Vous êtes sur la page 1sur 23

Sociologie générale l Mariana Gomes

Le paradigme fonctionnaliste – Synthèse


Il existe différentes façons d’aborder la réalité sociale, différentes manières de donner sens aux phénomènes
sociaux. Les sociologues se sont accoutumés à appeler ces traditions « paradigmes », lesquels oscillent
entre deux pôles où viennent s’ancrer la plupart des analyses :
- un pôle dit déterministe ou structuraliste
- un pôle dit actionniste ou interactionniste

Comment ce qui préexiste influence


notre manière d’agir ➝
fonctionnalismes et structuralismes.

Quel sens les acteurs donnent à leurs


pratiques ➝ interactionnismes et
actionnismes.

Parfois, les différents paradigmes portent sur des objets empiriques spécifiques. Toutefois, un même objet
peut être analysé alternativement avec des outils développés dans des paradigmes concurrentiels.

Les paradigmes du pôle déterministe

Ces paradigmes puisent leur inspiration dans les travaux d’Émile Durkheim. Au cours du temps, ce
paradigme général s’est décliné en plusieurs paradigmes spécifiques, dont :

- le fonctionnalisme : Talcott Parsons, Robert Merton


- le structuralisme : Pierre Bourdieu

Postures analytiques qui fondent l’approche déterministe :


1. Tout fait social ne s’explique que par des phénomènes sociaux (collectifs) qui lui sont antérieurs
ou préexistants.
Exclut l’explication psychologique, permet d’objectiver les phénomènes sociaux ; expliquer le social
par le social ➝ p.ex. le suicide ➝ régularité statistique, ça ne touche pas n’importe qui à n’importe
quel moment
⤷ ces caractéristiques évoluent dans les temps et peuvent changer d’un endroit à l’autre
⤷ il y a d’autres éléments qui entrent en jeu, mais on ne considère ici que ceux qui sont
sociaux
2. Le caractère extérieur de ces phénomènes sociaux que l’individu intériorise et qui orientent, par
conséquent, son action.
Comment les phénomènes sociaux extérieurs sont intériorisés par les individus ➝ par la
socialisation et parfois par la coercition (= par contrainte, les choses s’imposent à nous) ➝
intériorisation de normes et de valeur ➝ nous amène à faire ce qu’on fait, à prendre les décisions
qu’on prend.

Rappel Durkheim :
« Les systèmes de signes dont je me sers pour exprimer ma pensée, le système de monnaie que j’emploie
pour payer mes dettes, les instruments de crédits que j’utilise dans mes relations commerciales, les
pratiques suivies dans la profession, etc., fonctionnement indépendamment des usages que j’en fais. »
⤷ idée de l’extériorité, on arrive dans un monde social déjà construit où les choses sont déjà là et s’imposent
à nous
« Voilà donc des manières d’agir, de penser, et de sentir qui présentent cette remarquable propriété qu’elles
existent en dehors des consciences individuelles. Non seulement ces types de conduites ou de pensée
Sociologie générale l Mariana Gomes

sont extérieurs à l’individu, mais ils sont doués d’une puissance impérative et coercitive en vertu de laquelle
ils s’imposent à lui, qu’il le veuille ou non »
⤷ Pour Durkheim : faits sociaux = extériorité + contrainte

Les fonctionnalismes

Quelques éléments de définition : polysémie de la notion de « fonction » :


➝ statut social (ex. occuper un poste, un emploi)
➝ ensemble de tâches et responsabilités incombant à une personne (ex. fonction de direction)
➝ mathématiques : relation d’interdépendance entre 2 éléments : tout changement dans l’un provoque
une modification de l’autre (ex. chez Durkheim, le taux de suicide en fonction du statut marital)
➝ sciences biologiques : contribution d’un élément à l’ensemble dont il fait partie (ex. fonction
programmatique de l’héritage génétique)

Pour Durkheim, même fonctionnement que le corps humain, plusieurs organes qui ont chacun leur
fonction et qui sont interdépendants.
➝ on retrouve trace de toutes ces définitions dans les approches sociologiques fonctionnalistes

Déclinaisons du pôle déterministe dans le fonctionnalisme :

Malinowski ➝ fonctionnalisme anthropologique ➝ importance de se décentrer pour comprendre une


société.
Dans sa version la plus radicale (ex. Malinowski), le paradigme fonctionnaliste est basé sur 3 postulats :

➝ Le postulat du fonctionnalisme universel


⤷ dans la société, tout a un sens ou une fonction, même ceux qui nous semblent inutiles (ex. rites,
traditions, usages, institutions, groupes sociaux)

➝ Le postulat de l’unité fonctionnelle de la société


⤷ le sens ou la fonction ne peuvent pas être saisis au seul niveau local dans lequel les éléments sont
insérés, ils doivent être rapportés à l’ensemble du système plus général qui l’environne ; pour
comprendre un des éléments de l’organisation sociale il faut le repositionner dans l’ensemble de
l’organisation sociale

➝ Le postulat de nécessité
⤷ chaque élément est indispensable au fonctionnement de la totalité du système général (de la
société) ; si une fonction dysfonctionne, c’est toute la société qui dysfonctionne ➝ interdépendance dans
l’organisation sociale

Dans la perspective fonctionnaliste ➝ intérêt pour la finalité ; il faut connaître la finalité pour comprendre
les actions qui y ont mené.
⤷ « Le fonctionnalisme part des finalités de l’action qui amènent son déroulement. »
⤷ analogie organiciste entre la société et le corps humain ➝ métaphore du corps social : « chaque
organe possède sa fonction et devient indispensable à la vie du système dans lequel il est intégré »
⤷ permet de rendre compte des dysfonctionnements sociaux, sur le modèle des maladies
corporelles
⤷ vision harmonieuse de la société ➝ toute chose à une fonction et toute fonction est nécessaire
au maintien de l’équilibre du système social
⤷ les besoins d’une société sont perçus comme stables dans le temps ; le changement social est abordé
en termes d’adaptation des structures et pratiques sociales aux influences extérieures

⇒ maintien de l’équilibre du système social ➝ objectif


Sociologie générale l Mariana Gomes

Critiques adressées à l’orthodoxie fonctionnaliste et à Malinowski :


- ne permet guère de penser le changement social car l’ordre et la stabilité sont au fondement du
raisonnement fonctionnaliste
⤷ suppose que toute chose ou toute action répond nécessairement à un besoin + on ne peut pas
imaginer que les besoins se transforment

° Le structuro-fonctionnalisme de Talcott Parsons

Les aspects les plus rigides du fonctionnalisme vont progressivement être assouplis par Parsons et
Merton.

Parsons développe une théorie ambitieuse de l’action sociale ➝ les actions sont comprises au regard de
leur fonction dans la structure sociale, d’où le nom de structuro-fonctionnalisme
⤷ comment la fonction s’immerse dans la structure sociale
Chez Parsons ➝ l’acteur oriente son action en direction d’une fin + il en choisit les moyens ➝ tout cela
dans un cadre contraint ; il ne dispose que d’un contrôle partiel sur son environnement ➝ il oriente son
action en fonction de normes.
⇒ les normes = facteur explicatif majeur ; ce qui explique et guide les conduites

Selon Parsons, les structures du système social répondent à 4 fonctions essentielles :


1. la socialisation ➝ intégration de normes et de valeurs ➝ reproductions de normes ➝ stabilité des
normes, maintien de l’équilibre social ➝ stabilité normative
2. l’intégration ➝ coordination et cohésion des individus
3. la réalisation des buts ➝ réalisation des buts ➝ l’orientation
4. l’adaptation ➝ ressources et environnement

Fondements
Impératifs Sous-systèmes du
Sous-systèmes de structurels du Hiérarchie
fonctionnels d’un système (et des
l’action sous-système de cybernétique
système d’action sciences)
l’action
Maintien des
modèles de Socialisation Riche en
référence Culturel Valeurs (psychologie information
(stabilité sociale)
normative)
Communauté
Intégration Social Normes sociétale
(sociologie)
Réalisation des Politique (science
Psychique Collectivités
fins politique)
Économie
Adaptation Biologique Rôles (science
Riche en énergie
économique)

Le modèle de Parsons insiste sur l’importance du système social ➝ toujours en se référant aux 3 niveaux
du social ➝ personnalité, culture, société.
⤷ système social = organisation de la société dans son ensemble

Les acteurs sont motivés selon une tendance à rechercher un optimum de satisfaction = on veut le mieux
pour soi.
Leur situation est définie et médiatisée par un système de symboles, organisés par la culture à laquelle
ils participent.
Sociologie générale l Mariana Gomes

Concepts clés :
➝ la personnalité : vue à travers la notion de rôle qui est un système d’attentes et d’obligations
réciproques (père, enfant, époux, chef, etc.)
➝ la culture : ensemble de valeurs et de symboles communs aux acteurs

« Si les acteurs sont contraints, il leur reste néanmoins des choix. »

Exemples de thématiques fonctionnalistes :


- émergence de la famille nucléaire comme forme familiale majoritaire dans les sociétés capitalistes
- les fonctions sociales de la déviance ou de la criminalité

⇒ Des objets d’analyse qui renvoient à l’échelle macrosociale (= panorama d’ensemble du fonctionnement
de la société) et à une logique de généralité (= identifier des règles récurrentes).

