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Revue de chirurgie orthopédique et traumatologique (2009) 95, 270—274

FAIT CLINIQUE

Traitement chirurgical des fractures de l’apophyse


odontoïde de l’axis, associées à une fracture de
l’arc postérieur de l’atlas : à propos de quatre cas夽
Surgical management of a combined fracture of the odontoid process
with an atlas posterior arch disruption: A review of four cases

K. Ben Aïcha , C. Laporte ∗, W. Akrout , A. Atallah , G. Kassab , D. Jégou

Service de chirurgie orthopédique et traumatologique, hôpital de Meaux, 6 bis, rue Saint-Fiacre, 77100 Meaux, France

Acceptation définitive le : 17 novembre 2008

MOTS CLÉS Résumé Quatre cas d’association de fractures opérées de l’apophyse odontoïde de l’axis,
Fracture ; associées à une fracture de l’arc postérieur de l’atlas sont présentés. Trois types d’intervention
Atlas ; ont été réalisées : arthrodèse atlas-axis, arthrodèse occipitocerviale et vissage de l’odontoïde.
Odontoïde ; Sur la base de la littérature et de notre expérience, l’attitude thérapeutique est discutée en
Chirurgie fonction du type de fracture de l’odontoïde, de la présence de troubles neurologiques tout en
rappelant que le laçage n’est pas indiqué du fait de la solution de continuité de l’arc postérieur
de C1.
© 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Introduction cette association lésionnelle est réputée pour être à


l’origine de difficultés diagnostiques et surtout thérapeu-
L’association des fractures de l’atlas et de l’axis repré- tiques. En particulier, si le traitement orthopédique a
sente près de 3 % des lésions du rachis cervical et 12 % longtemps été préconisé, il semblerait qu’actuellement
de celles du rachis cervical supérieur [1]. Fréquemment le traitement chirurgical soit fréquemment proposé, sans
associée à des troubles neurologiques, parfois léthales, qu’aucun consensus ne soit clairement établi concernant
la technique à employer. Nous nous proposons d’étudier
rétrospectivement une série de quatre patients présen-
tant une association de fractures de C1 et de C2 traitées
DOI de l’article original : 10.1016/j.otsr.2008.11.004. chirurgicalement : au vu de cette expérience et d’une
夽 Ne pas utiliser, pour citation, la référence française de cet
revue de la littérature, le but de ce travail est de mettre
article, mais celle de l’article original paru dans Orthopaedics
&Traumatology: Surgery & Research, en utilisant le DOI ci-dessus. l’accent sur les difficultés de prise en charge de ces
∗ Auteur correspondant. lésions, notamment concernant le type de chirurgie à
Adresse e-mail : c-laporte@ch-meaux.fr (C. Laporte). proposer.

1877-0517/$ – see front matter © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.rcot.2008.11.005
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Tableau 1 Résumé des quatre observations.

Cas no Âge (ans) Circonstances Type de lésion Intervention Recul Consolidation


de l’accident (mois)

1 83 Chute du lit Fx odontoïde type II Arthrodèse Décès à


OBAR occipitocervicale 4 mois
Fx 2 arcs de C1
2 20 AVP Fx odontoïde type II Vissage transarticulaire 18 Oui
OBAV postérieur C1—C2
Fx arc postérieur de C1
3 68 Chute à vélo Fx odontoïde type II Vissage antérieur de 18 Oui
OBAR l’odontoïde
Fx arc postérieur de C1
4 87 Chute à vélo Fx odontoïde type II Vissage transarticulaire Décès à
HTAL postérieur C1—C2 2 mois
Fx arc postérieur de C1

Observations ne présentait aucune amélioration sur le plan neurologique


et décédait quatre mois après l’intervention (Tableau 1)
Cas no 1 (Fig. 1).

