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La culture d’entreprise est faite d’évidences

partagées

la culture d’entreprise peut être définie comme un ensemble de valeurs, croyances et


normes de comportement :

 évidentes pour et partagées par les membres de l’entreprise ;


 qui se manifestent par des productions matérielles et symboliques ;
 et construites tout au long de l’histoire de l’entreprise.
Détaillons le premier étage de cette définition.

Des valeurs et des croyances

La culture d’entreprise est composée de valeurs (ce qui est bien/ce qui est mal), de
croyances (ce qui est vrai/ce qui est faux) et de normes de comportement, c’est-à-dire
les règles qui régissent la conduite des individus au sein de l’entreprise. Ces composantes
de la culture ont toutes une caractéristique commune : elles sont évidentes. Elles se
justifient peu et sont considérées comme des acquis que l’on ne remet pas en cause. On
les prend pour argent comptant. Ce faisant, on finit par les oublier, ne plus les voir et on
n’a souvent pas idée de les discuter. Ces valeurs, croyances et normes de comportement
sont des évidences.

La culture s’apprend et se transmet, souvent sans que nous nous en rendions compte.
Les salariés d’une entreprise s’habillent sobrement : « passer inaperçu » ou « pour vivre
heureux, vivons cachés » sont certaines des évidences sous-jacentes à ce code
vestimentaire. Un jour, un jeune fraîchement embauché arrive avec une veste rouge. Il
ne l’a mise qu’une journée, la première ! Personne ne lui a rien dit, mais tout le monde
se retournait en le croisant dans les couloirs. Son comportement n’était pas cohérent
avec une des évidences de la culture. Il l’a vite appris et pourtant ce n’était écrit nul part.
Pas même dans le guide du nouvel arrivant ou dans le règlement intérieur !

Les évidences sont partagées

Quand on parle de culture, on cherche à mettre l’accent sur ce qu’il y a de commun aux
membres d’une entreprise. Les évidences sont partagées. Mais attention ! Cette
caractéristique de la culture d’entreprise est la cause de beaucoup de malentendus. “La
culture est un outil de mobilisation, de fidélisation, de fédération qui permet de gommer
les différences au profit de la réalisation d’objectifs communs explicités dans un projet
d’entreprise”. De tels propos sont trop simples pour correspondre à une quelconque
réalité.

Tout le monde n’entre pas en religion avec l’entreprise

En fait, des évidences partagées, cela ne veut pas dire que tout le monde entre en
religion avec l’entreprise. L’adhésion des membres de l’entreprise à la culture peut être
plus ou moins forte. Certains croient aux mythes et aux idéologies, d’autres plus ou
moins. Certains en acceptent les valeurs, mais ne conçoivent pas qu’on puisse s’y
soumettre. D’autres s’y soumettent sans illusion, sans « y croire », par pure tactique.
Mais, les évidences qui composent la culture s’imposent à tous comme des données
contextuelles. Le plus souvent, il n’est pas raisonnable ou trop coûteux de les discuter. Il
faut faire avec.

Le directeur de la communication de l’entreprise citée plus haut, lui, change tous les
jours de couleur de veste : jaune le lundi, verte le mardi,… Il transgresse les règles. Mais
comment faire son métier de communication dans une entreprise où pour vivre heureux,
il faut vivre caché ? Le directeur de la communication est un déviant. Il refuse de se
soumettre à la culture, cherche à la faire évoluer ou, à tout le moins, à exercer son
métier malgré elle. Il n’en est pas esclave. La preuve ! Cependant, la culture est une
donnée contextuelle avec laquelle il doit composer.
Management par les valeurs et culture d’entreprise

La culture d’entreprise a précédé le management par les valeurs, dans la littérature


au moins. Dès les années 1930, Chester Barnard, cadre supérieur à la Bell
Telephone Company, y fait référence. Il confère à l’entreprise une « personnalité »
propre et fait des dirigeants les dépositaires de ses valeurs. Après quoi, pendant
environ cinquante ans, à quelques exceptions près, la notion de culture d’entreprise
est tombée dans les oubliettes de la littérature managériale. Au début des années
1980, elle réapparaît avec force jusqu’à faire l’objet d’une véritable mode initiée par
quelques ouvrages à succès dont celui, aussi célèbre qu’éphémère, de Tom Peters
et Robert Waterman sur l’excellence. Depuis, la notion n’a pas quitté le devant de la
scène. Certains ont tenté de manager la culture. D’autres, plus sages, se sont
contentés de manager avec la culture.

Management par les valeurs et culture d’entreprise sont liés, mais poursuivent
des buts différents

Le management par les valeurs ne consiste, ni à manager la culture, ni même à


manager avec la culture. Il ne s’agit pas de faire évoluer les valeurs, voire d’inscrire
l’action managériale dans le système de valeurs de l’entreprise. Ces dernières sont
utilisées pour transformer le travail en performance. Elles ne sont, ni l’objet du
management, ni le contexte dans lequel il s’inscrit et dont il doit tenir compte. Ce sont
des leviers actionnés pour produire de la performance, des références utiles pour
mesurer cette dernière.

