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Amandine

Trottier

Cas pratique 1

Aurèlie se rend à la plage en burkini et elle est verbalisée par un agent de police
municipale. Cette amende est prise sur le fondement d’un arrêté municipal du 1 avril
2017 qui prévoit que l’accès au plage est interdit à toute personne n’ayant pas une
tenue correcte respectueuse des bonnes mœurs et de la laïcité, respectant les règles
d’hygiène et de sécurité des baignades adapté au domaine public maritime. Cet arrêté
est valable à compter de sa signature et jusqu’au 31 aout 2017. Tout infraction peut
faire l’objet d’un PV et sera puni d’une amende 1ère catégorie.
Aurèlie voudrait savoir ce qu’elle peut faire pour ne payer cette amende de 38 euros.
Il convient de se poser tout d’abord la question de la légalité de cet arrêté municipal
puis la question du juge compétent pour apprécier la légalité de cet acte réglementaire.

I) La question de la légalité de l’arrêté municipal : l'illégalité de


l'incrimination

Tout d‘abord, l’arrêté municipal est un règlement qui doit respecter toutes les normes
internes qui lui sont supérieures. Le règlement ne doit pas porter atteinte à des libertés
ou à des droits fondamentaux qui sont reconnus par les lois ou à la Constitution.
Cependant, le règlement peut limiter l'exercice d'un tel droit ou d'une telle liberté par
exemple pour protéger l'ordre public, mais il ne peut en aucun cas porter une atteinte
trop importante à l'exercice de ce droit ou liberté et il ne peut supprimer ce droit.
Ainsi conformément à une jurisprudence constante (CE 19 févr. 1909, Abbé Olivier, n°
27355), le maire doit « concilier l’accomplissement de sa mission de maintien de l’ordre
dans la commune avec le respect des libertés garanties par les lois ».
L’autorité compétente doit toujours, avant de prendre une mesure de police, s’interroger
sur le caractère excessif, ou pas, de la mesure par rapport au risque de trouble à l’ordre
public CE, 19 mai 1933, Benjamin, n° 17413 et 17520).
Les arrêtés municipaux « doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées au
regard des seules nécessités de l’ordre public, telles qu’elles découlent des
circonstances de temps et de lieu, et compte tenu des exigences qu’impliquent le bon
accès au rivage, la sécurité de la baignade ainsi que l’hygiène et la décence sur la
plage. Il n’appartient pas au maire de se fonder sur d’autres considérations et les
restrictions qu’il apporte aux libertés doivent être justifiées par des risques avérés
d’atteinte à l’ordre public » (CE, réf., 19 janv. 2014, Min. de l'intérieur c/ Sté Les
Productions de la Plume (affaire Dieudonné), n° 374508).
Le maire a certes la charge du maintien de l’ordre dans sa ville, mais il a l’obligation de
s’assurer du respect des libertés garanties par les lois. Toutes restriction de liberté doit
être faite en considération de « risques avérés d’atteinte à l’ordre public », selon
l’ordonnance du Conseil d’Etat du 26 aout 2016. Dans cette affaire similaire à celle
d’Aurélie, le Conseil d’État a jugé que l’arrêté contesté a porté une atteinte grave et
manifestement illégale aux libertés fondamentales.
En l’espèce, Aurélie pourra ainsi invoquer l'illégalité de l'acte administratif devant le
tribunal qui porte atteinte à des libertés fondamentales ayant valeur constitutionnelle et
cette atteinte n’est pas justifiés par des risques avérées d’atteinte à l’ordre public et
disproportionnées.
En effet, cet arrêté municipal d’interdiction est motivé juridiquement sur différents
fondements :
 Le respect des règles d’hygiène sur les plages publiques,
 La sécurité des baignades
 Et Le respect des bonnes mœurs et le principe constitutionnel de laïcité
L’arrêté du maire ainsi porte atteinte au principe des libertés fondamentales et plus
particulièrement aux libertés d’aller et venir, de conscience et de liberté personnelle,
notamment celle de se vêtir. Ces libertés sont reconnues par la Déclaration des Droits
de l'Homme et du Citoyen de 1789, et ont été intégrées dans le bloc de
constitutionnalité par le Conseil constitutionnel. Sur le plan de la hiérarchie de normes,
elles sont donc supérieures au règlement.
Aurélie pourra soutenir que cette mesure restrictive de liberté n’est légale qu’à la
condition d’être nécessaire et proportionnée.

