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Groupe Institut Supérieur de Commerce

et d’Administration des Entreprises


Centre Casablanca

Mémoire de fin d’études


Option : Audit et Contrôle de Gestion

Le dilemme de l’auditeur : comment allier


responsabilité, compétitivité et rentabilité ?
Quelle approche pour l’auditeur ?

Rédigé par : TALBI Hamza

Encadré par : M.FALHAOUI Khalid

Année Universitaire : 2014-2015


Dédicaces

Je dédie mon modeste travail à :

 Mon cher papa, Monsieur TALBI Abderrahim, qui a

toujours cru en moi et a mis à ma disposition tous les

moyens nécessaires pour que je réussisse dans mes

études.

 Ma chère mère, NOUN Nezha, que je ne cesse de

remercier pour tout ce qu’elle m’a donné durant sa vie.

Elle m’a supporté 9 mois dans son ventre et a fait de

moi l’homme que je suis aujourd’hui. Que Dieu la

récompense pour tous ces bienfaits et que son âme

repose en paix.

 Ma sœur et mon frère qui ont été toujours derrière moi

et m’ont aidé beaucoup. Que leurs âmes reposent en

paix.

1
Le dilemme de l’auditeur : comment allier responsabilité, compétitivité et rentabilité
Remerciements

Avant de commencer la présentation de ce travail, je profite de l’occasion pour remercier


toutes les personnes qui ont contribué de près ou de loin à la réalisation de ce projet de fin
d’études.

Je tiens à exprimer mes vifs remerciements pour mon respectueux professeur, M. Khalid
FALHAOUI, d’avoir accepté de m’encadrer pour mon projet de fin d’études, ainsi que pour
son soutien, ses remarques pertinentes et son encouragement.

Je tiens à exprimer ma profonde reconnaissance et toutes mes pensées de gratitude à l’équipe


DELOITTE, qui m’a accueilli au début de ce stage, et qui m’a accompagné de près durant
tout ce travail, pour sa disponibilité, pour la confiance qu’il a su m’accorder et les conseils
précieux qu’il m’a prodigués tout au long de la réalisation de ce projet.

Mes remerciements vont aussi à Mme BIAZ pour son soutien et ses remarques pendant toute
la période du stage, et à tous mes professeurs, enseignants et toutes les personnes qui m’ont
soutenus jusqu’au bout, et qui n’ont pas cessé de me donner des conseils très importants en
signe de reconnaissance

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Le dilemme de l’auditeur : comment allier responsabilité, compétitivité et rentabilité
Résumé :
Ce présent mémoire traite une problématique qui touche le métier de l’audit financier. Cette
problématique se rapporte aux différentes pratiques qui permettront à l’auditeur financier
d’éviter toute remise en cause de sa responsabilité, sa compétitivité et sa rentabilité. Dans ce
stade nous avons montré la manière dont le cabinet DELOITTE Maroc gère cette
problématique face à un marché d’audit en pleine maturité et compétitivité avec la mise en
évidence des pistes susceptibles de développer la valeur ajoutée au regard des clients qui
présentent des besoins de plus en plus complexes au sein d’un environnement en perpétuelle
mutation.

Abstract
This thesis treats a problem related to the financial auditing profession. This question refers to
various practices that will enable the financial auditor to avoid any questioning of his
responsibility, competitiveness and profitability.

In this stage we showed how the firm DELOITTE Morocco manages this problem facing an
audit mature market and competitiveness with the highlight tracks likely to develop the added
value in terms of clients who have needs of increasingly complex within a constantly
changing environment.

Mots clés
Les diligences d’audit : c’est les travaux d’audit à dérouler

Le seuil de signification : C’est le montant à partir duquel des inexactitudes, isolées ou


cumulées, auraient pour effet, compte tenu des circonstances, de modifier ou d’influencer le
jugement d’une personne raisonnable se fiant aux états de synthèse

La revue analytique : c’est une technique d’audit utilisée pour avoir une vision sur les
tendances de l’activité de l’entreprise auditée

Les normes ISA : ce sont des normes internationales d’audit que chaque pays doit adopter en
prenant en considération son environnement économique.
SOMMAIRE
Dédicaces ......................................................................................................................................................... 1
Remerciements ................................................................................................................................................ 2
INTRODUCTION ................................................................................................................................................ 4
PARTIE 1 : analyse de la problématique posée à l’auditeur entre responsabilité, compétitivité, et rentabilité
Chapitre 1. L’audit : une obligation légale ....................................................................................................... 6
Section 1. Evolution du rôle de l’auditeur .......................................................................................................... 6
Section 2. Les risques d’audit ............................................................................................................................. 7
Risque inhérent : ............................................................................................................................................ 7
Risque de contrôle :........................................................................................................................................ 7
Risque de non détection ................................................................................................................................ 8
Section 3. Les limites .......................................................................................................................................... 8
Chapitre 2. La problématique posée à l’auditeur entre responsabilité, compétitivité et rentabilité ............... 17
Section 1. Une menace concurrentielle accrue ................................................................................................ 17
Section 2. … une solution ambiguë ................................................................................................................... 18
Section 3. Les motivations liées à la survie commerciale des cabinets d’audit ................................................ 20
Partie 2. Comment DELOITTE gère-t-il cette ambiguïté ?
Chapitre 1. Au sein d’un environnement légal : .............................................................................................. 22
Section 1. Cadre légal ....................................................................................................................................... 22
Section 2. Responsabilités ................................................................................................................................ 23
Section 3. Sélection des clients ......................................................................................................................... 24
Chapitre 2. La politique de « Global Risk Management » de DELOITTE ........................................................... 25
Section 1. Une méthodologie comme cadre pour gérer cette problématique ................................................ 25
Section 2. Les auditeurs comme gestionnaires de cette problématique ......................................................... 35
Rôle de chaque collaborateur ...................................................................................................................... 35
Avantages/Inconvénients du métier de l’auditeur : ..................................................................................... 39
Section 3. Les pistes de développement de la valeur ajoutée de l’audit (recommandations) :................... 40
Conclusion sur la problématique .................................................................................................................... 46
Conclusion sur le stage ................................................................................................................................... 48
Bibliographie .................................................................................................................................................. 49

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Le dilemme de l’auditeur : comment allier responsabilité, compétitivité et rentabilité
INTRODUCTION

Pour répondre à une mondialisation des économies toujours croissante, les cabinets
DELOITTE HASKINS & Sells et Touch Ross international ont fusionné en 1989. Ainsi la
naissance de Deloitte Touche Tohmatsu a permis non seulement de rendre un service global,
rapide et efficace grâce à une forte présence locale dans le monde entier , mais aussi
d’atteindre une taille critique et de réduire d’avantage les coûts par des économies d’échelles.

Cette fusion a permis à Deloitte Touche Tohmatsu de devenir leader mondial sur le marché de
l’audit et de conseil avec un chiffre d’affaires atteignant 32,4 Milliards de dollars en 2013. Il
est également le plus grand cabinet en termes de masse salariale avec un effectif de 182 000
employés

Cabinets CA 2013 (en milliards de $) Nationalité


DELOITTE 32,4 États-Unis
PricewaterhouseCoopers 32,1 Royaume-Uni
EY 25,8 Royaume-Uni
KPMG 23,4 Pays-Bas

Ainsi, pour effectuer un stage dans un Big Four comme Deloitte représente une expérience
particulièrement enrichissante et valorisante :

- Enrichissante car elle met en exergue l’application concrète d’une formation


théorique, la diversité des entreprises auditées, des secteurs abordés et des personnes
rencontrées.

Une telle expérience demande une adaptation continue, une ouverture d’esprit et une
diplomatie envers le client toujours plus grande

- Valorisante car cela constitue une formation reconnue par les tiers, mais aussi parce
qu’elle met le stagiaire en situation et fait de lui un membre à part entière de l’équipe.

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Le dilemme de l’auditeur : comment allier responsabilité, compétitivité et rentabilité
Une telle immersion durant le stage exige, par conséquent, un comportement
opérationnel et professionnel dès le début des missions. En effet, le risque qu’encoure
tout cabinet d’audit est omniprésent et sa gestion au quotidien responsabilise dès le
premier instant les membres de l’équipe.

Par sa présence, le risque fait partie intégrante de la démarche d’audit et de sa


méthodologie : non seulement l’auditeur doit couvrir des risques- l’auditeur est une
garantie pour la qualité de l’information financière fournie par une entreprise-, mais il
doit aussi courir des risques puisque sa responsabilité peut être engagée en justice dans
le cas d’une erreur de jugement et compromettre par la même sa crédibilité
professionnelle.

On comprend alors que l’objectif premier d’un auditeur est de gérer ce risque
en le limitant au maximum.

Dans un même temps, Deloitte en qualité d’entreprise, se doit d’être compétitive


et rentable face à une concurrence toujours plus accrue.

A ce titre, Deloitte doit faire face à trois enjeux majeurs : celui de limiter le
risque de « mise en cause » de sa responsabilité au sein d’un cadre légal ; celui de
maintenir et de développer sa compétitivité commerciale pour une plus grande
satisfaction du client ; et enfin, le maintien de sa rentabilité qui est l’objectif majeur de
toute entreprise.

Comment est-il alors possible de concilier des objectifs qui, s’ils ne sont pas
incompatibles, n’ont pas exactement la même optique d’action ?

C’est cette ambiguïté que je développerai dans ce mémoire en décrivant en premier


lieu le problème posé, puis en abordant, dans un second temps, l’attitude qu’a adopté
Deloitte pour palier à de tels risques de divergences.

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Le dilemme de l’auditeur : comment allier responsabilité, compétitivité et rentabilité
PARTIE 1 : analyse de la problématique posée à l’auditeur
entre responsabilité, compétitivité, et rentabilité

Chapitre 1. L’audit : une obligation légale


Section 1. Evolution du rôle de l’auditeur

Apparu au 19ème siècle, l’audit, bien que souvent considéré comme « un mal
nécessaire », répond à un réel besoin de chaque entreprise, des marchés des capitaux et du
système économique dans son ensemble, à savoir la transparence.

En tant que garant de la qualité des informations financières émises, l’audit concerne
l’ensemble des partenaires (parties prenantes) de l’entreprise : les actionnaires, les banques,
les fournisseurs, les clients, les salariés et l’Etat.

Le marché marocain de l’audit financier a surtout énormément bénéficié de la loi 17-95,


faisant de l’audit des comptes une obligation légale pour toutes les sociétés anonymes (Co-
commissariat aux comptes pour celles qui sont cotées) et pour les sociétés à responsabilité
limitée et sociétés en nom collectif dépassant 50 millions de DH en termes de chiffre
d’affaires.

Cette loi a créé une véritable situation de rente pour les cabinets d’audit, développant
leur marché à la fois en volume et en valeur.

La loi attribue aux commissaires aux comptes la mission de certifier que « les comptes
sont régulier, sincères, et donnent dans tous leurs aspects significatifs une image fidèle du
patrimoine de l’entreprise ainsi que de son résultat et sa situation financière ». L’appréciation
doit se faire à partir des éléments suivants :

 La régularité des comptes (c’est-à-dire leur conformité aux principes réglementaires)


 La sincérité des comptes (appréciation correcte et raisonnable des valeurs
comptables)
 La transmission d’une image fidèle de l’entreprise (principe à respecter lorsque la
règle n’existe pas ou est insuffisante)
 La prudence (éviter le transfert sur l’avenir d’incertitudes présentes)

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Le dilemme de l’auditeur : comment allier responsabilité, compétitivité et rentabilité
Un commissaire aux comptes peut donc certifier des comptes mauvais mais correctement
établis.

