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Université d’Alger I

Faculté de Médecine d’Alger


Département de Médecine dentaire
Module : Odontologie Pédiatrique
e
Cours destiné aux étudiants de 5 année Médecine Dentaire

Année universitaire : 2022/2023

Dysfonctions et Parfaonctions
Présenté par : Pr.F.BOUKHAZANI Le 14/05/2023

Objectifs pédagogiques :

1. Enumérer les dysfonctions qui peuvent siéger au niveau de la sphère oro-facial de


l’enfant.
2. Mémoriser l’impact sur la croissance des dysfonctions.
3. Connaitre les parafonctions les plus fréquentes chez l’enfant.

Plan :

I. Introduction
II. Rappels
III. Définitions
IV. Dysfonctions
V. Parafonctions
VI. Diagnostic des anomalies fonctionnelles
VII. Traitement des anomalies fonctionnelles
VIII. Conclusion

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I. Introduction :

Les phénomènes de croissance crânio-faciale sont sous l’action combinée des facteurs génétiques et
de la charpente musculaire environnante. Cette dernière stimule la croissance en permanence aussi
bien au repos qu’au cours des fonctions. Cependant, ces phénomènes peuvent être entravés par des
troubles et interférences aboutissant à l’apparition de déformations siégeant dans un ou plusieurs
sens de l’espace.

II. Rappels :
1. La croissance: Le développement de la face est soumis à
l’influence musculaire qui exerce des forces sur les
maxillaires et les arcades dentaires au repos et aux
fonctions: mastication, ventilation, déglutition et de
phonation.
2. Couloir de Château : C’est l’équilibre des forces
musculaires qui détermine la position des structures
anatomiques dentaires et osseuses.
3. Fonction: Ensemble d'opérations concourant au même
résultat et exécutées par un organe ou un ensemble d'organes. On distingue au niveau de la
sphère oro-faciale deux types de fonctions: de survie et de relation.
4. Dysfonction: Fonctionnement perturbé d’un organe ou d’un système. Toutes les fonctions
peuvent se présenter sous une forme perturbée et devenir dysfonction.
5. Parafonction: Ensemble des activités anarchiques exercées de manière répétée ou prolongée
mettant en jeu les organes de la sphère oro-faciale. Elles ne présentent pas de but précis et
leur exécution n’est pas nécessaire. Elles se caractérisent par la déviation des praxies
normales ou bien encore par leur exagération ou leur distorsion.
Unilatérale
dominante
Mastication
bilatérale

Déglutition Atypique
Dysfonction

Anomalies Respiration Buccale


fonctionnelles Parafonction

Trouble Phonation
postural

III. Dysfonctions :
1. Mastication :
1. Définition: Processus permettant de modifier mécaniquement la consistance de
substances alimentaires placées en bouche, afin de les rendre aptes à être dégluties.
2. Physiologie : Avec l’introduction d’aliments durs et l’éruption des dents, la succion-
déglutition laisse place à une mastication unilatérale alternée.
Par les forces qu’elle développe, il s’agit d’un stimulus puissant à la croissance des
maxillaires.
3. Dysfonctions :
 La mastication unilatérale stricte:
La mastication se fait préférentiellement du côté droit ou gauche.
Étiologies:

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1. Perte prématuré de dents lactéales unilatéralement;
2. Perte de substance carieuse importante au niveau molaire du côté droit ou gauche
rendant la mastication de ce côté inefficace;
3. Mobilité de dents lactéales avant leurs chutes;
4. Retard d’éruption de dents permanente ou agénésie ;
5. Douleur dentaire ou gingivale ou tuméfaction unilatérale aboutissant à développer un
réflexe d’évitement.
Conséquences:
1. Stimulation unilatérale de la croissance;
2. Asymétrie de forme condylienne;
3. Absence d’usure physiologique des dents lactéales;
4. Difficulté de réaliser des mouvements de latéralité du côté non abrasé;
5. Mauvaise orientation frontale du plan d’occlusion.
 La mastication bilatérale:
La mastication se fait des deux cotés en même temps, en mouvement de charnière

