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HOMÉOSTASIE

I. POURQUOI L'HOMÉOSTASIE ?
En 2007, un groupe de 21 biologistes de grande renommée et appartenant à une grande
variété de disciplines sont tombés d’accord pour dire que l’homéostasie était l’un des
huits concepts biologiques fondamentaux.

Deux années plus tard, en 2009, the American Association of Medical Colleges (AAMC) et
l’Howard Hughes Medical Institutes (HHMI), structure américaine philanthropique qui
oeuvre pour l’avancée de la recherche biomédicale fondamentale et pour l’enseignement
des sciences, ont identifié dans leur rapport traitant des fondements scientifiques
nécessaires aux futurs médecins que les capacités de chacun à exploiter et utiliser leur
connaissances sur l’homéostasie était une des compétences fondamentales de la
pratique médicale.

Pour la physiologie et les physiologistes, il est clair que l’homéostasie est un concept clé
de la discipline.

Lorsqu’on demande aux enseignants en physiologie de différentes institutions et de


différentes sensibilités, quelles sont les grandes idées ou les grands concepts de la
physiologie, deux réponses prédominent et sont rapportées comme les deux idées
majeures de la physiologie moderne :
1) L’homéostasie
2) La membrane cellulaire (cf autre cours)

Mais alors même que l’homéostasie est considérée comme un pilier de la physiologie et
de la future pratique médicale, les enseignements et les livres dédiés sont toutefois et
malheureusement assez approximatifs.

II. OBJECTIFS
L’idée de cet enseignement est donc de donner un ensemble d’éléments permettant de
se construire une représentation mentale précise et la plus rigoureuse possible pour
qu’il n’y ait pas de distorsion entre le concept originel et celui appris.

Nous allons nous efforcer de donner une représentation claire d’un mécanisme
homéostatique générique. Nous limiterons le cours aux mécanismes homéostatiques
ayant pour but de maintenir constant le compartiment extracellulaire des organismes
sans aborder d’autres types de mécanismes homéostatiques.

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entraînera une exclusion définitive
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III. HISTOIRE DU CONCEPT
Il faut retenir 3 grands noms dans l’histoire de l’homéostasie :
● Claude BERNARD (1813-1878)
● William CANNON (1871-1945)
● Arthur GUYTON (1919-2003)

A. Claude BERNARD
Médecin physiologiste du XIXème siècle, fondateur de la médecine expérimentale et à
l’origine de la notion de “milieu intérieur” et d’homéostasie. On le considère comme à
l’origine de la physiologie moderne. Il a été enseignant au Collège de France, à la
Sorbonne, a eu plusieurs prix (Académie des Sciences, de la Médecine), a été à l'Académie
Française et a été sénateur.

Sa principale affirmation décrit le milieu intérieur de la façon suivante : la stabilité de


l’environnement intérieur est la condition nécessaire pour une vie indépendante et
libre.

B. William CANNON
Par la suite, plusieurs physiologistes ont contribué à développer le concept
d’homéostasie dont le plus important a été Walter CANNON dont les travaux princeps
sont exposés entre les années 1920 et 1930.

Il invente en particulier le terme d’homéostasie et intègre différents types d’homéostasie


dans un cadre théorique cohérent. Parmi plusieurs facteurs, CANNON focalise sur 5
facteurs physiologiques majeurs que sont :
● le pH : potentiel hydrogène, marqueur indirect de la concentration en ions
hydrogène (H+)
● la température corporelle : en particularité la température centrale
● l’osmolarité plasmatique : la concentration d’une substance osmotiquement
active du sang
● la glycémie : la concentration de glucose dans le sang
● la calcémie : la concentration de calcium dans le sang

Ces paramètres sont particulièrement critiques pour le fonctionnement normal de la


plupart des organismes vivants. Bien évidemment, il existe d’autres facteurs sous
contrôle homéostatique mais il n’en reste pas moins que la vision de CANNON est
toujours vraie aujourd’hui.

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Ces 5 variables sont contrôlées dans un intervalle étroit de valeurs possibles. Lorsque les
valeurs bornes de ces intervalles sont dépassées, par défaut ou pas excès, des
dysfonctions éventuellement majeures apparaissent dans l’organisme.
Leur importance relève probablement du fait des effets biochimiques universels de ces 5
paramètres.