Dans la rédaction de ce mensuel, on trouve une charte éditoriale. Le rédacteur en


chef fixe des objectifs aux journalistes, mais de manière informelle, au cas par cas.
Pour chaque article, le journaliste connaît le thème, l’angle, le nombre de signes et
les moyens dont il dispose, notamment en temps. Mais le rédacteur en chef n’utilise
pas ou peu les objectifs pour transformer le travail en performance. Pour cela, il
recourt plutôt à la charte, même de manière implicite, en utilisant les comportements,
les manières de faire. La norme utilisée pour produire et évaluer la performance est
d’abord comportementale.

Valeurs et croyances ne sont pas synonymes

Valeurs et croyances, souvent confondues, ne sont pas de même nature. Les


premières concernent le bien et le mal, les secondes le vrai et le faux. Formaliser les
valeurs d’une entreprise, c’est donc définir ce qui, de son point de vue, est bien ou
mal, ce qu’il est autorisé de faire ou pas en son sein. Les valeurs donnent du sens.
Mais, très générales, elles ne disent rien de véritablement opérationnel. C’est
pourquoi elles se déclinent en normes de comportement qui indiquent comment se
comporter dans telles ou telles situations particulières. Les normes précisent,
opérationnalisent les valeurs. Par exemple, « l’équité » est une valeur qui, dans le
domaine de la rémunération, peut se décliner en « rémunérer ses collaborateurs en
fonction de leur contribution », recommandation qui guide les managers au moment
des augmentations individuelles ou des bonus. A priori, on ne les oriente pas vers le
« saupoudrage » qui consiste à attribuer le même montant à tout le monde quelle
que soit la contribution. Une telle pratique est plus égalitaire que équitable.

Dans sa charte, une banque retient quatre valeurs : le respect des personnes, la
considération, l’engagement et la cohésion. Chaque valeur est déclinée en normes
de comportement. Pour la valeur « respect des personnes », les principales normes
de comportement sont : accepter les insuffisances et les échecs ; favoriser
l’expression et l’échange ; faire preuve d’équité et de transparence ; ne pas faire de
promesses intenables ; ne pas montrer du doigt ; respecter les différences.

Parfois, une seule déclinaison ne suffit pas

Une seconde est nécessaire pour rendre les valeurs véritablement opérationnelles.
Une entreprise de l’aéronautique intègre dans son dispositif d’entretiens annuels une
évaluation du comportement des managers à partir de six valeurs : le sens du client ;
le respect des engagements ; l’innovation et l’esprit d’entreprendre ; la valorisation
des hommes ; le professionnalisme au service de l’efficacité ; la performance
économique. Chaque valeur est déclinée en comportements. La valeur « valorisation
des hommes », par exemple, est déclinée en quatre comportements : responsabiliser
et déléguer ; reconnaître les hommes et favoriser leur évolution ; informer, mobiliser
et écouter ; maîtriser le temps. Les comportements sont eux-mêmes déclinés en
pratiques. Le comportement « responsabiliser et déléguer », par exemple, est
décliné en quatre pratiques. Enfin, chaque pratique est évaluée sur une échelle à
quatre niveaux.

Dans le management par les valeurs, est performant, non pas celui dont les résultats
sont à la hauteur des objectifs fixés comme dans le management par les objectifs,
mais celui dont les comportements sont conformes aux valeurs. A la différence des
règles, les valeurs prescrivent les comportements de manière informelle. Dans
certaines situations, les normes de comportement sont pertinentes pour produire et
mesurer la performance.
Management par les valeurs : l’importance de
l’alignement

Le management par les valeurs souffre d’un travers important : les chartes sont souvent
perçues comme des gadgets. Personne ne se retrouve dans la poignée de valeurs,
étrangement semblables d’une entreprise à l’autre, définies trop rapidement par le
comité de direction lors de son dernier séminaire « au vert ». Pourtant, toutes les valeurs
ne se valent pas.

Deux catégories sont couramment distinguées. D’une part, les valeurs issues de la
culture, partagées au sein de l’entreprise, résultant d’une histoire et transmises dans le
temps. Ces valeurs, implicites, structurent le comportement des salariés sans qu’ils s’en
rendent compte. D’autre part, les valeurs issues d’un discours qui indiquent la direction
dans laquelle la culture doit évoluer. Les premières sont pratiquées par le corps social,
les secondes déclarées par la direction générale. Pour qu’une charte ne soit pas perçue
comme un gadget, il faut qu’elle contienne un « mix » des deux types de valeurs : les
valeurs pratiquées constituent le noyau dur, le socle, ce sur quoi l’entreprise s’appuie et
repose ; les valeurs déclarées, sélectionnées au regard de la stratégie de l’entreprise,
ouvrent de nouvelles perspectives, éclairent les chemins futurs.