L’opinion émise peut être soit une certification non qualifiée (le rapport certifie la
sincérité des comptes), soit une certification avec une réserve (le rapport ne certifie pas la
sincérité de tous les comptes et en explique les raisons), soit un refus de certification (lorsque
les états financiers ne reflètent pas la situation réelle du client et le rapport en indique les
raisons)

Section 2. Les risques d’audit

Le risque lors d’une mission d’audit est de ne pas déceler une erreur ou une irrégularité
significative des états financiers. Ce risque peut se présenter à trois niveaux

Risque inhérent :

Ce risque est indépendant de l’intervention de l’auditeur.

Cela peut être par exemple :

La nature de l’activité du client ;


Le secteur d’activité ;
La réglementation qui lui est applicable ;
L’attitude de la direction et sa politique générale (maquillage des résultats et du
chiffre d’affaires pour des besoins stratégique ;
La nature des systèmes d’information et de comptabilité (Changement successifs de
logiciels comptables qui peuvent faire perdre tout l’historique de certaines données
comme les amortissements.

Risque de contrôle :
C’est le risque de non prévention d’une erreur ou d’une irrégularité par le système de
contrôle interne du client. L’auditeur, bien qu’il soit encore trop impuissant face à ce facteur
de risque, peut néanmoins contribuer à l’amélioration des procédures de l’entreprise grâce à
ces remarques.

7
Le dilemme de l’auditeur : comment allier responsabilité, compétitivité et rentabilité
On peut citer comme exemple des facteurs généraux de risque au niveau du contrôle interne :
les systèmes informatiques nouveaux (non encore maitrisés par l’entreprise), une
augmentation importante du volume des transactions traitées (réduisant la vigilance portée sur
chaque opération), une réduction des effectifs, une séparation des tâches et une supervision
insuffisantes (empêchent la détection mutuelle des erreurs et fraudes éventuelles)…

Risque de non détection :

C’est la non détection d’une erreur ou d’une irrégularité significative dans les états financiers
par les procédures d’audit. C’est sur ce seul risque que l’auditeur peut agir directement.

Ce risque est cependant inévitable puisque l’auditeur ne peut effectuer un examen


exhaustif des états financiers d’un client.

Section 3. Les limites

 L’auditeur ne donne qu’une opinion et non un contrôle exhaustif : c’est le seuil de


signification :

Dans des grands groupes comme l’Office Chérifien des Phosphates (OCP), Caisse de Dépôt et
de Gestion (CDG), ou SAHAM, l’examen exhaustif d’une comptabilité qui comporte des
dizaines de milliers de documents (livres, procès-verbaux, fichiers informatiques…) et des
millions de factures est en pratique impossible.

Les auditeurs étudient donc les comptes par grandes masses et tolèrent des marges d’erreurs
appelées seuils de signification ou seuils de matérialité. Ce seuil est la mesure que fait
l’auditeur du montant au-delà duquel une ou plusieurs erreurs ou irrégularités sont
susceptibles de fausser l’appréciation des états financiers considérés dans leur ensemble, de
telle sorte qu’ils ne donnent plus une image fidèle du patrimoine ou du résultat de l’entreprise.

Les auditeurs le déterminent en fonction de leur jugement professionnel et des risques


particuliers attachés à la société en question. Ainsi, sur les missions auxquelles j’ai eu
l’occasion de participer, le seuil variait de quelques dizaines de Kilo dirhams pour les Petites
structures, à plusieurs millions de dirhams pour de très gros groupes industriels comme
l’Office Chérifien des Phosphates (OCP).

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Le dilemme de l’auditeur : comment allier responsabilité, compétitivité et rentabilité
L’objectif de la mission est alors d’obtenir « une assurance raisonnable » sur la réalité des
comptes.

Les erreurs entraînant des reclassifications (modification bilancielles sans impact sur le
résultat, par exemple une comptabilisation d’une créance d’un client appartenant au groupe
dans les clients « normaux »), ou des ajustements (changement du résultat de la société, à titre
d’exemple sur-provision des factures à établir) inférieurs au seuil de matérialité sont
considérés comme non-significatives et l’auditeur n’est donc pas tenu de s’y attarder.

Le non-respect d’une telle règle entraîne une multiplication considérable des contrôles
effectués, sans grande utilité pour la couverture des risques puisque cela conduirait à déceler
plus d’erreurs non significatives qui ne changeraient pas les conclusions de l’auditeur sur la
fiabilité des comptes. Et même plus, trop de tests provoqueraient non seulement un
dérangement supplémentaire pour le client obligé de justifier ses soldes, mais serait également
très dommageable pour la rentabilité du cabinet.

 L’auditeur et la fraude : « l’expectation gap »

Dans les normes ISA, on entend par fraude :

1- « (fraude), acte intentionnel commis par une ou plusieurs personnes parmi les
membres de direction, les responsables de la gouvernance, les employés ou des
tiers, impliquant le recours à des manœuvres trompeuses dans le but d’obtenir un
avantage indu ou illégal »
2- « (facteurs de risque de fraude), les évènements ou circonstances qui indiquent
l’existence de motifs ou de pressions pouvant susciter la perpétration d’une fraude,
ou qui offrent l’occasion de la commettre ».

Ces dernières années ont mis tout particulièrement les auditeurs sur la sellette. La
recherche d’éventuelles fraudes et leur révélation constituent la facette la plus médiatisée du
métier d’auditeur. Il y a certes, pour le commissaire aux comptes une obligation de révélation
des faits délictueux, mais l’audit n’est jamais une garantie contre la fraude et le rôle de l’audit
n’est en aucun leur recherche systématique, tel que cela est précisé dans les lettres de mission.

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Le dilemme de l’auditeur : comment allier responsabilité, compétitivité et rentabilité
Témoin les grands scandales financiers ces dernières années qui n’ont presque jamais
été dénoncé ou révélés par les commissaires aux comptes (affaire de la Compagnie Générale
Immobilière, Enron, …)

La majorité des « fraudes » dans les entreprises concerne toutefois les petits montants
sur lesquels l’auditeur n’a pas l’habitude de s’arrêter (sous couvert du seuil de matérialité).

Enfin, les fraudes les plus significatives sont soit si complexes que l’auditeur ne peut
les détecter que par un travail spécifique, soit elles concernent des engagements hors bilan qui
sont pratiquement impossibles à déceler pour les commissaires aux comptes.

En d’autres termes, l’optique d’une mission d’audit n’est pas de rechercher à tous
prix de possibles fraudes et d’aborder ses contrôles en présumant de la mauvaise foi du
personnel de la société. Le but est d’aborder l’audit des états financiers en présumant de leur
bonne foi.

Ce fossé entre les attentes du marché et la réalité de la mission – « l’expectation


gap » - est le témoin d’un déficit d’information ; c’est pourquoi aujourd’hui, le rôle de
l’auditeur est aussi de mieux informer ses clients notamment au travers des lettres de missions
plus complètes.

L’amplification des mises en cause des auditeurs lors des difficultés d’entreprises
n’est cependant qu’un des signes de changement d’exigences de l’environnement économique
vis-à-vis des professionnels de la certification. En d’autres termes, l’expectation gap signifie
la différence entre ce que les auditeurs conçoivent être capables de fournir dans le cadre de
leur mission de certification et les attentes des entreprises auditées ainsi que des exploitants de
l’information financière.

Nous présentons ci-après les origines de l’expectation gap.

 Les origines de l’expectation gap

De nos jours le cercle des utilisateurs de la comptabilité s’accroît du fait :

 De l’évolution de l’actionnariat public ;


 De la prolifération des opérations de fusions-acquisitions, dans lesquels l’auditeur joue
un rôle intéressant ;

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Le dilemme de l’auditeur : comment allier responsabilité, compétitivité et rentabilité
 Du besoin croissant de faire appel à des fonds extérieurs

L’information financière est destinée dorénavant à l’ensemble du marché : actionnaires,


investisseurs, épargnants, analystes financiers mais aussi salariés, pouvoirs public et grand
public.

Les utilisateurs des états de synthèse sont différents dans leur perception des choses. Ainsi on
peut les regrouper par :

 Les compétences dont elles disposent pour lire ces états ;


 Leur degré d’influence sur la gestion de l’entité ;
 L’objectif général qu’elles poursuivent en s’intéressant aux états de synthèse ;
 Les « messages » qu’elles souhaitent voir apparaitre dans les informations chiffrées

Utilisateurs1 compétences Degré d’influence Objectif Général Chiffres prioritaires


Dirigeant de Très élevées Prépondérant -Réaliser la stratégie et Fonction des
l’entité auditée les objectifs de l’entité utilisateurs auxquels ils
-Remplir les obligations s’adressent
légales
-Communiquer avec les
utilisateurs

Actionnaires Très Fonction du poids -Maximiser le rendement -Bénéfice net par


(non dirigeants) disparates financier (dividendes et plus-value action
ou maison mère potentielle -Dividendes
-Assurance de la -Valeur de l’entité
pérennité

Analystes Très élevées Fonction du poids Comparabilité des -Taux de rentabilité


financiers, financier informations avec -Taux d’endettement
investisseurs d’autres sociétés du

1
Mémoire d’expertise comptable de Youssef HAKAM

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Le dilemme de l’auditeur : comment allier responsabilité, compétitivité et rentabilité
institutionnels secteur

Banques Elevées Fonction du poids S’assurer de la capacité à -Evolution de


financier dégager de la trésorerie l’équilibre financier
dans le futur -Prévision
d’investissement
Clients Variables Fonction du Assurer la pérennité des -Chiffre d’affaires
pourcentage dans le approvisionnements -Perspectives de
chiffre d’affaires croissance

Fournisseurs Variables Faibles sauf si le -Assurer la sécurité des -Volume d’achats dans
fournisseur est débouchés le domaine du
détenteur d’une -S’assurer de la fournisseur
ressource rare solvabilité -Trésorerie
Concurrents Variables Quasi nul Connaitre la situation -Chiffre d’affaires
financière, les résultats -Marges et structures
et les perspectives d’un des coûts
concurrent pour mesurer
ses forces et ses
faiblesses
Salariés Variables Fonction de la Pérennité de l’entreprise -Part des salariés dans
force des syndicats la valeur ajoutée
-Rémunération des
dirigeants
Etat Elevées Faible Développer le rôle Situation nette
citoyen de l’entreprise
Administration Très élevées Faible S’assurer du respect des Bénéfice imposable
fiscale obligations fiscales

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Le dilemme de l’auditeur : comment allier responsabilité, compétitivité et rentabilité
 Responsabilités pour la prévention et la détection des fraudes :

La responsabilité première de prévenir et de déceler les fraudes incombe aux organes


de gouvernance et à la direction de l’entreprise en question (l’entreprise faisant l’objet de
l’audit).

Il est primordial que la direction, sous l’assistance des responsables de la


gouvernance, fassent le point sur la prévention des fraudes, ce qui peut faire baisser les
éventualités de les commettre, ainsi que sur les facettes décevantes, ce qui peut amener les
gens à ne plus commettre des fraudes en raison de la possibilité de leur révélation et de leur
sanction.

Cette position demande une volonté réelle d’instaurer une culture d’honnêteté et
d’éthique qui peut être consolidé par une veille active de la part des responsables de la
gouvernance. Cette supervision exercée par ces responsables exige notamment de prendre en
considération des possibilités que la direction contourne les contrôles ou impacte d’une
manière impertinente les processus d’informations financières, en cherchant à titre d’exemple
à maquiller les résultats pour des objectifs de fausser la perception des tiers et analystes au
sujet de la performance et la rentabilité de l’entreprise.

 La responsabilité de l’auditeur en matière de fraudes :

Il revient à l’auditeur qui fait un audit conformément aux normes internationales


d’audit (ISA) d’atteindre l’assurance raisonnable que les états de synthèse pris dans leur
ensemble ne comportent pas d’anomalies significatives, que celles-ci proviennent des fraudes
et d’erreurs.

