Vous êtes sur la page 1sur 35

DISSERTATION ECONOMIE ET FINANCE No 1

LES TAUX D’INTERET DANS L’ECONOMIE

Document n°1 : Taux d'intérêts : de quoi parle-t-on ? : Etienne Monceau, Boursorama, le


02/04/2022

Document n°2 : Taux d’intérêts réels ou irréels ? : Olivier de Berranger, le 15/01/2021, La


Financière de l'Echiquier.

Document n°3 : Les taux d’intérêt réels bas soutiennent les prix des actifs mais les risques
augmentent : Tobias Adrian et Nassira Abbas, le 27/01/2022, Revue du FMI.

Document n°4 : Sept hausses du taux d’intérêt pour cette année ? : Alain Roux, le
02/02/2022, La Tribune.

Document n°5 : Pourquoi les banquiers centraux ne relèvent pas leurs taux d’intérêt ? :
André Cartapanis, le 07/02/2022, Le Cercle des Economistes.

Document n°6 : Les taux d’intérêt remontent : au secours ? : le 01/02/2022, Alternatives


Economiques.

Document n°7 : Effet domino : partout des taux d’intérêt supérieurs : le 07/02/2022, Chris
Iggo, AXA Investment Managers.

Document n°8 : La courbe des taux : le 10/09/2023, La Finance pour tous

Document n°9 : Les taux d’intérêt retourneront probablement vers leurs niveaux d’avant la
pandémie une fois l’inflation maîtrisée : le 10 avril 2023, Jean-Marc Natal, Philip Barrett

1
Taux d'intérêts : de quoi parle-t-on ?

Parler de taux d'intérêts sans donner plus de précision sur leur nature peut être trompeur.
Les conversations sur les taux d'intérêt ne se réfèrent pas toujours aux taux directeurs des
banques centrales. Pour être à l'aise dans l'interprétation de la politique monétaire d'une
région économique, il est très important de comprendre la distinction entre les taux courts et
les taux longs, marché monétaire et obligataire. Nous verrons cependant que les relations
entre ces taux ainsi que la transmission de la politique monétaire à l'économie réelle est loin
d'être évidente.

Quelques bases

Une définition

Rappelons qu’un taux d'intérêt représente le loyer de l'argent. Autrement dit, c'est un prix qui
s'applique à une somme d'argent prêtée ou empruntée. On parle dans un cas de taux créditeur
et dans l'autre de taux débiteur.

Offre et demande

Un taux d'intérêt se forme sur la base d'une offre et d'une demande de capitaux. Par principe, si
les agents économiques disposent de beaucoup de liquidités et que peu d'entre eux souhaitent
emprunter, le taux d'intérêt baissera (faible demande). A l'inverse, si les besoins en capitaux
sont importants et que les capacités de financement sont faibles, le taux va grimper et le loyer
de l'argent sera plus important.

Pas tous à la même enseigne

On notera que lors d'une demande de financement, deux agents peuvent se voir proposer des
taux différents, et cela pour deux raisons : le risque de non-remboursement et le temps. Une
entreprise ou un particulier dont l’activité et les actifs économiques présentent peu de risques
pour le prêteur peut obtenir un financement avec un taux plus bas qu'un agent dont la stabilité
financière n'est pas reconnue. Il faut aussi souligner que plus la durée de remboursement de
l'emprunt est importante, plus le taux d'intérêt proposé est élevé. Du moins, c'est le cas lorsque
l'économie fonctionne sur un rythme de croisière et que les agents économiques ne sont pas en
train d'anticiper une récession de l'activité.

Taux fixes et taux variables

En toutes circonstances, il existe deux possibilités de financement par l’endettement. Si l'agent


économique choisit un taux fixe, il emprunte une somme pour une durée et un taux d'intérêt
déterminé à l'avance. En choisissant un taux variable, il peut constater une évolution du taux
d'intérêt jusqu'à la maturité de l'emprunt. Choisir un taux variable plutôt qu'un taux fixe ou
l'inverse revient à anticiper une évolution du contexte économique (activité, inflation, politique
monétaire…). Il en est de même pour le choix de la durée de l'emprunt ou du dépôt. Par
exemple, en période de croissance, une entreprise qui anticipe une remontée des taux courts

2
aura tout intérêt à placer ses liquidités sur le court terme, en dépit du fait que les taux longs
soient actuellement plus alléchants.

Taux nominal et taux réel

Le taux nominal d'un emprunt est souvent qualifié de taux "apparent" et ne reflète pas le
véritable coût du crédit. Pour se rapprocher de la réalité, il est nécessaire de prendre en compte
le taux d'inflation, qui change chaque année et que l'on ne connaît pas à l'avance. Le taux réel,
que l'on peut approximer en retranchant le taux d'inflation au taux nominal (hypothèse valable
lorsque les taux sont faibles) est donc une photographie du coût réel de l'emprunt au moment
de la souscription.

Taux courts, taux longs

Vous voilà bien armé pour comprendre ce qui va suivre. Il ne faut pas confondre marché
monétaire et marché obligataire ni taux courts et taux longs. Le marché monétaire est le marché
sur lequel les institutions financières se prêtent de l'argent entre elles sur des durées allant de
quelques heures à 1 an. Sur le marché obligataire, ce sont aussi bien les banques que les Etats,
les entreprises et certaines collectivités qui s'échangent des capitaux à moyen et à long terme
(supérieur à 1 an). Seuls les gouvernements sont en mesure d’émettre des titres de créances
(obligations) à court terme sur le marché obligataire : les bons du trésor à taux fixe.

Les marchés monétaires et obligataires sont représentés par des taux de référence différents. En
Europe, l'ESTR (au jour le jour), l'EONIA (au jour le jour) et l'EURIBOR (de 1 semaine à 12
mois) reflètent les coûts d'emprunt moyens que s'appliquent les banques de la zone euro entre
elles sur le court terme. Ils permettent alors aux agents économiques qui les consultent de
prendre la température de l'offre et la demande sur le marché monétaire.

Le marché obligataire est quant à lui représenté par les taux indicatifs des bons du trésor (BTF,
court terme) et les taux des Obligations Assimilables au Trésor (OAT, moyen-long terme). Il
est important de noter que ces taux correspondent aux cours auxquels ces titres s’échangent sur
les marchés et non aux taux d’intérêt fixés à l’émission de ces emprunts. Lorsque ces taux
augmentent c’est donc que le prix de la dette diminue (on paie moins cher pour avoir accès au
même coupon, le taux augmente donc).

Les emprunts d'Etat agissent comme un gouvernail des taux d'intérêt à moyen et long terme.
Un État étant par essence un agent économique fiable et peu risqué, les taux souverains agissent
comme un plancher pour l'ensemble des taux longs. Les entreprises qui souhaitent se financer
sur le marché obligataire devront donc le faire à un taux supérieur à celui-ci. On notera tout de
même que pour une entreprise, se financer sur le marché obligataire coûte moins cher qu’un
emprunt auprès d’une banque.

3
Taux des obligations gouvernementales 10 ans des pays du G20. Le taux souverain allemand
est de -0.35%.

On est alors en mesure de comprendre que l'évolution des taux directeurs des banques centrales
a un impact direct sur le marché monétaire et les taux courts mais que c'est le bilan d'un pays
ainsi qu'un ensemble de facteurs relatifs à l'activité économique qui permettent d'expliquer
l'évolution des taux longs. La transmission des taux courts aux taux longs et la relation entre les
taux directeurs et l'activité économique n'est pas simple et directe. Elle fait d'ailleurs l'objet d'un
certain nombre de recherches plus intéressantes les unes que les autres. Comprenez alors qu’une
baisse des taux directeurs (taux courts) n’a pas d’impact direct sur le financement des
entreprises sur le marché obligataire et que cette baisse n'entraîne pas directement une reprise
de l’activité économique.

Les taux de change

Avoir différentes devises permet le bon fonctionnement du commerce international. Rares sont
les pays dont la balance commerciale (exportations – importations) est neutre. De ce fait,
certaines régions (qui exportent plus qu'elles importent) ont intérêt à ce que leur monnaie soit
faible comparée aux autres. Ainsi, leurs produits paraissent moins chers aux yeux du monde,
ils sont plus compétitifs et voient leurs volumes de ventes augmenter. Pour autant, cela ne
4
change en rien le pouvoir d'achat des habitants de ce pays qui sont payés et qui consomment
avec la devise locale. A l'inverse, un pays importateur net souhaite généralement renforcer sa
monnaie pour payer les produits et services étrangers moins chers.

Lorsque le taux sans risque d'un pays augmente (émission de nouvelles obligations
gouvernementales sur le marché primaire avec un taux nominal plus élevé), cela a tendance à
attirer des flux de capitaux étrangers. Si la stabilité du pays n'est pas remise en question, alors
sa monnaie va s'apprécier, fruit de la demande pour des placements "sans risque" mieux
rémunérés.

Les banques centrales

Le rôle principal des banques centrales est d'assurer la stabilité des prix d'une région
économique. Pour ce faire, elles disposent d'outils, dont les taux d'intérêts directeurs font partie
(on citera aussi les facilités permanentes et la constitution de réserves obligatoires qui
permettent de maîtriser la multiplication monétaire). Depuis 2008, elles ont aussi recours à des
politiques dites "non conventionnelles", telles que le rachat d'actifs ou l'argent hélicoptère.

Dans le cadre d'une politique monétaire classique, les banques centrales orientent donc à la
baisse ou à la hausse leurs taux d'intérêts directeurs qui sont, par essence, des taux courts. Il
faut bien comprendre qu'une banque centrale intervient sur le marché monétaire, un marché où
n'interviennent que des institutions financières telles que les banques commerciales.

