Budget&Droits 243 - novembre/décembre 2015 13

LITIGES extrajudiciaire | service de médiation pour le consommateur

Toujours
une alternative
au tribunal
Désormais, si un litige qui vous oppose à un commerçant
n’est pas résolu à l’amiable, vous avez toujours la
possibilité de le soumettre à une instance officiellement
agréée, qui n’est pas un tribunal.

Anne Moriau et Nadine Vanhee

V
ous l’avez peut-être déjà vécu : vous
n’êtes pas content d’un bien que
vous avez acheté auprès d’un ven-
deur professionnel ou d’un travail
qu’un plombier ou autre technicien
est venu réaliser chez vous. Sûr de votre bon
droit, vous vous plaignez auprès de la personne
concernée mais cela n’aboutit à rien. Frustra-
tion, donc. Et sentiment d’impuissance. Car
vous imaginez mal vous lancer dans un procès
(le jeu n’en vaut pas toujours la chandelle, cela
prend du temps, c’est fastidieux et cher), mais
vous ne voyez pas comment vous pourriez faire
valoir vos droits autrement.
Eh bien, cela ne devrait plus vous arriver.
Le nouveau Code de droit économique (Livre
XVI) fixe en effet des règles pour la résolution
extrajudiciaire des litiges de consommation. Ces
règles sont d’ores et déjà totalement applicables.
Nous en sommes très satisfaits, même si nous
formulons néanmoins quelques bémols. Voyez
à cet égard notre éditorial en p. 3.
Désormais un cadre légal
Dorénavant, pour tout litige qui oppose un
consommateur à un commerçant – par facilité,
nous utilisons ce terme pour désigner à la fois
les vendeurs et les prestataires de services pro-
fessionnels – et qui n’est pas résolu à l’amiable,
il faut offrir la possibilité de le régler par voie
RÉSOUDRE LES LITIGES PAR VOIE EXTRAJUDICIAIRE
EST ACCESSIBLE, SIMPLE, PAS CHER ET RAPIDE
autre que le tribunal. Nous disons bien "offrir
la possibilité" : il ne peut être question d’obliger
à traiter le litige par cette voie. Au moment où
le litige éclate, vous devez avoir la possibilité de
le soumettre au tribunal si tel est votre souhait.
Cela fait belle lurette que nous sommes parti-
sans de tels modes alternatifs de règlement des
litiges : c’est facile d’accès, plus simple, moins
cher et plus rapide qu’une procédure devant
un tribunal. Mais, jusqu’il y a peu, ce n’était
pas envisageable pour tous les litiges, la
possibilité n’existait que pour un certain
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LITIGES extrajudiciaire | service de médiation pour le consommateur

