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Fasc. 2310 : LBO (LEVERAGE BUY OUT).

– Création
JurisClasseur Droit bancaire et financier

Date du fascicule : 19 Juin 2019


Date de la dernière mise à jour : 19 Juin 2019

Fasc. 2310 : LBO (Leverage Buy Out)


. – Création

Lola Chammas

Denis Marcheteau - Avocat, Chammas & Marcheteau

Camille-Maya Hurel - Avocats, Chammas & Marcheteau

Pierre-Louis Sevegrand - Avocat, Chammas & Marcheteau

Christophe Moreau - Avocat, Chammas & Marcheteau

Points-clés

Un LBO consiste en l'acquisition d'une société cible par une holding dédiée et spécifiquement financée à cette fin, ainsi que la mise en place
de mécanismes assurant un effet de levier financier (acquérir la cible grâce à l'endettement financier), juridique (contrôler la société cible sans
détenir directement la totalité des titres) et fiscal (déduire du résultat du groupe les intérêts financiers de la dette ayant permis l'acquisition de la cible)
(V. n° 1 à 4 ).

La structuration d’un LBO suit une chronologie répondant à des contraintes juridiques et réglementaires spécifiques (V. n° 6 à 20 ).

Les opérations d'acquisition par LBO sont soumises (i) au contrôle des concentrations des autorités concernées (nationale, européenne ou
étrangères) en fonction des seuils et secteurs géographiques concernés (V. n° 21 à 43 ) et (ii) au contrôle des investissements étrangers en fonction
de l’activité de la cible (V. n° 44 à 60 ).

L'effet de levier fiscal consiste essentiellement à déduire les charges financières de l'emprunt contracté par la holding sur les profits réalisés par la
société cible, grâce à la mise en place d'un régime d'intégration fiscale entre la holding et le groupe (V. n° 61 à 89 ).

Une partie significative du coût d'acquisition de la cible est financée par un endettement de la holding. Les emprunts souscrits sont de maturité et de
caractéristiques variées (senior, junior, mezzanine, amortissable, in fine, high yield, unitranche) (V. n° 90 à 105 ).

En cas de pluralité de prêts, une syndication est organisée. Des dettes de rangs différents obligent par ailleurs à mettre en place une convention de
subordination (V. n° 105 à 112 ).

Les dettes sont assorties de sûretés dont la nature et les modalités de mise en place soulèvent des problématiques spécifiques (V. n° 113 à 135 ).

L'acquisition de la société cible et les conventions qui la formalisent (protocole d’acquisition et garantie), obéissent aux règles classiques de toute
opération d'acquisition d'une société (V. n° 136 à 152 ).

Les parties mettent en place les principes de gouvernance de la holding d'acquisition et de transfert de titres et arrêtent un objectif de liquidité au
travers d’un pacte d’associés (V. n° 153 à 185 ).

L'implication financière et opérationnelle des dirigeants repreneurs constituant un élément clé de la réussite d'une opération de LBO, des outils
d'intéressement spécifiques sont mis en place à leur profit (V. n° 186 à 208 ).

Introduction

1. – Terminologie, Définitions –
Créées et développées aux États-Unis dans les années 1970, les opérations d'acquisition d'une société avec effet de levier sont communément désignées sous
le terme LBO (pour Leverage Buy Out). La langue anglaise s'est également imposée pour qualifier les formes spécifiques de ces opérations. On identifie
désormais traditionnellement le LMBO (Leverage Management Buy Out) qui est une opération de LBO réalisée avec les dirigeants et salariés de l'entreprise
concernée (également désignée sous le terme RES pour Reprise d'une Entreprise par ses Salariés), le LMBI (Leverage Management Buy In) lorsque l'opération
fait intervenir des dirigeants repreneurs externes à l'entreprise et l'OBO (Owner Buy Out) lorsque les actionnaires et dirigeants déjà en place restent dans
l'entreprise. D'autres variantes peuvent être mentionnées, comme les BIMBO (Buy In Management Buy Out) qui font coexister le management existant et de
nouveaux dirigeants ou encore les LBU (Leverage Build Up) dans lesquels plusieurs sociétés cibles sont acquises pour constituer un groupe. Au-delà de la
terminologie employée, ces opérations recouvrent des éléments caractéristiques communs : l'acquisition d'une société par une holding dédiée,
spécifiquement financée à cette fin, ainsi que la mise en place de mécanismes assurant un effet de levier financier (acquérir la cible grâce à
l'endettement financier), juridique (contrôler la société cible sans détenir la totalité des titres) et fiscal (déduire du résultat du groupe les intérêts
financiers de la dette ayant permis l'acquisition de la cible).

2. – Acteurs –
Les acteurs d'une opération de LBO sont à titre principal les dirigeants repreneurs, les investisseurs financiers (souvent des fonds ou structures d’investissement)
et les établissements de crédit ou fonds d’investissement prêteurs. Aux côtés de ces parties prenantes, interviennent généralement des conseils (intermédiaires
financiers, auditeurs et avocats), qui les assistent dans leur rapprochement et dans la réalisation du LBO.
3. – Déroulement d'une opération de LBO –
Si chaque opération de LBO présente des caractéristiques propres, des grandes lignes se dégagent néanmoins : après une phase d'étude de la cible (audits), les
dirigeants s'associent à des investisseurs financiers au sein d'une holding d'acquisition et conviennent des termes de leur relation au sein de cette société. La
holding souscrit un emprunt bancaire classique souvent complété par un financement hybride, de type « mezzanine » ou un endettement de type unitranche.
Grâce à ses capitaux propres et à son endettement, la holding peut procéder à l'acquisition de la cible (signature d'un protocole puis réalisation de l'acquisition,
soumise ou non à conditions suspensives).

4. – Structuration juridique –
Au plan juridique, les opérations de LBO s'organisent autour des axes suivants : la structuration de l'opération (V. n° 6 à 89 ), le financement (V. n° 90 à 135 ),
les modalités de l'acquisition de la cible (V. n° 136 à 152 ) et les relations entre les associés de la holding (V. n° 153 à 204 ). Compte tenu de l'importance
des aspects fiscaux dans tous les schémas de LBO, et bien que le droit fiscal ne soit pas l'objet de la présente étude (on se référera utilement sur ces sujets aux
ouvrages spécialisés), les principales problématiques fiscales rencontrées seront abordées dans leurs grandes lignes (V. n° 61 à 89 ).

I. - Structuration d'une opération de LBO

A. - De la lettre d’intention au protocole d’acquisition

5. – Introduction –
Une opération de LBO suit une chronologie ordonnée par la négociation des parties mais également le respect des contraintes réglementaires. Ainsi, une fois que
l’acquéreur aura terminé sa phase d’audit et de négociation, celui-ci formalisera son engagement d’acquérir afin d’aboutir (après, le cas échéant, l’information des
salariés et la consultation du comité social et économique) afin d’aboutir à la conclusion d’un protocole d’acquisition dont la finalité (après, le cas échéant, la
satisfaction des conditions relatives au contrôle des concentrations et des investissements étrangers) sera le transfert de propriété des titres de la cible.

1° Phase précontractuelle

6. – L’opération d’acquisition de la cible est l’aboutissement d’un processus de vente se déroulant généralement sur plusieurs mois et débutant par des
discussions initiées soit dans le cadre d’un échange de gré à gré, soit dans le cadre d’un processus d’enchères piloté par des banques d’affaires (ou autres
conseils financiers) jouant le rôle d’intermédiaires entre les vendeurs et les candidats investisseurs. Sur la base des éléments présentés par ces intermédiaires
(mémorandum d’information comprenant notamment une description sommaire de la cible et une présentation des résultats et d’un plan d’affaires), les fonds
investisseurs procéderont à sa valorisation cible afin de préparer leur offre et sa structuration.

Ils pourront alors remettre une lettre d’intention (en anglais letter of intent), non engageante à ce stade du processus, décrivant leur proposition d’acquisition et
soumettant leur offre à certaines conditions (issue favorable des audits effectués sur la cible, approbation du comité d’investissement du fonds, etc.). En
contrepartie de leur offre, les candidats requièrent généralement l’exclusivité des discussions (rarement octroyée avant une offre ferme dans le cadre d’un
processus ouvert) sur l’acquisition de la cible durant une certaine période afin de pouvoir finaliser les négociations.

7. – Lors de la phase d’étude de la cible, les investisseurs auront accès aux informations relatives à la cible au travers d’une data room et feront effectuer
différents audits (juridique, financier, fiscal, stratégique) par des spécialistes afin d’obtenir confirmation des qualités de la cible et d’ajuster, le cas échéant, le prix
d’acquisition proposé en fonction des risques identifiés à l’issue desdits audits. Dès le début de ce processus, les investisseurs entament la recherche de
financement.

8. – Le déroulement et, le cas échéant, la rupture des négociations initiées durant cette phase précontractuelle sont libres mais doivent impérativement satisfaire
aux exigences de la bonne foi (C. civ., art. 1112, al. 1). À cet égard, le manquement à l’obligation de négocier de bonne foi, telle que la rupture injustifiée de
négociations sur le point d’aboutir, peut engager la responsabilité extracontractuelle de son auteur. Par ailleurs, les parties sont tenues à un devoir
précontractuel d’information en vertu duquel celle des parties qui connaît une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre
doit l’en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant (C. civ., art. 1112-1, al. 1). Le
manquement à ce devoir d’information engage la responsabilité extracontractuelle de son auteur.

9. – La participation des candidats investisseurs au processus de vente est généralement précédée de la signature par ces derniers d’un accord de
confidentialité (en anglais non-disclosure agreement) couvrant l’ensemble des échanges et documents objet du processus. À cet égard, la partie qui utiliserait
ou divulguerait sans autorisation une information confidentielle obtenue à l’occasion des négociations engagerait sa responsabilité dans les conditions du droit
commun.

2° Mise en place de la holding d'acquisition

a) Choix entre une société nouvellement constituée (Newco) et société existante

10. – Principe –
L'acquisition de la cible se fait par l'intermédiaire d'une holding qui devra (si elle n'existe pas déjà) être créée pour l'occasion, et être dotée des fonds propres
nécessaires à la réalisation de l'opération.

11. – Société à créer et société préexistante –


L'utilisation d'une société préexistante soulève notamment la problématique d'un éventuel passif antérieur, qui peut inquiéter les parties, et en premier lieu les
établissements prêteurs appelés à prendre des sûretés sur les actifs de la holding d'acquisition. Pour cette raison, la pratique privilégie, sauf exceptions, le
recours à une Newco comme véhicule d'acquisition des LBO.

b) Choix de la forme sociale de la holding d'acquisition


12. – Sociétés par actions –
En théorie, toutes les formes sociales peuvent être choisies pour servir de véhicule à la holding dans la mesure où toute société est susceptible d'opter pour
l'impôt sur les sociétés et donc de constituer une société tête de groupe fiscal dans le régime d'intégration.

En pratique, la flexibilité de fonctionnement ainsi que les modalités et la fiscalité des cessions de titres pousseront cependant les parties à choisir les
sociétés par actions et plus particulièrement la société anonyme ou la société par actions simplifiée.

La diversité des titres que ces sociétés peuvent émettre (actions ordinaires ou de préférence et valeurs mobilières donnant un accès différé au capital) oriente
également le choix des investisseurs vers l'une de ces deux formes sociales. L'utilisation de plusieurs types de valeurs mobilières est en effet quasi
systématique dans les opérations de LBO, tant pour la structuration de l'endettement (la dette mezzanine prend généralement la forme d'une émission
d'obligations à bons de souscription d’actions) (V. n° 94 ) que pour l'intéressement de l'équipe opérationnelle (le management package s'organisant généralement
autour d’un mécanisme relutif sous forme d’actions de préférence souscrites par les dirigeants et d'obligations convertibles en actions souscrites par les
investisseurs financiers) (V. n° 191 ). Enfin, l'émission d'actions de préférence au profit des investisseurs permet quant à elle de conférer des avantages
politiques ou financiers (V. n° 206 ).

13. – Société par actions simplifiée –


La société par actions simplifiée permet d'organiser avec une grande souplesse le mode de gouvernance, les clauses de transfert et, plus largement, les rapports
entre actionnaires (V. pour une étude générale de la SAS, JCl. Sociétés Traité, fasc. 155-10, 155-20 et 155-30).

La SAS offre notamment la possibilité de mettre en place, de manière statutaire, un contrôle efficace de la composition de l'actionnariat et des mécanismes
spécifiques pour les transferts de titres et principalement des clauses d'exclusion d'un associé et des clauses d'inaliénabilité.

Cette forme sociale permet d'insérer dans les statuts certaines stipulations habituellement prévues dans un pacte d'actionnaires, et de leur conférer ainsi une
opposabilité à l'égard des tiers (V. n° 154 ).

Certains invoquent l'impossibilité pour la SAS de faire une offre au public de titres financiers et d'être cotée sur un marché réglementé, contrairement à la société
anonyme, alors que la sortie du LBO s'effectue parfois par voie d'introduction en bourse. On objectera qu'il est toujours possible d'introduire la cible plutôt que la
holding (V. Les LBO : Actes prat. ing. sociétaire2008, n° 99, dossier24) et surtout, que rien n'interdit de transformer une SAS en société anonyme préalablement à
l'introduction envisagée.

14. – Société anonyme –


On constate que la société anonyme est en pratique rarement utilisée mais peut conserver un certain attrait. Cette structure juridique est bien connue des
investisseurs, tant français qu'étrangers. Son fonctionnement et les droits qu'elle offre à ses actionnaires sont encadrés par une réglementation et une
jurisprudence abondante. En outre, les règles relatives à son fonctionnement et à la composition de son capital ont été récemment assouplies.

On retiendra enfin que la possibilité de recourir à la stipulation d'avantages particuliers statutaires, aux actions de préférence et de conclure des pactes
d'actionnaires offre généralement une réponse efficace à l'ensemble des besoins des actionnaires de la holding d'acquisition.

c) Conclusion d’une promesse unilatérale d’achat – term sheet d’investissement – protocole d’acquisition

15. – À l’issue de la phase d’audit de la cible et de négociation, durant la période nécessaire pour respecter l’obligation d’information des salariés issue de la loi
Hamon et/ou, le cas échéant, la consultation du comité social et économique (anciennement comité d’entreprise) (V. n° 138 à 140 ), l’acquéreur s’engagera
généralement envers les principaux actionnaires de la cible aux termes d’une promesse unilatérale d’achat (en anglais put option ). L’acquéreur s’engage
ainsi à conclure, dès la fin du processus d’information des salariés de la cible et de consultation du comité social et économique (si la cible ou une société du
groupe cible ou est soumise à l’obligation d’en mettre un en place), le protocole d’acquisition dont le projet en forme finale (ou quasiment finale) figurera en
annexe de la promesse.

De leur côté, les principaux vendeurs s’engagent dans la promesse d’achat à réaliser les démarches nécessaires pour mener à bien les processus d’information
et de consultation, octroient une exclusivité de longue durée et actent leur accord sur le projet de protocole d’acquisition.

16. – À l’effet de conforter les vendeurs sur le financement de l’acquisition, les acquéreurs pourront également annexer à la promesse, ou remettre par acte
séparé, les engagements de financement consentis par les différents intervenants, que ces derniers concernent le financement en fonds propres par les fonds
d’investissement (en anglais equity commitment letter ) ou le financement en dette des prêteurs (lettres de confort ou debt commitment letter ). Cette
étape intermédiaire, tout en respectant les règles liées à l’information des salariés et à la consultation du comité social et économique, sécurise l’opération et les
relations entre les parties qui, une fois la promesse levée, n’auront plus qu’à signer le protocole d’acquisition (V. n° 141 à 149 ).

Concomitamment à la signature de la promesse d’achat, afin de formaliser l’accord entre les investisseurs financiers et les dirigeants repreneurs sur le montant,
les modalités d’investissement et leurs relations futures au sein de la holding d’acquisition, ces derniers signeront un accord sur les principaux termes et
conditions de leur investissement (term sheet d’investissement) qui se traduira au moment de la réalisation de l’acquisition par la signature de la documentation
relative à la souscription des titres, au pacte d’associés et aux promesses de vente en cas de départ (V. n° 134 et s. ).

d) Capitalisation de la holding d'acquisition

17. – Augmentation de capital et intervention d'investisseurs financiers –


Comme indiqué précédemment (V. n° 1 ), l'un des avantages d'une opération de LBO est de permettre à des repreneurs d'acquérir le contrôle de la cible par le
biais du seul contrôle de la holding d'acquisition. Cet effet de levier juridique implique l'intervention d'un ou plusieurs investisseurs financiers pour une part plus ou
moins importante du capital de la holding. Le financement de l'acquisition de la cible ne se fait pas uniquement par recours à l'endettement mais également par
utilisation des fonds propres de la holding d'acquisition. En conséquence, les dirigeants repreneurs et les investisseurs financiers doivent apporter à la
holding un certain niveau de capitaux propres. Le montant des fonds propres sera principalement déterminé par le respect d'un ratio dette nette / fonds propres
(également appelé gearing) exigé par les banques. Ce ratio dépend des capacités de remboursement du groupe financé mais également des cycles
économiques traversés. La capitalisation de la holding est réalisée par voie d'une ou plusieurs augmentations de capital, ainsi que par l'émission, le cas échéant,
d'autres valeurs mobilières, préalablement ou concomitamment à la mise en place des financements et à la réalisation de l'acquisition de la société cible.

18. – Émission d'actions ou recours à d'autres valeurs mobilières –


Dans les opérations classiques, les fonds propres sont représentés par des actions ordinaires, des actions de préférence et des obligations convertibles en
actions. Le but recherché est alors d'aménager entre les actionnaires de la holding une répartition différente de celle qui résulterait strictement des sommes
apportées et évolutive en fonction de la réalisation d'objectifs de performance. L’utilisation des bons de souscription d’actions a été, pour des raisons fiscales,
remplacée par la pratique par des actions de préférence conférant les mêmes propriétés relutives afin de permettre un accès privilégié à la création de valeur.
Les actions de préférence sont donc fréquemment utilisées comme un outil incitatif pour les dirigeants repreneurs (V. n° 206 ). L'émission d'obligations
convertibles en actions a, quant à elle, pour particularité d'assurer un rendement (intérêts des obligations) et une sécurité (priorité par rapport aux actions) aux
fonds apportés par ce biais. Par ailleurs, les obligations permettent mécaniquement de limiter la dilution des dirigeants pour un même montant investi
(mécanisme dit de sweet equity).

19. – Utilisation des actions de préférence –


Les actions de préférence sont, outre leur utilisation en qualité d’outil incitatif des dirigeants repreneurs comme évoqué ci-dessus, parfois souscrites par les
investisseurs financiers (V. JCl. Sociétés Traité, fasc. 2300, n° 10 à 12, 67 ; 88 à 93. – Et, pour une étude générale des actions de préférence, fasc. 1803). Par la
liberté créatrice qu'elles offrent, elles permettent de mettre en place, entre autres, une dissociation entre l'exercice du pouvoir (droits de vote accrus par
exemple) et les avantages pécuniaires (dividendes prioritaires ou répartition privilégiée d'une partie du prix de cession en faveur des investisseurs financiers).

20. – Capitalisation par voie d'apport –


Lorsque des actionnaires vendeurs de la cible participent à l'opération de LBO, leur contribution au capital de la holding d'acquisition est fréquemment constituée,
pour bénéficier d’un régime fiscal favorable, par l'apport de tout ou partie de leurs titres de la cible. Le prix d'acquisition payable en numéraire est mécaniquement
réduit en conséquence.

B. - Conditions suspensives relatives au contrôle des concentrations et des investissements étrangers

21. – Introduction –
Comme toute opération d’acquisition, une opération de LBO peut, dans certains cas, être impactée par les réglementations relatives au contrôle des
concentrations et au contrôle des investissements étrangers en France.

1° Contrôle des concentrations

22. – Introduction –
Comme toute opération d'acquisition, une opération de LBO est susceptible d'entrer dans le champ des règles nationales, communautaires ou étrangères
relatives au contrôle des concentrations (seules les règles nationales et communautaires sont décrites ci-après).

a) Contrôle national

1) Champ d'application

23. – Réglementation nationale des concentrations –


Sur le plan national, la réglementation implique une notification préalable des opérations de prise de contrôle (telles que définies du C. com., art. L. 430-3, al. 1)
de l’opération de concentration à l’Autorité de la concurrence (C. com., art. L. 430-3, al. 1) dès lors que les seuils de chiffres d'affaires fixés à l'article L. 430-2
du Code de commerce sont atteints.

Aux termes de l’article L. 430-1 I du Code de commerce, une opération de concentration est réalisée lorsque des entreprises antérieurement indépendantes
fusionnent, lorsqu'elles créent une entreprise commune de plein exercice ou lorsqu'une entreprise prend le contrôle d'une ou plusieurs autres.

Le contrôle est défini au dernier alinéa de l’article comme découlant “des droits, contrats ou autres moyens qui confèrent, seuls ou conjointement et compte tenu
des circonstances de fait ou de droit, la possibilité d'exercer une influence déterminante sur l'activité de l'entreprise, et notamment :– des droits de propriété ou de
jouissance sur tout ou partie des biens d'une entreprise ;– des droits ou des contrats qui confèrent une influence déterminante sur la composition, les
délibérations ou les décisions des organes d'une entreprise”.

Pour l’appréciation du contrôle et plus particulièrement du contrôle conjoint, il conviendra donc d’apprécier les éventuels droits de veto attribués aux
investisseurs au titre du pacte d’associés (en pratique, un droit de veto sur le budget, les investissements et la nomination des dirigeants suffira pour qualifier le
contrôle conjoint).

24. – Seuils –
Conformément aux dispositions de l'article L. 430-2 du Code de commerce, une notification est nécessaire dès lors que sont réunies les trois conditions
suivantes :

le chiffre d'affaires total mondial hors taxes de l'ensemble des parties à la concentration est supérieur à 150 000 000 € ;

le chiffre d'affaires total hors taxes réalisé en France par deux au moins des parties concernées est supérieur à 50 000 000 € ; et
l'opération n'entre pas dans le champ d'application des dispositions communautaires relatives au contrôle des opérations de concentration entre
entreprises.