° Les principales critiques du structuro-fonctionnalisme

La légitimation de l’ordre établi :

On reproche aux fonctionnalistes de ne pas s’interroger sur l’origine et le rôle idéologique des valeurs
dominantes dans un contexte social donné.
⤷ Parsons, en insistant sur la fonction de maintien des modèles (stabilité normative), souligne le rôle
intégrateur et consensuel du système social et laisse penser que tout ordre existant est légitime voir
nécessaire.
⤷ tendance à légitimer l’ordre social établit, ne se questionne pas sur l’origine des normes dominantes ;
ce qui est connu reste désirable et où sortir de la norme est très mal vu ➝ volonté de conserver l’ordre
social établi

La critique formulée par Norbert Elias ➝ « Le jugement de valeur en ceci que l’on entend
involontairement par fonction les activités d’une partie seraient bonnes par le tout, parce qu’elles
contribuent au maintien de l’intégrité d’un système social existant. Les activités humaines qui n’y
contribuent pas ou ne semblent pas y contribuer sont qualifiées de dysfonctionnelles. »

Le statisme :

➝ penser la société comme statique


Les fonctionnalistes ne prêtent pas assez attention aux mécanismes de changement social.
En insistant sur la stabilité du système social et sur les mécanismes d’intégration Parsons réduit le
changement à un phénomène d’adaptation endogène. » Il contribue à ce que Charles Wright Mills appelle
l’élimination magique du conflit.
⤷ Penser que la société ne change pas, ne se transforme pas ➝ conservation de l’ordre
⤷ on intègre le changement petit à petit mais ils ne viennent pas transformer le fonctionnement social

L’ethnocentrisme & évolutionnisme :

Les fonctionnalistes ont tendance à confondre ce qui est avec ce qui doit être.
⤷ risque de tautologie, de tourner en rond en expliquant ce qui est par ce qui doit être
p.ex. : en matière d’organisation conjugale, Parsons présente la société US des années 1950 comme
le modèle du stade supérieur de l’évolution, tant cette société illustre les différents éléments de son
cadrage théorique et pour cause, parce que ce dernier s’inspire étroitement de la réalité américaine de
son époque

Le caractère non-vérifiable des affirmations théoriques :

« Le caractère général de la théorie de Parsons, part d’un niveau d’abstractions et empêche la vérification
empirique de ses affirmations et toute possibilité sérieuse de réfutation. »
⤷ la généralisation et l’abstraction empêche la vérification des théories
Sociologie générale l Mariana Gomes

La faible place laissée aux marges de manœuvre individuelles :

« La notion d’action sociale de Parsons ne doit pas nous abuser au point de classer cet auteur parmi
les sociologues de l’action. »
« Son analyse (Parsons) du système général d’action sociale ne laissent découvrir que des systèmes et
des structures à l’intérieur desquels les normes, les valeurs, les traditions culturelles, les institutions
pèsent d’un poids très lourd sur l’individu qui en est le support. »
⤷ on laisse peu de marge de manœuvre aux individus
⤷ c’est parce qu’on a intériorisé certaines normes qu’on prend certaines décisions pour arriver à certains
objectifs

° Le fonctionnalisme de moyenne portée de Robert K. Merton

Merton suit la lignée de Parsons, or, il critique les excès de la démarche conceptuelle abstraite de celui-
ci.
Merton organise sa propre théorie néo-fonctionnaliste autour de quelques concepts clés. ➝ une fonction
peut être remplie par plusieurs éléments ; un élément peut avoir plusieurs fonctions.

➝ Ce n’est pas le contexte qui explique le comportement des individus mais la place qu’ils ont dans la
société.
Selon Merton, la sociologie devrait s’atteler à l’élaboration de cadres interprétatifs de moyenne portée, ce
qui consiste à :
➝ renoncer à tout expliquer, éviter de parler de la société dans son ensemble
➝ produire des interprétations de la réalité sociale qui sont vérifiables à l’aide de données
empiriques, éviter la conjecture philosophique
➝ produire des interprétations qui sont suffisamment généralisables pour expliquer différents
phénomènes sociaux, au-delà de celui pour laquelle elles ont été élaborées

Fonctions manifestes et fonctions latentes :

« La distinction entre fonctions manifestes et fonctions latentes s’est imposée pour échapper à la
confusion involontaire qui guette les sociologues entre motivations conscientes d’un comportement
social et ses conséquences objectives. »
⤷ Les fonctions manifestes : comprises et voulues par les participants du système
⤷ Les fonctions latentes : celles qui ne sont ni comprises, ni voulues

Merton ➝ idée selon laquelle la société est bien organisée en fonction de besoins stables, mais il
reconnaît que ces besoins fonctionnels puissent être satisfaits de plusieurs manières ➝ par différentes
institutions / pratiques sociales.
⤷ p.ex. « les déficiences fonctionnelles de la structure officielle engendrent une structure de
remplacement non officielle pour satisfaire plus efficacement les besoins existants
⤷ p.ex. besoin de conformité aux normes de la société d’appartenance : émergence de pratiques
illicites (criminalité) chez des individus qui sont privés des moyens licites de vivre une mobilité
sociale ascendante et/ou d’accumulation de signes extérieurs de richesse ; analyse de la criminalité
comme la traduction d’une adhésion forte de ces individus déviants aux valeurs dominantes de la
société en question, et donc de leur bonne intégration social (cf. cours sur la déviance)

Groupe d’appartenance et groupe de référence :

Pour comprendre les mécanismes de l’intégration sociale, Merton s’intéresse au cas spécifique des
individus ayant des aspirations d’ascension sociale.
Il aborde la question du changement social. ➝ Dans la logique fonctionnaliste initiale, une telle mobilité
sociale ne devrait pas exister, puisque l’individu est censé être socialisé aux normes et valeurs de son
groupe d’appartenance et est censé souhaiter y rester.
Sociologie générale l Mariana Gomes

Merton et les mécanismes de la socialisation anticipatrice = processus qui mène au changement de


groupe.
⤷ l’intégration à un nouveau groupe social demande une identification au préalable aux valeurs de celui-
ci
⤷ à défaut de réelles chances de mobilité sociale, il y aura un dysfonctionnement car l’individu qui ne
peut se faire accepter par le groupe auquel il aspire à entrer risque de se faire rejeter par son ancien
groupe

Self-fufilling prophecy – prédiction auto-réalisatrice :

➝ idée que parce qu’on veut qch on va réorienter les comportements des individus pour qu’une chose
qui n’était pas prévu viennent à avoir lieu

Merton fait usage fréquent de cet outil de compréhension des effets réels des systèmes de croyance
socialement partagées. Il est plus attentif que Parsons aux tensions qui caractérisent les relations
sociales.
➝ Il reste toutefois fidèle à une vision des conflits comme source de réajustements.
➝ Le système social arrive toujours à un point d’équilibre, par la réintégration des déviant·e·s ou
marginalisé·e·s.

Conclusions

Le paradigme fonctionnaliste peut être caractérisé par l’attention qu’il accorde à la cohérence et la cohésion
globale d’un système social, qui préexiste aux individus qui y trouvent place.
⤷ Tendance à assimiler le conflit au rang de manifestation périphérique de pathologie sociale. ➝ On
pense le conflit comme une pathologie à éliminer pour arriver à la cohésion sociale du système !

Tendance à penser que la société est composée de groupes sociaux remplissant des fonctions ou rôles
sociaux complémentaires et, surtout, nécessaires au bon fonctionnement de l’ensemble du système. (NB :
c’est comme ça que Durkheim pensait l’école)

La difficulté rencontrée par l’orthodoxie fonctionnaliste (incarnée par Talcott Parsons) à rendre compte du
changement social, ainsi que la prégnance d’une analogie morphologique (corps social) expliquent en
grande partie le manque de vitalité des travaux s’inspirant de ce paradigme à partir des années 1960.

Il n’empêche, dans sa version mertonnienne (théorie de moyenne portée), le fonctionnalisme a légué


quelques concepts clés (rôle, statut, fonctions manifestes et latentes) à la discipline et continue d’influencer
les travaux sociologiques contemporains.
Sociologie générale l Mariana Gomes

Le paradigme structuraliste – Synthèse


Les structuralismes

Le structuralisme est sans conteste le courant de pensé qui a le plus influencé la sociologie francophone,
surtout dans la période 1960-1980, avec un certain retour à l’heure actuelle dans certains domaines
thématiques.

➝ se situe sur l’axe des


structures sociales et du conflit

➝ L’individu est déterminé par


les structures sociales

➝ le social est maintenu par les


conflits

➝ pôle déterministe

° L’influence marxiste sur la pensée sociologique

Karl Marx ➝ père fondateur d’un courant de pensée qui s’est quelque peu émancipé de son influence au
cours du temps.

