans le contentieux en


réparation pour préjudice exceptionnel ; ce contentieux relève exceptionnellement de la section
administrative de la CSJ et, contrairement au contentieux ordinaire de la réparation, le
contentieux pour préjudice exceptionnel est conditionné au recours administratif préalable ; la
187

victime du préjudice exceptionnel doit d’abord introduire une réclamation auprès de l’autorité
administrative responsable du préjudice, ce recours est introduit dans le délai de trois mois de la
survenance de la mesure ou de l’événement ayant entraîné le préjudice exceptionnel. Le recours
pour préjudice exceptionnel est alors introduit dans le délai de trois mois auprès de la section
administrative de la CSJ à partir de la décision explicite ou implicite de l’autorité administrative.
188

TABLE DES MATIERES

Remerciements……………………………………………………......................III

INTRODUCTION ........................................................................................................................................................ 1
CHAPITRE PREMIER : ............................................................................................................................................ 1
L’OBJET DU DROIT ADMINISTRATIF ................................................................................................................ 1
SECTION I. LE CONCEPT «ADMINISTRATION » .............................................................................................. 1
A. Missions de l’Etat gendarme ............................................................................................................................ 2
1°. La protection de l’ordre public ............................................................................................................................. 3
2°. L’encadrement social des citoyens........................................................................................................................ 4
3°. La justice sociale .................................................................................................................................................... 4
B. Les missions de l’Etat providence................................................................................................................... 5
CONCLUSION ................................................................................................................................................. 6
SECTION II. FONCTION ADMINISTRATIVE ................................................................................................. 8
Paragraphe 1. La fonction administrative par rapport à la fonction ................................................................. 9
Parlementaire ...................................................................................................................................................... 9
Paragraphe 2. Fonction administrative par rapport à la fonction ................................................................... 11
Gouvernement.................................................................................................................................................... 11
A. Volet normatif ............................................................................................................................................................ 12
B. Volet fonctionnel ........................................................................................................................................................ 13
1°. Sur le plan organique .......................................................................................................................................... 13
2°. Sur le plan matériel ............................................................................................................................................. 14
a. Gouverner ......................................................................................................................................................... 14
b. Administrer ...................................................................................................................................................... 15
Paragraphe 3. La fonction administrative par rapport à la fonction ............................................................... 16
Judiciaire ........................................................................................................................................................... 16
CHAPITRE DEUXIEME : ....................................................................................................................................... 19
DEFINITION DU DROIT ADMINISTRATIF ....................................................................................................... 19
SECTION I. DROIT ADMINISTRATIF, BRANCHE DU DRIT PUBLIC INTERNE ................................... 20
Paragraphe 1. Droit privé et droit public .......................................................................................................... 20
Paragraphe 2. Droit public interne et droit international public ..................................................................... 21
Paragraphe 3. Droit administratif et les autres branches de droit public ........................................................ 22
interne ................................................................................................................................................................ 22
A. Droit administratif et droit constitutionnel ............................................................................................................. 22
B. Droit administratif et droit fiscal .............................................................................................................................. 23
C. Droit administratif et droit financier ....................................................................................................................... 23
D. Droit administratif et droit économique .................................................................................................................. 24
CONCLUSION ............................................................................................................................................... 24
SECTION II. DROIT ADMINISTRATIF, UN CORPS DES REGLES SPECIALES..................................... 25
SECTION III. DROIT ADMINISTRATIF, ETUDE SCIENTIFIQUE ............................................................ 26
TITRE PRELIMINAIRE :........................................................................................................................................ 27
SOURCES DU DROIT ADMINISTRATIF ............................................................................................................ 27
CHAPITRE PREMIER : .......................................................................................................................................... 28
LES DOURCES FORMELLES DU DROIT ADMINISTRATIF ......................................................................... 28
SECTION I. LA CONSTITUTION ..................................................................................................................... 29
Paragraphe 1. La primauté de la Constitution ................................................................................................. 29
189

Paragraphe 2. Les bases constitutionnelles du droit administratif .................................................................. 30