M.C., 83 ans, était retrouvé en état d’arrêt cardiorespira-


toire nécessitant une réanimation au décours d’une chute Cas no 2
de son lit. L’examen à la levée de la sédation trouvait une
tétraparésie incomplète prédominant aux deux membres M.P., 20 ans, présentait un traumatisme du rachis cervi-
supérieurs. Une radiographie et une tomodensitométrie cal sans troubles neurologiques au décours d’un accident
(TDM) cervicale mettaient en évidence une fracture de de voiture. Au bilan radiographique il existait une frac-
l’odontoïde type II d’Anderson et D’Alonzo [2] et de type ture de l’odontoïde type II OBAV (oblique en bas et en
oblique en bas et en arrière (OBAR) selon Roy-Camille et avant) à déplacement antérieur associé à une fracture de
al.[3] avec un déplacement postérieur associé à une frac- l’arc postérieur de C1. Il était opéré au neuvième jour
ture des deux arcs de C1. Un halo crânien était posé avec du traumatisme par arthrodèse C1—C2 avec vissage trans-
traction au lit afin de réduire le déplacement postérieur. articulaire postérieur suivi d’une immobilisation par un
Le patient demeurait intubé sans amélioration des troubles corselet minerve pendant six semaines. Les suites opéra-
neurologiques, et présentait rapidement des complications toires étaient simples. Au dernier recul, la fracture était
de décubitus. Pour simplifier le nursing, le patient était consolidée aux dépens d’une pseudarthrodèse : vis cas-
opéré, et l’intervention consistait en une arthrodèse occi- sée au ras des articulaires C1—C2, avec récupération de
pitocervicale en utilisant des plaques de Roy-Camille suivie la fonction de rotation cervicale sans douleur ni séquelle
d’une immobilisation par un corselet minerve. Le patient (Fig. 2).

Figure 1 A. Fracture C2 type II OBAR et C1, avec réduction du déplacement par halo tracté. B. TDM : fracture de Jefferson de C1
(arcs antérieurs et postérieurs). C. Arthrodèse occipitocervicale.
272 K. Ben Aïcha et al.

Figure 2 A. TDM : fracture arc postérieur de C1 et base de l’odontoïde. B. Fracture C2 type II OBAV à déplacement antérieur.
C. Vissage transarticulaire C1/C2 postérieur.

Cas no 3 corselet minerve pendant trois mois. Les suites opératoires


étaient simples avec consolidation acquise sans déplace-
Mme D., 68 ans, était victime d’une chute à vélo occasion- ment secondaire à trois mois, et une fonction rachidienne
nant plusieurs fractures : fracture de la 11e côte gauche satisfaisante, non douloureuse à un an et demi (Fig. 3).
avec contusion pulmonaire, fracture de la 7e vertèbre tho-
racique, fracture de l’arc postérieur de C1 non déplacée
et fracture de l’odontoïde type II (OBAR) non déplacée et Cas no 4
sans troubles neurologiques. Elle était opérée dans un pre-
mier temps de la fracture du rachis dorsal alors que pour M.P., 87 ans, présentait un traumatisme crânien avec tétra-
la fracture du rachis cervical il était décidé un traitement plégie incomplète prédominant aux membres supérieurs au
orthopédique par corselet minerve. Au contrôle radiogra- décours d’une chute à vélo. Au bilan radiographique il exis-
phique fait à quatre semaines du traumatisme, il existait un tait une fracture de l’odontoïde type II horizontale (HTAL,
net déplacement postérieur de l’odontoïde, se réduisant en [3]) à déplacement postérieur avec une fracture de l’arc
flexion. Il était décidé un traitement chirurgical par vissage postérieur de C1. Il était réalisé la pose d’un halo crânien
antérieur de l’odontoïde suivi d’une immobilisation par un de traction permettant une réduction du déplacement et

Figure 3 A. Fracture C2 type 2 OBAR et arc postérieur de C1, non déplacées. B. Déplacement secondaire en arrière de l’odontoïde.
C. Vissage antérieur : vue de profil à un an postopératoire. D. Vissage antérieur : vue de face à un an postopératoire.
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Figure 4 A. Fracture type II HTAL à déplacement postérieur et arc postérieur de C1. B. Vissage transarticulaire C1/C2 postérieur.