La température et le pH ont des effets indéniables sur la structure et la fonction des


enzymes et des ARN.

La température et l’osmolarité plasmatique ont un rôle fondamental dans l’intégrité et


la fonction des membranes cellulaires.

Le glucose est un facteur clé du stockage et de l’utilisation de l’énergie par chacune


des cellules et donc par l’organisme tout entier.

Le calcium joue un rôle majeur dans la physiologie musculaire (le coeur, les vaisseaux,
les muscles) et est une véritable plaque tournante cellulaire car est impliqué dans de
nombreux réseaux de signalisations cellulaires.

C. Arthur Guyton
Les premiers livres de physiologie reflètent indirectement cette définition large et la
mentionnent brièvement. Mais dans les années 1960, une branche de l’ingénierie
biomédicale commence à émerger par application de l’ingénierie et de l’analyse des
systèmes contrôlés, relevant de la spécialité dite “d’automatisme”, au système
physiologique. C’est ainsi le début de la physiologie des systèmes.

GAYTON a été pionnier dans ce domaine et fut le premier auteur à inclure dans un livre
de physiologie, maintenant devenu une véritable référence, ainsi que dans les
enseignements, la théorie des systèmes contrôlés, en particulier en développant les
mécanismes régulateurs d’un grand nombre de mécanismes physiologiques du corps
humain.

IV. DÉFINITIONS
A. Homéostasie
L’homéostasie est un mot qui vient du grec et qui est composé de :
➔ “homoios” qui veut dire "semblable"
➔ “stasis” qui est le terme par lequel les anciens grecs désignaient une crise, éthique,
morale ou sociale, qui résultait en des conflits internes à une cité

L’homéostasie est alors aujourd’hui définie comme la capacité d’un organisme à


maintenir son équilibre physiologique interne malgré les contraintes extérieures.
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B. Mécanismes homéostatiques
C’est un mécanisme ayant vocation à maintenir les variables régulées de
l’environnement intérieur dans une étendue de valeurs compatibles avec la vie, et
comme suggéré plus récemment, réduire le bruit pendant le transfert d’informations
dans les systèmes physiologiques.

De par cette dernière définition et pour mettre en exergue le processus stabilisateur, il


faut distinguer ce que l’on appelle les variables régulées et les variables non régulées.

Les variables régulées sont appelées en anglais “sensed variables” ce qui veut dire
“variables perçues, mesurées” pour lesquelles il existe des capteurs dédiés dans le
système lui-même/l’organisme et qui ont pour but de maintenir les variables dans une
fourchette étroite avec des mécanismes de régulation.

→ les exemples classiques sont la pression artérielle ou la température centrale. Il


existe en effet des barorécepteurs ou capteurs barométriques, c’est-à-dire des
capteurs de pression, et des thermorécepteurs, c’est-à-dire des capteurs
thermiques ou capteurs de température dans le système lui-même, dans le corps
humain.

À ces variables régulées, on oppose les variables dites non régulées. En anglais, on les
appelle “control variables” ce qui veut dire “variables contrôlées” pour lesquelles il n’existe
pas de capteurs dédiés dans l’organisme. Cependant, elles sont toutefois modifiables ou
modulables par le système, ce ne sont pas des constantes mais bien des variables.

→ Elles sont en fait des variables d’ajustement comme par exemple la fréquence
cardiaque qui est contrôlée et n’a pas de capteur dédié à sa mesure mais celle-ci
est bien modifiable par le système nerveux autonome dans le cadre de la
régulation de la pression artérielle qui elle est une variable régulée.
La fréquence cardiaque n’est donc pas régulée (car pas de capteurs.)

C. Les systèmes contrôlés


Les systèmes de régulation des variables dites régulées constituent des systèmes
contrôlés.

Attention à la confusion des termes par rapport à "variable contrôlée”. Ici le terme est
“système contrôlé” et relève de la discipline de l’automatisme.