Paragraphe 3. La protection de la Constitution ............................................................................................... 31
A. La compétence de la Cour Constitutionnelle (CC) ................................................................................................. 32
1°. Exception d’inconstitutionnalité ......................................................................................................................... 32
2°. Recours en inconstitutionnalité .......................................................................................................................... 32
3° Le recours en interprétation ................................................................................................................................ 33
B. Les conditions de saisine de la Cour Constitutionnelle ........................................................................................... 33
SECTION II. TRAITES ET ACCORDS INTERNATIONAUX ....................................................................... 35
Paragraphe 1. Fondement constitutionnel des traités et accords .................................................................... 35
internationaux ................................................................................................................................................... 35
Paragraphe 2. La force juridique des traités et accords internationaux ......................................................... 35
SECTION III. LES ACTES LEGISLATIFS ....................................................................................................... 39
Paragraphe 1. Les lois ....................................................................................................................................... 40
Paragraphe 2. Les actes ayant force de lois ...................................................................................................... 43
Paragraphe 3. Sanction de l’illégalité ............................................................................................................... 45
A. La procédure de recours pour excès de pouvoir ..................................................................................................... 45
B. L’exception d’illégalité .............................................................................................................................................. 46
SECTION IV. LA COUTUME ............................................................................................................................. 50
Paragraphe 1. Fondement juridique de la coutume ......................................................................................... 50
Paragraphe 2. La problématique de la place de la coutume ............................................................................ 51
1°. Sur le plan de la logique : .................................................................................................................................... 52
2°. Sur le plan de la motivation de droit : ................................................................................................................ 52
SECTION V. LES PRINCIPES GENERAUX DE DROIT ................................................................................ 53
Paragraphe 1. Définition et fondement juridique ............................................................................................ 53
Paragraphe 2. La valeur des principes généraux du droit ............................................................................... 54
SECTION VI. LES DECISIONS JURIDICTIONNELLES (LA CHOSE JUGEE) ......................................... 54
SECTION VII. LES DECISIONS ADMINISTRATIVES ................................................................................. 56
CHAPITRE EUXIEME :...................................................................................................................................... 57
LES SOURCES SOCIOLOGIQUES DU DROIT ADMINISTRATIF ............................................................. 57
TITRE PREMIER : ................................................................................................................................................... 58
L’ORGANISATION ADMINISTRATIVE ............................................................................................................. 58
CHAPITRE PREMIER : .......................................................................................................................................... 59
LES TECHNIQUES D’ORGANISATION ADMINISTRATIVE ......................................................................... 59
SECTION I. LA CENTRALISATION ADMINISTRATIVE ............................................................................ 59
Paragraphe 1. La concentration administrative ............................................................................................... 60
Paragraphe 2. La déconcentration administrative ........................................................................................... 61
A. Déconcentration territoriale ..................................................................................................................................... 62
B. Déconcentration technique ........................................................................................................................................ 63
Paragraphe 3. Les pouvoirs hiérarchiques du Ministre ................................................................................... 65
1°. Le pouvoir d’injonction et d’instruction ............................................................................................................ 65
2°. Le pouvoir de correction et de réformation ....................................................................................................... 65
3°. Le pouvoir de substitution .................................................................................................................................. 66
4°. Le pouvoir d’annulation ...................................................................................................................................... 66
SECTION II. LA DECENTRALISATION ADMINISTRATIVE..................................................................... 67
Paragraphe 1. Décentralisation et personnalité morale ................................................................................... 68
A. Autonomie organique ................................................................................................................................................ 68
B. L’autonomie matérielle ............................................................................................................................................. 69
C. L’autonomie patrimoniale ........................................................................................................................................ 71
D. Autonomie juridique ................................................................................................................................................. 71
Paragraphe 2. Décentralisation administrative et tutelle administrative ......................................................... 72
A. Le pouvoir d’autorisation ......................................................................................................................................... 73
B. Le pouvoir d’approbation ou droit de veto .............................................................................................................. 74
Pouvoir d’opposition ou droit de veto ........................................................................................................................... 76
C. Le pouvoir de substitution ........................................................................................................................................ 78
D. Le pouvoir d’annulation............................................................................................................................................ 79
Paragraphe 3. Décentralisation territoriale – décentralisation technique ...................................................... 80
190

A. Décentralisation territoriale ...................................................................................................................................... 80