Principe de base ⇒ le holisme ➝ consiste à penser la société comme une totalité régie par un certain
nombre de règles structurelles de base.

➝ Karl Marx fait indéniablement partie des pères fondateurs de la sociologie, or sa contribution est
beaucoup plus diffuse que celle de Durkheim ou de Weber.
⤷ Marx n’affirme aucune ambition à fonder une nouvelle discipline scientifique. Il cherche à caractériser un
système social spécifique (capitalisme industriel) dans le moindre détail, essentiellement dans l’idée de
mieux le combattre.

Marx est à l’origine du matérialisme historique ➝ posture théorique qui affirme que l’organisation matérielle
de la société est à l’origine des représentations subjectives des individus.
⤷ les idées n’ont aucune existence autonome par rapport aux dimensions matérielles de la vie sociale, et
notamment le système productif capitaliste ➝ la structure économique explique le tout
⤷ ce matérialisme traduit donc un déterminisme radical
⤷ « Ce n’est pas la conscience des hommes qui détermine leur existence, c’est au contraire leur
existence sociale qui détermine leur conscience. »
⇒ La place occupée dans la division sociale du travail > une vision du monde et une conscience sociale
spécifiques.
⤷ la place qu’on occupe dans le monde du travail influence la manière dont on se représente le
monde

Concepts clés :

➝ L’infrastructure : organisation économique d’une société, état de développement des forces productives
et rapports de production (esclavagisme, féodalisme, capitalisme, socialisme), c’est l’instance décisive ➝
quand on a compris comment fonctionne l’infrastructure, on comprend comment les individus pensent
➝ La superstructure : les institutions sociales (religion, idéologie, droit, politique, culture, science) dont la
fonction est de protéger, de reproduire les rapports sociaux existants, de défendre les intérêts des
Sociologie générale l Mariana Gomes

exploiteurs (bourgeoisie, détenteurs des moyens de production) contre ceux des exploités (prolétariat,
travailleurs / travailleuses.

Superstructure Idéologie et institutions

Rapports sociaux de production (classes)


Division sociale du travail
Infrastructure

Base technique : Mode de production et forces


productives

° Du marxisme aux structuralismes

Tous les sociologues structuralistes ne se réclament pas directement aux idées de Marx, ils adhérent à 2
principes fondamentaux du matérialisme historique :
1. Idée selon laquelle les structures sociales déterminantes existent en dehors de la conscience que
les individus peuvent en avoir
2. Idée selon laquelle ces structures forment un système traversé de conflits d’intérêts

⇒ Cette attention au caractère conflictuel des rapports sociaux = ce qui distingue les structuralistes des
fonctionnalistes.
⤷ Les conflits d’intérêt sont structurant de l’organisation sociale, on veut maintenir ses privilèges.

« Le structuralisme a connu une véritable vogue dans les années 1960.


On peut citer des auteurs aussi variés que Claude Lévi-Strauss en anthropologie, Jean Piaget en
psychologie, Louis Althusser et Michel Foucault en philosophie, Jacques Lacan en psychanalyse, Ronald
Barthes en sémiologie, Pierre Bourdieu en sociologie. »
⤷ Aujourd’hui, moins en vogue, mais certains auteurs restent de renommée mondiale.

Postulats spécifiques de l’analyse structurale :


1. La cohérence nécessaire des éléments ➝ revient à attribuer une fonction précise
2. L’existence d’une structure sociale dont ni la genèse, ni le devenir n’ont d’importance ; ce qui
compte = le moment T où on objective le modèle économique comme déterminant des
représentations du monde social
3. La primauté absolue du tout, la structure, sur les parties, l’individus étant réduit à un simple support
de structure, incapable d’actions intentionnelles car il ne peut accéder à la conscience de la véritable
finalité de ses actes qui est déterminée par le système ; l’individu est agi par le système, le système
le dépasse

La métaphore du jeu d’échecs permet d’illustrer les principes de l’analyse structurale :


1. Chaque pièce du jeu ne prend sens que dans sa position relative aux autres
2. Changer la forme des pièces n’a aucune incidence sur le jeu, seuls leur agencement et la régulation
de leur déplacement (règles du jeu) comptent
3. Il suffit de connaître les règles pour connaître l’essentiel du jeu, sa genèse n’a aucune importance

Une démarche peut être caractérisée de structuraliste, dès lors que :


➝ l’auteur s’intéresse aux structures cachées et donne la primauté à la synchronie ; ensemble
d’événements considérés comme simultanés
➝ cette analyse part du postulat qu’il existe une infrastructure et qu’elle échappe à la conscience des
acteurs
➝ tout échange social (économique, culturel, matrimonial, etc.) est considéré comme réductible aux régles
de la linguistique, qui est un échange de signes
Principes analytiques :
Sociologie générale l Mariana Gomes

➝ autant chez Marx que chez les philosophes et anthropologues qui ont élaboré les principes de base du
structuralisme, les structures immanentes des pratiques et représentations sociales sont au cœur de ce
paradigme
➝ peu importe de savoir ce que les individus pensent de ce qu’ils dont ; peu importe l’intentionnalité de
leurs actes, puisque ces actes sont déterminés par la logique des structures sociales, que les acteurs n’ont
pas besoin de connaître pour s’y conformer

° Le structuralisme génétique ; L’héritage conceptuel de Bourdieu

Pierre Bourdieu ➝ héritier le plus direct du structuralisme dans la sociologie francophone


⤷ il cherche toutefois à s’éloigner des principes les plus déterministes du structuralisme originel

⇒ Bourdieu développe un cadrage théorique qui repose sur l’idée que les acteurs (agents) sociaux sont
mus par des logiques qui échappent très largement à leur conscience.
⤷ Bourdieu = structuralisme génétique

Commun à Marx et Bourdieu ➝ l’idée selon laquelle les agents sociaux sont mus par des logiques qui
échappent à leur conscience ➝ c’est pourquoi on parle d’agent et pas d’acteurs chez Bourdieu

Les travaux de Bourdieu se situent à la croisée des influences des 3 pères fondateurs de la sociologie :
Durkheim, Marx, Weber.
⤷ il va retenir quelques principes tout en cherchant à élaborer une perspective d’analyse qui lui est propre
et qui constitue une entorse aux postulats de base de chacun d’eux

Bourdieu cherche à prendre des distances à l’égard de l’orthodoxie marxiste ➝ il affirme sans cesse la
nécessité de mieux prendre en compte l’intentionnalité des acteurs sociaux.
⤷ intérêt pour les intentions qu’on les individus dans les actes qu’ils posent
⤷ fait que ces travaux sont qualifiés de poststructuralistes

➝ la plupart des critiques adressées à l’approche bourdieusienne portent précisément sur le déterminisme
structuraliste qui caractérise son approche ➝ il est trop déterministe, trop d’importance sur le déterminisme
posé par les structures sociales

Ce que Bourdieu prend à Durkheim :


➝ il partage l’ambition de constituer la sociologie comme science et de la différencier des illusions et des
opinions
➝ les 2 insistent sur le principe d’une objectivation du social
➝ il porte aussi une attention à la démarche sociologique ➝ réflexivité, auto-socio-analyse du chercheur
(= comment la place du chercheur influence son analyse
➝ il défend le caractère scientifique de la démarche sociologique

Ce que Bourdieu prend à Marx :


➝ importance accordée au caractère conflictuel de la réalité sociale ➝ la réalité sociale est structurée par
des conflits ➝ influence des dominants sur les dominés
➝ ses analyses mettent en relief le conflit de classe ➝ elles font apparaître une répartition des pratiques
fortement différenciées selon l’origine et l’appartenance de classe ➝ cela donne lieu à des trajectoires
différentes

Ce que Bourdieu prend à Weber :


➝ Bourdieu, contrairement à Marx, accorde une attention au sens que les individus attribuent à leurs
pratiques ➝ importance accordée aux rapports de sens, aux biens symboliques, à la domination symbolique
dans les rapports de classe
Sociologie générale l Mariana Gomes

° Le structuralisme génétique : L’analogie économique (marché)

Bourdieu utilise les principes du structuralisme orthodoxe pour tenter de découvrir les structures cachées
des phénomènes sociaux.
➝ les individus, leurs pratiques, idées, goûts, choix, préférences, etc. sont déterminés par leurs positions
objectives dans la hiérarchie sociale
➝ les individus peuvent tout ignorer des règles de fonctionnement du système social dans lequel ils vivent,
mais néanmoins s’y conformer
⤷ on fait les choses sans se dire qu’on respecte une règle, on n’a pas besoin de savoir pourquoi
une chose est interdite pour respecter l’interdiction
⤷ ex. l’interdiction de l’inceste chez Lévi-Strauss ➝ pas besoin de connaître la vraie raison de
l’interdit pour le respecter