L’illustration ci-dessous est une représentation schématique du système de contrôle


élémentaire, ce que l’on appelle la “boucle de rétrocontrôle négatif” (en anglais “le feed-
back”). Ce système comprend 5 éléments :
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1) Un capteur dédié qui va pouvoir mesurer l’état de la variable régulée à tout instant
2) Une valeur consigne qui est la valeur cible à atteindre et vers laquelle doit tendre
la valeur mesurée de la variable régulée
3) Un centre de contrôle appelé centre intégrateur, centre de traitement de
l’information. La valeur cible et la valeur mesurée de la valeur régulée convergent
alors vers le centre de contrôle qui émet un signal en conséquence.
4) Un ou plusieurs effecteurs (cellules, tissus, organes) qui vont pouvoir modifier leur
état et ainsi avoir des effets physiologiques
5) Une variable régulée

D. Mécanisme régulateur homéostatique

Sur cette diapositive sont représentés les concepts d’ingénierie des systèmes contrôlés
composant un système régulateur homéostatique.

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Ce modèle inclut 5 composantes critiques : les 5 éléments décrits précédemment que
tout système régulateur doit inclure pour pouvoir maintenir l’homéostasie.

1) Il doit contenir un capteur qui mesure la valeur de la variable régulée.


2) Il doit contenir un mécanisme visant à établir l’intervalle normal de la valeur de la
variable régulée et dans ce modèle, ce mécanisme est représenté par la valeur
consigne même si en réalité ce terme ne veut pas forcément dire que cette valeur
normale est un point unique, fixe ou constant.
3) Il doit inclure un centre de contrôle qui comprend lui-même 2 éléments :
- un détecteur d’erreur qui compare le signal transmis par le capteur
représentant la variable mesurée et la valeur consigne de la variable régulée
générant un signal d’erreur représentatif de la discordance entre les deux
valeurs (mesurée vs cible)
- un contrôleur qui émet un signal contrôle en fonction du signal d’erreur reçu
4) Il doit contenir un ou des effecteurs qui vont avoir un effet physiologique par
changement de leur état ou de leur propriété au gré du signal contrôle.
5) Il doit contenir la variable régulée elle-même, appelée variable d’état, comme la
résultante d’un ensemble d’états physiologiques d’un ensemble d’effecteurs.

Concernant le mécanisme régulateur homéostatique type, est présenté au-dessus le


diagramme générique reprenant les éléments. Le but d’un tel mécanisme régulateur
est que si la valeur de la variable régulée est perturbée, alors le système agit pour la
restaurer au plus près de la valeur consigne.

Pour ce diagramme, la ligne bleue pointillée représente les limites de l’environnement


extérieur, en haut, et de l’environnement intérieur, en bas.

Ainsi une perturbation extérieure, c’est-à-dire tout changement de conditions


environnementales extérieures qui, in fine, modifierait l'environnement intérieur et qui
modifierait l’amplitude de la variable régulée, sera à l’origine d’une modification de la
valeur de la variable régulée dont l’écart à la valeur consigne va augmenter, générant
ainsi un signal d’erreur plus ample, lui-même à l’origine d’un signal contrôle idoine (=
approprié), c’est-à-dire adapté afin que la modification de l’état des effecteurs réduise
cette différence.

Les systèmes ainsi organisés sont dits systèmes fermés à boucle de rétrocontrôle
négatif (feed-back).

V. COMPRÉHENSION DE L'HOMÉOSTASIE
Il est important dans ce cours d’avoir à l’esprit qu’une des difficultés de ce modèle
mental est que toute approximation aboutit à une connaissance inexacte et inutile. Or il
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y a un nombre important de facteurs qui contribuent à la génération de cette
imprécision. Le phénomène en question est un phénomène complexe. Des aspects de
ce phénomène sont contre-intuitifs. La terminologie utilisée pour décrire les
phénomènes ou le concept est peu robuste et en plus, inhabituelle dans le secteur de la
santé. Et enfin, la connaissance et la compréhension, par notre discipline, du
phénomène, est incertaine et incomplète.

Nous allons procéder par une série de questions/réponses ciblées permettant, peut-être,
une bonne et meilleure compréhension de l’homéostasie.

A. Quel environnement est régulé par les organismes


homéostatiques ?
Les organismes homéostatiques, comme originellement décrit par CANNON, se réfèrent
à des mécanismes physiologiques qui maintiennent relativement constants les variables
liées à ce que l’on appelle, le milieu intérieur, c’est-à-dire tout ce qui est interne à
l’organisme mais externe aux cellules qui le composent.