récupération incomplète des troubles neurologiques (per- [9], Levine et Edwards [10], Guiot et Fessler [11], Vieweg
sistance d’une diplégie brachiale). Le patient était intubé et al. [12]), c’est la fracture de l’odontoïde qui oriente la
pour un syndrome de défaillance respiratoire secondaire stratégie thérapeutique.
à un hématome rétropharyngien, puis opéré au 4e jour : Le traitement orthopédique est indiqué dans le cas d’une
l’intervention consistait en une arthrodèse C1—2 par vis- fracture de la base non déplacée, stable [13]. Différentes
sage transarticulaire postérieur suivie d’une immobilisation modalités de prise en charge ont été décrites : immobi-
par un corselet minerve. Un vissage antérieur, sans doute lisation rigide par une minerve à appui occipitofrontal,
plus adapté, n’a pu être réalisé du fait de l’anatomie du sternal et mentonnier, ou traction puis immobilisation par
patient : cou court et thorax proéminent. L’amélioration une orthèse rigide en gardant la tête en traction type Halo
neurologique était nette,mais il persistait cependant une plâtre ([4],[7],[9—12]). La traction crânienne peut aussi
monoplégie du membre supérieur gauche avec des troubles être employée transitoirement dans le cadre de l’urgence,
de la déglutition et des fausses routes à répétition. Le devant une fracture de l’odontoïde à grand déplacement
patient décédait brutalement à deux mois postopératoire pour aligner la colonne et décomprimer la moelle épinière
probablement d’une asphyxie sur « fausse route » (Fig. 4). en attendant un traitement chirurgical.
Cependant, il est maintenant acquis que dans le cadre
Discussion d’une fracture de la base de l’odontoïde, type II d’Anderson
et D’Alonzo [2], où le risque de pseudarthrose est particuliè-
rement élevé, le traitement chirurgical est souvent indiqué
L’association des fractures de l’atlas et de l’axis représente
et notamment en cas de fracture déplacée, instable du
3 % des lésions aiguës du rachis cervical et 12 % de celles du
fait du risque de pseudarthrose, ou chez un patient atteint
rachis cervical supérieur [1], 43 % des fractures de l’atlas et
de complications neurologiques [14]. Or, la présence d’une
16 % des fractures de l’axis [4]. Elles touchent le plus sou-
solution de continuité de l’arc postérieur de C1 contre-
vent le sujet âgé suite à un traumatisme banal, et sont plus
indique le laçage des arcs postérieurs de C1 et de C2.
fréquemment associées à des troubles neurologiques avec
Pour éviter cet écueil, plusieurs techniques peuvent
possible évolution fatale que les fractures de C1 ou C2 iso-
être employées, orientées par l’appréciation du risque
lées : 80 à 85 p100 de mortalité à un mois et demi pour
de déplacement, grâce à la classification de Roy-Camille
Fowler et al.[5] et Hanssen et Cabanela [6]. Selon Dickman
[3].
et al. [7], l’association lésionnelle la plus fréquente est la
fracture de l’arc postérieur de l’atlas et de l’odontoïde type
II, car le mécanisme traumatique habituellement retrouvé Un vissage antérieur de l’odontoïde
est l’hyperextension rachidienne. C’est cette association qui
concernait trois de nos quatre patients, un ayant une frac- En cas de fracture OBAR ou HTAL, un vissage antérieur de
ture des deux arcs de l’atlas. Malgré sa fréquence, cette l’odontoïde peut être indiqué ([4], [11], cas no 2). Pour Apos-
association lésionnelle est peu rapportée dans la littéra- tolides et al. [15] ou Agrillo et Mastronardi [16], le vissage
ture ce qui explique l’absence de schéma thérapeutique antérieur de la fracture de l’odontoïde peut être sécurisé
clair pour sa prise en charge. Il est admis que le traitement par une arthrodèse atloïdo-axoïdienne antérieure par vis-
des fractures de l’atlas est avant tout orthopédique (collier sage transarticulaire bilatéral : il s’agit du triple vissage
minerve, halo plâtre, halo veste [5,8]). Ainsi, pour la majo- antérieur. Le faible nombre de cas, et les difficultés de cette
rité des auteurs (Mc Cormick [4], Dickman et al. [7], Levine technique sont cependant soulignées par les auteurs.
274 K. Ben Aïcha et al.

Une chirurgie postérieure de l’apophyse odontoïde de l’axis qui oriente la stratégie