A cause de limites inhérentes à l’audit, il y a un risque que l’auditeur ne peut pas


éviter que certaines anomalies significatives présentes au niveau des états de synthèse ne
soient pas décelées, même si l’audit a été convenablement planifié et déroulé conformément
aux normes ISA.

La norme ISA 200 stipule que « les effets éventuels des limites inhérentes à l’audit
sont particulièrement importants dans le cas d’anomalie résultant d’une fraude ».

13
Le dilemme de l’auditeur : comment allier responsabilité, compétitivité et rentabilité
Le risque de non-détection d’une anomalie significative provenant d’une fraude est
plus important que celui d’une non-détection d’une anomalie significative provenant d’une
erreur, parce que la fraude peut donner lieu à des tromperies complexes et minutieusement
harmonisées afin de cacher des faits, comme le détournement et la falsification des
documents, l’absence ordonnée de comptabilisation des opérations, ou des déclarations
fictives faites à l’auditeur.

De tels pratiques sont d’autant plus difficiles à mettre en évidence qu’ils se suivent de
collusion. La collusion peut conduire l’auditeur à prendre en considération qu’un élément
probant est admissible alors même qu’il s’agit d’un faux. L’aptitude d’un auditeur à déceler
une fraude dépend des facteurs tels que l’habileté du fraudeur, la fréquence et l’ampleur des
manœuvres frauduleuses, le degré de collusion entourant la fraude, l’étendue relatif des
montants en cause et la position hiérarchique des personnes engagées. Bien que l’auditeur
puisse être capable de repérer des occasions frauduleuses, il sera difficile pour lui d’être en
mesure de décider si des anomalies ayant trait à des éléments qui font appel au jugement, à
titre d’exemple les estimations comptables, résultent des fraudes ou d’erreurs.

En outre, le risque pour l’auditeur de ne pas révéler une anomalie significative


provenant d’une fraude commise par la direction est plus important par rapport au cas de
fraude commise par les employés, car les dirigeants sont habitués à même de manœuvrer
directement ou indirectement les documents comptables, de présenter des informations
financières inexactes ou de contourner les procédures de contrôle inventées pour anticiper la
réalisation des fraudes similaires par les employés.

Pour atteindre une assurance raisonnable, l’auditeur est tenu de faire preuve d’esprit critique
tout au long de l’audit, compte tenu de la possibilité que les dirigeants contournent les
contrôles mis en place et du fait que des procédures d’audit qui peuvent être efficaces pour
repérer les erreurs peuvent se révéler inefficaces pour déceler des fraudes. Les exigences de la
présente norme ISA visent à accompagner l’auditeur pour identifier et évaluer les risques
d’anomalies significatives résultant de fraudes, et à concevoir des procédures permettant de
détecter de telles anomalies.

14
Le dilemme de l’auditeur : comment allier responsabilité, compétitivité et rentabilité
 Les objectifs de l’auditeur en matière de fraude :

Toute mission d’audit financier demande de l’auditeur de :

 Repérer et estimer les risques d’anomalies significatives provenant de fraudes dans les
états financiers.
 Imaginer et mettre en œuvre des réponses ajustées à son évaluation des risques
d’anomalies significatives résultant des fraudes pour obtenir des éléments probants en
nombre suffisants et adaptés concernant ces risques ;
 Répondre convenablement aux cas de fraudes confirmées ou suspectées reconnus au
cours de l’audit.

 Entretiens entre les membres de l’équipe affectée à la mission :

La norme ISA 315 exige que des entretiens aient lieu entre les membres de l’équipe affectée à
la mission et que l’associé responsable de la mission détermine les points qui sont à
communiquer aux membres de l’équipe n’ayant pas participé aux entretiens2.

Ces entretiens doivent avoir pour objectif tout particulièrement de déterminer où et comment
les états financiers de l’entité en question sont susceptibles de contenir des anomalies
significatives résultant de fraudes, et comment une fraude aurait pu être perpétrée. Les
entretiens doivent se dérouler en faisant abstraction de la confiance que les membres de
l’équipe peuvent avoir dans l’honnêteté et l’intégrité de la direction et des responsables de la
gouvernance de l’entreprise auditée.

De tels entretiens peuvent :

 Donner l’occasion aux membres de l’équipe les plus expérimentés de partager leurs
idées pour aller droit au but en se dirigeant vers les zones d’anomalies dans les états
financiers
 Permettre à l’auditeur d’apercevoir des mesures accommodées en réponse à cette
possibilité, et de déterminer quels membres de l’équipe de mission mettront en œuvre
certaines procédures d’audit ;

2
Norme ISA 315, paragraphe 10

15
Le dilemme de l’auditeur : comment allier responsabilité, compétitivité et rentabilité
 Permettre à l’auditeur de déterminer de quelle façon les résultats des procédures
d’audit seront capitalisés au sein de l’équipe de la mission et comment seront traitées
les affirmations de fraudes dont l’auditeur pourrait prendre connaissance.

Les entretiens peuvent comprendre notamment :

 Un échange d’idées entre les membres de l’équipe affectée à la mission en question


afin de préciser où et comment les états financiers de l’entreprise sont susceptibles de
contenir des anomalies significatives provenant des fraudes, comment la direction
pourrait produire et cacher des informations financières mensongères, et comment les
actifs de l’entité pourraient être détournés ;
 La prise en considération des événements pouvant être l’indice d’un maquillage des
résultats, ainsi que des pratiques auxquelles pourrait se procurer la direction pour
manœuvrer les résultats et qui pourraient donner lieu à des informations financières
fictives ;
 La considération des facteurs externes et internes repérés impactant l’entreprise qui
peuvent être à la base des motifs ou des pressions susceptibles de pousser la direction
ou d’autres personnes à commettre une fraude, qui donnent lieu à des opportunités de
commettre une fraude, et qui sont révélateurs d’une culture ou d’un environnement
permettant à la direction ou à d’autres personnes d’organiser l’achèvement d’une
fraude ;
 La prise en compte de l’engagement de la direction à la protection des liquidités ou
d’autres actifs susceptibles d’être détournés par certaines personnes ayant un accès à
ces actifs ;
 La prise en compte de toute modification inhabituelle ou inexpliquée dans le
comportement ou le terrain de vie des membres de la direction ou d’employés dont
l’équipe de mission aurait connaissance ;
 Un rappel de l’importance toute spécifique de maintenir à l’esprit, tout au long de la
mission, la possibilité que les états financiers contiennent des anomalies significatives
provenant de fraudes ;
 La prise en compte des types de situation qui, si elles survenaient, pourraient
représenter un indice de fraude ;

16
Le dilemme de l’auditeur : comment allier responsabilité, compétitivité et rentabilité
 Une évaluation de la façon d’intégrer un élément d’incertitude dans la nature, le
calendrier et l’étendue des procédures d’audit à mettre en place ;
 Une réflexion sur les procédures d’audit qui pourraient être élues pour répondre aux
éventualités d’anomalies significatives provenant de fraudes dans les états financiers,
et sur les types de procédures d’audit qui pourraient être plus pertinentes que d’autres ;
 La considération de toute affirmation de fraude portée à la connaissance de l’auditeur ;
 La prise en compte du risque de déviation des contrôles par la direction.

Chapitre 2. La problématique posée à l’auditeur entre responsabilité,


compétitivité et rentabilité
Section 1. Une menace concurrentielle accrue

Après des années de croissance, les cabinets d’audit ont fortement souffert de la
récession des années 90, qui a amené les entreprises clientes à considérer les prestations
d’audit comme des frais généraux normaux susceptibles, eux aussi, de subir des coupes
franches.

De plus, le marché, arrivant à maturité, s’est stabilisé : aujourd’hui il ne s’ajuste


plus sur l’offre, mais sur la demande ; d’où une réelle concurrence entre les cabinets qui les a
obligé à passer d’une logique de production à une logique d’apport de valeur ajoutée.

On a pu alors remarquer une baisse considérable des honoraires parfois de plus de


30 %. Ainsi, les clients sont devenus plus volatiles, acceptant de plus en plus difficilement de
payer sans négocier les commissions, et honoraires qui leur sont demandées ; ils n’hésitent
d’ailleurs plus à changer de « prestataire » s’ils sont insatisfaits et choisiront alors le meilleur
rapport « Qualité/Prix » lors des appels d’offres.

De ce fait, le métier d’auditeur s’oriente de plus en plus vers le conseil, bien plus
porteur de valeur ajoutée et justifiant donc des prix et honoraires beaucoup plus élevés pour le
cabinet. La vérification techniques des comptes, bien que légale, ne suffit plus. Les clients
désirent désormais, en plus d’une compétence de haut niveau, un apport d’idées et des
réponses adaptées à leurs besoins dans des délais qui sont le plus souvent très réduits.

17
Le dilemme de l’auditeur : comment allier responsabilité, compétitivité et rentabilité
L’entreprise attend derrière chaque insuffisance révélée, un plan d’action
opérationnel accompagné d’un suivi.

En d’autres termes, le produit standard de certification devient progressivement un


service « sur mesure », et amène à une modification du profil de l’auditeur qui, derrière la
rigueur technique, doit faire preuve de plus en plus de qualités commerciales et de qualités
relationnelles pour détecter sur le terrain toutes les opportunités de ventes de services.

Comment alors gérer une situation où l’auditeur doit gérer ses risques d’audit en même temps
que ceux de satisfaire le client et la rentabilité du cabinet ?

Section 2. … une solution ambiguë

 L’auditeur est payé par celui qu’il contrôle

Il apparait, en effet, contradictoire d’être nommé et payé par celui que l’on peut être amené à
sanctionner en apportant une réserve sur la certification de leurs comptes, voire à dénoncer à
la justice pour fraude.

Dans un marché de plus en plus concurrentiel, l’auditeur pourrait être tenté de sacrifier sa
déontologie pour conserver un client important, maintenir ses honoraires et de plus, utiliser sa
certification comme un produit d’appel pour des missions de conseil autrement plus
rémunératrices et rentables pour le cabinet.

Lorsque le terme d’un mandat arrive, le commissaire aux comptes ne serait-il pas tenté de
« laisser passer » certaines ajustements pour renouveler son mandat pour 6 ans ?

Pour réduire de tels risques, un rapport a été rédigé en 1992, le rapport « Le PORTZ »,
mentionnant qu’un cabinet d’audit ne devrait plus avoir le droit de réaliser une très grande
partie de son chiffre d’affaires (pas plus de 3%) avec un seul client et de réaliser pour une
société des prestations fiscales, juridiques ou informatiques trop importantes tout en étant son
commissaire aux comptes.

La possibilité de vendre conjointement des prestations de certification légale et de conseil à


un même client devrait, en outre, être écartée selon le principe de non-immixtion dans la
gestion de l’entreprise. Cependant, cette séparation, en pratique strictement respectée, les

18
Le dilemme de l’auditeur : comment allier responsabilité, compétitivité et rentabilité
cabinets d’audit ayant besoin, nous l’avons vu, d’utiliser le conseil comme atout pour
préserver leur compétitivité et leurs honoraires.

De plus, le conseil apparait comme un complément naturel à l’activité de l’audit : l’audit


permet l’identification des problèmes et donc des améliorations à conseiller, et le conseil
permet d’améliorer l’efficacité, la fiabilité des systèmes d’information et donc de la
transparence.

 Comment alors accroitre la qualité de la prestation tout en abaissant les


honoraires ?

La multiplication des scandales et des procès est en partie due au développement de


nouveaux risques auxquels les méthodes traditionnelles d’audit se sont avérées inadaptées :
l’extension des pratiques de financement à terme, la complexité toujours croissante des
instruments financiers et de leur incidence réelle sur les comptes, le développement des
structures financières compliquées et obscures, sont des exemples de tout ce qui a contribué à
rendre plus difficile le travail de la révision.