B. Décentralisation technique ou par service ............................................................................................................... 81
Paragraphe 4. Décentralisation, fédéralisme et régionalisme ......................................................................... 84
A. Décentralisation et fédéralisme ................................................................................................................................. 84
1°. Sur le plan de la nature juridique. ..................................................................................................................... 84
2°. Sur le plan des effets juridiques. ......................................................................................................................... 85
3°. Sur le plan de compétence ................................................................................................................................... 85
4°. Sur le plan de rapport juridique......................................................................................................................... 86
TABLEAU RECAPITULATIF ..................................................................................................................... 86
DIFFERENCE ENTRE : ............................................................................................................................... 86
B. Décentralisation et régionalisme ............................................................................................................................... 88
CHAPITRE DEUXIEME : ....................................................................................................................................... 90
ORGANISATION DE L’ADMINISTRATION TERRITORIALE ...................................................................... 90
EN RDC ...................................................................................................................................................................... 90
TITRE DEUXIEME : ................................................................................................................................................ 90
LA FONCTION ADMINISTRATIVE ..................................................................................................................... 90
SOUS TITRE I. .......................................................................................................................................................... 90
LES MODALITES D’ACTION DE L’ADMINISTRATION ................................................................................ 90
CHAPITRE PREMIER : .......................................................................................................................................... 91
ACTE UNILATERAL DE L’ADMINISTRATION OU ENCORE ACTE ADMINISTRATIF UNILATERAL
..................................................................................................................................................................................... 91
SECTION I. DEFINITION DE L’ACTE ADMINISTRATIF UNILATERAL ................................................ 91
Paragraphe 1. Critères de définition ................................................................................................................. 91
A. Critère organique ...................................................................................................................................................... 91
B. Critère matériel ou fonctionnel ................................................................................................................................. 92
Définition retenue : ......................................................................................................................................................... 92
Paragraphe 2. Catégories d’actes administratifs .............................................................................................. 93
A. Acte réglementaire ..................................................................................................................................................... 93
B. Acte individuel ........................................................................................................................................................... 93
C. Les actes particuliers ................................................................................................................................................. 94
D. Acte exécutoire ou non exécutoire ............................................................................................................................ 95
E. Les actes de Gouvernement ....................................................................................................................................... 95
F. Les actes inexistants ................................................................................................................................................... 97
SECTION II. ELABORATION DE L’ACTE ADMINSITRATIF UNILATERAL......................................... 98
Paragraphe 1. La compétence de l’auteur de l’acte administratif ................................................................... 99
A. Définition ............................................................................................................................................................... 99
B. Les formes de compétence ....................................................................................................................................... 100
1°. La compétence matérielle .................................................................................................................................. 100
a. Usurpation des fonctions .......................................................................................................................... 101
b. Empiétement des fonctions ...................................................................................................................... 102
- Situation d’intérim............................................................................................................................ 102
- Situation de suppléance .................................................................................................................... 103
- Situation du commissionnement ...................................................................................................... 104
- Situation de délégation ..................................................................................................................... 105
Délégation des pouvoirs .............................................................................................................. 105
Délégation des signatures ........................................................................................................... 106
c. Empiétement des pouvoirs ............................................................................................................................. 107
2°. Compétence territoriale .................................................................................................................................... 108
3°. Compétence temporaire .................................................................................................................................... 109
C. La forme et la procédure de l’acte administratif unilatéral ................................................................................. 110
D. Le but de l’acte administratif ................................................................................................................................. 113
1°. Le mobile étranger ............................................................................................................................................. 113
2°. Le mobile financier ............................................................................................................................................ 113
3°. Le mobile sentimental ........................................................................................................................................ 114
E. L’objet de l’acte administratif unilatéral ............................................................................................................... 114
191

1°. La compétence discrétionnaire ......................................................................................................................... 115