Sachant qu'il existe des intermédiaires (les banques commerciales) entre les banques centrales
et les entreprises ou particuliers, les taux directeurs n'ont aucun impact direct sur les taux longs
et l'activité économique. On peut alors se demander comment la banque centrale est en mesure
d'utiliser un outil dont l'efficacité est si complexe à modéliser.

La relation entre la politique monétaire et l'activité économique.

Sur la toile internet, vous pouvez être amenés à rencontrer ce genre de propos : Lorsque que la
BCE décide de monter le taux de refinancement, les banques commerciales répercutent ensuite,
en principe, ce loyer sur les intérêts des crédits qu'elles accordent à leurs propres clients. Plus
le taux de la BCE est bas, plus le coût du crédit a des chances d'être bon marché ce qui, en
théorie, favorise la croissance.

Vous vous demandez alors la raison du ton incertain de cette affirmation. Peut-être vous a-t-on
appris que lorsque la BCE diminue son taux de refinancement, alors la croissance s'en suit
mécaniquement. Et bien, sachez que de nombreux économistes de renom se sont arrachés les
cheveux sur la question. Démontrer qu'il s'agit d'un raccourci trompeur et même faux n'est pas
difficile, pour autant, comprendre les tenants et aboutissants de la contribution de la politique
monétaire à la croissance économique est une toute autre affaire.

Pourquoi se sont-ils intéressés à ce sujet ? Tout simplement car les différentes phases de
récession de l'économie ont remis en question l'efficacité des outils des banques centrales pour
relancer l'activité. A ce propos, elles se sont d'ailleurs retrouvées obligées d'innover en ayant
recours à des solutions plus directes que l'on appelle "non conventionnelles".

Dans le monde de la finance, il existe un nombre incroyable de taux. On aurait pu parler du


taux actuariel, du taux de rendement interne (TRI), du taux de rentabilité attendu (Kcp), du taux
d'actualisation (WACC), mais là n'est pas l'objectif de cet article. Ici, le but est simplement de
5
marquer la distinction entre taux courts et taux longs, marché monétaire et obligataire, et ainsi
appréhender le rôle et l'influence des banques centrales et de leur politique monétaire sur
l'activité économique.

Etienne Monceau

Quelques définitions que vous êtes désormais en mesure de comprendre :

ESTR (marché monétaire, CT, au jour le jour) : taux à court terme en euros qui reflète les
coûts d'emprunt au jour le jour en euros non garantis pour les banques de la zone euro. Le taux
est publié par la BCE à 8 heures (heure d'Europe centrale) tous les jours d'ouverture de
TARGET 2. L'ESTR est calculé sous la forme d'une moyenne de taux d'intérêt pondérée par le
volume de transactions réalisées la veille. Les dépôts non garantis (pas de collatéral) sont
largement utilisés pour conduire des transactions à distance sur la base d'une procédure
concurrentielle. Le fait qu'ils soient non garantis limite les facteurs susceptibles d'influencer la
volatilité des taux. (Source : Banque de France)

EONIA (marché monétaire, CT, au jour le jour) : taux de référence pour les opérations de
prêt interbancaires au jour le jour pratiqué dans la zone euro. À compter du 02 octobre 2019, le
taux est calculé en ajoutant 8,5 points de base au taux €STR. (Source : Banque de France)

EURIBOR (marché monétaire, CT, de 1 semaine à 12 mois) : taux interbancaire offert entre
banques de meilleures signatures pour la rémunération de dépôts dans la zone euro. Il est calculé
en effectuant une moyenne quotidienne des taux prêteurs sur 13 échéances communiqués par
un échantillon de 57 établissements bancaires les plus actifs de la zone Euro. Il est calculé sur
la base de 360 jours et est diffusé à 11h le matin si au moins 50% des établissements constituant
l'échantillon ont effectivement fourni une contribution. La moyenne est effectuée après
élimination des 15% de cotation extrêmes (le nombre éliminé est toujours arrondi) et exprimée
avec trois décimales. (Source : Banque de France)

Taux de refinancement (banque centrale, marché monétaire, CT) : est le principal taux
directeur des banques centrales. Il permet à la banque centrale de prêter aux banques
commerciales. C'est un outil qui permet aux banques centrales de réguler l'activité économique
par l'apport ou le retrait de liquidités.

Taux souverains (marché obligataire, catégorie obligation gouvernementale) : Les


emprunts d'État sont des obligations émises par un gouvernement, généralement dans sa propre
devise (OAT en France, T-Bond aux États-Unis, Gilt pour le Royaume-Uni ou Bund pour
l'Allemagne, etc.). Les emprunts d'État constituent le marché directeur des taux d'intérêt à
moyen et long terme, on parle alors de taux des emprunts d'État ou de taux souverains.

6
Taux d’intérêts réels ou irréels ?

A bien des égards, la situation actuelle peut sembler irréelle pour un économiste qui se
penche sur sa bibliothèque d’ouvrages économiques.

L’épisode de fièvre inflationniste que traversent les Etats-Unis et la zone euro a fait plonger
mécaniquement les taux d’intérêt réels – les taux d’intérêts nominaux corrigés de l’inflation –
en territoire négatif. Pour retrouver pareils cas à travers l’Histoire, il faut remonter aux guerres
mondiales ou à l’hyperinflation des années 1970. Cependant, les catalyseurs étaient bien
différents : pénuries lors des guerres dans le premier cas, chocs pétroliers dans le second. A
bien des égards, la situation actuelle peut sembler irréelle pour un économiste qui se penche sur
sa bibliothèque d’ouvrages économiques.

Aujourd’hui, le taux américain à 10 ans et le taux européen de référence, le 10 ans allemand,


atteignent -3% quand ils sont corrigés de l’inflation cœur, excluant les prix de l’alimentation et
de l’énergie. Ce pourcentage est bien plus faible en considérant l’inflation globale.

Quels impacts pour les agents économiques ?

Pour les plus prudents des épargnants, il s’agit d’une lente euthanasie comme Keynes le
soulignait puisque l’inflation érode la rémunération des actifs réputés sans risque. Ainsi un
investisseur qui prêterait à 10 ans aux Etats-Unis ou à l’Allemagne verrait-il le pouvoir d’achat
de son épargne diminué de plus d’un quart si la situation restait en l’état jusqu’à échéance. Les
épargnants disposés à prendre plus de risques sont quant à eux mécaniquement poussés vers
des actifs plus rémunérateurs, donc plus risqués… au risque de contribuer à la création de
bulles. L’appétit actuel pour les cryptoactifs en est peut-être l’une des conséquences.

Pour les citoyens et les Etats, ces taux réels nettement négatifs ont le mérite de rendre la dette
publique soutenable. L’endettement rapporte en termes réels : l’inflation augmente les recettes
au-delà du coût de l’emprunt. Aussi irréel que cela puisse paraître, l’Etat s’enrichit donc en
s’endettant !

Pour les entreprises, la faiblesse du coût de l’endettement fait apparaître comme potentiellement
rentables des projets d’investissement qui ne l’étaient pas avec des taux réels plus élevés. Une
rentabilité même lointaine et hypothétique permet ainsi de justifier la valorisation d’entreprises
pourtant en déficit chronique. L’incitation à s’endetter et à investir est donc bien réelle.

Pour les banques centrales, leur statut de mandataires d’une inflation maîtrisée et de premières
créancières des Etats peut sembler irréel. Si elles choisissent de respecter l’un des objectifs
explicite de leur mandat – la lutte contre l’inflation –, elles devraient stopper rapidement leurs
achats d’actifs et remonter les taux directeurs. Ce qui fragiliserait mécaniquement les Etats dont
elles détiennent une très large partie de la dette. In fine les banques centrales risqueraient de se
décrédibiliser en fragilisant leur propre bilan. Il semble désormais clair que les mandats de la
7
Fed et de la BCE poursuivent l’objectif implicite de maintenir des taux réels a minima nuls, et
idéalement négatifs. Cela explique leur réticence à s’engager avec vigueur dans la voie du
resserrement monétaire depuis plusieurs mois. A court terme, cet exercice d’équilibriste semble
réaliste. A long terme, il pourrait se transformer en mission impossible si l’inflation venait à
déraper.

Aussi irréels qu’ils puissent paraître, les taux réels négatifs ont vocation à devenir une nouvelle
réalité.

Olivier de Berranger

8
Les taux d’intérêt réels bas soutiennent les prix des actifs mais les risques
augmentent

Une hausse marquée et brusque des taux d’intérêt réels pourrait éventuellement provoquer
un repli des actions.

Les perturbations des approvisionnements, conjuguées à la forte demande de biens, à


l’augmentation des salaires et à la hausse des cours des produits de base, demeurent
problématiques pour les pays à travers le monde, l’inflation dépassant les objectifs des Banques
Centrales.

Pour contenir les tensions sur les prix, de nombreux pays ont commencé à durcir leur politique
monétaire, d’où une hausse sensible des taux d’intérêt nominaux. En outre, les rendements
obligataires à long terme, qui servent souvent d’indicateur de l’état d’esprit des investisseurs,
renouent avec les niveaux antérieurs à la pandémie dans certaines régions comme les États-
Unis.

Souvent, les investisseurs ne se contentent pas d’examiner les taux nominaux : ils fondent leurs
décisions sur les taux réels, à savoir les taux corrigés de l’inflation, qui les aident à déterminer
le rendement des actifs. Les taux d’intérêt réels bas encouragent les investisseurs à prendre plus
de risques.

