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i n f o a r t i c l e r é s u m é
Historique de l’article : Le syndrome de Sjögren primitif (SSp) est caractérisé par l’association d’une triade symptomatique (dou-
Accepté le 20 avril 2021 leur, sécheresse, fatigue) à des manifestations systémiques variées. Alors que les atteintes systémiques
Disponible sur Internet le xxx touchent environ 30 % des patients, le syndrome sec, principalement oculaire et buccal, est présent chez
la quasi-totalité des patients. Ce symptôme est à l’origine d’une altération marquée de la qualité de vie
Mots clés : et il ne doit pas être négligé. L’objectif de cette mise au point est d’offrir un rappel sur les mécanismes à
Syndrome de Sjögren l’origine du syndrome sec au cours du SSp, de rappeler quelles sont les conséquences potentielles de ce
Syndrome sec
symptôme et de donner aux lecteurs des outils pratiques pour guider la prise en charge de nos patients
Traitements symptomatiques
Traitement biologiques
atteints de SSp. Enfin, cet article fait le point sur l’impact sur le syndrome sec des traitements ciblés en
développement dans le SSp.
© 2021 Publié par Elsevier Masson SAS au nom de Société Française de Rhumatologie.
a b s t r a c t
Keywords: Primary Sjögren’s syndrome (pSS) is characterized by the association of a symptomatic triad (dryness,
Sjögren’s syndrome pain and fatigue) with various systemic manifestations. While systemic involvement affects about 30 %
Sicca of patients, sicca, mainly ocular and oral, is present in almost all patients. This symptom causes high
Symptomatic treatment burden of the disease and a marked deterioration in quality of life. It should not be neglected in the
Biologics
management of pSS patients. The purpose of this update is to provide a review of the mechanisms that
cause dry syndrome in pSS, to outline the potential consequences of this symptom, and to give practical
tools to guide the management of our pSS patients. Finally, this article reviews the impact of targeted
therapies in development in pSS on dryness.
© 2021 Published by Elsevier Masson SAS on behalf of Société Française de Rhumatologie.
https://doi.org/10.1016/j.monrhu.2021.04.002
1878-6227/© 2021 Publié par Elsevier Masson SAS au nom de Société Française de Rhumatologie.
Pour citer cet article : Nocturne G, et al, Traitements présents et futurs du syndrome sec au cours du syndrome de Gougerot-Sjögren
primitif, Revue du rhumatisme monographies, https://doi.org/10.1016/j.monrhu.2021.04.002
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G. Nocturne et al. Revue du rhumatisme monographies xxx (xxxx) xxx–xxx
Tableau 1
Principales causes de syndrome sec oculaire et buccal.
Syndrome sec buccal et oculaire Syndrome sec oculaire prédominant Syndrome sec buccal prédominant
GVH: Graft versus host disease: réaction du griffon contre l’hôte, VIH: virus de l’immunodéficience humaine, VHC: virus hépatite C.
tion générale âgée de plus de 50 ans [1]. Quant au syndrome sec atteints de SSp car d’une part ils font partie, pour la grande majo-
buccal, il toucherait entre 1 et 46 % de la population avec là encore rité d’entre eux, de critères de classification ACR/EULAR 2016 dont
une augmentation de la prévalence avec l’âge [2]. Les causes poten- l’utilité diagnostique en pratique clinique est reconnue, et d’autre
tielles d’un syndrome sec buccal et/ou oculaire, en dehors du SSp, part ils sont inclus dans la majorité des essais thérapeutiques soit
sont nombreuses et sont résumées dans le Tableau 1. comme critère d’inclusion, soit comme critère d’évaluation. Ces
tests sont décrits dans le Tableau 2.
