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Urétroplastie d’agrandissement par greffe

de muqueuse buccale chez la femme
M. Chodez, C. Thuillier, A. Khogeer, B. Boillot

Résumé : Les sténoses urétrales de la femme sont difficiles à diagnostiquer et à traiter. Après les traite-
ments endo-urétraux, peu efficaces, une urétroplastie doit être envisagée. Plusieurs techniques ont été
décrites en fonction du lambeau utilisé et du côté de l’urètre abordé : antérieur ou postérieur. Une tech-
nique d’urétroplastie de la face antérieure de l’urètre par greffe de muqueuse buccale est détaillée ici. La
technique chirurgicale comprend un temps de préparation urétrale par voie vaginale, le prélèvement du
greffon de muqueuse buccale puis l’anastomose du greffon à la face antérieure de l’urètre. L’urétroplastie
chez la femme est une technique efficace, avec de faibles taux de complications, qui devrait être systé-
matique en deuxième intention dans le traitement des sténoses urétrales complexes et récidivantes de la
femme.
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Mots-clés : Sténose urétrale ; Femme ; Urétroplastie ; Greffe de muqueuse buccale

Plan (UCRM), un bilan vidéo-urodynamique et/ou une urétrocystosco-

■ Introduction
■ Technique chirurgicale
Préparation urétrale
Prélèvement de muqueuse buccale
Mise en place du greffon
■ Discussion
■ Conclusion
 Introduction
Les sténoses urétrales vraies de la femme sont rares et réputées
difficiles à traiter ; elles sont presque toujours secondaires à des
agressions chirurgicales répétées, le plus souvent des dilatations,
en général réalisées pour des infections urinaires récidivantes, et
l’on peut douter de la réalité des sténoses idiopathiques primi-
tives de l’urètre chez la femme. De très nombreux « traitements »
de sténoses urétrales et méatiques sont encore réalisés en France
chaque année, presque toujours par dilatation, malgré l’absence
de preuves de la réalité de la sténose, et l’absence d’études qui
prouveraient l’efficacité de la dilatation sur les symptômes [1] .
Pourtant, le nombre de cas d’urétroplasties réalisées en France
reste bas, ainsi que le nombre de cas décrits dans la littérature [2, 3] .
L’étiologie iatrogène (manœuvres endo-urétrales répétées,
radiothérapie, curiethérapie) prédomine largement, avant les
causes dermatologiques ou postinfectieuses [4] .
Le diagnostic de sténose urétrale ne peut pas être porté sur une
seule difficulté de cathétérisme sans anesthésie, ou sur un examen
urodynamique. Il est affirmé par une urétocystographie rétrograde
pie. Il n’y a, actuellement, aucun critère diagnostique univoque
1 validé [3, 5] .
Le traitement repose classiquement [5] :
1 • sur les dilatations urétrales, associées ou non à une méatotomie
2 que certains font suivre d’autodilatations ;
2 • sur l’urétrotomie, peu utilisée chez la femme ;
3 • sur l’urétroplastie qui devrait être systématiquement proposée
4 en seconde intention.
4 Une meilleure connaissance anatomique de l’urètre féminin,
notamment grâce aux données de l’imagerie par résonance
magnétique (IRM) [6] , a permis la description de plusieurs tech-
niques : urétroplastie antérieure ou postérieure, lambeau vaginal
(libre ou non), greffe libre de petite lèvre/grande lèvre/muqueuse
buccale [3] .
Une technique d’urétroplastie antérieure par greffe libre de
muqueuse buccale [7] est décrite ici.
 Technique chirurgicale
Un examen cytobactériologique des urines (ECBU) préopéra-
toire stérile ou traité est un préalable à la chirurgie.
La patiente est installée en position gynécologique, avec une
flexion des hanches inférieure ou égale à 90◦ pour prévenir du
risque de compression veineuse.
Une antibioprophylaxie par céfazoline 2 g, ou céfamandole
1,5 g, ou gentamycine 5 mg/kg par jour, en cas d’allergie,
en dose unique, est réalisée, selon les recommandations de la
Société française d’anesthésie-réanimation en collaboration avec
l’Association française d’urologie [8] .
La préparation du vagin, du méat et de la bouche est sans par-
ticularité.

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Volume 38 > n◦ 2 > avril 2021
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2 2

A B
Figure 1. Vues gynécologiques peropératoire (A) et schématique (B). 1. Clitoris ; 2. méat urétral ; 3. vagin ; 4. sonde urétrale.

1
1

2
2

3
3

A B
Figure 2. Vues peropératoire (A) et schématique (B) : dissection de l’urètre sur sa face antérieure. 1. Incision ; 2. zone de dissection ; 3. vagin.