Malgré un léger resserrement des conditions monétaires et la récente évolution à la hausse, les
taux réels à plus long terme restent fortement négatifs dans de nombreuses régions, ce qui
favorise des prix élevés pour les actifs plus risqués. Un nouveau durcissement pourrait encore
s’imposer pour maîtriser l’inflation, même si cela constitue une menace pour les prix des actifs.
De plus en plus d’investisseurs pourraient décider de vendre des actifs à risque car ceux-ci
deviendraient moins attrayants.

Des points de vue différents

Si les taux du marché à plus court terme ont grimpé depuis que les banques centrales ont adopté
un ton offensif dans les pays avancés et dans certains pays émergents, on observe encore une
différence notable entre les anticipations des autorités concernant le niveau que leurs taux
directeurs atteindront et celles des investisseurs portant sur l’ampleur définitive du
resserrement.

Cela est particulièrement manifeste aux États-Unis, où les responsables de la Réserve


fédérale prévoient que leur principal taux d’intérêt atteindra 2,5 %. Cela représente plus d’un
demi-point de plus que ce que les rendements des obligations du Trésor à 10 ans laissent
entrevoir.

9
Ces divergences de vues entre les marchés et les autorités sur l’évolution la plus probable des
coûts d’emprunt sont importantes, car cela signifie que les investisseurs pourraient corriger à la
hausse leurs anticipations concernant le resserrement de la politique de la Fed d’une manière à
la fois plus prononcée et plus rapide.

En outre, les banques centrales pourraient durcir leur politique davantage qu’elles ne le
prévoient actuellement en raison de l’inflation persistante. Pour la Fed, cela veut dire que le
principal taux d’intérêt à la fin du cycle de resserrement pourrait dépasser 2,5 %.

Conséquences des divergences de vues sur la trajectoire des taux

La trajectoire des taux directeurs a des conséquences importantes pour les marchés financiers
et l’économie. Du fait de l’inflation élevée, les taux réels sont historiquement bas, malgré le
récent rebond des taux d’intérêt nominaux, et devraient le rester. Aux États-Unis, les taux à
long terme tournent autour de zéro, tandis que les rendements à court terme sont fortement
négatifs. En Allemagne et au Royaume-Uni, les taux réels demeurent extrêmement négatifs
pour toutes les échéances.

Ces taux d’intérêt réels très bas s’expliquent par le pessimisme à l’égard de la croissance
économique au cours des prochaines années, par l’excès d’épargne à l’échelle mondiale en

10
raison du vieillissement démographique, et par la demande d’actifs sans risque dans le contexte
d’une montée de l’incertitude amplifiée par la pandémie et les récents problèmes géopolitiques.

Les taux d’intérêt réels historiquement bas continuent à dynamiser les actifs plus risqués, en
dépit de la récente hausse. La faiblesse des taux réels à long terme va de pair avec des
coefficients de capitalisation des résultats historiquement élevés sur les marchés des actions,
sachant qu’ils sont utilisés pour anticiper la croissance bénéficiaire et les flux de trésorerie
attendus à l’avenir. Toutes choses égales par ailleurs, le resserrement de la politique monétaire
devrait provoquer un ajustement des taux d’intérêt réels et une hausse du taux d’actualisation,
ce qui se traduirait par une baisse des cours des actions.

Malgré le récent resserrement des conditions financières et les craintes entourant le virus et
l’inflation, les valorisations des actifs demeurent tendues à l’échelle mondiale. Sur les marchés
du crédit, les écarts de rendement restent aussi en deçà des niveaux antérieurs à la pandémie en
dépit d’un élargissement modéré dernièrement.

Après une année exceptionnelle marquée par des bénéfices solides, le marché des actions aux
États-Unis a débuté 2022 par un repli brutal dans le contexte d’une inflation élevée, de
l’incertitude entourant la croissance et de la détérioration des perspectives bénéficiaires. En
conséquence, nous estimons qu’une hausse soudaine et considérable des taux réels pourrait

11
provoquer une lourde chute des actions américaines, en particulier dans les secteurs très prisés
comme les technologies.

Cette année déjà, le rendement réel à 10 ans a augmenté de près d’un demi-point de
pourcentage. La volatilité des actions s’est envolée sous l’effet d’un regain d’inquiétude des
investisseurs, l’indice S&P 500 ayant cédé plus de 9 % pour l’année et le Nasdaq Composite
ayant chuté de 14 %.

Impact sur la croissance économique

Nos estimations de la croissance à risque, qui établissent un lien entre les risques de
ralentissement de la croissance économique à l’avenir et les conditions macro financières,
pourraient augmenter sensiblement en cas de brusque hausse des taux réels et de resserrement
des conditions financières globales. Les conditions accommodantes ont permis aux
administrations, aux ménages et aux entreprises à travers le monde, de faire face à la pandémie.
Toutefois, la situation pourrait changer compte tenu du durcissement de la politique monétaire
afin de juguler l’inflation, ce qui modèrerait l’expansion économique.

En outre, les flux de capitaux vers les pays émergents pourraient être menacés. Les
investissements en actions et en obligations dans ces pays sont en général considérés comme
moins sûrs, et le resserrement des conditions financières mondiales pourrait provoquer des
12
sorties de capitaux, surtout pour les pays qui affichent des paramètres économiques
fondamentaux plus fragiles.

Face à la persistance de l’inflation, les banques centrales vont devoir se livrer à un exercice
d’équilibrage. Pendant ce temps, les taux d’intérêt réels demeurent très bas dans de nombreux
pays. Le durcissement de la politique monétaire doit aller de pair avec un certain resserrement
des conditions financières. Cependant, un net resserrement des conditions financières
mondiales pourrait avoir des conséquences imprévues. Une hausse plus marquée et brusque des
taux d’intérêt réels pourrait éventuellement entraîner une réévaluation des cours, source de
perturbations et un effondrement des actions encore plus marqué. Comme les risques financiers
restent élevés dans plusieurs secteurs, les autorités monétaires devraient donner des indications
claires sur la future orientation de leur politique afin d’éviter une volatilité inutile et de préserver
la stabilité financière.

Tobias Adrian et Nassira Abbas

13
Sept hausses du taux d’intérêt pour cette année ?

Cette année, la banque centrale des Etats-Unis, la Fed, aura sept fois l’occasion d’augmenter
les taux d’intérêt.
• Ce serait davantage que ce qui est attendu actuellement et signifierait une hausse plus
rapide que lors du dernier cycle de durcissement, entre 2015 et 2018.
• En 2018, les taux d’intérêt réels à court terme sont devenus positifs. Devons-nous nous
attendre à ce que la Fed fasse passer le taux directeur (Fed Funds Rate) à plus de trois
pour cent pour obtenir la même chose ?
• Les messages de la Fed pourraient signaler qu’il faut s’attendre à encore davantage que
ce que le marché reflète actuellement.

Une augmentation des taux à chaque réunion ?

A l’heure actuelle, il est sans doute préférable de s’attendre à ce que la Federal Reserve (Fed)
augmente probablement le taux directeur lors de chaque réunion prévue pour cette année, et ce
de 25 points de base (pb). Les prochaines réunions auront lieu le 16 mars et le 4 mai, dates
auxquelles les taux d’inflation des mois de février et de mars seront révélés au marché. Etant
donné que nous estimons que les taux d’inflation resteront très élevés toute l’année, la FED
aurait suffisamment de raisons pour augmenter les taux d’intérêt en ces deux occasions. Lors
de la réunion suivante du 15 juin, nous serons informés sur l’inflation des mois d’avril et de
mai. D’ici là, les taux d’intérêt devraient déjà diminuer par rapport à l’année antérieure en raison
des effets de base et d’une certaine diminution de la pression exercée sur les prix de l’offre et
de l’énergie. La Fed pourrait faire une pause si les chiffres vont dans la bonne direction ou
continuer à augmenter les taux d’intérêt si la pression inflationniste reste très élevée. D’ici là,
le taux de chômage pourrait se rapprocher des 3,5 pour cent d’avant la pandémie, ce qui
fournirait à la Fed d’autres arguments en faveur d’augmentations du taux d’intérêt.

Les réunions du comité du marché ouvert (FOMC) de septembre et de novembre dévoileront


les réactions des marchés et de l’économie aux hausses des taux d’intérêt à court terme. Le Fed
Funds Rate pourrait alors avoir déjà atteint les 1,25 pour cent. Sa valeur réelle serait toujours
fortement négative étant donné que nous attendons un taux d’inflation moyen proche de trois
pour cent pour 2023. Ainsi, il pourrait y avoir deux ou trois autres augmentations du taux
d’intérêt d’ici la fin de l’année. Si une hausse est conclue lors de chaque réunion, nous
obtiendrions un taux de deux pour cent d’ici la fin de l’année. Les perspectives seraient bien
différentes pour 2023, avec le pic du cycle de taux qui se pointerait à l’horizon.

14
Optimisme pour le dollar US

Après la réunion de la FOMC de la semaine dernière, suivie des commentaires de son président
M. Powell, le marché a pratiquement reflété le scénario présenté ci-dessus. Le rendement des
obligations souveraines des Etats-Unis sur deux ans est actuellement de 1,2 pour cent et donc
de 100 bp supérieurs à la valeur moyenne de 2021. La politique restrictive de la Fed a entraîné
un autre aplatissement de la courbe de rendement. L’écart entre les obligations sur dix et deux
ans a diminué pour passer maintenant à 0,62 pour cent. Ceci correspond à une baisse de près de
100 points de base par rapport à la plus grande différence enregistrée l’année dernière. Pour les
investisseurs orientés vers le rendement avec une exposition au dollar US, l’extrémité courte de
la courbe est désormais intéressante – surtout par rapport aux obligations européennes. Le
rendement des obligations souveraines allemandes sur deux ans s’y élève toujours à moins 60
bp. Ce n’est donc pas étonnant qu’on ait un dollar fort qui se dirige à court terme vers un niveau
inférieur à 1,10 USD/Euro.