25. – Particularités –
Des seuils moindres sont applicables dans certains cas (exploitation de magasins de commerce de détail ou exercice d'une activité dans un ou plusieurs
départements ou collectivités d'outre-mer), à savoir un seuil unitaire de 15 000 000 € et un seuil cumulé de 75 000 000 €. Le calcul des chiffres d'affaires doit être
effectué conformément aux modalités définies à l'article 5 du règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil du 20 janvier 2004 relatif au contrôle des concentrations
entre entreprises. Ainsi, lorsqu'une partie à une opération de concentration est membre d'un groupe, le chiffre d'affaires de la totalité du groupe doit être pris
en considération pour déterminer si les seuils sont atteints. On relèvera, concernant la cible acquise dans le cadre d'un LBO, que seul le chiffre d'affaires se
rapportant aux entités entrant dans le périmètre de l'acquisition est pris en considération. Concernant les acquéreurs, le calcul doit prendre en compte toutes les
activités du groupe et non celles des seules filiales directement impliquées dans l'opération ou celles relatives aux marchés concernés ou affectés par l'opération.

26. – Règles de calcul pour les fonds d'investissement –


Il existe des règles spécifiques de calcul du chiffre d'affaires pour ce qui concerne les fonds d'investissement intervenant dans des opérations de
concentration. Ces règles prévoient, notamment, les conditions dans lesquelles doivent être pris en compte le chiffre d'affaires des autres participations du fonds
ainsi que le chiffre d'affaires des participations détenues par les autres fonds gérés par la même société de gestion mais également celui du groupe des
actionnaires contrôlant la société de gestion (V. ann. C aux « Lignes directrices relatives au contrôle des concentrations », § 642 et s.). Par conséquent, si l’
acquéreur est contrôlé par un fonds, il conviendra de prendre en compte l’ensemble du chiffre d’affaires des sociétés contrôlées par les fonds gérés par la société
de gestion du fonds contrôlant l’acquéreur.

2) Procédure

27. – Pré-notification –
Une pré-notification peut être effectuée. Cette phase est facultative, informelle et confidentielle et peut s’avérer stratégique, notamment dans l’hypothèse où un
renvoi est envisagé ou pour des opérations complexes susceptibles de nécessiter des opérations correctives. Elle permet, en amont de la notification, pour les
entreprises qui le souhaitent, d’échanger avec le service des concentrations sur les questions que soulève l’opération. Une pré-notification peut également être
faite à l’Autorité lorsque les parties envisagent un renvoi à la Commission européenne.

Ce contact confidentiel est censé minimiser le risque d’incomplétude lorsque le dossier est notifié formellement et permettre donc d’accélérer l’examen de l’
opération par l’Autorité, ou conforter les parties lorsque l’opération de concentration n’entre pas dans le champ du contrôle (dans cette dernière hypothèse elles
en sont informées par une lettre de confort) (V. « Lignes directrices relatives au contrôle des concentrations », § 135).

28. – Les renvois –


Les opérations de dimension nationale peuvent être renvoyées, à l’initiative des entreprises ou de l’Autorité de la concurrence, devant la Commission
européenne, ou, inversement, les opérations de dimension communautaire peuvent être renvoyées, à l’initiative des entreprises ou de l’Autorité de la
concurrence, éventuellement sur invitation de la Commission européenne, devant l’Autorité de la concurrence. Ces renvois sont instruits en début de procédure,
selon les cas, avant ou après la notification de l’opération objet du renvoi.

29. – Notification préalable –


L'acquéreur doit procéder à la notification de l'opération envisagée avant sa réalisation, dès lors que les seuils visés (V. n° 24 ) sont atteints, et ce,
indépendamment, à ce stade, de l'analyse concurrentielle de l'opération. Il n'est pas nécessaire d'attendre que les parties soient engagées de façon
irrévocable, la notification pouvant intervenir avant la signature du protocole d’acquisition, dès que les parties concernées sont en mesure de présenter « un
projet suffisamment abouti pour permettre l'instruction du dossier et notamment lorsqu'elles ont conclu un accord de principe, signé une lettre d'intention ou dès
l'annonce d'une offre publique » (sur la base de la promesse d’achat notamment (V. n° 15 ). L’obtention de l’accord de l’Autorité de la concurrence constitue alors
une condition suspensive à la réalisation de l’opération aux termes du contrat d’acquisition.

30. – La phase 1 –
Une fois notifiée, l’opération est examinée par l’Autorité de la concurrence (ou plus rarement par le ministre chargé de l’Économie dans les conditions prévues à l’
article L. 430-7-1 du Code de commerce) dans le cadre d’un premier examen dit de « phase 1 ». Au terme de cet examen, qui peut impliquer la consultation de
tiers (clients, concurrents ou fournisseurs) dans le cadre d’un test de marché, l’Autorité de la concurrence se prononce sur l’opération. Elle peut :

constater que le contrôle des concentrations ne lui est pas applicable ;

l’autoriser, en subordonnant éventuellement cette autorisation à la réalisation des engagements pris par les parties si l’opération est susceptible d’avoir
des effets anticoncurrentiels ;

ou, s’il subsiste un doute sérieux d’atteinte à la concurrence qui ne peut être compensé par les engagements éventuellement proposés, engager un
examen approfondi, dit « phase 2 » (V. n° 33 ).

Le ministre chargé de l’Économie peut aussi demander l’ouverture d’une phase 2. (V. « Lignes directrices relatives au contrôle des concentrations, Lignes
directrices », § 135).

31. – Accord préalable de l’Autorité de la concurrence ou du ministre chargé de l'Économie –


Lorsqu'elle entre dans le champ du contrôle des concentrations, la réalisation effective de l'opération envisagée ne peut intervenir qu'après avoir reçu l'accord
(express ou tacite) de l'Autorité de la concurrence, ou plus rarement, celui du ministre chargé de l’Économie dans les conditions prévues à l'article L. 430-7-1 du
Code de commerce, sauf dérogation accordée en cas de nécessité particulière dûment motivée. L’autorisation (expresse ou tacite) de l'Autorité de la concurrence
constitue ainsi, au titre du contrat d'acquisition, une condition suspensive à la réalisation de l'opération (V. n° 146 ).

32. – Délais de traitement du dossier –


En principe, l’Autorité de la concurrence dispose d'un délai de 25 jours ouvrés à compter de la réception de la notification complète pour se prononcer sur l’
opération. Les parties à l'opération de concentration envisagée peuvent, tant qu'aucune décision n'a été rendue, prendre des engagements visant à remédier
aux éventuels effets anticoncurrentiels (dans ce cas, le délai est automatiquement prolongé de 15 jours ouvrés à compter de la réception par l’Autorité de la
concurrence des engagements). Ce délai peut être raccourci dans certains cas (procédure dite « simplifiée »), par exemple pour les opérations réalisées par des
fonds d'investissement « lorsqu'une analyse prima facie permet d'écarter tout risque d'atteinte à la concurrence ». Il s’agit en pratique du cas où la société de
gestion du fonds contrôlant l’acquéreur ne détient aucune participation contrôlante sur un marché identique, amont, aval ou connexe à celui de la cible. Dans une
telle hypothèse, il est possible de « demander le bénéfice d'une autorisation dans un délai raccourci de quinze jours ouvrés au lieu des vingt-cinq jours habituels »
(« Lignes directrices relatives au contrôle des concentrations », § 653). À la demande des parties, le délai d’examen peut, en cas de nécessité particulière, être
suspendu (dans la limite de 15 jours ouvrés).

33. – L’examen approfondi –


Conformément aux dispositions de l'article L. 430-7 du Code de commerce, en cas d'examen approfondi de l'opération, l'Autorité de la concurrence devra, dans
un délai de 65 jours ouvrés à compter du délai de 25 jours ouvrés susmentionné (ce délai pouvant être prolongé en cas d'engagements des parties visant à
remédier aux effets anticoncurrentiels de l'opération envisagée transmis moins de 25 ouvrés avant son expiration) :

soit interdire l'opération ;

soit l'autoriser, éventuellement « en enjoignant aux parties de prendre toute mesure propre à assurer une concurrence satisfaisante ou en les obligeant à
observer des prescriptions de nature à apporter au progrès économique une contribution suffisante pour compenser les atteintes à la concurrence » ou
en subordonnant cette autorisation à la réalisation effective des engagements pris par les parties.

34. – Prérogatives du ministre chargé de l'Économie –


Le ministre chargé de l'Économie peut (exceptionnellement en pratique), aux termes de l'article L. 430-7-1 du Code de commerce :

demander un examen approfondi (V. n° 33 ) de l'opération dans l'hypothèse où l'Autorité de la concurrence aurait décidé de ne pas y procéder, et ce
dans un délai de 5 jours ouvrés à compter de la date à laquelle il aura reçu la décision de l'Autorité de la concurrence ou en aura été informé ;

évoquer l'affaire et statuer sur l'opération pour des motifs d'intérêt général autres que le maintien de la concurrence à l'issue de l'examen approfondi
de l'Autorité de la concurrence, et ce dans un délai de 25 jours ouvrés à compter de la date à laquelle il aura reçu la décision de l'Autorité de la
concurrence ou en aura été informé.

Dans l'hypothèse où l'Autorité de la concurrence n'aurait pas pris de décision et à défaut de demande d'un examen approfondi ou d'évocation de
l'affaire par le ministre chargé de l'Économie dans les délais ci-dessus, l'opération concernée sera réputée autorisée.

35. – Sanctions pour défaut de notification –


Les sanctions sont prévues à l'article L. 430-8 du Code de commerce. En cas de réalisation d'une opération de concentration sans notification préalable, l'Autorité
de la concurrence :

enjoint sous astreinte aux parties de notifier l'opération sauf à revenir à l'état antérieur à la concentration ;

peut infliger une sanction pécuniaire d'un montant maximum égal, pour les personnes morales, à 5 % de leur chiffre d'affaires hors taxes réalisé en
France lors du dernier exercice clos augmenté, le cas échéant, de celui réalisé en France par la cible acquise et pour les personnes physiques, à 1,5
million d’euros.

36. – Autres cas de sanctions –


Cette même sanction pécuniaire est encourue dans les cas suivants :

réalisation d'une opération de concentration avant d'y avoir été autorisé (sauf dérogation) ;

omission ou déclaration inexacte dans la notification (le retrait de la décision ayant autorisé la réalisation de l'opération est également possible) ;

inexécution d'une injonction, d'une prescription ou d'un engagement (la décision ayant autorisé l'opération pourra être retirée et l'exécution des
injonctions, prescriptions ou engagements concernés pourra être enjointe sous astreinte) ; ou

en cas de réalisation d'une opération de concentration en contravention des décisions prises par l'Autorité de la concurrence ou du ministre chargé de
l'économie (il est également enjoint sous astreinte aux parties de revenir à l'état antérieur à l'opération de concentration).

37. – Procédure simplifiée –


Une procédure simplifiée a été mise en place en 2011 pour les opérations qui ne sont pas susceptibles de poser des problèmes de concurrence. Le champ d’
application de cette procédure inclut des opérations :
pour lesquelles le ou les acquéreurs ne sont présents ni sur les mêmes marchés que ceux sur lesquels opèrent la ou les cibles, ni sur des marchés
amont, aval ou connexes, ou ;

qui sont notifiables en application du II de l’article L. 430-2 du Code de commerce mais non du I du même article et qui n’entraînent pas un changement
d’enseigne du ou des magasins de commerce de détail concernés (V. « Lignes directrices relatives au contrôle des concentrations », § 204).

Cette procédure simplifiée se caractérise par :

un raccourcissement significatif des délais dans lesquels l’Autorité de la concurrence rend sa décision (15 jours ouvrés, en principe) ;

une décision d’autorisation de l’opération en application de l’article L. 430-5 III du Code de commerce(V. « Lignes directrices relatives au contrôle des
concentrations », § 204).

Toutefois, même si l’opération remplit les conditions prévues pour une procédure simplifiée, l’Autorité de la concurrence peut estimer nécessaire de recourir à la
procédure normale et d’appliquer le délai de 25 jours ouvrés (éventuellement prolongé) prévu à l’article L. 430-5, II du Code de commerce(V. « Lignes directrices
relatives au contrôle des concentrations », § 209).

b) Contrôle communautaire

1) Champ d'application

38. – Réglementation communautaire des concentrations –


Lorsque l'opération est de dimension communautaire, elle doit être notifiée à la Commission européenne (Cons. UE, règl. (CE) n° 139/2004, 20 janv. 2004 relatif
au contrôle des concentrations entre entreprises : Journal Officiel n° L 24, 29 janv. 2004, p. 1). Le contrôle communautaire est exclusif du contrôle national
qui ne trouve alors plus à s'appliquer.

39. – Seuils –
À moins que chacune des entreprises concernées réalise plus des deux tiers de son chiffre d'affaires total dans la Communauté européenne à l'intérieur d'un seul
et même État membre, une concentration est de dimension communautaire lorsque :

le chiffre d'affaires total réalisé au plan mondial par l'ensemble des entreprises concernées représente un montant supérieur à 5 milliards d’euros ; et

le chiffre d'affaires total réalisé individuellement dans la Communauté par au moins deux des entreprises concernées représente un montant
supérieur à 250 millions d’euros.

Sous la même réserve des deux tiers, une concentration qui n'atteint pas les seuils fixés ci-dessus est néanmoins de dimension communautaire lorsque :

le chiffre d'affaires total réalisé au plan mondial par l'ensemble des entreprises concernées représente un montant supérieur à 2,5 milliards d’euros ; et

dans chacun d'au moins trois États membres, le chiffre d'affaires total réalisé par toutes les entreprises concernées est supérieur à 100 millions d’euros
et le chiffre d'affaires total réalisé individuellement par au moins deux des entreprises concernées est supérieur à 25 millions d’euros ; et

le chiffre d'affaires total réalisé individuellement dans la Communauté par au moins deux des entreprises concernées représente un montant supérieur à
100 millions d’euros.

2) Procédure

40. – Notification préalable et délais –


Les concentrations de dimension communautaire doivent être notifiées à la Commission européenne avant leur réalisation. Il existe des modalités de renvoi
de l'examen de l'opération de concentration entre autorités nationales et communautaires dans certaines conditions.

Il existe également, au niveau communautaire, une procédure accélérée (dite « simplifiée ») si les entreprises concernées ont des marchés distincts et non
reliés verticalement, ou, en cas de relations horizontales, la part de marché cumulée est inférieure à 20 % et en cas de relations verticales, les parts de marché
individuelles sont inférieures à 30 % (cela concerne en pratique plus de la moitié des opérations). Le délai d’instruction de la Commission est alors de 15 jours
ouvrables à compter de la réception de la notification complète.

41. – Modalités de calcul du chiffre d'affaires –


Définies à l'article 5 du règlement (préc. n° 24), ces modalités sont identiques à celles évoquées au titre de la réglementation nationale.

42. – Décision de la Commission européenne –


À compter de la réception de la notification complète, la Commission européenne doit rendre sa décision ou décider d'engager une procédure d'examen plus
approfondi de l'opération dans un délai de 25 jours ouvrables, ce délai pouvant être porté à 35 jours ouvrables dans certains cas. Si une procédure d'examen
plus approfondi a été engagée, la Commission européenne doit rendre sa décision dans un délai maximum de 90 jours ouvrables, porté à 105 jours ouvrables
lorsque les entreprises concernées proposent des engagements en vue de rendre la concentration compatible avec le marché commun.

43. – Sanctions –
La Commission européenne peut :

ordonner la dissolution d'une concentration réalisée en violation de son interdiction ou de conditions dont elle a assorti sa décision ;
prendre toutes mesures provisoires appropriées pour rétablir ou maintenir les conditions d'une concurrence effective en cas de réalisation d'une
concentration avant son autorisation ou en violation de son interdiction ou des conditions posées ;

révoquer sa décision d'autorisation dans l'hypothèse où elle se serait fondée sur des indications inexactes ou si les parties ne respectent pas une
charge dont la décision était assortie.

La Commission européenne peut également infliger aux parties à la concentration des amendes jusqu'à concurrence de :

1 % du chiffre d'affaires mondial réalisé par les parties concernées (au sens de l'article 5 du règlement préc. n° 24) lorsque les parties fournissent, de
manière délibérée ou par négligence, des renseignements inexacts ou dénaturés ou répondent de façon inexacte ou incomplète aux enquêtes de la
Commission européenne ;

10 % du chiffre d'affaires mondial réalisé par les entreprises concernées (au sens de l'article 5 du règlement préc. n° 24) en cas d'omission de
notification, de réalisation d'une opération avant la décision ou en contravention avec la décision de la Commission européenne ou de refus de
dissoudre une concentration ou de se conformer aux mesures provisoires décidées par la Commission européenne.

2° Contrôle des investissements étrangers

44. – Introduction –
Lorsque l’acquéreur ou l’investisseur financier est une personne étrangère, l’opération de LBO peut entrer dans le champ des règles relatives au contrôle des
investissements étrangers en France si l’activité de la cible entre dans le champ d’application de cette réglementation.

a) Régime de l’autorisation préalable spécifique aux secteurs sensibles

1) Champ d’application

45. – Principe –
Lorsqu’un investisseur étranger viendrait à détenir, directement ou indirectement, le contrôle de la holding de reprise ou, pour un investisseur non-membre
de l’UE, une participation supérieure à 33,33 % du capital ou des droits de vote et que la cible exerce une activité « sensible », l’opération ne pourra être
réalisée qu'avec l'autorisation du ministre chargé de l'Économie.

46. – Activités visées –


En vertu de l’article L. 151-3 du Code monétaire et financier, sont concernés les secteurs suivants :

activités de nature à porter atteinte à l'ordre public, à la sécurité publique ou aux intérêts de la défense nationale ;

activités de recherche, de production ou de commercialisation d'armes, de munitions, de poudres et substances explosives.

Les articles R. 153-2 et R. 153-5 du Code monétaire et financier listent précisément les secteurs concernés selon que l’investisseur étranger est ressortissant ou
non de l’Union européenne, étant précisé que le décret n° 2018-1057 du 29 novembre 2018 a largement étendu la liste des activités concernées et
particulièrement sur les secteurs d’avenir.

47. – Opérations visées –


Le régime d’autorisation préalable s’applique :

en cas d’investissement impliquant la prise de contrôle, au sens de l’article L. 233-3 du Code de commerce (en ce compris le contrôle conjoint), d’une
entreprise française, ou ;

en cas d’acquisition de tout ou partie d'une branche d'activité d'une entreprise française, ou ;

si l’investisseur n’est pas ressortissant de l’Union européenne, en cas de franchissement du seuil de 33,33 % du capital ou des droits de vote d’une
entreprise française, ou ;

en cas d’acquisition par une entreprise française, contrôlée par un investisseur étranger, de tout ou partie d'une branche d'activité d'une entreprise dont
le siège social est établi en France dans l'une des activités énumérées du 8° au 14° de l'article R. 153-2 et à l'article R. 153-5 du Code monétaire et
financier.

Les fonds d’investissement étant réputés être contrôlés par leur société de gestion, il conviendra alors de chercher la personne physique contrôlant in fine la
société de gestion.

2) Procédure

48. – Demande d’autorisation –


La demande d'autorisation préalable est adressée au ministère chargé de l'Économie (direction générale du Trésor), qui coordonne l’instruction en lien avec les
ministères/organismes concernés (DIIE, SGDSN, ANSSi, DGE, ministères chargés de la Défense, de l’Énergie, des Transports…), par lettre contenant les
renseignements prévus par l’arrêté du 7 mars 2003(NOR : ECOT0237029A).

L’arrêté précise que la demande doit être envoyée au moment de la survenance du premier des événements matérialisant l'accord des parties contractantes.
49. – Délai de réponse du ministre –
Le ministre chargé de l'Économie doit se prononcer dans un délai de 2 mois à compter de la date de réception de la demande d'autorisation. À défaut de
réponse, l'autorisation est réputée acquise. En revanche, si la demande d'autorisation préalable ne contient pas tous les éléments d'information nécessaires, ce
délai court à compter de la date de réception par le service intéressé des informations complémentaires demandées à l'investisseur.

L’instruction porte sur l’analyse :

de l’actionnariat de l’investisseur, jusqu’au détenteur ultime ;

de l’origine des fonds ;

de tout élément de nature à conforter la capacité de l’investisseur à assurer la pérennité d’approvisionnement du secteur de la défense ;

de l’activité de la cible.

50. – Réponses du ministre –


Le ministre chargé de l'Économie peut :

autoriser l’opération notamment en raison de son caractère hors champ ;

autoriser sans condition l’investissement étranger ;

autoriser l’opération sous conditions. Les conditions doivent être proportionnées au caractère critique de l’activité réalisée par la cible (C. mon. fin., art.
R. 153-9) ;

refuser par décision motivée l'autorisation de l'investissement projeté.

Le refus d’investissement doit être motivé et il est susceptible de recours devant une juridiction administrative. Il peut intervenir dans les cas prévus à l’article
R. 153-10 du Code monétaire et financier (i) s’il existe une présomption sérieuse que l’investisseur est susceptible de commettre l’une des infractions visées par
les articles 222-34 à 222-39, 223-15-2, 225-5, 225-10, 324-1, 421-2-2, 433-1, 450-1 du Code pénal, ou (ii) si les conditions ou engagements de l’investisseur ne
suffisent pas à la préservation des intérêts nationaux.

51. – Rescrit –
L’investisseur étranger et, depuis le décret du 29 novembre 2018, la société cible, peuvent saisir le ministre chargé de l’Économie d'une demande écrite aux fins
de savoir si cet investissement est soumis à une procédure d'autorisation ; le ministre doit répondre dans un délai maximal de 2 mois, mais l'absence de
réponse ne vaut pas dispense de demande d'autorisation (C. mon. fin., art. R. 153-7). Le rescrit offre aux parties la possibilité de purger cette question en
amont du processus de vente, avant ou en parallèle des phases de due diligence.

52. – Considérations pratiques –


L'autorisation requise s'inscrit dans le cadre d'une procédure de partenariat entre l'investisseur étranger et la direction générale du trésor. En conséquence, l’
autorisation préalable doit être envisagée dès la phase de due diligence. L'autorisation donnée par le ministre de l’Économie peut en effet être assortie de
conditions, au nombre desquelles la cession de l'une des activités relevant des secteurs dits « stratégiques », cession qui pourrait remettre en cause la réalisation
de l’opération globale.