Préparation urétrale Prélèvement de muqueuse buccale

Les petites lèvres sont fixées pour exposer l’introitus vulvaire et
le méat urétral (Fig. 1). Une sonde urétrale de 6 CH est mise en
place, si possible, pour repérer la lumière urétrale avec instillation
de bleu patenté dans la vessie.
Une incision arciforme est réalisée au-dessus du méat urétral de
9 à 3 heures, puis l’urètre est libéré sur sa face antérieure, jusqu’en
amont de la zone sténosée, à distance des corps spongieux et des
corps caverneux clitoridiens. En exerçant une traction vers le bas
par un petit béniqué, on va ouvrir un espace chirurgical en forme
de trièdre, avec une face inférieure qui est la face antérieure de
l’urètre, et deux faces latérales se rejoignant en avant (Fig. 2).
L’urètre est ensuite ouvert aux ciseaux, à midi et sur toute la
longueur de la sténose jusqu’à trouver un urètre large en tissu
sain. La zone de sténose est difficile à couper et blanchâtre. On
sait qu’on est en urètre large quand on peut passer une sonde
de 20 CH (Fig. 3). La longueur de la plastie d’agrandissement est
déterminée à ce moment-là. Elle ne dépasse jamais 5 cm.
La greffe de muqueuse buccale, comme toutes les greffes libres,
est théoriquement contre-indiquée chez la patiente fumeuse, en
raison des perturbations de la néovascularisation.
La sonde d’intubation est fixée latéralement ; une intubation
nasale n’est pas indispensable. La tête positionnée en extension
est tournée du côté opposé à la sonde d’intubation.
Après asepsie et repérage de l’orifice du canal de Sténon,
l’incision est dessinée. Le lambeau peut ainsi atteindre 4 à 5 cm
de longueur sur 2 à 3 cm de largeur sur une joue, soit la longueur
de l’urètre féminin.
Une infiltration de la sous-muqueuse par une solution de sérum
adrénaliné (0,5 mg d’adrénaline pour 20 cm3 de sérum phy-
siologique) permet de faciliter le prélèvement et diminuer le
saignement.
Le lambeau muqueux est prélevé à la lame froide pour pré-
venir du risque d’ischémie de coagulation. L’incision n’est pas
nécessairement refermée. Un surjet de Vicryl® rapide 4/0 peut

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A B
Figure 3. Vues peropératoire (A) et schématique (B). Ouverture de l’urètre à midi, jusqu’à trouver un tissu sain à la coupe (A, B). 1. Incision ; 2. incision
urétrale.

A B
Figure 4. Vues peropératoire (A) et schématique (B). Mise en place du greffon de muqueuse buccale. 1. Lambeau ; 2. urètre.

être réalisé quand l’opérateur choisit de refermer l’incision
jugale.
Le lambeau est dégraissé et conservé dans du sérum physiolo-
gique. En fin d’intervention, on réalise une infiltration de la joue
aux anesthésiques locaux.
Mise en place du greffon
Le lambeau est ensuite suturé sur la face antérieure de l’urètre
ouvert, par des points séparés de fil PDS 6/0 (polydioxanone
suture), après mise en place de trois points de bâtis aux commis-
sures. Le versant muqueux du greffon est endoluminal (Fig. 4). Les
sutures doivent être réalisées sans tension sur le lambeau, comme
si l’on posait une tuile provençale sur l’ouverture urétrale. Puis le
greffon est amarré au plafond de la zone disséquée (trièdre) par
quelques points de fil résorbable rapide 3/0.
La suture peut être rendue difficile par l’étroitesse de la voie
d’abord et par un saignement constant que l’on doit négliger
le temps de la suture. L’hémostase est assurée par la compres-
sion urétrale sur la sonde vésicale avec mèche vaginale. On évite
l’électrocoagulation pour préserver la sensibilité sexuelle.
Une sonde vésicale 16 CH est mise en place en fin d’intervention
pour trois semaines avec une UCRM de contrôle au désondage :

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Tableau 1.
Données publiées sur les greffes de muqueuse buccale dans les sténoses urétrales de la femme.
Auteur Nombre de patientes Position du greffon Mean follow-up Complications
[7]
3 Dorsale 27 Non
[17]
1 Dorsale 27 Non
[18]
2 Ventrale 24 Non
[19]
2 Dorsale 18 Hématome du site donneur (1)
[13]
6 Dorsale (2), ventrale (2), tubularisée (2) 17 Non
[12]
3 Dorsale 25 Non
[16]
4 Dorsale 24 Non
[9]
22 Dorsale 6 Incontinence modérée (2)