Les sociologues jouent un rôle très important dans l’interprétation des phénomènes sociaux :
➝ c’est à eux, par un effort permanent d’objectivation, de découvrir la nature des structures sous-jacentes
et de mesurer leurs effets sur les individus
➝ les individus sont comme des « agents sociaux » et non comme des « acteurs »
➝ pris à la lettre, ces principes affirment que le sociologue comprend les individus mieux que les individus
ne se comprennent eux·elles-mêmes

Selon Bourdieu, le/la sociologue voit des logiques sociales qui échappent le plus souvent à la perception /
conscience des agents :
➝ la structure sociale est décrite pour un système de positions et de relations
⤷ mais, contrairement à Marx, elle n’a pas ramené la position de l’individu au système de
production économique
➝ Bourdieu voit l’espace social comme un système de marchés ➝ champs ➝ possédant chacun ses lois
et bien spécifique (notamment symbolique : prestige, honneur)
⤷ un champ se définit par ses lois et biens spécifiques ➝ économie de biens symbolique

L’économie des biens symboliques : au cœur de la théorie de Bourdieu


➝ envisager l’espace social par analogie avec la démarche économique et en empruntant son vocabulaire
➝ Chaque champ peut se comprendre comme un espace définit par 3 dimensions principales :
⤷ le volume de capital
⤷ la structure du capital
⤷ l’évolution du volume et de la structure du capital

Un champ = un espace de jeu, champ de relations objectives entre des individus ou des institutions en
compétition pour un enjeu identique.
⤷ l’enjeu n’entraine la compétition que si les individus s’investissent et investissent leurs capitaux pour les
conquérir
⤷ la compétition ➝ fonde le champ en transformant l’espace social
⤷ ils sont victimes de la magie sociale des institutions qui érigent en intérêt les enjeux liés au fonctionnement
du champ considéré
⤷ ils faut adhérer aux valeurs ➝ il faut jouer le jeu du champ dans lequel on est pris

Chez Bourdieu, la société est donc conçue comme un espace divisé en autant de marchés spécifiques
d’accumulation de capitaux spécifiques ➝ chacun fonctionne selon une logique spécifique (mais
structurellement similaire aux autres champs) de compétition et de conflit.
⤷ dans ce contexte, un capital se définit comme un ensemble de ressources et de pouvoirs
effectivement utilisation
Sociologie générale l Mariana Gomes

Types de capitaux :

⤷ Capital économique ; ensemble de facteurs de production, des biens économiques et du revenu ; fon
fonctionnement est spécifique à chaque société ➝ influence de la pensée marxiste, sauf que Bourdieu
reconnaît que tous les rapports sociaux ne sont pas nécessairement régis par une logique d’accumulation
de capital économique.
D’autres formes de capital coexistent avec le capital économique et font l’objet d’une économie symbolique.
⤷ Marx se focalise sur la société post-industrialiste ; Bourdieu ➝ analyse plus transposable,
universelle

⤷ Capital culturel : ensemble des dispositions et qualifications intellectuelles, mais aussi des biens culturels
acquis au cours de la formation et de l’histoire individuelle (socialisation)
Il existe 3 formes de capital culturel :
➝ incorporé ➝ dispositions ➝ hexis corporel ; manière de se tenir, de tenir les couverts, etc.
➝ objectivé ➝ biens culturels matériels ➝ livres, tableaux accrochés à la maison, sculptures,
vinyles, etc.
➝ institutionnalisé ➝ titres scolaires ➝ permet d’avoir une position spécifique dans l’espace social

⤷ Capital social : réseau de relations sociales ; son volume dépend de l’étendue des liaisons qu’un individu
peut effectivement mobiliser et du volume du capital (économique, culturel, symbolique) possédé en propre
par chacun de ceux auxquels il est lié
Son accumulation dépend des institutions qui favorisent les échanges légitimes entre les membres du
groupe (clubs, rallyes) et du travail de sociabilité (cf. lieux de rencontre, théorie de l’amour)
La sociabilité repose sur des processus d’inclusion / exclusion dans des réseaux en fonction des capitaux
dont les individus disposent.

⤷ Capital symbolique : biens symboliques comme l’honneur, le prestige, la réputation, dont l’accumulation
et la reproduction motivent tout autant les individus et les groupes que celles des biens matériels ou des
titres scolaires
⤷ la notion de légitimité est central ➝ le capital symbolique correspond à la forme de capital la
plus légitime dans un champ donné, à un moment donné

⇒ Bourdieu reconnaît que le capital économique n’est pas toujours la forme dominante de capital dans
tous les espaces sociaux / champs. (➝ contre Marx). Or, il insiste sur le fait que le capital économique
offre souvent la possibilité d’obtenir d’autres formes de capital, par des logiques de conversion.

➝ Les différentes formes de capital sont partiellement convertissables entre elles.


⤷ Le capital économique peut être converti en capital culturel sous sa forme incorporée
ou institutionnalisée et des moyens financiers pour acquérir des biens culturels.
➝ Pour Bourdieu, la logique des champs ne peut jamais être ramenée à une pure logique économique.

La structure des champs ➝ chaque champ social possède son hiérarchie interne, qui reflète le volume et
la composition du capital qui y fait fonction de capital symbolique.
Chaque champ est traversé par des rapports de pouvoir :
➝ les orthodoxes = les dominant·e·s, ceux / celles qui possèdent le plus de capital valorisé dans
ce champ et qui sont en mesure d’imposer la légitimité de leur domination aux autres joueurs
du champ ; définissent les règles du jeu, les exigences du champ
➝ les hétérodoxes = les dominé·e·s, moins bien doté·e·s en capital spécifique et qui doivent
chercher à se conformer aux exigences du champ

Exemple orthodoxie / hétérodoxie dans le champ de la mode :

Dans le champ de production de la haute couture, les dominants sont ceux qui détiennent au plus haut
degré le pouvoir de constituer des objets comme rares par le procédé de la griffe.
Sociologie générale l Mariana Gomes

⇒ Dans un champ, les détenteurs de la position dominante, ceux qui ont le plus de capital spécifique,
s’opposent aux nouveaux entrants, nouveaux venus, tard venus et parvenus qui ne possèdent pas
beaucoup de capital spécifique.
⤷ Logique de maintien des privilèges ➝ en définissant quelles sont les marques les + prestigieuses.

➝ Les anciens (les dominants) ont des stratégies de conservation ayant pour objectif de tirer profit d’un
capital progressivement accumulé.
➝ Les nouveaux entrants (dominés) ont des stratégies de subversion orientées vers une accumulation de
capital spécifique qui suppose un renversement plus ou moins radical de la table des valeurs et, du même
coup, une dévaluation du capital détenu par les dominants. ➝ Si on change les règles, on perd ses
investissements.

➝ À partir des positions que les différents agents ou institutions occupent dans la structure du champ, qui
correspondent à leur ancienneté, on peut prévoir / comprendre, leurs prises de position esthétiques.
⤷ chaque champ à une logique spécifique, mais la logique d’ensemble est la même

Structure du champ de la haute couture ; termes identifiés dans la presse féminine :

Les termes du pôle dominant reprennent les


PÔLE DOMINANT PÔLE DOMINÉ
règles entérinées dans le champ de la haute
Luxueux Kitsch couture.

Exclusif Drôle Avec l’exemple de la mode, Bourdieu cherche


à saisir les enjeux spécifiques au champ de la
Prestigieux Libre
haute couture, en analysant les critères
Traditionnel Rayonnant d’excellence esthétique qui structurent le
positionnement des individus dans la hiérarchie
Raffiné Fonctionnel interne du champ.
Les dominés n’ont d’autre solution que de
Équilibré Humoristique subvertir les règles du jeu internes, en
Sympathique cherchant à imposer de nouveaux critères
d’excellence (créativité, inventivité, trash).

Or, quel que soit le champ, il y a des limites aux stratégies de subversions des dominés :
➝ les dominés partagent avec les dominants un intérêt commun à la survie du champ en tant que tel
⤷ les dominés sont contraints d’adhérer, au moins partiellement, aux valeurs communes du champ et
à maintenir la frontière symbolique entre « haute-couture » et « prêt-à-porter », sous peine de voir leurs
investissements dans l’acquisition du capital spécifique du champ anéantis par la disparition du champ
en lui-même
⤷ Les dominants et les dominés ont un but commun = maintenir l’existence du champ, si le champ
disparaît, tout le monde perd tout.
⤷ Fait que les dominés doivent en partie jouer le jeu du champ.