53. – Déclaration de l’opération réalisée –


La réalisation de l'opération autorisée doit être déclarée au ministère dans des conditions qui seront fixées par arrêté non encore publié (C. mon. fin., art. R. 153-
13 créé par D. n° 2017-932, 10 mai 2017).

3) Contrôle et sanctions

54. – Projet de loi Pacte –


Le projet de loi « PACTE » qui doit être adopté au premier semestre 2019 prévoit d’accroître les pouvoirs de contrôle et de sanctions du ministre au-delà de ceux
prévus ci-dessous.

55. – Pouvoir d’injonction –


Le ministre, s'il constate que l’opération est, ou a été, réalisée sans autorisation, peut enjoindre à l'investisseur de ne pas donner suite à l'opération, de la modifier
ou de faire rétablir à ses frais la situation antérieure.

56. – Sanction pécuniaire –


En cas de non-respect de l'injonction précitée, le ministre peut, après avoir mis l'investisseur à même de présenter ses observations sur les faits qui lui sont
reprochés dans un délai minimum de 15 jours, sans préjudice du rétablissement de la situation antérieure, lui infliger une sanction pécuniaire dont le montant
maximum s'élève au double du montant de l'investissement irrégulier. Le montant de la sanction pécuniaire doit être proportionnel à la gravité des manquements
commis.

57. – Sanction pénale –


En cas de réalisation de l’opération sans autorisation préalable (ou en ne satisfaisant pas aux conditions dont elle est assortie), une peine d'emprisonnement de 5
ans est encourue. Cette peine peut être assortie d'une amende dont le montant est au moins égal au montant de l'investissement irrégulier et au maximum au
double de cette somme (C. douanes, art. 459). Le manquement à l'obligation de déclaration (V. n° 53 ) est passible d'une amende égale au montant maximum
applicable aux contraventions de 4e classe (750 euros).
58. – Sanction civile –
Est nul tout engagement, convention ou clause contractuelle qui réalise, directement ou indirectement, un investissement étranger dans l'un des domaines
mentionnés au I de l'article L. 151-3 du Code monétaire et financier lorsque cet investissement n'a pas fait l'objet de l'autorisation préalable exigée.

b) Régime déclaratif (déclaration statistique)

59. – Déclaration statistique à la Banque de France –


Les opérations dont le montant dépasse 15 millions d’euros doivent être déclarées auprès de la Banque de France à des fins statistiques, dans des conditions et
délais fixés par arrêté du ministre chargé de l'Économie et conformément au décret n° 2003-196 du 7 mars 2003. En ce qui concerne les opérations à exécution
instantanées, il s’agit des opérations suivantes :

acquisition ou franchissement du seuil de 10 % du capital ou des droits de vote d’une société française par un étranger ;

acquisition ou de cession d'entreprises non résidentes par des résidents ; et

acquisition ou de cession de biens immobiliers à l'étranger par des résidents et en France par des non-résidents.

60. – Sanction du défaut de déclaration –


Le manquement à l'obligation de déclaration est puni d'un emprisonnement de 5 ans et d'une amende égale au maximum au double de la somme sur laquelle a
porté l'infraction, le juge pouvant aussi prononcer une mesure d'interdiction d'exercer une activité commerciale ou une fonction publique (C. douanes, art. 459. –
C. mon. fin., art. L. 165-1 et R. 165-1).

C. - Principaux aspects fiscaux

61. – Introduction –
Parallèlement à l'effet de levier financier d'une opération de LBO qui repose sur le recours à l'endettement de la holding, la mise en place d’une intégration fiscale
permettant à la holding de déduire fiscalement les charges financières sur les profits de la société cible génère un effet levier fiscal inhérent aux opérations de
LBO (1°). La holding fait face aux échéances de remboursement et au paiement des intérêts de ses emprunts au moyen de distributions de dividendes effectuées
par la cible et, le cas échéant, en facturant des prestations de service à cette dernière (2°).

1° Effet de levier fiscal des opérations de LBO

a) Constitution d’un groupe d’intégration fiscal

62. – Régime de l'intégration fiscale –


Au titre du régime de l'intégration fiscale, la holding se constitue seule redevable de l'impôt dû sur l'ensemble des résultats du groupe qu'elle forme avec la
cible et ses éventuelles filiales. Ce régime permet ainsi d'opérer une compensation entre les résultats négatifs et positifs de la holding et de ses filiales et,
concrètement dans le cas d'un LBO, une imputation des charges financières et frais d'acquisition sur les bénéfices de la cible, dans la limite des principes décrits
ci-dessous (V. n° 72 à 82 ).

63. – Conditions d'application du régime de l'intégration fiscale –


Ce régime est applicable aux sociétés soumises en France, de plein droit ou sur option, à l'impôt sur les sociétés au taux de droit commun. Aux termes de
l'article 223 A du CGI, la holding doit détenir, de manière continue au cours de l'exercice, directement ou indirectement par l'intermédiaire de sociétés du groupe,
95 % au moins du capital des sociétés qu'elle souhaite intégrer fiscalement. À l'inverse, le capital de la société mère ne doit pas être détenu, directement ou
indirectement, à 95 % ou plus par une autre personne morale soumise à l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun. Les sociétés intégrées
doivent avoir les mêmes dates d'exercice d’ouverture et de clôture de leurs exercices qui doit être en principe de 12 mois. Le taux de détention du capital
des sociétés intégrées par la société tête de groupe est déterminé en faisant abstraction des titres attribués aux salariés dans le cadre d'un plan d'options de
souscription ou d'achat d'actions (C. com., art. L. 225- 177 à L. 225-184) ou d'un plan d'attribution gratuite d'actions (C. com., art. L. 225-197-1 à L. 225-197-5) et
des attributions de titres réservées aux adhérents d'un plan d'épargne d'entreprise (C. trav., art. L. 3332-18 à L. 3332-24), mais ce dans la limite de 10 % du
capital de la société et tant que le détenteur exerce ses fonctions au sein de la société et conserve lesdits titres (CGI, art. 223 A, I, al. 6).

64. – Choix du régime de l'intégration fiscale –


Ce régime s'applique sur simple option formalisée de la société mère pour une période de 5 ans, renouvelable tacitement. L'option doit être accompagnée de l’
accord des filiales pour rejoindre le groupe et notifiée à l’administration dans le délai du dépôt de la déclaration de résultat de l'exercice précédant celui au titre
duquel l'intégration sera effective, soit 3 mois à compter de la clôture de l'exercice (par exception les sociétés clôturant au 31 décembre devront souscrire la
déclaration au plus tard le deuxième jour ouvré suivant le 1er mai). On relèvera que, sauf dans l'hypothèse de l'acquisition d'un groupe déjà intégré, une société
nouvellement créée doit nécessairement clore un exercice avant de se constituer tête de groupe fiscal (BOI-IS-GPE-10-40, 7 juin 2017, § 100).

65. – Détermination du résultat du groupe –


Le résultat d'ensemble du groupe, au titre duquel la holding sera seule redevable de l'impôt, est constitué de la somme algébrique des résultats des sociétés
du groupe. Ce régime permet ainsi à la holding de compenser ses déficits fiscaux (générés par ses charges financières et frais engagés dans le cadre de
l'acquisition) avec les bénéfices réalisés par la société cible. Certains ajustements doivent ensuite être opérés afin de neutraliser les opérations internes au
groupe et d'éviter ainsi soit une double déduction soit une double imposition de ces opérations. Ces ajustements concernent notamment les plus-values de
cession d’actifs immobilisés. La loi de finances pour 2019 (L. n° 2018-1317, 28 déc. 2018), a cependant supprimé la neutralisation de la quote-part de frais et
charges en cas de cession de titres de participation (CGI, art. 223 F, al. 2 ancien) ainsi que la neutralisation des subventions et abandons de créances (CGI,
art. 223 B, al. 5 ancien).
66. – Principes d’utilisation des déficits –
Les déficits subis par les sociétés au titre d'exercices antérieurs à leur entrée dans le groupe ne sont imputables que sur leur propre bénéfice, et non sur le
résultat d’ensemble, sous réserve des conditions de droit commun (CGI, art. 223 I,1, a), c’est-à-dire dans la limite de 1 million d’euros, majoré de 50 % du
bénéfice d’imputation excédant ce seuil. Les déficits subis par les sociétés du groupe pendant l’intégration sont pris en compte par la société mère pour la
détermination du résultat d’ensemble (CGI, art. 223 E, 1). À ce titre, il est recommandé de mettre en œuvre le régime de l’intégration fiscale à une date la plus
proche possible de la date d’acquisition afin que la plupart des charges – intérêts et frais d’acquisition – soit incluse dans le résultat du groupe nouvellement
intégré.

67. – Absorption d’une société mère d’un groupe fiscal –


En cas d’absorption d’une société mère d’un groupe fiscal intégré avec effet au premier jour de l’exercice de cette dernière par une société remplissant les
conditions pour être elle-même société intégrante, la durée du premier exercice des sociétés du groupe issu de la fusion peut être inférieure ou supérieur à 12
mois et seule la date de clôture doit être la même pour toutes les sociétés membres du groupe (CGI, art. 223 L, 6, c. – BOI-IS-GPE-50-10-20, 2 mars 2016, § 180
et 190). Conformément à l’article 223 S du CGI, le déficit d’ensemble subsistant après imputation, le cas échéant, sur les réintégrations consécutives à la
cessation du groupe dont la mère est absorbée, est alloué à la société absorbée pendant un instant de raison avant son absorption (BOI-IS-GPE-50-10-30,
2 mars 2016, § 10). En cas de fusion d’une société mère d’un groupe fiscal suivie de la constitution d’un nouveau groupe fiscal par la société absorbante, la
société mère du nouveau groupe fiscal peut demander, sous certaines conditions, l’agrément prévu au 6 de l’article 223 I du CGI autorisant le transfert des
déficits d’ensemble du groupe ayant cessé (BOI-IS-GPE-50-10-30, 2 mars 2016, § 30). Dans le cas où l’agrément est accordé, la fraction du déficit transférée
présente, pour la société absorbante, le caractère d'un déficit subi avant l'entrée dans le groupe. La fraction du déficit transférée s'impute donc en principe
sur les bénéfices propres de cette société, déterminés dans les conditions et limites prévues au troisième alinéa du I de l'article 209 du CGI et au 4 de l'article 223
I du CGI(BOI-IS-GPE-50-10-30, 2 mars 2016, § 40), sous réserve des mécanismes d’imputation du déficit sur une base élargie.

68. – Acquisition de la société mère d’un groupe fiscal –


Le d du 6 de l'article 223 L du CGI prévoit que, si la personne morale passible de l'impôt sur les sociétés, cessionnaire des droits sociaux dans la mesure
nécessaire pour détenir, directement ou indirectement, 95 % au moins du capital de la société mère du groupe, souhaite constituer un groupe avec les sociétés
membres du groupe qui avait été constitué par la société acquise ou faire entrer celui-ci dans le groupe dont elle est déjà membre, l'option est exercée au plus
tard à l'expiration du délai prévu pour le dépôt de la déclaration des résultats de l'exercice au cours duquel intervient l'acquisition de l'ancienne société mère (BOI-
IS-GPE-50-20-20-10, 2 mars 2016, § 20). Le nouveau groupe prend naissance dès l'exercice suivant cette acquisition, non seulement avec les sociétés qui
composaient le groupe formé par la société mère acquise, mais potentiellement avec des sociétés détenues par la société rachetée mais qui n'étaient pas
membres de l'ancien groupe (BOI-IS-GPE-50-20-20-10, 2 mars 2016, § 90).

69. – Particularité de l’imputation des déficits sur une base élargie –


Lors de la cessation d’un groupe fiscal, le déficit d’ensemble reportable est totalement transmis à la société mère (CGI, art. 223 S). Lorsque cette dernière
intègre un nouveau groupe, ces déficits constituent des déficits pré-intégration seulement imputables sur les bénéfices propres de cette ancienne société mère
(V. n° 66 ). Cependant, en vertu du 5 de l'article 223 I du CGI, en cas de cession du groupe par absorption ou acquisition de la société mère (V. n° 67 et 68 ), le
déficit d’ensemble reportable du groupe cessant peut s'imputer sur le résultat des sociétés du groupe dissous qui font partie du nouveau groupe (BOI-IS-
GPE-50-10-30, 2 mars 2016, § 60. – BOI-IS-GPE-50-20-20-20, 2 mars 2016, § 30). Ce dispositif d'imputation des déficits sur une base élargie est ouvert sur
simple option, mais ne supprime pas l’obligation de recourir à un agrément en cas de fusion (V. n° 67 ). Il convient toutefois de préciser que les déficits ainsi
imputables sur une base élargie tombent en non-valeur dès que la société à laquelle est affecté ce déficit sort du groupe.

70. – Recours à la fusion de la holding et de la société cible –


L'absorption de la cible par la holding est parfois envisagée pour permettre une imputation directe des charges financières de l'absorbante sur les bénéfices de la
cible absorbée. Toutefois, l'Administration a indiqué que si une telle opération a « pour but exclusif d'imputer fiscalement les frais d'acquisition sur les bénéfices
de la société acquise » ou constitue pour la société acquise puis fusionnée « une opération déséquilibrée, sans contrepartie suffisante pour elle », elle pourra être
remise en cause sur le fondement de l'abus de droit ou de l'acte anormal de gestion (BOI-IS-FUS-10-40, 9 janv. 2019, § 1 et s.). Pour apprécier le but
poursuivi, l'Administration se fonde sur un faisceau d'indices parmi lesquels :

le délai séparant l'acquisition de la fusion ;

le niveau de capitalisation de la holding ;

l'importance des dettes d'acquisition subsistant lors de la fusion par rapport au financement initial ; et

l'exercice ou non par la holding, avant la fusion, d'une activité autre que la détention de titres.

L'Administration précise en outre que le fait que les deux sociétés aient formé ou auraient pu former un groupe intégré fiscalement est sans incidence sur la
qualification fiscale de l'opération.

71. – Fusion rapide de deux holdings financières –


On relèvera que l'administration fiscale a assoupli sa position en cas de fusion rapide entre deux holdings financières, cette position favorisant les opérations
de LBO secondaires : en effet, dans une telle hypothèse, la déductibilité des charges financières ne sera pas remise en cause dès lors que les conditions
suivantes sont remplies (RES n° 2007/48 (FE), 23 oct. 2007) :

la fusion des deux sociétés ne doit pas entraîner de rupture dans l'application du régime fiscal des groupes de sociétés prévu à l'article 223 A du CGI ;

le capital de la société absorbée ne doit comprendre aucun intérêt minoritaire susceptible d'être lésé par l'opération de fusion ; et
l'opération de fusion ne doit concerner que des structures de financement et n'entraîner par conséquent aucun appauvrissement des sociétés
opérationnelles.

b) Déductibilité des charges financières et des frais d’acquisition

72. – Principe de déductibilité –


Une société soumise à l'impôt sur les sociétés peut déduire fiscalement de ses bénéfices, sous certaines conditions, ses charges financières afférentes à un
endettement (dette senior, mezzanine mais également comptes courants d'associés et autres financements complémentaires) ainsi que ses frais d'acquisition et
d’émission d’emprunt.

73. – Déductibilité des charges financières – Principe –


Les intérêts dus au titre des divers emprunts d'acquisition (dette senior, mezzanine, comptes courants d'associés et autres financements complémentaires) sont,
en principe, déductibles des résultats de l'exercice au cours duquel ils ont couru, sous réserve de divers dispositifs de limitation exposés ci-dessous dans leur
ordre d’application.

74. – Limites concernant la déductibilité des intérêts versés à des associés minoritaires : Principes –
Aux termes de l'article 39, 1, 3° du CGI, la holding ne pourra déduire les intérêts servis à ses associés que si son capital social est intégralement libéré. Cet
article dispose par ailleurs que cette déductibilité est limitée au montant des intérêts “calculés à un taux égal à la moyenne annuelle des taux effectifs moyens
pratiqués par les établissements de crédit et les sociétés de financement pour des prêts à taux variable aux entreprises, d'une durée initiale supérieure à deux
ans”. Pour les exercices de 12 mois clos entre le 31 décembre 2018 et 30 janvier 2019, le taux de référence est de 1,47 % (BOI-BIC-CHG-50-50-30, 23 janv.
2019, § °40).

75. – Limites concernant la déductibilité des intérêts versés à des sociétés liées : Limite du taux –
L'article 212, I, a du CGI prévoit une limitation à la déductibilité des intérêts versés au titre des prêts contractés par la holding auprès d'entreprises qui lui sont
liées au sens de l'article 39, 12 du CGI (des sociétés sont liées lorsqu'il existe des liens de dépendance entre elles). Dans cette hypothèse, les intérêts ne sont
déductibles que dans la limite prévue à l'article 39, 1, 3° précité (V. n° 74 ) ou, si les intérêts courus sont supérieurs à ceux ainsi calculés, dans la limite du
montant des intérêts calculés d'après le taux que la holding emprunteuse aurait pu obtenir auprès d'établissements ou d'organismes financiers indépendants
dans des conditions analogues. Le dispositif instaure donc un mécanisme de preuve contraire permettant aux entreprises, lorsque le taux servi est supérieur
au taux de référence défini au 3° du 1 de l'article 39 du CGI, de justifier de la normalité de ce taux (BOI-IS-BASE-35-20-10, 15 avr. 2014, § 70). Toutefois, ce
mécanisme de preuve contraire fait l’objet de nombreux litiges avec l’administration fiscale (TAParis, 16 janv. 2018, n° 1707553, SAS Studialis. – CAABordeaux,
2 sept. 2014, n° 12BX01182, Stryker Spine : JurisData n° 2014-035816).

76. – Limites concernant la déductibilité des intérêts versés à des sociétés liées : Dispositif anti-hybride –
En outre, l’article 212, I, b du CGI prévoit que la holding doit être en mesure de démontrer à la demande de l’administration que les intérêts qu’elle verse sont,
chez l’entreprise prêteuse liée, soumis à un impôt au moins égal au quart de l'impôt sur les sociétés françaises. Compte tenu de la baisse programmée de l’
impôt sur les sociétés, le taux d’imposition minimale varie de 7,75 % pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2019 à 6,25 % pour les exercices
ouverts à compter du 1er janvier 2022, date à laquelle le taux maximal de l’impôt des sociétés devrait être de 25 %, sous réserve de modifications législatives
futures (BOI-IS-BASE-35-50, 1er août 2018, § 40).

77. – Nouveau dispositif transposant la directive ATAD : Principe –


La loi de finances pour 2019 (L. fin. n° 2018-1317, 28 déc. 2018, de finances pour 2019) a transposé la directive européenne dite « ATAD » (anti-tax avoidance
directive) en instaurant à compter du 1er janvier 2019 une nouvelle limite de droit commun de déductibilité des charges financières égal au montant le plus élevé
entre (i) 30 % du résultat fiscal avant impôt, intérêts, provisions pour dépréciation et amortissements déductibles (« EBITDA fiscal ») et (ii) 3 millions d’euros
(CGI, art. 212 bis, I). Toutefois, une clause de sauvegarde permet aux entreprises membres d’un groupe consolidé de déduire en outre 75 % des charges
financières non déductibles en application de la nouvelle limite de droit commun lorsque le ratio entre (i) leurs fonds propres et (ii) l’ensemble de leurs actifs n’est
pas inférieur à ce même ratio déterminé au niveau du groupe consolidé de plus de deux points pour cent. Le montant des charges financières nettes qui excèdent
ces limites doit être réintégré au résultat imposable de l’exercice. La déductibilité de la fraction d'intérêts non déductibles au titre de l’exercice pourra toutefois
intervenir, dans une certaine mesure, au titre des exercices ultérieurs.

78. – Nouveau dispositif transposant la directive ATAD : En cas de sous-capitalisation –


La loi a mis en place un régime de déductibilité plus contraignant pour les intérêts versés par des sociétés considérées comme sous-capitalisées à des sociétés
qui leur sont liées. Une société est désormais considérée comme sous-capitalisée lorsqu'elle ne satisfait pas, au cours d'un même exercice, le ratio
d'endettement défini à l'article 212 bis, VII, 1 du CGI, c’est-à-dire lorsque le montant moyen de ses dettes vis-à-vis d’entreprises liées excède une fois et demie
le montant de ses fonds propres à moins qu'elle n'établisse que son ratio d'endettement est inférieur ou égal au ratio d'endettement global du groupe consolidé
auquel elle appartient. Si la sous-capitalisation est ainsi avérée, deux assiettes de charges financières nettes doivent être déterminée : (i) La première assiette
correspond aux intérêts relatifs à la dette vis-à-vis d’entreprises non liées et à la dette vis-à-vis d’entreprises liées n’excédant pas une fois et demie les fonds
propres. La déduction est alors possible à hauteur de 30 % de l’EBITDA fiscal proratisé ou de 3 millions d’euros proratisés si ce dernier montant est plus élevé. (ii)
La seconde assiette correspond aux intérêts relatifs à la dette vis-à-vis d’entreprises liées excédant une fois et demie les fonds propres. La déduction est limitée à
10 % de l’EBITDA fiscal proratisé ou à 1 million d’euros proratisé si ce dernier montant est plus élevé. Une clause de sauvegarde particulière permet à une
société sous-capitalisée de bénéficier de la nouvelle limite de droit commun ainsi que de la clause de sauvegarde générale (V. n° 77 ) si le ratio entre (i) le
montant de ses dettes et (ii) et le montant de ses fonds propres n’est pas supérieur à ce même ratio déterminé au niveau du groupe consolidé de plus de deux
points de pourcentage.

79. – Limites posées par l'amendement Charasse –


L'article 223 B, alinéa 6 du CGI, communément appelé amendement Charasse, prévoit une limite au principe de déduction des charges financières de la
holding dans l'hypothèse d'une acquisition à « soi-même ». Cet article prévoit en effet un dispositif de réintégration d'une partie des charges financières
engagées par la holding dans l'hypothèse où les titres de la cible sont acquis auprès des personnes qui contrôlent, directement ou indirectement, la holding ou
auprès de sociétés que ces personnes contrôlent, directement ou indirectement, au sens de l'article L. 233-3 du Code de commerce.