Étiologies:
1. Ventilation buccale
2. Absence d’abrasion physiologique des canines temporaires
3. Déglutition atypique
4. Posture linguale basse
Conséquences:
1. Absence de mouvements mandibulaires excentriques (dans le sens sagittal et
transversal);
2. Absence de stimuli de croissance dans les sens sagittal et transversal ;
3. Hypo-développement des condyles ;
4. Mauvaise préparation du bol alimentaire.
2. Déglutition :
1. Définition : C’est une fonction qui a pour but de faciliter le passage du bol alimentaire, de la
cavité buccale à l'estomac. Elle concerne aussi bien le bol
alimentaire que la salive (la plus fréquente).
2. Physiologie : La déglutition se fait en 3 temps: buccal,
pharyngien et œsophagien.
Le temps buccal se caractérise dans sa forme adulte par:
 Des arcades en ICM;
 Langue au palais avec une pointe au niveau de la papille rétro-incisif;
 Absence de contraction des muscles péribuccaux.
3. Dysfonction : Après la mise en place de la denture lactéale et la descente de l’os hyoïde au
cours de la croissance, la transition du type de déglutition infantile caractérisée par
l’interposition linguale entre les arcades et la contraction des muscles péri-oraux, à la
déglutition adulte est sensée être effectuée.
La persistance de la déglutition infantile au-delà de ce stade est considérée comme
dysfonction.

Etiologies :
1. Comportement neuro-musculaire héréditaire;
2. Présence de dysmorphose squelettique d’origine génétique réduisant la boite à langue;
3. Troubles psycho-affectifs s’exprimant par la présence d’une succion digitale;
4. Facteurs morphologiques de la langue: Frein court;
5. Posture linguale basse secondaire à une ventilation buccale.

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Conséquences:
1. Proalvéolie supérieure suite à l’interposition linguale;
2. Biproalvéolie lorsque associée à l’hypotonicité labiale;
3. Rétro-alvéolie inférieure lorsque associée à la succion digitale;
4. Endoalvéolie maxillaire avec parfois latéro-déviation;
5. Béance antérieure;
6. Si interposition latérale, infraclusie molaire et supraclusie incisive.
3. Ventilation :
1. Définition : c’est une étape de la respiration, il s’agit d’une activité réflexe dont le but finale
est d’oxygéner les cellules de l’organisme.
2. Physiologie : La ventilation nasale est la ventilation physiologique, elle se fait sans effort ni
crispations des lèvres.
L’air circule par les fosses nasales puis les sinus et va subir quelques transformations:
humidification, réchauffement, purification et contrôle de débit.il traverse ensuite le pharynx
pour descendre aux poumons.
3. Dysfonction : Lorsqu’un obstacle empêche ou réduit le passage de l’air, l’organisme s’adapte
pour assurer la ventilation et il se met en mode de ventilation buccale.
Etiologies :
1. Une obstruction nasale:
a. Déviation de la cloison nasale,
b. hypertrophies des cornets,
c. Rhinite allergique avec hypertrophie de la muqueuse.
2. Au niveau nasopharyngé: hypertrophie des végétations
adénoïdes;
3. Au niveau de l’oropharynx: augmentation du volume des
amygdales palatines.
Conséquences :
1. Infections rhino-pharyngées répétées par absence de filtration de l’air;
2. Développement de SAHOS la nuit;
3. Extension de la tête vers l’avant pour élargir les voies aérifères;
4. Tractions musculaires sur la mandibule favorisant une rotation postérieure;
5. Posture linguale basse avec risque de développer un progissement mandibulaire
6. Hypodéveloppement maxillaire
7. Perturbation des échanges thermiques avec un état d’éveil et des performances réduites.
4. Phonation :
1. Définition : C’est une fonction à but de communication. Elle fait appel à un ensemble de
mécanismes physiologiques complexes qui intéressent successivement, les poumons, le
pharyngo-larynx, les cavités buccale et nasale.
2. Physiologie : La parole est composée d’unités phonétiques juxtaposées : les phonèmes.
Lorsque l’on s’exprime, les voyelles sont émises arcades séparées, sans appui lingual. Les
consonnes sont émises langue en appui sur le palais, cet appui étant différent selon la
consonne.
3. Dysfonctions phonatoires : En français aucun phonème ne se prononce langue en appui sur
les arcades dentaires.
Si les appuis linguaux viennent à se modifier pour s’effectuer au niveau dentaire, une
malocclusion peut se développer et ce, d’autant plus que la musculature périphérique est
défaillante.