Courbe plus plate, rendements plus élevés

Une courbe qui s’aplatit, est un signe indicateur d’un cycle d’augmentation du taux d’intérêt.
Avant le pic du cycle, à la fin de 2018, la courbe des Etats-Unis continuait de s’aplatir malgré
la hausse des rendements des bons du trésor (Treasuries) sur dix ans. Les investisseurs
obligataires appliquent une stratégie essentielle, à savoir renforcer la pondérisation de la courte
durée jusqu’à ce que la confiance soit rétablie, à savoir la fin des augmentations du taux d’intérêt
par la Fed et, pour les investisseurs plus exigeants, associer ce développement dans le
portefeuille d’obligations de toutes durées à un aplatissement tendanciel. Même si le marché
commence à refléter une augmentation du taux lors de chaque réunion du FOMC, cela ne
signifie pas obligatoirement qu’il tiendra compte de toutes les hausses du taux d’intérêt à venir.
Ce serait très inhabituel si le marché reflétait la totalité du cycle de raidissement avant la
première augmentation du taux d’intérêt. Il existe un potentiel de hausse des rendements
pendant toute la durée de la courbe.

Le bilan de la FED, le grand inconnu :

L’allure future de la courbe de rendement et le niveau des rendements sur le plus long terme
ont un grand inconnu : le bilan. M. Powell a annoncé que la Fed commencera à réduire le bilan
au cours de l’année. Toutefois, il n’existe pratiquement aucun détail sur le moment, la durée et
l’ampleur. Mais il est certain que le flux et le montant des obligations tenues par la Fed vont un
jour passer au-dessous de zéro.

Primes de risque plus élevées ?

C’est un point très important. Pendant l’assouplissement quantitatif (QE), les primes de risque
ont baissé dans toutes les catégories de placement étant donné que les activités des banques
centrales ont diminué systématiquement le risque d’augmentation des taux d’intérêt et mis à
disposition d’importantes liquidités. Le rééquilibrage du portefeuille profita de catégories
d’actifs plus risquées si bien que les primes de risque ont diminué pour les obligations
souveraines et les action ex ante. A l’avenir, est-ce que la réalité correspondra à l’inverse ? Est-
ce que les primes de risque augmentent quand l’offre concernant des actifs sans risque affiche
une hausse supérieure à ce que l’on attendrait normalement (autrement dit, si les gouvernements
15
émettent des obligations pour couvrir les déficits et le refinancement) ? Du point de vue
conceptuel, on a l’impression que ceci entraîne une augmentation des primes de risque,
autrement dit une augmentation de la prime de terme sur les marchés des taux d’intérêt, des
spreads de crédit supérieurs, un risque de défaut supérieur pour les obligations d’entreprise ainsi
qu’une baisse des ratios cours sur bénéfices des actions.

Les arguments contre

Il convient de considérer ce point de vue extrêmement négatif avec une certaine réserve.
Premièrement, la diminution du bilan est une option politique. La Fed et d’autres banques
centrales ont le plein contrôle sur la rapidité et l’ampleur de la réduction des bilans. Si elles
voient apparaître des effets négatifs externes, elles vont modifier leur politique. Deuxièmement,
le timing n’est pas clair. Il se pourrait que la réduction ait lieu progressivement. Troisièmement,
il devrait s’agir d’un développement global pour obtenir l’effet maximum sur les rendements.
Depuis 2009, toutes les grandes banques centrales ont pratiqué simultanément le QE à différents
moments, y compris pendant la pandémie. Ces importants achats obligataires par les banques
centrales ont fait baisser les rendements partout. Il est possible qu’elles doivent toutes pratiquer
un redressement quantitatif en même temps pour obtenir une hausse générale et durable des
rendements. La Banque centrale européenne (BCE) et la Bank of Japan vont suivre de près les
agissements de la Fed. Somme toute, en cas de réduction des bilans, les rendements vont
probablement augmenter dans les cinq années à venir. Toutefois, la marche à suivre semble
actuellement encore très incertaine.

La volatilité crée des opportunités

Entretemps, tout se concentre sur les ajustements des évaluations qui ont actuellement lieu sur
les marchés. La volatilité semble créer le flou parmi les analystes des marchés : Certains
argumentent qu’il est temps d’acheter, d’autres renforcent leurs pronostics négatifs, encouragés
par des baisses à deux chiffres sur le marché des actions. Certains disent que la politique joue
le rôle d’ « overkill » et qu’elle décale une récession vers l’avant. D’autres pensent qu’il en faut
encore beaucoup plus pour compenser l’inflation promue par d’énormes incitations fiscales et
en matière de politique monétaire, associée à une pénurie mondiale de l’offre. Le mieux que
l’on puisse dire, est de prendre ses distances par rapport à l’hystérie et de revoir ses objectifs de
placement. Si le maintien des capitaux figure au premier plan, les liquidités et les placements à
court terme, les actions de qualité et les titres caractérisés par une faible volatilité tout comme
l’immobilier devraient aider.

Pour augmenter les possibilités de croissance, il est important d’évaluer les pays émergents et
de savoir jusqu’où aller avec les actions de croissance. L’avantage des rendements supérieurs,
ce sont les rendements supérieurs. Lors de la planification de l’allocation du patrimoine, il est
possible d’accorder une plus grande importance aux attentes en termes de rendement.

Transmission

En réagissant à l’inflation nettement supérieure à l’objectif, la Fed fait exactement ce qu’elle


doit faire. L’énorme hausse de l’inflation restera sans doute provisoire, mais elle ne passera pas
sous un taux de deux pour cent. La Fed sait qu’elle ne peut pas modifier la dynamique de l’offre.
Mais elle peut influencer le prix de l’emprunt destiné aux achats à crédit. Le facteur essentiel,
16
décidant à quel moment la Fed arrête, c’est la confiance qu’elle a dans le mécanisme de
transmission en matière de politique monétaire. Jusqu’à présent, ce processus fonctionne - les
conditions financières sont renforcées par une augmentation du coût du crédit, des prix
inférieurs pour les actifs et un taux de change plus fort. Une augmentation à chaque réunion
constitue un grand défi pour cette année. Mais mieux la Fed reflète les conditions financières,
plus le cycle de durcissement sera terminé rapidement.

Alain ROUX

17
Pourquoi les banquiers centraux ne relèvent pas leurs taux d’intérêt ?

Jeudi 3 février, la Banque centrale européenne a conservé son cap monétaire accommodant
malgré une inflation record en zone euro. Mais pour combien de temps ? André Cartapanis
dresse les perspectives d'actions avec des marges de manœuvres très serrées.

A première vue, les banques centrales des pays développés ne devraient guère avoir
d'hésitations quant à l'orientation des politiques monétaires. On assiste à la combinaison d'une
accélération de l'inflation (+ 5,1% en janvier dans la zone euro) et d'un fort rebond de la
croissance, après la récession de 2020, accompagné de créations d'emplois et conduisant à un
taux de chômage parmi les plus bas depuis longtemps.

Il n'y a donc pas de conflit d'objectifs : en menant une politique monétaire moins
accommodante, et en relevant les taux d'intérêt directeurs, on peut faire d'une pierre deux coups
en s'attaquant à l'inflation sans trop risquer de dégrader l'emploi. Pourquoi, alors, les banquiers
centraux sont-ils si hésitants, surtout dans la zone euro, en laissant les taux directeurs inchangés
tout en annonçant leur remontée possible fin 2022 ou en 2023 ?

Des préoccupations de plus long terme

Premièrement, les effets des politiques monétaires s'exercent de moins en moins par le canal du
crédit et par l'impact mécanique des taux sur le volume du crédit, la demande globale et, in fine,
sur l'inflation ou la croissance. Le poids des marchés financiers, des prix d'actifs, des effets
richesse, des niveaux d'endettement, pas seulement des Etats mais aussi des ménages et des
entreprises, est devenu dominant. D'où, d'ailleurs, les explications de Jerome Powell ou de
Christine Lagarde, lors des conférences de presse faisant suite aux réunions des comités de
politique monétaire, en direction des « marchés » bien plus que des entreprises, et moins encore
des ménages. Or, une hausse des taux conduit inévitablement à une montée des risques, à des
tensions sur la soutenabilité de l'endettement public ou privé, à une fragilisation des bilans, à
des ajustements brutaux et des réallocations d'actifs sur les marchés d'actions et les marchés
obligataires, à une volatilité accrue. Sans parler des effets sur les pays émergents. De quoi
hésiter !

Deuxièmement, quelle est l'origine du rebond actuel de l'inflation ? Est-ce une réponse à un
choc de demande, de nature à perdurer, et créant une demande excédentaire sur les marchés de
biens et services ? C'est douteux, au vu de la hausse des taux d'épargne des ménages, d'un niveau
d'investissement en capital productif qui reste modéré et des effets anticipés de la réduction des
déficits budgétaires qui se profile au sortir de la pandémie. Mais si le redémarrage de l'inflation
s'explique par un choc d'offre (pénurie de sources d'énergie, goulots d'étranglement dans les
chaînes de valeurs internationales), alors l'inflation actuelle est temporaire et une remontée des
taux sans fondement. A nouveau, de quoi hésiter.