80. – Amendement Charasse : modalités de réintégration –


Dans cette hypothèse, la holding doit réintégrer dans le résultat d'ensemble du groupe fiscal une partie des charges financières déduites pour la détermination
de ce résultat, correspondant au rapport entre (i) le prix d'acquisition de ces titres, diminué du montant de la souscription à l’augmentation de capital en numéraire
de société cessionnaire effectuée dans les 3 mois qui suivent ou précèdent l’acquisition, et (ii) le montant moyen des dettes des entreprises membres du groupe.
Cette réintégration doit être opérée au titre de l'exercice d'acquisition des titres de la cible et des huit exercices suivants pour les acquisitions réalisées au cours
des exercices ouverts à compter du 1er janvier 2007 (la période de réintégration maximale étant de 15 ans pour les acquisitions antérieures). Cette réintégration
cesse dès lors que la cible acquise sort du groupe fiscalement intégré (sauf si la sortie du groupe résulte d'une fusion avec une autre société membre de ce
groupe) ou si la ou les personnes qui contrôlaient la holding, au moment de l'acquisition à « soi-même », ne la contrôlent plus.

81. – Déductibilité des frais d'acquisition de la cible –


Au plan fiscal, les droits de mutation, honoraires, commissions et frais d'actes liés à l'acquisition de titres constituant des titres de participation (au sens de
CGI, art. 39, 1, 5°, al. 17) doivent être incorporés au prix de revient de ces titres. Ils ne peuvent donc faire l'objet d'une déduction intégrale au titre de l'exercice
de l'acquisition mais peuvent être amortis sur 5 ans à compter de la date d'acquisition (i.e. l’amortissement au titre de la première année est calculé sur une
base prorata temporis à compter de la date d’acquisition).

82. – Déductibilité des frais d’émission d’emprunt –


Les frais de mise en place des emprunts (essentiellement les diverses commissions versées aux établissements bancaires) sont au choix de la holding (i) soit
maintenus en charges pour leur totalité au titre de l’exercice au cours duquel ils sont exposés, (ii) soit faire l’objet, sur option irrévocable et globale de l’émetteur,
d’une déduction étalée sur la durée des emprunts, l’exercice de cette faculté étant subordonnée à l’application d’un traitement identique sur le plan comptable.
Lorsque l’option pour l’étalement est exercée, la déduction des frais d’emprunt s’effectue soit par fractions égales (étalement linéaire sur la durée de vie de l’
emprunt), soit au prorata de la rémunération courue, ce qui permet, en pratique, une déduction progressive des frais notamment lorsque l’emprunt est assorti d’
une prime de remboursement. En cas de remboursement anticipé de l’emprunt, de conversion ou d’échange, les frais d’émission non encore déduits sont admis
en charges au prorata du capital remboursé, converti ou échangé.

2° Financement de la dette d’acquisition

a) Activation de la holding

83. – Réalisation de prestations de services par la holding –


Lorsque la holding réalise pour la cible des prestations de services, généralement de nature administrative et financière, elle dégage alors des bénéfices
imposables desquels pourront être déduits les frais et charges financières engagés dans le cadre de l'acquisition et pouvant être affectés au remboursement
de la dette d’acquisition.

84. – Les prestations de services rendues par la holding auprès de ses filiales seront soumises à la TVA et lui confédéreront la qualité d’assujettie.

85. – Les dépenses engagées par la société cible afin de rendre ces prestations de services constitueront des charges déductibles et pourront donner lieu à la
récupération totale ou partielle de la TVA, pour autant que le caractère effectif de ces prestations puisse être établi.

86. – Par ailleurs, les frais d’acquisition supportés par holding au titre de l’opération présentent le caractère de frais généraux au regard de la TVA (CE, 23 déc.
2010, n° 307698, Sté Pfizer Holding France : JurisData n° 2010-026170. – CE, 23 déc. 2010, n° 324181, min. c/ SA Michel Thierry). La TVA grevant ces frais
devrait être ainsi intégralement déductible dès lors que les frais engagés entretiennent un lien direct et immédiat avec l’ensemble de son activité économique,
telle que les prestations de services taxables à la TVA réalisées par la holding (BOI-TVA-DED-20-10-20, 10 juin 2013, § 480). Il convient à ce titre que la qualité d’
assujettie soit conférée à la holding à une date relativement proche de la date d’acquisition (i.e. « closing »), de manière à ce que ces frais aient un lien direct et
immédiat avec une activité taxable. La holding doit donc anticiper les moyens nécessaires à l’accomplissement des prestations de services envers ses filiales
avant l‘acquisition de sorte à ce qu’ils soient mis en place dans les meilleurs délais après cette date.

87. – Conséquence sur la taxe sur les salaires –


La taxe sur les salaires est à la charge des personnes ou organismes qui paient des rémunérations salariales ou assimilées à des salaires, lorsqu’ils ne sont pas
assujettis à la TVA (que leurs activités soient hors du champ de la taxe sur la valeur ajoutée ou qu'elles soient dans son champ mais exonérées), ou ne l'ont
pas été sur 90 % au moins de leur chiffre d'affaires au titre de l'année civile précédant celle du paiement desdites rémunérations (CGI, art. 231, 1). À ce titre,
les flux financiers situés hors du champ d'application de la TVA, tels que les dividendes, seront pris en compte dans le rapport d'assujettissement de l'année au
cours de laquelle intervient l'encaissement desdites sommes (BOI-TPS-TS-20-30, 6 avr. 2016, § 60). Dans ce cas, il peut être recommandé de créer des secteurs
d’activité distincts entre les prestations de services soumises à la TVA et les activités financières exonérées ou hors champ de TVA, afin de cantonner l’
application de la taxe sur les salaires aux rémunérations des salariés affectés au secteur financier. D’autre part, les rémunérations versées à des dirigeants
exerçant des fonctions de direction générale sont présumées affectées au secteur financier exonéré de TVA. Dans quatre arrêts du 8 juin 2011 (CE, 8 juin
2011, n° 331848, SA Balsa, SAS Sofic. – CE, 8 juin 2011, n° 331849, SAS Holding Rousseau. – CE, 8 juin 2011, n° 341018, Sté P2C Investissement), le Conseil
d’État a cependant considéré qu’il s’agit d’une présomption simple pouvant souffrir de la preuve contraire. D’après la Haute Cour, celle-ci peut être apportée si la
société établit que le dirigeant n'a pas d’attribution dans le secteur financier notamment lorsque, compte tenu de l’organisation adoptée, il est dépourvu
juridiquement de tout contrôle et responsabilité en la matière.

b) Remontée des dividendes : application du régime des sociétés mères et filiales


88. – Régime des sociétés mères et filiales –
Ce régime défini aux articles 145 et 216 du CGI est destiné à éviter la double imposition des dividendes qui seront distribués à la holding. Les sommes
distribuées, déjà assujetties à l'impôt sur les sociétés en tant que bénéfices de la filiale, sont perçues par la holding en franchise d’imposition, sous réserve
toutefois d'une quote-part de frais et charges fixée forfaitairement hors intégration fiscale, en principe à 5 % des dividendes perçus. Ce régime est facultatif et
peut se combiner avec le régime de l'intégration fiscale abordé ci-dessus (V. n° 62 ). Dans ce cadre, la quote-part de frais et charges est réduite à 1 %, ce qui
représente un taux d’imposition effectif des distributions de 0,31 % (31 % × 1 %), sous réserve que la holding reçoive les dividendes à raison d’une participation
dans une autre société membre de ce groupe, notamment la cible (CGI, art. 216, I, al. 2).

89. – Conditions d'éligibilité au régime des sociétés mères et filiales –


Le régime des sociétés mères et filiales ne bénéficie qu'aux personnes morales et organismes soumis, de plein droit ou sur option, à l'impôt sur les sociétés au
taux normal qui détiennent, en pleine propriété ou en nue-propriété, au moins 5 % du capital de la cible sous forme de titres nominatifs ou déposés ou inscrits
dans un compte tenu par un intermédiaire habilité et qui conservent ces titres pendant au moins 2 ans (CGI, art. 145). En cas de non-respect de ce délai de
conservation, la holding devra verser au Trésor, dans les 3 mois suivant la cession, une somme égale au montant de l'impôt sur les sociétés dont elle a été
exonérée au titre du régime des sociétés mères et filiales, majoré des intérêts de retard.

II. - Financement d'une opération de LBO

A. - Structuration de l'endettement

1° Types d'endettement

90. – Introduction –
Le financement de la holding d'acquisition se réalise par des apports en capitaux propres mais également par voie d'emprunt. Le recours à l'endettement
constitue en effet un élément essentiel des opérations de LBO. La dette, destinée à financer l'acquisition de la cible par la holding, permet de réaliser l'effet
de levier financier inhérent à ce type d'opérations. Par ailleurs, une nouvelle dette est quasi systématiquement souscrite afin de refinancer l’endettement existant
du groupe cible et de permettre de financer des opérations de croissance externe. La pratique a développé plusieurs types et niveaux d'endettement, toujours
assortis de sûretés.

91. – Type d'endettement –


Les types et niveaux d'endettement sont variés et dépendent souvent du montant et de l’objet du financement recherché. La dette bancaire, dite senior, constitue
l'outil traditionnel du LBO. Elle est souvent complétée par une dette, dite junior (terminologie parfois plus largement utilisée pour désigner toute dette
subordonnée), classiquement constituée par un financement hybride, dit mezzanine. La pratique récente tend, sur les plus grosses opérations, à privilégier le
recours à la dette dite « unitranche » ou le high yield octroyée par des fonds de dette.

92. – Dette senior –


Elle est octroyée par les établissements de crédit. Généralement consentie pour une durée d’environ 7 ans, elle comporte souvent une tranche amortissable et
une partie remboursable à l'échéance du prêt ; cette dernière tranche, dite in fine, permet de limiter la pression exercée par le service de la dette sur le niveau
de trésorerie du groupe.

93. – Dette junior –


La dette dite junior est celle dont le remboursement est subordonné à l'amortissement du prêt principal. Sa date de maturité est donc postérieure à
l'échéance de la dette senior. Ces dernières années, la pratique a par ailleurs développé le recours à des financements bancaires intermédiaires additionnels
(souvent appelés prêts second lien ou « prêts de second rang »), eux aussi subordonnés à la dette senior.

94. – Dette mezzanine –


Lorsque l'endettement bancaire est insuffisant compte tenu du montant recherché, la mezzanine vient s'intercaler entre la dette bancaire et les fonds propres.
Souvent consenti par des fonds d'investissement spécialisés, le financement mezzanine est généralement structuré sous forme de valeurs mobilières
donnant accès au capital (à savoir des obligations avec bons de souscription en actions). Ce type de financement hybride est d'une durée plus longue que les
prêts bancaires – généralement un an de plus que la dette senior – et amortissable in fine. Subordonnée au remboursement de la dette bancaire, la mezzanine
comporte ainsi un risque excédant celui pris par la banque prêteuse. En contrepartie de ce risque, les « mezzaneurs » bénéficient d'une opportunité de gain
supérieure grâce à un taux d'intérêts plus élevé mais également à un droit d'accès au capital (au travers du BSA) permettant ainsi la réalisation d'une plus-
value de cession. Le fait que l'accès au capital ne soit qu'optionnel et à terme évite, lors de la mise en place du LBO, une dilution de l'actionnariat de la holding, et
au « mezzaneur » le versement du prix de souscription des actions. Les actionnaires repreneurs préfèrent parfois des emprunts obligataires à très fort taux
d'intérêt dits high yield à la mezzanine dans la mesure où ils n'offrent pas aux prêteurs la possibilité d'accéder au capital de la holding.

2° Modalités du financement

a) Principaux termes et conditions des prêts bancaires

95. – Caractéristiques –
Les prêts bancaires mis en place dans le cadre des LBO sont des prêts classiques, répondant aux exigences légales et aux pratiques de marché en la matière
(taux d'intérêts, TEG, cas de défaillance et mécanismes d'exigibilité anticipée…). Certains mécanismes et problématiques sont toutefois spécifiques aux
opérations de LBO, s'agissant des parties, des conditions suspensives, des engagements de faire et de ne pas faire, des conditions financières et des modalités
de remboursement.

96. – Parties au financement –


Coté emprunteurs, la holding de reprise souscrit la dette d’acquisition tandis que la cible souscrit la dette servant au refinancement de sa dette existante. Côté
prêteurs, il s'agira d'un établissement financier unique ou plus généralement de plusieurs établissements intervenant dans le cadre d'une syndication organisée
autour de la banque chef de file. On notera également l'existence d'engagements dits de « prise ferme », par lesquels une banque s'oblige à assumer seule la
totalité du financement, en cas d'échec de la syndication projetée.

97. – Conditions suspensives à la mise en place du financement –


Avant la mise en place du financement, le prêteur devra s'assurer que les conditions déterminantes à son engagement sont remplies. Parmi ces conditions
suspensives figurent notamment : la remise des documents justifiant de la capitalisation de la holding, la réalisation de l'acquisition de la cible, et la mise en place
des sûretés. Une clause d'événement défavorable significatif (en anglais MAC clause pour Material Adverse Change ) sera généralement prévue par la
banque. Cette clause est destinée à protéger le prêteur contre un événement défavorable imprévu (relatif au groupe cible et à l’économie de façon générale),
survenant entre la signature du contrat et la finalisation des opérations. Elle permettra à la banque de se dégager de son obligation de mise à disposition du prêt.
La perte d'un client stratégique, un krach boursier voire une simple dégradation de la conjoncture économique peut par exemple entrer dans le périmètre de telles
clauses.

Dans le cadre de processus de vente très compétitifs, les prêteurs peuvent accepter l’absence de cette clause et plus généralement de toute condition
suspensive (en dehors des remises documentaires permettant de s’assurer de la bonne réalisation de la capitalisation, de l’acquisition, et de la constitution
des sûretés notamment) afin de rassurer les vendeurs sur le caractère certain de la mise à disposition du financement (en anglais certain funds).

98. – Engagements de faire et de ne pas faire –


Les contrats de prêts contiennent systématiquement des engagements de faire et de ne pas faire, principalement destinés à préserver les facultés de
remboursement du groupe. Ces engagements sont souscrits par la holding emprunteuse pour elle-même mais également pour les sociétés de son groupe. Il
s'agit alors d'engagements de porte-fort, d'exécution ou d'engagements directs de la holding dès lors qu'elle est aussi représentant légal desdites sociétés (cas
des filiales structurées sous forme de SAS dont la holding serait le président). Le respect de ratios de gestion, l'interdiction d'aliéner des actifs stratégiques ou
significatifs, d'accroître l'endettement externe du groupe, d’octroyer de nouvelles sûretés, voire la mobilisation de créances commerciales, ou encore la
communication régulière d'informations à la banque constituent autant d'engagements classiques.

99. – Rémunérations financières –


Outre les intérêts de l'emprunt au travers notamment de la marge, les banques prêteuses appliquent des commissions (de participation, d'agent, d'arrangement
et/ou de prise ferme) qui viennent rémunérer une prestation ou un risque spécifique. L'ensemble de ces rémunérations financières est essentiellement fonction
des conditions de marché ainsi que du niveau de risque de l'opération envisagée en termes de capacité de remboursement du groupe. La marge des banques
constitue un élément important des contrats de prêts. Elle peut faire l'objet d'un ajustement en fonction du succès ou de la difficulté d'une syndication. Ces
mécanismes sont communément désignés sous leurs termes anglo-saxons de market flex ou upward flex (variation à la hausse) ou de reverse flex (variation à la
baisse). Cette marge peut aussi varier pendant la durée du prêt, par exemple en fonction de la réalisation ou non de certains objectifs de résultat ou du respect
de certains ratios financiers par la cible (margin ratchet).

100. – Modalités de remboursement – Cas de défaut –


Le prêt est remboursable selon un échéancier préétabli. Les contrats de crédit aménagent toutefois des cas de remboursement anticipé, soit volontaires
(à la main de l'emprunteur) soit obligatoires (à la discrétion du prêteur en cas de réalisation de certains événements).

101. – Remboursement anticipé –


La faculté de remboursement anticipé volontaire (avec ou sans pénalités) s'avère particulièrement utile dans les opérations de LBO secondaire lorsque la cession
du groupe survient avant l'échéance de la dette. Cette faculté est souvent encadrée : fenêtres de remboursement, exigence de montants minimum de
remboursement et imputation de ces remboursements sur l'annuité restant due la plus lointaine.

102. – Exigibilité anticipée –


L'exigibilité anticipée (cas de remboursement obligatoire) intervient à la demande des prêteurs en raison de la survenance d'un cas de défaut imputable à
l'emprunteur ou d'un événement extérieur défavorable. Ces cas d'exigibilité sont nombreux et variés. On relève, à titre d'exemples, le non-respect des
engagements de faire ou de ne pas faire comme la survenance d'événements défavorables significatifs ou le changement de contrôle de la holding, voire plus
généralement la modification de son actionnariat (l'implication capitalistique des managers et des investisseurs financiers étant essentielle pour les banques) ou
encore le versement de dividendes aux actionnaires de la holding qui pourrait affecter ses facultés de remboursement. Lorsque le contexte économique est
favorable à l'emprunteur, ce dernier peut bénéficier d'aménagements des cas d'exigibilité anticipée. Ainsi, aux termes de la clause dite de mulligan, le non-
respect d'un ratio financier n'est constitutif d'un cas d'exigibilité anticipée que s'il se répète. Dans le même esprit, la clause dite d'equity cure permet aux
investisseurs financiers de rectifier a posteriori le non-respect d’un ratio financier au moyen d'un apport supplémentaire en fonds propres.

b) Spécificités de la mezzanine

103. – Caractéristiques –
Le financement mezzanine présente des caractéristiques spécifiques liées à l'accès au capital que n'offre pas la dette bancaire. L'émission, au profit
des « mezzaneurs », de valeurs mobilières donnant accès au capital de l'emprunteur, impose ainsi l'organisation des conditions de leur accès au capital et
de leur adhésion au pacte d'actionnaires.

104. – Régime –
La mezzanine prend la forme d'un emprunt obligataire assorti de bons de souscription d'actions, permettant d'accéder au capital. Les exigences du régime
afférent aux valeurs mobilières choisies comme support de ce financement doivent donc être respectées (conditions d'émission, organisation des masses,
protection des droits). Les conditions d’accès au capital sont détaillées (libre à tout moment ou encadré, limité à certaines hypothèses telles que l'introduction en
bourse ou la cession de l'emprunteur). En signant le pacte d'actionnaires, le « mezzaneur » se voit imposer des règles nécessaires à la cohésion de l'actionnariat
(obligation de cession conjointe, obligation d'offrir ses titres à la préemption et autres restrictions au transfert) mais bénéficie de droits, tels qu'une information
renforcée, un droit à participer aux futures augmentations de capital (au travers de l’exercice de bons de souscription d’actions anti-dilutifs), ou encore une faculté
de cession conjointe en cas de changement de contrôle. Par ailleurs, le contrat de mezzanine stipulera des cas d'exigibilité anticipée identiques à ceux de la dette
senior mais subordonnés à cette dernière.

c) Organisation de la subordination entre les différentes strates de financement

105. – Principe –
La subordination fait généralement l'objet d'une convention spécifique qui a pour objet de gérer l'ordre (rang de priorité des prêteurs) des paiements
par l'emprunteur des diverses commissions et échéances de remboursement. Cette convention de subordination règle également la hiérarchie des sûretés qui
sont consenties dans l'opération et l'imputation des paiements entre les différents prêteurs en cas de réalisation desdites sûretés. Cette convention de
subordination est également signée par les actionnaires et les titulaires des obligations convertibles afin de leur interdire la perception de toute somme en leur
qualité d’actionnaire ou d’obligataire avant le remboursement complet de l’endettement financier.

106. – Régime légal concernant les valeurs mobilières –


S'agissant des valeurs mobilières structurant le financement mezzanine, la subordination s'appuie depuis 2004 sur un texte légal (C. com., art. L. 228-97
disposant que “lors de l'émission de valeurs mobilières représentatives d’un droit de créances sur la société émettrice, y compris celles donnant le droit de
souscrire ou d'acquérir une valeur mobilière, il peut être stipulé que ces valeurs mobilières ne seront remboursées qu'après désintéressement des autres
créanciers, à l'exclusion ou y compris des titulaires de prêts participatifs et de titres participatifs, nonobstant les dispositions de l'article L. 228-36 du présent code
et celles des articles L. 313-13 et suivants du Code monétaire et financier. Dans ces catégories de valeurs mobilières, il peut être également stipulé un ordre de
priorité des paiements.” ) qui semble régler définitivement les débats sur son plein effet.

107. – Caractère conventionnel –


En revanche, une hésitation sur ce plein effet demeure pour les autres dettes subordonnées (dettes bancaires junior et second lien). La subordination de ces
dettes repose sur des mécanismes purement contractuels (la stipulation pour autrui ou les conventions de cession d'antériorité) qui portent atteinte au principe
d'égalité entre les créanciers. Or, ce principe pouvant être considéré d'ordre public, certains se sont interrogés sur l'opposabilité de ces conventions à l'égard des
tiers, notamment en cas de faillite, voire sur leur efficacité entre les parties (V. principalement A. Couret, Les financements « mezzanine » : JCP E1990, I, 15713.
– L. Faugérolas, La subordination des créances, Mél. Derruppé : GLN Joly, Litec, 1991, p. 227. – V. également A. Multrier-Trebulle, La notion de subordination
des créances : Thèse Paris II, 2002). Pourtant, la chambre commerciale de la Cour de cassation a déjà, par le passé, reconnu l'opposabilité d'une convention de
subordination au liquidateur et à la procédure de liquidation qui avait été ouverte (Cass.com., 13 nov. 2002, n° 99-15.819, Banque Populaire du Centre c/ Urbain :
JurisData n° 2002-016538).

3° Spécificité et organisation de la syndication

a) Types de syndication

108. – Typologie –
Il convient de distinguer la « syndication directe », c'est-à-dire celle où plusieurs banques traitent avec un débiteur unique dans le cadre d'un instrumentum
commun (la convention de crédit), de la « syndication indirecte » ou « occulte ». Cette dernière voit le débiteur-emprunteur traiter avec une seule banque qui
répartit, dans un second temps, le risque afférent au crédit entre plusieurs autres établissements de crédit au moyen d'une convention de « sous-participation », à
laquelle le débiteur-emprunteur n'est pas partie.