Les auditeurs doivent donc mettre en œuvre des compétences toujours croissantes pour
couvrir le risque d’audit, et ce, dans des délais toujours plus restreints pendant « la haute
saison ». Sous couvert de la satisfaction du client et de la rentabilité du cabinet, les missions
sont trop souvent sous planifiées (le nombre d’heures de travail est réduit chez DELOITTE de
20% en contrepartie de nouvelles méthodes de travail), ce qui avive quelques critiques au sein
des équipes d’auditeurs.

Ce problème de sous-planification est lié à la méthode de calcul de la rentabilité d’une


mission par le ratio de « return » :

Montant facturé

Nombre d’heures travaillées par chaque membre de l’équipe * Son taux horaire

19
Le dilemme de l’auditeur : comment allier responsabilité, compétitivité et rentabilité
Le return idéal est supérieur à 1, mais dans la pratique, le cabinet reste rentable même s’il est
significativement inférieur.

Or, le calcul du return présente une hypocrisie majeure. En effet, au lieu d’être calculé sur les
heures réellement travaillées, il est calculé sur la base des heures standards (1 journée= 8
heures) même si l’équipe a travaillé 12 heures par jour.

Les managers et associés étant jugés sur leur capacité à améliorer la rentabilité d’une mission,
certains ont tendance à sous-planifier pour améliorer le return, sachant que de toute façon les
équipes sur le terrain n’auront pas d’autres choix que de se plier aux délais qui leur sont
imposés.

Section 3. Les motivations liées à la survie commerciale des cabinets


d’audit

 L’obstacle de la valeur ajoutée de l’audit

Une zone délicate et critique se rapporte à l’évaluation de la valeur véhiculée par le cabinet
d’audit, au-delà de la simple certification. L’aspect légal du Commissariat aux comptes et le
fait que son activité soit fondée sur la décomposition et l’analyse du passé, conduit
fréquemment les dirigeants d’entreprise à subir leur intervention comme « un mal nécessaire »
tandis que l’évolution des esprits et de l’environnement économique met en avant la notion de
création de valeur.

Certes, la mission classique d’audit comprend une phase d’évaluation du contrôle interne de
l’entreprise qui se suit généralement par la transmission des recommandations ayant pour
finalité la mise en évidence des points faibles. Mais le renforcement intensif du niveau de
contrôle interne dans les entreprises constitue un véritable défi pour la valeur ajoutée que peut
apporter l’auditeur à ce niveau.

D'un autre point de vue, l’écart entre les besoins des entreprises et les diligences effectués
pour les besoins de la certification est impressionnable. En effet, l’auditeur est sensé
examiner la qualité des procédures de l’entreprise pour des besoins de sécurisation de l’audit.
Il vérifie en premier lieu tout ce qui concerne la production des comptes. Face à des stratégies

20
Le dilemme de l’auditeur : comment allier responsabilité, compétitivité et rentabilité
des clients orientées vers des finalités opérationnelles, les recommandations écartées de leurs
préoccupations réelles sont loin d’avoir une attention particulière.

Par voie de conséquence, les cabinets d’audit ont eu à supporter une forte pression sur les
honoraires, notamment de la part de leurs gros clients. Le développement marquant de l’audit
interne en tant qu’une fonction support dans les entreprises a fait accroître cette pression en
permettant au management l’opportunité d’apporter une assurance à l’activité exercée au sein
de l’entreprise à un coût relativement bas. Les entreprises perpétuellement à la recherche
d’économies, exercent des pressions sur leurs fournisseurs de manière générale. Il est donc
habituel qu’elles tentent de l’exercer également sur ce fournisseur inutile qui est le cabinet
d’audit. Un grand nombre de cabinets sont ainsi obligés à remanier leur niveau d’honoraires
en le baissant sous la pression de leurs clients, et les entreprises auditées demandent beaucoup
plus en contrepartie des honoraires payés, et ont eu l’accès aux informations relatives aux
activités de l’équipe d’audit.

21
Le dilemme de l’auditeur : comment allier responsabilité, compétitivité et rentabilité
Partie 2. Comment DELOITTE gère-t-il cette ambiguïté ?

Chapitre 1. Au sein d’un environnement légal :

L’auditeur ne dispose que d’une obligation de moyens. Dans ce système, la faute consiste à ne
pas avoir effectué toutes les diligences nécessaires et respecté les normes de vérifications
légales et professionnelles.

Section 1. Cadre légal

L’audit est une affaire des professionnels possédant des diplômes de haut niveau, attestant une
triple formation comptable, juridique et fiscale.

Outre, le problème de l’indépendance financière, l’auditeur ne doit pas pouvoir être l’objet
des pressions de la part du client. Pour cette raison, des lois réglementent très strictement, au
Maroc comme à l’étranger, l’exercice de la profession par un régime sévère
d’incompatibilités.

L’auditeur doit planifier les travaux effectués par son équipe afin de s’assurer que les moyens
matériels suffisants ont été mis en œuvre pour pouvoir remplir les objectifs de la mission.

La hiérarchie joue un rôle particulièrement marqué dans l’organisation d’une mission d’audit
puisque chaque niveau hiérarchique (junior, senior, superviseur, manager et associé), a une
fonction et une responsabilité précise dans la conduite de la mission. La fonction de
supervision est donc essentielle tout au long de la mission, afin que l’associé, qui a la
responsabilité finale de l’émission de l’opinion, soit vraiment sûr des éléments qui justifient
son opinion. Par exemple, mon travail a été contrôlé et validé à chaque étape par la personne
« en charge » de la mission (généralement un sénior) ce qui m’a permis de m’adapter au
formalisme du cabinet et m’a aidé à progresser tout au long de mon apprentissage.

L’auditeur doit être en mesure de justifier son opinion (son « assurance raisonnable ») par des
éléments probants suffisants et appropriés obtenus lors des travaux et matérialisés par
l’existence d’un dossier bien constitué.

Ces dossiers constituent la « mémoire » des auditeurs et représentent l’instrument essentiel


permettant de réviser les travaux effectués, de tirer des conclusions et de les signer.

22
Le dilemme de l’auditeur : comment allier responsabilité, compétitivité et rentabilité
L’auditeur est tenu d’apprécier les sécurités que présente l’organisation de l’entreprise, et ce,
à travers l’évaluation de son contrôle interne.

Un rapport doit ensuite être établi ; cette diligence fait partie de la phase d’achèvement de
l’audit financier et revient essentiellement au manager et l’associé (lors de la phase dite
« finalisation »).

Des normes comptables régissent l’activité d’audit par des sources nationales et
internationales constituées par les directives européennes, le code de commerce, la loi sur les
Sociétés anonymes, la jurisprudence et la doctrine (avis du Conseil National de
Comptabilité…). L’application des normes comptables internationales, International Financial
Reporting Standards (I.F.R.S) n’est pas obligatoire au Maroc, mais ces normes sont souvent
utilisées par les sociétés cotées pour l’établissement de leurs comptes consolidés.

Au Maroc, L’Ordre des Experts Comptables (O.E.C) est à l’origine de l’émission des
principales normes d’audit. La normalisation des travaux repose, cependant, en grande partie
sur la méthodologie appliquée par les grands cabinets d’audit internationaux.

Section 2. Responsabilités

Il existe des contrôles internes au sein de chaque cabinet ainsi que des contrôles exercés par
les organisations professionnelles ou par les organismes publics (Ordre des Experts
Comptable). Dans environ plusieurs des dossiers examinés par l’ordre, celui-ci a été conduit à
formuler des remarques sur des diligences non correctement remplies. Dans ce cas, les
cabinets peuvent voir leur responsabilité mise en jeu sur trois plans :

- CIVILE :

Le premier alinéa de l’article 180 de la loi 17-95 relative aux sociétés anonymes stipule que
« Le ou les commissaires aux comptes sont responsables, tant à l’égard de la société que des
tiers, des conséquences dommageables des fautes et négligences par eux commises dans
l’exercice de leurs fonctions. Au Maroc, pour qu’il y ait responsabilité civile, il faut une faute,
un préjudice et un lien de causalité direct.

« La faute peut engager la responsabilité du commissaire aux comptes doit être une faute
personnelle qui représente une désobéissance aux obligations professionnelles. Les fautes et

23
Le dilemme de l’auditeur : comment allier responsabilité, compétitivité et rentabilité
les négligences peuvent avoir plusieurs formes, on peut parler d’un défaut ou d’une
insuffisance de contrôle dû à une négligence ou à une incompétence technique ; ou
d’appréciations ou d’approbations inexactes ou injustifiés concernant les comptes et les
renseignements donnés par les dirigeants aux associés sur la situation de la société »3

- PENALE :

Cette responsabilité peut aboutir à des peines d’emprisonnement et à des amendes selon le
degré de danger de la faute ou de la négligence commise, est retenue dans les cas
suivants :

 Non révélation des faits délictueux


 Rapport général incomplet
 Information mensongères sur la situation de la société
 Non-respect du secret professionnel ;

- DISCIPLINAIRE :

Elle s’applique lorsqu’il y a une infraction aux normes établies par l’Ordre des Experts
Comptables (normes de travail, normes du rapport, normes d’éthique et de comportement). Ce
type de fautes peut être sanctionné par une réprimande, une suspension temporaire ou
carrément à une radiation de la liste des commissaires aux comptes.

Section 3. Sélection des clients

La mise en cause de la signature des commissaires aux comptes dans la faillite des « Saving
and Loans » américains à la fin des années 80 a servi de détonateur à un fort mouvement de
mise en cause des grands cabinets d’audit (‘proie’ intéressante du fait de leur grande
solvabilité financière). Les cabinets d’audit Ernst & Young, Arthur Andersen et Deloitte &
Touche ont dû débourser au total 1 milliards de Dollars, Avec une amende record de 400
millions de dollars pour Ernst & Young.

Désormais ce phénomène s’étend une échelle plus large : coopers & Lybrand fût mis en
examen dans l’affaire Maxwell, Ernst & Young dans les ciments français…
3
Mémoire d’expertise comptable de « SBAA Tarik » : la responsabilité civile, pénale et disciplinaire du CAC et
comportement à adopter en cas de mise en cause

24
Le dilemme de l’auditeur : comment allier responsabilité, compétitivité et rentabilité
Les associés sont responsables solidairement et indéfiniment sur leur patrimoine personnel,
quel que soit leur degré d’implication dans le dommage causé. Si les sommes consacrées aux
litiges sont considérables, c’est surtout en terme d’image que les cabinets d’audit craignent
ces mises en examen très médiatisées. La perte subséquente de gros mandats entraîne des
conséquences financières bien plus importantes que les amendes-elles- mêmes.

Le risque de compromettre sa réputation ou d’être affecté financièrement en raison de


l’association du nom du cabinet au scandale d’un client constitue le « risque professionnel.
C’est pourquoi les cabinets décident de sélectionner leurs clients et refusent de certifier les
comptes des sociétés les plus « douteuses ».

Chapitre 2. La politique de « Global Risk Management » de DELOITTE


Section 1. Une méthodologie comme cadre pour gérer cette
problématique

Afin d’optimiser en permanence la recherche conjointe de la sécurité, de production de la


valeur ajoutée , dans le cadre des budgets limités, DELOITTE utilise une démarche d’audit
très formalisée, précise et complète qui passe par 3 phases :

 Compréhension de l’entreprise
 Evaluation de son organisation,
 Jugement sur la qualité de l’information diffusée

 Méthodologie tournée vers la gestion des risques :

Principes méthodologiques fondamentaux :

Pour valider l’ensemble des états financiers, DELOITTE les séparent en composants :

 Clients
 Fournisseurs
 Trésorerie
 Immobilisations
 Capitaux propres
 Etc.