2°. Compétence liée ................................................................................................................................................. 115
a. Erreur de droit ............................................................................................................................................... 116
b. Erreur de fait ................................................................................................................................................. 117
SECTION III. EXECUTION DE L’ACTE ADMINISTRATIF UNILATERAL ........................................... 118
Paragraphe 1. Entrée en vigueur de l’acte administratif .......................................................................................... 118
Paragraphe 2. Les effets de l’acte exécutoire ................................................................................................. 119
A. Principe du non rétroactivité .................................................................................................................................. 119
B. Principe du préalable ou d’exécution d’office ....................................................................................................... 120
Paragraphe 3. Les sanctions pour inexécution .............................................................................................. 122
A. Sanction pénale ........................................................................................................................................................ 122
B. Les sanctions administratives ................................................................................................................................. 123
C. Les sanctions judiciaires .......................................................................................................................................... 124
D. L’exécution forcée.................................................................................................................................................... 124
SECTION IV. DISPARITION DE L’ACTE ADMINISTRATIF UNILATERAL......................................... 126
Paragraphe 1. Notions générales .................................................................................................................... 126
A. Désuétude et caducité .............................................................................................................................................. 126
B. L’abrogation ............................................................................................................................................................. 127
C. Le retrait .................................................................................................................................................................. 127
D. L’annulation ............................................................................................................................................................. 128
Paragraphe 2. L’abrogation ............................................................................................................................ 128
A. Actes réguliers .......................................................................................................................................................... 128
1°. Actes réglementaires .......................................................................................................................................... 129
2°. Actes individuels ................................................................................................................................................ 129
a. Actes créateurs de droit ................................................................................................................................. 129
b. Les actes non créateurs de droit ................................................................................................................... 131
B. Les actes irréguliers ................................................................................................................................................. 132
Paragraphe 3. Le retrait .................................................................................................................................. 132
A. Actes réguliers .......................................................................................................................................................... 132
B. Actes irréguliers ....................................................................................................................................................... 133
Paragraphe 4. L’annulation ............................................................................................................................ 133
A. L’annulation administrative ................................................................................................................................... 133
B. L’annulation judiciaire ............................................................................................................................................ 134
CHAPITRE DEUXIEME : ..................................................................................................................................... 135
LE CONTRAT ADMINISTRATIF ........................................................................................................................ 135
SECTION I. NOTION ET CONDITIONS DE FORMATION DU CONTRAT ADMINISTRATIF ........... 135
Paragraphe 1. Définition du contrat administratif ......................................................................................... 135
A. Critère légal .............................................................................................................................................................. 135
1°. Marché des fournitures ..................................................................................................................................... 136
2°. Le marché des travaux publics ......................................................................................................................... 137
3°. Les marchés de prestation de services .............................................................................................................. 137
B. Les critères jurisprudentiels ................................................................................................................................... 138
1. Premier critère .................................................................................................................................................... 138
2. Deuxième critère .................................................................................................................................................. 140
Paragraphe 2. Conditions de formation du contrat administratif .................................................................. 141
A. Règles de compétence .............................................................................................................................................. 142
B. Règles de forme ........................................................................................................................................................ 143
SECTION II. LES MODES DE PASSATION DES MARCHES PUBLICS ................................................... 143
Paragraphe 1. Le marché de gré à gré ............................................................................................................ 144
A. La valeur du marché de gré à gré........................................................................................................................... 144
B. La nature spécifique du marché ............................................................................................................................. 145
Paragraphe 2. L’adjudication ......................................................................................................................... 146
A. Adjudication publique ............................................................................................................................................. 146
B. L’adjudication restreinte ou fermée ....................................................................................................................... 147
Paragraphe 3. L’appel d’offres ....................................................................................................................... 148
SECTION III. LE REGIME JURIDIQUE DU CONTRAT ADMINISTRATIF ........................................... 150
Paragraphe 1. Le cahier des charges .............................................................................................................. 150
A. Différentes catégories de cahier des charges ......................................................................................................... 150
192

B. Nature juridique de cahier des charges .................................................................................................................. 152