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Ces appuis dentaires sont dangereux surtout lors de la production des consonnes linguo-
palatales antérieures (DTN) lorsque langue s’appuie contre les dents supérieures ou
s’interpose entre les arcades au lieu de la papille rétroincisive
Deuxième dysfonction phonatoire fréquente est celle qui concerne les consonnes linguo-
palatales latérales (Ch, J) Au lieu que la zone de striction se trouve située entre le dos de la
langue et le palais dur. Anormalement la langue s’appuie sur les incisives ou s’interpose entre
les dents, antérieurement, ou latéralement à l’origine d’une infra-alvéolie molaire et d’une
supraclusion incisive.
Enfin, les consonnes lingo-dentales (SZ), la pointe de la langue étant juste derrière les incisives
inférieures (contact incomplet). Anormalement la pointe de la langue s’interpose entre les
incisives, et parfois les bords s’interposent entre les molaires.
Conséquences :
Trois troubles morphogénétiques sont associés à l’articulation anormale des phonèmes:
1. Proalvéolie incisive supérieure : environnement musculaire déséquilibré (langue
prédominante sur l’orbiculaire des lèvres);
2. Béance antérieure : forces musculaires équilibrées avec interposition linguale, souvent
association d’autres praxies (succion du pouce, de la lèvre inférieure…);
3. Supraclusie incisive : interposition latérale de la langue dans l’articulation des phonèmes (S, J,
Z, Ch) qui retentit sur la croissance verticale des procès alvéolaires et entraîne une infra-
alvéolie molaire, le plus souvent unilatérale.
IV. Parafonctions :
1. Succion non nutritive :
a. Définition : La succion chez l'enfant est décrite sous deux aspects : la succion nutritive et
la succion non nutritive. La succion nutritive est relative à l'allaitement au sein, au
biberon ou à une combinaison des deux. La succion non nutritive est évoquée lorsque
l'enfant suce son pouce ou d'autres doigts, une tétine artificielle ou d'autres objets.
b. Conséquences:
1. anomalies occlusales : béance, proalvéolie supérieure,
surplomb excessif, diastèmes incisifs.
2. déformations squelettiques : décalage squelettique de classe
II, palais creux profond et étroit
3. déformation digitale.
4. Désordres fonctionnels : déglutition atypique systématique, ventilation buccale
5. Troubles lors de la prononciation de certains phonèmes : T-D-N-L-CH-S ;
6. problèmes psychologiques (la peur d’être ridiculisé par les amis, le réflexe de se
cacher pour sucer son pouce...).
2. Onychophagie :
a. Définition : une habitude chronique de se ronger les ongles, Il en résulte une réduction
visible de la taille de l’ongle voire l’extraction complète de celui-ci. Chaque patient peut
présenter des comportements très différents entrant dans ces catégories.
b. Conséquences :
Au niveau des ongles:
1. Les ongles sont généralement abîmés de façon égale,
2. Aspect anormalement court et des bords irréguliers.
3. Les cuticules présentent aussi un aspect déchiré.
4. Des hémorragies sont parfois observées lors d’épisodes intenses
5. Une augmentation dans la vitesse de croissance des ongles, entrainant une réparation
plus rapide des dommages, et entretenant la parafonction.

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Au niveau buccal:

1. Forte présence d’entérobactéries dans la flore buccale et en particulier E-Coli;


2. Des usures dentaires
3. Des résorptions radiculaires
4. Malocclusions et rotations siégeant principalement au niveau des incisives et canines
3. Bruxisme :
a. Définition : C’est une parafonction caractérisé par des contractions involontaires et
inconscientes des muscles masticateurs en dehors de la fonction physiologique. Il est
caractérisé aussi par une mise en contact, forcée et fréquente des deux arcades dentaires.
Deux types différents sur le plan physiopathologiques sont individualisés: le bruxisme de
l’éveil et du sommeil.
b. Types de bruxisme :
Le bruxisme du sommeil : il se retrouve pendant le repos de l’individu qui en souffre, et plus
précisément lors d’épisodes de micro-éveil pouvant prendre place durant certaines phases
du sommeil. On observe alors des mouvements rythmiques de grincement et de serrement.
Le bruxisme de l’éveil : Le bruxisme d’éveil se manifeste par le serrement des dents ou par la
recherche d’un contact occlusal durant l’éveil. Bien que son étiologie soit inconnue, le stress
et l’anxiété en sont des facteurs de risque identifiés.
c. Conséquences :
Au niveau dentaire:
1. Des fêlures et fractures pouvant être responsables de symptomatologies pulpaires
2. Des résorptions radiculaires, ainsi que des malocclusions et rotations.
3. Un épaississement de l’espace desmodontal peut être associé à une densification de l’os
alvéolaire ;

Au niveau des muscles masticateurs:


1. Une hypertonie musculaire, avec réduction du relâchement au repos.
2. La présence de spasmes douloureux lors de la palpation de zones gâchettes situées au
niveau des insertions musculaires.
3. Une hypertrophie des muscles masséters et temporaux.Au niveau des muqueuses : des
lésions des muqueuses de la langue, des lèvres et des joues. Parfois très visibles.
V. Diagnostic des anomalies fonctionnelles :
1. Anamnèse: De l’enfant et de ses parents, en cherchant des réponses aux questions
suivantes:
 Le patient a-t-il fréquemment la bouche ouverte ?
 Dort-il la bouche ouverte ?
 A-t-il soif au réveil?
 Se sent-il fatigué au réveil?
 Suce-t-ils on pouce ou autre chose ?
 A-t-il fréquemment des problèmes Orl?