Troisièmement, au-delà de la cible d'inflation (autour de 2%) et de l'output gap (l'écart entre la
croissance observée et la croissance potentielle), les banques centrales intègrent dans leurs
décisions de court terme des préoccupations de plus long terme, en référence au fameux taux
18
d'intérêt naturel, dénommé aussi le taux neutre ou le R*, qui n'est rien d'autre que le taux
d'intérêt réel qui conduit l'output au plus près de l'output potentiel tout en assurant le plein-
emploi et la stabilité des prix dans le long terme. R* n'est pas observable et doit être estimé, ce
qui est loin d'être aisé. Mais les mutations en cours dans les systèmes productifs et dans la
société (environnement, énergie, résilience, digitalisation, santé, grand âge…), s'ajoutant à la
chute des gains de productivité et au vieillissement des populations, jouent toutes dans le même
sens : des besoins d'investissement considérables, sans traduction immédiate en termes de
croissance de l'output et des revenus réels, conduisant à la poursuite de la baisse de R* et
justifiant le maintien de taux d'intérêt directeurs aux niveaux actuels.

Les hésitations des banques centrales ne relèvent ni d'un biais vers l'inaction, ni d'une sorte de
procrastination. Les taux d'intérêt réels de long terme doivent rester très faibles, durablement,
et le maintien des taux courts à des niveaux proches de zéro, couplé à un regain d'inflation, peut
y contribuer.

André Cartapanis

19
Les taux d’intérêt remontent : au secours ?

Face à une inflation croissante, la Réserve fédérale diminue plus rapidement que prévu son
soutien à l’économie américaine. Les effets sont imprévisibles.

Attention, panique à bord : avec l’inflation qui s’installe à haut niveau, les banques centrales
durcissent leur politique monétaire et les taux d’intérêt à long terme, ceux auxquels empruntent
les Etats, les entreprises et les particuliers, recommencent à monter. Cela signifie que le coût
des dettes, en particulier des dettes publiques qui ont fortement augmenté avec la pandémie, va
grimper et, ah ! mon Dieu, qu’une crise financière se prépare ! On se calme.

Après le QE, l’ère du QT


Certes, en ce début 2022, la politique monétaire américaine se durcit plus vite que prévu. En
conséquence, les taux d’intérêt à long terme remontent aux Etats-Unis et le mouvement se
propage en Europe. Mais il le fait doucement. Et la Banque centrale européenne (BCE) n’est
pas sur la même ligne que sa consœur américaine (la Réserve fédérale, ou Fed) : elle agira plus
longtemps pour maintenir les taux d’intérêt bas.

Après la crise financière et encore plus depuis la pandémie, les banques centrales ont apporté
un soutien massif aux économies par leur politique de quantitative easing (QE), c’est-à-dire
l’achat de titres de dette, essentiellement publique, pour maîtriser les taux d’emprunt par une
demande forte. Le mécanisme est simple : quand beaucoup de monde veut vous prêter de
l’argent, vous pouvez vous permettre de proposer des taux d’intérêt bas. De ce point de vue,
l’action des banques centrales a été très impressionnante et se lit dans la progression de leur
bilan, qui reflète leurs achats : des deux côtés de l’Atlantique, il s’approche des 9 000 milliards
d’euros et de dollars quand, avant la crise de 2007-2008, on était autour de 1 000 milliards.

On savait que ce soutien n’allait pas durer éternellement, mais toute la question était de savoir
quand et comment sortir de cette politique sans provoquer une remontée rapide des taux
d’intérêt de long terme qui renchérirait le coût du crédit. La banque centrale des Etats-Unis est
la première à tenter la chose et elle le fait à un rythme plus rapide que prévu.

Première étape : la réduction des achats dans le cadre du QE a démarré en novembre dernier et
s’achèvera rapidement, dès mars. Deuxième étape : la remontée des taux d’intérêt directeurs,
fixés par les banques centrales. Lorsque la Fed a annoncé le recul de ses achats en novembre
dernier, il était clair qu’elle n’entendait pas rehausser ses taux tout de suite. Désormais,
plusieurs augmentations devraient avoir lieu cette année. Pourquoi ce changement ? Entre-
temps, l’inflation a grimpé à 7 % en décembre et le taux de chômage est passé sous la barre des
4 %. Le signe d’une économie en surchauffe ? Pas forcément : l’inflation peut être transitoire.
Les hausses de salaires ont déjà commencé à ralentir fin 2021. Selon les économistes Florence
Pisani et Anton Brender, « sur les chaînes de production, on est au pic des tensions même si
cela va prendre quelques mois pour se normaliser ». Et « le déficit d’emplois est encore de
3,6 millions par rapport à la situation d’avant-crise, soit de presque 3 % », commente
l’économiste Véronique Riches-Flores.
20
Pour autant, dans le compte rendu de la réunion de politique monétaire de mi-décembre publié
le 7 janvier, on voit la Fed prête à enchaîner les hausses de taux d’intérêt. Et le 11 janvier,
lors de l’audition de renouvellement de son mandat à la tête de la banque centrale, Jerome
Powell a indiqué que le niveau de l’inflation représentait « une menace sévère » sur l’économie
et l’emploi. Un message politique que soutient Joe Biden car l’inflation remet en cause sa
promesse de faire progresser le pouvoir d’achat des plus modestes.

Powell a également indiqué qu’il allait passer très rapidement à une troisième étape, la réduction
du bilan de la banque centrale. En clair : non seulement il n’achète plus de titres de dette
publique mais il va commencer, rapidement cette année, à revendre ceux qu’il détient. Après le
QE, voici venue l’ère du QT, le quantitative tightening. A partir de quand et à quel rythme ?
Trop tôt pour le dire. Mais le message est envoyé : en vendant ses titres, la Fed va retirer de la
liquidité au marché. L’argent sera plus rare, donc plus cher. En clair, la Réserve fédérale veut
voir les taux d’intérêt monter. Les investisseurs financiers l’ont bien compris : depuis début
janvier, les taux à dix ans américains sont passés d’un peu plus de 1,5 % à un peu plus de 1,7 %.
Ce qui, avec une inflation à 7 %, laisse néanmoins les taux d’intérêt réels à un niveau largement
négatif.

Europe : pas de panique


Les humeurs des marchés américains pourraient nous laisser de marbre si elles ne mettaient pas
peu de temps à arriver en Europe. Allons-nous connaître le même sort et voir prochainement le
coût des dettes publiques et privées augmenter ? Les taux d’intérêt à dix ans ont effectivement
réagi… pour se situer autour de 0 % mi-janvier en Allemagne et à moins de 0,5 % en France.
Pas de quoi faire exploser le coût des dettes…

D’autant plus qu’à ce stade, la BCE n’est pas sur la même ligne que la Fed. Elle a commencé à
réduire ses achats de titres liés à la gestion de la pandémie. Mais son QE « habituel », si l’on
ose dire, continue et pour un moment encore. De plus, elle ne prévoit pas d’augmenter ses taux
directeurs cette année, ni de passer au QT à ce stade : lorsque la BCE arrêtera d’acheter des
titres de dette publique, elle continuera donc à prêter de l’argent aux Etats européens pour les
aider à rembourser leurs dettes anciennes.

Les mois qui viennent diront si la Réserve fédérale avait raison : si le plein-emploi est là et
l’inflation durable, et si elle a réussi à normaliser sa politique monétaire, c’est-à-dire à sortir de
sa politique de soutien sans faire grimper trop et trop vite les taux d’intérêt à long terme, ce qui
casserait la dynamique économique du pays. Le résultat est impossible à prévoir : on entre
en terra incognita de la politique monétaire.

Quid des politiques budgétaires ?


Les effets de la politique monétaire sur l’activité se font plus ou moins sentir selon l’orientation
choisie au même moment par la politique budgétaire. Or, l’incertitude continue de primer à cet
égard aux Etats-Unis. Le Build Back Better, le grand plan social, écologique et de compétitivité
à 1 800 milliards de dollars voulu par le président Joe Biden, est coincé au Sénat principalement
à cause du démocrate Joe Manchin, un élu du petit Etat de Virginie occidentale. Plus à droite
que nombre de républicains, il a bâti sa fortune sur l’exploitation du charbon et reçoit un
montant considérable de financement politique de la part d’entreprises exploitant les énergies
fossiles. Dans un Sénat où chaque parti a 50 élus, la défection d’un seul prive le Président de la
majorité nécessaire. Malgré la pression conjuguée de Joe Biden et des anciens présidents Barack
21
Obama et Bill Clinton, Joe Manchin restait mi-janvier sur une position de refus et de
marchandage sans fin, laissant dans l’expectative l’avenir écologique, social et de compétitivité
de l’économie américaine.

La situation n’est guère plus claire en Europe. Les pays membres ont commencé à négocier les
nouvelles règles budgétaires devant remplacer les anciens critères – un déficit public sous les
3 % du produit intérieur brut (PIB), une dette sous les 60 % du PIB. La question clé est de savoir
quelles marges de manœuvre laisseront ces nouvelles règles pour les dépenses d’investissement
public, en particulier pour assurer la transition écologique. Christian Lindner, le ministre des
Finances libéral du nouveau gouvernement allemand, a indiqué en décembre dernier qu’elles
devront assurer la stabilité mais également « la croissance et l’investissement », semblant
ouvert à une position allemande moins austère. Fin décembre, le président Macron et le Premier
ministre italien Mario Draghi ont signé une lettre commune, réclamant de « pouvoir réaliser
les dépenses clés nécessaires à notre avenir et à notre souveraineté. Les règles budgétaires
devraient favoriser la dette créée pour financer ces investissements, qui contribuent
indéniablement au bien-être des générations futures et à la croissance à long terme ». Mais
alors que le commissaire européen à l’Economie, l’Italien Paulo Gentiloni, s’y est dit favorable,
celui au Budget, l’Autrichien Johannes Hahn, s’y oppose.