Cela inclut l’ensemble des variables liées au compartiment dit extracellulaire et à


l’ensemble des sous-compartiments qui l’inclut.

Nous n'aborderons pas les mécanismes homéostatiques intracellulaires. Sur l’illustration


ci-contre, on a une représentation schématisée d’un organisme dont la limite entre
l’intérieur et l’extérieur est représentée en noir. Cette limite est constituée physiquement
par la peau et les muqueuses.

On distingue alors de façon concentrique, 3 compartiments :

● Le milieu extérieur ou compartiment extérieur est extérieur à la limite externe de


l’organisme (la peau et les téguments).
● Le milieu intérieur à l’intérieur de la limite externe de l’organisme mais à l’extérieur
de la membrane cellulaire ou de l’ensemble des membranes cellulaires. Un
synonyme est milieu extracellulaire ou compartiment extracellulaire.
● Le milieu intracellulaire, à l'intérieur de la limite externe de l’organisme et à
l’intérieur de la membrane cellulaire ou de l’ensemble des membranes cellulaires.
Un synonyme est milieu intracellulaire ou compartiment intracellulaire.

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Le milieu intérieur ou extracellulaire est lui-même composé de plusieurs sous-
compartiments :

➔ le milieu ou compartiment dit interstitiel, c’est-à-dire extracellulaire mais aussi


extravasculaire (en dehors des vaisseaux sanguins et lymphatiques)
➔ le milieu ou compartiment dit vasculaire, c’est-à-dire extracellulaire mais contenu
dans les vaisseaux. On distingue alors le le milieu ou compartiment plasmatique,
c’est-à-dire l’espace intravasculaire occupé par le plasma et ce qui est dissous,
globalement le sang dépourvu de ses cellules.

B. Tous les systèmes de feed-back négatifs sont-ils


des systèmes homéostatiques ?
La réponse à cette question est NON.

Bien que le rétrocontrôle négatif soit un élément essentiel des mécanismes


homéostatiques régulateurs, la présence d’un rétrocontrôle négatif dans le système ne
veut pas forcément dire que le système a une fonction homéostatique.

Le rétrocontrôle négatif existe dans de nombreux systèmes qui n’impliquent pas de


systèmes régulateurs de type homéostatique.

❖ Par exemple, le rétrocontrôle négatif a un rôle dans le réflexe musculaire à


l’étirement, ce que l’on appelle le réflexe myotatique (réflexe que les médecins
testent avec le marteau réflexe au niveau de la rotule en consultation). Ce réflexe
myotatique inclut une boucle de rétrocontrôle négatif mais ce réflexe n’est pas
impliqué dans le maintien de la constance du milieu intérieur et n’est donc pas
impliqué dans une régulation homéostatique.

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Dans d’autres cas, la présence d’un rétrocontrôle négatif peut tendre à minimiser la
variation d’une variable même si cette variable elle-même n’est pas maintenue
relativement constante, c’est-à-dire n’est pas une variable régulée.

❖ Le contrôle de la concentration du cortisol (hormone) dans le sang est appelée


cortisolémie. C’est un exemple de l’effet anti-oscillation des rétrocontrôles négatifs
qui malgré tout ne sont pas de nature homéostatique. En effet, il n’existe pas de
capteurs liés à la mesure de la concentration de cortisol dans le sang, ce n’est donc
pas une variable régulée, malgré la présence d’un phénomène de rétrocontrôle
négatif.

C. D’autres types de mécanismes de contrôle que le


rétrocontrôle négatif peuvent-ils maintenir
l’homéostasie ?
La réponse à cette question est OUI.

Prenons l’exemple du contrôle anticipateur (feed-forward). Le contrôle anticipateur


permet au corps de prédire un changement d'état dans la physiologie de l’organisme qui
va permettre ainsi de limiter et de réduire la variation des variables régulées, c’est-à-dire
l’écart à la normale prévisible ou l’écart prévisible à la normale. Ainsi, le contrôle
anticipateur peut aider à minimiser les effets d’une perturbation (à venir, certes) et ainsi à
maintenir l’homéostasie.