109. – Relation entre les banques –


Dans le cadre d'une syndication directe, le contrat de crédit régit à la fois les rapports entre les banques et l'emprunteur et les rapports des banques
entre elles, en conférant à l'une d'elles, « l'agent », un rôle de centralisateur des opérations. Chaque membre du pool ou du syndicat accorde ainsi
directement un prêt à l'emprunteur à concurrence d'un montant exprimé en nominal ou en pourcentage du montant global du crédit. Dans le cadre d'une
syndication indirecte ou d'une « sous-syndication », la banque prêteuse transfère tout ou partie de sa créance de participation à une ou plusieurs
autres banques. Soit la banque cédante est elle-même signataire d'une convention de crédit syndiqué : cette cession constituant une sous-syndication (cette
hypothèse correspond à une évolution des membres du pool). Soit la banque cédante (l'arrangeur) a signé seule la convention de crédit initiale, en dehors de
toute syndication, et va ensuite transférer à plusieurs banques le risque de crédit : il s'agit alors d'une syndication indirecte ou différée.

b) Modalités de constitution et de fonctionnement de la syndication

110. – Effet obligatoire –


La mise en place d'une syndication directe, ne requiert pas de cession de créances dans la mesure où les banques membres du pool sont toutes, ab initio, co-
titulaires d'une créance de remboursement à hauteur de la fraction du crédit global qu'elles prennent à leur charge. Cette créance mise en commun est
directement née dans le patrimoine des banques. Ainsi, les relations de l'emprunteur avec les membres du pool reposeront sur le mécanisme de l'effet obligatoire
et non sur le mécanisme d'opposabilité qui s'applique dans la syndication indirecte (en raison des cessions de créances).

111. – Mécanisme de la cession de créance –


Une syndication indirecte ou une sous-syndication repose au contraire sur le principe soit du transfert de la participation du banquier chef de file, qui a
contracté seul avec l'emprunteur, au bénéfice d'une pluralité d'établissements de crédit, soit du transfert de la participation d'un ou plusieurs membres
du pool à un autre établissement de crédit dans le cadre d'une sous-syndication ou « syndication de second degré ». Le transfert s'opère alors par le biais
de la cession de créance. Rien ne semble ainsi s'opposer au recours à la cession Dailly : « l'utilisation du bordereau Dailly pour la transmission d'une créance au
sein d'un syndicat bancaire peut être valablement effectuée si le cessionnaire est un établissement de crédit » (E. Bouretz, Crédits syndiqués, Transfert et
partage du risque entre banques, préc., n° 358, p. 158. – Contra : J. Bertran de Balanda, Crédits consortiaux : quelles règles du jeu ?, art. préc., n° 27, note 18,
p. 575. – J. Bertran de Balanda, Crédits syndiqués et sûretés : Banque et droit, art. préc., p. 4). Il reste en tout état de cause possible de recourir à la cession de
créance de droit commun, l'opposabilité de cette cession imposant toutefois le respect des formalités de l'article 1690 du Code civil.
112. – Syndication et sûretés –
En pratique, les prêteurs du pool bancaire ne prennent pas les sûretés en leur nom propre. Généralement chacune des sûretés vient en garantie de la globalité
des sommes dues par l'emprunteur au titre des prêts. Les membres du pool confient alors un mandat au « chef de file » pour constituer des sûretés au nom et
pour le compte de l'ensemble des membres du pool bancaire. Le chef de file prend alors la qualité d’« agent des sûretés ». « Chaque inscription, constitution,
bordereau ou acte constatant une sûreté devra préciser que l'agent bénéficie de la sûreté en sa qualité d'agent des sûretés pour compte commun des membres
du syndicat. Les contrats pourront stipuler ainsi une clause selon laquelle les banques donnent irrévocablement mandat à l'agent des sûretés afin de les
représenter pour tous les actes, notifications et formalités concernant leurs relations avec l'emprunteur » (E. Bouretz, Crédits syndiqués, Transfert et partage du
risque entre banques, préc., n° 545, p. 240).

L'article 2328-1 du Code civil dispose que “toute sûreté réelle peut être constituée, inscrite, gérée et réalisée pour le compte des créanciers de l'obligation
garantie par une personne qu'ils désignent à cette fin dans l'acte qui constate cette obligation” .

B. - Les garanties de l'endettement

1° Problématiques soulevées

113. – Principe –
L'article L. 225-216, alinéa 1er du Code de commerce dispose qu'une société ne peut avancer des fonds, accorder des prêts ou consentir une sûreté en
vue de la souscription ou de l'achat de ses propres actions par un tiers. Le non-respect de cette disposition est sanctionné pénalement pour les
mandataires sociaux concernés en vertu de l'article L. 242-24 du Code de commerce et par ailleurs susceptible d'entraîner la nullité des engagements pris sur le
fondement de l'article L. 235-1 du Code de commerce. Ce texte interdit-il la mise en place de toute sûreté sur les actifs d'un groupe de sociétés acquis en
garantie des financements mis en place dans le cadre d'opérations de LBO ? Pour répondre à cette question, il convient de confronter les termes de l'article
L. 225-216 du Code de commerce à la double problématique de la définition des sûretés et de l'étendue des actifs susceptibles d'être affectés en garantie du
remboursement de la dette d'acquisition.

En revanche, dans le cas usuel où la société cible est bénéficiaire d’un prêt de refinancement afin de rembourser un financement existant, le prêteur se verra
consentir des sûretés sur les actifs de la cible.

a) Définition des sûretés

114. – Conception restrictive –


Si l'on retient l'interprétation restrictive de la notion de sûreté proposée par certains auteurs, notamment par référence à la définition des sûretés ressortant du
livre IV du Code civil, on pourrait alors limiter la portée de l'article L. 225-216 du Code de commerce à ces seules sûretés et exclure ainsi de son champ
d'application les mécanismes de délégation imparfaite ou les promesses de porte-fort d'exécution (par lesquelles la société cible s'engage à ce que la holding
respecte ses engagements aux termes de la dette bancaire). L'existence d'une sanction pénale attachée à l'article L. 225-216 du Code de commerce pourrait
militer en faveur d'une telle interprétation restrictive.

115. – Tempérament –
En pratique, la prudence recommande toutefois de considérer que tout mécanisme visant à garantir directement ou indirectement le remboursement de la dette
d'acquisition (notamment la délégation imparfaite, la promesse de porte-fort ou les stipulations de solidarité) risque d'être sanctionné par cet article. Il faut noter
qu’au vu de l’évolution de la réglementation européenne cette interdiction est susceptible d’évoluer dans le sens d’un assouplissement (ce qui a été le cas dans
certaines législations de pays de l’Union européenne).

b) Délimitation des actifs affectés en garantie

116. – Notion d'actifs –


Comme indiqué ci-dessus (V. n° 113 ), est interdite la constitution de sûretés par la cible sur des biens qui lui appartiennent en vue de l'acquisition de ses titres
par la holding. Cette interdiction concerne, par principe, tous les actifs de la cible sans exception dès lors que la sûreté est constituée par elle en vue de son
acquisition. La notion d'actifs de la cible est assez aisée à définir. L'article L. 225-216 du Code de commerce, n'opérant aucune distinction, tous les actifs
de la cible sans exception doivent être considérés comme couverts.

117. – Actifs de la holding –


Il est clair en revanche que ne tombent sous le coup de la prohibition de l'article L. 225-216 du Code de commerce ni le nantissement par la holding d'acquisition
des titres de la société cible détenus par elle, ni l'affectation par la holding en garantie de la dette d'acquisition, des distributions, notamment de dividendes, en
provenance de la cible. De telles sûretés sont en effet consenties par la société holding et non par la cible et ne portent pas sur les actifs de cette dernière. Cette
lecture de l'article L. 225-216 du Code de commerce a été confirmée par la Cour de cassation (Cass.com., 15 nov. 1994, n° 92-19.302 : JurisData n° 1994-
002134 ; Bull civ. IV, n° 341 ; JCP E 1995, II Jurispr p 67 n° 673. – Cass.com., 19 déc. 2000, n° 97-11.502). L'interrogation porte donc essentiellement sur la
validité de certains mécanismes développés par la pratique visant, d'une part, à appréhender les actifs des filiales de la cible ou à ne constituer les sûretés que
postérieurement à la réalisation de l'opération d'acquisition et, d'autre part, à faire remonter les actifs au niveau de la holding, ceux-ci cessant de ce fait d'être des
actifs de la société cible.

118. – Calendrier de mise en place des sûretés et recours aux actifs des filiales –
L'interprétation restrictive de l'article L. 225-216 du Code de commerce conduit à s'interroger sur la faculté de constituer des sûretés sur les actifs de la cible
postérieurement à la mise en place du financement (la sûreté ne serait ainsi pas constituée en vue de l'acquisition de la cible, au sens de l'article L. 225-216 du
Code de commerce). Elle impose également de discuter la faculté d'affecter en garantie d'une dette d'acquisition non pas les actifs de la société acquise mais
ceux de ses propres filiales. La prudence semble imposer de ne pas se contenter du critère de postériorité pour valider la mise en place des sûretés par la
cible, une telle mise en place supposant, en tout état de cause, un accord de la cible préalable à l'acquisition (un engagement de porte-fort d'exécution de la
holding à ce que la société cible consente aux prêteurs des sûretés sur ses actifs postérieurement à l'acquisition).

119. – Filiales de la cible –


S'agissant de la faculté d'affecter en garantie d'une dette d'acquisition non pas les actifs de la société acquise mais ceux de ses propres filiales, les termes de
l'article L. 225-216 du Code de commerce ne l'excluent pas expressément et certains praticiens ont pu y recourir. La question de la violation de l'esprit de l'article
L. 225-216 du Code de commerce ne peut toutefois pas être écartée.

120. – Risque d'abus des biens sociaux – Atteinte à l’intérêt social –


Quels que soient les mécanismes imaginés pour écarter l'application de l'article L. 225-216 du Code de commerce, une autre limite importante s'impose : celle de
l'abus de biens sociaux (C. com., art. L. 242-6-3°) qui encadre strictement les possibilités pour les dirigeants de la cible et de ses filiales d'utiliser des actifs de
ces sociétés pour rembourser la dette de la holding (pour la portée de la notion d'abus de biens sociaux dans un groupe de sociétés, on se référera à l'arrêt de
principe : Cass.crim., 4 févr. 1985, n° 84-91.581 P. Rosenblum : JurisData n° 1985-000537. – Et pour une application à une opération de rachat : Cass.crim.,
24 juin 1991, n° 90-86.584). La mise en place de telles sûretés doit donc être considérée avec prudence dès que cette opération peut porter atteinte à l’intérêt
social de la société octroyant la sûreté.

121. – Remontée des actifs de la cible à la holding et affectation en garantie par cette dernière –
La jurisprudence a validé la possibilité d'affecter au profit des prêteurs les distributions faites par la cible à la holding d'acquisition. Comme indiqué,
dans une lecture stricte, une fois les actifs de la cible valablement appréhendés par la holding – ils deviennent de ce fait des actifs de cette dernière – et les
sûretés constituées non pas par la cible mais par la holding, l'article L. 225-216 du Code de commerce ne trouverait plus à s'appliquer. Partant de ce constat, la
pratique a développé le mécanisme dit de « debt push down » qui permet, par la souscription d'un emprunt par la cible ou ses filiales, de financer des
distributions de dividendes (voire des distributions exceptionnelles de primes et réserves, ou l'amortissement du capital) vers la holding. Dans ce cadre, les
banques peuvent par ailleurs prendre directement des garanties sur les actifs de ces sociétés, sans violation de l'article L. 225-216 du Code de commerce. Ce
mécanisme est aujourd'hui assez largement utilisé par la pratique mais il convient à tout le moins de veiller à ce que l'emprunt contracté par la cible ou ses
filiales n'excède pas la capacité de remboursement normal de celles-ci et que les sûretés constituées par ces sociétés ne garantissent que les prêts
souscrits par elles et en aucun cas les prêts ayant servi à l'acquisition des titres de la cible. De façon plus générale, de telles pratiques peuvent être
critiquées sur le fondement d'un abus de majorité (notamment si des associés minoritaires restent présent au capital de la société cible, hypothèse qui reste l’
exception) ; si les distributions s'avèrent excessives au regard de la capacité financière de la cible, elles seront également susceptibles d'être qualifiées de fautes
de gestion en cas d'ouverture d'une procédure collective.

122. – Fusion rapide –


La fusion de la holding et de la cible est généralement considérée comme une alternative au mécanisme de debt push down. Les actifs de la société
cible deviennent la propriété de la holding, qui peut ensuite les affecter au remboursement de la dette d'acquisition. Ce mécanisme soulève toutefois des
problématiques fiscales (V. n° 67 ) et financières (V. J.-P. Bertrel, Acquisition de contrôle et vampirisme financier : Dr. & patr. 1993, n° 1, p. 52) spécifiques. La
jurisprudence a par ailleurs estimé qu'une telle fusion pouvait constituer dans certaines circonstances un abus de bien sociaux et un abus de pouvoir (V. Cass.
crim., 10 juill. 1995, n° 94-82.665 : JurisData n° 1995-002400 ; Bull. crim. n° 253, p.703 ; JCP E1996, II, n° 780).

123. – Cession Dailly –


Lorsque, concomitamment à la réalisation de l'opération de LBO, la holding d'acquisition consent un prêt ou un autre crédit d'exploitation à la société cible, la
holding peut transférer à ses propres prêteurs, sous la forme d'une cession Dailly à titre de garantie de la dette d'acquisition, la créance de remboursement de ce
prêt ou crédit d'exploitation. Dans ce cadre, il est intéressant de noter que les sûretés consenties à la holding par la société cible, sur ses actifs, en garantie de ce
crédit seront transmises à titre d'accessoire au prêteur bénéficiaire de la cession Dailly. L'utilisation de la cession Dailly est toutefois souvent limitée à la seule
dette senior dans la mesure où les « mezzaneurs » ou les prêteurs « unitranche » n'ont généralement pas le statut d'établissement de crédit exigé pour en
bénéficier. Pour pallier cette impossibilité, les prêteurs n'ayant pas le statut d'établissement de crédit ont parfois eu recours à la cession de créances de droit
commun, telle que prévue par les articles 1690 et suivants du Code civil, à titre de garantie. Toutefois, la Cour de cassation a invalidé ce mécanisme et l'a
requalifié en simple nantissement de créances. En effet, la cession de créances de droit commun à titre de garantie n'est prévue par aucun texte. Le régime de
la fiducie prévue par lesarticles 2011 et suivants du Code civiloffre une alternative intéressante puisqu'il permet expressément de céder à titre de
garantie toute sorte de biens, et notamment des créances.

2° Typologie des garanties

124. – Extension des sûretés –


Les garanties prises par les prêteurs sont variées. Aux côtés des sûretés traditionnelles que constituent le nantissement de compte-titres et de titres financiers
(portant sur les actions de la cible détenues par la holding) et la délégation de créance (créances pouvant naître de la convention de garantie de passif mais
également des indemnités de la police d'assurance « hommes-clés » ou de l’avance en compte courant de la holding d’acquisition à la société cible), il est aussi
possible de recourir à la constitution de la fiducie de droit commun, au nantissement de créances, au gage de meubles corporels sans dépossession et
au nantissement de meubles incorporels même si en pratique ils apparaissent peu usités.

a) Nantissement de compte-titres et de titres financiers

125. – Régime –
Le principal élément d'actif affecté au remboursement de la dette d'acquisition étant les titres de la cible, l'une des sûretés les plus utilisées dans le cadre des
LBO consiste dans le nantissement de compte-titres et de titres financiers prévu à l'article L. 211-20 du Code monétaire et financier. Ce nantissement est
efficacement constitué par une déclaration de gage adressée au teneur de comptes. Le nantissement portant sur le compte lui-même, tous les biens qui y
entrent, sont de plein droit compris dans l'assiette du nantissement : en effet l'article L. 211-20, I du Code monétaire et financier dispose que figurent notamment
dans le compte nanti “les titres financiers et les sommes en toute monnaie postérieurement inscrits au crédit de ce compte, en garantie de la créance initiale du
créancier nanti” .

Ces titres financiers ou autres valeurs font ainsi partie de l'assiette du nantissement et sont « considérés comme ayant été remis à la date de déclaration de gage
initiale ». Cela évite notamment au créancier le risque de voir une partie de son nantissement annulée sur le fondement de l'article L. 632-1-I-6° du Code de
commerce, au motif qu'il aurait été constitué en période suspecte pour garantir une dette antérieurement contractée.

En outre, et bien que cela soit contesté par certains en raison de l'indivisibilité du droit de rétention, il semble possible de donner en nantissement les mêmes
instruments financiers successivement à plusieurs créanciers (V. Ph. Malaurie et L. Aynès, Droit civil, Les sûretés, La publicité foncière, par L. Aynès et P. Crocq :
Defrénois, 9e éd., 2015, n° 538. – A. Couret et H. Le Nabasque (ss dir.), Droit financier : Précis Dalloz, 2e éd., 2012, n° 1198. – D. Legeais, Sûretés et garanties
du Crédit : LGDJ, 6e éd., 2008, n° 525. – G. Ferreira, Le nantissement de second rang : JCP E2005, 80. – G. Ansaloni, Sur le nantissement de second rang de
compte d'instruments financiers : RD bancaire et fin.2008, étude14. – S. Praicheux et D. Robine, Nantissement de compte d'instruments financiers : Dict. Joly
Bourse, spéc. n° 110). Le procédé d'entiercement par l'intermédiaire du teneur de compte permet en effet de constituer des nantissements de rang subséquents
sur les mêmes titres, ces nantissements étant classés par l'ordre des dates des déclarations de gage ou, en cas d'identité de date (ce qui est généralement le cas
en pratique compte tenu de la simultanéité qui a cours lors de la mise en place des financements) selon l'ordre de rang convenu entre les parties. L'argument
selon lequel l'indivisibilité du droit de rétention rendrait impossible la constitution de nantissements successifs ne nous semble pas pertinent. L'absence de
dépossession réelle suffit – à l'instar des nantissements des meubles incorporels – à justifier la constitution de nantissements de rangs successifs qui
fonctionnent alors de manière similaire aux rangs prévus pour les hypothèques. Cette analyse semble confortée par le régime du gage de meubles corporels
sans dépossession et du nantissement de meubles incorporels qui visent expressément la possibilité de constitution de rangs successifs. Néanmoins, il peut être
opportun que la convention de nantissement prévoit la possibilité ou non de procéder à un nantissement de second rang et de prévoir les modalités de mise en
œuvre du nantissement de second rang.

126. – Efficacité relative –


Bien que constituant la sûreté principale dans les opérations de LBO, il est intéressant de noter que cette sûreté, comme toute autre sûreté d'ailleurs, n'a de
valeur que celle de son sous-jacent. Or, lorsqu'il s'avérera nécessaire de mettre en œuvre la sûreté (situation obérée de la société), les titres nantis seront
généralement, eux-mêmes, fortement dépréciés en raison de cette situation. Les prêteurs se contentent donc rarement de ce seul nantissement et recherchent
des garanties additionnelles.

b) Le recours à la fiducie

127. – Régime –
Les prêteurs pourront bénéficier du régime de fiducie, et plus particulièrement de celui de fiducie-sûreté prévu par l’article 2011 du Code civil qui définit la
fiducie comme “l'opération par laquelle un ou plusieurs constituants transfèrent des biens, des droits ou des sûretés, ou un ensemble de biens, de droits ou de
sûretés, présents ou futurs, à un ou plusieurs fiduciaires qui, les tenant séparés de leur patrimoine propre, agissent dans un but déterminé au profit d'un ou
plusieurs bénéficiaires”. Le transfert de biens ou droits à un fiduciaire à titre de sûretés d'un créancier est donc à présent expressément prévu par les textes
même si on peut noter qu’il est peu utilisé en pratique.

c) Nantissement de créances

128. – Régime –
En alternative à la cession Dailly et à la fiducie décrite ci-dessus, les prêteurs auront aussi la possibilité de se voir affecter en garantie les flux de créances,
présents ou futurs, de la holding sur la société cible, en utilisant le nantissement de créances prévu par les articles 2355 et suivants du Code civil.
L'article 2356, alinéa 3 du Code civil dispose que l'acte écrit, qui constitue la condition de validité du nantissement, “doit permettre l'individualisation [des créances
futures nanties] ou contenir des éléments permettant celle-ci, tels que l'indication du débiteur, le lieu du paiement, le montant des créances ou leur évaluation, et
s'il y a lieu leur échéance”. L'article 2363 du Code civil dispose que si le créancier nanti notifie son nantissement au débiteur de la créance nantie, “seul le
créancier nanti reçoit valablement paiement de la créance donnée en nantissement tant en capital qu'en intérêts” .

129. – Articulation entre créances nanties et créances garanties –


Compte tenu du nouveau régime institué par les articles 2355 à 2366 du Code civil, si la créance nantie (par exemple, dans une opération de LBO, la créance de
la holding sur la cible résultant d'une convention d'assistance, d’avance en compte courant ou encore des flux de dividendes à venir) est échue avant la créance
garantie (la dette d'acquisition), le prêteur (le créancier nanti) pourra, dès l'échéance de la créance nantie, et sans attendre l'échéance de la créance garantie,
valablement recevoir paiement de la créance nantie et conserver ces sommes à titre de gage-espèces (sur un compte ouvert à cette fin auprès d'un
établissement habilité). En cas de défaillance de l'emprunteur et 8 jours après une mise en demeure restée sans effet, le prêteur peut ensuite, a priori sans autres
formalités, affecter les fonds au remboursement de sa créance impayée. À l'inverse, si tout ou partie de la dette d'acquisition vient à échéance avant (mais
toujours pour autant que le prêteur ait notifié son nantissement), le prêteur pourra, à l'échéance de la créance nantie, exiger le paiement direct de la part du
débiteur nanti et devrait pouvoir les affecter à l'extinction de la dette de financement par voie de compensation, directement et sans intervention judiciaire ou
autres formalités spécifiques.

d) Gage de meubles corporels sans dépossession – nantissement de meubles incorporels

130. – Principe –
Dans certaines hypothèses, notamment lorsqu'est mis en place un mécanisme de debt push down, les prêteurs bénéficieront de garanties sur les actifs de la
cible et/ou de ses filiales. Les parties pourront alors avoir recours au régime du gage de meubles corporels, qui permet la constitution efficace de ce type de
sûreté sans procéder obligatoirement à la dépossession corrélative du constituant (le gage avec dépossession demeurant toutefois toujours possible aux termes
de l'article 2337 du Code civil). Cette absence de dépossession permettra notamment de ne pas gêner, voire paralyser, l'activité de l'emprunteur (en l'occurrence
la cible ou les filiales) et donc d'augmenter substantiellement l'assiette des biens gagés au profit des prêteurs. En effet, l'article 2337 du Code civil dispose
expressément que “le gage est opposable aux tiers par la publicité qui en est faite” et consacre ainsi pleinement, pour cette sûreté, un principe de gage sans
dépossession (ou la consécration d'une possession purement juridique distincte de la possession réelle) (V. sur cette question, F. Danos, Propriété, possession
et opposabilité : Economica, 2007, n° 319).