Même si chaque champ est traversé par des tensions et de conflits entre orthodoxes et hétérodoxes, il est
néanmoins toujours caractérisé par un consensus relatif à propos de son existence comme espace social
légitime et autonome.
⤷ explique la capacité de mobilisation collective des membres d’un champ face à une menace à l’égard de
leurs intérêts communs, en dépit des luttes qui les opposent en temps normal

➝ Le fonctionnement de n’importe lequel champ nécessite qu’il y ait des individus prêts à jouer le jeu
spécifique du champ.
⤷ c.à.d. dotés des dispositions nécessaires à leur fournir une adhésion d’apparence spontanée aux valeurs
du champ ➝ Bourdieu analyse cela grâce à l’habitus
⤷ l’habitus permet de construire le lien entre les espaces structurels (champs) et
les individus (agents) qui vont investir ces espaces avec l’ensemble de capitaux
qu’ils possèdent ou sont susceptibles de posséder
Sociologie générale l Mariana Gomes

Habitus = système de dispositions durables acquis par l’individu au cours du processus de socialisation ;
produit de conditions sociales passées + du principe générateur de pratiques et de représentation que
l’individu va mobiliser dans ces stratégies ; structure structurée et structurante
⤷ Bourdieu y voit un moyen de dépasser l’opposition entre objectivisme (effets de la structure sociale) et
subjectivisme (idée de liberté absolue des agents).
Pour Bourdieu, les structures du monde social sont intériorisées dans les structures mentales + les
contraintes objectives limitent le champ des possible, la liberté des agents n’est pas contradictoire avec un
résultat statistique global marqué par la reproduction. La ressemblance des comportements n’implique
donc pas l’obéissance à des règles.
⤷ Ce n’est pas parce qu’on observe des pratiques qui découlent de règles et normes, que l’individu
agit ainsi à cause de ces règles ou normes, il peut y avoir une autre explication.

Ce concept d’habitus ➝ clé de voûte de l’ambition théorique de Bourdieu ➝ lever l’opposition entre libre
arbitre et déterminisme, individu et société, programmation par la structure social et interaction des
stratégies individuelles.
➝ Parmi les éléments constitutifs de l’habitus, Bourdieu privilégie la classe / l’origine sociale : plus les
individus appartiennent à des groupes sociaux proches, plus leurs habitus se ressemblent.

Critiques du structuralisme génétique

➝ On lui reproche son excès déterministe et son holisme simpliste


➝ Critique majeure sur le « fatalisme de l’habitus » (➝ on a intériorisé des choses qui vont déterminer nos
manières d’agir futures), qui remplace un déterminisme externe à l’individu par un déterminisme intériorisé.
➝ Sur le plan de la démonstration empirique, certains sociologues contemporains lui reprochent de
simplifier la réalité sociale et de ne retenir que les données qui vont dans le sens de sa « trop belle
mécanique interprétative ».

Conclusions

Le parcours biographique de Bourdieu lui-même, issu d’un milieu social relativement modeste et parvenu
au pinacle du champ universitaire (professeur au Collège de France) ➝ il offre une démonstration éclatante
et démenti ses propres théories sociales.
⤷ il n’a pas reproduit la réalité sociale de sa classe d’origine, il est monté dans la hiérarchie sociale
Sociologie générale l Mariana Gomes

Paradigme actionniste – Synthèse

L’actionnisme renvoie à
l’analyse des actions des
individus

➝ pôle actionniste ➝ focus sur


les acteurs / actrices
⤷ les individus au
centre de l’analyse

➝ Les individualismes
méthodologiques.

RAPPEL des oppositions qui organisent les paradigmes ; les sociologues peuvent être divisés en 2
groupes :
1. Ceux et celles qui considèrent les processus sociaux comme marchant par leurs propres moyens,
selon leur propre nature et leurs lois, et entraînant les gens qui sont soumis à eux ⇒ pôle
déterministe
2. Ceux et celles qui considèrent les processus sociaux comme étant le résultat compliqué des actions
des êtres humains ⇒ pôle actionniste

Les principes de l’actionnisme + critiques du structuralisme

L’individualisme méthodologique = une méthodologie d’analyse du social, qui recouvre aussi une
conception théorique donnant aux acteurs sociaux des marges non négligeables d’autonomie et justifiant
la saisie compréhensive du sens qu’ils donnent à leurs actions

L’individualisme méthodologique = une méthode qui vise à expliquer les phénomènes sociaux en 2 étapes :

1. Étape d’explication ➝ consiste à montrer que ces phénomènes sociaux sont la résultante d’une
combinaison ou d’une agrégation d’actions individuelles
2. Étape de compréhension (Weber) ➝ consiste à saisir le sens de ces actions individuelles, et plus
précisément à retrouver les bonnes raisons pour lesquelles les acteurs ont décidé de les effectuer

L’actionnisme comme la sociologie de l’action.

Principe de base : expliquer un phénomène social, c’est toujours en faire la conséquence d’actions
individuelles
⤷ « De manière générale, on dira qu’on a affaire à une méthodologie individualiste lorsque
l’existence d’un phénomène P et un phénomène P’’ sont explicitement analysées comme une
conséquence de la logique du comportement des individus impliqués par ce ou ces phénomènes
⇒ il n’y a pas de phénomène social qui ne soit pas l’addition d’actions individuelles

L’actionnisme s’oppose au structuralisme en ce qui concerne l’identification du moteur principal des


phénomènes sociaux :
➝ pour les actionnistes, la société ne préexiste pas aux actions individuelles ➝ contraire de Durkheim
➝ ces 2 paradigmes (structuralisme et actionnisme) reposent sur une vision de la société comme traversée
par des conflits potentiels entre des groupes sociaux aux intérêts divergents

➝ l’actionnisme constitue des critiques à l’égard du fonctionnalisme de Durkheim et du structuralisme


génétique de Bourdieu
Sociologie générale l Mariana Gomes

Critiques à l’égard du structuralisme + fonctionnalisme :


➝ la critique actionniste de la pensée holistique vise toute conception de la société faisant de celle-ci une
totalité transcendante à ses parties, affectant les comportements individuels et fixant leurs buts et leurs
intentions
➝ elle dénonce l’usage d’entités confuses qui sont posées comme transcendantes aux individus et
explicatives de leurs comportements
➝ elle invite à rejeter toute trace de pensée essentialiste et holiste, pour rechercher au niveau des
comportements individuels le principe des explications ➝ on ne peut comprendre la société sans aller voir
ce que font les individus et pourquoi ils le font

Attention à ne pas se laisser piéger par une confusion possible entre l’individualisme méthodologique et
les postures politiques individualistes renvoyant les individus à leur responsabilité individuelle ➝ tous les
paradigmes sociologiques présentés dans ce cours proposent des postures analytiques spécifiques, qui ne
sont pas à confondre avec des prises de position ou des programmes politiques.

La filiation wébérienne des individualismes méthodologiques – exemple du tatouage

On peut inscrire les individualismes méthodologiques dans la lignée de Max Weber. Ses travaux ont
influencé la sociologie dans au moins trois domaines :
1. La méthodologie interprétative
2. Le processus de rationalisation des sociétés contemporaines
3. La théorie de la stratification sociale
⤷ c’est sur le premier point que les liens sont les plus évidents à établir avec l’actionnisme francophone

Weber partage une partie des préoccupations des autres pères fondateurs de la discipline sur le plan des
objets empiriques.
➝ tout comme Tönnies, Marx et Durkheim, il assiste à la profonde transformation des sociétés
européennes au tournant du 20e siècle et cherche à donner sens aux évolutions en cours ➝ ils sont tous
influencés par des contextes qui se ressemblent
➝ contrairement à Marx, l’objectif de Weber n’est pas tant d’orienter le sens de l’histoire que d’éclairer les
événements en cours par un regard sociologique interprétatif ➝ expliquer et développer les événements
en cours par la sociologie ➝ méthodologie interprétative

Weber se distingue méthodologiquement des fonctionnalistes et structuralistes


⤷ alors que Durkheim et Marx s’intéressent à la manière dont les structures ou les normes sociales
s’imposent aux individus, Weber adopte une approche que l’on peut qualifier d’individualiste
⤷ l’individualisme = consiste à penser que tout phénomène social peut être analysé à partir des
pratiques et représentations des individus qui le produisent, seul·e·s ou à plusieurs, par un effet
d’agrégation ; sommes des actions et représentations individuelles sont à l’origine des
phénomènes sociaux

Weber accorde un intérêt particulier au sens que les individus attribuent à leurs pratiques ➝ à ses yeux,
c’est le seul critère légitime pour interpréter la réalité sociale d’une manière véritablement scientifique.
⤷ sa méthode interprétative (verstehen) se distingue des approches adoptées par d’autres disciplines
⤷ car les sciences sociales doivent intégrer le fait que les objets de leurs études sont des acteurs
pensants, qui réfléchissent à ce qu’ils·elles font ➝ les distingue des objets inanimés des sciences
dures
⇒ Si on n’interroge pas le sens on passe à côté de la logique sous-jacente aux phénomènes sociaux.

Or, les intentions des individus ne sont pas suffisantes pour expliquer leurs pratiques.
⤷ Weber insiste sur la nécessité de distinguer entre le comportement des individus (ce qu’ils font) et le
sens subjectif de leurs comportement (ce qu’ils pensent de ce qu’ils font)
⤷ ainsi, une même pratique est susceptible de recouvrir une pluralité de sens ➝ une même action n’aura
pas le même sens en fonction du lieu ou de la personne qui la commet
Sociologie générale l Mariana Gomes

➝ le sens de l’action que le sociologue s’efforce d’identifier n’est pas immédiatement lisible par
l’observation du comportement ➝ il est nécessaire de savoir que l’individu investit dans ses pratiques afin
de les interpréter d’un point de vue sociologique

Principe analytique de base de l’approche individualiste : une seule et même pratique peut revêtir des sens
multiples, selon le contexte dans lequel elle s’effectue et les caractéristiques de l’individu / du groupe qui
s’y adonne.