1.2. Syndrome sec et SSp : manifestations cliniques et impact
fonctionnel 2. À l’origine du syndrome sec : mécanismes
physio-pathologiques
Le syndrome sec est présent et symptomatique chez la quasi-
totalité des patients atteints de SSp et fait évoquer le diagnostic 2.1. Physiopathologie du syndrome sec oculaire
chez près d’1/4 des patients [3]. La sécheresse oculaire va occa-
sionner deux grands types de manifestations: d’une part des Historiquement, deux grandes catégories d’étiologies de syn-
symptômes fonctionnels liés à l’inflammation de la surface ocu- drome sec ont été identifiées. D’une part, les pathologies à
laire (brûlures, picotements, sensation de corps étranger ou de l’origine d’une hyposécrétion lacrymale, d’autre part, les patho-
sable, prurit), d’autre part des symptômes visuels liés à l’instabilité logies conduisant à une instabilité lacrymale et donc une
lacrymale et la kératite sèche (flou/trouble visuel, photophobie). hyper-évaporation des larmes. Les travaux plus récents ont per-
La sécheresse buccale peut entraîner une dysphagie, l’adhérence mis de comprendre que d’une part ces deux grands mécanismes
du bol alimentaire au palais ou encore une dysgueusie. Elle impacte sont souvent intriqués, mais en outre que le syndrome sec ocu-
également négativement la capacité à parler longtemps sans boire laire s’accompagne d’une perte plus globale de l’homéostasie de
et peut retentir sur la qualité du sommeil nécessitant de boire la la surface oculaire, impliquant des phénomènes inflammatoires et
nuit. Les complications du syndrome sec buccal sont une augmen- neurosensoriels. Le syndrome sec au cours du SSp est particulière-
tation de l’incidence et du nombre de caries, un risque augmenté ment complexe et sévère dans la mesure où il fait intervenir tous
de candidose buccale et d’œsophagite chronique. Chez les patients ces éléments à des degrés élevés. Pour mieux comprendre, il est
SSp, il a été démontré que le confort buccal était nettement utile de rappeler que le film lacrymal est composé de 3 couches :
altéré[4].
Le retentissement du syndrome sec sur la qualité de vie est • Couche lipidique qui réduit l’évaporation des larmes;
majeur. Il est démontré que la triade symptomatique douleur, • Couche aqueuse qui assure l’hydratation de la surface oculaire;
sécheresse et fatigue conduit à une diminution notable de la • Couche mucinique assurée par les cellules caliciformes de
qualité de vie au cours du SSp avec le plus souvent un rôle pré- l’épithélium conjonctival qui assure l’ancrage du film lacrymal
dominant de la fatigue[5]. Dans une étude publiée en 2020 chez sur la surface oculaire.
2961 patients atteints de SSp, le syndrome sec arrivait en 2e
position parmi les facteurs impactant négativement la qualité de
La surface oculaire, quant à elle, est composée des épithé-
vie, loin devant les complications systémiques ou le recours aux
liums conjonctivaux et cornéens, de nombreuses glandes exocrines
immunosuppresseurs[6].
(glandes lacrymales productrices de la phase aqueuse des larmes et
glandes meibomiennes qui produisent la phase lipidique), le tout
1.3. Tests d’évaluation du syndrome sec au cours du SSp richement innervé et interconnecté par des afférences et des effé-
rences sensitives et végétatives.
Comme évoqué plus haut, l’étude épidémiologique du syn- Au cours du SSp, les glandes lacrymales et meibomiennes sont
drome sec est rendue difficile par l’absence de gold standard en les cibles directes de l’auto-immunité. Il en résulte un défaut
termes de test d’évaluation et d’outils de mesure. Néanmoins il est quantitatif (hyposécrétion) et qualitatif (instabilité) du film lacry-
utile de connaître les tests couramment utilisés chez les patients mal. Cela va aboutir à une hyperosmolarité lacrymale, source
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Tableau 2
Modalités d’évaluation du syndrome sec buccal et oculaire.
Buccal Flux salivaire non stimulé Production salivaire Recueil de la salive en demandant au malade ≤ 0,1 ml/mn
de cracher dans une éprouvette pendant
idéalement 15 mn, au minimum 5 mn
Flux salivaire stimulé Production salivaire Idem mais après stimulation salivaire par ≤ 0,7 ml/mn
solution contenant acide citrique 2 %/jus de
citron
Echographie glandes salivaires Structure des glandes salivaires Évaluation échostructure des glandes salivaires Hétérogénéité du parenchyme,
principales (parotides et zones hypoéchogènes
sous-mandibulaires) + vascularisation en
doppler
Oculaire Test de Schirmer Production lacrymale Mesure de la production lacrymale par une < 5 mm/5 mn
bandelette de papier buvard insérée sous la
paupière inférieure
Break up Time (BUT) Stabilité du film lacrymal Évaluation de la stabilité du film lacrymal Rupture en moins de 10 sec
après coloration à la fluorescéine
Colorations vitales Évaluation cornée/conjonctive: La Fluorescéine permet l’évaluation de la Score oxford > 1
(Fluorescéine/vert de recherche de cornée et le vert de Lissamine de la
Lissamine) keratoconjonctivite conjonctive. Plusieurs échelles peuvent être
utilisées. Les 2 plus courantes sont l’échelle
d’Oxford et l’ocular staining score
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Tableau 3
Fonctions des protéines salivaires.
Adapté de Isaac Van Der Wall with collaboration of Leo M. Sreebny, Diseases of the Salivary Glands Including Dry Mouth and Sjögren’s Syndrome: Diagnosis and Treatment
Softcover 1st ed. 1997 Edition.