nombre de secteurs, comme les voyages et
les télécoms.
D’autre part, il existe désormais un point de
contact unique où vous pouvez vous adresser
pour obtenir des informations sur le règlement
extrajudiciaire des conflits : le Service de mé-
diation pour le consommateur. La création de
ce service est la réalisation la plus importante
de la nouvelle législation.
Votre plainte doit être écoutée
Un commerçant ne peut plus faire la sourde
oreille quand il reçoit une plainte de la part d’un
consommateur. Il est désormais écrit dans la loi
qu’il est obligé de traiter cette plainte au niveau
interne. Plus précisément, il doit y réagir le plus
vite possible et il doit mettre tout en œuvre pour
trouver une solution satisfaisante dans un délai
raisonnable.
Le législateur ne fixe donc pas de délai, il dit
simplement "le plus vite possible". Il est donc
clair que la réaction ne peut pas se faire attendre
longtemps. Le SPF Economie donne comme di-
rective de confirmer immédiatement ou en tout
cas dans les 48 heures que le commerçant a bien
reçu la plainte et qu’il l’examinera le plus vite
possible. Il conseille par ailleurs de mentionner
une personne ou adresse de contact.
D’autre part, la plainte doit être traitée "dans
un délai raisonnable". Cette notion doit être in-
terprétée en tenant compte des conséquences
juridiques et/ou financières pour le consomma-
teur tant que la plainte n’est pas résolue. Y a-t-il
La loi précise expressément qu’il doit sponta-
nément expliquer au consommateur où celui-ci
peut s’adresser pour faire résoudre le litige par
voie autre que la justice, si aucune solution
amiable n’intervient dans un délai raisonnable.
Un commerçant affilié à un organisme qui
s’occupe du règlement extrajudiciaire de li-
tiges dans le secteur concerné (par exemple,
les voyages, les assurances…) doit le préciser
sur son éventuel site internet, ainsi que dans
ses conditions générales. Ou, s’il n’y a pas de
conditions générales de vente, sur tout autre
document de vente ou support durable remis au
consommateur lors de la conclusion du contrat.
Le SPF Economie conseille de donner non seu-
lement le nom complet mais aussi l’adresse, le
site internet, les caractéristiques et les condi-
tions d’utilisation.
Il faut mentionner si cette instance est une
"entité qualifiée", c’est-à-dire un service légale-
ment agréé pour faire du règlement extrajudi-
ciaire de litiges.
Attention : un commerçant n’est pas obligé
de s’affilier à un tel organisme, sauf si cela lui
SELON LE SPF ÉCONOMIE,
LE COMMERÇANT DOIT
est imposé sur base d’une loi, d’un code de
conduite auquel il a souscrit, de sa qualité de
membre d’une fédération professionnelle, etc.
Si le commerçant n’est pas en mesure de ren-
voyer vers une telle instance, il doit expliquer au
consommateur qu’il peut s’adresser au Service
fédéral de médiation pour le consommateur,
compétent pour traiter les litiges de consom-
mation par voie extrajudiciaire.
Si un commerçant ne réagit pas
Vous pouvez alors tirer la sonnette d’alarme
auprès du SPF Economie, plus précisément de la
Direction générale de l’inspection économique.
Pas pour demander une médiation, mais pour
que le commerçant se fasse tirer les oreilles.
Il incombera alors au commerçant de démon-
trer concrètement qu’il a traité votre plainte
de la manière la plus rapide et la plus efficace
possible (par exemple, traitement sur papier,
par voie électronique…). S’il n’est pas en mesure
d’apporter une telle preuve, il risque un avertis-
sement ou une amende pouvant aller de 156 à
60 000 € (jusqu’à 150 000 € si sa mauvaise foi
peut être démontrée).
Le SPF Economie n’agira d’ailleurs pas uni-
quement à la suite de plaintes, mais également
de sa propre initiative, pour contrôler le respect
des règles. Il peut donc demander à examiner
une série de dossiers de plaintes, afin de vérifier
le bon respect des exigences “dans un délai rai-
sonnable” et “tout mettre en œuvre”.

par exemple des intérêts de retard, une mise en

demeure par un huissier de justice, un élément
RÉAGIR DANS LES 48 H Qui peut se nommer "entité qualifiée" ?
Une entité qualifiée se spécialise dans les litiges
qui donne un caractère urgent à l’affaire, une À VOTRE PLAINTE de consommation d’un secteur professionnel
procédure judiciaire… ? Le litige ne peut empirer
du fait qu’il traîne en longueur.

Tout commerçant doit-il avoir son

propre service de plainte ?
Non, un commerçant n’est pas obligé de mettre
sur pied un véritable service interne destiné à
ALLO, LE SERVICE DE MÉDIATION POUR LE CONSOMMATEUR ?
traiter les plaintes de consommateurs. Mais
il doit prévoir un système qui permet de com- Le top 5 des problèmes abordés
muniquer par éléments écrits ou sur support
durable. Réagir téléphoniquement ou orale- 1. Prestations pour l’entretien et l’aménagement du
ment à une plainte n’est pas interdit, mais il faut logement (p. ex. installation d’une cuisine, réparation
quelque chose de tangible qui puisse faire office d’une toiture)
de preuve (lettre, mail, fax…). Traiter une plainte
exclusivement par voie téléphonique ne suffit 2. Produits high tech (p. ex. smartphones, tablettes)
donc pas.
Lorsqu’il y a un véritable service plainte à dis- 3. Meubles
position, sa dénomination ne peut pas induire
le consommateur en erreur (par exemple, il ne 4. Produits pour l’entretien et l’aménagement du
peut s’appeler "ombudsservice" ou "service de logement (p. ex. protection solaire)
médiation"). D’autre part, le commerçant doit
communiquer le numéro de téléphone, de fax 5. Gros électroménager (p. ex. machines à laver,
et l’e-mail de son service plainte. aspirateurs, micro-ondes)