de prise en charge. Comme pour les fractures isolées de
En cas de fracture oblique en bas et en avant (OBAV), le l’atlas et de l’axis, l’association de fractures de C1 et de
vissage antérieur n’est pas indiqué. C’est donc vers une chi- C2 peut être traitée avec succès par une immobilisation
rurgie postérieure qu’il faut s’orienter mais sans laçage. Le externe seule à condition que la fracture de l’odontoïde soit
vissage transarticulaire C1—C2 postérieur (cas no 3 et 4) peut stable et peu déplacée. En cas d’indication chirurgicale, la
être employé [11]. Chez un sujet jeune, l’apport de greffe solution de continuité de l’anneau de l’atlas contre indique
est discutable, car l’ablation des vis permet, une fois la le laçage et donc trois solutions peuvent être choisies :
consolidation acquise, la restitution d’une certaine mobilité soit une arthrodèse C1—C2 par vissage tranarticulaire
atloïdo-axoïdienne. postérieur, soit un vissage antérieur de C2, soit une fixation
occipitocervicale.
La fixation occipitocervicale
Références
Une solution de « sauvetage » peut enfin être employée :
la fixation occipitocervicale. Cette technique a été pro- [1] Gleizes V, Jacquot F, Signoret F, Feron JM. Combined injuries
posée par plusieurs auteurs (Mc Cormick [4], Levine [9]). in the upper cervical spine: clinical and epidemiological data
Elle semble être réservée aux patients présentant une over a 14-year period. EurSpineJ 2000;9:386—92.
rupture de l’anneau de C1 avec une grande instabilité [2] Anderson LD, D’Alonzo RT. Fractures of the odontoid
C1—C2 (fracture séparation de C1 avec rupture du ligament process of the Axis. J Bone Joint Surg (Am) 1974;56:
1663—74.
transverse et subluxation occipitocervicale ou C1—C2) ou
[3] Roy-Camille R, Saillant G, Judet T, De Botton G, Michel G. fac-
en présence de troubles neurologiques majeurs (cas no 1).
teurs de gravité des fractures de l’odontoïde. Rev Chir Orthop
Cette intervention permet une mobilisation du patient et 1980;66:183—6.
facilite les soins de réanimation. [4] Mc Cormick PC. Management of combination fracture of the
Atlas and Axis in adults. Guidelines for the management of
Dans notre série, le laçage a pu être systématiquement acute cervical spine and spinal cord injuries. Neurosurgery
évité en faisant appel à des techniques orientées par le 2002;50:S140—147.
[5] Fowler JL, Sandhu A, Fraser RD. A review of fractures of the
trait de fracture de C2 et son déplacement, ainsi que l’état
Atlas vertebra. JSpinal Disord 1990;3:19—24.
du malade. Seulement deux patients ont survécu, les deux [6] Hanssen AD, Cabanela ME. Fractures of the dens in adult
autres étant probablement décédés directement à cause patients. JTrauma 1987;27:928—34.
des troubles neurologiques induits par l’accident. Chez ces [7] Dickman CA, Hadley MN, Browner C, Sonntag VKH. Neurosurgi-
patients présentant de graves complications neurologiques, cal management of acute Atlas-Axis combination fractures: A
du fait des soins de nursing et de réanimation, nous pen- review of 25 cases. JNeurosurg 1989;70:45—9.
sons qu’il faut savoir rapidement poser l’indication d’une [8] Judet T. Pathologie traumatique du rachis cervical supérieur.
solide fixation occipitocervicale avec ou sans greffe qui a In: Duparc J, editor. Cahier ens. SOFCOT, 52. Elsiever; 1995. p.
l’avantage de permettre de se passer d’une immobilisation 137—46.
externe. Sinon le traitement orthopédique doit être indi- [9] Levine AM Fractures of the Atlas. In: Levine, Eismont, Gar-
fin, Zigler editors, Spine trauma, W.B Saunders company. 1998,
qué dans le cadre d’une fracture stable non déplacée de C2
209—226.
sans troubles neurologiques. En cas de déplacement, c’est [10] Levine AM, Edwards CC. Treatment of injuries in the C1—C2
l’orientation du trait de fracture de C2 décrite par la classi- complex. Orthop Clin North Am 1986;17:31—44.
fication de Roy-Camille [3] qui peut orienter l’attitude vers [11] Guiot B, Fessler R. Complex atlantoaxial fracture. JNeurosurg
une chirurgie antérieure ou postérieure, avec ou sans pose 1999;91:139—43.
de Halo au préalable. La connaissance de la pratique des dif- [12] Vieweg U, Meyer B, Schramm J. Differential treatment in acute
férents types de vissage de C1—C2 et de C2 est un préalable upper cervical spine injuries: A critical review of a single ins-
indispensable. titution series. Surg Neurol 2000;54:203—11.
[13] Ekong CE, Schwartz ML, Tator CH, Rowed DW, Edmonds VE.
Odontoid fracture: Management with early mobilisation using
Conclusion the halo device. Neurosurgery 1981;9:631—7.
[14] Esses SI, Bednar DA. Screw fixation of odontoid fractures and
L’association des fractures de l’atlas et de l’axis est fré- non-unions. Spine 1991;16(Suppl. 10):S483—5.
quente (12 % des fractures du rachis cervical supérieur). [15] Apostolides PJ, Theodore N, Karahalios DG, Sonntag VK. triple
Elle touche surtout le sujet âgé. L’incidence des troubles anterior screw fixation of acute combination atlas-axis frac-
neurologiques est plus élevée en cas d’associations qu’en ture. Case report. J Neurosurg 1997;87:96—9.
cas de fracture isolée. L’association de fracture de l’arc [16] Agrillo U, Mastronardi L. Acute combination fracture of Atlas
postérieur de C1 et de l’odontoïde de type II semble être la and Axis: ‘‘triple’’ anterior screw fixation in a 92-year-old man.
Technical note. Surg Neurol 2006;65:58—62.
plus fréquente. Dans la majorité des cas, c’est la fracture

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