par tissu autologue est préféré à la mise en place de matériel pro-

B immédiate a été rapportée sous la forme d’un hématome jugal au
Figure 5. Aspect final.
en cas de fistule, on pourrait proposer deux semaines de sondage
en plus. L’incision périméatale est refermée par des points séparés
de PDS 5/0, afin d’éviter la constitution d’un hématome par un
surjet étanche (Fig. 5).
En fin d’intervention, un bloc pudendal bilatéral est toujours
réalisé pour une bonne analgésie postopératoire.
 Discussion
Nous avons présenté ici une technique d’urétroplastie dorsale
chez la femme, décrite initialement par Migliari [7] , mais la série
de Greenwell [9] montre également d’excellents résultats avec une
greffe posée sur la face postérieure.
L’intérêt de la technique d’urétroplastie antérieure est de pré-
server la paroi vaginale antérieure et ainsi d’éviter les fistules
urétrovaginales. Cela permet également d’éviter une rétraction
hypospade du méat et donc une déviation du jet urinaire [3, 7] .
Les progrès dans la connaissance de l’anatomie [6] ont permis de
montrer que cette technique maximise les chances de préserver
le sphincter strié urétral, avec un taux d’incontinence de novo à
0 % [3] .
En raison de la difficulté d’aborder la face postérieure de l’urètre
après chirurgie de diverticule, nous avons pour parti pris de choi-
sir la face antérieure pour la pose du greffon afin de pouvoir sans
difficulté poser une bandelette sous-urétrale. Néanmoins, nous
n’en avons pas eu l’expérience (pas d’incontinence postopéra-
toire dans notre série dont la publication est en cours) [10] . À
noter que le sphincter strié n’est pas identifiable car il est engainé
dans la fibrose péri- et intra-urétrale. Lorsqu’un traitement de
l’incontinence urinaire d’effort est nécessaire, il s’agissait d’une
incontinence préexistante. La plupart du temps, un traitement
thétique [11–13] .
L’IRM a permis une meilleure description anatomique cli-
toridienne. Ainsi, les bulbes clitoridiens latéraux se rejoignent
sur la face dorsale de l’urètre, tandis que le tissu érectile cli-
toridien entoure le complexe urétrovaginal antérieurement et
latéralement. La dissection doit donc être prudente mais aucune
dysfonction sexuelle n’a été rapportée dans la littérature [3] .
Le prélèvement de muqueuse buccale est privilégié du fait d’une
maîtrise de la technique pour les urétroplasties chez l’homme. Le
tissu est très bien toléré. Les tissus vaginaux ou labiaux sont sou-
vent préférés lorsqu’ils sont localement accessibles. Cependant,
quel que soit le lambeau choisi, une atrophie postménopausique
doit être traitée au préalable. Le positionnement antérieur du gref-
fon fournit un excellent tissu de soutien grâce aux corps caverneux
et spongieux environnant le greffon. Le Tableau 1 montre les
résultats des urétroplasties par lambeaux de muqueuse buccale
dans la littérature [7, 9, 12–19] ; 21 patientes ont été rapportées avec
un suivi moyen de 17 à 27 mois. La voie d’abord dorsale a été
préférée mais quatre patientes ont eu une approche ventrale et
deux ont eu une voie d’abord circonférentielle. Une complication
site de prélèvement du greffon.
La prise en charge des resténoses après urétroplasties n’est pas
bien décrite dans la littérature. Certains réalisent des dilatations
urétrales [16] , d’autres des urétrotomies [20] , d’autres enfin des
urétroplasties avec lambeau de muqueuse buccale lorsque des lam-
beaux vaginaux ont été utilisés précédemment [12] .
Dans la littérature, les dilatations urétrales associées, ou non,
à des autodilatations sont responsables d’un grand taux d’échecs
et de récidives (53 %) [6] , mais restent le traitement de première
ligne des sténoses urétrales documentées. Ces dilatations doivent
néanmoins être abandonnées pour le traitement de l’hyperactivité
vésicale afin de prévenir des fibroses urétrales pouvant conduire à
la sténose [21–23] .
Dans la littérature, l’urétroplastie, quelle que soit la technique
utilisée, est associée à un grand taux de succès (80 à 100 %) [3, 6, 23] .
Les séries publiées concernent un petit nombre de patientes en rai-
son de la rareté de la pathologie, mais, en accumulant les données,
on peut affirmer que la reconstruction urétrale chez la femme est
sûre et efficace.
 Conclusion
L’urétroplastie dorsale par lambeau de muqueuse buccale est
une technique sûre et reproductible avec des taux d’échecs et de
complications postopératoires faibles dans des cas complexes de
sténoses multiopérées et multirécidivantes [10] . Elle est aisément
réalisable par des équipes rompues aux techniques de chirur-
gie vaginale et d’urétroplastie. Elle devrait être systématique en
deuxième intention, à l’image du traitement des sténoses urétrales
chez l’homme. La multiplication des indications devrait alors per-
mettre une meilleure évaluation des résultats à long terme de cette
technique encore marginale.
Déclaration de liens d’intérêts : les auteurs n’ont pas transmis de déclaration
d’intérêts en relation avec cet article.

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M. Chodez.
C. Thuillier.
A. Khogeer.
B. Boillot (BBoillot@chu-grenoble.fr).
CHU de Grenoble, avenue Maquis-du-Grésivaudan, 38700 La Tronche, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Chodez M, Thuillier C, Khogeer A, Boillot B. Urétroplastie d’agrandissement par greffe de muqueuse
buccale chez la femme. EMC - Techniques chirurgicales - Urologie 2021;38(2):1-5 [Article 41-370].
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Documents Information Informations Auto- Cas
légaux au patient supplémentaires évaluations clinique
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