131. – Publicité –
La publicité prévue par les textes prend la forme d'une inscription sur un registre spécial tenu par le greffe du tribunal de commerce et ayant pour effet de rendre
le gage opposable à tous (C. civ., art. 2338) selon les modalités prévues par décret. L'article 2340 du Code civil dispose, quant à lui, qu'en cas de conflit entre
plusieurs gages successifs sans dépossession, le rang est établi par la date de la publicité de chaque gage et l'ordre de leur inscription. Le registre spécial sur
lequel est effectuée l'inscription est tenu par le greffier du tribunal de commerce dans le ressort duquel le constituant est immatriculé ou, s'il n'est pas soumis à
l'obligation d'immatriculation, dans le ressort duquel est situé, selon le cas, son siège ou son domicile.

132. – Portée de la disposition –


Cette possession juridique « dématérialisée » du droit de gage constituera probablement, à l'avenir, une alternative intéressante à la mise en possession réelle.
En effet, l'article 2337, alinéa 3 du Code civil dispose que le gage régulièrement publié sera opposable aux ayants cause à titre particulier du constituant, qui ne
pourront se prévaloir de l'article 2276 du Code civil pour un droit qu'ils auraient acquis postérieurement à cette publication, même lorsque ces derniers sont en
possession réelle du bien gagé. Le créancier gagiste sans dépossession se voit désormais reconnaître un droit de rétention sur le bien objet de sa sûreté (C. civ.,
art. 2286). L'efficacité de cette sûreté sera ainsi renforcée en cas de procédure collective du débiteur.

133. – Sûreté efficace –


Il apparaît donc que le gage de meubles corporels offre aux prêteurs une sûreté efficace sans pour autant entraver l'activité du constituant, qui reste en
possession de ses biens d'exploitation (il faut aussi signaler que le gage de stocks est prévu par les articles L. 527-1 et suivants du Code de commerce, les
parties pouvant aussi mettre en gage leurs stocks par l'intermédiaire du gage de choses fongibles prévu par le Code civil, ces deux types de gage fonctionnant
tous deux par le biais d'une publicité substantielle).

En outre, la constitution de gages successifs est à présent expressément prévue puisque l'article 2340 du Code civil dispose que le même meuble peut faire
l'objet de gages successifs sans dépossession, le rang des créanciers dépendant de l'ordre de leur inscription. Enfin, par renvoi de l'article 2355 du Code civil et
sauf dispositions spéciales, le régime du gage de meubles corporels s'étend au nantissement de meubles incorporels autres que les créances.

134. – Attribution extra-judiciaire –


L'efficacité du gage de meubles corporels, du nantissement de meubles incorporels et du nantissement de créances est notablement renforcée par la
possibilité offerte au créancier d'une attribution extra-judiciaire de l'actif affecté en sûreté (stipulation par les parties d'un pacte commissoire) – On relèvera
toutefois que l'article 2348, alinéa 2 du Code civil, qui ne s'applique pas aux nantissements de créances, impose l'intervention d'un expert évaluant le bien au jour
de son transfert – et le fait qu'en tout état de cause (c'est-à-dire même en l'absence d'un tel pacte commissoire), il pourra bénéficier d'une attribution judiciaire à
son profit des biens objets de toutes ces sûretés.

e) Le recours à la délégation imparfaite

135. – Mécanisme –
Enfin, les prêteurs auront fréquemment recours à des délégations imparfaites, prévues par l'article 1336 du Code civil, afin de garantir le remboursement de leur
créance. Ces délégations de paiement portent sur des créances que pourrait détenir la holding au titre soit de ses polices d'assurances, en particulier l'assurance
« hommes-clés », soit au titre d'une mise en œuvre de la garantie d'actif et de passif consentie par le ou les vendeurs de la cible. Dans ces hypothèses, le
débiteur délégué – la compagnie d'assurance ou les vendeurs de la cible – s'engage directement envers les prêteurs à acquitter sa dette entre les mains de ces
derniers, ce paiement venant garantir le remboursement de la créance des prêteurs.

III. - Acquisition de la cible et relations entre les associes

A. - Modalités d'acquisition

136. – Introduction –
Le but de l'opération de LBO est l'acquisition de la cible. De ce point de vue, le LBO obéit aux règles habituelles de toute acquisition d'entreprise, qui requiert
la conclusion d'un accord entre vendeur et acquéreur sur la chose vendue (les titres), ses qualités intrinsèques (en l'occurrence les éléments d’actif et de passif
de la cible) et son prix. La pluralité d'investisseurs (l'équipe dirigeante et les investisseurs financiers) au niveau de la holding d'acquisition nécessite également la
mise en place de règles afin de régir les relations entre les associés relatives, en particulier, à la gouvernance du nouveau groupe et aux transferts des titres
émis par la holding.

137. – Documentation juridique –


La formalisation de l'acquisition des titres répond pour l'essentiel aux mêmes exigences que celles de toute opération d'acquisition de droits sociaux (V. JCl.
Sociétés Traité, fasc. 165-20) : conclusion d'un protocole d'acquisition actant l'accord (généralement sous conditions) des parties sur l’opération jusqu’au
transfert de propriété des titres formalisé par, dans le cas où la société est une société par actions, l'inscription de ce transfert dans le registre de mouvements de
titres et les comptes individuels d'actionnaires de la cible (C. com., art. L. 228-1, al. 9). Afin de respecter la réglementation relative à la consultation du comité
social et économique et/ou à l’information des salariés de la cible, le protocole d’acquisition sera généralement précédé par la conclusion d’une promesse d’achat
(put option) (V. n° 15 ).

1° Information des salariés – Consultation du CSE


138. – Avant la signature du protocole ou de tout autre accord engageant les vendeurs sur le transfert des titres de la cible, les parties veilleront à ce que toutes
les obligations en termes d’information préalable des salariés (loi « Hamon ») ou, selon le cas, d’information/consultation du comité social et économique
(anciennement comité d’entreprise) soient dûment réalisées.

139. – Information des salariés de la cible –


Conformément aux dispositions des articles L. 23-10-1 et suivants du Code de commerce, dans l’hypothèse où un vendeur détiendrait plus de 50 % du capital
social ou des droits de vote de la société cible et envisagerait le transfert de cette participation, les salariés doivent être informés de cette volonté de céder et de
la faculté qu’ils ont de présenter une offre, avant la signature du contrat de vente.

Cette information devra être transmise :

si la société n’est pas tenue d’avoir un comité social et économique, au moins 2 mois avant la date de conclusion du contrat de vente (sauf si chaque
salarié a fait connaître au cédant sa décision de ne pas présenter d’offre avant l’expiration de ce délai) ; ou

si la société est tenue d’avoir un comité social et économique, au plus tard en même temps que celle faite au comité en application de l’article L. 2312-8
du Code de travail, la vente pouvant alors être réalisée au terme de la procédure d’information et consultation du comité.

En cas de non-respect de l’obligation d’information des salariés, en dehors de l’octroi de dommages-intérêts, une amende civile (dont le montant maximum est de
2 % du montant de la vente) peut être prononcée contre le débiteur de l’obligation (à savoir le cédant ou le représentant légal de la cible).

140. – Consultation du comité social et économique –


Pour les groupes comprenant une société tenue d’avoir un comité social et économique, la consultation dudit comité sur l'opération de cession et ses
répercussions éventuelles sur l'emploi devra avoir été réalisée avant la signature du protocole d'acquisition. Le délai imparti audit comité pour rendre son avis est
fixé par accord d’entreprise (ou dans les entreprises dépourvues de délégué syndical, par accord entre l’employeur et le comité adopté à la majorité des membres
titulaires de la délégation du personnel du comité). À défaut d’accord, ce délai est, conformément à l’article L. 2312-16 du Code du travail, d’un mois à compter de
la communication par l’employeur des informations prévues par ce code pour la consultation. Ce délai peut être porté à 2 mois en cas d’intervention d’un expert et
à 3 mois en cas d’intervention d’une ou plusieurs expertises dans le cadre d’une consultation s’effectuant à la fois au niveau du comité central et d’un ou plusieurs
comités d’établissement (C. trav., art. R. 2312-6).

Afin d’éviter la constitution d’un délit d’entrave et le risque de voir l’opération suspendue, les parties attendront que le comité se prononce et donne un avis
(négatif ou positif) sur l’opération avant de conclure le protocole d’acquisition.

2° 2°Protocole d’acquisition

141. – Parties en présence –


Le contrat d'acquisition est conclu entre le ou les vendeurs, d'une part, et l'acquéreur, en l'espèce la holding d'acquisition, d'autre part. Dans une opération de
LBO, il n'est toutefois pas rare que figurent également, parmi les vendeurs, les cadres dirigeants de la cible qui deviendront par ailleurs aussi actionnaires de la
holding d'acquisition et donc indirectement co-acquéreurs de la cible. Cette double caractéristique est susceptible de générer des situations de conflits d'intérêts
(les dirigeants étant à la fois vendeurs et indirectement acquéreurs) dont il convient de tenir compte lors de la rédaction du protocole d'acquisition. Cela concerne
plus particulièrement les garanties d'actif et de passif ou déclarations de garantie qui sont usuellement consenties par les vendeurs à l’acquéreur (V. n° 150 ).

142. – Date de signature du protocole d'acquisition et transfert de propriété –


Une autre particularité du protocole d'acquisition est liée à la chronologie de la mise en place du LBO. La capitalisation de la holding d'acquisition et le déblocage
du financement sont étroitement liés à la réalisation de l'acquisition. Au moment de la conclusion du protocole d'acquisition, la holding d'acquisition n’est pas
encore capitalisée (pour des raisons liées essentiellement à un souci d'optimisation de leur retour sur investissement, mais également, par nécessité de gestion
de leurs contraintes envers leurs propres porteurs de parts, les fonds d'investissement ne capitalisent, par exemple, la holding qu'au jour ou la veille de la
réalisation définitive de l'acquisition).

Le protocole peut être conclu, du côté acquéreur, par les futurs actionnaires de la holding ou, à tout le moins, par le principal actionnaire de celle-ci, au nom et
pour le compte de la société en formation ou directement en son nom mais avec faculté de substitution au profit de la holding, dès l'immatriculation de celle-
ci. Lorsque la holding d'acquisition est déjà immatriculée, mais non encore capitalisée, la prudence impose par ailleurs au vendeur, de prévoir (i) l'intervention de
l'actionnaire de référence de la holding au protocole d’acquisition en qualité de garant de cette dernière, (garantie du respect de son engagement d'acquérir les
titres de la cible) ou (ii) la remise d’engagement de financement de la part des investisseurs (en anglais commitment letter).

Les vendeurs pourront également exiger soit des lettres de confort de la part des banques, soit des engagements en termes de financement.

143. – Autres spécificités du calendrier –


De façon plus générale, la complexité de l'opération de LBO, qui allie financement en fonds propres d'une holding d'acquisition, mise en place de financements et
réalisation de conditions suspensives avant la réalisation de l’acquisition, implique que la négociation et la conclusion du protocole d'acquisition s'inscrive dans un
calendrier spécifique.

Les termes du protocole d'acquisition sont négociés, et ce protocole est signé, alors même que les contrats de financement du LBO ne sont généralement pas
encore signés. En effet, la finalisation des prêts bancaires et des financements complémentaires génère des frais (commissions de montage, honoraires de
conseil, etc.) que les parties sont réticentes à engager tant que l’engagement de l'acquisition n'est pas conclu.
144. – Mécanisme de fixation du prix de cession –
Le prix de cession des titres sera généralement fixe (mécanisme dit de locked box ) afin notamment de permettre aux vendeurs fonds d’investissement de
distribuer à leurs investisseurs le prix de cession dès son encaissement, de sécuriser le financement du prix d’acquisition et d’éviter des ajustements complexes
dans le cadre des apports des managers. Dans ce cas, l’acquéreur se verra consentir de la part des vendeurs des déclarations et engagements pour s’assurer
que, depuis les comptes de référence (comptes ayant servi à fixer le prix), la cible a été gérée conformément aux pratiques antérieures (absence d’opérations
exceptionnelles) et que les vendeurs n’ont bénéficié d’aucun transfert de valeurs (en anglais, clause de leakage). Le protocole d’acquisition peut parfois prévoir
une clause d’ajustement de prix sur la base des comptes arrêtés à la date de réalisation du transfert (en anglais closing accounts adjustment ). Ce
mécanisme est rarement utilisé du fait des inconvénients liés à l’incertitude pour le vendeur de recevoir le prix de cession envisagé et des complexités liées à l’
ajustement en lui-même (procédure de détermination du prix, contestation, ajustement lié aux apports).

145. – Conditions suspensives –


Parmi les conditions de réalisation de l'opération figurent pour l'essentiel celles nécessaires aux exigences juridiques de l'acquisition, celles spécifiques à la mise
en place du financement et celles relatives à la situation financière de la cible.

146. – Conditions suspensives liées aux exigences juridiques de l'acquisition –


Ce sont notamment celles relatives au contrôle des concentrations (V. n° 22 à 43 ), au contrôle des investissements étrangers (V. n° 44 à 60 ), ou à l'obtention
d'autorisations préalables spécifiques de tiers (activités réglementées) ou d'organes des parties concernées (selon le cas, conseil d'administration ou assemblées
d'associés d'un vendeur personne morale, comité d'investissement d'un fonds d'investissement, organe de la cible devant agréer le cessionnaire en qualité de
nouvel associé…).

D'autres conditions suspensives, qui relèvent davantage de la volonté des parties sont fréquemment à prévoir (par exemple, cession préalable d’activité ou de
filiale).

147. – Conditions relatives à la mise en place du financement –


Ces conditions constituent une limite essentielle à l'engagement de l'acquéreur. En effet, l'acquisition ne peut être réalisée exclusivement sur fonds propres, sous
peine de faire perdre à l'opération de LBO le levier financier qui le caractérise (sauf à ce que le financement soit mis en place après l’acquisition).

Le protocole d'acquisition doit donc prévoir, à titre de conditions (i) la finalisation des contrats de prêts et autres financements et, (ii) compte tenu des conditions
suspensives que ces contrats de financement contiennent eux-mêmes, la mise à disposition effective des fonds, sans laquelle l'acquisition ne pourrait être
réalisée, ces opérations étant considérées en pratique comme réalisées concomitamment.

148. – Conditions liées à la santé financière et l'activité de la cible –


Le protocole d'acquisition prévoit souvent à titre de conditions ou de déclarations le respect de règles de gestion prudentielles, l’interdiction de transfert de valeur
ou de paiement au profit, directement ou indirectement, des vendeurs (en anglais leakage) et l’interdiction relative à la réalisation d’opérations qualifiées d’
importantes pendant la période intercalaire qui sépare la date de signature du contrat d'acquisition de celle de la réalisation de l'acquisition, ou encore l'obtention
d'accords de co-contractants significatifs de la cible bénéficiant de facultés de résiliation des accords les liant à la cible en cas de changement de contrôle de
cette dernière. Des conditions relatives à des niveaux de trésorerie ou atteinte d’autres agrégats financiers peuvent également être stipulées.

149. – Autres conditions suspensives –


Les conditions suspensives relatives au contexte économique dans lequel évolue la cible méritent également d'être mentionnées. Fréquemment, l’acquéreur
soumet son engagement d'acquérir la cible à la condition suspensive de l'absence de survenance d'un événement significativement défavorable, même
étranger à la cible. Pour autant que cet événement ait un impact négatif et significatif sur l'activité ou les perspectives d'avenir de la cible, l'acquéreur sera dégagé
de son engagement envers le vendeur. Ces clauses dites MAC clauses (MAC pour material adverse change) sont très fréquentes dans les opérations de LBO,
l'acquéreur se voyant lui-même souvent imposer de telles clauses aux termes des contrats de financements (V. n° 67 ).

3° Garanties d'actif et de passif – Déclarations et garanties

150. – Objet –
L'objet des garanties dites d'actif et de passif (qui ne se limite généralement pas à une simple garantie sur les comptes) est de faire supporter aux vendeurs, dans
certaines limites conventionnellement convenues (durée, plafond, seuil, franchise, de minimis et exclusion sur les éléments révélés lors des audits ou dans les
annexes du contrat de cession), les risques liés à l'exploitation passée de la cible et d'assurer à l'acquéreur que les informations qui lui ont été fournies sur la
cible et son activité pendant ses audits pré-acquisition ont été complètes et sincères. Ces garanties figurent dans le protocole d'acquisition ou dans un acte
séparé.

151. – Nature –
En cas de mise en œuvre, la garantie d'actif et de passif donne lieu, à titre d'indemnisation ou de réduction de prix, au versement à l'acquéreur, ou directement à
la cible, de sommes correspondant à l'accroissement du passif ou à la diminution des actifs garantis ou encore, plus globalement, à un préjudice subi par
l'acquéreur ou la cible du fait d’une déclaration inexacte.

Le caractère indemnitaire est parfois discuté et les sommes perçues sont généralement qualifiées de réduction du prix de cession à des fins souvent purement
fiscales (l’indemnité, à la différence de la réduction de prix, n’est pas assujettie à l’impôt sur les sociétés). Un courant doctrinal, suivi par certaines décisions
jurisprudentielles, opère des distinctions entre différents types de garanties conventionnelles et distingue notamment les garanties d'actif et de passif des clauses
de révision de prix (également appelées garanties de valeur), ces types de garanties étant soumis à des régimes différents. Pour exemple, il est
traditionnellement considéré que le montant des sommes perçues au titre d'une clause de révision de prix ne pourrait excéder le montant du prix de cession
contrairement à l'indemnisation d'un préjudice qui pourrait, le cas échéant, dépasser le prix perçu au titre de la vente de la cible.
Pour une étude détaillée sur les conventions de garanties, on se reportera au fascicule 165-35.

152. – Absence de garanties –


En matière de LBO, et plus particulièrement d'opérations de LBO secondaires qui mettent en présence des fonds d'investissement à la fois du côté vendeur et du
côté acquéreur, la pratique a développé des acquisitions réalisées sans garantie d'actif et de passif où les garanties portent généralement uniquement sur la libre
propriété des titres et le périmètre du groupe cible.

Les fonds vendeurs évitent ainsi la constitution de sûretés garantissant les déclarations (séquestre ou garantie bancaire) et la gestion d'un engagement hors bilan
parfois difficilement conciliable avec leurs contraintes de liquidation et leurs objectifs de distribution envers les porteurs de parts du fonds.

Les fonds acquéreurs peuvent pour leur part mettre en valeur leur offre par rapport aux offres plus classiques d'acteurs industriels qui exigent des garanties ou,
alternativement, abaisser leur prix d'acquisition en intégrant une évaluation globale du risque pris dans la valorisation de la cible.

Par ailleurs, influencés par la pratique anglo-saxonne, certains fonds d’investissement ont pris l’habitude de mettre en place des polices d’assurances garantie de
passif afin de libérer les vendeurs de leurs obligations de garantie, étant néanmoins précisé que ces polices ont un coût et des clauses d’exclusions de
responsabilité parfois dissuasives.

B. - Relations entre associés

153. – Introduction –
Les opérations de LBO font cohabiter investisseurs financiers et dirigeants au sein de la holding d'acquisition. Ces deux parties doivent donc organiser leurs rôles
respectifs au sein du nouveau groupe et s'assurer de l'alignement de leurs intérêts quant aux objectifs à atteindre.

154. – Statuts ou pacte d'actionnaires –


L'organisation de ces pouvoirs et objectifs figure soit dans les statuts de la société soit, plus communément, dans un pacte d'actionnaires conclu entre les
investisseurs financiers et l'équipe dirigeante (directement ou par l'intermédiaire d'une holding des cadres).

L'organisation statutaire des principes de gouvernance et des règles de co-existence entre associés sera d'autant plus aisée que la holding de reprise est une
société par actions simplifiée. Ses statuts offrent en effet une grande souplesse d'organisation (V. n° 13 ).

Dans d'autres formes sociales, la stipulation d'avantages particuliers ou le recours à des actions de préférence peut également constituer le support de ces
règles. L'avantage de stipulations statutaires réside en premier lieu dans leur efficacité, le non-respect des statuts étant sanctionné par la nullité ou, selon les
cas, par l'inopposabilité des opérations litigieuses.

En revanche, les principaux inconvénients des stipulations statutaires sont l'absence de confidentialité (les statuts pouvant être obtenus par les tiers auprès du
greffe). La mise en place d'un pacte d'actionnaires est donc souvent préférée à une gestion purement statutaire.

En tout état de cause, les aspects relatifs à la composition et au fonctionnement des organes sociaux doivent être incorporés dans les statuts de façon à éviter
une incohérence entre ces derniers et le pacte d'actionnaires.

1° Gouvernance d'entreprise

155. – Répartition des rôles –


Par nature, la direction opérationnelle du groupe est généralement confiée aux dirigeants, les investisseurs financiers n'ayant pas vocation à assurer une telle
direction. Compte tenu de leur participation financière parfois très significative et de leurs obligations envers leurs propres porteurs de parts, les investisseurs
financiers ne peuvent toutefois se contenter des droits accordés à de simples actionnaires (qui n'exercent fréquemment qu'un contrôle a posteriori sur la direction
de l'entreprise).

Ils négocient donc, au moyen de la mise en place de règles de gouvernance particulières, des droits d'information et d’autorisation spécifiques dans le
groupe. Cela est d'autant plus nécessaire que souvent, la quote-part capitalistique de l'investisseur financier (et donc son poids d'actionnaire) est volontairement
limitée par la souscription d'obligations convertibles pour une partie significative de son investissement aux fins notamment de permettre un accès privilégié des
dirigeants au capital. La mise en place de droits trop extensifs peut néanmoins exposer l’investisseur financier à un risque de direction de fait susceptible
d'entraîner sa responsabilité.