25
Le dilemme de l’auditeur : comment allier responsabilité, compétitivité et rentabilité
La démarche a alors pour but d’obtenir pour chacun des composants, un degré de conviction
satisfaisant sur le respect des principes légaux. En d’autres termes ça revient à dire qu’il faut
respecter impérativement des objectifs, appelés « assertions d’audit », et qui se présentent de
la manière suivante :

1. « Présentation des informations données en annexes » (présence des informations


obligatoires ou nécessaires à une bonne compréhension des comptes, par exemple sur
la permanence des méthodes)

2. « Composant réel » (enregistrement exhaustif des actifs, traduisant des flux réels et
autorisés ; par exemple : les actifs immobilisés comptabilisés existent-ils et sont-ils
légalement immobilisables ?)

3. « composant correctement calculé et évalué » (notamment pour les amortissements et


dépréciations)

4. « Composant correctement enregistré en comptabilité » (conformité aux dispositions


du Plan Comptable Général des Entreprises)

5. « Période de comptabilisation correcte » (respect de la séparation des exercices


comptables : par exemple, sur évaluation du résultat en N par enregistrement de
produits sur l’exercice imputables en fait sur l’exercice N+1

Après avoir vu les différents principes légaux à respecter, il nous est possible d’intégrer les
trois dimensions du dilemme dans les différentes phases de la méthodologie.

PHASE 1 : Planification

Au niveau du risque : analyse des risques

La planification stratégique est la première et la plus délicate des étapes de l’audit


puisqu’elle détermine largement la réussite d’une mission au regard des trois critères que sont

26
Le dilemme de l’auditeur : comment allier responsabilité, compétitivité et rentabilité
la couverture du risque d’audit, la satisfaction du client et la rentabilité. Sa complexité et ses
conséquences font qu’elle est du ressort du manager et de l’associé. Elle revêt 4 dimensions :

1- On ne peut pas porter un jugement sur les états financiers d’une entreprise en faisant
abstractions des réalités techniques, commerciales, juridiques, fiscales et sociales dont
les éléments comptables sont la traduction. La planificateur commence donc par
acquérir (ou mettre à jour) une compréhension de l’ensemble de l’entreprise et de son
activité pour mieux la situer.

2- Cette analyse générale permet d’identifier le risque général attaché à la mission, par la
prise en compte de la nature de la mission, des risques inhérents liés à l’activité de
l’entreprise, des risques de contrôle liés à son organisation et ses pratiques
comptables. Une planification plus détaillée a lieu afin d’analyser les risques
spécifiques à chaque composant. Par exemple, les facteurs de risque inhérents
spécifiques au composant trésorerie sont :
 Nombre de mouvements très élevés
 Fréquence flagrante de transferts de liquidités entre les banques
 Comptes en devises
 Importants mouvements de trésorerie autour de la période d’arrêté des
comptes
 Changement des signataires autorisés
 Etc.

Les facteurs spécifiques au contrôle interne au niveau de la trésorerie sont :

 Les rapprochements bancaires effectués irrégulièrement, non supervisés, mauvaise


séparation des tâches (Comptabilisation/ Approbation des décaissements/
Etablissement des rapprochements bancaires)
 Absence de limites d’approbation des dépenses…

3- L’analyse des risques permet de définir la stratégie d’audit (importante, moyenne ou


aucune confiance dans les contrôles du client), sélectionner les procédures d’audit et
les seuils de signification adéquates et efficaces, attachés à l’ensemble des états

27
Le dilemme de l’auditeur : comment allier responsabilité, compétitivité et rentabilité
financiers ainsi qu’à chaque composant, et qui permettront de réduire le risque
identifié à un niveau acceptable

4- Une fois la stratégie et le plan d’audit définis, il convient de déterminer le temps de


l’intervention et la composition de l’équipe qui seront nécessaires à leur mise en
œuvre correcte.

Au niveau de la satisfaction du client :

Cette période de planification est également un moment stratégique qui permet à l’auditeur,
de prendre en considération les attentes du client, et d’élaborer une stratégie d’audit « sur
mesure » et porteuse de valeur ajoutée pour le client.

La discussion préliminaire entre les clients et les associés du cabinet permet de bien expliquer
et rapprocher les attentes des uns et les moyens des autres, et se concrétise par une lettre de
mission, portant accord mutuel a priori sur ce qui va se faire indiquant clairement les limites
de la mission. Généralement, lettre-type dans les missions de Commissariat aux comptes, sa
rédaction prend une très grande importance dans les missions spéciales.

Au niveau de la rentabilité du client :

Enfin, la planification est le moment idéale pour identifier les opportunités de ventes des
services additionnels et donc d’augmenter la rentabilité de la mission. Mais c’est surtout une
période où les moyens matériels sont définis.

Il est important d’optimiser la composition de l’équipe et la répartition des tâches. Ainsi, un


stagiaire représente un excellent rapport Compétence/Prix au sein des équipes et sera
progressivement responsabilisé s’il n’existe pas de problème de risque.

Le niveau de risque global attribué à la mission influence directement le niveau d’expérience


des auditeurs choisis (donc leur coût), la quantité des preuves d’audit à obtenir et les seuils de
matérialité qui seront retenus (donc la durée de la mission), et par voie de conséquence la
rentabilité du dossier.

28
Le dilemme de l’auditeur : comment allier responsabilité, compétitivité et rentabilité
Le planificateur doit faire preuve d’un jugement professionnel extrêmement pointu dans le
choix de l’étendue des travaux et du seuil de signification afin de ne faire ni « sous-audit », ni
du « sur-audit ».

PHASE 2 : l’intérim

Au niveau du risque : le risque de contrôle interne

Dans cette phase, il faut s’assurer qu’une même opération est toujours traduite de la même
façon dans les comptes, par le respect d’une procédure prévue et appliquée. C’est par la
prévention en amont, au niveau de la compréhension des systèmes, que la recherche des
défaillances et d’irrégularités s’avère la plus efficace et que la couverture du risque d’audit est
donc maximale.

Elle ne vise donc pas à contrôler les états financiers, mais à contrôler la manière dont ils ont
été produits (procédures) ; j’ai pu ainsi travailler sur les procédures chez une chaîne hôtelière
« Atlas Hospitality Morocco » et notamment celles relatives à la gestion de l’hébergement et à
la restauration.

Les procédures sont tout d’abord précisément décrites, puis évaluées selon qu’elles
comportent ou non des « contrôles-clés » (permettant d’assurer la fiabilité de l’information
financière). Des tests de conformité son ensuite réalisés afin de vérifier le degré d’efficacité
des contrôles clés réalisés par l’entreprise.

L’assistance à l’inventaire physique des stocks s’inscrit également dans cette logique puisqu’il
s’agit de vérifier la qualité des procédures d’inventaires mises en place et de déterminer la
fiabilité des écritures comptables relatives aux stocks.

Au niveau de la satisfaction du client :

Les missions d’intérim, qui donnent lieu à la remise au client d’un rapport de contrôle
interne, dépassant le simple rôle de certification, pour constituer l’atout commercial essentiel
des cabinets d’audit. C’est en effet, essentiellement au cours de cette phase que l’audit peut
se révéler source de valeur ajoutée pour le client.

29
Le dilemme de l’auditeur : comment allier responsabilité, compétitivité et rentabilité
Le choix des procédures étudiées lors de l’intérim peut ainsi être orienté par les souhaits du
client.

A l’issue de la mission, les membres de l’équipe d’audit sont conduits à synthétiser les
observations que leur travail a suscité sur l’organisation interne de l’entreprise, donnant lieu à
des recommandations bien perçus et recherchées par les responsables, puisqu’elles permettent
d’améliorer l’efficacité de la gestion. La démarche de l’auditeur est donc critique mais aussi
constructive.

Au niveau de la rentabilité du cabinet :

L’intérim est un outil essentiel d’amélioration de la productivité d’une mission, et donc de sa


rentabilité, car il permet, dans l’objectif du contrôle final et direct des comptes, de savoir dans
quelle mesure l’auditeur pourra s’appuyer sur le contrôle interne de l’entreprise, et donc
optimiser l'étendue des contrôles substantifs qui devront être effectuées au final. Un contrôle
interne fiable réduit les « zones à risque », et par conséquent les contrôles substantifs et les
tests de détail complémentaires qui leur sont associés et qui consomment beaucoup de temps.
Il augmente donc le rapport Qualité/Prix et la rentabilité de la mission.

A l’inverse, un contrôle interne insuffisant maintient une zone sensible de risques d’erreurs et
de fraudes et devra en conséquence donner lieu à des investigations plus approfondies.

PHASE 3 : FINAL

Au niveau du risque : le risque de non détection

C’est la phase finale d’examen des comptes et des documents financiers par des vérifications
de substance plus ou moins détaillées, qui apportent des preuves directes sur la validité des
transactions et des soldes.

Cette phase consiste essentiellement en l’application des procédures et techniques


préconisées dans le programme de travail selon les règles formelles utilisées par tous les
collaborateurs de la firme. A son issue, le manager et l’associé effectuent la synthèse des

30
Le dilemme de l’auditeur : comment allier responsabilité, compétitivité et rentabilité
conclusions tirées de l’ensemble de la démarche d’audit, afin que l’associé puisse émettre son
opinion et rédiger son rapport.

Au niveau de la satisfaction du client :

Bien que sur des points techniques complexes, les auditeurs peuvent jouer un rôle de conseil
et d’aide, la phase de finalisation apporte peu de valeur ajoutée au client et est plutôt source
de dérangement de son activité.

Le service client passe en conséquence essentiellement par le professionnalisme, l’efficacité,


le respect des contraintes du client et la courtoisie dont fait preuve les auditeurs sur le terrain.

Mais les relations clients sont particulièrement délicates à gérer lors du final, car, compte tenu
des délais très courts, il est indispensable d’instaurer une certaine pression sur le client afin
que celui-ci fournisse toutes les informations nécessaires.

De plus, les cas sont rares où l’on ne trouve pas n’anomalies. Or, les erreurs relevées ont le
plus souvent des responsables bien définis (ce qui n’est pas le cas lors d’une revue des
procédures), et ces responsables peuvent avoir peur des conséquences de l’intervention.

Les qualités de chaque auditeur sont donc à ce stade encore essentielles.

Au niveau de la rentabilité du cabinet :

Il est indispensable de respecter les budgets-temps planifiés même si ceux-ci sont souvent trop
serrés. Pour cela, il faut éviter d’effectuer tout contrôle qui constituerait en fait du « sur-
audit » par rapport aux risques existants. Par conséquent, se les éléments de preuve généraux
s’avèrent concluant, les tests de détails seront largement réduits.