Si votre plainte n’est pas résolue

à l’amiable
Le commerçant doit "mettre tout en œuvre"
Pour la moitié des plaintes dont le traitement est terminé,
pour traiter votre plainte. Cela ne signifie pas
qu’il est obligé de résoudre le litige, mais il doit
faire de son mieux pour tenter de le solution-
53 % une solution amiable a été trouvée
ner en votre faveur (formuler une ou plusieurs
propositions, répondre aux questions, commu-
niquer des informations utiles…). Source : Service de médiation pour le consommateur; données pour les 3 premiers mois d’activité
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déterminé et est agréée par le SPF Economie

pour trancher ces litiges lorsque le consom-
mateur ne parvient pas à le régler à l’amiable
directement avec le commerçant.
Pour recevoir cet agrément, l’entité doit ré-
pondre à toute une série de conditions strictes.
Nous vous en présentons ici quelques-unes, qui
sont essentielles pour le consommateur :
> L’entité qualifiée doit être indépendante
et impartiale. Un commerçant ne peut donc
par exemple pas mettre sur pied un service de
règlement extrajudiciaire des litiges au sein
même de son entreprise.
> Elle est obligée d’avoir un site internet.
> Elle doit offrir des procédures gratuites ou à
coût limité pour le consommateur.
> Elle doit traiter le litige dans un délai court :
90 jours est la règle, 180 l’exception (unique-
ment si le dossier est complexe).
> Elle décide elle-même si sa décision est
contraignante ou non, mais elle doit clairement
en informer le consommateur, dès le départ.
> Elle doit informer chaque partie par écrit,
ou sur support durable, de l’issue de la procé-
dure, de manière clairement motivée.
Les organismes qui étaient déjà précédem-
ment actifs dans le domaine des règlements
extrajudiciaires des litiges et qui veulent conti-
nuer à le faire dans le nouveau cadre légal
doivent satisfaire aux mêmes conditions que les
nouvelles entités qui demandent un agrément.
Les conditions à respecter sont si strictes que
toutes les initiatives existantes ne pourront sans
doute pas franchir le cap.
Vous trouverez la liste de toutes les entités
qualifiées sur le site internet du SPF Economie.
Pour l’instant, il n’en existe que sept.
Le SPF Economie mènera régulièrement
des audits pour vérifier si les règles sont bien
respectées dans la pratique. S’il s’avère qu’une
entité qualifiée n’y satisfait plus, son agrément
pourra lui être retiré.
LE SERVICE DE MÉDIATION POUR LE CONSOMMATEUR
GÈRE LES PLAINTES NON TRAITÉES AILLEURS
lequel vous êtes impliqué. Vous devez toutefois
avoir d’abord essayé de résoudre le litige via le
commerçant, et n’avoir pas obtenu de solution
dans un délai raisonnable.
Le Service de médiation réceptionnera votre
plainte et décidera :
> soit de la transmettre à une entité qualifiée
compétente en la matière;
> soit de la traiter lui-même et donc d’endosser
le rôle d’entité qualifiée lorsqu’il n’existe pas
d’entité qualifiée spécifique.
Vous pouvez introduire votre plainte en ligne,
par courrier, par e-mail, par fax ou en vous ren-
dant sur place. La procédure est gratuite.
On vérifiera avant tout si votre plainte est re-
cevable. Votre demande doit être complète et ne
peut, notamment, pas être soumise également
à un tribunal. Si votre plainte ne peut pas être
traitée, vous recevrez un justificatif.
Une plainte qui est recevable doit être exami-
née dans les 90 jours. Ce délai peut exception-
nellement être prolongé une seule fois.
A la fin de la procédure, le Service de média-
tion pour le consommateur propose une solu-
tion aux parties concernées en vue d’un règle-
ment amiable du litige. Cette proposition n’est
pas contraignante, chaque partie est donc libre
de l’accepter ou non. Si la médiation échoue et
que le Service de médiation estime que c’est op-
portun, il peut formuler une recommandation
au commerçant.
Suspendre le temps
Le législateur vous protège dès que vous enta-
mez les démarches en vue de faire résoudre un
litige de consommation par voie extrajudiciaire.
D’une part, en obligeant le commerçant qui a
intenté une procédure de recouvrement contre
vous à suspendre temporairement cette procé-
dure. Supposons par exemple que, mécontent
du travail d’un technicien, vous n’ayez pas réglé
la totalité de la facture et qu’il vous en réclame
le solde : il devra mettre sa demande au frigo
jusqu’à ce que la médiation par l’entité qualifiée
soit parvenue à son terme ou jusqu’à ce que
votre demande de règlement extrajudiciaire du
litige soit refusée.
D’autre part, le législateur ne veut pas que
vous perdiez la possibilité de vous adresser
malgré tout au tribunal, au cas où les tentatives
de résoudre le litige avec le commerçant puis
via une entité qualifiée échouent toutes les
deux. Le temps consacré à la procédure extra-
judiciaire ne peut pas avoir pour conséquence
le dépassement du délai de prescription, sinon
vous n’auriez plus de recours possible. C’est im-
portant surtout dans les secteurs où ce délai est
très court (en matière de voyages, par exemple,
le délai de prescription n’est que de 1 an à comp-
ter de votre retour de vacances). n
PLUS D’INFO
> Service de médiation pour le consomma-
teur : http://mediationconsommateur.be;
02 702 52 20; North Gate II, Boulevard du Roi
Albert II 8, 1000 Bruxelles.
> Liste des entités qualifiées :
www.economie.fgov.be, sous «Règlement extra-
judiciaire des litiges de consommation».