2) Le problème de la compétence du juge : le contrôle de légalité


a) Devant le juge administratif
Le Conseil d'Etat est saisi d'une requête : il vérifie qu'il y a bien une menace
réelle à l'ordre public, il peut censurer les mesures soumettant les libertés publiques à
un régime d'autorisation ou de déclaration préalable, il peut aussi censurer des
interdictions générales et absolues.
Le contrôle de légalité de l'arrêté municipal peut se faire par voie d'action : c'est une
voie qui permet à un citoyen comme Aurélie, d'attaquer directement un règlement
devant le juge administratif.
Les cas d'illégalité vérifiés par le juge administratif sont l’incompétence, le vice de
forme, la violation de la loi, le détournement de pouvoir ou l’erreur manifeste
d’appréciation.
Cette action doit être exercée dans les deux mois suivant l'adoption du règlement.
En l'espèce, Aurélie ayant été verbalisée début juin 2017 soit à priori plus de 2
mois après la date de l’arrêté municipal (1 er avril 2017), ne pourra pas utiliser cette voie.
Sauf à ce que la publication de ce règlement ait été faite postérieurement et que Aurélie
puisse exercer ainsi son recours dans ce délai de deux mois.
Aurélie dispose d’une autre possibilité d’action devant le juge pénal.
b) Devant le juge pénal
L'article 111-5 du code pénal donne une portée générale au contrôle exercé par
le juge pénal "les juridictions pénales sont compétentes pour interpréter les actes
administratifs, réglementaires ou individuels et pour en apprécier la légalité lorsque, de
cet examen dépend la solution du procès pénal qui leur est soumise".
Ainsi, la seule condition à cette action est que la solution du procès pénal doit dépendre
de la légalité de l'acte administratif. Dans un arrêt du 7 juin 1995, la chambre criminelle
rappelle ce principe "il se déduit de l'article 111-5 que le juge répressif peut d'office
constater l'illégalité d'un acte administratif, réglementaire ou individuel lorsqu'il lui
apparaît que cette illégalité conditionne la solution du procès qui lui est soumis".
Cette voie d'exception consiste en un contrôle de légalité du règlement par le
juge pénal et il peut se faire à tout moment.
Ainsi "l'illégalité peut aussi être invoquée avant toute défense au fond par le prévenu
qui a comparu devant le juge du fond, par voie d'exception, conformément à l'article
386 du code de procédure pénale » (cass crim 19 janvier 2005).
En l’espère, Aurélie devra soulever cette exception d'illégalité devant le juge pénal dès
le début du procès.
En l'espèce, Aurélie a été verbalisé pour port du burkini sur la plage sur la base de cet
arrêté municipal. Dès lors, cet acte réglementaire contient l’infraction, et le résultat du
procès dépendra de l'annulation de cet arrêté.

Nous pouvons donc déduire de ce fait que le juge pénal est ici compétent pour en
apprécier la légalité.
Cas pratique 2 (Trottinette)

Fin février 2019, Andromaque, se rend à son cours d’aquagym, en trottinette, comme à
son habitude. Elle est verbalisée pour n’avoir pas respecter l’interdiction de circuler à
trottinette qui a été prise par un arrêté du maire de la commune Jupiter en date du 24
février 2019.
Andromaque demande conseil quant à cette contravention.
Il convient de se poser tout d’abord la question de la légalité de cet arrêté municipal
puis des actions contentieuses envisageables.