2. Examen clinique:

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a. Inspection:
 Il faut vérifier l’existence d’une déviation du menton
lorsque l’enfant a les dents serrées.
 La difficulté à joindre les lèvres normalement liées à une
lèvre supérieure courte ou une augmentation de la hauteur
de l’étage inferieure de la face ou à une proalvéolie est le
signe d’un respirateur buccal.
 La présence de cernes sous les yeux est souvent observée
chez les respirateurs buccaux.
 Présence ou non d’indentation sur les bords de la langue.
 Briéveté du frein lingual.
 Recherche de morsures jugales.
 Présence d’amygdales hypertrophiées.
 Examen bucco-dentaire: Usure dentaire, Caries, Abcès, Mobilités dentaires
b. Analyse occlusale:
 Sens vertical :
• Une béance antérieure ou latérale est le signe d’une interposition linguale.
 Sens antéro-postérieur :
• Une proalvéolie uni ou bi maxillaire est en rapport avec une pulsion linguale
antérieure.
• Une occlusion de classe III liée à un proglissement mandibulaire est observée dans
les cas de position basse de la langue.
 Sens transversal :
• Une endoalvéolie maxillaire (généralement associée à une latérodéviation
mandibulaire) est la conséquence d’une position incorrecte de la langue. Le diagnostic
différentiel avec une endognathie maxillaire constitutionnel doit être fait selon :les
axes dentaire, l’importance de l ‘inversé d’articulé, l’étroitesse et la profondeur du
palais.
c. Tests:
Le diagnostic d’une déglutition atypique se fait grâce à l’observation de l’activité des
muscles peri-oraux lorsque le patient avale sa salive : toute contraction de la musculature
labiale et péri labiale est le signe d’une déglutition dysfonctionnelle.
• Pour vérifier la mobilité de la langue on demande au patient de mettre la pointe de
sa langue au palais et d’ouvrir la bouche au maximum en conservant l’appui de la langue au
palais. Un frein lingua lcourt ne permet pas de faire cet exercice.
• Dans le cas d’une suspicion de ventilation buccale on fait le test reflexe dit de Gudin
: il consiste à pincer le nez 2 secondes puis relâcher : une dilatation rapide des orifices
narinaires doit être observée. Lorsque les ailes du nez restent collées c’est qu’elles ne sont
pas sollicitées habituellement par le passage de l’air.
 Pour la mastication, on pratique l’examen des AFMP ce qui permet de
diagnostiquer une éventuelle mastication unilatérale stricte ou bilatérale.
VI. Traitement des anomalies fonctionnelles :
1. Le meulage sélectif des canines temporaires : Les dents qui n’ont pas subi d’usure
naturelle sont responsables de prématurités. Dans certains cas cela génère une
latéro-déviation mandibulaire. Cet acte est simple et préconisé dans les cas de faible
importance.
2. Soigner les caries et les lésions chroniques : Toutes les douleurs liées à une infection
bucco-dentaire peuvent générer des troubles fonctionnels par réflexe d’évitement.
3. Supprimer les parafonctions de succion non nutritive Idéalement la succion du
pouce ou de la tétine devrait être arrêtée avant l’évolution des dents définitives afin
éviter les déformations dento-alvéolaires.

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4. Prescrire un examen orl dans le cadre d’une ventilation buccale Afin de déterminer
si la cause de cette ventilation est inflammatoire (hypertrophie des tissus
lymphoïdes) ou anatomique (déviation de la cloison nasale ,hypodéveloppement du
maxillaire et donc du sinus)le diagnostic d’un praticien ORL est demandé.
5. Pratiquer une freinectomie Si le frein de la langue empêche la mobilité normale de
la langue par sa brièveté, la freinectomie est indiquée. Elle se fait le plus tôt possible
mais à un âge ou l’enfant est capable de suivre quelques séances de rééducation
post-opératoires pour éviter les brides cicatricielles.
6. Faire pratiquer des séances de rééducation La rééducation de la déglutition et de la
ventilation nasale sont pratiquées par l’orthophoniste ou le kinésithérapeute
spécialisé. Pour la déglutition l’ordonnance comprend un bilan de la posture linguale
au repos et pendant la déglutition et des séances de rééducation adaptées à la
situation. La rééducation active nécessite la participation de l’enfant qui n’est pas
facile d’obtenir avant 7-8 ans.
VII. Conclusion :
Les fonctions oro-faciales jouent un rôle prépondérant dans la morphogénèse dento-
faciale et tout trouble de ces fonctions risque de se répercuter d’une façon dramatique
sur cette dernière. L’attention de tout praticien doit être attirée à l’environnement
fonctionnel de l’enfant.

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