156. – Composition des organes sociaux –


Les parties à l'opération de LBO doivent s'accorder sur le rôle que chacun aura à assurer dans le fonctionnement des organes sociaux. La forme dualiste (sur le
principe du directoire et conseil de surveillance d’une société anonyme) est souvent retenue pour refléter la distinction entre la fonction opérationnelle des
dirigeants, qui composent l’organe de direction, et la fonction de contrôle dévolue en principe aux investisseurs financiers, dans le cadre de l’organe de
surveillance. L'assemblée des actionnaires qui doit, dans les sociétés anonymes, désigner les membres du conseil d'administration ou du conseil de surveillance,
exercera ce choix à partir des listes qui lui seront proposées par les différents groupes d'actionnaires.

157. – Fonctionnement des organes sociaux –


Le fonctionnement des organes sociaux fait souvent l'objet d'aménagements aux fins de renforcer l'efficacité du contrôle des investisseurs financiers sur la
gestion des dirigeants opérationnels. Ainsi, la fréquence des réunions des organes de gestion peut être accrue, pendant une phase d'amorçage du LBO par
exemple. La présence du ou des membres désignés parmi les candidats proposés par l'investisseur financier peut être requise sur première convocation. Ces
derniers peuvent (à défaut de constituer une majorité au sein de l’organe de surveillance) également bénéficier de droits de veto sur certaines opérations
importantes. L'équipe dirigeante se voit aussi souvent imposer une obligation d'information périodique renforcée (reporting) permettant de mesurer l'évolution
financière et opérationnelle du groupe.

158. – Décisions importantes –


Les parties conviennent en outre, d'une liste des décisions importantes (relatives à la société holding mais également à la cible) que la direction doit
obligatoirement soumettre à l'approbation préalable de l’organe de surveillance. L'approbation de certaines de ces décisions peut, par ailleurs, requérir une
majorité qualifiée comprenant, le cas échéant, la voix du membre désigné sur proposition d’un investisseur financier.

Les parties conviendront toutefois attentivement de cette répartition des rôles au sein des organes sociaux à l’effet de permettre un contrôle étroit de certaines
décisions stratégiques par l’organe de supervision mis en place tout en évitant pour ce dernier le risque d’immixtion dans la gestion et d’encourir une
responsabilité de « dirigeant de fait ».

En effet, en l’absence d’une définition légale de la notion de « dirigeant » de SAS, la doctrine et la jurisprudence retiennent notamment que la qualité de dirigeant
d’une SAS appartient à ceux qui ont le pouvoir de représenter la société, mais également aux autres personnes qui disposent d'un pouvoir effectif de gérer
la SAS (conseil de surveillance, etc.). Il n'y a en revanche pas lieu de qualifier de dirigeant les membres d'un organe de surveillance dont le rôle est limité à des
fonctions de contrôle ou de consultation.

La cour d’appel a ainsi considéré qu’un membre du conseil de surveillance de SAS avait la qualité de dirigeant en retenant que les statuts de la société avaient
confié audit conseil de surveillance les pouvoirs du conseil d'administration et du président-directeur général d’une SA (CAParis, ch. 5-9, 20 juin 2013, n° 13
/03892). De même, la qualité de dirigeant a été retenue pour des membres d’un « comité de surveillance » dont le rôle n’était pas limité à l’examen des
orientations stratégiques de la SAS mais qui devait autoriser les opérations et engagements supérieurs à 15 000 euros, seuil modeste compte tenu des activités
de la société, démontrant ainsi un véritable pouvoir d’immixtion dans la gestion (CAParis, 23 févr. 2016, n° 14/24308 : Revue juridique de droit des affaires, juin
2016, n° 453).

La qualité de dirigeant de la SAS est donc appréciée par la jurisprudence au cas par cas, en fonction des pouvoirs détenus par les membres des organes
institués par les statuts et de leur rôle dans la société.

159. – Même s'ils figurent dans un pacte d'actionnaires, les principes ci-dessus devront souvent être repris dans les statuts de la société pour renforcer leur
efficacité et éviter des incohérences susceptibles de générer des conflits relatifs au fonctionnement des organes sociaux.

160. – De nombreuses opérations prévoient par ailleurs la mise en place de comités spécifiques ad hoc tels que comités de rémunération ou d'audit.

161. – Droits d'audits et d'accès à l'information –


En complément de l'information renforcée des membres des organes de gestion déjà évoquée, l'investisseur financier se voit fréquemment accorder, en sa
qualité d'actionnaire ou de membre de l’organe de surveillance, un accès privilégié aux locaux et dossiers de la société. Cette prérogative, qui n'a en principe
vocation à être mise en œuvre qu'en cas d'opposition entre la direction en place et l'investisseur financier ou de blocage des organes de direction, peut ainsi être
exercée dans l'intérêt propre de l'actionnaire sous réserve de ne pas nuire aux intérêts légitimes de la société.

2° Fidélisation de l'équipe managériale

162. – Principe –
Afin de s'assurer de la fidélité des dirigeants repreneurs, des clauses spécifiques sont insérées dans les pactes d'actionnaires.

163. – Clause d'inaliénabilité –


Elle vise à empêcher les dirigeants repreneurs, et tout autre actionnaire identifié comme homme-clé du projet, de transférer les actions qu'ils détiennent dans la
holding. Cette clause doit être limitée dans le temps et se fonder sur un intérêt social légitime (V. Cass.com., 23 janv. 1996 : JurisData n° 1996-000153 ; RJDA 5
/96, n° 704 ; JCP E1996, pan n° 242. – Cass.1re civ., 31 oct. 2007, n° 05-14.238 : JurisData n° 2007-041117). Toutefois, pour les SAS, le législateur a autorisé
ces clauses sans exiger le critère de l'intérêt social, mais en a limité la durée à 10 années maximum (C. com., art. L. 227-13). En pratique, et sauf
circonstances particulières, la durée des clauses d'inaliénabilité excède rarement 7 ans : elle coïncide généralement avec l’horizon de sortie du LBO.

164. – Engagements d'exclusivité et de non-concurrence –


Les clauses restreignant le transfert des participations des dirigeants repreneurs se doublent de stipulations relatives à leurs fonctions opérationnelles. On prévoit
ainsi généralement un engagement de consacrer leurs activités professionnelles exclusivement au profit de la société (ou du groupe) et un engagement de non-
concurrence qui a vocation à s'appliquer non seulement pendant la durée des fonctions des hommes-clés mais également après leur départ. Le champ
d'application de ces clauses de non-concurrence doit être proportionné aux intérêts légitimes à protéger (V. Cass.1re civ., 11 mai 1999 : JurisData n° 1999-
001924 ; RJDA 8-9/99, n° 880. – Cass.com., 16 déc. 1997 : JurisData n° 1997-005119 ; JCP E1998, pan. p. 252 ; JCP G1998, IV, n° 1310 ; Bull. civ. IV, n° 338 ;
RJDA 4/98, n° 386. – Cass.soc., 2 déc. 1997 : RJS 1/98, n° 33) et limité dans le domaine d’activité, la durée et la géographie. La chambre sociale de la Cour de
cassation a par ailleurs généralisé l'obligation de rémunérer les clauses de non-concurrence insérées dans les contrats de travail, les engagements de non-
concurrence étant réputés nuls en l'absence de contrepartie financière (V. 3 arrêts Cass.soc., 10 juill. 2002, n° 00-45.135, Salembier c/ SA la Mondiale :
JurisData n° 2002-015269. – Cass.soc., 10 juill. 2002, n° 00-45.387, Barbier c/ SA Maine Agri : JurisData n° 2002-015270. – Cass.soc., 10 juill. 2002, n° 99-
43.334 à 99-43.336, Moline. c/ Sté MSAS Cargo International : JurisData n° 2002-015271 commentés au JCP E 2003, chron 585, spéc. § 10. – Cass.soc., 29 avr.
2003 : JurisData n° 2003-018811 ; Bull. V, n° 143). Certains praticiens considèrent que cette exigence s'étend aux engagements de non-concurrence souscrits
par les hommes-clés d'une société même lorsqu'ils n'en sont pas salariés (cas des mandataires sociaux non-salariés).
165. – Clause dite de « non-sollicitation » –
Ces clauses ont pour vocation d'empêcher d'anciens hommes-clés de solliciter, après leur départ, des salariés, dirigeants, clients ou fournisseurs de la société.
Dérivée de la clause de non-concurrence, cette interdiction doit, selon la pratique, être proportionnée aux intérêts légitimes à protéger mais n’a pas à être
rémunérée.

166. – Traitement spécifique des cas de départ des dirigeants repreneurs –


La cessation des fonctions opérationnelles des managers pose la question de leur maintien au capital de la société. On préfère généralement qu'ils cessent d'être
actionnaires au travers de promesses de vente (voir une clause statutaire d’exclusion notamment dans les Manco) en distinguant plusieurs cas de figure.

Lorsque l'homme-clé cesse son activité sans qu'une faute puisse lui être reprochée (les Anglo-saxons parlent de good leaver), le rachat de ses actions par les
investisseurs sera généralement effectué à la valeur la plus élevée entre son investissement et le prix de marché (avec un éventuel complément de prix à la
sortie du LBO).

En revanche, si le départ de cet homme-clé est considéré comme fautif (cas du bad leaver), ses actions seront acquises au prix le moins élevé entre le prix
de marché et son investissement avec application d’une décote ; tel est le cas par exemple d’un licenciement pour faute grave ou lourde, de la démission, de la
violation de la clause de non-concurrence ou d’une clause essentielle prévue au pacte (autorisation préalable au titre de la gouvernance ou clause de transfert).

Il est usuellement prévu un cas de départ intermédiaire (cas du medium leaver) traitant les cas de départ ne constituant ni un cas de good leaver ni un cas de
bad leaver. Dans un tel cas, ses actions seront généralement acquises au prix de marché.

La pratique prévoit souvent un mécanisme de vesting permettant de ne pleinement valoriser qu’une partie des titres du dirigeant en fonction du temps passé dans
le groupe à compter de la souscription de ses titres au capital (généralement appliqué sur le mécanisme relutif d’accès au capital, à savoir les actions de
préférence) comme précisé ci-dessous.

167. – Afin d'assurer l'efficacité de ces clauses, des promesses de cession sont stipulées au profit des investisseurs (avec clause de substitution au
bénéfice du manager remplaçant). Dans certains cas, ces promesses bénéficient à la société elle-même, essentiellement dans le but d'attribuer à un nouvel
homme-clé les actions ainsi achetées, mais l'acquisition par la société de ses propres actions s'inscrit dans un contexte juridique encadré et contraignant (V. not.
fasc. 140-20, n° 75 et 76).

168. – Des promesses d’achat sont parfois accordées par les investisseurs dans le cas de good leaver mais les fonds d’investissement sont assez réticents à
les concéder dans la mesure où il s’agit d’engagements hors bilan.

169. – Les outils d'intéressement ( V. n° 192 ) intègrent aussi l'hypothèse de départs d'hommes-clés : leurs conditions d'attribution prévoient généralement un
échelonnement dans le temps, voire une perte de tout droit à exercice ou de valeur en cas de cessation des fonctions au sein de la société (on parle de vesting).

3° Maîtrise du capital

170. – Principe –
Les actionnaires de la holding d'acquisition sont liés par un fort intuitus personae. En conséquence, l'ensemble des parties doit veiller au maintien de l'équilibre
capitalistique.

171. – Clauses restrictives de transfert –


Une première série de clauses (parmi lesquelles figurent les clauses d'inaliénabilité déjà évoquées ci-dessus. – V. n° 163 ) vise à éviter l'entrée dans le capital
d'un tiers qui n'aurait pas été souhaitée par les autres parties bénéficiaires de ces clauses ou, plus généralement, un bouleversement des équilibres en
présence. Il s'agit principalement des clauses d'agrément et de préemption.

172. – Transfert libres –


Il sera prévu une liste de cas de transfert (appelés transferts libres ou transferts autorisés) qui permet aux titulaires de titres de céder leurs titres sans application
des clauses limitatives de transfert.

Ces transferts concernent généralement (i) les transferts entre affiliés (ou à une holding patrimoniale en ce qui concerne les dirigeants), (ii) les transferts
nécessaires à l’intéressement de futurs managers (titres généralement portés par les investisseurs financiers), (iii) les transferts autorisés par les investisseurs
financiers (dans la mesure où il n’y a pas de changement de contrôle) et (iv) les transferts nécessaires aux clauses de liquidité (droit de sortie forcée ou sortie
conjointe).

173. – Agrément –
La clause d'agrément figure parmi les outils de maîtrise des transferts du capital. Elle permet d'appréhender tant les transferts au profit de tiers que ceux entre
actionnaires (C. com., art. L. 228-23, al. 1).

La mise en œuvre d'une clause d'agrément est toutefois susceptible de poser des difficultés, notamment en termes de calendrier ou encore d'obligation par la
société de procéder au rachat de ses propres actions (ce rachat étant lui-même soumis à un régime contraignant, V. JCl. Sociétés Traité, fasc. 140-20, n° 75 et
76).

En outre, le droit d'agrément est exercé de manière collégiale et ne constitue donc pas une faculté donnée à un actionnaire à titre individuel.

La procédure d'agrément offre par ailleurs au cédant un droit de repentir en cas de refus d'agrément de son cessionnaire pressenti, ce qui peut engendrer des
comportements de mauvaise foi de la part de ce dernier.
Enfin, on relèvera que la procédure peut entraîner l'intervention d'un tiers expert (nommé par le tribunal de commerce dans les conditions de l’article 1843-4 du
Code civil), appelé à se prononcer sur la valeur des droits sociaux cédés. Or, les actionnaires de la holding d'acquisition sont généralement réticents à ce qu'un
tiers expert se prononce sur la valorisation du groupe avant la sortie du LBO.

Pour ces raisons, l’utilisation de la clause d’agrément est en pratique exceptionnelle et les praticiens préfèrent la stipulation d'un droit de préemption.
La co-existence des deux procédures est concevable mais, elle accroît la complexité de purge de ces deux procédures, en cas de projet de transfert.

174. – Préemption –
Le droit de préemption permet à ses bénéficiaires de s'opposer à un transfert en se portant acquéreurs des droits sociaux objet de ce projet de transfert. Cette
clause de préemption (comme le droit de cession conjointe) prend généralement le relais des clauses d’inaliénabilité.

Ce droit de rachat offert aux actionnaires s'exerce généralement en proportion de la quote-part du capital de chacun et peut s'organiser par rangs de priorité en
fonction du groupe d'appartenance des actionnaires concernés.

Cette substitution du préempteur au cessionnaire pressenti, intervient en général aux mêmes conditions, notamment de prix, que celles applicables au projet
de transfert qui a déclenché le droit de préemption.

Il convient d'encadrer étroitement le déclenchement de la procédure de préemption par le cédant. Les mentions que ce dernier devra faire figurer dans la
notification de son projet de transfert devront être précises et complètes (identité du cessionnaire, prix offert, éventuelles modalités annexes de l'opération…) et
accompagnées, le cas échéant, de l’offre du cessionnaire.

Pour permettre l'exercice du droit de préemption alors que le prix offert ne serait pas libellé exclusivement en numéraire ou dans les cas d'opérations complexes
comportant un échange de titres (apport de titres par exemple), la stipulation d'un recours à une expertise (en cas de désaccord sur le prix) est conseillée.

175. – Les clauses ci-dessus permettent, en principe, aux actionnaires bénéficiaires (pour autant qu'ils disposent de la surface financière nécessaire) de se porter
acquéreurs des titres dont le transfert est projeté ; en pratique, elles ont toutes pour effet de rendre plus difficile les transferts et contribuent donc à la
stabilité du capital.

176. – Anti-dilution –
La maîtrise du capital concerne également les risques de dilution, notamment par augmentation de capital ou émission de titres donnant un accès différé au
capital.

Au moment de la mise en place du LBO, il est difficile de prévoir avec certitude l'évolution des besoins en financement du groupe. La nécessité d'un
refinancement en fonds propres ne peut donc pas être exclue.

Plus particulièrement, dans les opérations de build-up (constitution progressive d'un groupe de sociétés par opérations de croissance externes successives) une
telle évolution est de l'essence même du projet de LBO. Les montants nécessaires à la réalisation du build-up ne sont toutefois pas toujours déterminés avec
précision, puisqu'ils dépendent notamment du prix de rachat des futures cibles additionnelles. Dans ce type d'opérations, il n'est pas non plus possible de prévoir
avec certitude les exigences des dirigeants des futures cibles acquises quant à leur niveau de participation au capital de la holding d'acquisition.

Les parties doivent donc autant que possible définir les principes qui s'appliqueront aux futurs financements de la société : par exemple, droit de chacune des
parties de participer aux futures augmentations de capital en proportion de sa quote-part du capital (indépendamment du maintien ou non du droit
préférentiel de souscription des actionnaires), engagement de l’investisseur financier de conserver un ratio capital / obligations convertibles (sweet equity)
identique à celui retenu dans le cadre de son financement initial.

Des exceptions à la protection anti-dilutive sont généralement prévues comme l’entrée de nouveaux actionnaires au titre d’une acquisition (vendeurs ou
dirigeants de la cible) ou besoin de recapitalisation pour éviter une situation de faillite.

4° Clauses de sortie

177. – Introduction –
L'objectif de réalisation d'une plus-value de cession est primordial dans la décision des investisseurs financiers de participer au LBO. Le montant de cette
plus-value et l'échéance à laquelle elle sera réalisée sont les facteurs qui détermineront la rentabilité de leur investissement. Financiers et opérationnels doivent
donc dès l'origine mettre en place les outils assurant l'alignement de leurs intérêts en vue de la réalisation de cet objectif ainsi que la certitude de réaliser à terme
une cession de 100 % des titres.

178. – Droit de cession conjointe (clause de tag along) –


Parmi ces clauses figurent celle dite de sortie conjointe proportionnelle (dont l'objet est de permettre aux bénéficiaires de céder, conjointement avec un
actionnaire cédant, une quote-part proportionnelle de leur participation) et la clause de sortie conjointe totale qui permet aux bénéficiaires de céder l'intégralité
de leur participation dans la société holding dès lors que l'opération projetée entraîne un changement de contrôle de la holding d'acquisition.

Ces clauses de sorties sont organisées sous forme de promesses de porte-fort ou de promesses d'achat visant à assurer aux bénéficiaires que le cessionnaire
de l'opération concernée (ou, selon le cas, l'actionnaire cédant) se portera acquéreur des titres du bénéficiaire, selon les mêmes termes et aux mêmes conditions
que ceux applicables au transfert donnant lieu à l'exercice du droit de sortie.
179. – En l'absence de marché liquide sur les titres de sociétés non cotées, il est rare que l'on puisse trouver des acquéreurs pour moins qu'un bloc de contrôle,
voire la totalité du capital social. Par les contraintes qu'elles imposent à l'acquéreur, ces clauses de sortie visent donc davantage au maintien des équilibres du
capital qu'à assurer une véritable liquidité aux parties.

180. – Drag along et clause de liquidité –


Il en est autrement des clauses de liquidité ou de sortie forcée (drag along) dont l'objectif est véritablement de permettre la réalisation de l'événement de
liquidité, qui constitue l'objectif ultime du LBO pour les investisseurs financiers.

La clause de drag along consiste en une promesse de vente consentie par les parties généralement au profit d’un tiers acquéreur exerçable par le majoritaire,
ou l’ensemble des associés qui, à une majorité qualifiée à déterminer, ont décidé d'accepter une offre d'acquisition portant généralement sur l'intégralité du capital
de la holding d'acquisition.

La clause dite de liquidité, appelée à jouer si l'événement de liquidité n'est pas intervenu dans le délai initialement souhaité par les parties, consiste à permettre
au majoritaire ou à un ou plusieurs actionnaires agissant collectivement (généralement les investisseurs financiers) d'initier au nom et pour le compte de tous un
processus de vente portant sur la totalité des titres. Dès lors qu'une offre serait recueillie aux termes du mandat confié à un intermédiaire, les autres parties
seraient contraintes d'y apporter leur participation.

5° Gestion de l’investissement des cadres au niveau d’une holding

181. – Gestion de la holding des cadres (ManCo) –


Lorsque l'implication financière des dirigeants dans la holding d'acquisition est réalisée, du fait de leur nombre, indirectement par l'intermédiaire d'une ou plusieurs
holdings des cadres, dont l'objet exclusif devra être la détention du capital de la holding de reprise (toute diversification d'activité aurait notamment pour
conséquence de créer un risque de passif et les titres de la holding d'acquisition détenus par la ManCo pourraient alors entrer dans l'assiette du gage général des
créanciers de la ManCo). La détention des titres des cadres souscrits dans ManCo pourra être gérée soit directement dans les statuts de ManCo (accompagnés,
le cas échéant, par des promesses de vente en cas de départ du dirigeant), soit par un pacte au niveau de la ManCo.

Ainsi, les statuts de la ManCo prévoiront des clauses d’inaliénabilité, des clauses de sortie forcée et des clauses d’exclusion en cas de départ ou de
violation des clauses de transfert. Par ailleurs, l’investisseur financier majoritaire souscrira une action de préférence (désignée par le terme golden share) lui
donnant notamment (i) le contrôle dans les assemblées d’associés et sur la nomination du président de ManCo, (ii) l’exercice des clauses de sortie et d’exclusion
et (iii) un droit de veto sur toutes les décisions importantes (transfert de la participation dans la holding, acquisition d’actifs, investissement, souscription de
dette…).

182. – Pacte au niveau de la ManCo –


Ces engagements spécifiques pourront être alternativement prévus par un pacte conclu entre les actionnaires de la holding des cadres. Ce pacte contiendra des
clauses équivalentes à celles du pacte de la holding d'acquisition, notamment en termes de maîtrise du capital, de good / bad leaver et de clauses de sortie.
Aux fins de vérification du respect de l'ensemble des engagements ci-dessus, il est habituel que l'investisseur financier souscrive à des actions de préférence (
golden share) et se voit consentir des droits d'information et de veto spécifiques mentionnés ci-dessus.

Dans l’hypothèse d’une ou plusieurs ManCo, il sera généralement prévu une liquidité directe par cession des titres émis par ManCo dans le cadre d’une sortie
afin d’éviter les frottements fiscaux et les opérations liées à la distribution aux managers du prix de cession reçu par Manco en cas de cession des titres de la
holding détenus par Manco, étant précisé que dans le cas où, au jour de la sortie, la cession des titres de ManCo serait remise en cause, l’investisseur financier
pourra toujours procéder par cession des titres de la holding détenus par ManCo.