Figure 2. Conséquences du syndrome sec buccal au cours du SSp. A. Chélite angulaire chez une patiente atteinte de SSpB. Langue dépapillée, dite « rôtie » chez une patiente
atteinte de SSp. C. Usures dentaires sévères associées à une inflammation gingivale et une sécheresse des muqueuses chez une patiente atteinte de SSp. Lésions carieuses
atypiques sur les surfaces lisses des dents au collet (D) et sur les pointes cuspidiennes (E).
niques (abrasion, attrition) alors que ces patients présentent des et consensuelle des patients atteints de SSp. Elles s’appuient très
comportements de santé orale (visites chez le dentiste et attitude largement sur des recommandations d’experts et sont destinées à
face à l’hygiène orale) plus favorables que la moyenne [12]. Un guider les professionnels de santé non spécialisés. Elles couvrent
tableau clinique buccal très sévère associé à une sécheresse buccale à la fois les symptômes glandulaires et notamment la sécheresse
pourrait amener le chirurgien-dentiste à dépister précocement un oculaire et buccale et les manifestations systémiques. Un résumé
syndrome de Sjögren [13]. des propositions faites pour la prise en charge du syndrome sec
est présenté Fig. 3. Par ailleurs, la filière FAI2R et l’HAS travaillent
à l’établissement d’un protocole national de diagnostic et de soins
4. Traitements locaux du syndrome sec
(PNDS) qui devrait être disponible en fin d’année 2021.
4.1. Le point sur les nouvelles recommandations
5. Traitements locaux du syndrome sec oculaire
Des recommandations de prise en charge établies sous l’égide
de l’EULAR par la « EULAR Sjögren task force » viennent d’être Tout patient atteint de SSp doit bénéficier d’une évaluation oph-
publiées[14]. Elles sont un 1er pas pour une gestion plus homogène talmologique même en l’absence de plainte majeure. En effet, il
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Figure 3. Présentation des recommandations européennes de prise en charge du syndrome sec ophtalmologique (A) et buccal (B).
n’est pas rare qu’il existe une discordance entre les plaintes fonc- visqueux et rémanent, (acide hyaluronique), éventuellement asso-
tionnelles et la gravité de l’atteinte ophtalmologique objective déjà cié à un osmoprotecteur. Tous les substituts lacrymaux peuvent
discutée plus haut. être appliqués autant de fois de nécessaire pour soulager les symp-
La prise en charge du syndrome sec oculaire a 3 grands objectifs: tômes.
Liste des principaux collyres remboursés dans l’indication « Syn-
• Prendre en charge l’hyposécrétion lacrymale; drome de Sjögren »:
• Traiter l’inflammation de la surface oculaire;
• Prendre en charge une éventuelle dysfonction meibomienne • Traitement du syndrome sec oculaire:
associée. ◦ Collyres à viscosité et rémanence modérée: Fluidabak® ,
Refresh® , Artelac® ,
Le traitement de l’hyposécrétion lacrymale s’appuie en 1er lieu ◦ Collyres à viscosité et rémanence forte (remboursement sous
sur la prescription de substituts lacrymaux et de collyres lubri- réserve d’uune prescription par ophtalmologue en cas de kéra-
fiants. Les sécrétagogues–pilocarpine en 1er lieu - utiles en cas de tite ou kératoconjonctivite sèche): Vismed® , Thealose® .
sécheresse buccale (voir plus bas), sont peu ou pas efficaces sur la
sécheresse oculaire [15]. Il faut privilégier des collyres sans conser- Dans le contexte du SSp, d’autres outils sont souvent nécessaires
vateur car ces derniers sont irritants pour la surface oculaire. On pour « épargner le film lacrymal ». Les bouchons méatiques, posés
associe généralement plusieurs types de substituts lacrymaux, de en quelques instants en consultation d’ophtalmologie, permettent
viscosité et de rémanence différentes. Les substituts les plus vis- de diminuer la fréquence d’instillation des substituts lacrymaux
queux ont la meilleure rémanence (ils permettent des instillations (Fig. 4) [16]. Dans les cas les plus sévères, on peut recourir aux verres
moins fréquentes) mais occasionnent parfois un flou visuel lors de scléraux, des lentilles rigides de grand diamètre qui s’appuient sur
l’instillation. À titre d’exemple, on peut sur la même ordonnance la sclère, et forment ainsi un réservoir hydratant (on les remplit de
prescrire un collyre de viscosité/rémanence faible (sérum physio- sérum physiologique ou d’acide hyaluronique avant la pose) et une
logique), un intermédiaire (acide polyvinilique) et un substitut plus protection contre le stress mécanique des paupières.
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Tableau 4
Comparaison des médicaments et dispositifs médicaux de traitement de la sécheresse buccale.
7. Conclusion et perspectives
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