Bref, au moment où la banque centrale américaine assume son changement de stratégie vers la
diminution de son soutien à l’économie, l’avenir des politiques budgétaires des deux côtés de
l’Atlantique reste dans le grand flou. L’incertitude provient plus aujourd’hui des Etats, et leur
peur de l’inflation, que des banques centrales.

Tech : bulle ou pas bulle ?

Est-ce le prélude de l’explosion d’une bulle sur les technologies, comme en 2001 ? Depuis fin
décembre, les cours des actions des Gafam et, surtout, des start-ups pas encore rentables cotées
au Nasdaq américain dévissent face à la perspective d’un relèvement par la Fed de ses taux
directeurs. De quoi inquiéter aussi de l’autre côté de l’Atlantique, où les valorisations des jeunes
pousses se sont envolées ces derniers mois, notamment en France. Celle-ci aligne désormais
25 licornes, ces start-ups dont la valeur dépasse le milliard de dollars, contre cinq en 2018. A
l’origine de ce boom, la pluie de fonds s’abattant sur la tech française : 11,6 milliards d’euros
ont été levés par les jeunes pousses tricolores l’an dernier, selon le cabinet de conseil EY. Un
phénomène européen et mondial, nourri par les injections massives de liquidités des banques
centrales, mais aussi par l’abondance de l’épargne depuis le Covid-19. Les records
s’enchaînent. Un exemple : par suite d’une levée de fonds de 486 millions d’euros, l’application
Qonto, banque en ligne dédiée aux PME et indépendants, est valorisée 4,4 milliards. Un
montant impressionnant pour une banque ne comptant « que » 200 000 clients. La Société
générale, qui enregistre 30 millions de clients dans 61 pays, vaut 24 milliards d’euros en
Bourse. Le client est « valorisé » 800 euros dans le second cas, contre… 22 000 euros dans
celui de Qonto. Un écart qui semble délirant.

« Le prix des entreprises technologiques me rappelle de plus en plus le marché de l’art. Il n’y
a pas de rationnel pour évaluer le prix d’un tableau. Les acheteurs ont simplement la certitude
de pouvoir revendre plus cher ensuite », répond Julien Maldonato, spécialiste de l‘innovation
au cabinet Deloitte. Or, comme le dit un célèbre adage de financier, les arbres ne montent pas
jusqu’au ciel…

22
Effet domino : partout des taux d’intérêt supérieurs

L’effet domino déclenché par la Federal Reserve (Fed) pourrait même entraîner une
augmentation des taux d’intérêt en Europe et remettre en question la générosité infinie du
Japon en termes de politique monétaire.
• Les marchés réagissent avec une augmentation des taux d’intérêt et des rendements, des
primes sur les risques plus élevés au niveau des obligations d’entreprise et une
dépréciation sur les marchés des actions.
• Cependant, même si le put de la Fed est terminé, les banques centrales vont garder en
vue les facteurs qui mettent la croissance en danger.
• Au printemps, un pic d’inflation et une baisse des prix de l’énergie pourraient redonner
une allure plus positive aux perspectives des rendements du marché.

Dépréciation sur les marchés des actions

Le mois de janvier 2022 était le cinquième depuis 2012 au cours duquel tous les 13 indices
obligataires Total Return ont présenté un rendement négatif. Tous ces indices n’avaient encore
jamais affiché deux mois négatifs successifs. Ceci pourrait être une bonne nouvelle, car quand
c'était le cas, les obligations à longue duration affichaient généralement de bons résultats au
cours du mois suivant. Mais à l’heure actuelle, tout peut être différent. Alors qu’au mois de
janvier, il s’agissait encore d’anticiper le comportement restrictif de la banque centrale des
États-Unis, la Fed, en février, il semble falloir avant tout répondre à une question, à savoir si la
banque centrale européenne (BCE) et la Bank of England (BoE) vont également retirer leur
soutien. Pour ce qui est des marchés des actions, le Nasdaq Composite est maintenant coté à
13,5 pour cent sous son maximum, alors que les marchés plus larges ont affiché une baisse de
5,8 pour cent pour l’EuroStoxx et de 11,2 pour cent pour le Nikkei. Ceci répond à deux facteurs
: Premièrement, les marchés d’actions ont tendance à être confrontés à une dévaluation si les
taux d’intérêt augmentent. Deuxièmement, le durcissement de la politique monétaire promeut
l’insécurité au niveau du développement de la croissance et des rendements.

La perspective sur le long terme :

La bonne nouvelle pour les investisseurs est que les rendements sont généralement positifs
pendant un cycle de redressement. Entre les valeurs minimum et maximum du taux directeur
de la Fed (Fed Funds Rate), les marchés d’actions ont augmenté dans chaque cycle depuis le
début des années 70, sauf entre 1973 et 1974, quand l’économie mondiale fut la cible de la crise
pétrolière. En général, les notations diminuent et les rendements reprennent progressivement
au cours du cycle, ce qui entraîne au total une performance positive des actions. Bien entendu,
les cycles ne sont pas tous identiques. En général, lors de la première augmentation du taux
d’intérêt, quand les banques centrales sont les plus rigoureuses, on assiste rapidement aux plus
grandes dépréciations par rapport au niveau du marché. Mais quand les cycles sont longs et
23
entraînent un ralentissement agressif des perspectives de croissance économique, la
performance des marchés des actions peut diminuer de nouveau. Ce fut le cas de 2015 à 2018
quand les marchés ont été confrontés à la combinaison de taux des Etats-Unis supérieurs et de
craintes commerciales.

Inversion de la hausse des multiples due au Covid-19

Une attitude défensive face aux actions devrait déjà être présente. Les cycles géopolitiques
causent des dépréciations, ce qui compromet d’avance la performance des marchés. Au cours
des deux derniers cycles, les bourses Nasdaq, Japan, US-Small-Caps et China ont enregistré les
baisses les plus importantes par rapport aux niveaux de la première hausse. Les marchés ayant
affiché de meilleurs résultats, étaient la Grande-Bretagne et les actions «value». Et pourtant, les
Etats-Unis ont tendance à mieux réussir au cours du cycle, probablement parce qu’aux Etats-
Unis, un pic suivi d’une baisse du taux d’intérêt sont attendus en premier. Si l’on considère
aujourd’hui le ratio cours sur bénéfices (C/B) calculé sur la base des pronostics sur douze mois
pour le bénéfice par action, les marchés des Etats-Unis sont les plus chers. Pour ce qui est du
Nasdaq, l’écart standard par rapport à la moyenne sur le long terme est de 1,6, par rapport à 1,3
pour le S&P 500. La Chine, la Grande-Bretagne et le Japon sont les moins chers et sans doute
aussi les moins concernés par une dépréciation internationale, alors que l’Europe est évaluée
équitablement, à une valeur proche de sa moyenne sur le long terme. Les énormes injections de
liquidités dues à la pandémie et les incitations fiscales ont fait augmenter les (C/B) des actions
des Etats-Unis de plusieurs points. L’inversion de cette extension constituera le thème central
quand la Fed retournera à la normale.

Que fait le BCE ?

Il est difficile d’établir un pronostic sur le court terme car le marché suppose désormais que la
BCE va intervenir au cours de 2022. La Présidente de la BCE Christine Lagarde n’a pas
vraiment bien communiqué la position de la BCE, et le marché est arrivé à la conclusion que
les taux d’intérêt pourraient augmenter cette année. Les spécialistes ne sont pas d’accord sur la
date du premier pas. Par ailleurs, il existe des doutes parmi les économistes, à savoir si la BCE
envisage vraiment une hausse du taux d’intérêt. Mais pourquoi pas ? Les taux d’intérêt sont
négatifs et il n’est pas nécessaire de renforcer cette situation étant donné que l’inflation en
Europe est bien au-dessus de l’objectif de la BCE. Les taux de change ne jouent pas et ne
devraient pas jouer un grand rôle dans les décisions de la banque centrale. Toutefois, la dernière
faiblesse de l’euro en liaison avec une hausse des prix de l’énergie aura soutenu les faucons
dans leur argumentation en faveur d’un durcissement de la politique monétaire.

La Banque Of England joue sur les taux d’intérêt

En Grande-Bretagne, la banque centrale a augmenté son taux directeur pour le faire passer à
0,5 pour cent le jour où il a été officiel que la facture d’énergie nationale pourrait augmenter de
50 pour cent pour la plupart des ménages. Dans un même temps, les cotisations à la sécurité
sociale vont augmenter au mois d’avril, ce qui augmente encore la pression exercée sur les
revenus par ménage. Entre-temps, la livre sterling et les actions britanniques pourraient subir
un jour une certaine pression, avec une petite et moyenne capitalisation du marché. La BoE a
suggéré que l’inflation diminuera rapidement au cours du deuxième semestre 2022, sans pour

24
autant avouer que ceci pourrait être dû au fait que la Grande-Bretagne sera confrontée à une
récession, avant toute autre économie des G7.

Nous allons devoir affronter de nombreuses difficultés

Le durcissement de la politique des banques centrales dans les pays industrialisés et l’absence
de véritable leader politique rendent les investissements difficiles. Mes « attentes» se résument
à des rendements de 2,5 pour cent pour les Treasuries sur dix ans (les rendements réels sont
pratiquement à zéro et l’inflation est évaluée à des valeurs comprises entre 2,25 et 2,5 pour
cent), à un S&P 500 qui touche la marque des 4000 (avec le risque d’une poursuite de la baisse),
étant donné qu’une correction de 20 pour cent des pics record est attendue, et à des actions à
croissance qui continuent à souffrir de leurs caractéristiques ‚Long-Duration’ présumées. Ceci
signifie éventuellement que le Nasdaq est noté à moins de 13'000 points. Il ne faut pas non plus
oublier les conséquences fondamentales sur la performance des actions et les rendements
définis par la pression éventuelle sur les marges quand la vague d’inflation percutera
l’économie mondiale cette année.