6° Évolution dans le temps des relations entre associés

183. – Durée –
Le pacte est généralement conclu pour une durée suffisamment longue pour couvrir la durée du LBO (un objectif de liquidité de LBO se situe en pratique aux
alentours de 5 à 7 ans, une durée de pacte comprise entre 10 et 15 ans est usuelle). L'absence de stipulation d'une durée exposerait le pacte à pouvoir être
dénoncé à tout moment et unilatéralement par toute partie, à la seule condition du respect d'un préavis suffisant. À cet égard, la jurisprudence a estimé qu'un
pacte conclu pour la durée pendant laquelle les associés sont actionnaires de la société n'est affecté d'aucun terme, et doit donc être considéré comme conclu
pour une durée indéterminée (Cass.com., 6 nov. 2007, n° 07-10.620 et 07-10.785, SAS Cie Générale de Tourisme et d'Hôtellerie CGTH c/ SA Cie Méridionale de
Participation CMP : JurisData n° 2007-041276 ; D. 2008, p. 1024). Par ailleurs, un contrat (et par analogie un pacte) dont la durée serait stipulée égale à celle de
la société elle-même, pourrait être qualifié d'engagement perpétuel et encourir à ce titre la nullité ou la requalification en engagement à durée indéterminée
(CAToulouse, 27 sept. 1999. – Cass.1re civ., 19 mars 2002, n° 99-21.209, Roudier c/ SA Clinique des Cèdres : JurisData n° 2002-013635).

184. – Adhésion –
Il est impératif que, pendant sa durée de validité, le pacte lie l'intégralité des actionnaires de la société. Il doit donc prévoir un mécanisme d'adhésion (qui règle
également la question de l'appartenance d'un nouvel adhérent à telle ou telle catégorie de parties au pacte).

185. – Modifications –
Enfin, il n'est pas rare que les aléas du marché (nécessité d'avancer ou de retarder les objectifs de liquidité, survenance de certains événements imprévus, départ
d'un dirigeant, intégration d'une nouvelle cible au groupe…) imposent de faire évoluer certains aspects du pacte.

Une modification des termes du pacte nécessite selon nous, par application des principes du consensualisme, un accord de l'ensemble des parties signataires
. À notre sens, la pratique anglo-saxonne d'une modification à une majorité préalablement convenue est donc susceptible d'être contestée en droit français. En ce
sens, une modification du pacte peut s'avérer plus complexe que celle de statuts (la modification des statuts pouvant en effet être réalisée par la volonté d'une
majorité des actionnaires à l’exclusion de certaines clauses relatives aux transferts).

La contrainte d'un accord unanime, inhérente au pacte d'actionnaires, exige que les évolutions prévisibles du pacte soient convenues dès l'origine (par exemple,
évolution du capital en cas de réalisation d'un build-up ou encore impossibilité d'atteindre l'objectif de liquidité à l'échéance prévue).

La nécessité de cet accord unanime justifie, en présence d'un nombre important de dirigeants, la mise en place d'une holding des cadres. Le recours à des
clauses de représentation stipulant un mandat octroyé par certaines catégories d’actionnaires (usuellement les managers) à un représentant est parfois utilisé,
étant néanmoins précisé qu’en principe tout mandat peut être révoqué (C. civ., art. 2004) sauf pour le cas du mandat d’intérêt commun.

C. - Modalités d'intéressement des dirigeants

186. – Introduction –
La réussite d'une opération de LBO est étroitement liée à la qualité et à l'implication du management. Par ailleurs, pour des niveaux de prix de cession similaire,
le candidat financier repreneur choisi sera généralement celui ayant offert le management package le plus attractif. Outre un traitement spécifique dans le pacte
(ou dans des promesses séparées en cas de départ du dirigeant) qui lie les actionnaires de la holding d'acquisition, la mise en place d'outils d'intéressement
s'avère donc un élément essentiel.

L'implication du management s'articule autour de trois axes principaux : son engagement financier dans la holding par souscription au capital de celle-ci, les
fonctions opérationnelles qui lui sont confiées (et la rémunération correspondante) et enfin, la mise en place d'outils d'intéressement complémentaires lui
permettant notamment de participer à la plus-value qui sera réalisée lors du débouclage de l'opération.

187. – Périmètre du management concerné –


L'équipe de direction opérationnelle, qu'il s'agisse de l'ancienne direction de la cible ou d'une nouvelle équipe de direction, constitue le premier cercle du
management dont les intérêts doivent être pris en considération dans le montage du LBO. À ce premier groupe s'ajoute généralement un second cercle de
cadres opérationnels. L'exigence d'implication financière et le niveau d'intéressement varient selon l'appartenance à l'un ou à l'autre de ces groupes.

188. – Mise en place d'une structure sociétaire dédiée –


Lorsque le montant de l'investissement ou le nombre de managers concernés le justifie, il est fréquent de les regrouper dans une société des cadres (souvent
désignée sous son vocable anglais ManCo pour Management Company) créée ad hoc et dont l'objet exclusif sera la détention des titres de la holding
d'acquisition réservés au management. Ce type de véhicule présente des avantages spécifiques : la possibilité de créer un effet de levier additionnel par le
recours de cette société à un emprunt bancaire pour assurer le financement de sa participation dans la holding d'acquisition mais également l'organisation
d'une gouvernance homogène (centralisation du pouvoir décisionnaire des cadres dans la holding d'acquisition) et évolutive de la participation du management
dans la holding d'acquisition (gestion facilitée de l'entrée et de la sortie de dirigeants sans modifier la composition du capital de la holding d'acquisition).

1° Investissement financier de l'équipe managériale

189. – Implication de l'équipe managériale –


L'investissement financier de l'équipe managériale dans le capital de la holding d'acquisition est un facteur essentiel de leur implication dans le projet. La quote-
part d'investissement des dirigeants repreneurs dans la holding vise à garantir aux autres actionnaires de la holding une prise de risque financier et donc
une implication réelle de ces dirigeants. Elle permet aussi d'assurer la participation des dirigeants repreneurs concernés aux plus-values qui seront
réalisées au moment de la sortie du LBO.

190. – Nature et montant de l'investissement –


Le niveau d'investissement requis est fonction des spécificités de chaque opération mais doit notamment être adapté aux capacités financières des personnes
concernées. Dans le cas où les dirigeants historiques participent au LBO, le montant de cet investissement prend en compte les sommes perçues par ces
dirigeants dans le cadre de la cession de leur participation dans la société cible. Pour assurer une égalité des conditions d'investissement, l'investissement du
management est parfois réalisé, comme celui des fonds d'investissement partenaires, par souscription d'actions mais également pour partie par l'intermédiaire de
souscription d'obligations convertibles (les obligations convertibles sont par ailleurs souvent utilisées pour organiser le mécanisme de partage des plus-values, V.
n° 178 ).

2° Intéressement de l'équipe managériale

191. – Management package –


Si la détermination des fonctions opérationnelles et la rémunération, tant fixe que variable, des dirigeants constituent, comme dans toute opération de reprise de
société un élément important de l'accord des parties, la particularité du management package dans une opération de LBO réside davantage dans la mise en
place de mécanismes d'intéressement spécifiques (recours aux outils d'intéressement réglementés mais également aux outils de partage de plus-value).

a) Outils réglementés d'intéressement

192. – De nouvelles tendances d’intéressement –


En raison de leur coût fiscal élevé, les options de souscription ou d'achat d'actions (« stock-options ») ont été délaissées par la pratique au profit d’autres outils d’
intéressement réglementés tels que les actions gratuites (C. com., art. L. 225-197-1 à L. 225-197-5) et les bons de souscription de parts de créateurs d’entreprise
(CGI, art. 163 bis G), dont les conditions de mise en place ont été facilitées par la loi « Macron » du 6 août 2015 (L. n° 2015-990).
193. – Attribution d'actions gratuites –
Ce régime d'intéressement (introduit dans le droit français par la loi de finances pour 2005) se révèle particulièrement attractif pour les bénéficiaires puisqu'il
n'impose le versement d'aucune somme et leur permet donc de réaliser un gain dès le premier euro.

Les actions gratuites présentent cependant des caractéristiques et contraintes spécifiques en termes de période minimum de détention. Les actions
gratuites sont définitivement acquises à l’issue d’une période minimale d’un an (« période d’acquisition »). Une fois les actions définitivement acquises, le
bénéficiaire n’est pas nécessairement tenu de respecter un engagement de conservation (« période de conservation »). Toutefois, la durée cumulée de la
période d’acquisition et de celle de conservation ne peut être inférieure à 2 ans (C. com., art. L. 225-197-1). Ces délais sont déterminés par l’assemblée générale
extraordinaire lors de la décision d’autorisation d’attribution des actions gratuites.

194. – Limitations de l’attribution d’actions gratuites –


Le recours aux attributions d’actions gratuites dans les opérations de LBO est restreint du fait des limitations dont elles font l’objet au niveau (i) des bénéficiaires
(limitation individuelle) et (ii) au niveau de la société émettrice (limitation générale).

En application de la limite individuelle, les actions ne peuvent être attribuées à des salariés ou mandataires sociaux qui détiennent 10 % ou plus du capital (C.
com., art. L. 225-197-1, II). Ce plafond est apprécié à la date de la décision d’attribution des actions gratuites, en tenant compte notamment des actions attribuées
au jour de la décision ainsi que de celles précédemment émises mais non définitivement acquises (C. com., art. L. 225-197-1, II, al. 3). L’appréciation de ce
plafond de 10 % ne s’effectue toutefois qu’au regard des titres directement détenus par le bénéficiaire dans la société.

Par ailleurs, le nombre total d’actions gratuites attribuées ne peut excéder 10 % du capital social de la société attributrice (C. com., art. L. 225-197-1). Lorsque les
actions sont attribuées à l’ensemble des salariés de la société, ce plafond est augmenté à 30 % du capital social. Dans cette dernière hypothèse, l’écart entre le
nombre d’actions gratuites attribuées à chaque salarié ne doit pas excéder un rapport de 1 à 5 (C. com., art. L. 225-197-1, I, al. 2).

Dans les groupes, les actions gratuites peuvent être attribuées au personnel salarié des sociétés dont 10 % au moins du capital ou des droits de votes sont
détenus, directement ou indirectement, par la société émettrice (dans les sociétés dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé sont
visés l’ensemble des salariés et des dirigeants des filiales, mères et sociétés sœurs).

195. – Traitement fiscal –


Les actions gratuites donnent lieu à la constatation de deux gains distincts imposables au titre de l’année au cours de laquelle les actions sont cédées :

un gain réalisé lors de l’acquisition définitive de l’action gratuite (« gain d’acquisition »), égal à la valeur réelle des actions attribuées à leur date d’
acquisition ;

Pour les actions attribuées en vertu d’une autorisation de l’AGE intervenue depuis le 1er janvier 2018, le gain d’acquisition n’excédant pas une limite individuelle
et annuelle de 300k € est (i) imposé selon le barème progressif de l’impôt sur le revenu, après application d’un abattement de 50 % ou, le cas échéant, de l’
abattement fixe « dirigeants » prévu à l’article 150-0 D ter du CGI, et (ii) soumis aux prélèvements sociaux au taux de 17,2 %.

La fraction du gain d’acquisition excédant 300k € est imposée dans la catégorie des traitements et salaires au barème progressif de l’impôt sur le revenu. Cette
fraction du gain d’acquisition est soumise aux prélèvements sociaux sur les revenus d’activité, soit au taux de 9,7 % (avec application de la contribution salariale
spécifique de 10 %).

un gain (ou une perte) réalisé(e) à l’occasion de la cession des titres attribués gratuitement (« plus-value de cession »), égal(e) à la différence entre le
prix de cession et la valeur réelle des titres à la date d’acquisition définitive des actions.

Ce gain est imposé selon le régime des plus-values des particuliers, soit à la flat-tax au taux global de 30 % (12,8 % d’impôt sur le revenu et 17,2 % de
prélèvements sociaux), sauf option globale, expresse et irrévocable du contribuable pour l’imposition de ses revenus mobiliers et plus-values mobilières au
barème progressif (CGI, art. 150-0 A), étant précisé que l’éventuelle moins-value de cession peut être imputée sur le gain d’acquisition.

196. – Contributions sociales spécifiques –


Des contributions sociales spécifiques sont dues en cas d’attribution d’actions gratuites :

une contribution patronale de 20 % à la charge de la société attributrice assise sur la valeur réelle des actions gratuites à la date de l’acquisition
définitive. Cette contribution est exigible dès le mois suivant la date de l’acquisition des actions gratuites. Les PME n’ayant jamais distribué de
dividendes depuis leur création sont toutefois exonérées de cette contribution, dans la limite par bénéficiaire du plafond annuel de la sécurité sociale
(40 524 euros en 2019) ;

une contribution salariale égale à 10 % de la valeur réelle des actions à leur date d’acquisition sur la fraction excédant 300 000 euros par bénéficiaire.

197. – Bons de souscription de parts de créateur d’entreprise –


Les bons de souscription de parts de créateur d’entreprise (« BSPCE ») confèrent à leurs bénéficiaires le droit de souscrire des actions de la société émettrice à
un prix définitivement fixé au jour de leur attribution. Ils offrent ainsi la perspective de réaliser un gain en cas d’appréciation des actions entre la date d’attribution
du bon et la date de cession des actions souscrites par l’exercice des bons.

198. – Conditions d’émission des BSPCE –


Pour pouvoir émettre des BSPCE au profit de leurs salariés et de certains de leurs dirigeants, les sociétés doivent remplir les conditions suivantes (CGI, art. 163
bis G) :
être une société par actions soumise à l’IS en France dont les titres ne sont pas admis aux négociations sur un marché réglementé ou dont la
capitalisation boursière n’excède pas 150M € ;

avoir été constituée depuis moins de 15 ans ;

être passible de l’impôt sur les sociétés en France ;

être détenue directement pour 25 % au moins par des personnes physiques ou par des personnes morales elles-mêmes directement détenues pour
75 % au moins de leur capital par des personnes physiques ;

ne pas avoir été créée dans le cadre d’une concentration, d’une restructuration ou d’une extension d’activités préexistantes, sauf si l’ensemble des
sociétés prenant part à l’opération remplit les conditions précitées.

199. – Utilisation des BSPCE dans le cadre des opérations de LBO –


Les BSPCE sont davantage utilisés dans les opérations de LBO depuis que la loi Macron a permis aux sociétés créées dans le cadre d'une opération de
concentration, de restructuration, d'extension ou de reprise d'activités préexistantes d’attribuer des BSPCE, sous réserve que toutes les sociétés prenant part à
l'opération respectent les conditions d’éligibilité mentionnées ci-dessus (L. n° 2015-990, 6 août 2015, art. 141).

200. – Traitement fiscal des BSPCE –


Le traitement fiscal des gains nets réalisés lors de la cession des actions sous-jacentes diffère selon la durée d’exercice de l’activité professionnelle des titulaires
au moment de la cession :

exercice d’une activité depuis plus de 3 ans au moment de la cession : pour les bons attribués à compter du 1er janvier 2018, les gains de cession sont
soumis à la flat-tax au taux global de 30 % (prélèvements sociaux de 17,2 % inclus), sauf option globale, expresse et irrévocable du contribuable pour l’
imposition de ses revenus mobiliers et plus-values mobilières au barème progressif ;

exercice d’une activité depuis moins de 3 ans au moment de la cession : pour les bons attribués à compter du 1er janvier 2018, les gains de cession
sont soumis au taux de 47,2 %, prélèvements sociaux inclus.

b) Mécanismes d’intéressement non-réglementés : le partage de la plus-value réalisée par les investisseurs financiers au profit des équipes
opérationnelles

201. – Principe –
Les sommes dont disposent les dirigeants repreneurs pour investir dans l'opération de LBO sont souvent insuffisantes – au regard des sommes globales
investies – pour leur assurer une plus-value importante, même en y incluant les gains provenant des outils d'intéressement décrits ci-dessus.

La pratique a donc développé et généralisé un principe de partage de la plus-value réalisée par les investisseurs financiers, fondé sur l'idée que la
performance – et a fortiori la surperformance – de la société cible dépend très largement de l'efficacité de l'équipe de direction. Ainsi, lorsque la rentabilité de leur
investissement aura atteint le niveau espéré, les investisseurs financiers partageront une partie de leur plus-value avec les dirigeants repreneurs. Cet outil
essentiel de motivation des dirigeants repreneurs peut prendre plusieurs formes.

202. – Risque fiscal –


Le recours à des outils d’intéressement non réglementés afin d’organiser le partage de plus-value future présente un risque fiscal pour le bénéficiaire non
négligeable de requalification de la plus-value réalisée en salaire. En effet, la jurisprudence a validé certains redressements fondés sur la requalification en
salaire du gain réalisé par un dirigeant au titre de la cession d‘actions acquises par l’intermédiaire d’un outil d’intéressement non réglementé lorsque l’
investissement initial n’a pas été réalisé dans des conditions de marché (CE, 26 sept. 2014, n° 365573 : JurisData n° 2014-022460 ; Dr. sociétés2015, comm.19,
obs. J.-L. Pierre. – CAAParis, 12 avr. 2018, n° 16PA01157 : JurisData n° 2018-006351). Cette requalification en salaire est plus difficile à effectuer lorsque l’outil d’
intéressement est souscrit par une ManCo, sauf à ce que l’administration se place sur le terrain de l’abus de droit (CAAVersailles, 6 mars 2018, n° 16VE02368).

203. – Risque social –


Au risque fiscal s’ajoute un risque pour la société employeur de redressement en matière de cotisations de sécurité sociale en cas de requalification de la plus-
value en salaire. La cour d’appel de Paris a à ce titre considéré que l’assiette des charges sociales devait correspondre à la totalité de la plus-value de cession (i.
e. prix de cession moins prix d’acquisition), et ne pas être limitée à la différence entre la valeur de marché à la date d’acquisition des titres et leur prix d’
acquisition (CAParis, ch. 1, 6 juill. 2017, n° 14/02741 : JurisData n° 2017-014763).

204. – Critères de performance –


Les indicateurs de performance retenus sont divers mais correspondent généralement au retour sur investissement escompté par les fonds d'investissement. Dès
lors, les critères retenus sont habituellement le taux de rendement interne (TRI) ou encore le multiple de sortie, réalisés par les fonds. Ces outils de mesure de
la performance peuvent être cumulés.

205. – Mécanismes utilisés –


Les mécanismes utilisés pour assurer un partage de plus-value au profit des dirigeants repreneurs reposent généralement sur l'investissement initial de ces
derniers (les actions ordinaires ou obligations convertibles qu'ils souscrivent par exemple) mais également sur l'utilisation de valeurs mobilières relutives. Les BSA
et les promesses de vente d’actions ont à cet égard été délaissés par la pratique à compter de l’entrée en vigueur de la réforme fiscale de 2013 allégeant l’
imposition des plus-values réalisées par les particuliers en fonction de la durée de détention des titres cédés. Les outils d’intéressement fréquemment utilisés
sont depuis lors ceux permettant aux managers d’être actionnaire dès l’origine, en souscrivant notamment à des actions de préférence. L’entrée en vigueur de la
flat-tax au 1er janvier 2018, supprimant les abattements pour durée de détention aux plus-values sur titres acquis à compter de cette date, n’a pas modifié cette
tendance.

206. – Utilisation des actions de préférence –


Les actions de préférence émises peuvent être des actions convertibles dont la parité de conversion dépend de l’atteinte d’objectifs déterminés ou des actions
bénéficiant de droits financiers indexés sur la valeur de sortie et sur la rentabilité de l’opération. Les actions de préférence visant à un partage de la plus-value
future de la société cible peuvent être détenues par les managers ou, lorsqu’elles sont assorties de préférences négatives, par les investisseurs qui peuvent alors
rétrocéder par leur biais une partie de leur plus-value.

Afin de limiter le risque de requalification en salaire de l’avantage conféré par ces actions de préférence, leurs modalités de souscription sont généralement
évaluées par un expert indépendant afin de s’assurer que les managers investissent à des conditions de marché.

Il est également fréquent (lorsque les équilibres capitalistiques le justifient) que les investisseurs financiers partagent la plus-value qu'ils auraient pu appréhender,
en intégrant une partie significative d'obligations convertibles dans leur investissement global (mécanisme dit de sweet equity), augmentant ainsi mécaniquement
la participation au capital des dirigeants repreneurs et, partant, la fraction de plus-value correspondante.

Les actions de préférence peuvent être également couplées avec l’attribution d’actions gratuites (soit indépendamment soit par attribution d’actions gratuites de
préférence).

207. – Actions de préférence et PEA –


Les dirigeants et cadres souscrivant à des actions de préférence lors d’une opération de LBO ne peuvent plus inscrire ces titres sur leur Plan d’épargne en action
(« PEA ») depuis le 1er janvier 2014. Les dirigeants peuvent en revanche souscrire aux actions ordinaires de la holding d’acquisition ou d’une ManCo par l’
intermédiaire de leur PEA. Toutefois, dans l’hypothèse où cette ManCo détient elle-même des actions de préférence dans la société cible, l’administration est
susceptible de se placer sur le terrain de l’abus de droit afin de remettre en cause l’éligibilité des titres de la ManCo au PEA.

208. – Mise en place de mécanismes contractuels spécifiques –


Outre le recours aux valeurs mobilières, tel qu'exposé ci-dessus, des mécanismes contractuels tels que les promesses de cessions d’actions et les rétrocessions
en numéraire d‘une partie de la plus-value ont pu être employés par le passé pour aboutir au partage de plus-values convenu entre les actionnaires de la holding.
Toutefois, au regard du risque de redressement fiscal lié à ces mécanismes, il est très rare de voir ce type d’instrument utilisé dans le cadre des opérations
actuelles.

Attention : D'une manière générale, la mise en place d'outils d'intéressement doit se faire avec prudence et clairvoyance en gardant à l'esprit que le recours
à un système autre que ceux spécifiquement organisés à cette fin par la loi (actions gratuites, options de souscriptions ou d'achat d'actions et bons de
souscriptions de parts de créateurs d'entreprises) comporte, en soi, des risques sociaux et fiscaux non négligeables.

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