Par exemple, l’augmentation anticipatrice de la ventilation, donc l’augmentation de la


fréquence et de l’amplitude des mouvements respiratoires, au cours d’un exercice par
exemple, limite le déséquilibre induit par l’exercice entre les apports et les besoins
d’oxygène des cellules. En effet, au cours d’un exercice physique, les cellules musculaires
se contractant consomment beaucoup plus d’oxygène qu’au repos, il y a alors en
permanence un manque relatif d’apport en oxygène par rapport aux besoins cellulaires,
ce qui est délétère pour les cellules. On parle d’hypoxie cellulaire, c’est-à-dire d'un défaut
d'oxygène disponible pour les cellules.

Néanmoins, dans le cadre de ce cours et dans un souci de simplification, nous avons


limité le modèle générique au système régulateur par rétrocontrôle négatif.

D. Qu’est-ce qu’une valeur consigne ?


La compréhension du concept de valeur consigne est centrale pour comprendre la
fonction et le fonctionnement du mécanisme homéostatique. La valeur consigne en
ingénierie des systèmes contrôlés est assez facilement définissable et compréhensible.

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C’est la valeur de la variable régulée à atteindre pour laquelle le système de contrôle
est conçu, c’est-à-dire celle souhaitée en sortie du système.

Une analogie peut être faite par exemple avec les régulateurs de vitesse. La vitesse
consigne est la vitesse demandée ou programmée par l’automobiliste. La vitesse
mesurée est la vitesse réelle du véhicule, que des capteurs physiques dédiés, installés à
des endroits clés, vont mesurer. La différence entre les deux va générer un signal
d’erreur qui va être analysé et traité par le contrôleur qui est finalement le logiciel
installé dans les véhicules par le fabricant.

Le signal d’erreur va générer un ensemble de tâches à réaliser comme augmenter


l’admission du comburant afin d’augmenter la vitesse de rotation du moteur, à
effectuer pour modifier la vitesse du véhicule de façon adaptée et ainsi de maintenir
constante la vitesse de déplacement, malgré les éléments perturbateurs, ici extérieurs
comme peuvent être le vent ou les défauts de planéité de la route.

En physiologie des systèmes, la valeur consigne est conceptuellement similaire.

Néanmoins, une source de difficulté est que dans la plupart des cas, nous ne
connaissons pas vraiment les mécanismes cellulaires ou moléculaires qui vont générer
ces valeurs consignes et les signaux biologiques y afférents.

Ce qui est clair, en revanche, c’est que certains systèmes physiologiques (pour pas dire la
plupart, en tout cas ceux qui sont régulés), se comportent comme s’il existait une valeur
consigne utilisée pour réguler les variables biologiques et physiologiques impliquées.

Une autre difficulté pour la compréhension de ce que sont les valeurs consignes vient du
fait que ces valeurs consignes ne sont pas constantes, ne sont pas fixes mais variables
mais que leurs variations surviennent pour des raisons physiologiques et normales que
pathologiques et anormales. Les mécanismes sous-jacents qui causent ces variations de
valeur consigne peuvent être temporaires, ponctuels, permanents voire même cycliques.

Physiologiquement, ces variations de valeur consigne vont survenir comme la résultante


d’un phénomène physiologique discret, c’est-à-dire ponctuel, par exemple la fièvre
mais aussi comme la résultante de la hiérarchie des homéostats, c’est-à-dire des
différents systèmes homéostatiques, certains sont prioritaires comme par exemple la
régulation de la pression partielle en dioxyde de carbone dans le sang artériel ou
comme l’influence des horloges biologiques avec l’exemple des rythmes circadiens de la
température centrale. La température corporelle fluctue quotidiennement selon un
cycle généré par des horloges biologiques : ce sont des cycles circadiens.

L’observation que ces variables, que les valeurs consignes de ces variables puissent
changer rajoute de la complexité dans la compréhension des mécanismes de régulation
homéostatique.

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Ainsi une consigne doit toujours être interprétée ou contextualisée en fonction de
l’état physiologique ou pathologique du système auquel on s’intéresse.

E. Les mécanismes homéostatiques agissent-ils de


façon ON/OFF ?
Suivent-ils finalement la règle du tout ou rien ? La réponse à cette question est NON.