Ainsi, pour ne pas empiéter sur la rentabilité de la mission, il est nécessaire d’utiliser les outils
de contrôle suivant :

1. La revue analytique : examen de cohérence de l’évolution de certains ratios avec les


informations générales (financières, industrielles, commerciales, …) obtenues sur
l’entité par des sources internes ou externes ; contrôles globaux de vraisemblance sur
l’exercice (appelés « Global-Check ») permettant de valider approximativement
certains soldes. J’ai notamment utilisé ces méthodes lors d’un audit d’une filiale d’un

31
Le dilemme de l’auditeur : comment allier responsabilité, compétitivité et rentabilité
grand groupe français (Groupe Accord) qui opère dans le secteur hôtelier : celui-ci
bénéficie d’une situation particulière puisqu’une année sur deux, ce sont des auditeurs
internes qui se chargent de l’audit ; leur travail étant beaucoup plus détaillé et
approfondi (durée de leur mission plus importante), une simple revue sur les
immobilisations, les charges externes, et le chiffre d’’affaires a suffi. Des revues
analytiques et des Global Check concluants permettant de valider un composant ou
une partie d’un composant sans avoir recours à des tests de détail (ou très peu)

2. L’exploitation des circularisassions, c’est-à-dire la confirmation directe des soldes ou


informations auprès des tiers (banques, fournisseurs, clients, assurances, notaires,
avocats,…) : en tant que stagiaire, j’ai fréquemment été chargé de l’exploitation de
ces tiers, notamment les banques, qui permettait par exemple de confirmer les soldes
créditeurs et débiteurs en banque, la liste des signataires autorisés (composant
trésorerie), tous les prêts et avances consentis par les banques (composant dettes), les
en-cours d’escomptes ou d’encaissement avec les plafonds d’escompte (composant
clients), les titres ou valeurs détenus pour le compte de la société (composant porte-
feuille-titres)…

3. L’examen des livres et documents par pointage et recoupements afin de vérifier


notamment la correcte centralisation des informations comptables. C’est un travail
fastidieux et assez mécanique qui est donc très souvent confié aux stagiaires.

4. L’utilisation des tests et sondages détaillés sur les éléments significatifs : par
exemple, la vérification des rapprochements bancaires, du respect de l’affectation au
bon exercice comptable de certaines dépenses et recettes, de la réalité de certaines
immobilisations entrées à l’actif … Ces tests ont constitué une part importante de mes
responsabilités sur le terrain.

 Un développement continu des compétences :

DELOITTE constitue aujourd’hui l’un des tous premiers réseaux internationaux d’audit et de
conseil. Ceci permet d’attirer une clientèle de groupes multinationaux qui cherchent, pour
auditer l’ensemble de leur groupe, un interlocuteur unique, présentant des méthodes d’action

32
Le dilemme de l’auditeur : comment allier responsabilité, compétitivité et rentabilité
et une expertise homogènes au niveau mondial, mais qui soit tout de même capable de
prendre en compte les spécificités nationales. De plus, la participation des « BIG FOUR », à
l’élaboration des standards professionnels jouent comme un garant de la qualité et de la
rigueur des méthodes qu’ils utilisent.

Dans la mesure où les cabinets d’audit ne vendent, même si chère, que de la compétence,
celle-ci doit être constamment réactualisée. Les réseaux internationaux des « BIG FOUR »
permettent la mise en commun de ressources pour le maintien d’un niveau élevé
d’investissement pour le développement de nouvelles méthodologies et la réactualisation
permanente des compétences techniques et commerciales de l’ensemble des collaborateurs.

Malgré les économies d’échelle, la formation interne reste, cependant, un poste de coût
important. DELOITTE a développé un ensemble de programmes de formation (60 000 Heures
par an), par journées ou séminaires, auxquels sont soumis tous les niveaux hiérarchique
(associés y compris). En trois mois, le cabinet a mis en œuvre un des programmes de
formation les plus intensifs et les plus ambitieux du fait de la nouvelle méthodologie. Ainsi,
entra mi-juin et mi-septembre 1998 sont formé 60 000 collaborateurs dans le monde.

Le travail personnel et le passage des examens professionnels sont par ailleurs concrètement
encouragés.

 L’objectif « Zéro papier » :

Afin de s’adapter aux contraintes nouvelles de baisse des honoraires et d’exigence de la


clientèle, DELOITTE a décidé d’opérer une profonde réorganisation de sa structure et de ses
méthodes de travail.

Pour faire face à la baisse des honoraires, DELOITTE a mis en place de nouvelles méthodes
de travail destinées à fournir une prestation de même qualité en moins de temps. Le principe
appliqué est d’accroitre la confiance placée dans les collaborateurs effectuant les contrôles sur
le terrain, qui n’ont désormais plus à fournir de multiples preuves des contrôles qu’ils ont
effectué, mais qui doivent simplement rédiger un compte-rendu très détaillé de leurs travaux
et de leurs conclusions. Seuls les aspects essentiels ou problématiques doivent donc être
documentés. Tout ceci s’inscrit dans un objectif de « Zéro Papier »

33
Le dilemme de l’auditeur : comment allier responsabilité, compétitivité et rentabilité
Cependant, pour permettre de vérifier que le travail a été effectué correctement et dans son
ensemble, chaque équipe comporte un pivot (un sénior ou un superviseur) qui est chargé de
superviser, d’aider et de contrôler le travail des membres de l’équipe en temps réel. Si
l’ancienne méthode était de revoir les notes par écrit et a posteriori, avec l’outil informatique,
une nouvelle méthode a été instaurée, toujours dans l’optique de gagner en efficacité et en
temps, en gérant électroniquement les dossiers d’audit.

En effet, DELOITTE met en place un logiciel appelé « AS2 », appliqué par l’ensemble des
entités de ce grand cabinet à l’échelle internationale, afin d’améliorer considérablement
l’efficacité des missions.

Ce logiciel est la clé de voûte de la nouvelle méthodologie du cabinet en renforçant la prise en


compte des cycles, des business process et de l’environnement de l’entreprise auditée pour
une meilleure compréhension de ses activités et une meilleurs maîtrise des risques et du
changement.

Il est certain que l’on peut y voir un réel intérêt puisque cet outil permet de saisir plus
rapidement des données pour qu’elles soient non seulement compréhensibles par tout le
monde, mais surtout pour qu’elles puissent être consultées à tout moment par l’ensemble de
l’équipe. Il est alors facile de relever les performances d’un tel logiciel lorsqu’un manager,
qui ne vient qu’à la fin des missions, souhaite suivre le travail effectué par l’équipe : il se
connecte via le serveur pour télécharger la base et ainsi la consulter librement.

Cependant, l’objectif du « Zéro Papier » est encore loin d’être atteint : le dossier d’audit est
rempli des documents provenant des clients appelés fichiers « PBE » (Provided By the
Entity » qui sont des preuves d’audit et servent à valider les différents points d’audit ; par
exemple, les rapprochements bancaires sont des documents élaborés par la société auditée et à
moins de les scanner, il est impératif de les documenter dans le dossier. Ainsi, cet objectif du
« Zéro papier » ne pourra être réellement atteint que si l’on utilise un scanner « intégré » à
l’ordinateur.

Néanmoins, on peut réaliser l’utilité d’un tel outil lorsqu’il s’agit de rechercher des
informations sur les années précédentes : sans « AS2 », l’équipe de l’audit transporter les
dossiers de l’audit de l’année passée (ce qui ne constitue pas qu’un seul dossier) ; avec
« AS2 », elle n’a qu’à télécharger les différentes bases.
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Le dilemme de l’auditeur : comment allier responsabilité, compétitivité et rentabilité
Son utilisation est actuellement largement répandue puisque toutes les missions qui touchent
les différents secteurs (industries et services, banques et assurances, etc.) en font l’usage. Moi
aussi, sectorisé en industries et services, j’ai eu l’occasion de me servir de cet outil sur toutes
les missions que j’ai eu la chance d’y participer

Section 2. Les auditeurs comme gestionnaires de cette problématique

Rôle de chaque collaborateur :

Le risque, qu’il soit d’audit, de non-satisfaction du client ou bien de non rentabilité est assumé
par chaque collaborateur de la firme, individuellement responsable de la couverture d’une
partie de ce risque par ses travaux. La sensibilisation des auditeurs à des risques est donc
essentielle.

Responsabilité concernant la gestion du risque d’audit :

Le risque pour les auditeurs intervenant chez le client, et surtout les assistants, est de travailler
de façon mécanique face à des programmes de travail relativement semblables d’une mission
à une autre. Ce caractère répétitif constitue l’une des critiques fréquemment faites à l’égard de
l’audit. Or, un assistant qui abandonne toute vigilance face à son travail, ne réfléchit plus au
but qu’il poursuit (voire néglige volontairement certains contrôles réalisant ainsi une faute
professionnelle grave), constitue un facteur de risque majeur pour la firme qui doit avoir une
confiance absolue dans le travail et les conclusions fournies par chaque collaborateur.

Le respect du formalisme et de la méthodologie de DELOITTE représente également une


responsabilité importante pour chaque collaborateur, et facteur essentiel de son évaluation. Le
formalisme bien qu’à première vue rébarbatif, me semble très formateur dans la mesure où il
contraint à toujours bien faire remonter l’information essentielle dans les conclusions, à
expliquer ce que l’on fait et donc à bien comprendre le travail demandé. Il est gage de rigueur
et d’exhaustivité du travail effectué. La formalisation permet en outre d’assurer la continuité
des travaux, la transmission des informations générales et méthodologiques essentielles sur un
dossier malgré le fort turn-over lié à la profession.

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Le dilemme de l’auditeur : comment allier responsabilité, compétitivité et rentabilité
L’audit nécessitant un travail d’équipe performant et cohérent, chaque assistant est également
responsable de la bonne gestion des relations au sein de l’équipe, de la transmission complète,
précise et pertinente des informations essentielles.

L’assistant, tout en s’efforçant la méthodologie du cabinet, ne doit pas seulement faire un


travail « d’exécutant » : dans chacun de ses travaux, il doit rester critique à l’égard de son
programme de travail afin de l’utiliser à bon escient et d’être conscient des limites de
l’efficacité de la méthodologie qu’il peut être amené à combler par son jugement
professionnel (les risques identifiés sont-ils correctement couverts et n’en a-t-on révélé aucun
autre durant la mission ?)

On attend également de tout collaborateur qu’il soit conscient de ses propres limites
techniques et qu’il n’hésite pas à solliciter de l’aide face à un problème complexe plutôt que
de mal le traiter. Ainsi, un assistant doit savoir tirer profit au maximum de l’expérience et de
l’expertise de ses aînés présent sur la mission et faire usage des services d’aide technique
généraux ou spécialisés que le cabinet met à sa disposition (service de documentation
technique, conseil juridique et fiscal…)

Responsabilités concernant les relations avec les clients :

Le véritable rôle de négociation commerciale vis-à-vis du client est assumé par les
responsables de la mission (managers et associés) et non par l’assistant.

Cependant l’assistant est constamment en relation avec le personnel du client. Il doit donc
s’efforcer de nouer de bons contacts avec le personnel de l’entreprise auditée, afin de
développer l’image professionnelle du cabinet ainsi qu’une bonne ambiance de travail.
Chaque assistant est donc évalué sur ses qualités relationnelles, son comportement
professionnel et son ouverture d’esprit, sa capacité à écouter et à communiquer clairement
face au client. Bien qu’il y ait une forte rotation des auditeurs de chaque mission, il y a en
général toujours un membre de l’équipe qui a déjà intervenu sur la mission, et donc, ce
dernier saura bien évidemment exploiter ce que l’on appelle « l’expérience du client ».

L’un des aspects particulièrement important, c’est le respect des contraintes du client. En effet
les auditeurs doivent réunir de nombreuses informations dans des délais qui sont le plus
souvent courts et sont amenés à rencontrer en permanence le personnel. S’il est impossible de

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Le dilemme de l’auditeur : comment allier responsabilité, compétitivité et rentabilité
ne déranger en rien leur travail, il faut arriver à limiter au maximum les perturbations
occasionnées par notre intervention. J’ai rapidement appris des réflexes de gestion de mes
relations avec le client :

 Définir au début de la mission les périodes durant lesquelles chaque


interlocuteur serait disponible ou non ;
 Etablir une liste précise de tous les éléments à obtenir afin de ne pas
revenir inutilement ;
 S’organiser avec les autres membres de l’équipe d’audit pour ne pas avoir
besoin d’un interlocuteur en même temps…

Le plus difficile pour un auditeur n’est pas de traiter l’information, mais de la chercher. D’où
la nécessité d’avoir une bonne relation avec le client.