Comparaison avec la perspective structuraliste :


➝ Marx insiste sur la méconnaissance que les individus peuvent avoir du sens de leurs actions ➝ fausse
conscience
➝ Weber insiste sur le fait que les individus ont toujours de bonnes raisons de se comporter comme ils le
font ➝ c’est au chercheur de découvrir ces raisons
➝ Pour Weber et les actionnistes, les individus sont plutôt des êtres rationnels ➝ pas forcément rationnel
lorsqu’on fait que de l’observation, il faut y ajouter le sens que l’individu lui donne

Les idéaux-types ou typologies = outil méthodologique privilégié par Weber.


⤷ outil interprétatif qui vise à saisir les logiques sous-jacentes aux pratiques sociales et à forcer le trait
de manière à interpréter la signification sociologique de celles-ci
⤷ outil d’abstraction analytique ➝ Weber ne cherche pas seulement à décrire la réalité sociale
⤷ les idéaux-types nous aident à regrouper les individus pour qui le sens qu’ils donnent à leur action
est le même
➝ Weber cherche à identifier le sens que les acteurs attribuent à leurs actions et à comprendre celles-ci à
partir du point de vue des individus

Définition de la sociologie (Weber) :


« Une science qui se propose de comprendre par interprétation l’activité sociale et par là d’expliquer
causalement son déroulement et ses effets. Nous entendons par activité un comportement humain quand
et pour autant que l’agent ou les agents lui communiquent un sens subjectif. »
⤷ expliquer causalement ➝ il y a une cause à l’action, une raison qui a poussé à cela
⤷ toutes les actions n’ont un sens pour les acteurs ➝ ce sont parfois des réflexes, on n’a pas donné de
sens à cette action, on a été pris dans qch qu’on n’a pas maitrisé et on a agi automatiquement, sans
réfléchir

Exemple du tatouage

Part d’un constat empirique ➝ une recrudescence du nombre de jeunes tatoué·e·s en Suisse.
Ensuite, une étape interprétative ➝ quelle est la signification sociale de cette pratique ➝ pas pour savoir
la raison qui a amené les gens à se tatouer mais pour comprendre le/s sens de cette pratique dans le
contexte actuel.
Enfin, une hypothèse actionniste ⇒ le tatouage peut recouvrir de multiples significations sociales, selon la
nature de la pratique (taille, forme, emplacement) et l’intention des individus qui se font tatouer ou qui ne
le font pas.

La typologie se construit autour de 2 axes : la nature même du tatouage + les raisons évoquées par les
individu :

1er axe ➝ fait pour être vu ou discret, conforme à la mode, différencié, adapté aux normes de genre,
original, unisexe, en couleur ou en noir et gris, partie du corps tatouée, taille, etc.

2e axe ➝ justifie leur décision de se faire tatouer ou de ne pas le faire, souci d’être à la mode, d’affirmer
une appartenance collective, se distinguer, choquer, etc.
Sociologie générale l Mariana Gomes

L’actionnisme de Raymond Boudon

Les travaux de Boudon s’inscrivent dans la lignée de certains fonctionnalistes comme Robert Merton.
Boudon propose de remplacer l’idée d’un système fonctionnel par la notion de système d’interdépendance,
qui insiste sur les caractéristiques des rôles ➝ sources d’autonomie pour l’acteur social ; les rôles d’une
personnes peuvent être concurrents, ambivalents ➝ imprécision qui laisse aux acteurs une latitude
d’interprétation ⇒ pluralité de rôles en une même personne ; on endosse plusieurs rôles + la manière dont
on perçoit ces rôles va influencer la manière dont on les utilise

Boudon est très critique du structuralisme et de sa version génétique chez Bourdieu ➝ critique l’effacement
du sujet dans le paradigme structuraliste qui s’appuie trop sur les structures et pas assez sur les individus
➝ critiques des prétentions excessives des structuralistes à comprendre les logiques à l’œuvre plutôt que
les acteurs et actrices qui y sont impliqué·e·s
Ex de critique : critique la théorie de l’habitus de Bourdieu qui a pour effet de naturaliser l’individu, de le
traiter comme un objet soumis à des forces qui lui seraient extérieures, permet de voir la culture comme
une seconde nature, de voir l’individu comme un jouet passif ; critique l’appropriation d’un habitus culturel
comme explication des comportements dans le monde social

Pour dépasser les limites des paradigmes holistes, Boudon pose 3 principes fondamentaux de
l’individualisme méthodologique :
1. Il faut analyser les phénomènes sociaux comme la somme d’actions individuelles soumises à des
contraintes ; l’individu n’est pas totalement libre, il est dans une petite contrainte où se déroule
des actions individuelles
2. Il faut poser que les acteurs sociaux sont rationnels dans la plupart des situation
3. Le travail sociologique se fait via la construction de modèles, de schèmes d’analyse et d’idéaux-
types ➝ permet de monter en généralité

Modèle de Boudon qui représente le schéma explicatif de tout phénomène social : Tout phénomène est le
produit agrégé du comportement des individus soumis à des contraintes de situation dépendant de
variables macro sociales.
Pour comprendre une réalité statistique on part des actions individuelles en tenant compte que la contrainte
situationnelle pèse sur l'individu (famille, etc.) + les variables macrosociales (écoles, etc.).

➝ héritage wébérien chez Boudon ➝ penser des marges d’action inscrites au sein même d’un système
de contraintes ➝ les individus peuvent négocier, développer un certain niveau de rationalité
⤷ Pour les actionnistes, comme Weber, les contraintes sont d’ordre matériel (ex. la position des individus
dans le monde social) + d’ordre subjectif (fondés sur des valeurs sociales, des principes moraux, . . .).
➝ on n’est pas dans une rationalité économiques, les contraintes ne sont pas purement matérielles, on va
s’intéresser aux valeurs / principes moraux subjectifs + leur impact sur les individus

°Les caractéristiques de l’homo sociologicus :

Constat : si les individu sont des êtres rationnels et libres d’agir au moins partiellement, est-ce qu’ils ont
toutes les caractéristiques de l’homo oeconomicus de la théorie économique néo-libérale (Marx) ?
⤷ Selon Boudon, non, il y a 5 différences entre la conception de l’individu dans la théorie économique et
sa conception de l’homo sociologicus.

D’après Boudon, l’homo sociologicus :


➝ il peut suivre des valeurs, des normes intériorisées qui ne sont pas celles de la maximisation des gains
matériels ou symboliques ; on ne va pas toujours agir pour augmenter ses ressources ; on peut agir pour
se débarrasser d’une partie de ces ressources car cela nous semble rationnel ➝ finalité non-économique
➝ il peut ne pas toujours discerner le meilleur choix à effectuer pour atteindre ses objectifs ; dépend des
ressources à dispositions
➝ il exprime des préférences en partie dépendent de l’environnement sociohistorique et de son histoire
personnelle ; ex : aspiration à étudier à l'université : si des migrants vivent une partie de leur vie dans un
Sociologie générale l Mariana Gomes

autre pays ou l'université est ouverte à tous ils vont continuer à avoir cette aspiration ailleurs ; p.ex. la
volonté des femmes de travailler ou de travailler à temps plein ➝ socialement situé ⇒ on va adopter ou
non les mêmes modèles que l'on a connus
➝ a une rationalité limitée
➝ doit répondre aux attentes sociales liées aux rôles qui lui sont assignés ; les attentes qu’on intériorise
des individus autour de nous vont nous faire adopter certains comportement ➝ on considère les attentes
sociales

°La conception actionniste des rôles sociaux :

Les sociologues actionnistes s’intéressent aux processus d’agrégation/d’assemblage des intérêts et des
comportements individuels ➝ importance du rôle dans le système d’interaction ➝ les acteurs sont liés
entre eux par des rôles définis.

Interprétation fonctionnaliste des rôles sociaux : définis par le système + imposés aux individus ; ici les
exigences fonctionnelles s’imposent à chacun comme contraintes ne laissant aux individus qu’une
autonomie réduite.

Interprétation actionniste / individualisme méthodologique des rôles sociaux : les rôles ≠ des normes
contraignantes ; = des possibilités d’usage offerte aux acteurs ➝ on s’interroge sur le comportement réel
des acteurs. Selon Boudon, les individus peuvent négocier les rôles, les adapter en fonction de leur contexte.
⤷ les rôles ne sont pas rigoureusement définis comme défendent les fonctionnalistes ; les actionnistes
affirment que les normes sont souvent contradictoires entre elles et chacun joue plusieurs rôles sociaux
différents en même temps ➝ la pluralité des rôles offre une marge de manœuvre, le liberté

La pluralité des rôles oblige les individus s’adapter, à opérer des arbitrages : une dimension stratégique est
toujours garantie à l’acteur + une marge d’autonomie lui est assurée.