Les signaux contrôles sont toujours présents en permanence, en continu et déterminent


de façon continue l’état des effecteurs.

Les effecteurs exercent une activité continue, tonique, permanente. Le changement des
signaux contrôles modifie l’effet ou la sortie des effecteurs et de ce fait, modifie la variable
ou la valeur de la variable.
L’amplitude de ces signaux contrôles varie et varie d’autant plus que le signal d’erreur est
important.

Cette amplitude peut varier à la baisse, peut diminuer et même éventuellement


devenir nulle, et conduire à l'absence d’activité d’un effecteur mais les mécanismes
homéostatiques sont en action permanente et ne relèvent pas d’une action de type
ON/OFF.

Les systèmes physiologiques, en particulier ceux relevant d’une régulation


homéostatique sont de véritables systèmes DYNAMIQUES dont les composantes
interagissent en permanence et constituent ce que l’on appelle des systèmes
COMPLEXES.

Ils présentent une dynamique permanente, ils ne répondent pas selon une règle du
tout ou rien.

F. Quelle est la différence entre effecteurs et


réponses physiologiques ?
C’est une question importante car souvent dans les discours des enseignants et dans les
livres, les effecteurs d’une part et les réponses physiologiques qu’ils génèrent d’autre part
sont mis dans la même boite/considérés comme identiques.

Il faut comprendre que l’effecteur est une entité PHYSIQUE par exemple une cellule, un
tissu, un organe ou un ensemble d'organes. La réponse physiologique est un
CHANGEMENT D'ÉTAT PHYSIQUE puis physiologique de l’effecteur par exemple une
augmentation de la sécrétion des glandes sudoripares (glandes produisant la sueur) par
le phénomène de sudation.

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Un autre exemple est l’augmentation du diamètre des vaisseaux sanguins, c’est la
vasodilatation dans le cadre de la thermorégulation par exemple.

Ainsi, dans notre exemple, les glandes sudoripares et les vaisseaux sanguins sont les
effecteurs. L’augmentation de la sécrétion de sueur et l’augmentation du diamètre des
vaisseaux sont les réponses respectives des effecteurs. Il faut prêter attention à ne pas
confondre les deux et à utiliser la terminologie adéquate.

Reprenons l’exemple de la fréquence cardiaque. L’effecteur est le cœur et la réponse du


cœur est une modification de l’équilibre ionique intra cardiaque, le changement de la
variable contrôlée est une augmentation de la fréquence cardiaque et le changement
de la variable régulée est une augmentation de la pression artérielle.

Il faut utiliser les bons termes au bon endroit !!

Un autre exemple est la thermorégulation, c’est-à-dire la régulation de la température


corporelle. L'augmentation de la sécrétion des glandes sudoripares et la vasodilatation
des vaisseaux de la peau sont des réponses thermorégulatrices.
Les effecteurs sont les glandes sudoripares et les vaisseaux cutanés, ici des tissus et les
réponses sont une sécrétion sudorale et une relaxation musculaire lisse vasculaire accrue
respectivement.
Les variables contrôlées sont : le débit de sueur et le diamètre artériolaire cutané.
La variable régulée est la température centrale.

G. Que veut dire “relativement constant au cours du


temps ?”
Précédemment, on a dit que les mécanismes homéostatiques visent à maintenir les
variables régulées du milieu intérieur relativement constantes. Qu'entendons-nous par
là?

3 précisions :

1. Les variables régulées sont maintenues à des valeurs appartenant à une


fourchette plus étroite que si elles n’étaient pas régulées.

2. La fourchette de valeurs dans laquelle les variables régulées sont maintenues


est compatible avec la vie et la viabilité de l’organisme. La fourchette de valeurs
peut varier, être adaptée si les mécanismes homéostatiques visent à prévenir des
changements potentiellement létaux pour l’organisme du milieu intérieur.