Chercher de l’information implique de savoir ce que l’on veut, ce qui est particulièrement
difficile lorsque l’on débute et que l’on ne connaît pas l’entreprise et ses systèmes de
comptabilité, mais aussi d’apprendre à s’adresser aux bonnes personnes, en sachant distinguer
leur position hiérarchique, leurs responsabilités et compétences exactes, et faire en sorte
qu’elles procurent les informations recherchées en un temps raisonnable, en ayant un
comportement adapté à leur degré de coopération.

Sur le terrain, j’ai dû m’adapter tant à des niveaux hiérarchiques différents (du comptable au
directeur financier en passant par les commerciaux), qu’à des secteurs d’activité différents
(industries, services, etc.). Mais j’ai surtout dû m’adapter aux conceptions différentes
qu’avaient mes interlocuteurs du rôle de l’auditeur et donc aux réactions qui en découlaient.

L’emploi du mot contrôle inspire malheureusement trop la méfiance du personnel de la


société. Ainsi, pour certains interlocuteurs, le contrôleur est l’agresseur qui surveille, juge et
sanctionne les fautes. Il faut, face à ces personnes, adopter une aptitude très modérée et
diplomatique, expliquer pourquoi l’on désire tel document, expliquer le but constructif et non
répressif de notre contrôle. Il est important alors de prendre de grandes précautions vis-à-vis
de l’interlocuteur pour ne pas mettre en doute l’honnêteté ou les capacités de la personne
responsable d’’une faute détectée. Malheureusement, il n’est pas rare de voir certains
auditeurs revenir « triomphants » lorsqu’ils ont pu déceler un ajustement…

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Le dilemme de l’auditeur : comment allier responsabilité, compétitivité et rentabilité
Certains interlocuteurs, heureusement très rares, considéraient l’auditeur comme un
« parasite » inutile et, agacé par leur présence, semblaient se complaire à se montrer
désagréables, à utiliser volontairement un discours hermétique pour des non spécialistes ou
bien à feindre constamment d’être en réunion… C’est à ces moments, qu’il fallait faire preuve
de la diplomatie pour leur faire comprendre qu’il leur serait obligatoire à un moment ou à un
autre de nous donner les informations ou explications qui nous étaient nécessaires!

Le cas le plus agréable est l’interlocuteur qui respecte notre travail, comprend son utilité et
coopère facilement, cherchant parfois même à tirer parti de notre intervention pour
rechercher des solutions à ses problèmes techniques. Sur la majorité des missions auxquelles
j’ai pu participer, les relations étaient cordiales et une véritable coopération s’instaurait entre
les membres de l’équipe et le personnel de l’entreprise auditée.

Le but pour l’auditeur est alors de se faire percevoir non comme un contrôleur mais comme
un conseiller. Ceci apparait souvent illusoire pour un stagiaire qui se heurte à ses propres
lacunes techniques, à son manque de connaissances de l’organisation réelle de l’entreprise, de
ses flux, de son vocabulaire, mais également au problème évident de légitimité dû à son âge.

Face à un interlocuteur qualifié, il faut rester modeste dans ses prétentions et d’être conscient
que l’on peut facilement être manipulé.

S’imposer face au client nécessite donc parfois beaucoup de diplomatie, d’assurance et forte
capacité à gérer son ignorance pour ne pas laisser transparaître de façon évidente ses lacunes.

Responsabilité concernant la rentabilité des missions :

J’ai pu constater tout au long de mon stage à quel point la productivité du travail de l’auditeur
(rapidité de la collecte des informations et de la réalisation des tests, qualités des preuves
obtenues) est étroitement corrélée à la collaboration que l’on peut entretenir avec le client et à
sa disponibilité.

En dehors de cette collaboration, chaque collaborateur doit chercher en permanence à


optimiser la gestion de son temps, d’autant que les missions deviennent de plus en plus
courtes pour cause de compression du budget.

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Le dilemme de l’auditeur : comment allier responsabilité, compétitivité et rentabilité
Le fait d’utiliser systématiquement les dossiers de contrôle de l’exercice précédent est un
réflexe important pour gagner du temps : ces dossiers font ressortir clairement la démarche
d’audit préconisée, les informations essentielles à obtenir, les personnes de l’entreprise à
contacter, et les documents comptables intéressants qu’ils sont susceptibles de nous fournir.

Il est également indispensable d’avoir une attitude active et critique face aux programmes de
travail établis en s’interrogeant constamment sur l’utilité et l’étendue des contrôles effectués
comparativement aux risques détectés afin d’éviter tout « sur-audit ».

Toujours dans cette optique de rentabilité, l’auditeur ne doit jamais entre inactif, même
lorsqu’il lui manque une information pour avancer. Il faut donc apprendre à gérer en parallèle
deux ou trois points différents et saisir toutes les opportunités pour régler les points délicats en
suspens. Ainsi, j’ai appris à bien répartir « qualitativement » mes tâches dans la journée, selon
qu’elles demandaient ou non un contact direct avec le client, afin d’optimiser les heures di
disponibilités de mes interlocuteurs pour obtenir le plus d’informations possibles et reporter
les travaux de finalisation et de formalisation au soir.

Avantages/Inconvénients du métier de l’auditeur :

L’audit est l’un des métiers les plus exigeants en termes de d’horaire et de concentration,
puisqu’il faut assumer une charge de travail très forte et s’adapter en permanence aux
contraintes des clients.

Mais le fait d’être en contact des entreprises toujours différentes et offrant donc des
problèmes techniques le plus souvent différents et très motivants.

Les missions conduisent fréquemment à des efforts personnels de formation théorique et


technique qui sont facilités et encouragés par l’attitude très ouverte des équipes.

La supervision importante et l’évaluation sur chaque mission du travail fourni par chaque
collaborateur apportent une véritable valeur ajoutée personnelle. Plus qu’un simple contrôle
policier, elles doivent être comprises comme la contrepartie indispensable des responsabilités
et de la confiance qui sont mises en chacun des collaborateurs et comme un outil constructif
de capitalisation des savoir et des expériences.

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Le dilemme de l’auditeur : comment allier responsabilité, compétitivité et rentabilité
L’audit est un métier en constante évolution puisqu’il s’agit d’analyser des sociétés, qui elles-
mêmes évoluent sous la pression de leur environnement.

Bien que contraignant, puisque obligeant à une mobilité géographique énorme, le fait de
travailler chez le client est une source constante d’apprentissage. Les discussions avec le
personnel opérationnel expérimenté d’une entreprise sont l’occasion de bénéficier de leur
savoir, de découvrir de nouveaux métiers et des secteurs d’activité peu connus, de comprendre
le fonctionnement de l’entreprise, l’évolution de son environnement, des difficultés
auxquelles elle est confrontée, et les politiques qu’elle mène pour y répondre. Ceci permet à
un jeune diplômé d’élargir sa vision de l’économie souvent limitée à quelques grands groupes
et à leurs problèmes.

En outre, les cabinets d’audit ont organisation des postes originale puisqu’elle est verticale.
Ceci offre une opportunité d’évolution professionnelle permanente : tout auditeur entrant chez
DELOITTE pourra, a priori faire de tout en fonction de son niveau hiérarchique.

L’audit est un métier de contact plus qu’un métier d’expert. En effet, une mission demande de
contacter un nombre considérable d’employés de la société, à tous les niveaux et dans toutes
les divisions. C’est un métier qui permet de gagner en assurance, puisqu’il apprend à
s’adapter à tout type de situation et de personnalité. J’ai pu constater qu’au fil de mon stage,
mes capacités d’écoute, d’adaptation s’étaient naturellement aiguisées.

Section 3. Les pistes de développement de la valeur ajoutée de l’audit


(recommandations) :

Les missions d’audit, notamment celles relatives aux grands groupes nationaux et
internationaux sont de nos jours habituellement réalisés par des cabinets appartenant à des
réseaux internationaux, embauchant plusieurs dizaines de milliers de collaborateurs. Ces
cabinets détiennent un poids économique considérable et représentent dans ce sens un axe
d’influence dont les intérêts propres sont inévitables. Ces derniers ont su qu’ils sont
confrontés à un problème de réduction des honoraires qui doivent normalement refléter la
charge de travail. Ils ont tenté à améliorer en renforçant le service qu’ils peuvent proposer à
leurs clients pour justifier les honoraires importants qui dépassent largement la simple
certification.

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Le dilemme de l’auditeur : comment allier responsabilité, compétitivité et rentabilité
Dans le cadre de ses travaux, le Commissaire Aux Comptes ne peut pas prétendre à mener des
analyses de façon aussi explicitée que l’entreprise pourrait le faire par ses propres ressources
ou en consultant des experts particulièrement mandatés. Toutefois, sa vue de synthèse, son
expérience capitalisée grâce à un tissu économique assez diversifié, sa maîtrise des outils
comptables, peuvent lui donner l’occasion de porter un vue originale et pertinente sur
l’entreprise et ses difficultés. Il est également habituel que les clients envisagent de faire appel
à leurs auditeurs externes pour répondre à ces besoins, car ceux-ci sont perçus comme
détenteurs de l’information, de la compréhension, des capacités et les techniques requises. Par
conséquent, la majorité des entreprises auditées attendent toujours une éventualité de valeur
accrue issue de l’intervention des auditeurs.

Ainsi, les cabinets cherchent en particulier et d’une manière continue à consolider la


spécialisation de leurs équipes afin de d’améliorer leur aptitude à proposer des éléments
pragmatiques à leurs clients. Cette spécialisation devient particulièrement sine qua non dans
un certain nombre de domaines d’activités spécifiques, tel est le cas des banques et des
compagnies d’assurance, où les interventions requièrent une maîtrise parfaite de
l’environnement réglementaire et technique.

De plus, les cabinets cherchent à modifier leurs approches de travail et à développer de


nouvelles méthodologies davantage orientées vers les processus opérationnels. Leur objectif
est d’aboutir à une analyse opérationnelle des systèmes de leurs clients afin de proposer des
idées d’amélioration, donnant ainsi un aspect « conseil » à l’audit financier.

Généralement, et en se basant sur des observations recueillies lors de notre expérience acquise
durant ce stage en audit, nous passons en revue certaines pistes du renforcement de la valeur
ajoutée de l’audit, réunies en quatre volets :

 La disponibilité des connaissances du cabinet : les clients accordent beaucoup


d’attention à l’accès aux connaissances capitalisées par les cabinets, et peuvent être
considérablement satisfaits lorsque les auditeurs présentent des solutions en se
basant sur leurs propres ressources ;

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Le dilemme de l’auditeur : comment allier responsabilité, compétitivité et rentabilité
 La formulation d’un point de vue différent : les clients croient le plus souvent que
les auditeurs détiennent un point de vue unique sur la marche leur activité, et
oseront à payer pour des propositions pertinentes.

 Prévention des difficultés d’entreprise : le top management des entreprises estiment


la rapidité des auditeurs à communiquer leurs constatations dans des domaines liés
aux défaillances des contrôles, ou ayant trait aux fluctuations du secteur d’activité
où elles opèrent ;

 La concentration sur les domaines opérationnels : les clients se trouvent satisfaits


lorsque la prestation du cabinet d’audit se focalise principalement sur
l’appréhension de l’activité, sur le cœur du métier, et sur le perfectionnement des
processus opérationnels.