Valeurs pratiquées positives et négatives

Mais attention ! Les valeurs pratiquées ne sont pas toutes équivalentes. Certaines sont
positives, d’autres négatives. A un moment donné, pour diverses raisons, certaines
valeurs s’avèrent incohérentes avec le type de performance recherchée par l’entreprise.
La valeur « Egalité », par exemple, devient négative quand l’entreprise cherche à
individualiser les salaires. Les valeurs sont donc des leviers que le management peut
actionner pour produire des performances, mais aussi, en même temps, des contraintes
avec lesquelles il doit composer. Manager par les valeurs, c’est utiliser les valeurs
positives (pratiquées ou déclarées), et, en même temps, neutraliser les valeurs
pratiquées négatives pour ne pas en subir les effets contre-productifs.

Le management par les valeurs ne peut pas se réduire à l’élaboration d’une charte,
même bien ficelée. Celle-ci doit être relayée par des pratiques managériales et
organisationnelles. C’est un processus que Ken Blanchard et Michael O’Connor définissent
en trois étapes : clarification puis communication des valeurs, alignement des
comportements quotidiens enfin. Les deux auteurs attirent notre attention sur
l’importance du dernier point, au carrefour de pratiques individuelles et collectives.

L’Ambition

Une entreprise de technologie dans le domaine des services affiche son ambition dans un
projet : l’Ambition ! Celui-ci est charpenté par quatre valeurs, les quatre S : Simplicité,
Synergie, Solidarité et Succès. Pour devenir effectives, ses valeurs doivent pénétrer les
projets et déboucher sur des actions concrètes, pas seulement rester au niveau des
déclarations d’intention. Pour cela, l’Ambition est partagée au cours de réunions d’une
demi-journée animées en cascade par les managers le long de la ligne hiérarchique. Mais
le déploiement ne s’arrête pas là. Après cette première phase de « catéchisme », comme
la qualifient volontiers certains, l’entreprise se lance dans un vaste chantier de mise en
œuvre. Sur la base d’une méthodologie formalisée dans un « roadbook », chaque
manager est invité à réfléchir avec son équipe à la manière de faire vivre au quotidien les
valeurs de l’Ambition. Il s’agit de mettre plus de Simplicité, Synergie et Solidarité dans
les pratiques pour obtenir plus de Succès. Ces pratiques touchent à la fois l’organisation,
les méthodes de travail, les circuits d’information, les manières de se former,… Bref, tout
ce qui permet de réaliser les missions.

Chaque équipe travaille sur les quatre S, simultanément ou chronologiquement. La mise


en œuvre des réalisations est locale. Parallèlement, un reporting est organisé via
l’Intranet. L’équipe projet centrale synthétise les résultats, identifie les meilleures
pratiques, puis organise des présentations au comité de direction ; une manière de
célébrer les succès et, donc, de boucler la boucle.

Les différentes formes de l’alignement

L’alignement des comportements peut prendre différentes formes : globale et


organisationnelle ou encore locale et managériale.

Le directeur du département formation d’une grande entreprise de l’électronique doit,


avec ses collaborateurs, relever un défi important imposé par la direction générale :
délivrer des formations à l’ensemble des salariés de l’entreprise, et, en plus, en vendre à
l’extérieur. Le département devient une « Business Unit » à part entière avec un compte
d’exploitation propre. La formation s’impose comme relais de rentabilité.

D’emblée, le directeur du département est convaincu que la réussite du projet passe par
la capacité de ses collaborateurs à adopter des comportements en rupture avec les
anciens. Il est également persuadé de la nécessité d’une forte cohésion au sein de son
équipe. Selon ses termes, « il va falloir se serrer les coudes ; on est tous dans le même
bateau ». Il organise un séminaire de deux jours avec son équipe.

Ensemble, ils déterminent les valeurs sous-jacentes au type de performance recherchée :


la rentabilité, le client, l’entreprenariat, l’ouverture sur l’extérieur, la solidarité, le droit à
l’échec, le respect des différences sont les sept valeurs retenues. Chacune d’elles est
ensuite déclinée en normes de comportement. Ces dernières constituent l’ossature d’une
grille d’auto-évaluation utilisée lors de réunions hebdomadaires. Tous les membres de
l’équipe évaluent cette dernière au regard des normes de comportement figurant dans la
grille.

Le directeur du département souhaite favoriser le débat autour des valeurs. Il encourage


la confrontation à chaque fois qu’une situation est incohérente avec l’une d’elles. Une
règle cependant ! Les propos mettant directement en cause Pierre, Paul ou Jacques sont
systématiquement écartés. Pendant ces réunions, on parle de l’équipe et de son mode de
fonctionnement, pas des individus.

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