Le Service de médiation, un point de

contact unique
ENTITÉS QUALIFIÉES 
Le Service de médiation pour le consommateur
a démarré ses activités le 1/6/2015.
Tant les consommateurs que les commer-
çants peuvent s’adresser à lui afin d’obtenir
des informations sur leurs droits et devoirs, en
particulier quant à la possibilité de règlement
Qui sont-elles ?
extrajudiciaire des litiges. ■■Si le Service de médiation pour le consommateur vous renvoie, pour le traitement
Ceci est très important pour le consomma- d’une plainte, vers une instance extrajudiciaire, il s’agira nécessairement d’un
teur souvent inexpérimenté, qui veut savoir organisme agréé par le SPF Economie comme "entité qualifiée".
comment sa plainte peut être résolue le plus
vite possible, mais qui ne reçoit pas cette info ■■En ce qui concerne les instances auxquelles Test-Achats collaborait jusqu’à présent,
du commerçant lui-même. la Commission Conciliation Construction a déjà reçu son agrément. C’est le cas
Le grand avantage est qu’il existe désormais également de la Commission Litiges Voyages pour sa procédure de conciliation. Pour
un point de contact unique : quel que soit le sec- la procédure d’arbitrage de cette même commission, janvier 2016 semble une date
teur dans lequel le litige se produit, le Service réaliste. Pour la Commission de litiges Meubles et pour la Commission d’Arbitrage
de médiation pourra vous orienter vers la bonne Consommateurs –Secteur de l’entretien du textile, la procédure est toujours en cours.
adresse. Nous vous tenons au courant.

Le Service de médiation, pour traiter
aussi vos plaintes
D’autre part, vous pouvez également vous
adresser au Service de médiation pour le
consommateur afin qu’il tranche par voie ex-
trajudiciaire un litige de consommation dans
■■Au 15/10/2015, il n’y avait encore que sept entités qualifiées : la Commission de Litiges
Voyages pour sa procédure de conciliation, l’Ombudsman pour le notariat, le Service
de médiation pour les télécommunications, l’Ombudsman des assurances, Ombudsfin
(pour les services financiers), la Commission de Conciliation Construction et le Service
de médiation pour le consommateur.