I) La légalité de l’arrêté :

La question se pose de savoir si l’interdiction d’utiliser la trottinette dans toute la


commune est-elle une mesure proportionnée pour assurer la sécurité au regard de sa
proportionnalité.
Tout d‘abord, l’arrêté municipal est un règlement qui doit respecter toutes les normes
internes qui lui sont supérieures. Le règlement ne doit pas porter atteinte à des libertés
ou à des droits fondamentaux qui sont reconnus par les lois ou à la Constitution.
Ainsi conformément à une jurisprudence constante (CE 19 févr. 1909, Abbé Olivier, n°
27355), le maire doit « concilier l’accomplissement de sa mission de maintien de l’ordre
dans la commune avec le respect des libertés garanties par les lois ».
L’autorité compétente doit toujours, avant de prendre une mesure de police, s’interroger
sur le caractère excessif, ou pas, de la mesure par rapport au risque de trouble à l’ordre
public CE, 19 mai 1933, Benjamin, n° 17413 et 17520).
Les arrêtés municipaux « doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées au
regard des seules nécessités de l’ordre public, [..] Il n’appartient pas au maire de se
fonder sur d’autres considérations et les restrictions qu’il apporte aux libertés doivent
être justifiées par des risques avérés d’atteinte à l’ordre public » (CE, réf., 19 janv.
2014, Min. de l'intérieur c/ Sté Les Productions de la Plume (affaire Dieudonné), n°
374508).
Ainsi si le maire a le pouvoir de prendre un tel arrêté, elle n’est légale que si elle est
« adaptée, nécessaire et proportionnée » pour assurer l’objectif de maintien de la
sécurité dans la commune.
En l’espèce, cet arrêté municipal prise par le maire de la commune de Jupiter le 24
février 2019 est une mesure de police qui restreint la liberté.
Ainsi au titre de la proportionnalité, cette mesure de police ne doit pas créer
d’interdiction générale et absolue et être adaptée au but poursuivi. Une mesure
disproportionnée par rapport à l’objectif poursuivi pourra être annulée.
En l’espèce, la proportionnalité de cet arrêté municipal par lequel le maire d’une
commune a interdit la pratique de la trottinette dans toute sa commune est discutable :

En effet,

- cet arrêté prévoit une interdiction générale d’accès de circulation à trottinette dans
toute la commune sans distinguer par exemple si cette interdiction concerne la voie
publique ou les trottoirs.

- Toutes les trottinettes sont cernées sans autre précision, comme en distinguant les
trottinettes électriques, des non électriques.

- de plus, cet arrêté n’est pas limité dans le temps.

La proportionnalité de la peine peut également être invoquée pour contester la légalité


de l’arrêté car l’arrêté municipal en prévoyant une contravention de 135 euros est une
contravention de 2ème classe non conforme à l'article R-610-5 du code pénal qui dispose
que "la violation des interdictions ou le manquement aux obligations édictées par les
décrets et arrêtés de police sont punis de l'amende prévue pour les contraventions de
la première classe".

Ainsi des mesures moins restrictives auraient peut-être envisager pour assurer la
sécurité des personnes âgées, en limitant cette interdiction de circulation des trottinette
électronique et sur les trottoirs uniquement.

Ces arguments pourraient servir de base à une ou plusieurs actions contentieuses.

II. Les actions contentieuses envisageables

Ainsi, il convient envisager l’introduction d’un ou plusieurs recours contentieux contre


cette décision.

En premier lieu, la procédure contentieuse « normale » est le recours en annulation qui


permet d’obtenir la disparition rétroactive de la décision visée devant le tribunal
administratif.

Ce recours doit être introduit dans un délai de deux mois suivant la publication de
l’arrêté en cause.
En l’espère, Andromaque peut utiliser cette voie d’action dans la mesure où elle est
dans le délai de deux mois, l’arrêté municipal ayant été pris le 24 février 2019 et sa
contravention prise quelques jours plus tard.

Cette procédure au fond est cependant assez longue dans l’attente de la décision du
juge la décision litigieuse continue à produire ses effets.

En parallèle, Andromaque pourrait alors introduire une procédure d’urgence, un recours


en référé et obtenir la suspension de la décision litigieuse. La légalité de cet arrêt étant
contestable dans la mesure où elle porte une atteinte grave et manifestement illégale à
une liberté fondamentale, comme la liberté d’aller et venir et de circulation.

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