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Le dilemme de l’auditeur : comment allier responsabilité, compétitivité et rentabilité
Cas illustratif : Enron

 Présentation du cas :

Le 2 décembre 2001 a été marquée par la faillite d’une multinationale américaine de courtage
en énergie, c’est le groupe texan Enron. En fait, c’est à cause de nombreuses pertes dues à ses
transactions spéculatives sur le marché de l’électricité que le groupe a dissimulé pendant
plusieurs années par l’intermédiaire des manipulations comptables, qu’Enron a finalement fait
faillite. Le cours de l’action d’Enron a subi une chute de 90 dollars à 1 dollars en peu de
temps (quelques moi). Dès l’annonce de sa faillite, 5000 salariés ont immédiatement été
licenciés et des milliers d’épargnants qui avaient fait confiance et octroyé leurs fonds de
pensions à Enron ont gâché la majeure partie de leur capital-retraite qui se constituait des
parts dans l’entreprise. L’effondrement du géant énergétique américain Enron a aussi mis en
évidence l’implication d’un bon nombre d’acteurs politiques et financiers, tel est le cas du
cabinet chargé de son audit, Andersen ainsi que l’administration Bush qui était alors en place.
Ce scandale sans antécédent a été le déclic d’une série de tentatives de réformes ayant pour
finalité de mieux réglementer le marché financier et boursier ainsi que les secteurs qui y sont
liés.

L’effondrement d’Enron réside principalement, et dans un premier temps dans le renoncement


graduel de son activité de transport et de production en profit de ses activités de courtage.
Ainsi, le groupe a perdu son avantage comparatif par rapport aux autres traders, amplifiant sa
confrontation aux risques associés au marché. La rentabilité du groupe s’en trouvait
directement impactée. En outre la stratégie « d’intégration virtuelle » mise en chantier n’a pas
pu être pertinente car elle n’avait pas des bases solides indispensables à sa bonne marche.
Premièrement, le groupe s’engageait sur des produits dérivés très écartés de ses métiers de
base sans s’appuyer sur une maîtrise des mécanismes du marché. Après un certain temps, une
perte de confiance s’est instaurée chez les investisseurs à cause de la mise en évidence de sa
comptabilité douteuse « comptabilité créative » à partir de la crise énergétique californienne.

Enfin, la vente des actions de la part des investisseurs d’une manière flagrante lorsqu’Enron
fut obligé de réintégrer ces actifs risqués lors des divulgations de ses escroqueries accéléra la
faillite.

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Le dilemme de l’auditeur : comment allier responsabilité, compétitivité et rentabilité
Il est à noter que l’une des principales raisons qui se cachent derrière la faillite d’Enron fut
une gestion calamiteuse des risques proliféré par des recours pesants à des Special Purpose
Entities (SPE) c'est-à-dire à des filiales ou des entités ah doc qui sont le plus souvent hors
périmètre de consolidation, dont le but est d’aider la maison mère de se prémunir contre les
risques de paiement tout en maintenant ses actifs. A l’aide de ses SPE, Enron cherchait à
cacher ses mauvais résultats tout en revalorisant certains actifs. De cette façon, la firme
dissimulait les pertes, valorisait les actifs et mettait à coté un certain nombre de risques.

Dans ce sillage, force est de signaler qu’en 1997, le groupe Enron commença ces fraudes. Sa
stratégie se basait sur le placement de certains actifs risqués en dehors de ses comptes
sociaux. Il cédait ses intérêts pour les placer dans une filiale nommée JEDI (Joint Energy
Development Investment), à Chewco Investment, une coopération financée, de façon esquivée
avec ses propres actions. En cédant à Chewco sa participation dans JEDI, Enron retire de son
bilan les 700 millions de dettes de son ex-filiale. Au même temps, Enron bénéficiait d’une
caution relative au retour sur investissement grâce aux remboursements progressifs des actifs
préalablement placés dans sa filiale. En outre, ces transferts d’actifs entre Enron et sa SPE lui
permirent d’enregistrer dans les comptes des plus-values probables c'est-à-dire des éventuels
gains en capital non encore achevés. Ceci faisait dérogation au principe de prudence
comptable qui interdit l’enregistrement des produits tant qu’ils ne sont pas encore réalisés.
Cette création volontaire de fausse valeur de marché exposait Enron à des risques énormes en
cas de modification des comportements sur les marchés. Mais cela avait eu lieu à la lumière
de la crise californienne lorsque l’entreprise faisait face à des dénonciations d’excès de
pouvoirs de marchés. Cette pratique va s’étendre avec la création de nombreuses filiales et de
joints-ventures, l’objectif est toujours de cacher les pertes, pouvoir contracter des emprunts et
payer moins d’impôt sur les sociétés. Pour cette dernière raison, le groupe texan créa 881
filiales dans des paradis fiscaux, et plus particulièrement aux îles Caïmans.

Avec un chiffre d’affaire avoisinant 101 milliards de dollars au titre de l’année 2000, le
groupe Enron se situait à la tête du classement des sociétés américaines en compagnie de
Citicorp et IBM. Cependant, si la firme n’avait pas pris en considération la valeur globale des
contrats échangés et seulement les commissions, comme doivent le faire les maisons de
courtage, son chiffre d’affaire aurait chuté à 6,3 milliards de dollars. En outre, ce que l’on
vient d’évoquer, c’est que ce maquillage des comptes se réalisa avec la connivence du cabinet

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Le dilemme de l’auditeur : comment allier responsabilité, compétitivité et rentabilité
d’audit Andersen qui certifiait ces comptes depuis la création du groupe Enron en 1983. Ce
dernier passait des contrats fructueux de consultant avec Enron et avait perçu 25 millions de
dollars pour avoir audité ses comptes et 27 millions pour l’avoir conseillé.

 Responsabilité du cabinet d’audit Arthur Andersen dans l’affaire Enron :

L’affaire Enron a été marquée par la transgression des règles d’indépendance. En effet, il y a
une multitude de pratiques qui le démontrent :

-les auditeurs d’Andersen travaillaient d’une manière permanente dans les locaux d’Enron à
Houston et diffusaient tous les évènements sociaux de la société, et en sus de ça, un bon
nombre d’employés d’Enron étaient des employés d’Andersen.

-En 1993, Andersen s’est chargé l’audit interne d’Enron en plus de l’audit financier. Cela
avait posé le cabinet dans une situation de juge et partie, ce qui constitue un véritable conflit
d’intérêt. Par ailleurs, Andersen a outrepassé les règles du « Code Of Professional Conduct »
en recrutant l’ex-président du département d’audit interne d’Enron, ce qui met en jeu
l’indépendance du cabinet.

-A ce stade, se pose la question des prestations de conseil fournies simultanément aux


services d’audit, étant donné que la moitié des honoraires versés par Enron à Andersen se
rapportaient à des services autre que l’audit. D’où une tendance d’allègement des diligences
d’audit en faveur des services de consulting. Cette situation a suscité chez le cabinet la
volonté de satisfaire le client afin de le conserver.

Pour ce faire le cabinet d’audit Andersen a aidé Enron pour faire des montages financiers qui
ont abouti à masquer environ 800 sociétés localisées dans les paradis fiscaux déjà cités. C’est
un moyen de dissimuler les pertes.

 Conséquences de l’affaire sur le métier d’auditeur :

L’affaire du géant énergétique et du cabinet d’audit Arthur Andersen a abouti à la dissolution


de ce dernier et à la remise en cause des règles d’indépendance de l’auditeur et des procédures
de contrôle au sein des entreprises.

Pour remédier à une telle situation une loi intitulé « SARBANES-OXLEY » a été mise en
chantier. Cette loi apportait quelques modifications, on en cite principalement :

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Le dilemme de l’auditeur : comment allier responsabilité, compétitivité et rentabilité
- Interdire aux auditeurs de proposer des services autres que l’audit à leurs clients
parallèlement aux services d’audit. Les services qui sont interdits sont les suivants : la
tenue des livres et autres services relatifs à l’élaboration des états financiers, la
préparation et la mise en chantier des systèmes d’information financiers, les activités
d’évaluation et d’actuariat, les services d’audit interne, les activités liées à la gestion et
aux ressources humaines, les conseils en investissement et l’intermédiation financière
- Mettre en exergue la nouvelle mission attribuée aux comités d’audit d’approbation
préalable de tous les services d’audit ainsi que les services ne se rapportant pas à
l’audit. Ces approbations devront être sanctionnées par des rapports destinés aux
investisseurs systématiquement.
- Mettre en place la mutation obligatoire de deux associés principaux d’une mission
d’audit après chaque 5 ans. Cette disposition concerne l’associé principal et l’associé
responsable de revoir le dossier d’audit.
- L’obligation pour les équipes d’audit de rédiger des rapports qui seront destinés au
comité d’audit et qui ont pour objectif de mettre en évidence les politiques, les
pratiques comptables et tous les traitements alternatifs de l’information financière
discutés avec l’équipe de management, ainsi que les causes pour lesquelles certains
ont été maintenus. Toute communication ayant une importance capitale entre le
cabinet d’audit et l’équipe de management devra aussi être sanctionnée par un rapport.

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Le dilemme de l’auditeur : comment allier responsabilité, compétitivité et rentabilité
Conclusion sur la problématique

Les méthodologies et les « hommes » de l’audit opèrent actuellement une profonde mutation
afin d’apporter une réponse pertinente à la problématique de la gestion simultanée du risque
professionnel, de la satisfaction de leurs clients et de leurs rentabilité. Pourtant, la permanence
des scandales les mettant en cause laisse à penser qu’il appartient encore aux grands cabinets
d’audit de mieux exploiter leur savoir-faire et de renforcer la qualité des contrôles qu’ils
exercent.

Afin d’œuvrer pour une transparence encore croissante de l’information financière les
cabinets d’audit doivent mettre toute leur expertise au service des entreprises, qui constituent
le noyau de l’économie nationale, en leur accompagnant dans tous leurs projets financiers tout
en gardant le regard critique sur la véritable situation financière de l’entreprise afin de
permettre aux investisseurs aux tiers d’avoir beaucoup plus de visibilité sur la bonne marche
de l’entreprise, et par conséquent améliorer le climat des affaires.

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Le dilemme de l’auditeur : comment allier responsabilité, compétitivité et rentabilité
Conclusion sur le stage

Cette expérience nous ’a apporté une formation de terrain, un encadrement motivant et


constructif, une évaluation de nos connaissances théoriques, et finalement une offre d’emploi.
Notre formation a très bien répondu aux nécessités du métier qui demande un savoir-faire
comptable et financier, une capacité d’analyse fondée sur une connaissance globale des
mécanismes de l’entreprise et de son environnement économique, juridique et fiscal.

Il est vrai que le métier d’audit est extrêmement formaliste et rigoureux. Mais ce métier ne
consiste pas simplement à appliquer des normes. Il doit toujours avoir le souci de comprendre
ce qui se passe dans l’entreprise, tant au niveau de la gestion comptable qu’aux niveaux
commercial, technique, stratégique, financier et humain.

Cependant, en contrepartie du bénéfice de cette mine d’information, il faut savoir se plier à


des contraintes importantes de méthodologie, de formalisation, de mobilité géographique, de
flexibilité des horaires et de pression professionnelle et accepter que, comme dans toute
formation, l’on soit obligé d’effectuer certaines tâches rébarbatives avant de pouvoir se
concentrer sur des tâches plus enrichissantes intellectuellement.

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Le dilemme de l’auditeur : comment allier responsabilité, compétitivité et rentabilité
Bibliographie

- Documentation interne de Deloitte


- Le Manuel des normes d’audit
- Le Mémoire d’expertise comptable de « HAKAM Youssef » :
réflexion sur la stratégie d’audit financier à la lumière des
nouvelles méthodologies
- L’affaire Enron : ABSALON Aurélia, TOTH Esther
- Wikipédia
- Mémoire d’expertise comptable de « SBAA Tarik » : la
responsabilité civile, pénale et disciplinaire du CAC et
comportement à adopter en cas de mise en cause

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Le dilemme de l’auditeur : comment allier responsabilité, compétitivité et rentabilité

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