Rôle de l’individualisme méthodologique ≠ recenser les rôles imposés ; = examiner comment les individus
assument leurs rôles, arbitrent entre les sous-rôles qui leur sont proposés, et avec quelles conséquences
d’ordre général

°L’imprévisibilité relative des arbitrages individuels :

Boudon affirme que le résultat des actions individuelles est largement imprévisible à l’avance.
⤷ il défend un individualisme structurel ➝ les systèmes sociaux ont une structure qui fixe des contraintes
sous lesquelles les individus agissent ; ces contraintes définissent pour les agents du système les limites
du possible mais elles ne suffisent pas à déterminer leur comportement
⤷ il ne nie pas l’existence d’une structure ; la marge de liberté des acteurs définit ce qui est possible et ce
qui ne l’est pas

Les actionnistes ne nient pas les rapports de pouvoir et les contraintes objectives qui pèsent sur les acteurs
sociaux, MAIS, ils affirment qu’il n’existe aucune logique sociale surplombante qui déterminerait à l’avance
l’orientation ou le sens des pratiques sociales ➝ le différencie du marxisme ; il n’y a pas de manipulation
voulu d’un groupe sur un autre ; c’est le résultat d’agrégation d’actions, de croyances.

➝ Boudon est intéressé par les phénomènes sociaux conçus comme l’agrégation d’actions, de croyances
ou d’attitudes individuelles.

Les phénomènes d’émergence ou d’agrégation

Concepts centraux du paradigme actionniste ➝ effet émergent ou effet d’agrégation y compris effets
pervers.

Weber soulignait que la complexité des relations sociales multiplie les phénomènes imprévus ou même
opposés aux intentions des agents.
Sociologie générale l Mariana Gomes

Phénomènes d’émergence = effets pas explicitement recherchés par les agents et issus de l’agrégation de
leurs comportements ; résultat de la situation d’interdépendance entre les agents ; mis en relief par
l’approche individualiste.
Ex : rumeur bancaire ➝ rumeur sur une possible insolvabilité des banques, chaque clients vient retirer ses
avoirs ➝ l’agrégation de ces comportements individuels a pour conséquence de mettre en état
d’insolvabilité la banque

L’effet pervers = une forme des effets d’émergence ; définit par Boudon comme un effet qui survient
lorsque 2 individus ou plus en recherchant un objectif donné engendrent un état de choses non recherché
et qui peut être indésirable du point de vue soit de chacun des deux, soit de l’un des deux

La prise en compte de ces effets d’agrégation des choix et actions individuelles permet aux actionnistes
d’aborder autrement les fonctionnalistes ou les structuralistes de la question du changement social.
➝ La transformation des systèmes sociaux n’a pas besoin d’être contrôlé par la main invisible des forces
sociales qui échappent au contrôle des individus ➝ critique du holisme.
➝ Chez les actionnistes, le changement intervient de manière imprévisible ➝ les individus poursuivent des
objectifs dans un contexte partiellement contraint ➝ l’agrégation de leurs actions individuelles peut créer
une modification progressive de ce système des contraintes.

Ex : inégalités scolaires ➝ Au lieu de supposer l’existence de déterminations entre les structures sociales
et les comportements (fonctionnalisme, Bourdieu), l’individualisme méthodologique va considérer la
carrière d’un étudiant comme une succession de choix, comme une suite de décisions dont on étudiera les
fréquences et la distribution.

Conclusion – les critiques de l’actionnisme

Critiques principales ➝ les postulats de l’utilitarisme + la rationalité limitée des individus.

➝ Les individus sont-ils motivés par la seule matrice des gains individualisables, n’obéissent-ils pas aussi
à un système de normes et de valeurs dont le respect détermine une vaste plage d’actions non explicables
par la seule recherche de l’intérêt ?

⤷ réponse actionnistes ➝ souligne la possibilité d’intégrer des normes et des valeurs non-utilitaristes voire
altruistes, dans l’analyse des choix individuels et des comportements collectifs

Hypothèse : les individus savent pourquoi ils/elles font ce qu’ils/elles font, mais l’agrégation des choix
individuels censés est susceptible de créer des effets inattendus, voir contraires à leurs intentions initiales.
⤷ les individus n’agissent pas par hasard ➝ postulat conforme à l’héritage wébérien

⇒ Bien que les individus ont toujours intérêt à se comporter comme ils/elles le font ne signifie en rien que
cet intérêt doit de nature matérielle, ni qu’ils/elles visent principalement ou exclusivement la maximisation
de leurs ressources économiques.
⇒ Les individus peuvent tout à fait viser à la maximisation d’autres formes de légitimité ou de
reconnaissance sociale sans qu’il soit nécessaire de se départir d’une logique de choix rationnels.
⤷ p.ex. l’honneur, l’admiration de ses pairs, une volonté de se distinguer, etc.
Sociologie générale l Mariana Gomes

Le paradigme interactionnisme / ethnométhodologie – Synthèse

L’interactionnisme se situe dans le


pôle actionniste.
➝ on interroge les acteurs sur leurs
actions
➝ axé sur la cohésion sociale

Recouvre 2 écoles de pensée :


- l’interactionnisme symbolique
- l’ethnométhodologie

Les 2 courants du paradigme interactionniste – Principes de base

➝ l’interaction, l’individu = atome logique de l’activité sociale, doit rester principale à l’analyse sociologique
⤷ on regarde la façon que l’individu a d’interagir avec les autres
➝ les interactionnistes symboliques et ethno-méthodologues s’opposent à la conception durkheimienne
du fait social et de l’acteur ➝ divergence quant à la conception de l’acteur et de sa capacité à donner sens
à la réalité sociale qui l’entoure et qu’il participe à fabriquer
⤷ focus wébérien ➝ donner sens

Point commun entre interactionnisme et ethnométhodologie ➝ les 2 s’opposent à l’individualisme


utilitariste (= ce qui a une fin utilitaire, intérêt matériel, personnel ; permet de diviser les actions ou les
choses en choses bonnes ou mauvaises selon qu’elles tendent à augmenter les ressources) et au holisme
déterministe et objectiviste.
⤷ rejet des approches fonctionnalistes et structuralistes qui considèrent les agents façonnées par leurs
conditions de vie, contraints par les structures et conditionnés par les institutions + rejet de l’individualisme
méthodologique qui n’envisage le sociale que sous l’angle des motivations utilitaristes individuelles

L’interactionnisme symbolique

➝ l’interactionnisme symbolique s’oppose à Durkheim en soutenant que la conception que les acteurs se
font du monde social constitue l’objet essentiel de la recherche sociologique ⇒ l’individu porte en lui
l’objectivation du monde
⤷ pour Durkheim, le discours d’un acteur sur les faits sociaux qui l’entourent ➝ trop vague, trop ambiguë,
pas scientifique

⇒ soutient que l’individu = un acteur interagissant avec les éléments sociaux et non un agent passif qui
subit les structures sociales à cause de son habitus, de la force du système/culture d’appartenance

George Herbert Mead ➝ père fondateur de la sociologie interactionniste et pragmatiste


- sociologue, philosophe, psychologue social américain
- œuvre : L’esprit, le soi et la société, 1934
➝ conçoit 3 instances chez l’individu :
⇒ le SOI ➝ composé d’un « je » + d’un « moi » ; le soi est la conséquence du regard des autres ;
structure qui organise les multiples relations que l’organisme humain entretien avec les autres et qui
leur donne continuité, c’est l’organisation des différents rôles que l’individu à intériorisés ➝ dans ce que
je renvoie à l’autre + comment je me présente ➝ joue sur l’interaction
⤷ permet à l’homme d’adopter l’attitude de l’autre, d’intériorisé l’attitude d’autrui envers lui-même, il
devient objet pour lui-même
➝ dans le processus d’interaction avec l’autre, émerge le SOI, la conscience, les fonctions réflexives
Sociologie générale l Mariana Gomes

⇒ le MOI ➝ part conformiste, conventionnelle du soi, celle qui est identifiée à la communauté, qui suit
les normes
⇒ le JE ➝ ce qui dans le soi réagit à la communauté, oblige celle-ci à prendre une attitude nouvelle
envers l’un de ses membres et permet ainsi au processus sociale de se développer dans des formes
plus complexes qu’auparavant (ex : faire son comming out ➝ change la perception que les autres ont
de cette personne)

Autre instance qui regroupe collectivement les autres ⇒ La communauté organisé / le groupe social ➝
donnent à l’individu l’unité de son SOI et qui peuvent être appelés Autrui généralisé

