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DOSSIER
dégâts économiques de l'impôt. soient économiques, sociales ou souvent à des résultats fort
C'est à la fois l'intérêt du pays écologiques), elles ne soulèvent éloignés de ceux qu’ils visaient.
(pour préserver la création de pas d’objection de principe. Mais La recherche d’une gestion pu-
richesses) et celui de l'Etat (pour elles supposent l'observation blique de qualité et d'un interven-
sauvegarder ses recettes futures). d'une certaine déontologie. tionnisme « vertueux » devrait
La France, on l’a vu, a encore des être le chantier prioritaire des res-
progrès à faire dans ce domaine. Tout d'abord, une exigence d'hu- ponsables publics. Elle suppose la
milité. La société et l'économie capacité de modéliser, puis de
VERS UNE sont complexes et mouvantes. Les mesurer le résultat de l’action. Le
DÉONTOLOGIE DE démarches mécanistes, qui mettent rituel rapport au Parlement sur les
L'INTERVENTIONNISME la fiscalité au service d'objectifs dépenses fiscales appartient à la
théoriques simples, mais ignorent préhistoire d’une évolution qui
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A QUOI SERT VRAIMENT L’IMPÔT ?
Deuxième exigence, la transpa- fiscales empreintes d'arrière- Encore faut-il que ces objectifs
rence des objectifs. C'est une pensées. La transparence est soient réels et sincères, et ne
condition fondamentale d'effica- d'ailleurs, dans le domaine fiscal, servent pas seulement à dissimu-
cité, car l'incitation fiscale une sorte de clé universelle : ler les efforts d'une « sphère
s'adresse à des êtres doués après tout, aucune finalité publique » anonyme pour ac-
d'intelligence et non à des imaginable de l'impôt ne peut croître son emprise sur la
choses. Les comportements être a priori exclue. Les hommes s o c i é t é e t l e vo l u m e d e s
d'adaptation et d'optimisation, sont libres et peuvent décider richesses qu'elle prélève sur le
dans une société libre, auront comme ils l’entendent des travail des citoyens. l
toujours raison des mesures objectifs qu'ils lui assignent.
cette description et ne sont, pour l’essentiel, ni plus complémentaires, sont a priori les plus proches de
ni moins que des impôts sur le revenu du travail. la prime d’assurance, rendue obligatoire simplement
Ceci ressort de l’analyse des quatre grands pour que les impécunieux ou les égoïstes ne se
« risques » qu’elles sont censées couvrir : maladie, retrouvent pas à la charge de la collectivité dans
famille, chômage et retraite. leur vieil âge. Les pensions servies dépendent en
effet positivement des cotisations payées pendant
Les cotisations à l’« assurance » maladie ne donnent la durée de vie active, et de manière plus claire
pas réellement accès à une assurance, puisque celle- encore pour les régimes complémentaires fonc-
ci est désormais systématiquement octroyée aux tionnant par points.
résidents, sans condition de cotisation et à des
conditions de remboursement souvent plus avanta- Il existe toutefois une redistribution non négligeable,
geuses pour les non-cotisants (couverture maladie en raison de l’existence de pensions minimales, ou de
universelle). Les cotisations maladie sont par ailleurs réversions sous conditions de ressources, et plus
proportionnelles (et même progressives compte tenu encore du fait que les règles de liquidation sont loin
des ristournes sur les bas salaires), alors que les de respecter les conditions de neutralité actuarielle.
prestations n’ont pas de lien avec le revenu. C’est Surtout, les droits acquis sont verrouillés dans un
donc bien à un impôt que l’on a affaire. système dont on est sûr que le rendement futur sera
au mieux médiocre, compte tenu des perspectives
Les cotisations « famille », proportionnelles au revenu démographiques françaises, et qui sera soumis d’autre
d’activité (progressives au bas de l’échelle des part à un aléa important, venant de l’incertitude sur
salaires), financent des prestations qui n’augmentent les modes qui seront retenus dans le futur pour
pas avec ce revenu. Au contraire, une partie de plus traiter les déficits des régimes. La « valeur » des droits
en plus importante, et aujourd’hui prépondérante, à pension acquis en contrepartie des cotisations n’est
des prestations familiales sont attribuées sous ainsi pas connectée de manière étroite aux cotisa-
conditions de ressources. On peut donc ranger les tions, qui constituent une forme d’hybride entre
cotisations « famille » dans la catégorie économique l’assurance obligatoire et l’impôt pur et simple.
des impôts sur le revenu du travail.
Au terme de cette brève analyse, on se rend compte
L’analyse des cotisations « chômage » et « retraite » que la question de l’assimilation des cotisations
est un peu plus délicate et son résultat plus nuancé. sociales à des impôts, sur le plan économique, n’a
Les indemnités versées par le régime d’assurance pas de réponse théorique et absolue, mais dépend
chômage progressent en effet avec le salaire soumis des situations d’espèce. Il y a quarante ans, en
à cotisation. Mais elles comportent aussi une partie France, les cotisations étaient calculées sur un
fixe substantielle. Surtout, les cotisations ne tiennent salaire plafonné, leur versement conditionnait
pas compte de la probabilité d’être au chômage, l’accès aux prestations, et celles-ci n’étaient pas
laquelle décroît sensiblement en fonction du niveau distribuées sous conditions de ressources. La
de qualification et donc largement de la position dans notion de prime d’assurance obligatoire avait une
l’échelle des revenus. La formule de calcul est donc certaine validité, comme celle de salaire indirect.
très éloignée de celle que donnerait le calcul d’une Aujourd’hui, les cotisations sont largement des Sociétal
prime d’assurance. Les cotisations « chômage » sont impôts supplémentaires sur le revenu du travail, et
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donc largement des impôts. tout particulièrement sur le travail qualifié.
3e trimestre
Les cotisations « retraite », qu’il s’agisse de la 2001
retraite de la Sécurité Sociale ou des régimes Didier MAILLARD
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