Par exemple, cette fourchette de valeurs est très étroite pour certaines variables comme
la concentration extracellulaire en ions H+ ou l’osmolarité extracellulaire. Pour d’autres
variables, cette fourchette de valeurs peut être plus ou moins large, comme par exemple
le taux de glucose dans le sang (glycémie) selon que l’on est en période de jeun ou pas.
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En période de jeûne, la glycémie est plutôt étroitement régulée alors qu’en dehors du
jeûne, elle est bien moins, par exemple en période post-prandiale (après la prise d’un
repas). Il existe alors une certaine permissivité de l’organisme à la glycémie et en
particulier à la glycémie élevée, le temps d’assimiler l’ensemble des nutriments ingérés, le
temps de faire rentrer l’ensemble du sucre ingéré dans les cellules.

3. Les fourchettes de valeurs autorisées dépendent des variables régulées, et sont


sujettes elles-mêmes à variation. Pour la plupart, elles sont peu ou pas
expliquées/comprises.

H. Quelles variables physiologiques sont


homéostatiquement régulées ?
Pour identifier spécifiquement les variables homéostatiquement régulées, il faut
identifier pour chacune des variables candidates les 5 composants critiques illustrés
dans le modèle en début de cours.

Un système régulateur de type homéostatique doit probablement exister s’il contient et


si on arrive à identifier les 5 éléments en question.

Nous pouvons alors proposer une liste non exhaustive d’un ensemble de variables que
nous pouvons qualifier d’homéostatiquement régulées.

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C’est un tableau récapitulant les systèmes contrôles impliqués dans la régulation
physiologique.

Voici un ensemble de variables régulées impliquées dans l’homéostasie et


habituellement admises.

C’est une liste non exhaustive mais que les étudiants en santé doivent connaître pour la
physiologie médicale.

Pour ce qui est de ce cours, SEUL le nom des variables régulées est à retenir ainsi qu’un
ordre de grandeurs de leurs valeurs normales respectives mais pas la localisation des
capteurs ni la localisation du centre contrôle ni les effecteurs ni la réponse des
effecteurs !! (OUF! -)).

Ces variables sont donc dans l’ordre d’apparition dans le tableau :


● la pression partielle en dioxygène dans le sang artériel, la PaO2
● la pression partielle en dioxyde de carbone dans le sang artériel, la PaCO2
● la concentration dans le sang des ions potassium K+ (kaliémie), calcium Ca2+
(calcémie), hydrogène H+ (dont est dérivée la mesure du pH sanguin)
● le taux de glucose dans le sang (glycémie)
● la température centrale
● la pression artérielle moyenne (PAM)
● le volume de sang contenu dans l’ensemble des vaisseaux sanguins (volémie)
● l’osmolalité plasmatique (= le nombre de molécules osmotiquement actives par
unité massique de solvant). A NE PAS CONFONDRE AVEC OSMOLARITÉ (= le
nombre de molécules osmotiquement actives par unité volumique de solvant)

Il est bien important de comprendre que les 5 éléments constitutifs critiques d’un
système homéostatique tels que décrits précédemment sont nécessaires pour parler
d’un mécanisme régulateur homéostatique.

Il arrive, y compris chez les enseignants ou dans les livre, d’identifier comme
homéostatiquement régulées certaines variables alors même que le système ne réunit
pas l’ensemble des 5 critères.

★ Contre exemple 1

La proposition que la concentration sanguine en certains produits de dégradation du


métabolisme cellulaire comme peut l’être la bilirubine ou les dérivés azotés est
homéostatiquement régulée est une ERREUR.

Nous ne disons pas que le taux de ces substances n’est pas maintenu relativement
constant par des phénomènes dynamiques. Néanmoins, l’absence de capteurs dédiés à
la détection et à la mesure de la concentration de ces mêmes substances ne nous
permet pas de les intégrer dans la liste des variables homéostatiques.

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De façon similaire, certains mécanismes contrôlant le niveau de variable physiologique
incluant un des critères du modèle et en l'occurrence le rétrocontrôle la plupart du
temps sont parfois considérés à tort comme homéostatiques alors même qu’ils ne
remplissent pas l’ensemble des critères.

C’est une confusion entre rétrocontrôle négatif et homéostatique.

★ Contre exemple 2

Un exemple classique est celui du contrôle du taux de cortisol dans le sang


(cortisolémie) par une boucle de rétrocontrôle négatif. Cela peut laisser à penser à un
étudiant ou un enseignant que le cortisol est une variable régulée. Néanmoins et encore
une fois, il n’existe pas de capteurs dédiés à la détection et à la mesure de la
concentration de cortisol dans le sang. D’ailleurs, la variable régulée n’est pas le cortisol
mais la variable régulée sous-jacente est le taux de glucose sanguin.