Pronostic après les points d’inflexion

Pour éviter les ‚short’, les investisseurs doivent se concentrer sur les titres présentant de faibles
risques ascendants et sur ce qui doit arriver pour changer de direction. Du côté des actions, le
risque de dépréciation est le plus faible sur les marchés comme la Grande-Bretagne, l’Europe
et le Japon comparé aux Etats-Unis. Les stratégies portant sur des valeurs devraient afficher des
résultats légèrement meilleurs, ceci dépend toutefois d’une baisse des marges bénéficiaires dans
le secteur industriel et d’un éventuel pic du cycle énergétique. Pour ce qui est des obligations,
les taux d’intérêt sur le court terme vont augmenter, ce qui devrait entraîner une hausse des
rendements obligataires, même avec des courbes plus plates. Par conséquent, le risque de
dépréciation est plus limité pour le rendement global en suivant des stratégies centrées sur une
courte duration. Nous continuons à préférer des obligations à taux élevé et des obligations
d’entreprise définies sur une courte durée étant donné que les données fondamentales restent
relativement bonnes. Toutefois, l’élargissement des spreads réalisé la semaine dernière a
montré de légères fissures dans le secteur du crédit. La volatilité sur les marchés des actions
risque de prolonger ce développement. Ici, il est essentiel que la BCE change d’attitude. Si les
marchés ont l’impression qu’en Europe aussi, les assouplissements quantitatifs (Quantitative
Easing, QE) sont terminés, il est évident que les spreads obligataires souverains étendus aient
des conséquences sur les spreads des banques et la confiance accordée au marché d’obligations
souveraines. Pendant le cycle de durcissement, une extension des spreads Investment Grade de
l’ordre de 60 à 100 points de base est probable. Pour les obligations à haut risque, on pourrait
assister à une plus forte extension selon les pronostics de croissance et de défaut implicites.
Cela veut dire aussi qu’il y aura un jour de bonnes opportunités d’achat dans le secteur du crédit.

Peut-on espérer une année plus calme ?

Un jour, les marchés vont s’habituer au durcissement. Dans la plupart des cycles, les obligations
et les actions fournissent des rendements positifs, avec une volatilité supérieure à l’avenir. Le
pronostic sur le moyen terme, donc jusqu’en 2023, dépend du développement des attentes en
matière de croissance et des bénéfices des entreprises. Jusqu’à présent, les augmentations des

25
taux d’intérêt à attendre ne suffiront probablement pas pour déclencher une baisse importante
de la croissance. Même si les marchés deviennent nerveux, les taux d’intérêt définitifs reflétés
restent faibles comparé au développement historique. Toutefois, les corrections des pronostics
de croissance et de bénéfice vont être décisives dans les mois à venir. Jusqu’à présent, ils
répondent aux attentes. Sur le court terme, un pic d’inflation reste inévitable au cours du premier
trimestre, tout comme une certaine inversion des prix de l’énergie.

Chris Iggo

26
La courbe des Taux

La courbe des taux correspond à une représentation graphique des rendements offerts
par les titres obligataires d’un même émetteur selon leur échéance, de la plus courte à la
plus longue. La courbe des taux la plus commune, et qui sert de référence à l’ensemble du
marché obligataire d’un pays donné, est celle des emprunts d’Etat.

La forme que prend la courbe des taux d’intérêt sur les emprunts souverains renseigne sur les
anticipations des investisseurs sur les risques de défaut de l’État émetteur ainsi que sur le niveau
de l’inflation et des taux d’intérêt futurs.
De ce fait, elle constitue un bon indicateur de la santé économique et financière du pays
émetteur. Les politiques d’assouplissement quantitatif menées par certaines Banques centrales
peuvent également fortement l’influencer.

La forme de la courbe des taux est un indicateur de santé économique et financière :

Dans un environnement économique stable marqué par une inflation faible et un endettement
public soutenable, les rendements obligataires croissent avec la maturité des titres, c’est-à-dire
que les taux d’intérêt s’élèvent de façon régulière au fur et à mesure que l’échéance du titre
s’éloigne.
Cela s’explique par le fait que plus l’échéance est lointaine, plus le risque de réalisation
d’évènements pouvant affecter défavorablement la valeur du titre obligataire est fort. En
effet, plus on s’éloigne dans le temps, plus l’incertitude sur la capacité de remboursement de
l’émetteur ou sur le niveau des taux d’intérêt ou d’inflation est élevée. Dans ces conditions, les

27
investisseurs exigent une prime de risque pour prêter sur des échéances longues par rapport au
fait de prêter sur des échéances courtes.

Toutefois, les emprunts d’État étant généralement considérés comme des titres « sûrs » dans le
sens où ils ont peu de chance de ne pas être remboursés, les primes de risque attachées à
l’éloignement des maturités sont assez réduites. Sur les échéances les plus longues, à 20, 30 ou
50 ans, elles peuvent même être quasi-nulles car sur ces horizons de très long terme, le risque
de défaut tout comme les risques de taux ou d’inflation peuvent être considérés comme
globalement identiques.
C’est la raison pour laquelle la courbe des taux sur les emprunts d’État des principaux pays
développés revêt en règle générale une forme croissante et concave, comme présenté sur le
graphique.

Courbe des taux et risque de contrepartie :

Compte tenu de l’aversion au risque des investisseurs, la demande pour les titres les moins
risqués est supérieure à celle des titres présentant un risque plus élevé. Il en résulte que les taux
d’intérêt sur l’ensemble des maturités d’un émetteur sont d’autant plus faibles que le risque
perçu par les investisseurs pour ces titres est lui même faible.
Ainsi, généralement, les titres obligataires émis par les entreprises sont-ils considérés
comme plus risqués que ceux émis par les États. C’est pourquoi il existe une « prime de
risque » attachée aux emprunts obligataires privés, parfois qualifiés de « corporate » par rapport
aux emprunts souverains. Cette prime de risque se matérialise par des niveaux de taux d’intérêt
supérieurs pour chaque échéance, ce qui se traduit par une courbe de taux présentant une forme
similaire à celle des emprunts d’État, mais décalée vers le haut.
De même, le risque perçu par les investisseurs sur les titres obligataires des différents pays
émetteurs varie selon la qualité plus ou moins grande de leur signature.
Ainsi, un État bénéficiant de la meilleure notation de la part des agences spécialisées pourra
emprunter sur le marché obligataire à des niveaux de taux d’intérêt plus faibles qu’un État ayant
une moins bonne notation. Cette différence de risque entre les deux pays se reflètera également
au travers d’une courbe des taux décalée vers le bas pour l’émetteur ayant la meilleure notation.
La forme de la courbe des taux n’est cependant pas figée. Il se peut en effet qu’elle se modifie
sensiblement en raison d’une évolution marquée de la situation monétaire ou budgétaire du pays
émetteur.

28
La pentification de la courbe des taux :

La pentification de la courbe des taux correspond à une situation dans


laquelle la forme de la courbe des taux d’intérêt obligataires se modifie
pour passer d’une courbe concave à une forme plus proche d’une
droite, en raison d’une hausse des taux d’intérêt à long terme.
La pentification de la courbe des taux intervient lorsque les
investisseurs exigent des primes de risque élevées pour prêter sur
des échéances lointaines pour compenser un risque inflationniste ou
de dérapage budgétaire futur qu’ils jugent supérieur au niveau actuel.
La pentification de la courbe des taux est donc associée à des anticipations de hausse de
l’inflation à terme ou de dégradation de la situation budgétaire.

L’inversion de la courbe des taux :

L’inversion de la courbe des taux se produit lorsque les taux courts


deviennent supérieurs aux taux longs. C’est généralement ce qui se
passe dans une situation de forte hausse de l’inflation qui conduit
la Banque centrale à remonter ses taux d’intérêt à court terme, laquelle
hausse se diffuse sur toutes les échéances courtes (de 3 mois à moins
de deux ans).
Si la Banque centrale est crédible aux yeux des investisseurs, ceux-ci
anticipent alors une baisse de l’inflation future et réduisent la prime
de risque attachée aux obligations de long terme.
Une inversion de la courbe des taux est souvent associée à des périodes de surchauffe
économique, la vigueur de l’activité provoquant des tensions inflationnistes. Ces dernières
poussent la Banque centrale à intervenir via la hausse des taux d’intérêt à court terme qui
finissent par entraîner un ralentissement économique. L’inversion de la courbe des taux
d’intérêt est ainsi généralement considérée comme un signe avancé du déclenchement d’une
récession à moyen terme.
Par exemple, depuis les années 1960, sur les neuf fois où la courbe des taux des obligations du
Trésor américain s’est inversée, huit ont précédé une récession.