Howard S. Becker ➝ associé à l’interactionnisme symbolique, école de Chicago


- propose un exemple de l’approche interactionnistes ➝ la théorie de l’étiquetage
⤷ On ne dévient déviant qu’à compter du moment où, pour un motif qui peut être fortuit, on est désigné
comme tel par autrui, on se comporte en déviant dès lors que l’on est reconnu comme tel, et non
l’inverse. ➝ c’est le regard d’autrui qui nous construit comme déviant et non l’acte qui nous dévie de la
norme

Typologie des comportements déviants chez Becker :

Obéissant à la norme Transgressant la norme


Perçu comme déviant Accusé à tort Pleinement déviant
Non perçu comme déviant Conforme Secrètement déviant

Concepts clés de la démarche interactionniste :


➝ représentations : manière de penser et d’interpréter la réalité quotidienne ; rapport au monde d’un
individu ; ont une place centrale dans l’analyse
➝ étiquetage : processus par lequel un individu ou un comportement est désigné comme normal ou
comme transgressant une norme
➝ stigmatisation : marquage d’un individu ou d’un groupe par des institutions ou des groupes qui
considèrent certaines caractéristiques ou certaines pratiques comme infamantes ; on va sortir ce groupe
de la respectabilité sociale

Erving Goffman ➝ associé à l’interactionnisme symbolique, école de Chicago


- sociologue américain d’origine canadienne
- accorde bcp d’attention à la dimension théâtrale de la vie quotidienne
- systématise l’idée selon laquelle la réalité sociale découle des interactions sociales
- œuvre : La mise en scène de la vie quotidienne, 1973 ➝ étudie une infinité de comportements
élémentaires effectués sous le regard d’autrui, qui constituent l’ordre social ➝ ensemble de pratiques
sociales que nul ne remarque mais qui révèlent la technicité des acteurs sociaux
➝ cherche à déterminer les principes généraux d’analyse au sein de situations particulières qui ne sont
jamais étudiées pour elles-mêmes, mais pour ce qu’elles révèlent sur les modes de fonctionnement de
l’interaction ➝ trouver un schéma qui permette de dégager la signification des situations disparates
➝ conçoit les relation interindividuelles comme des actes de représentations théâtrales ➝ L'individu se
présente d'une certaine manière pour susciter un effet chez autrui ; Il se met en scène dans les différents
espaces sociaux qu'il occupe
➝ il faut interpréter les formes de représentation que l’individu donne et dégager les fondements de cette
mise en scène de la vie quotidienne
➝ analyse des techniques de représentations :
⇒ façade : appareillage symbolique mobilisé par l’acteur dans sa représentation ; comporte des éléments
matériels comme le décor et traits personnels comme l’âge, le sexe, la race, etc. mais aussi les vêtements,
la façon de parler, les mimiques, les gestes
Sociologie générale l Mariana Gomes

⇒ réalisation dramatique : l’individu recourt à la dramatisation pour convaincre son interlocuteur et


améliorer la représentation en donnant un éclat et un relief dramatiques à des faits qui pourraient passer
inaperçus Ex: un footballer qui se montre au bord du malaise, car il a été très blessé alors qu'on voit à la
caméra qu'il a été très peu voire pas du tout touché
⇒ idéalisation : ficelle de l’acteur qui consiste à donner de lui-même une image qu’il juge valorisante

⇒ cohérence de l’expression : l’acteur cherche à éviter les maladresses qui pourraient donner une image
d’incompétence, d’inconvenance ou d’irrespect
⇒ représentation frauduleuse : souvent à des fins d’idéalisation, l’acteur peut utiliser des moyens détournée
comme la dissimulation, le mensonge, l’insinuation, l’ambiguïté calculée, etc.
⇒ mystification : vise une mise à distance destinée à protéger l’acteur vis-à-vis de son public ; il se préserve
un espace inviolable, une zone que tous respectent

➝ la représentation = un subtil mélange de réalité et de simulation.


➝ Goffman souligne le caractère semi-conscient de cette mise en scène, l’acteur croît progressivement à
son personnage, jusqu’à en être lui-même dupe
➝ Goffman développe une analyse des « cadres » qui structurent les expériences quotidiennes des
individus. ➝ introduit des élément d’analyses non visibles dans les interactions ➝ ainsi il évite de ramener
toute la réalité sociale à ce qui peut se construire dans les interactions face à face et tient compte de
l’existence d’entités macroscopiques : structures sociales, organisations, institutions

Enjeu de l’approche interactionniste ➝ lien analytique entre les situations d’interaction observables par le
sociologue et plus ou moins maitrisables par les individus et les cadres ou contextes dans lesquels elles se
déroulent

Limites de l’interactionnisme : on a du mal à saisir les effets des structures quand on part des interactions
interindividuelles.
➝ idée que la compréhension de la situation doit nécessairement renvoyer aux phénomènes qui le
dépassent

L’ethnométhodologie - Howard Garfinkel

⇒ considérer les faits sociaux comme accomplissements pratiques ; ce sont des procédés ordinaires
appuyés sur un stock de savoirs, qu’utilisent les membres dans leur activités de la vie quotidienne que
Garfinkel décide de qualifier d’ethnométhodes

Fait émerger le courant ethno-méthodologique en mêlant le fonctionnalisme de Talcott Parsons et la


phénoménologie développée par Alfred Schütz.

Retient de la phénoménologie :
➝ l’intersubjectivité par laquelle un individu comprend le sens des actions d’autrui
➝ la typicalité ➝ processus par lequel un individu construit des catégories générales d’expériences, de
situations, de comportements, qui constituent des schèmes de référence et qui lui permettent de lire le
social, de l’interpréter, de lui donner sens
⤷ comment un individu monte en généralité à partir d’une expérience particulière

Pour répondre à : Comment l’ordre social s’établit-il ?


⤷ Garfinkel recommande de s’intéresser aux processus par lesquels les individus parviennent à se mettre
d’accord sur ce qui compte / ce qui est important dans un contexte particulier
⤷ l’attitude sociologique ➝ implique que les sociologues adoptent la perspective des acteurs sociaux et
élaborent des descriptions de la réalité sociale que les acteurs reconnaissent et trouvent justes et pertinents

Compétence interactionnelle ➝ comprendre les implicites d’une situation sociale, d’une interaction
Sociologie générale l Mariana Gomes

⇒ Comme l’interactionnisme, l’ethnométhodologie attribue aux acteurs sociaux une capacité de


compréhension et d’intelligence du social
⇒ Tâche de l'ethnométhologue ➝ observer des situations d'incertitudes et voir quel sens les gens y
attachent.
L’ethnométhodologie = recherche empirique des méthodes que les individus utilisent pour donner sens et
en même temps accomplir leurs actions de tous les jours.
⤷ la sociologie = étude de ces activités quotidiennes ; la sociologie elle-même doit être considérée comme
une activité pratique
⤷ rejette l’idée qui suppose qu’un système stable de normes et de significations partagées par les acteurs
gouverne tout système social
⤷ insiste sur l’intelligence sociale des acteurs, sur leur capacité à interpréter les situations dans lesquelles
ils se trouvent et à s’y adapter
➝ l’objet de la sociologie devient la description et la compréhension de cette compétence interactionnelle
⤷ pour y parvenir les sociologues doivent devenir des membres des contextes qu’ils analysent,
doivent acquérir les mêmes compétences que leurs enquêtés
⇒ constitution des savoirs à partir des savoirs profanes ➝ démarche de l’ethnométhodologie
⇒ intérêt porté sur les actions ou interactions humaines se déroulant en temps réel

➝ l’objectif ≠ observer comment les individus manifestent ou mettent en œuvre des normes sociales
préexistantes dans le cours de leurs interactions (➝ structuralisme)
➝ défend l’idée que les normes sont produites et réajustées en permanence dans et par l’action
➝ difficulté à observer la manière dont les individus donnent sens à leurs pratiques
⇒ le monde n’est pas donné une fois pour toutes, il se réalise dans nos accomplissements pratiques

Recours à des exercices de tutorat qui obligent les individus à réfléchir à leurs actions et à rendre explicite
la vision du monde qui les sous-tend.
⤷ ex ; observer qn qui change de sexe

Les limites de l’interactionnisme / ethnométhodologie

➝ manque d’ambition théorique + proximité de la production de connaissances scientifiques avec le sens


commun
➝ représentation théorique de l’individu comme un acteur social capable d’analyser le monde qui l’entoure
et conscient de ses logiques de fonctionnement
➝ critique venant des courants holistes qui lui reprochent d’accorder une place trop grande à l’autonomie
de l’acteur et de négliger les contraintes sociales ; croient que l’autonomie est une fiction
➝ critiques quant aux méthodes privilégiées : biographie, entretien, observation + marginalisation de la
validation statistique ➝ rend difficile ou trop facilement réfutables leurs propositions générales

Conclusions

L’interactionnisme et l’ethnométhodologie reflètent indéniablement une tendance au retour de l’acteur et


la reconnaissance de sa capacité d’action dans les démarches théoriques et empiriques de la discipline
sociologique.
⤷ ne font pas totalement abstraction des rapports de pouvoir qui caractérisent toute interaction sociale

Vous aimerez peut-être aussi