Le résultat et le but de cette boucle de rétrocontrôle négatif centrée sur le cortisol sont
donc de moduler le taux de sécrétion des hormones impliquées et il ne s’agit donc pas
d’un phénomène homéostatique.

I. Et si la variable régulée est impliquée dans plusieurs


modèles homéostatiques ?
Une autre source de confusion concernant l’identification des variables régulées peut
survenir lorsqu’une variable régulée est impliquée dans plusieurs systèmes
homéostatiques ou qu’elle est régulée dans certaines conditions mais se comporte
comme une variable contrôlée dans d’autres conditions.

Cela est possiblement le cas lorsqu’une variable est sous le contrôle de différents
systèmes homéostatiques que l’on appelle donc des homéostats ou lorsqu’une variable
régulée est impliquée dans plusieurs modèles homéostatiques à la fois. Cette variable
peut alors être cooptée par un système ou par un autre selon les conditions.

Ceci survient fréquemment lorsqu’une variable physiologique joue un rôle dans plusieurs
fonctions physiologiques, ce qui est souvent le cas. C’est à ce stade que le concept de
hiérarchie des homéostats est important. C’est là que CARPENTER a montré que le
maintien d’une variable régulée au plus proche de sa consigne était plus important que
le maintien conjoint et moins strict de plusieurs variables régulées.

Il est parfois utile de sacrifier le maintien de certaines variables proches des valeurs
consignes afin de n’en choisir qu’une, la plus importante.

Toutes les variables régulées n’ont pas la même importance pour l’épanouissement
de l’individu ou simplement la vie ou la survie. On parle de hiérarchie des
homéostats.
Ceci est la propriété intellectuelle du TAM, toute reproduction ou partage est strictement interdit et
entraînera une exclusion définitive
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Par exemple, la pression partielle en dioxyde de carbone dans le sang artériel remplit
toutes les conditions pour être considérée comme une variable homéostatique, assez
stricte d’ailleurs. La concentration sanguine en ions hydrogène H+ aussi. Le pH sanguin
est une variable régulée très strictement.

Cette PaCO2 est maintenue par une boucle de rétrocontrôle négatif et grâce à la
fonction respiratoire principalement, par l'intermédiaire de la fréquence respiratoire et de
la profondeur de la respiration dans des limites strictes permettant ainsi de maintenir
dans des limites elles aussi strictes cette PaCO2 dans le milieu extracellulaire cette fois-ci
car il y a une communication entre les compartiments

Si on considère les deux homéostats en même temps (PaCO2 et [H+] donc le pH), tout le
monde sait que finalement la PaCO2 est sujette à variations en partie lors de la régulation
de l’équilibre acido-basique du sang artériel par la fonction respiratoire. En effet, la
fonction respiratoire intervient dans le maintien d’un pH du sang artériel relativement
constant : c’est l’équilibre acido-basique.

La quasi-constance de cette variable est donc toute relative. La PaCO2 se comporte


alors comme une variable contrôlée. Il est en effet moins dommageable de maintenir
constant le pH du sang artériel et/ou celui du milieu extracellulaire au détriment du
maintien d’une PaCO2 relativement stricte que de maintenir les deux variables dans une
fenêtre relativement large.

L’organisme privilégie le maintien du pH artériel et donc extracellulaire le plus


strictement possible, proche de sa valeur consigne au détriment d'autres homéostats
considérés comme moins dommageables.

VI. LE MOT DE LA FIN :-)


Le prof propose, pour ceux qui le souhaitent, de consulter les 3 références listées ci-
dessous :

Pour toute question, il dit de passer par le comité des études. Ce qui est important pour
lui de retenir sont les mécanismes et non pas l’ensemble des détails qui ont pu être
parfois fournis. Il faut comprendre les problématiques physiologiques et les mécanismes
mis en œuvre et la façon dont ces mécanismes sont mis en œuvre au sein d’un
organisme homéostatique.
Ceci est la propriété intellectuelle du TAM, toute reproduction ou partage est strictement interdit et
entraînera une exclusion définitive
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