L’aplatissement de la courbe des taux :

L’aplatissement de la courbe des taux d’intérêt correspond à une


situation dans laquelle les taux longs baissent et se rapprochent du
niveau des taux d’intérêt à court terme tout en leur restant supérieurs.
Cette situation peut résulter de différentes causes. Elle peut
notamment provenir d’un changement des anticipations des
investisseurs quant au niveau des taux d’intérêt à long terme. S’ils
estiment par exemple que l’inflation va baisser au cours des années
futures, la prime exigée pour acheter des titres obligataires de long
terme va baisser.
Mais d’autres éléments peuvent également aboutir à un aplatissement de la courbe des taux
d’intérêt. En particulier, si la situation budgétaire d’un État fortement endetté s’améliore, la
probabilité de défaut à moyen et long terme de cet État se réduit, ce qui se traduira par une
baisse de la prime de risque exigée par les investisseurs pour souscrire à ses émissions de titres
sur les maturités les plus longues.
Par ailleurs, la conjonction d’un environnement faiblement inflationniste et d’une abondance
de liquidité au niveau mondial favorise la recherche par les investisseurs internationaux de
29
placements à la fois peu risqués et offrant des rendements supérieurs à ceux qui sont proposés
sur les titres de court terme. La demande de titres obligataires à long terme des principaux pays
développés augmente, ce qui pousse les taux longs à la baisse.
Enfin, les politiques d’assouplissement quantitatif mises en œuvre par les Banques centrales
peuvent aussi conduire à aplatir la courbe des taux.

Les politiques d’assouplissement quantitatif des banques centrales influencent la forme de


la courbe des taux :

Une politique d’assouplissement quantitatif (ou quantitative easing) consiste pour une Banque
centrale à créer de la monnaie pour procéder à des achats massifs d’actifs financiers. L’objectif
recherché étant d’injecter des liquidités importantes dans l’économie de façon à stimuler
l’activité et à redresser le taux d’inflation pour éviter que l’économie ne tombe en déflation.

Pour ce faire, la Banque centrale peut procéder de deux façons :


– Soit elle achète les titres représentatifs de la dette publique émis par le Trésor sur le marché
primaire.
– Soit elle rachète aux investisseurs (banques, assurances, fonds de pension, hedge funds,…)
des titres sur le marché secondaire. Il s’agit généralement de titres obligataires souverains. Mais
il peut aussi s’agir de titres obligataires « corporate », c’est-à-dire émis par des grandes
entreprises. La Banque centrale peut même, dans certains cas, acheter des actions.
Quel que soit le canal par lequel passe le programme d’assouplissement quantitatif, il exerce –
par l’ampleur des sommes injectées sur les marchés financiers primaire ou secondaire –
un puissant effet à la baisse des taux d’intérêt à moyen et long terme.
En effet, la Banque centrale devient un acheteur majeur sur le marché des titres obligataires,
provoquant par son intervention un surcroît de demande de titres qui se traduit par une hausse
de leurs prix et une baisse de leurs rendements.

Les risques obligataires

Les investisseurs s’exposent à trois principaux risques lorsqu’ils achètent des titres obligataires
émis par un État :

– un risque de taux s’ils souhaitent revendre leurs titres avant l’échéance. En effet, si les taux
d’intérêt deviennent supérieurs à celui servi sur les titres acquis, la valorisation de ces derniers
baisse, dépréciant d’autant le portefeuille obligataire des investisseurs

– un risque d’inflation. Si l’inflation augmente dans le futur, le rendement réel (net de


l’inflation) du placement effectué se trouve diminué.

– un risque de défaut de remboursement à l’échéance, si l’État est défaillant, ce qui paraissait


presque impossible il y a quelques années, avant la crise de la dette souveraine.

30
Les taux d’intérêt retourneront probablement vers leurs niveaux d’avant
la pandémie une fois l’inflation maîtrisée

L’ampleur de la baisse dépendra de la trajectoire de la dette publique, de la manière dont les


politiques climatiques sont financées et de l’étendue de la démondialisation

Les taux d’intérêt réels ont rapidement augmenté récemment, sous l’effet du resserrement de la
politique monétaire en riposte à l’accélération de l’inflation. Les dirigeants sont aux prises avec
la question importante de savoir si ce bond est passager ou reflète partiellement des facteurs
structurels.

Depuis le milieu des années 80, les taux d’intérêt réels sont en baisse constante dans la plupart
des pays avancés, toutes échéances confondues. Ces variations des taux d’intérêt réels sur une
longue période témoignent probablement d’un déclin du taux d’intérêt naturel, qui est le taux
d’intérêt réel permettant d’assurer que le taux d’inflation ne s’écarte pas de la valeur visée et de
garantir le plein emploi (absence d’expansion et de contraction).
Le taux d’intérêt naturel est un point de référence pour les banques centrales qui s’en servent
pour juger de l’orientation de la politique monétaire. Il est également essentiel à la conduite de
la politique budgétaire. Étant donné que les États remboursent généralement leur dette sur des
décennies, le taux d’intérêt naturel, point d’ancrage des taux d’intérêt réels sur le long terme,
permet de déterminer le coût de l’emprunt et la viabilité de la dette publique.

Facteurs déterminants des taux d’intérêt naturels par le passé :

L’une des questions qu’il convient de se poser lors de l’analyse de précédents déclins
synchronisés des taux d’intérêt réels est celle de savoir dans quelle mesure ils étaient induits
par des facteurs intérieurs et non mondiaux. À titre d’exemple, la croissance de la productivité
en Chine et dans le reste du monde influe-t-elle sur les taux d’intérêt réels aux États-Unis ?

Notre analyse conclut que les facteurs mondiaux comptent, mais leur effet net sur le taux
d’intérêt naturel a été relativement modeste. Les pays émergents dont la croissance est rapide
ont constitué un pôle d’attraction pour l’épargne des pays avancés, ce qui a fait monter leur taux
d’intérêt naturel, car les investisseurs ont tiré parti de taux de rendement plus élevés à l’étranger.
Toutefois, la croissance de l’épargne dans les pays émergents ayant évolué plus rapidement que
leur capacité à fournir des actifs sûrs et liquides, une grande partie de cette épargne a été
réinvestie dans les titres d’État de pays avancés, notamment ceux des Trésors américains, ce
qui a ramené leur taux d’intérêt naturel vers le bas, en particulier depuis la crise financière
mondiale de 2008.

31
Afin d’étudier cette question en profondeur, nous avons utilisé un modèle structurel détaillé
pour recenser les facteurs les plus importants qui peuvent expliquer la covariation des taux
d’intérêt naturels au cours des 40 dernières années. Outre les facteurs mondiaux qui influent sur
les flux de capitaux nets, nous constatons que la croissance de la productivité totale des
facteurs (la quantité totale de la production de tous les facteurs économiques) et les
facteurs démographiques, tels que des variations du taux de fécondité et du taux de mortalité
ou la durée de la retraite, figurent parmi les principaux moteurs du recul des taux d’intérêt
naturels.
Dans certains pays comme le Japon et le Brésil, l’augmentation des besoins de financement
du budget a fait grimper les taux d’intérêt réels. D’autres facteurs comme le creusement des
inégalités ou une baisse de la part du travail ont également joué un rôle, mais dans une moindre
mesure. Dans les pays émergents, le tableau est plus mitigé : certains pays, notamment l’Inde,
ont vu leur taux d’intérêt naturel augmenter au cours de cette période.

32
Perspectives d’évolution des taux d’intérêt réels :

Rien n’indique que ces facteurs agiront différemment à l’avenir. Les taux d’intérêt naturels
resteront donc probablement faibles dans les pays avancés. À mesure que les pays émergents
adopteront des technologies plus avancées, le rythme de croissance de leur productivité totale
des facteurs devrait converger avec celui des pays avancés. Si l’on ajoute à cela le vieillissement
de la population, les taux d’intérêt naturels des pays émergents devraient, à long terme, baisser
et se rapprocher de ceux des pays avancés.

Bien entendu, cette prévision est aussi bonne que celle concernant les facteurs sous-jacents.
Dans le contexte actuel d’après-pandémie, d’autres hypothèses pourraient être pertinentes :
• Les pouvoirs publics pourraient avoir du mal à mettre un terme à leurs mesures de
soutien, ce qui augmenterait la dette publique. Par conséquent, les rendements dits de
convenance, c’est-à-dire la prime que paient les investisseurs sous forme de perte
d’intérêts liée à la détention de créances publiques rares, sûres et liquides, pourraient
s’éroder, déclenchant dans la foulée une hausse des taux d’intérêt naturels.
• Un verdissement « budgétairement neutre » de l’économie aurait tendance à pousser les
taux d’intérêt naturels mondiaux vers le bas à moyen terme, parce qu’une hausse des
prix de l’énergie (résultant d’une combinaison de mesures fiscales et réglementaires)
33
abaisserait la productivité marginale du capital. Cependant, le financement par le déficit
de l’investissement public dans les infrastructures vertes et des subventions pourrait
neutraliser, voire inverser ce résultat.
• Une intensification de la démondialisation entraînerait une fragmentation du commerce
extérieur et des marchés financiers, ce qui aurait pour effet d’accroître le taux d’intérêt
naturel dans les pays avancés et de l’abaisser dans les pays émergents.

Si un seul de ces scénarios venait à se concrétiser, son incidence sur le taux d’intérêt naturel
serait limitée. Mais les répercussions d’une combinaison, surtout du premier et du troisième
scénarios, seraient considérables à long terme.

D’après notre analyse, les hausses récentes de taux d’intérêt semblent être globalement
passagères. Lorsque l’inflation sera maîtrisée, l’on peut s’attendre à ce que les banques centrales
des pays avancés assouplissent leur politique monétaire et ramènent les taux d’intérêt réels vers
les niveaux antérieurs à la pandémie. Jusqu’où se rapprocheront-elles de ces niveaux ? Pour
répondre à cette question, il faudra voir si les scénarios impliquant une hausse persistante des
dettes publiques et des déficits publics ou une fragmentation des marchés financiers se
concrétiseront.

34
Dans les grands pays émergents, des prévisions prudentes de l’évolution future de la
démographie et de la productivité indiquent une convergence progressive vers les taux d’intérêt
réels des pays avancés.

Jean-Marc Natal et Philip Barrett

35

Vous aimerez peut-être aussi