Paragraphe 2. Procédure d’adjudication ........................................................................................................ 153
A. La publicité............................................................................................................................................................... 153
B. La soumission ........................................................................................................................................................... 153
C. L’adjudication.......................................................................................................................................................... 154
1°. Le Conseil des adjudications ............................................................................................................................. 154
2°. L’autorité adjudicatrice .................................................................................................................................... 155
3°. Le Conseil Supérieur des adjudications ........................................................................................................... 155
D. Le contrat ................................................................................................................................................................. 155
E. L’exécution du contrat administratif .................................................................................................................... 155
F. La fin du contrat administratif ............................................................................................................................... 156
Paragraphe 3. Pouvoirs exorbitants de l’administration ............................................................................... 156
A. Le pouvoir de direction ou de surveillance ............................................................................................................ 157
B. Le pouvoir de modification unilatérale .................................................................................................................. 157
C. Le pouvoir de résiliation unilatérale ...................................................................................................................... 157
D. Le pouvoir de sanction ............................................................................................................................................ 158
Paragraphe 4. Droits et obligations du cocontractant .................................................................................... 158
A. Les droits du cocontractant .................................................................................................................................... 158
1. Le cocontractant a droit au paiement ; c’est ici le lieu de faire la distinction entre le contrat administratif et le
contrat de concession des services publics dans la mesure où le concessionnaire n’est pas payé par l’administration
mais plutôt par les usagers des services publics au moyen des redevances. Dans le contrat administratif,
l’administration est dans l’obligation de payer au cocontractant le prix convenu dans le contrat. ............................ 158
2. Droit au rétablissement de l’équilibre financier ............................................................................................... 159
a. Aléa administratif .......................................................................................................................................... 159
b. Aléa économique ............................................................................................................................................ 160
c. Aléa naturel .................................................................................................................................................... 160
B. Les obligations du cocontractant ............................................................................................................................ 160
1. L’exécution personnelle du marché ................................................................................................................... 161
2. L’exécution correcte du marché ......................................................................................................................... 161
SECTION IV. LE REGLEMENT DES CONFLITS ........................................................................................ 162
Paragraphe 1. Le règlement judiciaire ........................................................................................................... 162
A. Les actions en nullité du contrat ............................................................................................................................. 162
B. L’action en dommage intérêt (DI) .......................................................................................................................... 163
C. L’action en résiliation .............................................................................................................................................. 163
D. L’action en annulation ............................................................................................................................................ 164
Paragraphe 2. Les sanctions administratives ................................................................................................. 165
TITRE TROISIEME : ............................................................................................................................................. 166
LE CONTRÔLE DE L’ADMINISTRATION ....................................................................................................... 166
CHAPITRE PREMIER : ........................................................................................................................................ 166
LE CONTRÔLE DE LA RESPONSABILITE ADMINISTRATIVE ................................................................. 166
SECTION I. LE PRINCIPE DE LA RESPONSABILITE ADMINISTRATIVE ........................................... 166
Paragraphe 1. Fondement de la responsabilité administrative ...................................................................... 166
Paragraphe 2. Les conditions de la responsabilité administrative ................................................................. 168
SECTION II. LA PERSONNE RESPONSABLE OU L’IMPUTABILITE DE LAFAUTE .......................... 169
Paragraphe 1. La théorie belgo-congolaise .................................................................................................... 169
A. La responsabilité par le fait du préposé ................................................................................................................. 170
B. La responsabilité par le fait de l’organe ................................................................................................................. 170
Paragraphe 2. La théorie française ................................................................................................................ 171
A. La faute personnelle ................................................................................................................................................ 171
1. L’absence de tous liens avec le service ............................................................................................................... 171
2. La faute non détachable ...................................................................................................................................... 171
3. Le cumul des responsabilités .............................................................................................................................. 172
B. La faute du service ................................................................................................................................................... 172
1. Cumul pour pluralité des fautes ......................................................................................................................... 173
2. Cumul pour faute unique.................................................................................................................................... 173
SECTION III. REGIMES SPECIAUX DE RESPONSABILITE .................................................................... 174
Paragraphe 1. La responsabilité découlant de la fonction législative ou ...................................................... 174
193

judiciaire .......................................................................................................................................................... 174


A. Fonction législative .................................................................................................................................................. 174
B. La fonction juridictionnelle ..................................................................................................................................... 174
Paragraphe 2. Les manifestations publiques .................................................................................................. 175
SECTION IV. LE REGIME DE SUBSTITUTION DES RESPONSABILITES ............................................ 176
SECTION V. LA REPARATION ADMINISTRATIVE .................................................................................. 176
Paragraphe 1. La compétence judiciaire ........................................................................................................ 176
A. Responsabilité pour faute ........................................................................................................................................ 177
B. La responsabilité pour risque ................................................................................................................................. 177
Paragraphe 2. Procédure et modalité d’indemnisation .................................................................................. 177
CHAPITRE DEUXIEME : ..................................................................................................................................... 178
LE CONTENTIEUX DE LA LEGALITE ADMINISTRATIVE ........................................................................ 178
SECTION I. PRINCIPE DE LA LEGALITE ................................................................................................... 178
Paragraphe 1. Notion et contenu de la légalité administrative ...................................................................... 178
Paragraphe 2. Portée du principe de la légalité .............................................................................................. 179
Paragraphe 3. Les contrepoids au principe de la légalité .............................................................................. 180
SECTION II. LE CONTRÔLE DE LA LEGALITE PAR VOIE D’EXCEPTION ........................................ 181
Paragraphe 1. Recours en annulation et exception d’illégalité ..................................................................... 181
Paragraphe 2. Recours en annulation et contentieux de la constitutionnalité.............................................. 182
SECTION III. LE CONTRÔLE DE LA LEGALITE PAR VOIE D’ACTION .............................................. 182
Paragraphe 1. Organisation et compétence de la juridiction administrative ................................................ 182
Paragraphe 2. Moyens d’annulation .............................................................................................................. 183
Paragraphe 3. Procédure de recours pour excès de pouvoir .......................................................................... 184
A. Le recours administratif préalable ......................................................................................................................... 184
B. Actes susceptibles de recours en annulation .......................................................................................................... 185
C. Procédure contentieuse ........................................................................................................................................... 185
Paragraphe 4. Recours en appel ..................................................................................................................... 186
Paragraphe 5. Les autres compétences de la juridiction administrative ........................................................ 186

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